351-400|fr|360 Lettre aux volontaires de don bosco,ecc, a l'occasion du 80e anniversaire de leur institut
  1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR

__________________________________________________________________________



LETTRE AUX VOLONTAIRES DE DON BOSCO,

AUX SALÉSIENS ET AUX GROUPES DE LA FAMILLE SALÉSIENNE

A L'OCCASION DU 80e ANNIVERSAIRE DE LEUR INSTITUT



Introduction - Les nouveautés de l'Esprit de Dieu - Le ministère du Recteur majeur - Le caractère salésien de l'Institut - Un donné qui interpelle les salésiens et la Famille salésienne - La sécularité consacrée - Les

notes originales de la sécularité consacrée - La consécration qualifie la sécularité - La sécularité « définit » la consécration - La mission des séculiers consacrés - Une spiritualité séculière originale - Conclusion.



Rome, le 24 mai 1997

fête de Marie Auxiliatrice



Chers confrères,


Mes visites à différentes parties de la Congrégation m'ont fait voir l'intérêt des Provinces et des communautés locales pour les orientations du CG24. En certains lieux, on en est encore aux premières approches, mais ailleurs se dessinent déjà des lignes concrètes d'animation pour les communautés éducatrices et pastorales, pour la Famille salésienne et pour le Mouvement salésien.

Je suis de plus en plus convaincu de la fécondité de ces trois terrains de travail qui nous permettent d'associer de nombreux laïcs, de mettre à profit la vocation, la compétence ou l'affinité avec notre esprit qu'ils portent en eux, et de les rendre coresponsables de la mission salésienne par des activités adéquates de formation.

Je constate en particulier que la Famille salésienne, au sujet de laquelle j'ai déjà eu l'occasion de vous écrire, se renforce par la croissance de chaque groupe et l'attention qu'ils portent à l'ensemble. Ces deux mouvements vont de pair. Chaque groupe est appelé à s'étendre par l'accueil de nouveaux membres, à se renforcer en lui-même par un programme de formation, et à se rendre autonome dans ses activités apostoliques et son organisation. Dans l'ensemble, par ailleurs, la communication se développe, une coordination se met en place à l'avantage de tous selon les besoins concrets, sans schémas rigides, ce qui offre à tous un appui réciproque et permet d'approfondir la spiritualité commune.

C'est précisément dans la perspective d'aider chaque groupe à se développer et à regarder l'ensemble qu'il m'a semblé bon de vous présenter, à vous aussi, le texte de la lettre que j'ai écrite pour les Volontaires de Don Bosco, à leur demande, à l'occasion du 80e anniversaire de la fondation de leur Institut.

Il sera utile, me suis-je dit, que toute la Famille salésienne connaisse mieux cet Institut, qui compte actuellement presque 1300 membres, avec 150 groupes et sous-groupes, répartis dans 44 pays, et qui peut encore s'étendre dans bien des pays où d'autres groupes de notre Famille spirituelle sont déjà à l'œuvre. En même temps, une réflexion sur leur identité nous aidera, nous salésiens et toute la Famille salésienne, à mieux comprendre la dimension laïque et séculière de notre mission, dimension que nous nous sommes justement proposé d'assumer avec décision durant ce sexennat, au point de vue surtout des conséquences pratiques.

La lettre devra avoir aussi des conséquences pratiques pour l'assistance spirituelle que nos Règlements (cf. art. 40) nous chargent de donner aux VDB, et qui présente pour le moment des exigences nouvelles, vu la situation du monde et le moment que vit l'Eglise.

Je confie donc cette lettre à votre lecture attentive, en guise aussi de remerciement au Seigneur et de témoignage d'affection à l'égard de nos sœurs Volontaires. Elle concerne notre charisme, notre esprit, notre mission et notre Famille.



* * *



Très chères sœurs en don Bosco,


Dès ma première rencontre avec votre Conseil central, vous m'avez adressé l'invitation à écrire une lettre, adressée à l'Institut, dans laquelle, à l'occasion du 85e anniversaire du début de votre Institut, je pourrais vous offrir un encouragement à poursuivre la rénovation que vous avez entreprise à la lumière de Vatican II.

Je réponds volontiers à votre désir. Il est en continuité avec la réflexion du CG24 des salésiens qui ont voulu approfondir le sens du partage et de la communion dans l'esprit et la mission de don Bosco avec les laïcs, dont la vocation est marquée par le caractère séculier : et vous représentez pour nous une catégorie privilégiée de séculiers, comme un point de fusion et de rencontre entre l'expérience des religieux et celle des laïcs.

Cette lettre me donne l'occasion de repenser la signification et la valeur du charisme salésien, vécu dans la sécularité consacrée ; et de saisir, dans la mémoire d'un fait qui pourrait ne sembler qu'une date du calendrier, un événement de grâce qui appelle tous les membres de la Famille salésienne à renouveler leur prise de conscience et leur engagement.

Je ne voudrais pas répéter des choses trop connues, que vous cherchez avec beaucoup d'attention à traduire dans la vie concrète. Mais en pensant aux différents groupes de la Famille salésienne, il me semble bon de reprendre certaines affirmations qui constituent déjà le patrimoine acquis de l'Eglise et devrait faire partie de notre vision et de notre mentalité à tous.

En tant qu'Institut séculier, vous représentez un fait caractéristique dans l'Eglise. M'arrêter à considérer les aspects qui constituent votre nouveauté et les racines de votre originalité, nous aidera tous à être plus conscients de la vocation salésienne en vue d'une plus grande fidélité.



1. Les nouveautés de l'Esprit de Dieu


Votre vocation à la consécration dans le monde prend forme dans le contexte historique et ecclésial de la postmodernité naissante.

L'humanité se trouve à un tournant crucial de son histoire, qui se caractérise par de nombreux signes positifs, mais aussi beaucoup de signes ambigus. Parmi ceux-ci, la tendance à penser qu'elle peut se suffire à elle-même et qu'elle n'a donc pas besoin de Dieu ni du sacrement de l'Eglise pour bâtir et développer sa vie. Nous assistons au divorce dangereux entre le progrès technique et scientifique et la foi au Dieu vivant, qui se voit reléguée dans le domaine privé.

Pour le 25e anniversaire de la constitution apostolique Provida Mater, Paul VI affirmait : « Le problème le plus grave du développement actuel est dans le rapport entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel » 1.

Les signes de cette tendance nous interpellent avec insistance. D'un côté s'éclipse la référence religieuse dans beaucoup de domaines de la vie publique et sociale ; mais de l'autre s'observe une tendance vers des expériences vaguement spirituelles qui comportent une fuite de l'existence concrète.

Pour sa part, l'Eglise s'est arrêtée avec une attention particulière sur le cheminement de la vie consacrée. Celle-ci connaît depuis longtemps bien des formes diverses et s'ouvre encore à de nouvelles réalisations qui n'avaient jamais été imaginées. C'est la nouveauté de l'Esprit qui est présente en tout temps.

La consécration séculière représente une de ces nouveautés dans lesquelles l'Eglise n'a jamais cessé de saisir et de reconnaître des signes 2.Vous en connaissez les étapes fondamentales, parce que vous les avez suivies et vous vous y êtes associées personnellement : Provida Mater (1947), le premier congrès international des Instituts séculiers (1970), l'exhortation apostolique sur la Vie consacrée (1995) et la célébration du cinquantième anniversaire de Provida Mater (1997).Vous savez aussi évaluer la richesse des indications que vous ont offertes les Souverains Pontifes, de Pie XII à Jean-Paul II.

Votre Institut a suivi avec élan le cheminement de rénovation voulu par le Concile et, dans ses assemblées générales, il a su approfondir les différents points constitutifs de son charisme.

Après la reconnaissance de l'Institut par le Pape (7 août 1978), vous avez vécu en profondeur la nouvelle mouture de vos Constitutions, et trouvé en elles une grande richesse spirituelle.

La béatification du P. Philippe Rinaldi (1990) a donné une nouvelle impulsion à votre renouveau, qui fut accompagné par le Recteur majeur, le P. Egidio Viganò, qui est toujours resté à vos côtés comme un père, par sa parole et sa sympathie, sa réflexion et son orientation pratique.

Entre temps, vous vous êtes étendues à de nouvelles régions et votre nombre n'a cessé de s'accroître, tandis que vous renforciez votre organisation par l'animation et que vous vous donniez des moyens efficaces de formation. Votre Institut est aujourd'hui nombreux, solide sur ses bases, fécond en vocations et capable d'autonomie.

La situation religieuse et sociale actuelle impose de considérer qui vous êtes et comment vous vous situez dans l'Eglise et dans la Famille salésienne.

Nous reconnaissons tous que, dans l'Eglise et, pour notre part, dans la Famille salésienne, « jaillissent constamment des bourgeons nouveaux et une floraison inattendue d'initiatives de sainteté » 3 (pour reprendre les mots de Paul VI). Et nous sentons que tous tireront profit à en prendre conscience.



  1. Le ministère du Recteur majeur


Je lis dans vos Constitutions : « La fondation, le projet de vie et la tradition font à l'Institut une place au sein de la Famille Salésienne ; il a été reconnu officiellement comme en faisant partie.

L'Institut reconnaît dans le Recteur Majeur des Salésiens, successeur de don Bosco, le Père de toute la Famille, celui qui est appelé à promouvoir entre les différents groupes et les membres l'unité d'esprit et la fidélité à la mission commune » 4.

En vertu de la conscience commune de ma paternité qui dérive de don Bosco et en fidélité à la tâche qui m'a été confiée de garder et de promouvoir l'esprit salésien, en harmonie avec les différentes réalisations de la vocation salésienne, j'entreprends la réflexion suivante sur la sécularité consacrée.

Je le ferai à partir de points de vue nombreux et complémentaires : la Famille salésienne dans son ensemble, l'originalité de l'Institut séculier des VDB, la relation des Volontaires avec la Congrégation, l'esprit salésien dans ses différentes colorations selon le groupe, et d'autres du même genre.

Par son style, cette lettre veut rester fraternelle et offrir des orientations. Elle unira donc des points de réflexion et des encouragements de conduite.

C'est une lettre que je vous adresse, chères sœurs, mais je l'offre aussi à tous les groupes de la Famille salésienne pour qu'ils la lisent avec attention. Elle contribuera, je l'espère, à vous enrichir les uns les autres par la connaissance et la communication des dons de chacun. Cela développera l'esprit de don Bosco que vous partagez et que vous enrichissez de vos réalisations originales.

L'événement du 80e anniversaire de la fondation de votre Institut devient ainsi un événement de grâce et de fidélité qui nous associe tous dans la Famille.



  1. Le caractère salésien de l'Institut


On a écrit bien des choses à ce propos. Vous en avez condensé l'essentiel dans l'article 5 des vos Constitutions : « Les Volontaires vivent leur vocation en assumant le charisme salésien qui les qualifie dans l'Eglise et dans le monde.

« La charité pastorale, noyau central de l'esprit de don Bosco, les rend particulièrement sensibles et ouvertes aux valeurs humaines et évangéliques que le saint à puisées dans le cœur du Christ.

« Comme don Bosco, elles ont une confiance totale en Marie et savent qu'Elle continue dans l'histoire " sa mission de Mère de l'Eglise et d'Auxiliatrice des chrétiens " » 5.

Il pourrait être superflu de s'arrêter sur ce point de la vocation de la VDB, si l'on tient compte de votre origine et de votre développement. Mais je trouve intéressant d'y attirer encore une fois brièvement votre attention parce qu'il est à la base de votre originalité parmi les Instituts séculiers et qu'au cœur de la Famille salésienne même, elle constitue une réalisation typique.

Vous définissez le charisme salésien comme « vous qualifiant dans l'Eglise et dans le monde » 6. Faites-en votre signe distinctif : que les autres reconnaissent en vous la racine salésienne. Que la vie montre le lien que vous avez avec le monde salésien, pour que votre façon de penser et d'agir, vos options et vos critères, vos paroles et le témoignage de votre vie expriment et répandent l'esprit salésien dans l'Eglise et dans le monde.

Dans la lettre qu'il vous a adressée en 1979, le P. Egidio Viganò vous rappelait que « la "salésianité " n'est pas un ajout à votre consécration, mais la substance même qui la constitue et la fait vivre » [cf. Actes n°295, p. 60].

Cela signifie que votre consécration trouve une explicitation dans certaines valeurs de la vie évangélique que vous vivez dans l'esprit salésien, ou bien qu'elle ne peut avoir l'importance que requiert l'Eglise par la reconnaissance officielle qu'elle a accordée.

Je voudrais ramasser tout cela dans une seule formule : votre sanctification est salésienne ou n'est pas.

Telle est la « qualification » dont parle l'article des Constitutions. Elle ne réduit pas les espaces de la qualité séculière ni n'en décolore la vivacité. Au contraire, elle soutient, vivifie et oriente la marche des personnes qui vivent dans le monde, par la radicalité typique d'une consécration.

La réussite se situe pour vous dans l'harmonie des dimensions que vous voulez mettre ensemble, autour et en vertu de votre caractère salésien.

Sur ce point la réserve ne joue pas. On peut vous connaître et vous pouvez vous révéler ouvertement comme disciples de don Bosco dans votre engagement de sainteté.



  1. Un donné qui interpelle les salésiens et la Famille salésienne


La réflexion sur le caractère salésien qui vous distingue provoque en moi une question : l'Institut des Volontaires est-il suffisamment connu de mes confrères et de tous les membres de la Famille salésienne ?

Ce n'est pas une question oratoire. Quelques réflexions entendues parfois dans nos communautés et les groupes, que je reporte en les simplifiant, soulignent certaines dimensions du problème et des questions à ne pas négliger.

Votre identité n'est pas claire aux yeux de certains. Ils la voient à mi-route entre celle des sœurs et celle des laïcs, parce que sans signes visibles pour la définir ! C'est ce qui explique probablement leur difficulté de parler de votre vocation.

D'autres s'étonnent de votre réserve. Il leur semble qu'elle vous astreigne à un difficile exercice de présence-absence, vous oblige à des formes d'évangélisation peu marquantes et réduise les possibilités de vocations.

D'autres enfin se posent des questions sur votre engagement réel dans la société sécularisée pour proposer des voies évangéliques à tous les frères et sœurs qui sont au cœur d'un monde de consommation et ont perdu le sens de la vie. Ils pensent que votre présence est mieux en accord avec l'Eglise qu'avec le milieu séculier.

Si ces questions existent, c'est peut-être aussi parce que nous, les salésiens, nous avons à mieux connaître la nature effective de votre Institut séculier, tant au sein qu'au dehors de la Famille salésienne. Je souhaite donc que cette lettre suscite la réflexion dans les communautés des salésiens.

La vocation salésienne a besoin de se réaliser sous bien des formes, pour entrer dans la vie quotidienne avec des originalités diverses : celle des Volontaires a sa caractéristique et son sens dans l'harmonie qu'elle établit entre l'option de l'évangélisation et l'insertion dans les contextes humains ordinaires. Elle a donc ses possibilités et ses formes particulières de présence et d'intervention.



  1. La sécularité consacrée


Vous, les VDB, vous êtes donc des salésiennes et ce qui vous caractérise, c'est la sécularité consacrée.

C'est à juste titre que, dans votre IVe Assemblée générale, vous mettez à la base de votre réflexion sur la sécularité consacrée le mystère et le critère de l'Incarnation. Cette perspective permet de relire le sens de la consécration séculière et la spiritualité qui doit soutenir votre vie.

Compte tenu de ce que vous avez vous-mêmes présenté à vos sœurs, j'indique quelques pas de plus à accomplir dans le développement de la vocation d'une VDB.

Je me rends compte, dès le début, qu'il reste encore bien des problèmes ouverts, à propos de la consécration séculière. Un exemple tout simple mais immédiat est l'utilisation indifférenciée ou préférentielle des expressions « sécularité consacrée » ou « consécration séculière ». La façon différente de s'exprimer comporte une nuance qui a son importance.

Je n'ai pas l'intention d'aborder tous les problèmes, ni de les étudier sous leurs différents aspects : cela exigerait un vaste traité de théologie, de droit et de spiritualité. Mais je me situe du côté de la Famille salésienne pour l'aider à comprendre, et de votre côté pour vous encourager à réaliser pleinement votre vocation.

Il faut reconnaître que la sécularité (et par conséquent la sécularité consacrée) est un état de vie en mouvement continuel. Des situations changeantes se trouvent en effet chaque jour dans le domaine de la famille, de l'économie, de la vie sociale, des options politiques, en somme de l'engagement humain.

Mais il y a des points de référence qui sont définitivement acquis. Un texte du décret Perfectae caritatis précise la signification et l'orientation des Instituts séculiers. « Les instituts séculiers, dit-il, bien qu'ils ne soient pas des instituts religieux, comportent cependant une profession véritable et complète des conseils évangéliques dans le monde, reconnue comme telle par l'Eglise. Cette profession confère une consécration à des hommes et à des femmes, à des laïcs et à des clercs vivant dans le monde.

« Par conséquent, il faut qu'ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spécifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l'apostolat dans le monde et comme au sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créés.

« Qu'ils sachent bien cependant qu'ils ne pourront accomplir cette tâche que si les membres reçoivent une solide formation dans les choses divines et humaines afin d'être vraiment dans le monde un levain pour la vigueur et l'accroissement du Corps du Christ. Que les supérieurs veillent donc sérieusement à ce qu'une formation, surtout spirituelle, leur soit donnée et se poursuive ultérieurement. » 7

Cette longue citation me sert à réaffirmer les points fondamentaux voulus et exprimés par le Concile, mais dont la portée réelle n'est pas encore assimilée par tous. Un commentaire aidera à trouver la réponse aux questions dont j'ai parlé plus haut.


Un caractère particulier.


Le texte du Concile affirme que les Instituts séculiers ne sont pas des instituts religieux. Il s'agit d'une distinction capitale : la vie consacrée séculière constitue un « type » différent de la vie consacrée religieuse.

« Vous enrichissez l'Eglise d'aujourd'hui, disait Paul VI, en donnant un exemple particulier de sa vie " séculière " vécue d'une façon consacrée et un exemple particulier de sa vie " consacrée " vécue d'une façon séculière. » 8

L'exemplarité sur les deux terrains requiert une considération attentive. La sécularité n'est pas un semblant, une condition sociologique extérieure de vie, ni simplement un ensemble de dispositions intérieures, mais un contenu de la consécration et de la spiritualité.

De son côté, la consécration ne représente pas un facteur de sanctification de plus, mais s'enracine dans le sens de la sécularité et exprime l'âme de tout Institut séculier en tant que non seulement « situé », mais incarné dans le monde.


La consécration des membres des Instituts séculiers, est complète et vraie.


C'est une consécration moralement parfaite, dans la mesure du don de grâce communiqué à chacun, comme les autres types de consécration. Elle n'en est pas un modèle réduit, de seconde catégorie ; ni non plus une portion d'une vie religieuse « élargie », comme si elle en était un spécimen acclimaté. Moins encore une déviation. L'Esprit ne se répète pas.

Elle est une consécration originale qui s'exprime dans le cadre d'une institution nouvelle. Elle est complète parce qu'elle permet un don total de charité à Dieu et aux hommes, ce qui la rend authentique malgré certaines apparences mondaines.

Il s'agit d'une vie évangélique qui se caractérise non par la séparation extérieure, psychologique ou spirituelle d'avec le monde, mais par l'exercice libre des conseils évangéliques au cœur du monde concret, en vue d'une offrande totale à Dieu et du salut des hommes.

Comme telle, la vie consacrée dans la sécularité saisit les nécessités spirituelles du monde où elle se situe et assume les aspirations les plus vraies et les plus profondes du monde ; mais elle présente aussi une échelle de valeurs différentes de celles que propose le monde refermé sur lui-même. Elle critique donc, par le témoignage et l'activité, la situation sans issue où vit souvent le monde ; dans le silence, elle devient pour les individus et la société un modèle inspirateur.


La consécration des membres des Instituts séculiers est « séculière », c'est-à-dire vécue au milieu du monde.


Certains ont mis en doute la possibilité d'une consécration séculière. Probablement parce qu'ils ne considèrent pas correctement le sens de la consécration, comme donation de charité.

La charité s'adapte et est capable de pénétrer toute la création. Elle peut se vivre dans tout état de vie, dans tout milieu social. Elle peut atteindre sa pleine floraison tout en restant en contact avec la réalité la plus matérielle ou corporelle de ce monde.

Certaines conditions sont certes nécessaires. L'Evangile les énonce et l'expérience de l'Eglise les explicite. Mais elles ne comportent ni la clôture ni la nécessité de recopier la vie religieuse.

La plénitude de la charité se présente comme une parabole, racontée par l'Esprit Saint au temps de l'Eglise, au temps des hommes, à travers des modalités sans cesse nouvelles.

En vérité, cet aspect représente un point difficile de conversion, même dans notre Famille salésienne, pour tous ceux qui ne connaissent pas directement les Instituts séculiers, ou qui ne sont pas suffisamment ouverts à l'action de l'Esprit qui « souffle où il veut ».



Les membres des Instituts séculiers peuvent être des hommes et des femmes, des laïcs et des prêtres.


La précision a son importance. Il faudrait approfondir les quatre mentions liées à la différence de genre et de situation dans l'Eglise, en se demandant pourquoi il est bon d'expliciter cette énumération.

La conclusion fondamentale est que la consécration séculière constitue « le caractère original commun », assume en une synthèse particulière les conditions et les traits dans leur diversité, pour les enrichir et s'enrichir d'eux.

Je n'approfondis pas le thème de la consécration séculière de la femme, qui vous concerne directement. Elle pourra faire l'objet d'une autre réflexion.

Mais j'aime rappeler en cette circonstance qu'en harmonie avec les Volontaires de don Bosco ont débuté les « Volontaires avec don Bosco » (VADB). Il s'agit d'un embryon d'Institut séculier pour hommes qui, pour le moment, vit dans divers pays du monde salésien et se développe en nombre et en qualité de présence. C'est un authentique don du Seigneur !

L'expérience acquise par la Congrégation avec les VDB sera mise à profit pour arriver à une bonne conclusion pour eux également.

Toutes ces catégories ont un point commun : la consécration vécue dans la condition séculière et la sécularité assumée jusqu'à la consécration.


Une caractéristique des Instituts séculiers est la sécularité.


L'image qui dépeint leur présence et leur action est celle du levain. A propos des séculiers consacrés, Pie XII disait qu'ils vivent au milieu du monde, que leur apostolat se fait par les moyens du monde, leur action vise la sanctification du monde et travaille à la façon du levain ; toute leur vie est un apostolat et doit se traduire en apostolat 9.

La sécularité qui est propre à la vocation des membres confère aux Instituts leur physionomie. Leur manière d'être dans la monde est celle du ferment dans la pâte. Inutile de leur demander d'être plus visibles. Chez eux, la profession n'entraîne aucune forme organisée de fraternité pour exprimer leur nouvelle appartenance. L'obéissance ne fixe pas de lieu ni de type de travail apostolique et la pauvreté n'implique pas la renonciation personnelle aux biens ni aux gains. La chasteté, qui exprime l'option d'aimer Dieu et les hommes, se vit sous une forme de nature à susciter davantage des questions qu'à manifester directement une option religieuse.

La fonction de levain investit toute l'existence de chacun et donne sa forme au projet de l'Institut.

Sa finalité est double. D'un côté, sanctifier le monde à travers une présence chrétienne qui s'exprime sous la forme radicale de la vie consacrée, consciente et active. De l'autre, se mêler au monde pour agir sur lui par l'intérieur, ainsi que pour renforcer et développer le Corps du Christ.

Les laïcs sont un ferment dans le monde. Les Instituts séculiers le sont aussi dans l'Eglise qui vit dans le monde. Leur mission particulière est d'animer le laïcat si l'institut est laïque ; le sacerdoce, si ses membres sont prêtres.


Les responsables des Instituts séculiers ont une tâche primordiale et pour ainsi dire unique : la formation spirituelle de ses membres.


Il ne revient pas aux responsables de diriger l'apostolat de l'Institut, à l'instar des supérieurs religieux. Ils ne peuvent penser à disposer des personnes, pour leur demander des tâches pastorales dans une structure communautaire ; ils devront les laisser là où Dieu les a placées pour qu'elles deviennent dans le monde et parmi les gens des centres de rayonnement.

La pauvreté des structures matérielles sert à rester dans la discrétion apostolique propre aux séculiers consacrés.

Les responsables, libres de la préoccupation d'organiser l'apostolat, se consacrent à la formation des membres. Ceux-ci doivent être habilités à vivre de façon pleine et efficace l'apostolat lié à leur profession et au contexte socioculturel où il s'exerce. C'est en cela que réside la force du levain.



  1. Les notes originales de la vie consacrée


Il y a deux aspects inséparables dans votre vocation : la consécration et la sécularité. Ils ne se juxtaposent ni ne se relient en aucune façon, mais ils s'interpénètrent l'un l'autre.

Il est donc éclairant de se demander : pourquoi qualifier de « consacrée » la sécularité des Instituts séculiers ?

Et pourquoi définir la consécration des Instituts séculiers par la spécification de « séculière » ?

Le rapprochement des deux termes suscite une quantité de questions et ouvre tout autant d'axes de réflexion.

« Qualifier », c'est renforcer, conduire vers le sens le plus vrai, extraire ce qui est bon, améliorer. « Définir », c'est souligner les frontières à l'intérieur desquelles il faut agir, c'est clarifier la façon de vivre, les contenus de la spiritualité, les formes d'action.

La réflexion aidera les groupes de la Famille salésienne à vivre quelques caractéristiques de la vocation salésienne commune. Car vous soulignez des réalités qui nous intéressent tous et que chaque groupe est appelé à assumer selon son identité propre.



  1. La consécration qualifie la sécularité.


Les affirmations du magistère de l'Eglise sont nombreuses et constantes pour rappeler aux Instituts séculiers l'engagement de la sécularité.

« Le mot " sécularité " exprime votre insertion dans le monde, disait Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers. Mais il ne signifie pas seulement une position, une fonction qui coïncide avec la vie dans le monde du fait de l'exercice d'un métier, d'une profession " séculière " . Il doit signifier avant tout que vous prenez conscience d'être dans le monde comme dans le lieu propre où doit s'exercer votre responsabilité chrétienne » 10.

Ces mots mettent en évidence des acquisitions très intéressantes du Concile qui sont à la base de l'expérience de la sécularité vécue jusqu'à la consécration. J'en spécifie quelques unes.


La bonté du monde.


Cette affirmation nous pousse à rénover notre façon de voir la réalité séculière où nous nous situons tous.

Le mot « monde » signifie bien des choses.

Certains biblistes lui comptent au moins neuf significations différentes dans l'Ecriture. Il est sans intérêt de les énumérer tous.

Ici, il faut le comprendre selon la signification tracée par la constitution pastorale Gaudium et spes : « Le monde [...] est la famille humaine tout entière avec l'univers au sein duquel elle vit. C'est le théâtre où se joue l'histoire du genre humain, le monde marqué par l'effort de l'homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l'amour du Créateur ; il est tombé, certes, sous l'esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l'a libéré pour qu'il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu'il parvienne ainsi à son accomplissement » 11.

Le terme « monde » se réfère à tout ce qui constitue la vie quotidienne et la trame des relations qui s'établissent entre les personne : les relations géographiques, c'est-à-dire de voisinage et de territoire ; les relations historiques et culturelles, construites ensemble avec peine et dont on profite aujourd'hui, en bien comme en mal ; enfin les relations sociales qui sont à l'origine de nos villes.

C'est à juste titre que vous aimez dire, vous les séculières consacrées, qu'« on naît séculiers ». Et cela parce qu'on naît « humains » insérés dans le monde, dans le « siècle »..

La bonté de laquelle il s'agit souligne la présence de Dieu dans le monde. Y opère dès la début l'amour et la providence du Père, la rédemption du Fils et l'animation de l'Esprit. Cette reconnaissance n'est pas un don spontané, ni automatique. Elle est un fruit de la grâce, la conséquence d'une réponse responsable d'un croyant.

Quand la réponse comporte aussi l'assomption dans le Christ du « monde » concret pour collaborer à son achèvement ; quand c'est vers la réalisation du Royaume qu'on oriente toute son existence et qu'on offre ses dons et ses talents, ses capacités et ses valeurs, alors on n'est plus « séculiers » simplement par naissance ou par nature, mais on le devient par un appel et un choix de vocation à participer à l'histoire du salut, en habitant au cœur du monde pour trouver et exprimer en lui l'amour de Dieu.

Que de sensibilité « salésienne » nous retrouvons dans le fait d'assumer la « sécularité » comme une tâche à réaliser !

Nous sommes éducateurs ; nous nous préoccupons de la promotion humaine dans notre engagement apostolique quotidien ; nous avons affaire avec la personne, la culture, le travail, la société ; la raison et la foi orientent notre approche des situations ;l'humanisme donne un visage à notre spiritualité ! Notre Famille comporte une dimension séculière qui s'exprime de façons très variées : les coopérateurs, les anciens élèves. Au sein même de la Congrégation il y a les confrères coadjuteurs qui unissent la consécration religieuse et la laïcité.



La mission est essentielle pour une vocation de consacré séculier.


Le document Primo feliciter écrivait : « La vie tout entière des membres des Instituts séculiers, consacrée à Dieu par le fait de professer la perfection, doit être convertie en apostolat » 12.

Le canon 713, 1 lui fait écho : « Les membres de ces instituts [séculiers] expriment et exercent leur consécration dans l'activité apostolique et s'efforcent, à la manière d'un ferment, d'imprégner toutes choses d'esprit évangélique pour fortifier et développer le Corps du Christ » 13.

Les Instituts séculiers sont nés pour cela. La bonté qui a été reconnue au monde devient, par vocation, une tâche pour l'homme.

C'est la perspective la plus féconde qui dérive du mystère de l'Incarnation.

On s'y sanctifie non « malgré » l'insertion dans le monde, mais par elle. La marche à la suite du Christ trouve dans la réalité du monde le lieu pour se réaliser et se développer.

Il y a unité entre la vocation chrétienne et la mission. La consécration « séculière » ne détache pas du monde, mais plonge plus profondément en lui pour en saisir le sens et comprendre le destin.

Ce mouvement provient du désir d'entrer plus profondément dans l'Amour de Dieu pour le monde et de participer ainsi, personnellement, à la réalisation de cet Amour que le Père a révélé par l'envoi de son Fils unique dans la monde.

C'est un point de vue intéressant pour nous, salésiens.

Nous affirmons que la mission donne à toute notre existence son allure concrète. 14 Vous affirmez que l'action apostolique est l'expression et la réalisation de la consécration même, et qu'elle englobe toute la vie. Tous ceux qui s'inspirent de don Bosco ont toujours été considérés comme des « actifs », des travailleurs, des animateurs et des promoteurs de vie.

Si nous regardons les VDB, nous devrons accroître notre travail apostolique, celui que veut le charisme salésien, vécu selon les modalités diverses de chaque groupe.


La nouvelle relation Eglise-monde.


Il y a une autre perspective qui aide à comprendre pourquoi l'existence dans le monde peut être consacrée.

C'est dans cette relation que réside le défi le plus grand de l'Eglise, du renouveau conciliaire.

Dans son discours du 7 décembre 1965, Paul VI l'a exprimé en termes provocants avec beaucoup de profondeur spirituelle et de clarté. « L'humanisme laïque profane est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l'homme qui se fait Dieu.

« Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? ça pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l'a envahi tout entier. La découverte des besoins humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l'attention de notre Synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme. [...]. Un courant d'affection et d'admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne » 15.

Les formes de la présence de l'Eglise dans le monde sont nombreuses, autant que les besoins réels des hommes. Il y a les pasteurs, évêques et prêtres. Adonnés à l'annonce de la Parole et responsables de la communion ecclésiale, ils sont placés et constitués par l'Esprit Saint comme maîtres authentiques de la foi, comme dispensateurs des mystères qui portent les fidèles à se sanctifier et comme défenseurs de l'homme et du pauvre.

Il y a les fidèles laïcs qui forment le tissu le plus serré du peuple de Dieu et le rendent présent dans toute les réalités temporelles par le témoignage, l'annonce et leur effort pour les transformer.

Il y a les missionnaires, à divers titres, qui implantent, fondent et bâtissent de nouvelles communautés de fidèles, dans le monde entier. La force de l'Evangile est leur unique stratégie.

Les religieux, dans la variété de leurs charismes, constituent l'Eglise vivante. Ils rappellent l'avenir du Royaume et les exigences des béatitudes, en présentant dans le monde la perspective ultime de la construction de la cité de l'homme.

C'est vous, les séculiers consacrés, qui représentez une aile avancée de l'Eglise « dans le monde » ; vous exprimez sa volonté de mettre en lui les énergies du Royaume et de le sanctifier presque de l'intérieur à la manière d'un ferment par la force des Béatitudes 16.

Vue de l'extérieur, votre présence pourra paraître bien humble. Elle pourra aussi se confondre avec « la pâte du monde » dont vous faites partie.

Nous sommes convaincus, comme croyants, qu'il y a dans le monde, au cœur des choses et de l'histoire, des « semences » qui attendent de déployer toutes leurs potentialités même chrétiennes et évangéliques. Elles ont besoin d'un stimulant, d'une force qui les rassemble, d'un engagement continu.

Et vous, comme Eglise, vous travaillez ainsi. Votre présence pourrait effectivement devenir « comme " le laboratoire d'expérience " dans lequel l'Eglise vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde » 17, pour utiliser encore une fois la parole de Paul VI.

Les relations entre l'Eglise et le monde ont aujourd'hui des espaces concrets là où se bâtit l'histoire de l'homme : la réalité sociale, la culture, la politique, l'économie, les sciences et les arts, la vie internationale, les moyens de la communication sociale.

Qui de placera « à l'intérieur » comme ferment ?

C'est devant l'étendue de la tâche que vient la question posée au début du paragraphe : « Pourquoi qualifier de " consacrée " cette sécularité ? » On se rend compte qu'il est nécessaire, pour remplir ces tâches, d'avoir une structure intérieure portante, solide et robuste, presque une âme intérieure.

Pour ne pas rester dans l'horizon du séculier, il faut une force qui transfère l'homme et sa vie dans l'horizon du définitif, qui est l'amour inconditionnel, le don de soi comme une offrande sacrificielle, une consécration vraie et totale. Précisément celle qui a suscité l'Institut et son développement.

Chaque Institut séculier est né d'un « vœu » : celui de la charité, de l'amour. La vie consacrée est un don total de soi à Dieu, souverainement aimé : c'est cette totalité du don à Dieu, dans une plénitude authentique d'amour (souverainement aimé), qui est la motivation décisive de la vocation à une consécration spéciale.

Non seulement Dieu en première place, mais Dieu comme raison d'être de la vie consacrée ; c'est en lui que le consacré se trouve lui-même en même temps qu'il trouve sa relation avec le monde et avec autrui.

C'est ici qu'apparaît la diaconie du monde.

Le cœur, le centre et le sens de la vie consacrée, c'est donc la recherche de la perfection de la charité, charisme des charismes, sans quoi tout le reste est inutile 18.

Pour le salésien également, l'Eglise et le monde constituent parfois un milieu de vie et d'action ; parfois un objectif de l'engagement de sa vocation ; parfois une réalité difficile à unifier dans son existence personnelle et son action. Ils représentent toujours les grands contenus et des motifs pour vivre de façon responsable.

Votre expérience au cœur du monde avec le cœur en Dieu peut stimuler la Famille salésienne à vivre avec plus d'authenticité et de réalisme une caractéristique qui imprègne notre spiritualité.



  1. La sécularité « définit » la consécration.


Sans le monde et sa réalité, les membres des Instituts séculiers n'auraient pas de raison d'être. Ils sont « dans » le monde et « pour » le monde, comme les laïcs. Ils partagent avec eux la consécration du baptême et de la confirmation qui constitue le titre et l'énergie pour être levain évangélique dans la pâte du monde, mais ils assument cette consécration de la manière la plus radicale possible par la profession de la chasteté, de la pauvreté et de l'obéissance par amour du Christ.

Ils sont donc dans le monde d'une façon particulière qui « qualifie » leur condition de chrétiens : ils ne sont pas « du » monde. Par appel et volonté du Seigneur, ils se retrouvent dans le monde, pour que chaque chose soit reportée selon l'ordre primitif de la création et de la rédemption.

Il est important d'exprimer la consécration. C'est en elle que réside le principe qui fait lever la pâte. Comme Jésus vous êtes « consacrées et envoyées ». Il est nécessaire aussi que vous sachiez « définir » et faire apparaître en cette consécration sa particularité « séculière ». Cela sera un avantage pour vous VDB et une aide aussi pour nous tous qui nous disons salésiens.

Cette perspective aussi découle des mystères de la foi.


L'Incarnation à l'épreuve.


Beaucoup de difficultés à comprendre, accepter et valoriser les Instituts séculiers dans les communautés chrétiennes proviennent de la façon de concevoir l'expérience religieuse et de résoudre certains nœuds de la foi.

Dans le quotidien du chrétien, il faut harmoniser des réalités qui peuvent s'exprimer par certains couples de termes : nature et grâce, existence dans le monde et relation avec Dieu, vie et spiritualité, foi chrétienne et histoire.

La relation entre elles a parfois pris l'allure d'une séparation et d'une non-communication, frisant en certains cas l'indifférence réciproque. Les deux niveaux de l'expérience humaine semblent parallèles. On cherche à développer l'un sans référence directe à l'autre. Dans cette optique, la vie chrétienne ne se bâtit plus sur les terrains de la vie sociale et celle-ci ne croise la première que par nécessité.

Pour s'exprimer à la façon de don Bosco, on pourrait dire que se perd la préoccupation de réaliser « le bon chrétien et l'honnête citoyen » chez la même personne et au même moment de la vie.

En d'autres cas, on s'est contenté d'appliquer un régime de communication extérieure, et de ne considérer l'expérience humaine que comme un champ d'application des exigences éthiques et spirituelles de la foi. Cela représente certes un pas de plus par rapport à la séparation, avec des conséquences évidentes dans tous les domaines de la vie.

Une consécration séculière ne pouvait pas trouver place dans de telles conceptions ! Il faudra attendre des moments historiques nouveaux, pour qu'il soit possible d'harmoniser les deux plans.

La grâce qui nous sauve ne bâtit pas un monde en soi, fermé à la vie du « siècle », loin de la réalité quotidienne, préservé des dégradations naturelles. Mais elle crée l'heureuse possibilité de réaliser un projet de vie sous une forme rénovée.

L'Eglise elle-même retrouve ainsi des rôles et des terrains d'intervention plus ouverts. Située ni au-dehors ni au-dessus de la réalité quotidienne, elle participe à l'effort de l'homme pour bâtir la cité terrestre : elle le prépare, l'éclaire et l'oriente vers la Jérusalem céleste.

Nous les salésiens, nous avons appris de saint François de Sales la possibilité, les principes et les manières de vivre une vie « dévote », c'est-à-dire radicalement tournée vers Dieu et orientée par lui dans les conditions du monde, chacun selon son état. A l'école de don Bosco, nous avons appris la continuité entre le travail et la prière, entre la promotion humaine, l'éducation et l'évangélisation, entre la profession et l'apostolat.

Le Père Philippe Rinaldi l'a transmise à votre Institut, par des indications simples, mais avec un sens concret extraordinaire. Nous n'opposons pas, mais nous harmonisons. Nous ne séparons pas, même lorsque nous distinguons des façons différentes d'intervenir et des contenus rénovés à la lumière de l'Evangile du salut.

Nous reconnaissons avoir, comme toute l'Eglise, une dimension séculière. Nous savons que nous sommes une partie concrète et vivante du monde. Nous redécouvrons notre vocation de service, en vue de sa sanctification et de sa consécration. Notre sensibilité éducative nous oblige à nous tourner vers les grandes valeurs évangéliques qui se trouvent au cœur de la vie du monde : la justice, la paix et l'amour.


Salut et histoire de l'homme.


Les mots ont leur valeur pour la bonne compréhension des choses et pour la communiquer. A propos de la « sécularité », il faut distinguer trois niveaux possibles de référence.

Le premier et le plus immédiat nous reporte à la réalité matérielle dans laquelle nous nous trouvons tous. Nous sommes donc tous « séculiers » par le fait que nous sommes ici-bas, dans le monde qui nous a vus naître et nous accompagne durant toute notre existence. Le terme « séculier » n'a ici aucune coloration spéciale, ni négative ni positive. Le monde conditionne notre existence, au point que s'ordonnent à lui toutes nos ressources : facultés, sentiments, intelligence, énergies.

Un deuxième niveau parle de l'appropriation que l'homme fait du monde par ses interventions, qui modifient ce qui lui est offert depuis la naissance : c'est la culture et l'humanisation.

L'intervention qu'il accomplit est constituée par son « travail ». Elle porte aussi d'autres noms : « savoir faire », tâche concrète, etc. Son résultat est de mettre en place un milieu physique, un type de société, une organisation communautaire de la vie et des relations. A ce point de vue aussi nous sommes tous séculiers, bien que diffèrent nos responsabilités et surtout la conscience que nous en avons.

Le troisième niveau concerne la vie chrétienne, l'engagement religieux et le salut du monde porté et voulu par le Christ.

Comme croyants, nous assumons la responsabilité de « sanctifier » ou de « consacrer » le monde séculier, d'expliciter sa référence à Dieu, de continuer et de rendre présent l'avènement du Christ, de le sauver avec Lui du péché et de l'orienter vers son accomplissement.

L'ensemble forme l'histoire humaine au sein de laquelle Dieu est présent et où agit le ministère du Christ . Il s'agit donc de l'histoire du salut.

Il ne s'agit pas de deux histoires parallèles. Elles réalisent l'une et l'autre un cheminement commun de promotion et de salut de l'homme et de la société, sans les confondre mais aussi sans les séparer.

« Dès maintenant présente sur cette terre, [l'Eglise] se compose d'hommes, de membres de la cité terrestre, qui ont pour vocation de former, au sein même de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur » 19.

La condition séculière est donc à comprendre comme une propriété de l'homme, voulue elle aussi par Dieu et où agit sa grâce. Elle représente le milieu normal où Dieu aime et par conséquent opère le salut de l'homme.

La théologie propose aujourd'hui une perspective très suggestive et heureuse : la grâce ne vient pas après la création seulement, mais la précède et la cause. C'est précisément parce que Dieu se répand, se communique, se donne, associe d'autres vivants à sa propre vie et se tourne vers l'homme comme grâce que surgit la création ! Ainsi, nous, les créatures humaines, nous sommes marqués de la grâce dès notre arrivée au monde.

Dans les choses, dans l'homme et dans le monde, il y a une sorte d'ordonnance, de capacité, d'affinité, de destination à vivre avec Dieu par sa grâce. Le péché l'a rendue et la rend difficile. Nous ne voulons pas ignorer ce fait. Mais nous reconnaissons que le monde, en tant que monde de l'homme, est fait de manière à favoriser son orientation vers Dieu. Et le monde ne peut s'appeler humain s'il n'aide pas l'homme à atteindre sa plénitude dans la rencontre avec Dieu.

La consécration des séculiers atteste ces possibilités réelles. Souvent elles sont cachées aux yeux de la plupart de ceux qui se trouvent dans le monde. Mais celui qui vit dans la sécularité orientée par la consécration, en d'autres termes assumée dans une vocation spécifique, reconnaît Dieu caché mais présent, et est capable de le révéler.

C'est ainsi que la sécularité offre à la consécration elle-même des contenus de spiritualité et lui suggère des façons d'intervenir.



  1. La mission des séculiers consacrés


L'animation des réalités temporelles.


La mission des croyants laïques pour collaborer au salut du monde séculier par leur présence à la façon du levain, prend divers noms qui contiennent des références désormais très claires.

Dans la Constitution dogmatique Lumen gentium 20; nous trouvons l'expression « consécration du monde » ; dans le décret sur l'apostolat des laïcs, nous rencontrons la formule « animation chrétienne de l'ordre temporel » 21 ; dans le document sur l'Eglise dans le monde contemporain Gaudium et spes, enfin, cette exigence s'exprime en ces termes : « inscrire la loi divine dans la cité terrestre » 22.

L'exhortation apostolique Christifideles laici contient une large section qui décrit les terrains de la présence et du travail du fidèle laïc. Cette partie s'intitule : « Vivre l'Evangile en servant les personnes et la société ».

Au numéro 34 nous lisons : « Il est urgent partout de refaire le tissu chrétien de la société humaine. Mais la condition est que se refasse le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes qui vivent dans ces pays et ces nations » d'indifférence religieuse, de sécularisation et d'athéisme 24.

Le chemin parcouru par la réflexion ecclésiale qui a suivi le Concile a montré que les réalités séculières (dans la signification que j'ai présentée dans les pages précédentes) ne constituent pas un obstacle au niveau du salut, et moins encore un élément étranger ou juxtaposé : elles représentent ce que le corps est à l'âme.

Elles rentrent dans le dessein d'amour de Dieu le Père, en tant qu'instruments et lieux de la Providence salvifique. Elles ont été assumées par le verbe dans l'Incarnation, pour exprimer en termes humains la relation de l'homme avec Dieu et collaborer à son projet de rédemption.

L'œuvre de l'Esprit, ensuite, met en mouvement les forces de l'homme pour transformer le monde, comme il a déclenché dans la première création le passage du chaos au cosmos.

Les choses que nous appelons parfois profanes, selon une certaine conception du sacré, ont une finalité par rapport au salut et peuvent s'orienter vers lui. Elles sont « sacrées » par le signe de Dieu qui est en elles, selon leur nature propre. Mais elles sont aussi rendues « sacrées » (consacrées) dans la mesure où elles sont soumises consciemment par l'homme à l'influence de la présence de Dieu.

Rien d'automatique ni même simplement de rituel en tout cela. Il revient à l'homme, il revient au croyant, il revient au consacré soutenu et renforcé par l'Esprit d'aider le monde à s'ouvrir à Dieu et au salut qui vient de la relation avec Lui.

Tout cela implique de regarder les réalités profanes dans une attitude de respect pour le bien qu'elles représentent, et d'en reconnaître la légitime autonomie dans leur ordre propre et par rapport à leurs finalités 25.

Cela implique aussi de prendre au sérieux l'ordre naturel, et de travailler à le perfectionner, autrement dit pour qu'il exprime ce qu'il porte de positif en lui.

Sur ces indications se réalise, avec un engagement égal, mais des accentuations différentes, le travail dans le monde des laïcs et des séculiers consacrés.

Pour ces derniers vaut la réflexion de Paul VI : « Ainsi votre vie consacrée permet à votre activité dans le monde – tant personnelle que collective, dans les secteurs professionnels où vous êtes engagés individuellement ou collectivement – de s'orienter elle aussi plus nettement vers Dieu, en étant d'une certaine manière insérée et transportée dans votre consécration » 26.

La caractéristique des laïcs est de se préoccuper avant tout d'ordonner les choses temporelles pour qu'elles répondent à leur fin propre et soient mises dans l'histoire au service de l'homme, en agissant de l'intérieur d'elles-mêmes et selon les lois propres de leur dynamisme. Les consacrés séculiers ont comme première intention de témoigner de la nécessité, de la primauté et de la réalité de la présence de Dieu dans la vie, de rappeler que le Christ et l'esprit de l'Evangile sont indispensables au salut de l'ordre temporel.

C'est ce que dit le numéro 10 de l'exhortation sur la Vie consacrée, le seul qui soit consacré explicitement aux Instituts séculiers : « Par la synthèse de la vie séculière et de la consécration qui leur est propre, ils entendent introduire dans la société les énergies nouvelles du Règne du Christ, en cherchant à transfigurer le monde de l'intérieur par la force des Béatitudes » 27.


La compétence professionnelle fait partie de la consécration.


Les domaines dont il a été question plus haut (culture, travail et développement socio-politique) ne peuvent être laissés au hasard. Ils ont des lois qu'il faut observer parce qu'elles sont des routes tracées par la Providence pour rencontrer Dieu. Par compétence, nous entendons le travail accompli de façon responsable, dans un souci de qualité, de finalité séculière, en vue de rendre service et de collaborer.

Ici, la consécration commence à engager et à se différencier des séculiers laïcs. « Tout en étant " séculière ", votre situation diffère, d'une certaine manière de celle des simples laïcs, car si vous êtes engagés dans les mêmes valeurs du monde, vous l'êtes en tant que consacrés, c'est-à-dire non tant pour affirmer la valeur intrinsèque des choses humaines en elles-mêmes que pour les orienter explicitement dans le sens des Béatitudes de l'Evangile » 28.

Les consacrés portent partout le sceau de l'Esprit. Leur compétence comporte donc deux versants, l'un et l'autre également importants et significatifs, capables de définir, de façon plus complète, le sens de leur vie : la compétence en leur propre tâche séculière et la compétence en la spiritualité, ou vie en Christ, par l'expérience et la réflexion.

Pour qui se consacre dans un Institut séculier, la vie spirituelle consiste, aussi et principalement, à assumer de façon responsable, son propre travail, les relations sociales qui sont communes dans le « siècle », le milieu de vie sous ses diverses formes, comme formes particulières de collaboration à l'avènement du Royaume des cieux. Et elle comporte en même temps d'être prêts à rendre raison de son espérance et de ses options personnelles en sachant orienter par la parole celui qui le désirerait.



8. Une spiritualité salésienne originale


J'approche de la conclusion en vous offrant quelques encouragements pour approfondir la vie « selon l'esprit » vécue en style salésien dans une authentique sécularité consacrée.

Je ne me propose pas de traiter le sujet tout entier, ni de lui donner une présentation définitive. Car il faudrait revisiter les terrains préférentiels, les contenus et les modalités de la mission, remonter au cœur du Christ et à la charité pastorale. Cette présentation, vous l'avez formulée dans vos Constitutions où vous avez rassemblé les points de doctrine et fait la synthèse des expériences vécues.

La spiritualité représente la synthèse dans et de la vie personnelle et communautaire. A vous, les VDB, il est demandé de garder unis trois aspects inséparables : la sanctification personnelle, la construction du Royaume, la consécration du monde. Ce n'est pas facile ! Vous avez déjà appris que c'est l'esprit salésien qui les unifie et leur donne une physionomie particulière et originale qui se manifeste dans la vie et dans l'action. C'est de là que découle la grâce d'unité : un don qui vient avec la vocation, mais qu'il faut cultiver de façon consciente.

Je ne veux souligner à présent que quelques traits en rapport avec la sécularité consacrée, choisie comme point focal de notre réflexion.

Etre situé à temps plein et à plein titre dans le monde constitue une indication claire à valoriser dans le quotidien. La compétence séculière exige aussi de s'adapter aux temps, aux rythmes, aux besoins, aux formes qui rapprochent du « concret ». Ces deux points suggèrent des indications importantes pour votre vie spirituelle.


Soyez attentives à la petite histoire des gens et au cheminement de l'Esprit dans le cœur de l'homme ordinaire.


Le quotidien exige une vision unitaire. Il est comme une mosaïque faite de nombreuses petites pierres ! Travaux, rencontres, nouvelles, états personnels, projets, souffrances.

Dans la vie quotidienne apparaissent des exigences qui relient à Dieu et des urgences qui conduisent à l'homme. La composition des fragments différents est à mettre sans cesse à jour : on ne peut remettre à beaucoup plus tard ni moins encore prévenir chaque chose pour protéger les résultats déjà obtenus.

Il y a des voix qui viennent de loin, d'en haut, d'experts. Mais il y a aussi les murmures qui se perçoivent autour de nous, du pauvre, du sage par grâce et par don.

Tout cela est à reporter à l'unité dans l'amour : l'amour de Dieu perçu, l'amour que vous donnez. C'est une question de regard, celui du Christ, et d'esprit, celui de la sympathie, de la compréhension et de la compagnie.

Il y a dans le quotidien des aspects qui prédisent et bâtissent l'avenir : ce sont des signes des temps. Avoir les yeux ouverts sur la vie du plus grand nombre possible de personnes, c'est saisir l'invitation de l'Esprit à se décider pour quelques options.

L'Oratoire comme critère de présence et d'action est, pour l'expérience salésienne, le milieu idéal pour retrouver les signes des temps. Il ne s'agit pas de la structure ; mais du style et de l'esprit. La rencontre libre des personnes, l'écoute des gens, la possibilité de saisir immédiatement « les demandes des jeunes et des adultes » et de donner une réponse à leur mesure, la capacité de réélaborer des propositions et des initiatives nourrissent une spiritualité du quotidien dans le style de don Bosco.


De vos nombreuses expériences quotidiennes, faites l'expérience du Royaume caché dans la trame de la vie.


Qui dit quotidien dit incarnation. C'est dans les mots, les gestes et les actes que prend corps et devient visible la grâce qui est en vous, et que s'exprime votre consécration. L'inculturer et la rendre compréhensible dans le temps présent, c'est rendre significatives les choses ordinaires et parlants les petits signes, en les chargeant de sens et d'humanité.

Il est peut-être nécessaire de s'entraîner au discernement spirituel, qui lit au cœur de la complexité contemporaine, du morcellement général, de la précarité qui dévore tout. Il faut encore regarder « au-delà », rêver un peu, imaginer du neuf et de nouvelles possibilités.

L'exhortation apostolique Evangelii nuntiandi a rappelé à tous de mettre en œuvre « toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde » 29, et Paul VI a référé de façon explicite aux Instituts séculiers cette phrase du numéro 70.

La capacité de rattacher les événements à leur racine ; l'ouverture à la nouveauté et à l'inédit comme à une irruption de la grâce qui achemine vers l'unité ; la sollicitation à savoir exprimer l'inexprimé qui habite son propre cœur et le cœur de la réalité ; l'enrichissement intérieur, non comme accumulation de nouvelles mais comme croissance pour la germination à partir du vécu, voilà l'itinéraire pour transformer la matérialité de la vie en sens de la vie.

Et aujourd'hui, nous avons tous besoin de retrouver la signification des choses et de l'histoire que nous vivons et construisons, tant par notre présence que par notre absence.

Personnellement j'ai tendance à croire que la « réserve » d'une personne consacrée séculière est liée au quotidien.

Les membres d'un Institut séculier sont avant tout des hommes et des chrétiens comme les autres. Ils sont et veulent se comporter comme tout le monde. En 1949, Pie XII disait déjà à un groupe de séculières consacrées : « Vous êtes consacrées à Dieu, recrutées pour le service du Christ : le pacte est conclu. Dieu le sait ; l'Eglise le sait ; vous le savez. Le monde ne le sait pas ; mais il ressent les effets bienfaisants qui proviennent du caractère chrétien de votre vie et de votre apostolat ». La « réserve » est à situer au plan de la « discrétion apostolique », que le consacré et la consacrée sont appelés à vivre chaque jour dans leur profession. Il ne faut pas négliger la situation de sécularisation que vit le monde actuel. Il ne faut pas oublier la nécessité de rester le levain qui se cache dans la pâte.

Nous savons tous que si la pâte fermente, c'est parce qu'elle a reçu du levain : c'est certain ! Tous voient suffisamment clair pour reconnaître que certains se laissent orienter par des critères qui sont ordinairement négligés ou passés sous silence. Tous savent mesurer la part d'Evangile ou de nouveauté qui se loge dans le cœur et s'exprime dans les actes de certains croyants. Mais cela exige un cheminement qui unifie intérieurement et extérieurement les actes jusqu'à faire apparaître l'inspiration qui est à l'origine. On peut donc dire que la sécularité consacrée se caractérise et se qualifie, plus que par les actions matérielles qu'elle accomplit, par les significations, les messages, les questions, les encouragements ou les nouvelles images de la vie qu'elle réussit à provoquer.


Construisez une trame d'entente et de relations, de dialogue et de recherche, de sympathie et de communion évangélique.


Le consacré séculier est et se fait le compagnon de route de ses frères et de ses sœurs.

Il ne cherche pas à s'isoler. Il refuse la marginalité.

Il dépasse la recherche de soi et les formes d'individualisme.

Des différences qui existent il sait faire une richesse pour tous.

Il se qualifie au point de vue professionnel, parce qu'il sait que la compétence ouvre les portes de l'intelligence et par conséquent aussi du cœur.

Il recherche le dialogue. Il travaille à la communion.


C'est une exigence qui s'inscrit dans la vocation même. « A la différence des religieux, votre sécularité vous pousse à accentuer spécialement la relation avec le monde. Cette relation ne représente pas seulement une condition sociologique, un fait extérieur, mais bien une attitude : être présents dans le monde, se savoir responsables pour le servir, pour le configurer selon Dieu » 30.

En définitive, la richesse de la sécularité, que nous avons décrite jusqu'à présent, exige la profondeur de la consécration, pour la mettre à l'abri de manquements et de corruptions possibles. « La consécration que vous avez faite vous situe dans le monde comme témoins de la suprématie des valeurs spirituelles et eschatologiques, c'est-à-dire du caractère absolu de votre charité chrétienne. Plus celle-ci est grande, plus elle fait apparaître la relativité des valeurs du monde ; et, en même temps, elle vous aide vous-mêmes, ainsi que vos autres frères, à en bien user 31.



Conclusion


Au terme de cette lettre que j'ai voulu centrer sur la sécularité consacrée, je me rends compte que la réflexion faite éclaire aussi quelques points qu'il vaudrait la peine d'approfondir. : les façons de proposer la vocation, le soin à donner à la formation initiale et permanente, la spiritualité à approfondir, mais surtout l'assistance spirituelle que vous avez demandée pour tous les niveaux 32 et que la Congrégation salésienne s'est engagée à vous donner 33 pour la signification qu'a votre présence dans le charisme et dans la Famille salésienne.

Ce sont des tâches pour l'avenir proche que nous partagerons selon nos responsabilités respectives. L'anniversaire que nous célébrons nous trouve donc dans une saine tension de fidélité dynamique à une vocation qui cherche à renouveler toujours sa réponse au Seigneur.

Confions cet avenir à Marie Auxiliatrice. Vous la regardez comme « un modèle de vie consacrée dans la sécularité » 34 parce que « accueillant avec foi le mystère du Christ dans le quotidien, elle vécut sa consécration à Dieu sans que rien ne la distingue des femmes de son temps, et trouva dans le travail un moyen de vie et de sanctification » 35.


  1. Juan E. Vecchi


Notes




1 Paul VI à l'occasion du XXVe anniversaire de la constitution apostolique Provida Mater (2 février 1972).

2 Cf. VC 10.

3 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972

4 Const. VDB 71.

5 Const VDB 5

6 Cf. Const VDB 5.

7 PC 11.

8 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972.

9 Pie XII, motu proprio Primo feliciter (12 mars 1948).

10 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972

11 GS 2, § 2.

12 Pie XII, Motu proprio Primo feliciter (12 mars 1948).

13 CIC 713, 1.

14 Cf. Const SDB 3.

15 Paul VI, Discours de la séance publique du 7 décembre 1965 à la fin du Concile Vatican II.

16 VC 10.

17 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 25 août 1976.

18 Cf. 1 Co 13.

19 Cf. GS 40, § 2.

20 Cf. LG 34.

21 Cf. AA 7.

22 Cf. GS 43, § 2.

23 Cf. ChL 36-44.

24 Cf. ChL 34.

25 Cf. GS 36, §2 .

26 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972

27 VC 10.

28 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972

29 EN 70.

30 Paul VI à l'occasion du XXVe anniversaire de la constitution apostolique Provida Mater (2 février 1972).

31 Paul VI aux responsables généraux des Instituts séculiers, 20 septembre 1972

32 Cf. Règl. VDB 20-22.

33 Cf Règl. SDB 40.

34 Const VDB 11.

35 Ib.


19