301-350|fr|319 L'ANNÉE '88 NOUS INVITE À UNE RÉNOVATION SPÉCIALE DE NOTRE « PROFESSION ».

L'ANNÉE '88 NOUS INVITE
À UNE RÉNOVATION SPÉCIALE DE NOTRE « PROFESSION ».



50 ans de vie salésienne. - La Profession religieuse et le Concile. - Un intense effort d'identification. - Relecture de la sainteté de Don Bosco. - Vérification et confirmation de son École spirituelle. - L'esprit de Don Bosco dans la perspective de l'année '88. - Un type de réflexion à susciter. - Résolution de sainteté salésienne. – Conclusion.



Rome, le 1er septembre 1986


Chers Confrères,

Je vous écris au jour anniversaire de ma première profession. Cinquante ans ont passé, un demi-siècle, la moitié du centenaire que nous nous préparons à célébrer en '88. J'ai terminé mon noviciat deux ans après la canonisation de Don Bosco et je célèbre mon jubilé de profession deux ans avant les fêtes solennelles du centenaire. Voilà un laps de temps suffisamment long et éclairant pour m'inciter à vous livrer quelques réflexions sur mon expérience salésienne.

La profession religieuse a marqué pour moi le début, d'une forme concrète de « suite du Christ », - d'un engagement apostolique dans l'Église, - d'un amour de prédilection pour les jeunes, - d'une inculturation missionnaire outre-mer, - d'une conscience toujours plus nette de l'identité salésienne au sein des diverses cultures. Elle a rendu possible une sorte d'aventure chrétienne que je ne pouvais ni imaginer ni projeter, et qui révèle, à cinquante ans de distance et aux yeux de la foi, la présence créatrice de l'Esprit, la participation à la mission salvatrice du Fils et le secours quotidien de l'infinie miséricorde du Père.


La Profession religieuse et le Concile.


À mi-course de ces cinquante ans de vie salésienne se situe ma participation aux quatre sessions du Concile Vatican II, - événement ecclésial du siècle, - visite de l'Esprit-Saint à l'Église, - « grande prophétie » pour le troisième millénaire du christianisme.

Durant les quatre années d'un événement aussi extraordinaire, j'ai vu se rajeunir le sens de la Profession religieuse.

Dans l'Église se fit jour la volonté de donner un énergique coup de barre et de faire craquer quelques strates de poussière pétrifiée. Il fallait passer outre à une mentalité statique, un peu légaliste, en mal d'autarcie, satisfaite de son passé, emprisonnée en des structures d'un autre âge, centralisatrice et, de ce fait, cause de dangereuses réactions. Ce climat, assez généralement répandu, avait besoin d'une bouffée d'air frais.

Alors le Concile nous donna de vivre un très fécond retour aux sources. Il demanda aux religieux une fidélité plus enracinée dans le mystère du Christ, - plus conforme à la sainteté et à la mission spécifiques du Fondateur, ainsi qu'à son originalité pastorale, - plus soucieuse d'un apostolat dynamique et inventif, largement ouvert sur le monde et au service des personnes ; une fidélité plus consciente de la portée sociale des conseils évangéliques avec leurs nouvelles exigences ; enfin une fidélité plus intéressée à la relance du laïcat et à la connaissance intégrale du charisme de Don Bosco, auteur d'un vaste « Mouvement de personnes » et porteur d'un message de sainteté pour les jeunes et pour le peuple.


Un intense effort d'identification.


Le Concile a réclamé, de notre Congrégation comme de tous les Instituts religieux, un intense labeur de recherche et de définition d'identité, face aux changements de la culture contemporaine.

Vivre la profession salésienne pendant ces vingt années, avec l'effort consenti pour réussir ce travail d'identification, a représenté une longue réflexion et un dialogue persévérant au cours des quatre Chapitres généraux (19, 20, 21, 22) auxquels j'ai participé activement, en collaborant, avec tous les confrères, à la révision du texte des Constitutions et des Règlements généraux.

Le fait d'avoir dû, par la suite, vivre ma profession salésienne dans les rôles que m'assigna l'obéissance, d'abord comme Conseiller général pour la formation, puis comme Recteur majeur, aiguisa mon sens des responsabilités. Lors de la conclusion du dernier Chapitre général (le 22e), un des moments de plus pure joie salésienne fut certainement le renouvellement de ma profession selon les nouvelles Constitutions, après avoir accompli le geste solennel de remettre la Congrégation entre les mains de la Vierge Auxiliatrice, notre maîtresse de vie et notre guide attentionnée.

Ce qui m'apparut toujours plus distinctement, ce fut la figure de Don Bosco comme Fondateur et Modèle : don fait à l'Église et à nous-mêmes, suscité et modelé par l'Esprit-Saint, enrichi de sainteté et de vertus, doté d'un esprit prophétique pour un apostolat qui dépasserait la culture de l'époque, franchirait les frontières géographiques et les conjonctures de l'histoire.

La sainteté dynamique de Don Bosco se révélait toujours plus clairement comme l'idéal de la Profession salésienne, reconnue comme « consécration apostolique » dans l'Église.


Relecture de la sainteté de Don Bosco.


Après ces années de réflexion, il est devenu possible de résumer, en quelques lignes, le programme de sainteté pensé par Don Bosco et présenté par lui comme l'idéal à atteindre grâce à notre Profession religieuse.

Partant du principe que la sainteté est une et multiple,1 nous constatons chez Don Bosco l'existence à la fois des valeurs fondamentales communes à tous les chrétiens, et la présence d'un style qui lui est propre.

La sainteté est « une ». Elle consiste, pour tous et pour chacun, dans la pratique convaincue de la foi, de l'espérance et d'une charité capable de sacrifice. Symbiose de mystique et d'ascèse, elle atteste la plénitude de la vie dans l'Esprit : c'est un amour portant la croix.

La sainteté est « multiple », parce que chaque groupe, et même chaque personne, a sa part de la mission et de la vie de l'Église, selon des modalités et dans des états différents, encore que ces modalités et ces états expriment la même Grâce.

Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de notre sainteté salésienne. Une circulaire, en décembre 1981 (ACS 303), avait pour titre : « Renouvelons ensemble notre projet de sainteté ».2 En septembre 1983, je vous ai présenté « Don Bosco, un saint ».3 Enfin, dans le mot du soir du jour de ma réélection - à l'avant-veille du cinquantième anniversaire de la canonisation de notre Fondateur - j'ai perçu que mon second mandat se déroulerait sous le signe de la sainteté de Don Bosco.4 La sainteté est ce sujet inépuisable qu'il faut toujours garder sous les yeux. Parlons-en encore un moment.

Don Bosco a ramassé en deux consignes, significatives de son esprit, la mystique et l'ascétique qui caractérisent son style de vie. Et il a concrétisé sa participation à la mission de l'Église en choisissant un champ d'action bien précis où il déploya son zèle en un style et avec des critères originaux.

Reprenons chacun de ces trois points de vue. Ils sont comme une relecture synthétique de l'expérience spirituelle de notre Père.

- En premier lieu, la « mystique », ou si l'on veut la vie de foi, d'espérance et de charité. Don Bosco la condense en sa devise « Da mihi animas » et il la conforte par la radicalité du don de soi dans la pratique des conseils évangéliques. C'est une certaine manière de contempler la bonté du Père, d'écouter sa Parole de salut, et d'avoir part à son Amour transformant. Elle crée l'union ininterrompue du cœur avec Dieu. Elle s'exprime dans l'« extase » d'une inlassable activité apostolique, où la vie intérieure se projette dans la mission. Cette mystique est alimentée par la rencontre quotidienne avec le Christ qui nous permet d'échapper, au milieu de nos occupations, à l'abandon du souci pastoral.

- En second lieu, l'« ascèse », qui est maîtrise de soi, c'est-à-dire persévérance dans l'engagement et esprit de sacrifice. Elle a été exprimée par Don Bosco dans sa consigne « Travail et tempérance ». À son tour, elle est renforcée par la radicalité des renoncements que comporte la pratique des conseils évangéliques. Ce programme, pour autant qu'il soit vécu dans le style du Fondateur, s'adapte facilement aux changements culturels ; il a été confirmé et approfondi par les progrès des sciences humaines. Il s'agit en somme d'un réel don de soi, pour l'amour du prochain, selon la charité apportée au monde par Jésus-Christ. Pour être de vrais disciples du Christ, il est indispensable de cultiver le renoncement, l'esprit de sacrifice, et de veiller à la garde du cœur. Il devient alors possible d'éviter le démantèlement de la discipline religieuse.

- Enfin, il y a en troisième lieu, le choix d'un champ d'action en vue de participer à la mission de l'Église : ce fut pour Don Bosco son option pastorale en faveur des jeunes et du peuple. Elle doit sans cesse être confrontée aux situations changeantes de la société en partant « des petits et des pauvres » qui, en fait, s'y trouvent toujours. La prédilection pour les jeunes précise la portée de cette option et donne ses caractéristiques aux démarches d'approche et au style que Don Bosco a appelés le « Système préventif ».

Il s'agit d'une certaine manière de « vivre avec... », de dialoguer, d'évangéliser, d'aider à grandir. Elle a trois points d'appui :

• le bon sens (« ragione »), expression d'une intelligence équilibrée et pénétrante, connaissant le cœur humain et au fait des réalités sociales ;

• la dimension religieuse (« religione »), avec une ferme vision de la transcendance. C'est une valeur fondamentale dans toutes les cultures et un élément indispensable à la construction de la personne ;

• la chaleur et la sincérité de l'affection (« amorevolezza »), créant un climat de confiance, de dialogue, de vie partagée, de familiarité avec les destinataires de notre action.

Le paramètre permanent de cette vie et de ce style restant toujours l'expérience vécue par Don Bosco à l'Oratoire du Valdocco.5

Mes nombreuses années de profession salésienne confirment la validité, la beauté et l'actualité de ce type de sainteté qui a fait de Don Bosco un des plus importants Fondateurs de Famille spirituelle dans l'Église.


Vérification et confirmation de son École spirituelle.


Don Bosco, parmi la pléiade de saints qui ont fait l'honneur du Piémont au siècle dernier, a le mérite d'avoir inauguré une authentique « École de sainteté ». Si les œuvres apostoliques variées qu'il a entreprises ont fait leurs preuves en leur temps, le fait d'avoir créé et développé avec succès un type particulier de sainteté révèle en lui un don génial qui le classe parmi les « grands » de l'Église. Ce type de sainteté s'affirmera d'une fécondité capable de s'incarner au long des siècles.

Don Bosco a voulu faire de la sainteté un message attrayant et sûr pour tous ses destinataires. Il l'a présentée avec simplicité et réalisme, l'adaptant aux âges, aux différentes conditions de vie, aux diverses attentes culturelles.

Le bienheureux Michel Rua, sainte Marie Dominique Mazzarello, saint Dominique Savio, et nous pouvons en un certain sens leur adjoindre les bienheureux Luigi Orione et Luigi Guanella, ont fait l'expérience directe du type de sainteté de Don Bosco. Le programme de « spiritualité jeune » vécu par saint Dominique Savio est caractéristique. Don Bosco a voulu l'exposer et l'approfondir en écrivant lui-même la biographie de son jeune élève. Le Père Alberto Caviglia nous en a donné un commentaire large et pénétrant. Le schème de la sainteté salésienne apparaît tout aussi nettement dans les différentes biographies écrites par Don Bosco et dans celles de nos autres saints, bienheureux et serviteurs de Dieu.

Don Filippo Rinaldi a été lui aussi un témoin direct de l'influence personnelle de Don Bosco ; nous y faisons une allusion explicite parce que, précisément en ce mois d'octobre 1986, la Congrégation pour les causes des Saints commence l'examen de l'héroïcité de ses vertus. Nous avons bon espoir que ce sera un premier pas vers une reconnaissance plus haute.

La proposition du type de sainteté de l'École évangélique de Don Bosco ne s'est pas limitée aux seuls saints, bienheureux et serviteurs de Dieu que nous avons nommés. Il faut rappeler, en effet, un élément important et significatif en ce qui regarde l'expérience d'Esprit-Saint de Don Bosco6 qui jusqu'ici n'a peut-être pas assez retenu l'attention ; je veux parler des premières « communautés de formation » de la Congrégation. Les premiers disciples de Don Bosco y ont fait fleurir la sainteté salésienne durant les dernières années de la vie du saint et tout de suite après sa mort. Il s'agit du noviciat de Foglizzo et du postnoviciat de Valsalice. Y étaient à l'œuvre, don Rua, don Barberis, don Bianchi, don Piscetta (pour ne citer que quelques noms). Il est remarquable que ce soit dans ces communautés, à brève distance de la disparition de notre bien-aimé Père, que se soient formés et aient œuvré durant un temps, bon nombre de nos confrères serviteurs de Dieu, dont la cause de béatification et de canonisation est en cours. Citons le vénérable don Andrea Beltrami, le vénérable prince Auguste Czartoryski, le serviteur de Dieu don Luigi Variara, le bienheureux Mgr Luigi Versiglia, le serviteur de Dieu don Vincenzo Cimatti. Ces deux communautés de formation sont vraiment un fécond prolongement de l'authentique École évangélique inaugurée par Don Bosco.

La preuve en est le fait singulier que plusieurs des confrères que nous venons de citer ont ressenti le premier appel à la sainteté lors de l'une ou l'autre rencontre, même fortuite, encore que décisive, avec la personne du saint Fondateur. Don Beltrami, étudiant à Lanzo, lut un compliment à Don Bosco et entendit de sa bouche une parole qui orienta sa vie ; Mgr Versiglia fit la même expérience ; le prince Czartoryski fut conquis par Don Bosco au cours d'une rencontre à Paris ; don Variara vit une seule fois le regard de Don Bosco se poser sur lui et ce fut le coup de foudre ; don Cimatti, porté sur les bras de sa mère, vit et regarda Don Bosco de loin et cette intuition de son enfance anima toute sa vie d'apôtre.

Ce fut, à n'en pas douter, tout autre chose que le hasard qui mit sur le chemin de Don Bosco ces futurs serviteurs de Dieu et ces bienheureux !

Tout cela montre combien les confrères ressentaient la puissance, la grandeur et l'attrait de la sainteté de Don Bosco et comment se créa, dans la Congrégation et dans notre Famille, un élan spirituel qui en marqua définitivement la physionomie. C'est là qu'il faut chercher le secret de l'audace de nos premiers missionnaires, le secret de l'énergie qui propagea merveilleusement la Famille salésienne dans tous les continents, le secret de la capacité d'adaptation aux diverses cultures, capacité née d'un instinct naturel d'universalité. Un fait, pour le moins surprenant, confirme que l'énergie de la sainteté était devenue comme une seconde nature chez nos grands et grandes missionnaires des premiers temps. C'est en Patagonie, première terre de mission salésienne, que s'élevèrent jusqu'aux sommets de la sainteté les jeunes vénérables Zéphyrin Namuncurà et Laure Vicuña.

Rappelons encore parmi nos candidats aux honneurs des autels, ces témoins de l'École de sainteté de Don Bosco que furent : le bienheureux don Callisto Caravario, martyrisé en Chine ; les nombreux martyrs espagnols témoins de la foi au cours des dramatiques péripéties de la guerre civile ; Mgr Luigi Olivares, pasteur zélé au milieu de son peuple ; don Rodolphe Komorek, insigne par son esprit de prière et de mortification ; don Giuseppe Quadrio, professeur de théologie et spécialiste du dogme de l'Assomption ; le coadjuteur Simon Srugi, compatriote de Jésus et humble prophète de l'œcuménisme, - melchite il se fit salésien et devint, par sa charité, promoteur du dialogue avec les musulmans. Citons enfin le coadjuteur Artémide Zatti. À l'époque où la Patagonie s'ouvrait à peine à la civilisation et manquait encore des services de santé, ce « bon samaritain » de grand mérite fonda à Viedma le premier hôpital de la ville.

Parmi les Filles de Marie Auxiliatrice, nous citerons la vénérable Sœur Teresa Valsè-Pantellini ; les servantes de Dieu Sœur Maddalena Morano, Sœur Carmen Moreno, Sœur Amparo Carbonell, Sœur Eusebia Palomino, Sœur Maria Troncatti, Sœur Laura Meozzi et Sœur Maria Romero.

Chez les Coopérateurs nous trouvons la vénérable Dorotea Chopitea, grande bienfaitrice ; le Cardinal Giuseppe Guarino, ami de Don Bosco et fondateur d'une congrégation de religieuses ; Alexandrina da Costa, admirable dans la souffrance ; le laïc Giuseppe Toniolo, célèbre sociologue engagé.

Parmi les Anciens Élèves rappelons l'ingénieur Alberto Marvelli, vénérable, animateur zélé des patronages et de l'Action catholique ; l'héroïque brigadier Salvo D'Acquisto qui sacrifia sa vie par amour du prochain, et enfin le baron Antonio Petyx, apôtre infatigable des Anciens Élèves eux-mêmes.

Tous ces candidats aux honneurs des autels, (ils dépassent la centaine),7 sont nôtres et manifestent, telle la pointe d'un iceberg, la présence vivante de l'esprit de Don Bosco dans les différents groupes de notre Famille et parmi les destinataires de ses initiatives apostoliques, un esprit débordant de vitalité, souple et fécond, signe d'un projet spécial du Seigneur gratifiant Don Bosco-Fondateur d'une particulière sainteté apostolique.


L'esprit de Don Bosco dans la perspective de l'année '88.


Si l'École de sainteté salésienne constitue le principal héritage de Don Bosco-Fondateur, les célébrations du centenaire de sa mort devront se distinguer par l'intérêt porté aux contenus évangéliques de cette sainteté et susciter une fidélité renouvelée.

Cette sainteté salésienne est un don de l'Esprit-Saint, nous le savons, et non pas d'abord le fruit de nos programmes, mais nous savons aussi que l'Esprit ne se repent pas de ses dons, au contraire, et qu'il a voulu, par le Concile, les actualiser et en faire la prophétie précieuse qui doit animer la culture aujourd'hui. Si nos prières et nos efforts vont dans ce sens, nous récolterons des fruits en abondance. Voilà pourquoi nous nous proposons de faire de l'année '88 une année de réflexion et de résolutions concernant la sainteté salésienne, à la lumière des grandes orientations de Vatican II.

Nous pouvons dire que les initiatives pensées et lancées à ce jour, en vue du centenaire, sont orientées dans ce sens.

- Au niveau de la Congrégation, nous nous sommes placés, surtout après l'approbation du nouveau texte des Constitutions et des Règlements, dans une sorte d'« état de noviciat », pour un effort intense et prolongé de formation permanente. Nous voulons faire du renouvellement solennel de notre Profession religieuse en 1988, une expression vivante de cette consécration apostolique que les nouvelles Constitutions, dans la lumière du Concile, nous ont appris à mieux connaître, à apprécier et à témoigner avec une actualité prophétique et une profondeur plus authentique. C'est en intensifiant de la sorte notre charité pastorale que nous pourrons prouver au monde la vitalité du charisme de Don Bosco.

- Au niveau de la Famille salésienne, nous nous sentons en communion plus étroite avec les autres Groupes qui ont renouvelé, comme nous, les textes qui fondent leur identité, dans la fidélité à leurs origines et au Concile. Nous voulons travailler ensemble à la reprise du projet global de notre Fondateur, surtout en y associant de nombreux et courageux laïcs, Coopérateurs et Anciens Élèves. Notre effort vise à constituer un vaste Mouvement spirituel et apostolique de personnes intéressées aux problèmes de l'éducation des jeunes.

- Au niveau des jeunes, nos destinataires, nous travaillons, depuis un certain temps déjà, à redéfinir et à répandre une « spiritualité des jeunes » qui, en des formes progressives et appropriées, soit au cœur de nos diverses activités.

N'est-il pas symptomatique qu'à l'initiative et par les soins empressés de l'archevêque de Turin, son Éminence le Cardinal A. Balestrero le Saint-Père ait annoncé, pour l'Église particulière de Turin, une spéciale « Année Sainte des Jeunes », allant du 31 janvier 1988 au 31 janvier 1989 ? Les sujets de réflexion qui caractériseront cette « Année de grâce pour la jeunesse » seront les enseignements prophétiques de Vatican II. Nous pensons qu'il est de notre devoir, à nous salésiens, de transmettre le Concile aux jeunes en marche vers l'an 2.000 !

Le Siège Apostolique déterminera prochainement les conditions de ce jubilé extraordinaire. Elles vous seront aussitôt communiquées. Mais d'ores et déjà nous pouvons songer au climat à créer, aux programmes à établir, aux pèlerinages à organiser, à la sainteté à faire connaître et aimer.

L'indiction de cette Année Sainte spéciale donne une plus ample dimension ecclésiale aux célébrations de l'année '88. Portant nos regards au-delà des horizons de notre Famille salésienne, nous devons intéresser les pasteurs et les fidèles des Églises locales où nous vivons et avec lesquelles nous collaborons, et présenter la figure de Don Bosco comme celle d'un saint suscité par la Providence pour être l'« Ami de la jeunesse », spécialement de la jeunesse pauvre et populaire. C'est une perspective qui doit susciter notre enthousiasme !


Un type de réflexion à susciter.


Je crois opportun de proposer aux animateurs de nos communautés provinciales, en guise d'orientations pratiques, quelques sujets de réflexion. C'est une liste indicative, non exhaustive, d'aspects à développer pour arriver à créer ce climat dont nous parlions plus haut. Certains thèmes sont plus adaptés aux confrères, d'autres peuvent intéresser tous les groupes de la Famille salésienne, d'autres ne concernent que les jeunes, certains intéresseront tous les milieux. Il faut souhaiter que ces thèmes servent d'incitation à en imaginer d'autres mieux adaptés aux situations locales, tout en demeurant dans la droite ligne de nos grands objectifs à atteindre.

Voici donc, à titre d'exemples, un choix de sujets :

- Le rapport final du Synode de 1985.

- Les signes des temps et la « prophétie » que fut le Concile.

- Nouveauté et importance vitale de la liturgie de la Nouvelle Alliance.

- L'Eucharistie et la Pénitence, au centre de notre pastorale.

- La lettre de Jean-Paul II aux jeunes (1985).

- Les défis actuels d'une spiritualité pour jeunes. Les nouveaux problèmes de l'évangélisation des cultures.

- Les requêtes d'une inculturation réussie du « Système préventif ».

- L'Oratoire, notre critère permanent de toute pastorale des jeunes.

- Éducation chrétienne et société civile.

- Le sens ecclésial vécu par Don Bosco.

- Les réponses de Don Bosco aux besoins sociaux.

- Profession salésienne et consécration apostolique.

- L'ascèse indispensable à la pratique des conseils évangéliques.

- Don Bosco modèle de sainteté aujourd'hui.

Il faudrait présenter ces thèmes et d'autres encore, comme des réponses aux questions qui se posent dans les différents milieux de vie, en puisant toujours aux sources abondantes des documents conciliaires. Ces exposés faciliteront l'assimilation des grandes directives du Magistère et de la Congrégation pour mieux vivre aujourd'hui notre Profession religieuse et pour témoigner, devant les jeunes et devant le monde, du message particulier de l'École évangélique de Don Bosco.


Résolution de sainteté salésienne.


Récemment un écrivain italien a estimé qu'au plan culturel, la sainteté de Don Bosco était dépassée. Un autre a même déclaré nécessaire une « anti-hagiographie » pour rétablir une vue plus authentique du message évangélique du Christ. Il y en a qui parlent ou écrivent sur la sainteté, mais qui ignorent dans quel esprit Don Bosco a vécu la sainteté ; ou bien qui confondent sainteté et attitudes culturelles d'une certaine époque. D'autres enfin ne connaissent pas l'École spirituelle née autour de notre Père et Fondateur, ou ne lui accordent pas l'attention voulue.

Je crois que les critiques ont ceci de bon qu'elles nous aident à éviter une hagiographie mythique et nous incitent à repenser en profondeur la nature même de la sainteté, en évitant de la réduire à un simple moralisme et en la distinguant soigneusement de son habillage culturel propre à une époque donnée.

Les critiques nous stimulent encore à préciser avec plus de clarté la diversité historique des façons concrètes de témoigner le message évangélique. Il est donc nécessaire de mieux cerner les éléments permanents de la sainteté et les caractères propres à la voie évangélique de Don Bosco. Avec l'aide du Saint-Esprit et la protection maternelle de la Vierge Auxiliatrice, nous avons pu nous consacrer sérieusement, au cours de près de vingt années de recherches, à cette tâche délicate. Il suffit pour s'en convaincre de penser aux trois derniers Chapitres généraux et au texte rénové de nos Constitutions.

Dans une société où se développe encore un processus de sécularisation d'où la sainteté, tel un résidu d'une époque révolue, serait exclue parce que ne n’apportant plus rien à l'homme scientifique et technique d'aujourd'hui, le rendez-vous de '88 nous invite à nous engager à fond pour un renouveau de la Profession salésienne, face aux temps que nous vivons !

Cet engagement implique trois résolutions :

  • reconsidérer avec clarté l'essence évangélique de la sainteté ;

  • identifier les valeurs permanentes de l'esprit de Don Bosco ;

  • relever le défi d'une inculturation constante et méthodique du charisme salésien.

Cet appel à rendre actuelle la sainteté de Don Bosco nous est adressé par l'Église elle-même, par ses pasteurs, par Vatican II, par les nouvelles générations d'innombrables jeunes qui voient en notre Profession religieuse « le don le plus précieux que nous puissions offrir » à leur espérance.8


* * *


Chers confrères, le Rapport final du Synode des Évêques affirme explicitement que : « À travers toute l'histoire de l'Église, les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les circonstances les plus difficiles. Aujourd'hui, nous avons grand besoin de saints, il faut inlassablement les demander à Dieu. Les instituts de vie consacrée doivent avoir conscience, dans leur profession des conseils évangéliques, de leur mission Spéciale dans l'Église d'aujourd'hui, et nous (les Évêques), nous devons les encourager dans leur mission ».9

Cet appel autorisé nous convie à approfondir le vrai sens de notre Profession et à en témoigner, en ce qu'elle a de plus intime et de plus fécond : la sainteté apostolique. Les Constitutions nous rappellent que « la fidélité à l'engagement pris lors de la profession religieuse est une réponse toujours renouvelée à l'alliance particulière que le Seigneur a scellée avec nous. Notre persévérance s'appuie totalement sur la fidélité de Dieu qui nous a aimés le premier, et elle est entretenue par la grâce de sa consécration. Elle est aussi soutenue par l'amour que nous portons aux jeunes auxquels nous sommes envoyés. Elle s'exprime dans la reconnaissance au Seigneur pour les dons que nous offre la vie salésienne ».10

Que Don Bosco, en ce centième anniversaire de sa mort, intercède auprès de Dieu pour que nous sachions renouveler et témoigner de notre Profession religieuse conformément au projet de sainteté apostolique décrit dans les Constitutions salésiennes !

Je vous adresse mon salut fraternel et le souhait d'une intense préparation spirituelle à l'année '88. Je prie pour vous tous.

Avec ma gratitude et mon affection dans le Seigneur.

1 Lumen gentium 41.

2 Actes du Conseil supérieur n. 303.

3 Actes du Conseil supérieur n. 310.

4 Chapitre général 22, (Documenti, n. 104-105 édition italienne).

5 Cf. Constitutions 40.

6 Cf. Mutuae relationes 11.

7 Cf. Annuaire (Elenco) 1986, 2ème volume, p. 194-196.

8 Cf. Constitutions 25.

9 Rapport final II, A, 4 (Documentation catholique, 5 janvier 1986, p. 38).

10 Cf. Constitutions 195.