401-450|fr|413 Convocation Chapitre General 27

1. LE RECTEUR MAJEUR

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« TÉMOINS DE LA RADICALITÉ ÉVANGÉLIQUE »

Appelés à vivre avec fidélité le projet apostolique de Don Bosco.

Travail et tempérance”



1. CONVOCATION DU CG27. 1.1 Les pas accomplis pour déterminer le thème. 1.2 Objectif fondamental du thème. 1.3 Fruits attendus de la réalisation du thème. 1.4 Autres tâches. 2. VIE ET MISSION SALÉSIENNES DANS LE CONTEXTE MONDIAL D’AUJOURD’HUI. 2.1 Défis culturels. 2.2 Défis ecclésiaux. 2.3 Défis institutionnels. 2.4 Défis personnels. 2.5 Les jeunes en tant qu’ils constituent pour nous un défi. 3. RADICALITÉ ÉVANGÉLIQUE DE LA VIE CONSACRÉE SALÉSIENNE. 3.1 Radicalité évangélique de la vie consacrée.La vocation (Const. 22 et 25 ; 97 et 98). – Expérience spirituelle : disciples du Christ et chercheurs de Dieu.Disciples du Christ (Const. 61-84). – Chercheurs de Dieu (Const. 85-95). – Vie fraternelle : en communautés fraternelles (Const. 49-59). – Mission : envoyés aux jeunes (Const. 26-48). 3.2 Expression salésienne de la radicalité évangélique : travail et tempérance.Travail et tempérance.Travail. – Tempérance. 3.3 Conditions pour concrétiser le thème.Processus à mettre en route.Mentalités à convertir.Structures à changer. 4. CONCLUSION. 5. PRIÈRE À SAINT JEAN BOSCO.




Rome, 8 avril 2012

Pâques, Solennité de la Résurrection




Très chers confrères,


ces jours derniers nous avons terminé la session intermédiaire extraordinaire du Conseil général, au cours de laquelle nous avons réfléchi sur le thème et sur les objectifs du prochain Chapitre Général. Déjà, avant les Visites d’Ensemble, en tant que Conseil général, nous avions approfondi les défis que nous constations dans la Congrégation ; les Visites d’Ensemble nous ont offert d’ultérieurs éléments pour comprendre la situation. A présent, le choix du thème du Chapitre Général entend précisément constituer une réponse à ces défis, afin d’aider la Congrégation à cheminer sur les voies que l’Esprit nous indique en ce contexte historique qui est le nôtre.



1. CONVOCATION DU CG27


En ce jour où nous célébrons la solennité de la Pâque du Seigneur, je suis heureux de vous écrire cette lettre, au moyen de laquelle j’entends convoquer le XXVIIème Chapitre Général, selon l’article 150 de nos Constitutions.

Il aura pour thème : “Témoins de la radicalité évangélique”. Il s’agit d’un moment particulièrement important pour nous, car le Chapitre est « le signe principal de l’unité de la Congrégation dans sa diversité » (Const. 146). Nous aurons le moyen de renforcer cette unité en réfléchissant ensemble sur la manière d’être « fidèles à l’Evangile et au charisme de [notre] Fondateur, et sensibles aux besoins des temps et des lieux » (Const. 146). Dès à présent nous nous confions à l’Esprit du Christ Ressuscité, pour qu’il nous éclaire et nous accompagne, et à Marie Auxiliatrice, pour qu’elle soit pour nous maîtresse de vie et qu’elle nous guide.

Je vous invite à considérer cet événement comme une étape nouvelle et pleine de promesses dans la vie de la Congrégation, qui depuis le Concile Vatican II a effectué un constant et profond renouveau spirituel et pastoral, afin d’être en mesure de répondre à la volonté de Dieu, en vue d’un meilleur service de l’Eglise, dans une fidélité dynamique à Don Bosco ainsi qu’aux besoins et aux attentes des jeunes (cf. Const. 146).

Le prochain Chapitre Général sera le 27ème dans l’histoire de notre Société. Il se déroulera à Rome au “Salesianum” dans la Maison Généralice. Il débutera le samedi 22 février 2014 à Turin, berceau de notre charisme ; nous nous rendrons là-bas pour respirer l’air de la maison, pour rencontrer notre père Don Bosco, pour puiser aux sources du charisme de fondation, comme nous l’avons fait pendant le Chapitre Général précédent. Nous marquerons le commencement des assises capitulaires par la Concélébration Eucharistique dans la Basilique Marie-Auxiliatrice et par la visite aux lieux des origines salésiennes. Puis nous partirons pour Rome, au siège du Chapitre.

Comme Régulateur du CG27 j’ai nommé le Père Francesco Cereda, qui à partir de ce moment a la responsabilité d’en accompagner la préparation et le déroulement.

Le thème choisi concerne le témoignage de la radicalité évangélique, qui trouve dans la devise : “travail et tempérance” (cf. Const. 18) une explicitation du programme de vie et d’action de Don Bosco exprimé dans “da mihi animas, caetera tolle”. Il veut nous aider à approfondir notre identité charismatique, en nous rendant conscients de notre appel à vivre avec fidélité le projet apostolique de Don Bosco. Souvent rappelé lors des Visites d’Ensemble, le thème est apparu aux Conseillers généraux et à moi-même un élément essentiel de notre spiritualité ; la radicalité de vie représente, en effet, la nervure intérieure de Don Bosco ; elle a soutenu son inlassable activité pour le salut des jeunes et a permis à la Congrégation de fleurir.

Le sujet est vaste. C’est pourquoi nous voulons focaliser d’une façon particulière l’attention du CG27 autour de quatre points importants de ce thème : 1. vivre dans la grâce d’unité et dans la joie la vocation consacrée salésienne, qui est un don de Dieu et un projet personnel de vie ; 2. faire une forte expérience spirituelle, en assumant le mode d’être et d’agir de Jésus obéissant, pauvre et chaste et en devenant des chercheurs de Dieu ; 3. construire la fraternité dans nos communautés de vie et d’action ; 4. nous dévouer généreusement à la mission, en faisant route avec les jeunes pour donner l’espérance au monde.


1.1 Les pas accomplis pour déterminer le thème


Pour le choix du thème du CG27 nous sommes partis de la vie des Provinces. En effet, en préparation à la Visite d’Ensemble les Provinces ont effectué une vérification de l’assimilation du CG26 et ont présenté quelques perspectives d’avenir ; elles ont aussi déterminé les plus grandes réalisations des dernières années, les défis les plus importants, les ressources pour faire face à l’avenir, les difficultés qu’elles sont en train de rencontrer.


Les Visites d’Ensemble sont devenues ainsi le premier pas de préparation au CG27, car elles nous ont fait connaître l’état de la Congrégation dans la variété de ses contextes : ses points de force et ses points de faiblesse, les ouvertures favorables et les défis.

Fréquemment ressenti de façon nette émergeait le besoin de vivre avec davantage de dynamisme, de crédibilité et de fécondité la vie salésienne et la mission auprès des jeunes. Tout cela renvoyait à l’urgence de revenir à cette radicalité évangélique qui est propre à notre consécration apostolique et qui trouve une expression typiquement salésienne dans le binôme si cher à Don Bosco “travail et tempérance”. Dans le même temps, bien qu’avec des accentuations diverses, apparaissait d’autres points importants de ce thème, tels que l’insertion dans la culture, les vocations, la formation, le renouveau de notre présence éducative et pastorale, la réflexion à mener sur la pastorale des jeunes, la communication sociale.

Au terme de la session plénière du Conseil général de juin – juillet 2011, chaque Conseiller m’avait déjà remis sa proposition en vue du CG27. Egalement dans ce cas le thème le plus indiqué, avec des motivations et des insistances différentes, concernait le besoin d’apporter, avec beaucoup de solidité et de fermeté, une plus grande conviction pour notre identité (« qui sommes-nous » ?), pour notre action (« que faisons-nous » ?), pour notre proposition éducative et pastorale («  qu’offrons-nous » ?), des aspects qui tous font référence à la radicalité déployée pour vivre la vocation de personnes consacrées à la vie apostolique.

Et maintenant, tout dernièrement, le processus pour le choix du thème s’est terminé avec la réflexion commune, qui a été menée pendant la réunion extraordinaire du Conseil général du 26 mars au 4 avril. Elle nous a conduits à la définition du thème indiqué plus haut.


1.2 Objectif fondamental du thème


L’objectif fondamental du CG27 est d’aider chaque confrère et chaque communauté à vivre avec fidélité le projet apostolique de Don Bosco ; le CG27 entend ensuite, en continuité avec le CG26, renforcer ultérieurement notre identité charismatique. Cet objectif est explicitement présenté dans les premiers articles des Constitutions : en effet, nous salésiens, nous sommes appelés à « réaliser, dans une forme spécifique de vie religieuse, le projet apostolique de notre Fondateur » (Const. 2) ; et, dans cette forme spécifique de vie, « la mission apostolique, la communauté fraternelle et la pratique des conseils évangéliques sont les éléments inséparables de notre vie consacrée, vécus dans un unique mouvement de charité envers Dieu et envers nos frères » (Const. 3).

Notre Ratio fundamentalis institutionis et studiorum, en présentant “l’identité de la vocation salésienne [comme] principe et fin de la formation”, en fait une synthèse dans une mise en évidence de quelques traits fondamentaux. Elle dit : “En Don Bosco et dans le projet constitutionnel salésien émergent les éléments qui définissent ce «  style original de vie et d’action » (Const. 10) que l’Esprit Saint a suscité dans l’Eglise, cette « forme spécifique de vie religieuse » (Const. 2) où « nous trouvons le chemin de notre sanctification » (Const. 2)”.1 Cette vocation fonde toute notre formation (cf. Const. 96).

La “Ratio” continue en précisant que notre vocation est fondamentalement caractérisée par un “projet de consécration apostolique”, concrétisé dans cinq éléments qui définissent le profil du salésien comme :

  • éducateur et pasteur des jeunes animé de la charité pastorale (nn. 30-32) ;

  • membre responsable d’une communauté (n. 33) ;

  • témoin de la radicalité évangélique (n. 34) ;

  • animateur de communion dans l’esprit et la mission de Don Bosco (nn. 35-36) ;

  • situé dans l’Eglise, ouvert à l’histoire et en dialogue avec la réalité (n. 37).

Les récents Chapitres Généraux – et il ne s’agit pas, évidemment, d’une simple coïncidence – ont développé ces différents éléments, en les reconnaissant comme fondamentaux. En particulier, le CG22 et le CG26 ont approfondi le “projet de consécration apostolique” : le premier au moyen de la rédaction du texte définitif de nos Constitutions et Règlements ; le second en cherchant à « renforcer notre identité charismatique par le retour à Don Bosco » et à « réveiller le cœur de chaque confrère par la passion du “Da mihi animas” ».2 Entre ces deux Chapitres, nous trouvons tous les autres éléments qui caractérisent le projet apostolique salésien : le CG23 décrit la physionomie du salésien en tant qu’éducateur et pasteur des jeunes ; le CG24, en tant qu’animateur de communion dans l’esprit et la mission de Don Bosco ; le CG25, en tant que membre responsable d’une communauté.

Le dernier trait, “situé dans l’Eglise …”, n’exprime pas tant un contenu spécifique que le contexte lui-même dans lequel le salésien vit et travaille. D’ailleurs, chaque Chapitre Général s’insère et s’effectue dans le cadre du monde ecclésial et de l’environnement culturel.

De cette simple analyse émerge une constatation : l’unique trait du profil du salésien qui n’a pas fait l’objet d’un approfondissement de la part d’un récent Chapitre Général, c’est le troisième : “témoin de la radicalité évangélique”. Dans le passé, la radicalité était rapportée principalement aux conseils évangéliques d’obéissance, de pauvreté et de chasteté ; de nos jours la théologie de la vie consacrée met en évidence qu’elle est un appel et non un choix volontariste ; elle a son fondement en Dieu et son enracinement dans le Seigneur Jésus ; elle concerne tous les aspects de la vocation consacrée, y compris la vie fraternelle et la mission. Notre règle de vie, elle aussi, reconnaît la racine de notre vocation en Dieu et dans le Christ, quand elle affirme que, nous salésiens, en « nous attachant totalement à Dieu aimé par-dessus tout, nous nous engageons dans une forme de vie entièrement fondée sur les valeurs de l’Evangile » (Const. 60).

Evidemment, le témoignage, qu’il soit personnel ou communautaire, de la radicalité évangélique n’est pas un aspect qui vient se mettre à côté des autres aspects, mais plutôt une dimension fondamentale de notre vie. C’est pourquoi il sera important pour nous de développer le thème de la radicalité évangélique, non seulement en référence à la “sequela” du Christ obéissant, pauvre et chaste, mais aussi en tenant compte des autres aspects de notre consécration apostolique.


1.3 Fruits attendus de la réalisation du thème


Les fruits du CG27 seront là si nous nous appliquons à rendre notre vie salésienne encore plus authentique et donc visible, crédible et féconde. Et cela est possible quand cette vie est fondée profondément et vitalement en Dieu, quand elle est enracinée avec courage et conviction dans le Christ et dans son Evangile, quand est renforcée son identité charismatique. C’est pour ce motif que, durant la période des six dernières années, nous nous sommes engagés à revenir à Don Bosco, en réveillant le cœur de chaque confrère par la passion du “Da mihi animas, caetera tolle”. Vivre avec fidélité le projet apostolique de Don Bosco, c’est-à-dire vivre notre identité charismatique, nous rendra plus authentiques ; de l’identité vécue naîtront la visibilité, la crédibilité et la fécondité de la vocation.  

Il y a six ans, dans la lettre de convocation du CG26, j’écrivais : « Plus que de crise d’identité, je retiens que, pour nous salésiens, une crise de crédibilité existe aujourd’hui. Nous nous trouvons dans une impasse. Il nous semble être sous la tyrannie du “statu quo” ; des résistances au changement, plus inconscientes qu’intentionnelles, existent. Même si nous sommes convaincus de l’efficacité des valeurs évangéliques, nous avons du mal à atteindre le cœur des jeunes, pour lesquels nous devrions être des signes d’espérance. Nous sommes ébranlés par le fait que dans la construction de leur vie la foi ne revêt pas d’importance. Nous nous sentons en faible harmonie avec leur monde et bien éloignés de leurs projets, pour ne pas dire étrangers à ceux-ci. Nous prenons conscience que nos signes, nos gestes et notre langage ne sont pas efficaces ; il semble qu’ils n’ont pas d’impact dans leur vie ».3

Dans la même lettre je continuais en écrivant : « A côté de l’élan vital, capable de témoignage et de don de soi jusqu’au martyre, la vie salésienne connaît également “la menace de la médiocrité dans la vie spirituelle, de l’embourgeoisement progressif et de la mentalité consumériste”4. Dans les documents que la tradition a appelés ‘testament spirituel’, Don Bosco a laissé par écrit : “Dès que commencera à apparaître une certaine recherche de confort dans la personne, dans les chambres ou dans les maisons, à l’instant même commencera la décadence de notre congrégation [] Lorsque commenceront chez nous les commodités et la recherche des aises, notre pieuse société aura achevé sa route”5 ».6

Si, nous-mêmes, nous croyons à notre vocation et la vivons avec conviction, alors nous serons crédibles ; en effet, à la suite du texte précédent j’écrivais encore : «  La raréfaction des vocations et la fragilité des vocations me portent à penser que beaucoup peut-être ne sont pas convaincus de l’utilité sociale, éducative et évangélisatrice de notre mission ; que d’autres peut-être trouvent notre engagement de travail non approprié à leurs aspirations, parce que nous ne savons pas réinvestir et renouveler ; que quelques-uns peut-être se sentent prisonniers des urgences, qui se sont faites de plus en plus pressantes » .7

La visibilité n’est pas principalement le soin de l’image, mais c’est le beau témoignage de notre vocation. Si nous témoignons avec fidélité et joie le projet apostolique de Don Bosco, c’est-à-dire la vocation consacrée salésienne, alors notre vie deviendra attrayante, spécialement pour les jeunes, et ensuite nous aurons une nouvelle fécondité sur le plan des vocations. Si le Seigneur Jésus devient une source de fascination pour notre vie, alors notre vocation deviendra attirante ; c’est pourquoi nous devons prendre soin du témoignage de la beauté de notre vocation.

Je suis convaincu que, pour atteindre l’objectif du CG27, une conversion spirituelle et pastorale est nécessaire. Les nouveaux contextes, les défis culturels et les difficultés à l’intérieur de la vie consacrée nous demandent de continuer à chercher des chemins de renouveau et de croissance qui puissent rendre plus significative notre vie. En face de la réalité que nous vivons il est urgent de changer de stratégie. Ce qui sera vraiment décisif, c’est de concrétiser notre identité de personnes consacrées pour le service du Royaume. Voilà aussi ce qui donne un sens à ce que nous sommes : centrer notre vie sur Dieu, l’unique Absolu, qui nous appelle et nous invite à suivre son Fils en remettant notre vie par amour entre ses mains ; vivre la prophétie de la communion et de la fraternité ; redécouvrir la mission parmi les jeunes comme le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu qui continue à nous parler.

Nous devrons encore continuer à approfondir et à acquérir de mieux en mieux une connaissance de Don Bosco : il faut l’étudier, l’aimer, l’imiter et l’invoquer (cf. Const. 21). Nous devons le connaître comme un maître de vie, à la spiritualité duquel nous puisons en tant que fils et disciples ; comme un fondateur, qui nous indique la route de la fidélité dans la vocation ; comme un éducateur, qui nous a laissé en très précieux héritage le Système préventif ; comme un législateur, en tant que les Constitutions, élaborées par lui et ensuite interprétées par le tradition salésienne, nous offrent une lecture charismatique de l’Evangile et de la “sequela” du Christ.8

Il est nécessaire de continuer à allumer le feu de la passion spirituelle et apostolique dans le cœur de chaque confrère, en l’aidant à motiver et à unifier sa vie par l’engagement de se donner totalement pour “la gloire de Dieu et le salut des âmes”. Egalement cet aspect, comme le précédent, est en continuité avec le CG26, qui demande encore à être pleinement réalisé.

L’approche de l’année 2015, et donc du bicentenaire de la naissance de Don Bosco, représente une grâce pour la Congrégation, qui est appelée à incarner dans les contextes les plus divers le charisme, c’est-à-dire l’esprit et la mission de notre fondateur et père. Cette célébration constituera un point de mire pour le CG27.

Visibilité, crédibilité et fécondité sont des fruits que nous nous appliquons à obtenir, comme conséquence de la mise en pratique et de la réalisation de l’objectif fondamental du CG27 ; nous devons en être conscients. Alors nous devons aussi faire en sorte que ces fruits “arrivent” et se réalisent ; c’est pourquoi nous pouvons dire que ce sont, non seulement des fruits, mais aussi des objectifs secondaires du CG27 à atteindre.


1.4 Autres tâches


En plus de l’approfondissement du thème, le CG27 a d’autres tâches particulières. La première d’entre elles concerne l’élection du Recteur majeur et des membres du Conseil général pour la période 2014-2020.

Il y a ensuite l’exécution et la vérification de quelques demandes faites par le CG25 et le CG26 ou de quelques changements introduits par eux.

On considère avant tout comme importante une réflexion à mener sur l’organisation et la structure des Dicastères pour notre mission salésienne : pastorale des jeunes, missions, communication sociale (cf. CG26, 117.118).

Il faut ensuite effectuer une réflexion sur la configuration des trois Régions d’Europe (cf. CG25, 124.126.129) ; cela devient plus nécessaire à la suite de la décision de dessiner à nouveau les Provinces de l’Espagne, qui après le CG27 passeront de six à deux.

On sent, en outre, l’exigence, après le changement constitutionnel advenu, de faire une évaluation au sujet de la tâche confiée au Vicaire du Recteur majeur pour l’animation de la Famille Salésienne (cf. CG25, 133 et CG26, 116).

Enfin, une “telle révision attire l’attention sur l’entière structure du Conseil général”, avec l’exigence pour le CG27 d’effectuer une vérification des structures d’animation et de gouvernement central de la Congrégation (cf. CG26, 118).



2. VIE ET MISSION SALÉSIENNES DANS LE

CONTEXTE MONDIAL D’AUJOURD’HUI


Le secret du renouveau dans la Congrégation, nous le situons dans l’article 3 de nos Constitutions, où nous lisons : « La mission apostolique, la communauté fraternelle et la pratique des conseils évangéliques sont les éléments inséparables de notre vie consacrée, vécus dans un unique mouvement de charité envers Dieu et envers nos frères. La mission donne à toute notre existence son allure concrète ».

La mission salésienne ne doit pas être identifiée avec les œuvres ou les activités que nous menons ; elle est plutôt l’expression de notre zèle pour le salut des jeunes ; elle naît de la passion du “da mihi animas, caetera tolle” et s’alimente au moyen d’une mystique qui a “sa source dans le cœur même du Christ, apôtre du Père” (Const. 11).

Le monde dans lequel nous vivons et dans lequel nous effectuons la mission de Don Bosco en faveur des jeunes n’est pas seulement le théâtre de nos activités où nous nous rendons présents. Il représente plutôt le lieu à l’intérieur duquel nous répondons aux jeunes et, par leur intermédiaire et avec eux, nous répondons aussi à Dieu. Il est donc opportun de définir, même si c’est brièvement, l’ensemble des défis de la page d’histoire que nous sommes en train de vivre à l’échelle mondiale, en reconnaissant que ces défis sont, dans le même temps, des occasions pour le renouveau de notre vie salésienne et de notre mission.


2.1 Défis culturels


Phénomène typiquement occidental, le premier défi est, sans doute, la postmodernité, qui porte avec elle des aspects positifs en relation à la dignité de l’être humain, mais aussi des contre-valeurs. La postmodernité, il est vrai, ne fait pas sentir partout ses influences et, là où elle est arrivée, elle n’est pas ressentie comme un conditionnement pesant, mais elle est en train, lentement et progressivement, de conquérir la mentalité et le style de vie de l’élite sociale et elle arrive à s’enraciner, malheureusement, même dans le cœur de quelques salésiens, en marquant leur mode de vie.

Un deuxième défi est l’insertion dans la culture, où apparaît aussi une connotation de la mentalité interculturelle croissante. La mondialisation, la migration croissante et la fusion des cultures établissent des possibilités de rencontres, en provoquant une certaine purification des cultures elles-mêmes et en invitant à l’appréciation des différences. Ces poussées peuvent, dans le même temps, conduire à des positions relativistes propres au multiculturalisme, avec une homologation pacifique des différences et un inexorable nivelage des valeurs ; mais elles peuvent aussi amener au refus des diversités, à la défense des intérêts particuliers jusqu’à en venir à l’opposition et à l’exclusion à l’égard de ceux qui sont différents de soi.

Le troisième défi concerne la laïcité et la sécularisation. « Il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et menacé ; [] on a l'impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d'une légitimation sociale qui n'est ni évidente ni escomptée ».9 S’il est vrai, en effet, qu’un tel processus peut favoriser une certaine maturation dans l’autonomie et la responsabilité des personnes et une participation plus consciente aux dynamiques sociales et aux processus culturels, il est tout aussi vrai que, parfois, il conduit à l’immanence et rend impossible de faire une place à Dieu. Le processus de sécularisation, en continuel développement, est devenu un vrai risque même pour nous salésiens, et non seulement pour tous ceux qui travaillent dans des pays très développés, mais aussi pour tous ceux qui vivent au sein de populations qui conservent encore un profond sens religieux.


2.2 Défis ecclésiaux


La situation actuelle fait de la nouvelle évangélisation, non un ‘choix facultatif’, mais une ‘obligation’ missionnaire. Même dans des continents qui sont déjà évangélisés depuis longtemps « la foi ne peut pas être présupposée mais [] elle doit être proposée explicitement dans toute son ampleur et dans toute sa richesse ».10 Nous sommes, donc, dans un contexte où beaucoup n’ont pas encore entendu parler de l’Evangile, et ceux qui en ont entendu parler doivent reconnaître que la chaîne de transmission de la foi, constituée par la famille, l’Eglise et la société, a été désormais rompue. Et cela rappelle le problème de notre langage, qui pour la plupart des gens s’avère incompréhensible. Souvent les discours que nous tenons semblent sans importance et sans signification dans des contextes culturels et sociaux marqués par le pluralisme idéologique ou par le scepticisme religieux.

L’Eglise, et plus spécialement la vie consacrée, sont “tentées par l'obscurcissement de l'espérance”.11 Ce malaise dans la vie consacrée se produit presque naturellement, parce que, pour elle, la tâche principale est ‘l’affirmation de la primauté de Dieu et de la vie éternelle’, tandis que de nos jours elle doit être menée au sein d’un contexte culturel “dans lequel les traces de Dieu semblent souvent perdues de vue”.12 Un tel malaise ne provient pas seulement de causes externes, ni de la naturelle incompatibilité de la vie consacrée avec certaines logiques du monde ; il surgit aussi de l’intérieur car, entre autres choses, la vie consacrée s’est trouvée à l’improviste privée de ces rôles particuliers dans la société qui, pendant si longtemps, lui avait apporté la sécurité et l’importance sociale.

Le pluralisme, qui peut glisser vers le relativisme, nous présente un défi de plus grande intensité. Il est vrai que devient de plus en plus impérieuse la nécessité de favoriser et de maintenir un dialogue interculturel et interreligieux pour collaborer à la construction de l’unique famille humaine dans la diversité des peuples, des cultures, des langues et des religions ; mais il faut le faire, sans omettre de témoigner que le salut vient du Christ. C’est pourquoi nous devons apprendre et enseigner à ne pas rejeter « ce qui est vrai et saint en elles » et à refuser « comme étrangère à l'esprit du Christ toute discrimination ou persécution contre des personnes pour des motifs de race, de couleur ou de condition de vie ou de religion ».13


2.3 Défis institutionnels


En considérant la formation initiale, nous remarquons une plus grande faiblesse dans deux aspects fondamentaux : le discernement des vocations et l’accompagnement personnel. Les “Critères et normes” de la Ratio ne sont pas connus. Il n’y a pas de clarté à propos de la manière dont l’accompagnement doit être structuré, de sorte que sa pratique tombe en désuétude. A cela nous pouvons ajouter la discontinuité et la fragmentation des étapes de notre formation, avec un impact négatif spécialement sur les deux processus mis en évidence et, en général, sur la formation des confrères en tant que personnes qui doivent mûrir efficacement pour assumer la vocation et la mission salésiennes.

Se présente aussi avec évidence le manque d’assimilation des lignes directrices de la Congrégation pour la pastorale. Elles sont un moyen pour comprendre et porter en avant la mission salésienne dans les différents domaines de l’animation missionnaire : pastorale des jeunes, communication sociale, pastorale des vocations.

Enfin nous observons dans la Congrégation une faiblesse de direction et d’animation. Gouvernement et animation ne favorisent pas toujours le changement de mentalité, n’encouragent pas les processus nécessaires, ne réussissent pas à démanteler les résistances au changement, n’aident pas le confrère à assumer des responsabilités personnelles et des engagements de responsabilité partagée.


2.4 Défis personnels


Il faut constater certains aspects négatifs dans la vie du salésien : l’individualisme dans les décisions pastorales ; la manière d’employer le temps libre ; la place accordée au bien-être personnel au détriment de la disponibilité pour la mission ; mais aussi un activisme qui laisse peu de temps à la vie spirituelle, à l’étude systématique, à la formation continue, à l’exercice habituel de la réflexion. Les confrères ne sont pas habitués à l’autoformation, et certains n’en ressentent même pas l’urgence.

Il manque souvent la conscience de l’identité de notre vocation de salésiens consacrés, de sorte qu’est compromise l’identification personnelle avec la vocation elle-même. Ce qui inspire de l’intérêt, ce n’est pas tant de faire le don de soi à sa propre vocation que, semble-t-il, de se sentir bien dans sa peau et d’être bien avec les autres. S’éloigner affectivement et effectivement du monde des jeunes est un phénomène croissant ; souvent ils ne sont pas compris ou perçus comme notre raison d’être.

En dernier lieu, mais pas la moins importante, vient la dimension affective du salésien, qui s’avère maigrement appréciée. Des émotions, des sentiments et des affections sont négligés, si ce n’est ignorés ; l’éducation à l’intériorité et à l’expressivité émotionnelle fait défaut, par manque de formation appropriée et de formateurs experts. Tout cela se répercute sur les attitudes éducatives que nous assumons et sur le travail pastoral que nous effectuons, d’une manière particulière pour ce qui concerne l’éducation des jeunes à l’amour, l’aide à apporter aux couples de fiancés, l’attention pour la vie matrimoniale et les familles.


2.5 Les jeunes en tant qu’ils constituent pour nous un défi


Enfin – comme je l’ai déjà écrit dans une autre occasion14 – “il me semble percevoir dans la Congrégation un phénomène très préoccupant” : “j’enregistre çà et là parmi les confrères une résistance plus ou moins consciente, et parfois une incapacité déclarée, à effectuer avec sympathie une approche personnelle, à apporter avec perspicacité un éclairage, fruit d’une étude, et à accorder un accueil cordial à l’égard des nouvelles formes d’expression qui caractérisent les jeunes d’aujourd’hui, et tout autant à l’égard des expériences collectives au moyen desquelles ils donnent corps à leurs ‘spectaculaires’ styles de vie15, c’est-à-dire ces expériences qui, d’ordinaire, s’imposent pendant le temps libre, presque toujours en marge des institutions sociales habituelles.”

Le CG26 illustre cette situation quand, en parlant des nouveaux fronts d’action, il affirme : « Nous reconnaissons aussi les attentes des jeunes spirituellement et culturellement pauvres, qui sollicitent notre engagement : des jeunes qui ont perdu le sens de la vie, qui sont dépourvus d’affection à cause de l’instabilité de leur famille, déçus et amenés à constater le vide laissé en eux par la mentalité qui développe la consommation à outrance, indifférents religieusement, démotivés par les doctrines permissives, par le relativisme moral, par la culture de mort qui est répandue ».16

Cette solitude affective n’est pas l’unique, ni, je dirais, la forme la plus étendue de pauvreté vécue dans leur existence, que rencontrent les jeunes d’aujourd’hui. L’immense majorité de ceux qui peuplent” les pays en voie de développement “connaît bien l’indigence économique, la précarité familiale, la discrimination raciale, les carences éducatives et culturelles, l’impréparation au travail, l’exploitation ignoble de la part de tiers, l’emploi abusif comme main d’œuvre, la fermeture d’horizons qui étouffe la vie, diverses dépendances et autres déviances sociales.

La carte actuelle du désarroi des jeunes est un tableau si désolant qu’il appelle à une urgente conversion à la commisération (cf. Mc 6,34 ; 8,2-3) et non moins à l’action (cf. Mc 6,37 ; 8,4-5)”. Comme et avec Don Bosco, “la Congrégation s’est engagée, au moyen de l’éducation et de la prévention, [] à les aider à retrouver leurs orientations personnelles, à les accompagner avec patience et avec confiance sur le chemin de leur construction personnelle, à leur offrir des outils de formation pour gagner leur vie ; mais, en même temps, [] à proposer une façon, qui leur soit appropriée, de se mettre en relation avec Dieu”.

Pour redonner des forces au charisme salésien dans les situations les plus composites où nous nous trouvons, il ne suffit pas de l’adapter aux différents contextes relatifs aux jeunes ; bien plus encore, il faut investir sur les jeunes, en les faisant devenir des protagonistes actifs et des collaborateurs de confiance, sans jamais oublier qu’ils sont la raison de notre consécration à Dieu et de notre mission”. “Nous voulons le faire, en habitant leur monde[, …] en parlant leur langage, en nous plaçant à leurs côtés non seulement comme à nos destinataires privilégiés mais, surtout, comme à des compagnons de voyage”.



3. RADICALITÉ ÉVANGÉLIQUE DE

LA VIE CONSACRÉE SALÉSIENNE


Pendant les Visites d’Ensemble nous avons pu constater qu’existent de nombreux aspects positifs dans la vie de la Congrégation. Les confrères sont, en général, conscients de l’identité de la vie consacrée salésienne et sont porteurs de valeurs qui la manifestent. Le plus souvent l’implantation du charisme dans les différents pays, lieux, contextes où se trouve la Congrégation a été bonne. La croissance des présences et des vocations a été satisfaisante en de nombreuses parties du monde. Ces derniers temps se sont consolidées des expériences positives de vie fraternelle. Surtout à la suite du CG26, a grandi chez tous la conscience que la connaissance approfondie de Don Bosco constitue un élément, auquel on ne peut renoncer, pour obtenir un renouveau profond de la vie salésienne. Dans quelques Régions les Provinces ont connu une floraison pleine de promesses et ont fait naître de nouveaux types d’œuvres qui rendent visible la fidélité au charisme de Don Bosco.

Toutefois, à côté de ces éléments positifs, s’est également présentée l’expérience de difficultés significatives : dans quelques parties de la Congrégation le vieillissement des confrères, la raréfaction des vocations et la complexité des œuvres rendent difficile le renouveau souhaité ; dans d’autres on a du mal à orienter l’action pastorale vers le choix fondamental des jeunes. Des résistances se maintiennent lorsqu’il faut retrouver une place pour la vie de communauté et l’on a de la peine à organiser des parcours valables et efficaces de formation permanente. De plus, çà et là, apparaît un manque d’enthousiasme pour vivre personnellement la vocation et l’on signale que l’animation attendue des confrères directeurs reste faible.

Pour affronter les défis actuels et futurs de la vie consacrée salésienne et de la mission dans toute la Congrégation, émerge la nécessité de donner un aperçu du profil du nouveau salésien ; de nos jours il est appelé à être :

  • un mystique : dans un monde qui commence à faire sentir de plus en plus clairement le défi du sécularisme, nous avons besoin de « trouver une réponse dans la reconnaissance du primat absolu de Dieu, vécu par les personnes consacrées dans le don total d’elles-mêmes, dans la conversion permanente d'une existence offerte comme un vrai culte spirituel ».17

  • un prophète : « Dans la situation pluriculturelle et multireligieuse actuelle, le témoignage de fraternité évangélique [] est exigé ». Nos communautés religieuses sont appelées à être courageuses pour vivre l’Evangile comme modèle de vie alternatif et « incitation à la purification et à l'intégration de valeurs différentes grâce au dépassement des antagonismes ».18

  • un serviteur : « La présence de nouvelles formes de pauvreté et de marginalisation doit susciter la créativité [] pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin » ;19 cela a marqué la naissance de notre Congrégation et produira la renaissance de nos Provinces, au bénéfice des jeunes pauvres et de ceux qui sont marginalisés pour des raisons économiques, sexuelles, raciales ou religieuses.

Tout cela demande un changement aussi bien de mentalité que de pratique : entrer dans un processus de vraie conversion, en passant d’une mentalité fermée à une mentalité ouverte et prête au changement, en regardant vers l’avenir avec espérance et optimisme. Il faut alors prendre en considération quelques éléments stratégiques.


3.1 Radicalité évangélique de la vie consacrée


En observant la situation actuelle de l’Eglise et, en elle, celle de notre Congrégation, nous ne pouvons pas ignorer que l’appel à la “radicalité évangélique” constitue une nécessité urgente et un thème de grande actualité, à commencer par la pratique des conseils évangéliques. Par exemple, au sujet de la chasteté consacrée, sont apparus au cours de ces dernières années, en suscitant de grands scandales, les problèmes de la pédophilie et des abus sexuels ;20 comme l’a écrit Benoît XVI lui-même, ils « ont assombri la lumière de l'Evangile à un degré que pas même des siècles de persécution ne sont parvenus à atteindre »,21 même s’il convient de rappeler que le problème n’est pas d’aujourd’hui.

Cependant, il n’y a pas que l’aspect de la chasteté consacrée à être problématique ; très souvent, en effet, les difficultés dans ce domaine sont la conséquence et l’expression d’autres situations négatives relatives aux conseils évangéliques de la pauvreté et de l’obéissance. En particulier, la pratique de la pauvreté, qui est l’un des points centraux du CG26 (cf. nn. 79-97), est devenue plus contraignante, à la suite de l’effondrement financier et économique survenu au niveau mondial. En tant que religieux, nous ne pouvons pas réduire la pauvreté à une exactitude plus contrôlée dans la gestion des ressources, exactitude qui par ailleurs est déjà un devoir ; la pauvreté, en effet, couvre totalement la façon de comprendre et de vivre une valeur évangélique fondamentale pour notre consécration. A ce sujet, le Saint-Père Benoît XVI, lui-même, a des expressions, très fortes et éclairantes, sur la racine morale de la crise économique actuelle.

Dans l’une de mes premières lettres, « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que Toi »,22 j’ai voulu faire une analyse approfondie de cette situation, provoquée par un “modèle libéral” de vie consacrée, qui porte atteinte particulièrement à l’obéissance. Je suis convaincu, en effet, que l’un des points qui s’y trouvent indiqués peut être reconnu comme l’une des racines de cette problématique actuelle ; il s’agit de l’individualisme, qui parfois se cache derrière le droit à la “privacy” [chasse gardée, intimité, domaine privé] : c’est là une réalité qui souvent, en paraphrasant le texte biblique, “couvre une multitude de péchés”. Tout cela est indissolublement lié aux difficultés dans l’obéissance ; je reconnaissais, en effet, ce lien également dans la lettre citée : « Il s’est ainsi introduit une forte dose d’individualisme, qui rend l’obéissance presque impossible ».23

Toutefois, la radicalité évangélique de la vie consacrée ne peut pas se limiter à la pratique des conseils évangéliques. Cette radicalité engage la vie de la personne consacrée dans tout son être, en atteignant les composantes essentielles de la vie consacrée : la “sequela” du Christ et la recherche de Dieu, la vie fraternelle en communauté, la mission. Chacun de ces domaines est imprégné de l’attrait de la vocation et, donc, porteur d’un appel à la radicalité évangélique.

Cette radicalité est affirmée par Jésus lui-même au cours de son ministère prophétique, qui trouve son expression la plus explicite dans le “Sermon sur la montagne”, soit dans la proclamation des Béatitudes, qui marquent un renversement de la logique du monde, soit dans les déclarations subséquentes qui visent à l’intériorité de la loi et à l’amour comme loi suprême (cf. Mt 5-7). Une fois encore, la radicalité évangélique apparaît au grand jour de façon irréfutable lorsque Jésus présente les conséquences à assumer par celui qui veut le suivre en partageant avec lui une vie inconfortable, non programmée, partout où lui il va, en subordonnant tout au Royaume (cf. Lc 9,57-62). Et, surtout, quand, après la première annonce de la passion et la résistance de Pierre, il dit en s’adressant non seulement aux disciples mais aussi à toute la foule : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (Mc 8,34-35).


La vocation (Const. 22 et 25 ; 97 et 98)


En tant que religieux, nous salésiens, nous sommes appelés à la radicalité évangélique dans la vie consacrée. S’il est vrai, en effet, que la radicalité évangélique concerne tout disciple de Jésus, il est tout aussi vrai que, nous autres, nous sommes appelés à la vivre concrètement dans la vie consacrée. La radicalité pour nous résulte avant tout d’un appel, d’une vocation. Malheureusement, dans notre réflexion, dans le vécu et dans l’action concrète la référence à l’appel de Dieu s’avère plutôt pauvre. La vocation, on ne la choisit pas, mais elle nous est donnée ; quant à nous, nous ne pouvons que la reconnaître et l’accueillir ; et de même aussi la radicalité évangélique, qui, avant d’être de l’ordre d’un engagement et d’un devoir, est le fruit d’un don et d’une grâce.

La vocation ne naît pas d’une initiative personnelle, car elle est un appel pour une mission spécifique, qui n’est pas déterminée par nous, mais par Celui qui appelle. Nous lisons dans l’Evangile selon saint Marc que Jésus « appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Mc 3,13-15). Egalement l’Evangile selon saint Jean confirme qu’être disciple et apôtre n’est pas un choix effectué personnellement, mais un choix accompli par Jésus ; c’est une vocation : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16a) ; et la mission est « demeurer dans son amour » (Cf. Jn 15,9b). Ce n’est qu’ainsi que ceux qui sont appelés peuvent obtenir une plénitude de joie : « je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11) ; entrer dans son intimité : « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14) ; avoir de la fécondité : « c’est moi qui vous ai [] institués pour que vous alliez, que vous produisiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16b).

Cette dimension anthropologique et théologique de la vocation est attrayante. Il y a une Personne qui te regarde, t’aime et t’appelle, et toi tu peux accepter ou refuser la proposition. A un appel personnel on peut répondre en disant “oui” ou “non”. Tout cela se produit dans la plus grande liberté. C’est avec raison que nous pouvons dire que remettre entre les mains de Dieu sa vie personnelle, son unique vie, toute sa vie, représente le plus haut niveau de la conscience humaine. Dans la Sainte Ecriture nous trouvons l’histoire des grands “amis de Dieu” : Abraham, Moïse, David, Elie, les prophètes, Joseph, Marie, les apôtres ; quant à eux, ils renoncèrent à leurs projets personnels et consentirent à ce que Dieu fût le maître de leur vie pour écrire, avec Lui, l’histoire du salut. Cependant ceux qui furent appelés n’acceptèrent pas tous l’appel. Nous pouvons, par exemple, rappeler la rencontre de Jésus avec cet homme riche qui lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ? » ; mais, devant l’invitation de Jésus, qui lui disait : « va ; ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi » (Mc 10,17-22), devint tout triste, et, lui, il s’en alla.

Dans le passé, la vocation religieuse était souvent présentée comme un événement vécu à un moment donné au cours de la vie d’une personne. Même si, dans les nombreux appels qui façonnent l’existence, il y a des événements qui déterminent l’avenir, la vocation chrétienne doit être de plus en plus comprise comme un dialogue ininterrompu entre Dieu qui appelle et le disciple qui répond. Elle demande donc une grande liberté pour disposer totalement de soi et se remettre entre les mains de la personne aimée. Evidemment, pour tout laisser et se donner entièrement à une personne, il faut être profondément épris. Ce n’est pas par hasard que l’image la plus éloquente pour décrire cette relation d’amour est l’alliance. Cela fait comprendre que, dans le même temps, on ne peut pas d’une part être une personne consacrée et d’autre part ne pas être un mystique, rempli de passion pour Dieu et pour l’homme.

Notre vocation spécifique est la vie consacrée salésienne, qui nous met comme disciples et apôtres du Seigneur Jésus sur les pas de Don Bosco. Elle est décrite d’une manière synthétique dans l’article 3 des Constitutions, qui présente notre vocation comme un appel à la “sequela” du Christ obéissant, pauvre et chaste, à la vie fraternelle en communauté, au don de soi pour la mission, en dialogue avec Dieu et au service des frères. Il s’agit des éléments constitutifs de la vocation, auxquels il faut faire une place dans la vie personnelle et la vie communautaire. Notre vie devra laisser un espace “équilibré et harmonieux” à l’expérience spirituelle, à la fraternité en communauté, à la mission.

La “grâce d’unité” entre ces aspects de notre vocation est un défi fondamental à affronter avec sérieux et détermination, sous peine d’aboutir à la fragmentation, à la dispersion, à l’activisme, à la superficialité spirituelle, au flou dans la pastorale, à la perte du sens de la vocation, à la vacuité. C’est pourquoi je présente maintenant ces éléments fondamentaux de notre consécration apostolique, qui demandent à être vécus avec radicalité évangélique : l’expérience spirituelle, la vie fraternelle, la mission.


Expérience spirituelle : disciples du Christ (Const. 61-84) et chercheurs de Dieu (Const. 85-95)


Il n’est pas surprenant que l’expérience spirituelle, qui est à la base de la vie consacrée, et qui fait de nous des chercheurs de Dieu et des disciples de Jésus, se caractérise dans l’Esprit comme totalisante, unitaire et dynamique :

  • totalisante, parce qu’elle nous place devant Dieu : un Dieu rempli de zèle, qui n’admet pas d’autres dieux en dehors de Lui, et sa présence est une présence qui enveloppe ; il n’y a pas d’espace pour fragmenter notre remise entre ses mains : en effet, « qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi » (Mt 10,37-38) ;

  • unitaire, parce qu’elle vient pour intégrer tous les éléments de la vie autour de l’unique important et nécessaire, l'Absolu, comme l’illustre la réponse de Jésus à Marthe, toute aux prises avec les nombreuses choses à faire pour Lui à l’exception de celle qui est importante, découverte au contraire par Marie (Lc 10,41-42) ;

  • et dynamique, parce qu’elle nous donne “un cœur nouveau et un esprit nouveau” ; ce qui est à faire, la loi à accomplir, cela n’est pas en dehors de nous, mais en nous ; l’Esprit Saint lui-même devient en nous le dynamisme de la vie, comme dit Saint Paul : « Car la loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort » (Rm 8,2).

Il n’y a qu’une telle expérience spirituelle qui peut être source d’une vie religieuse dynamique et significative, d’une prière vivante, d’une communauté fraternelle, d’un zèle apostolique, d’une pastorale féconde ; elle transforme de l’intérieur la vie de la personne et la vie de la communauté, en donnant lieu à de nouveaux modèles de relation interpersonnelle et de conduite, à un nouveau type de prière et de culte, à une forme typique de pastorale, et, surtout, à un modèle culturel alternatif, signe et fruit de l’attente du Seigneur qui vient.


Disciples du Christ (Const. 61-84)


Une fois accueillie, la vocation religieuse nous porte à la décision de nous remettre totalement entre les mains de Dieu qui nous consacre à Lui. La vie consacrée est, en effet, une voie qui part de l’Amour de Dieu qui a fixé son regard sur nous, nous a aimés, nous a appelés, nous a saisis ; et c’est une voie qui conduit à l’Amour, en tant que voie sûre pour parvenir à la plénitude de vie en Dieu. Cela veut dire que toute la vie consacrée est marquée par l’amour et doit être vécue sous le signe de l’amour ; c’est pourquoi elle ne peut pas être vécue sinon dans la joie, même dans les moments d’épreuve et de difficulté, avec la conviction et l’enthousiasme de celui qui perçoit l’amour comme une force stimulante de la vie. De là proviennent la sérénité, la luminosité et la fécondité de la vie consacrée, traits qui la remplissent de charme.

La consécration nous fait donc devenir des personnes remises inconditionnellement entre les mains de Dieu et, plus concrètement, fait de nous “une mémoire vivante du mode d’exister et d’action de Jésus” obéissant, pauvre et chaste,24 en nous transformant en signes et en porteurs de l’Amour de Dieu pour l’humanité. C’est là, en effet, le premier apport qu’en tant que religieux nous pouvons et devons offrir. Malheureusement tout cela n’est pas reconnu, quand un modèle anthropologique réducteur prive la vie de sa dimension religieuse, en la fondant sur des projets d’existence de courte durée ; par exemple les mythes de la science, de la technique et de l’économie, avec l’illusion que leur progrès est illimité, condamnent la vie à l’immanence de ce monde sans horizon de transcendance définitive, car à la fin tout se conclut par la mort. A un monde centré sur l’efficacité et sur la production, sur l’économie et le bien-être, le religieux se présente comme un signe de Dieu, de sa grâce, de son amour. Dieu et son Amour, voilà tout ce que Jésus est venu nous donner. Voilà la bonne nouvelle ! Dieu est le premier apport que nous pouvons donner à l’humanité. Telle est la grande espérance à offrir. Telle est notre première prophétie.

A force de parler avec les jeunes qui aspirent à être salésiens, je demeure convaincu qu’au fond ils cherchent dans la vie consacrée la réponse à trois grands désirs ardents : une soif profonde de spiritualité, même si elle n’est pas toujours identifiée avec une claire expérience du Dieu de Jésus Christ ; une vie de communion, même si elle n’est pas toujours projetée sur la communauté, surtout quand celle-ci ne brille pas par l’accueil, le rapport interpersonnel, l’esprit de famille ; et enfin un engagement envisagé avec décision en faveur des plus pauvres et de ceux qui sont le plus dans le besoin, même s’il n’est pas toujours accompagné de l’idée de se donner définitivement, ce qu’il est facile de comprendre dans une culture caractérisée par les engagements qui sont ‘de courte durée’ ou du moins ‘pas pour toujours’. Une tâche de la formation est de construire des chemins de maturation dans ces valeurs pour lesquels les jeunes personnes consacrées se montrent plus sensibles, en les aidant d’autre part à reconnaître et à accueillir aussi les éléments qu’elles perçoivent comme des difficultés.

La vocation à suivre et à imiter Jésus Christ comporte de conformer progressivement son être au Sien jusqu’à devenir précisément “une mémoire vivante de sa façon d’agir et d’être obéissant, pauvre et chaste”, comme Lui-même l’a été.

Certes, cette vie ainsi centrée sur Dieu et sur la remise de soi entre les mains des autres est clairement ‘contre-culturelle’, contre la valeur absolue de l’économie et du matérialisme, contre l’hédonisme et le culte rendu au corps, contre l’individualisme et toute forme d’autoritarisme. Nous vivons dans un certain contexte historique, culturel et social dans lequel les conseils évangéliques ne sont pas appréciés ; et même, ils sont considérés comme inhumains et coupables de construire des personnes à moitié détruites, comme quelque chose dont on devrait se libérer. Par exemple, l’obéissance semble attenter aux droits fondamentaux de la personne humaine : la liberté de décider par soi-même, de s’autodéterminer et de s’auto-réaliser. La chasteté est vue comme une privation des biens de la conjugalité : le renoncement à avoir une personne sur laquelle on peut compter dans les bons moments et dans les mauvais moments et avec laquelle on peut partager les joies et les tristesses, les succès et les épreuves de la vie ; le renoncement à la paternité et à avoir des enfants ; le renoncement au plaisir conjugal, accompagné de la joie du corps que les époux se donnent réciproquement, évidemment il ne s’agit pas ici de tout réduire au plaisir physique ; le renoncement à la tendresse, à l’intimité ordinaire, à savoir qu’il y a une personne à côté de soi, à la douceur d’un échange de regards, à s’entendre dire “il est bien que tu sois là”. La pauvreté est encore moins appréciée dans un monde qui a fait du bien-être et de l’économie les valeurs suprêmes ; il résulte de cela qu’elle soit vue comme un mal à vaincre, quelque chose dont il faut se libérer pour être pleinement autonome, sans dépendre de personne ; ce qui importe, c’est d’avoir pour pouvoir être, de ne vouloir se priver de rien, de rechercher pour sa vie des manières empreintes d’un esprit bourgeois et d’une utilisation immodérée des biens de consommation, ce qui nous rend insensibles aux pauvres et incapables de servir ceux qui sont le plus dans le besoin.

Cette mentalité de plus en plus répandue, qui ne rend pas désirable la vie évangélique, peut s’infiltrer chez les personnes consacrées, qui se sentent tentées de soustraire à Dieu dans leur vie personnelle ce qu’elles Lui ont donné publiquement au moyen de la profession religieuse.

Sans idéaliser la façon ordinaire de réaliser la vie humaine, il est important de souligner que les vœux ne sont pas un pur et simple renoncement à des valeurs. Pour leur part, ils donnent une réponse aux trois grandes forces qui compromettent l’existence humaine et que la première lettre de Jean a magistralement stigmatisé de la façon suivante : « Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui, puisque tout ce qui est dans le monde — la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et la confiance orgueilleuse dans les biens —, ne provient pas du Père, mais provient du monde » (1 Jn 2,15b-16). Jésus a inauguré dans sa personne une autre manière pleinement humaine de réaliser l’existence, en étant totalement consacré à Dieu et entièrement voué à l’Homme. Ce n’est possible que si nous reconnaissons Dieu comme Absolu dans notre propre vie, en faisant de Sa Volonté notre projet de vie, en nous donnant avec générosité pour collaborer avec Lui dans la réalisation de son dessein de salut de l’humanité : libres de tout et de tous pour nous rendre serviteurs de tous. Justement parce qu’une telle vie n’est pas inhumaine, mais plutôt charismatique, au sens plein du terme, c’est-à-dire le fruit de l’action de l’Esprit qui rend capable de mener cette forme de vie évangélique, elle demande une aptitude humaine, c’est-à-dire le fruit de la nature et de l’éducation reçue, et une maturation, c’est-à-dire l’œuvre du processus de formation.

D’autre part, la radicalité des conseils évangéliques ne provient pas seulement de la tradition ecclésiale, mais se situe aussi dans la perspective de la révélation biblique. Je me réfère, en particulier, à l’obéissance qui dans la Sainte Ecriture, depuis l’Ancien Testament, est jointe à l’attitude fondamentale du croyant, c’est-à-dire à la foi. Dans les Ecritures, en effet, les authentiques croyants sont radicalement obéissants ; nous pensons à Abraham, à David, à Moïse et aux prophètes. Nous pouvons même affirmer que, dans le cadre de leur vie, n’apparaissent encore comme valeurs ni la pauvreté ni le célibat. Il ne s’agit pas toutefois de personnages extraordinaires, car l’expérience d’Israël, elle aussi, a été décrite ainsi : un peuple d’esclaves libérés pour devenir un peuple saint qui connaît la joie du libre service rendu à Dieu.

Cette perspective vétérotestamentaire trouve l’incarnation la plus parfaite du point de vue de l’obéissance dans le Fils de Dieu, Jésus. La Lettre aux Hébreux ainsi que la Lettre aux Philippiens mettent en évidence le fait que le croyant est par sa nature et se définit comme un être obéissant. Et encore, je dirais que l’un des traits les plus attrayants de la christologie contemporaine est précisément cette récupération de la liberté de Jésus, qui ne peut pas s’expliquer autrement que dans cette obéissance radicale au Père qui est la sienne. L’obéissance représente l’attitude par excellence du Fils de Dieu. Il me semble que cela aide un peu à dépasser le préjugé qu’il y a dans la culture actuelle contre l’obéissance. La perspective biblique aide à comprendre la différence entre ‘se soumettre’ [se mettre en dessous], qui implique quelque chose de servile et qui est indigne de l’être humain, et l’acte d’‘obéissance’ qui dans toutes les langues bibliques a comme racine l’écoute. En pratique, celui qui écoute bien est précisément celui qui accueille tout ce qu’il a écouté ; donc il n’y a pas d’écoute authentique qui ne serait pas accompagnée par l’obéissance.

Cette conception fait qu’il devient possible, joyeux et fécond de vivre les valeurs de l’Evangile, de faire de plus en plus nôtre le mode d’existence de Jésus obéissant, pauvre et chaste, de devenir ses disciples. C’est seulement en s’identifiant progressivement avec le Christ qu’on réalise la sequela Christi.


Chercheurs de Dieu (Const. 85-95)


En parlant aux personnes qui prenaient part à l’Assemblée de l’USG (Union des Supérieurs Généraux) et de l’UISG (Union Internationale des Supérieures Générales), dans la Salle Clémentine du Vatican, le 26 novembre 2010, le Pape Benoît XVI nous disait : « Vous avez consacré vos deux dernières Assemblées à considérer l’avenir de la vie consacrée en Europe. Cela a signifié pour vous repenser au sens même de votre vocation qui comporte, avant tout, la recherche de Dieu, quaerere Deum : par vocation, vous êtes des chercheurs de Dieu, vous consacrez à cette recherche les meilleures énergies de votre vie. Vous passez des choses secondaires aux choses essentielles, à ce qui est vraiment important ; vous cherchez le définitif, vous cherchez Dieu, le regard constamment tourné vers Lui. Comme les premiers moines, vous cultivez une orientation eschatologique : derrière le provisoire, vous recherchez ce qui demeure, ce qui ne passe pas (cf. Discours au Collège des Bernardins, Paris, 12 septembre 2008). Vous cherchez Dieu dans les confrères qu’Il vous a donnés, avec lesquels vous partagez la même vie et la même mission. Vous Le cherchez chez les hommes et les femmes de notre temps, auxquels vous êtes envoyés pour leur offrir, par votre vie et votre parole, le don de l’Evangile. Vous Le cherchez spécialement dans les pauvres, premiers destinataires de la Bonne Nouvelle (cf. Lc 4,18). Vous Le cherchez dans l’Eglise, où le Seigneur se rend présent surtout dans l’Eucharistie et les autres sacrements, et dans sa Parole, voie par excellence de la recherche de Dieu ; elle nous introduit dans un colloque intime avec Lui et nous révèle son vrai visage. Soyez toujours des chercheurs passionnés et des témoins de Dieu ! ».

Et aussitôt il ajoutait : « Le profond renouvellement de la vie consacrée commence en donnant une place centrale à la Parole de Dieu, et plus concrètement à l’Evangile, votre règle suprême, comme l’affirme le Concile Vatican II dans le Décret Perfectae caritatis (cf. n. 2) et comme l’ont bien compris vos fondateurs : la vie consacrée est une plante aux multiples rameaux, enracinée dans l’Evangile. Ceci est démontré par l’histoire de vos instituts dans lesquels la ferme volonté de vivre le message du Christ et d’y conformer sa vie est, et reste le critère fondamental du discernement vocationnel et de votre discernement personnel et communautaire. L’Evangile vécu au quotidien est l’élément qui donne à la vie consacrée sa fascination et sa beauté et vous présente au monde comme une alternative digne de foi. La société actuelle a besoin de cela, c’est ce que l’Eglise attend de vous : être un Evangile vivant ».

C’est pourquoi les personnes consacrées assument la sanctification comme le projet principal de leur vie. Et cela est aussi valable pour notre Congrégation, comme l’atteste clairement le procès-verbal de la Fondation de la Congrégation Salésienne.25 Ce n’est pas par hasard que notre Règle de vie conclut sa première partie, aussitôt après la formule de la profession, en affirmant en un premier temps que « les confrères qui ont vécu ou qui vivent en plénitude le projet évangélique des Constitutions nous aident et nous entraînent sur le chemin de la sanctification » et, ensuite, que « le témoignage de cette sainteté, qui se concrétise dans la mission salésienne, révèle la valeur unique des béatitudes et constitue le don le plus précieux que nous puissions offrir aux jeunes » (Const. 25).

Dans sa Lettre « Le Père nous consacre et nous envoie », le P. Juan E. Vecchi écrivait : « Les [personnes] consacrées se présentent comme des experts en expérience de Dieu. Cette expérience est à l’origine de leur vocation. Le projet de vie qu’ils assument tend à l’entretenir. Il la privilégie en termes de temps et d’activité. Tous les chrétiens, d’autre part, doivent et veulent faire une certaine expérience de Dieu ; mais ils ne peuvent s’y consacrer que par intervalles et dans des conditions de vie moins favorables : ils risquent donc de la négliger.

Les [personnes] consacrées se proposent comme interlocuteurs pour tous ceux qui, dans le monde, sont en quête de Dieu. A ceux qui sont déjà chrétiens ils offrent la possibilité de faire, en leur compagnie, une expérience religieuse rénovée ; [pour ce qui est de] ceux qui ne sont pas croyants, ils cheminent à leurs côtés dans leur recherche.

Aujourd’hui ce service est actuel et demandé. L’ouverture des monastères et des couvents à ceux qui souhaitent en profiter pour des journées de réflexion, en est une preuve. De notre côté, nous sommes appelés à rendre aux jeunes un service de ce genre.

Il y a dans la vie une loi qui s’applique à tous les milieux : aucune valeur ne reste vivante dans la société s’il n’y a pas un groupe de personnes pour travailler complètement à la développer et à l’appuyer. Sans la classe des médecins ni l’organisation des hôpitaux, la santé est impossible. Sans les artistes ni les institutions correspondantes, le sens artistique de la population se dégrade. C’est pareil pour le sens de Dieu : contemplatifs ou non, les religieux constituent le corps des mystiques en mesure d’aider au moins ceux qui souhaitent lire l’existence à la lumière de l’Absolu, et en faire l’expérience.

Cela fait partie des propos essentiels de la vie religieuse. C’est pourquoi les fondateurs ont placé le sens de Dieu au-dessus de toutes les activités et de tous les aspects de leur institution. Les croyants et les non-croyants ressentent la médiocrité des personnes consacrées comme une difformité. Les religieux eux-mêmes souffrent d’un vide irrémédiable lorsque disparaît cette dimension ».26

L’affirmation de l’Absolu de Dieu exige de nous un saut prophétique : l’accomplir est le devoir de la vie religieuse aujourd’hui ; c’est le meilleur service que nous puissions rendre à nos frères, parce que seuls la foi, l’espérance et l’amour ont l’énorme pouvoir de dépasser la médiocrité et de faire disparaître la décadence de notre culture, désagrégée par l’individualisme, l’hédonisme, le relativisme, le nihilisme et par toutes les sortes d’idéologie immanentiste.

Si dans le passé le danger pour la vie religieuse était de perdre un sain enracinement dans la terre et dans l’histoire, en se concentrant d’une manière prépondérante sur sa fonction de rappel à la transcendance, de nos jours elle risque de s’affaiblir dans un “terrénisme” [où tout n’est tourné que vers le monde et l’humanité] qui oublie toute perspective ultérieure. Cela se produit quand on pense que le salut est notre œuvre, quand nous cédons à la tentation du prométhéisme et, sans le vouloir, nous faisons de l’activisme une idolâtrie. Alors la vie religieuse perd sa raison d’être, oublie sa mission et se pervertit en une forme paradoxale de sécularisme. En pensant acquérir plus d’importance sociale en raison de ce que nous faisons, nous perdons notre identité et nous privons le monde de l’espérance qu’il attend de nous !

Voilà pourquoi nous devons cultiver avec soin notre vie spirituelle, aussi bien au niveau spirituel qu’au niveau communautaire. Incontestablement il faudra dépasser une conception de la vie spirituelle qui n’est tournée que vers l’intimité de la personne, en restant étrangère ou marginale par rapport à la vie du monde ; mais en même temps il faudra intensifier l’expérience de la prière, améliorer la qualité de la vie communautaire, exercer avec professionnalisme et préparation notre service d’évangélisation, pour pouvoir être des signes prophétiques en face des valeurs actuelles que le monde d’aujourd’hui approuve hautement, et être des témoins irréfutables du Dieu de l’Amour.


Vie fraternelle : en communautés fraternelles (Const. 49-59)


Dans une société où règne l’individualisme, dans une culture où prévaut l’égoïsme, dans des familles où est de plus en plus répandue la solitude, il est naturel que la personne perçoive la communication comme un besoin fondamental. De nos jours, d’une part, la rendent facile et la développent les moyens de communication ; il suffirait de penser à l’usage du portable et à tous les autres domaines de communication comme youtube, facebook, twitter…. Mais, d’autre part, elle peut être entravée par les possibilités du monde du virtuel. Il est vrai que l’on peut entrer en contact avec de très nombreuses personnes, dans n’importe quelle partie de la terre et au même instant ; mais l’usage de ces canaux n’assure pas la communion, parce que celle-ci est toujours le fruit d’un lien personnel, d’un rapport réel avec quelqu’un qui demande l’accueil, la reconnaissance et le respect de sa propre individualité, l’acceptation de ses limites personnelles et de celles d’autrui, l’engagement à partager et à vivre ensemble : ce sont là des éléments qui sont tous à la base de n’importe quelle expérience authentique en famille ou en communauté.

Pour nous salésiens, la vie de communauté est un élément très important de notre choix religieux. En effet, pour nous “vivre et travailler ensemble” est une condition essentielle qui garantit une voie sûre pour réaliser notre vocation (cf. Const. 49). La vie religieuse salésienne n’est pas concevable sans cette communion qui se concrétise dans la vie commune et dans la mission partagée. L’exigence de la fraternité naît du fait que nous sommes fils du même Père et membres du Corps du Christ ; la vie religieuse établit une authentique famille constituée de personnes qui partagent la même foi et le même projet de vie. D’un point de vue typiquement salésien, nous sommes appelés à établir et à vivre l’esprit de famille comme le voulait et le vivait Don Bosco.

Evidemment, comme dans d’autres domaines de la vie religieuse, ici aussi nous pouvons déterminer des risques, par exemple, celui de mettre en place un style de rapports purement fonctionnels ou hiérarchiques ou faussement démocratiques. Nos rapports doivent être des rapports fraternels et amicaux, qui portent à nous aimer jusqu’à tout partager. Un tel critère nous fait voir que la communauté est bien comprise et vécue, quand elle se nourrit de communion et tend à la communion. Une communauté sans communion, où manque tout ce que celle-ci comporte d’accueil, d’appréciation, et d’estime, d’aide réciproque et d’amour, se réduit à un groupe où se juxtaposent les personnes, alors qu’en fait elles sont laissées dans l’isolement. D’autre part, dans la vie religieuse la communion sans communauté est une forme narcissique de vivre la vie, et, en conséquence, une contradiction, parce qu’elle est une forme camouflée d’individualisme.

De nos jours, les religieux doivent fournir un effort, grand et partagé, pour établir une communauté, où la densité spirituelle, la qualité humaine et l’engagement apostolique de chacun des membres font en sorte que la vie soit vraiment bonne, belle et heureuse. En d’autres termes, sans qualité humaine, sans spiritualité vécue et sans don apostolique de soi, il n’y a pas de véritable fraternité.

En outre, à une époque où la présence des laïcs dans la Congrégation est de plus en plus majoritaire, et non seulement en tant qu’employés ou collaborateurs, mais aussi en tant que coresponsables et même en tant que dirigeants de nos œuvres, c’est à plus forte raison que les communautés doivent briller par leur vie de communion, de manière que celle-ci se propage comme des ondes concentriques dans les groupes des coresponsables et des collaborateurs et dans ceux des personnes proches de nos présences salésiennes.

De plus encore, un autre trait, qui n’est pas sans importance dans la vie religieuse d’aujourd’hui, est à mettre en évidence : celui de la diversité culturelle des communautés, dans une société de plus en plus multiculturelle. Le témoignage de communautés constituées de personnes d’âge, d’origine, de langue, de formation et de traditions diverses, mais unies par la foi, par l’espérance et par la charité est un vrai trésor, d’autant plus que la tentation de la xénophobie se fait sentir de plus en plus fortement. En outre, la communauté religieuse est un grand apport que nous offrons à un monde divisé par l’injustice sociale, par les conflits interethniques et par certains modèles sociaux, culturels et économiques qui sont en train de détruire la solidarité et d’hypothéquer pour toujours la fraternité. Dieu est communauté. Dieu est amour. Voilà la bonne nouvelle ! Voilà tout ce que nous sommes appelés à offrir pour l’humanisation du monde.

En jetant un regard spécifique vers la profession des conseils évangéliques, nous reconnaissons qu’une vie de communauté de bonne qualité constitue une aide importante pour l’observance de nos vœux religieux. En effet, elle nous aide à être, avec plus de facilité, disponibles aux exigences de l’obéissance ; elle nous rend conscients de la valeur de la sobriété et du partage dans l’usage des biens ; elle renforce notre engagement pour une vie chaste et ouverte à un amour oblatif et elle aide notre fidélité, en nous protégeant de fugues affectives ou d’autres expériences négatives (cf. Const. 83).

Le renouveau profond de notre vie religieuse et salésienne passe donc aussi par un renouveau profond de notre fraternité dans la vie communautaire. En cela revêt une importance particulière le style d’animation et de gouvernement du directeur, dans son rôle : d’autorité spirituelle, qui aide les confrères dans leur cheminement de vocation, au moyen d’une animation communautaire vivante et intelligente et d’un accompagnement personnel attentif ; d’autorité qui travaille à établir l’unité, en développant un climat de famille capable de favoriser un partage en frères et une action de coresponsables ; d’autorité pastorale qui guide et oriente toutes les personnes, toutes les actions et toutes les ressources vers les objectifs d’éducation et d’évangélisation qui caractérisent notre mission ; d’autorité qui sait prendre les décisions nécessaires et sait en assurer l’exécution.


Mission : envoyés aux jeunes (Const. 26-48)


Tandis que la vie fraternelle n’a pas la même importance ni les mêmes modalités des mises en œuvre dans tous les Ordres et toutes les Congrégations, même si, comme nous l’avons vu, la vocation religieuse est par sa nature une convocation et donc une source de fraternité, la mission a toujours été reconnue par tous comme un élément d’identité de la vie religieuse. Il ne pourrait pas être en autrement, du moment que la mission des religieux est une participation à la mission de l’Eglise, et du moment que la mission de l’Eglise est déjà elle-même à son tour un prolongement de la mission du Christ. « Il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Mc 3,13-15).27 Qui plus est, aux yeux du monde, la mission est ce qui apporte à la vie religieuse de l’importance et de l’utilité.

Il faut cependant distinguer entre mission et buts spécifiques d’un Institut de vie consacrée. La mission ne consiste pas à faire des choses, mais essentiellement à être des signes de l’amour de Dieu dans le monde. Les buts spécifiques, au contraire, s’identifient, spécialement dans le cas de la vie consacrée apostolique, avec l’action au service de la pastorale ou l’action au service de la promotion des personnes que les religieux effectuent dans les différents secteurs de la vie humaine. Il n’existe pas d’identification de l’être avec l’agir ; s’il y a quelque chose qui doit être une conséquence de l’être et sa plus évidente manifestation, c’est l’agir.

En effet, la mission n’est pas autre chose que l’expression historique de l’amour salvifique de Dieu, concrétisée dans l’envoi du Fils par son Père et dans l’envoi que Jésus accomplit par le don de son Esprit aux Apôtres. La conscience d’être envoyés nous met en garde contre la tentation de vouloir nous approprier la mission, de ses contenus, de ses méthodes, de disposer d’elle au lieu d’être disponibles pour elle.

Nous faisons l’annonce d’un Autre et nous offrons son salut : c’est justement pour cela que nous ne pouvons pas faire l’annonce de nous-mêmes et de nos projets. Notre devoir est de rendre présent le salut de Dieu, en devenant ses témoins. Cette mission engage toute notre existence et nous libère du risque, non imaginaire, de se considérer uniquement comme chargé d’accomplir une fonction (“fonctionnalisme”), de mener des activités (“activisme”) et de tenir les premiers rôles (“protagonisme”).

L’Evangile selon saint Jean exprime d’une manière incomparable l’amour de Dieu dans la mission du Fils quand, à la suite de la rencontre de Nicodème avec Jésus, ce dernier affirme que « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,17). L’Evangile selon saint Marc, de son côté, conclut le passage de la discussion des apôtres sur le problème de l’autorité en reprenant ce que Jésus a expliqué à propos de son existence humaine : « Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45).

Voilà quelle est la mission de Jésus, et c’est aussi celle de la personne consacrée. Voilà l’Evangile, voilà la bonne nouvelle que nous sommes appelés à proclamer et à incarner pour remplir d’espérance le monde. Voilà pourquoi la vie consacrée a encore de l’avenir dans le monde d’aujourd’hui ! Il n’y a pas de doute que demain nous serons moins nombreux, mais certainement nous devrions être plus significatifs qu’hier.

Parfois il peut nous arriver d’être envoyés dans une communauté pour accomplir une mission qui ne correspond pas à nos attentes ; ou bien d’être envoyés dans un lieu où les destinataires semblent n’avoir aucun intérêt pour ce que nous sommes ou proposons. C’est le moment où nous est offerte l’occasion de mûrir le sens de la mission, pour le simple fait qu’il nous met en face d’interrogations qui aident à purifier et à hisser sur un niveau théologal, et pas simplement sociologique, nos motivations : « qui suis-je, moi ? qui m’a envoyé ? qui sont ceux auxquels j’ai été envoyé ? que dois-je faire ? ». Alors je me rendrai compte que ce qui est en jeu, c’est ma vie, mais aussi la leur.

Si, à ce moment-là, j’ai la capacité de comprendre que je suis une personne consacrée à Dieu dans le don de moi-même aux jeunes, que c’est Lui qui m’a envoyé, qu’eux, ils m’ont été confiés, que ma mission est de devenir leur compagnon de route pour les aider à donner un sens à leur existence et à faire des choix de vie, alors seulement je trouverai les raisons et la force pour employer ma vie pour eux : « je m’offre totalement à Toi [] et je m’engage à dépenser toutes mes forces pour ceux auxquels Tu m’enverras, spécialement pour les jeunes les plus pauvres » (Const. 24). Pour accomplir cela, il faut une chose très simple : ouvrir les portes de son cœur pour pouvoir peu à peu conquérir leur cœur pour le modeler et l’orienter vers le Christ, l’Unique qui peut remplir de sens et de bonheur leur vie.

Alors les heures de la journée ne nous suffiront pas, nous passerons moins d’heures à regarder la TV ou dans d’autres ‘hobbies’ et beaucoup plus à être pleinement à leur disposition : pour les accueillir, les écouter et les orienter. Alors, et seulement alors, leur monde nous deviendra plus compréhensible, et nous ferons nôtres leurs difficultés, leurs doutes, leurs raisons, leurs peurs, leurs attentes, leurs besoins, pour qu’ils apprennent à se mettre à l’écoute d’eux-mêmes, à s’accepter eux-mêmes, à décider au sujet de ce qui les concerne eux-mêmes, en somme à ne pas être simplement des contestataires ou des réactionnaires mais à agir positivement en misant sur les choses auxquelles ils croient.

La radicalité évangélique dans la mission apostolique a du sens, se vérifie et se mesure dans la croissance de la charité pastorale, comme celle de Don Bosco : « Pour vous j’étudie, pour vous je travaille, pour vous je vis, pour vous je suis disposé à donner jusqu’à ma vie ».28 Cette radicalité nous rendrait disponibles pour aller dans les lieux auxquels la mission nous appelle et où il n’y a pas toutes les commodités, tout ce qui nous est nécessaire, notre cercle de personnes chères.


3.2 Expression salésienne de la radicalité évangélique : travail et tempérance


Arrivés à ce point, nous nous posons une question : si la vie consacrée est l’âme de l’Eglise et représente une réserve d’humanité et une thérapie pour cette société dans laquelle nous vivons, alors quelle vie consacrée est nécessaire et significative pour le monde d’aujourd’hui ? La réponse ne peut être que celle d’une vie religieuse menée par des mystiques, des prophètes, des serviteurs, avec une radicalité évangélique aussi bien personnelle que communautaire, et donc une vie riche d’humanité et de spiritualité, source d’espérance pour l’humanité. Elle aussi, notre Congrégation est aujourd’hui appelée à se mettre sur cette route et à trouver les voies pour exprimer, selon notre identité, comment chaque salésien peut être mystique, prophète et serviteur et, en conséquence, comment peut l’être chaque communauté.

La mission de la vie consacrée a un rôle spécifique dans l’Eglise et dans le monde. Avant tout, j’aime dire que la consécration elle-même est déjà une prophétie, dans la mesure où elle témoigne l’Absolu de Dieu et les valeurs évangéliques qui, aujourd’hui plus que jamais, vont à contre-courant, dans une société marquée par le sécularisme, par l’indifférence religieuse et par l’athéisme pratique. Les valeurs évangéliques sont un refus prophétique des idoles, que ce monde a fabriquées et propose à l’adoration de l’homme. En outre, la vie consacrée est destinée à mettre sans cesse en question ces personnes – les jeunes en particulier – qui se sont renfermées sur des buts purement terrestres, avec un immanentisme infécond parce que sans avenir.

C’est pourquoi, quand elle est vécue en plénitude et dans une joyeuse action de grâces, la vie religieuse est une prophétie des réalités définitives, du destin final de toute la création, de celui de l’histoire et de l’univers. Il s’agit d’une prophétie, de nos jours plus que jamais nécessaire, justement parce que notre époque postmoderne se caractérise par un déclin des espérances humaines et une perte des utopies, en condamnant les hommes à l’enfer du pragmatisme [n’est vrai que ce qui réussit], de l’efficientisme [n’est vrai que ce qui est efficace] et de la fonctionnalité [n’est vrai que ce qui est pratique et fonctionnel], sans foi, sans espérance, sans amour.

La vie consacrée est un signe prophétique quand elle rend présente, visible et crédible la primauté de l’amour de Dieu et en donne un témoignage, avec un fort sens de communion et de fraternité, dans un style de vie au service des pauvres et des personnes laissées à l’abandon qui se trouvent dans le monde et qui jettent une note de tristesse sur le panorama de la société et assombrissent la présence amoureuse de Dieu. Nous sommes conscients et convaincus que « sans la foi, sans le regard de l’amour, le monde est trop mauvais pour [prendre conscience] que Dieu est bon, qu’il existe un Dieu bon ».29

La primauté de l’amour de Dieu préserve la personne consacrée de la tentation volontariste et perfectionniste. Elle ne s’engage pas parce qu’elle doit atteindre une perfection abstraitement intense ou le plein contrôle de soi. Son engagement et son effort de chaque jour sont la façon pour elle de répondre à un amour, infiniment plus grand que ses actes et que ses efforts. C’est parce qu’elle a été et qu’elle est continuellement et inconditionnellement aimée qu’elle répond avec générosité. Et donc la radicalité est toujours une expression de la “sequela”. Le « va, vends tout » a été prononcé dans le contexte d’une rencontre et d’un dialogue qui s’ouvre par un regard d’amour (« il le regarda et se prit à l’aimer ») et se termine par l’invitation à partager et à devenir un compagnon (« suis-moi ») (cf. Mc 10,21).

Le cœur du projet de notre vie de personnes consacrées n’est pas d’être parfaits ou d’être radicaux, mais d’être « signes et porteurs » d’un amour qui a précédé notre réponse, nous a attirés et fonde notre “oui”, pour toujours (cf. Const. 2). Le test le plus sûr pour discerner entre volontarisme et “sequela” est la présence de la joie. Elle permet aussi d’évaluer la qualité du travail et de la tempérance. Une austérité triste et un engagement dans le travail qui efface du visage la sérénité et éteint le sourire sont le symptôme que quelque chose est à revoir. Cela concerne aussi profondément le “visage” d’une communauté : une communauté joyeuse est un signe clair et évident de “bonne santé” sur le plan de la vocation qui la rend “attrayante” et accueillante.


Travail et tempérance


Du fait que le CG27 est en étroite relation de continuité avec le CG26, je considère qu’il est possible d’exprimer leur rapport au moyen de l’une des “images” salésiennes les plus riches et les mieux connues : le rêve du personnage des dix diamants. Ce rêve a également été pris en considération par le CG25, qui a approfondi le thème de la communauté salésienne. Le CG26 ensuite, en se proposant de “repartir de Don Bosco pour réveiller le cœur de chaque confrère avec l’identité charismatique et la passion apostolique”, a contemplé le manteau de ce personnage surtout dans sa partie de devant, c’est-à-dire dans son témoignage de Dieu au moyen des trois diamants “d’une taille et d’une splendeur extraordinaires” : la foi, l’espérance et la charité pastorale. En effet, en parlant des cinq pôles thématiques du CG26, j’écrivais qu’en réalité il s’agissait « d’un unique thème : le programme de vie spirituelle et apostolique de Don Bosco »,30 que, justement, la vie théologale entend favoriser et réaliser.

Nous ne pouvons pas oublier que le manteau a deux parties. Les trois diamants placés sur la poitrine sont en rapport avec la mystique salésienne, centrée sur le “da mihi animas”, c’est-à-dire sur la charité pastorale accompagnée de la vitalité des deux autres vertus théologales. Les cinq diamants du dos constituent l’ascétique salésienne. Les deux diamants du travail et de la tempérance, placés bien visiblement sur les épaules, soutiennent tout le manteau et « font une sorte de charnière entre l’aspect mystique et l’aspect ascétique, et les traduisent de pair dans la vie quotidienne ».31

Dans la présentation de ce rêve, le P. Egidio Viganò écrivit : « Le contenu du rêve comporte certainement, dans l’idée de Don Bosco, un important cadre de référence pour l’identité de notre vocation. Le choix et la présentation organique de caractéristiques déterminées sont à considérer comme une charte d’identité du visage salésien qui fait autorité ; dans ces caractéristiques nous trouvons une esquisse, chargée de qualité, de notre physionomie. C’est pourquoi Don Bosco nous dit que le soin apporté à ces caractéristiques assure l’avenir de notre vocation dans l’Eglise, tandis que leur négligence et leur omission en détruisent l’existence ».32

L’article 18 des Constitutions, qui a précisément pour titre “Travail et tempérance”, présente ce binôme, “pour nous insécable”,33 comme un élément essentiel de l’esprit salésien, « le mot d’ordre et le signe distinctif du salésien » :34 « les deux armes avec lesquelles nous salésiens, écrivit Don Bosco, nous réussirons à vaincre tout et tous ».35

On pourrait dire, en s’en tenant au thème du CG27, que ce binôme représente la manière salésienne de comprendre et de réaliser la “radicalité évangélique”, « dans la réalité concrète de laquelle s’incarnent, heure après heure et jour après jour, les idéaux et le dynamisme de notre foi, de notre espérance et de notre charité ».36 Don Bosco ne voulut pas autre chose que “fonder une Congrégation de religieux « avec les manches retroussées » et qui seraient aussi « un modèle de frugalité »”.37 En effet, le texte des Constitutions dit : « Le travail et la tempérance feront fleurir la Congrégation »;38 «la recherche des commodités et des aises signera sa mort ».39

« Pour Don Bosco le travail n’est pas la simple occupation du temps dans n’importe quelle activité, fût-elle fatigante. Mais le don de soi à la mission avec toutes les capacités et à temps plein » :40 il « est un moyen de sainteté ».41 « Le salésien se donne à sa mission avec une ardeur infatigable et le souci de bien faire toute chose avec simplicité et mesure. Il sait que son travail le fait participer à l’action créatrice de Dieu et coopérer avec le Christ à la construction du Royaume. La tempérance renforce en lui la garde du cœur et la maîtrise de soi, et l’aide à rester serein. Il ne recherche pas de pénitences extraordinaires, mais il accepte les exigences quotidiennes et les renoncements de la vie apostolique : il est prêt à supporter la chaleur et le froid, la soif et la faim, les fatigues et le mépris, chaque fois que sont en jeu la gloire de Dieu et le salut des âmes » (Const. 18).

Le commentaire que fait pour cet article ‘Le projet de vie des Salésiens de Don Bosco’ dit que “le texte de la Règle met surtout en évidence le rôle que « travail et tempérance » ont dans la vie et dans la mission de la Congrégation. Pour Don Bosco, ils sont un programme de vie (une « devise » étroitement liée au « da mihi animas, cetera tolle ») et une garantie de futur”.42

Et il continue : “Dans notre tradition, les deux éléments sont inséparablement liés. Dans le songe des dix diamants, les deux diamants du travail et de la tempérance, placés sur deux épaules, semblent soutenir le manteau du Personnage. Dans la physionomie du salésien et dans sa vie apostolique, travail et tempérance ne peuvent être séparés : ils ont une fonction complémentaire d’impulsion et de soutien. C’est la réalité même de la vie qui exige d’une part enthousiasme et d’autre part renoncement, d’une part engagement et d’autre part mortification.

Remarquons que dans la vision salésienne, « travail et tempérance » apparaissent comme des réalités de sens positif. Le travail lance la personne dans l’action, la stimule à inventer, la pousse à une certaine affirmation de soi et l’envoie au monde. Le travail salésien est caractérisé par exemple par la rapidité, la spontanéité, l’initiative, l’aggiornamento constant et, naturellement, par l’union avec les frères et avec Dieu. La tempérance, comme vertu qui conduit à la domination de soi, est un « pivot » autour duquel viennent s’agréger diverses vertus modératrices : la continence, l’humilité, la mansuétude, la clémence, la modestie, la sobriété et l’abstinence, l’économie et la simplicité, l’austérité. Cet ensemble constitue une attitude globale de domination de soi-même. La tempérance devient ainsi un entraînement à accepter tant d’exigences, ni faciles ni agréables, du travail quotidien…Pour nous, salésiens, – écrit Don Viganò – « la tempérance n’est pas la somme des renoncements, mais la croissance de la pratique de la charité pastorale et pédagogique »”.43

Il semble important de mettre également en évidence la relation entre le travail et la tempérance. Le travail a aussi une caractérisation ascétique : doit être évité un travail désordonné, qui génère le stress chez le confrère ; il faut de l’autodiscipline et une capacité de repos. Comme aussi, pour éviter le risque de l’effort excessivement basé sur la volonté, la tempérance se situe dans un horizon mystique, c’est-à-dire revêt une connotation reçue de la mission.

En cherchant un lien entre le programme de vie de Don Bosco “da mihi animas, caetera tolle” et cette devise du salésien “travail et tempérance”, nous pourrions dire que le travail est ce qui rend visible la mystique salésienne et constitue une expression de la passion pour les âmes, tandis que la tempérance est ce qui rend visible l’ascétique salésienne et constitue une expression du “caetera tolle”. En cela également nous rencontrons une continuité entre le CG26 et le CG27.


Travail


Elle est bien connue la grande estime que Don Bosco a eue pour le travail, jusqu’à arriver à un certain “scandale”, en s’en tenant aux paroles de Don Albert Caviglia, qui disait en parlant de Don Bosco : « Voici le scandale d’un saint : il dit bien plus souvent “travaillons” que “prions” ».44 Elles sont, en effet, très nombreuses les citations que nous trouvons à propos de son exhortation au travail : « Eh, bien, voyez-vous, dit-il – en parlant aux FMA d’Alassio en 1877 – quand je vais dans les maisons et que j’entends dire qu’il y a beaucoup à travailler, je vis tranquille. Là où il y a du travail, il n’y a pas le démon ».45 Et une autre fois : «  Si quelqu’un veut entrer dans la Congrégation, il faut qu’il aime le travail…. On ne laisse manquer en rien du nécessaire, mais il faut travailler… Que personne n’y entre avec l’espoir d’y rester les bras croisés… ».46 C’est pourquoi il a pu promettre à ses salésiens « Pain, travail et paradis » et se hasarder à affirmer : « Quand il arrivera qu’un salésien succombe [] en travaillant pour les âmes, alors vous pourrez dire que notre Congrégation a remporté un grand triomphe ».47 Lui-même, il a travaillé tellement au point de mourir non de maladie, mais consumé par un travail excessif incessant, selon les paroles du médecin qui l’a assisté.48 Que ces quelques citations suffisent pour nous assurer que le travail est le signe distinctif du salésien, une note particulière de notre caractère propre, qui nous reporte à nos origines.

C’est pourquoi, de l’avis de Don Bosco, n’ont pas de place dans la Congrégation ceux qu’il appelait les “flemmards”, c’est-à-dire ceux qui ne savent pas prendre d’initiative, sont paresseux et indolents, ne savent pas travailler durement ; c’est, pour nous salésiens, un critère de discernement de vocation.

Nous comprenons que l’insistance unilatérale sur le travail, confirmée par des citations de Don Bosco présentées isolément, pourrait justifier des comportements, non rares, de confrères excessivement concentrés sur “leur propre” travail ou portés à faire du travail, fût-il apostolique, l’unique horizon de leur vie consacrée. Telle n’est pas la pensée de Don Bosco. Il associait le travail à l’“union avec Dieu” et une tradition ininterrompue depuis les premières générations salésiennes a forgé l’expression du “travail sanctifié”.49 Le travail est une “mission apostolique”. Si l’on perd de vue qui est Celui qui envoie et soutient avec la force de son Esprit et quel est le but de la mission, on risque de faire que le travail devienne une “idole”. N’importe quel travail n’est donc pas un travail apostolique.

Le travail “en autonomie” n’est pas la façon d’opérer pour nous salésiens ; au contraire, ce à quoi nous sommes appelés, c’est “vivre et travailler ensemble” (Const. 49), tout en sachant bien que cela ne voudra pas toujours dire travailler “coude à coude”, au même endroit et en même temps, mais plutôt selon un projet partagé communautairement, porté et vérifié ensemble, parce que “dans un climat d’amitié fraternelle [] nous partageons dans la coresponsabilité les expériences et les projets apostoliques” (Const. 51). La communauté locale et la communauté provinciale sont les cadres dans lesquels sont dépensées généreusement les forces personnelles.

Ajoutons, en outre, une considération sur le “caractère professionnel” dans le travail, sur le sens de responsabilité qui doit accompagner n’importe quel travail, et encore plus ce que nous appelons “apostolat”. L’approximation, l’improvisation, la répétition monotone de tout ce qui n’est plus approprié aux destinataires, l’allergie à une réflexion et à des projets ne sont pas les signaux qui indiquent une “passion apostolique”, mais bien plutôt de la “paresse”.

Partager habituellement la réflexion avec les confrères et les laïcs, déterminer quelques objectifs possibles, réserver du temps à la phase préparatoire, effectuer des vérifications scrupuleuses et sincères, améliorer à la lumière de l’expérience, se mettre en concordance avec les indications de la Congrégation et de l’Eglise locale, lire les signes des temps avec perspicacité, employer les instruments que les sciences humaines nous offrent, ne sont que quelques-uns des indicateurs que notre travail est vraiment sérieux et effectué honnêtement.

La réflexion de Don Viganò sur ce sujet est encore valable et actuelle : « Nous venons des pauvres, d’une culture populaire. Et c’est un dessein de Dieu, parce que nous sommes pour les pauvres, pour le peuple [] Nous sommes à l’aube d’une nouvelle culture qui est poussée en avant par la civilisation du travail ; c’est l’heure de la technique et de l’industrie, où le travail occupe une place centrale. Eh bien, si nous parlons de notre travail, nous voudrons nous sentir “prophètes” et non de simples “ascètes”. Nous devons parler du travail d’une manière profonde et ample. Ce n’est pas seulement un moralisme de conduite, ce devrait être une prophétie religieuse, où il y a aussi une place non indifférente pour l’ascèse, mais où il y a tout un témoignage pour les gens d’aujourd’hui, évangéliquement utile au monde du travail ».50 Précisément, et comme il a été dit, Don Bosco sut répondre aux nécessités éducatives et sociales de son temps, avec une originalité géniale, en éduquant au moyen du travail et au travail ; il fit du travail un instrument d’éducation, mais aussi un mode et un contenu de vie.51

Evidemment il nous intéresse de réfléchir sur la manière dont la foi, l’espérance et la charité poussent le salésien à être non seulement une personne engagée dans la transformation du monde au moyen de son travail, mais aussi un grand travailleur dans l’Eglise. Dans cette perspective, ce qui identifie le salésien n’est pas une profession quelconque, mais sa vocation de personne consacrée apôtre ; il n’est donc pas étonnant que l’on parle du “caractère professionnel” du “travail du salésien”, justement parce qu’il est vu en rapport avec la mission, qu’il est un travail pédagogique, pastoral, éducatif, qualifié et mis à jour par l’apport des sciences humaines et des disciplines théologiques, et vécu selon le style salésien avec « le souci de faire bien toute chose avec simplicité et mesure » [Const. 18]. « Tel est le travail qui finit par modeler la physionomie spirituelle de la personne »52 du salésien.

Le texte des Constitutions souligne, en effet, que par son travail le salésien coopère dans l’action créatrice de Dieu, en rendant le monde plus humain, et collabore aussi avec le Christ à l’œuvre de la Rédemption. De cette manière, le salésien s’identifie non seulement avec sa profession mais surtout avec sa vocation. Voilà pourquoi l’« ardeur infatigable », dont parle l’article 18, ne signifie ni agitation ni activisme, mais travail apostolique pour le salut des âmes et la propre sanctification personnelle.

La spiritualité et l’engagement dans le travail caractérisent tout salésien, aussi bien le prêtre que le coadjuteur ; le travail est un aspect de l’identité charismatique commune. D’autre part, chacune des deux formes de la vocation consacrée salésienne a sa façon spécifique de vivre le travail, avec des attentions plus marquées dans le domaine ministériel ou laïque, sans pour autant que soit accentué d’une manière exclusive l’un ou l’autre domaine. C’est justement pourquoi tout salésien, quelle que soit la forme de sa vocation, ne dédaigne pas le travail manuel au moyen duquel il prend soin de la maison, il embellit les lieux de l’éducation, il éduque les jeunes à l’habileté manuelle.


Tempérance


En commentant le rêve des dix diamants, Don Egidio Viganò a fait une interprétation très profonde et actuelle de la tempérance : « Elle est conçue comme un contrôle de soi, une modération des inclinations, des instincts, des passions, un souci de ce qui est raisonnable, une rupture avec ce qui appartient à ce monde, non en s’enfuyant dans le désert mais en restant au milieu des hommes avec la maîtrise de son cœur : demeurer dans le monde, sans être du monde. Cette tempérance est une attitude essentielle de fond, de maîtrise de soi [] Avec raison la tradition théologique parle de la tempérance comme d’une “vertu cardinale” [‘cardinal’ d’un mot latin signifiant ‘pivot’] : un axe de rotation autour duquel pivotent différentes attitudes complémentaires de maîtrise de soi. En effet, voici les vertus qui tournent autour du noyau central de la tempérance : la continence, contre les tendances de la luxure ; l’humilité, contre les tendances de l’orgueil [] ; la mansuétude, contre les mouvements de colère [] ; la clémence, contre certaines inclinations à la cruauté et à la vengeance ; la modestie, contre les vanités de l’exhibition du corps (la mode !) ; la sobriété et l’abstinence, contre les excès dans le boire et le manger ; l’économie et la simplicité, contre les actions trop librement menées dans le gaspillage et le luxe ; l’austérité dans le train de vie (une vie spartiate), contre les tentations de choisir l’aisance de vie ».53

Il s’agit, au fond, de l’ascèse chrétienne nécessaire si peu appréciée dans la société d’aujourd’hui qui, fortement conditionnée par l’hédonisme et par le relativisme éthique, au nom de la liberté absolue, refuse toute limite et qui, au nom du caractère spontané de la nature et des idéologies, considère une telle ascèse comme une névrose aliénante. Le manque d’ascèse est une conséquence et une expression du refus de Dieu. Le sens, la justification et la fécondité de l’ascèse chrétienne se trouvent dans la fidélité au mystère de la mort et de la résurrection du Christ.

Et il ne faut pas oublier que le travail au milieu des plus pauvres, la vie auprès de ceux qui souffrent, la proximité des milieux populaires et le fait de partager « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses »54 de tant d’hommes et de femmes ainsi que de jeunes qui peinent pour vivre, constituent une aide puissante pour refuser toute forme de relâchement et d’embourgeoisement pour chacun de nous et pour nos communautés et donc pour vivre dans la sobriété, l’essentiel et la tempérance. Les pauvres peuvent devenir nos authentiques “formateurs”, parce qu’ils nous demandent quotidiennement d’être fidèles à la promesse que nous avons faite de donner toute notre vie pour eux.

Il est vrai que l’ascèse « doit correspondre à l’anthropologie culturelle de l’époque où l’on vit. Et de nos jours la tempérance doit tenir compte du concept plus approfondi d’être humain, des découvertes acquises par les sciences anthropologiques (spécialement par la psychologie), des caractéristiques de notre réalité somatique, de la valeur profonde de la sexualité, du processus de personnalisation, de la situation de pluralisme, de l’importance de la dimension communautaire, des exigences de la socialisation ».55

Donc une ascèse chrétienne qui tienne compte de l’intégration harmonieuse entre l’âme et le corps ; qui ouvre les personnes à l’amour oblatif ; qui soit capable d’affronter chrétiennement les aliénations que la vie moderne implique : le ‘stress’, la monotonie du travail, la superficialité des relations. Une ascèse du silence est nécessaire dans cette civilisation du vacarme, afin de ne pas se perdre dans le fatras des messages reçus ; une ascèse qui sache discipliner l’usage des moyens de communication sociale, le sommeil, la détente, la nourriture, les sens, etc.… La fécondité de l’ascèse ne se mesure pas d’après la souffrance des renoncements ou d’après l’intensité de l’effort, mais bien plutôt d’après son progrès dans la charité et d’après son efficacité évangélique. Comme les ascètes de tous les temps, Don Bosco souligna le lien indissoluble entre la mortification corporelle et la prière : “Celui qui ne mortifie pas le corps n’est pas capable de prier !”. La tempérance est indispensable pour la sainteté, précisément parce qu’elle génère cette liberté de l’esprit qui rend disponible pour l’amour jusqu’à l’extrême.

La réflexion sur l’ascèse de Don Bosco, au-delà des contingences qui l’ont caractérisée, a beaucoup à nous dire aujourd’hui. Don Bosco fut un saint éducateur qui aima profondément et sut se faire aimer en pratiquant, à un degré héroïque, la tempérance. Ce que Don Bosco a demandé à Don Rua, en l’envoyant comme jeune directeur à Mirabello, “efforce-toi de te faire aimer”, n’est possible que grâce à une forte ascèse qui naît de la pratique de la tempérance.56 Pour Don Bosco, cette ascèse est toujours en fonction de la mystique du “da mihi animas”, parce qu’elle est une discipline d’éducation au don de soi-même dans l’amour : “Seigneur, fais-moi sauver la jeunesse grâce au don de la tempérance !”. C’est pourquoi la tempérance salésienne doit être joyeuse, quotidienne, aimable, simple, intelligente, héroïque, sympathique et apparaître visiblement sur le visage serein, rayonnant, joyeux du salésien.


3.3 Conditions pour concrétiser le thème


Pour pouvoir facilement concrétiser le thème et réaliser l’objectif du CG27, il faut assurer quelques conditions, en mettant en route quelques processus, en encourageant la conversion des mentalités, en réalisant le changement de quelques structures.


Processus à mettre en route


Il CG27 se propose l’objectif d’aider chaque confrère et chaque communauté à vivre avec fidélité le projet apostolique de Don Bosco, et cela veut dire de continuer à renforcer notre identité charismatique.

Cela nous permettra de rendre visible, crédible et féconde notre vocation consacrée salésienne ; en particulier cela nous mettra en mesure de proposer avec conviction aux jeunes la vie salésienne, comme un projet de vie qu’il vaut la peine d’assumer, et de donner ainsi à notre présence une fécondité sur le plan des vocations.

De ces objectifs naissent quelques processus à privilégier, qui sont comme les chemins fondamentaux à parcourir pour faciliter la réalisation des objectifs. 

Le premier processus concerne la manière de vivre aujourd’hui notre vocation consacrée salésienne dans la grâce d’unité et dans la joie, comme témoignage de la radicalité évangélique et de notre expression typique du travail et de la tempérance.

Le deuxième processus concerne la connaissance de Don Bosco, qu’il faut approfondir continuellement et faire devenir le motif inspirateur de notre vie spirituelle et de notre action pastorale, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan communautaire.

Le troisième processus concerne la référence aux Constitutions dans un regard de vie personnel et communautaire, pour en dégager le projet apostolique de Don Bosco et les éléments constitutifs de notre identité charismatique : autrement dit, ce qu’il nous faut vivre dans la fidélité et la joie propres à notre vocation.


Mentalités à convertir


Il faut reprendre ici les attitudes, déjà décrites dans les défis institutionnels et les défis personnels, qui sont à changer, aussi bien dans le vécu de la vocation que dans l’accomplissement de la mission.

Avant tout, il faut porter avec soin une attention à la culture et aux cultures de manière à établir une mentalité commune qui sache saisir les occasions qu’offrent les défis culturels, en particulier en référence à la postmodernité, à l’insertion dans la culture et à la réalité interculturelle, à la sécularisation.

En outre, il faut approfondir les défis ecclésiaux, de manière à trouver les voies pour répondre aux exigences de la nouvelle évangélisation, au renouveau de la vie consacrée, au dépassement du relativisme.

Il faut aussi prendre soin de la croissance de la culture de la Congrégation, en particulier en référence aux exigences de formation posées par un discernement sérieux des vocations et un accompagnement personnel efficace, au partage de critères au sujet de notre action pastorale, à la formation de confrères, de jeunes et de laïcs comme leaders.

Enfin il y a une mentalité à convertir au niveau personnel, afin d’aider à surmonter les formes et les styles d’individualisme, d’approfondir l’identité de la vie consacrée, d’acquérir une maturité affective, sexuelle et émotionnelle.


Structures à changer


Il y a aussi quelques structures à changer, qui concernent notre manière de vivre et de nous organiser, au sujet de la réalisation de l’objectif fondamental du CG27, c’est-à-dire de manière que nous puissions vivre réellement et pleinement le projet apostolique de Don Bosco.

Avant tout il faut changer le style et l’organisation de la vie de la communauté ; il faut la fortifier, en garantissant sa consistance quantitative et qualitative, le rapport équilibré entre la communauté et l’œuvre, la simplification de la complexité des œuvres, la révision des rôles pour les redéfinir et des présences pour les dessiner à nouveau.

En outre, il faut changer le mode de présence et d’exercice de la fonction du directeur de la communauté ; il faut assurer la qualité des directeurs en développant, déjà dans la formation initiale, pour tous les confrères la préparation au “leadership”, en facilitant aux directeurs l’acquisition d’une compétence pour accomplir le rôle d’accompagnement, en les aidant à animer et à motiver la communauté religieuse et la communauté éducative et pastorale, en leur assurant l’aide nécessaire pour qu’ils puissent exercer leurs rôles fondamentaux.

Enfin il faut changer le mode de gestion des ressources des personnes ; il faut renforcer la mise en œuvre et la mise en valeur charismatique des ressources, en cherchant de nouvelles forces, en faisant acquérir un sens plus fort de la Famille Salésienne, en aidant les laïcs à être coresponsables, en assurant le développement, sous l’angle du charisme, de la présence dans le territoire.



4. CONCLUSION


Très chers confrères, je conclus cette lettre de convocation du CG27 en vous invitant tous, ainsi que toutes les communautés et toutes les Provinces, à développer, dès maintenant, ces attitudes et ce climat qui traduisent dans le concret “le travail et la tempérance”. Ainsi nous pourrons être les “témoins de la radicalité évangélique” qu’attendent l’Eglise, la société et les jeunes, et revenir à la note essentielle de l’Evangile, si aimée et voulue par Don Bosco.

C’est la réponse crédible à donner à ceux qui, tel ce novice qui m’écrivit il y a quelques mois, attendent que notre vie quotidienne ne soit pas un obstacle réel pour que Jésus ait de jeunes disciples et apôtres, disposés à être des témoins joyeux, crédibles, de la radicalité évangélique. Il s’agit de jeunes qui viennent vers nos communautés avec la conviction et l’enthousiasme de leur vocation et qui, parfois cependant, se trouvent munis d’une expérience différente de vie religieuse : différente, car cette expérience ne coïncide pas avec celle qui leur est offerte dans l’animation des vocations et dans la formation initiale.

Quelqu’un pourrait se justifier en disant que parfois ces jeunes nourrissent une image idéale de la vie consacrée, une vie qui n’existe pas dans la réalité. De toute façon, lorsqu’ils entendent les mots pauvre, chaste et obéissant ou l’appel à faire leur “la manière d’être et d’agir de Jésus obéissant, pauvre et chaste”, ils s’attendraient à trouver une “sequela” fidèle et une généreuse imitation de Jésus, comme l’ont fait tant d’hommes et de femmes depuis l’époque de l’Eglise primitive qui, attirés fortement par la personne du Seigneur, laissaient tout et tous pour devenir ses disciples et ses témoins.

A ce point, il est normal que jaillisse la demande : «  mais, est-il possible de vivre comme le Christ ? ». La demande n’est certainement pas le fruit d’une pure rhétorique. Elle jaillit de l’image de la vie consacrée que nous projetons à partir de notre style de vie (nourriture, boissons, vêtements, emploi du temps, etc.), de notre expérience de prière, de notre rapport interpersonnel dans la communauté, de notre dévouement et du caractère professionnel déployés dans la réalisation de la mission. Il y a des confrères et des communautés qui vivent avec une grande joie, avec générosité, fidélité et radicalité, et d’autres qui, au contraire, aménagent une vie aisée, individualiste, désintéressée des autres, des jeunes, des pauvres.

Le don le plus précieux que nous avons est la vie, c’est justement pourquoi il est évident que nous renier nous-mêmes, renoncer à avoir une épouse, des enfants, une maison, à organiser notre existence autour d’un projet personnel, et remettre tout cela entre les mains du Christ dans la Congrégation pour les jeunes pauvres et laissés à l’abandon, vaut la peine à la seule condition que soit pris au sérieux l’engagement de reproduire fidèlement en nous son image, à être ses témoins. Nous ne pouvons pas réduire la Congrégation à une institution de services sociaux ou pastoraux. Nous autres, nous sommes une famille, née non pas de la chair ou du sang, mais générée par l’Esprit qui nous convoque et nous réunit en communautés de disciples et d’apôtres du Christ pour les jeunes, sur les traces de Don Bosco.

Aujourd’hui comme hier, Dieu nous appelle à la sainteté dans la vie salésienne. Et c’est possible si nous vivons comme le Christ, comme a vécu notre cher fondateur et père, avec une immense joie, avec sympathie, avec un visage rayonnant, mais avec une grande radicalité évangélique, exprimée dans son binôme “travail et tempérance”.

Nous approchons du Bicentenaire de sa naissance et nous devons y arriver en ayant recouvré la joie, l’enthousiasme et la fierté d’être Salésiens, au point de pouvoir proposer avec honnêteté aux jeunes d’aujourd’hui la beauté de notre vocation.

A Marie, Immaculée Auxiliatrice, je confie ce CG27 et, plus encore, tous et chacun de vous, chers confrères, que j’aime avec le cœur du Christ Jésus.



5. PRIÈRE À SAINT JEAN BOSCO


En tenant compte du fait que le CG27 est à la fois un point d’arrivée du temps de préparation au Bicentenaire de la naissance de notre cher fondateur et père, et un point de départ pour une nouvelle période de l’histoire de la Congrégation, je vous prie de retenir comme prière à Don Bosco en préparation au CG27 celle que déjà je vous avais proposée pour cette période des trois années 2012-2015. Elle est la prière du soir, qui correspond à la prière adressée le matin à Marie Auxiliatrice pour se confier à Elle.


O saint Jean Bosco,

Père et Maître de la jeunesse,

docile aux dons de l’Esprit et ouvert aux réalités de ton temps,

tu as été pour les jeunes, surtout pour les petits et les pauvres,

un signe de l’amour et de la prédilection de Dieu.

Sois notre guide

sur le chemin d’amitié avec le Seigneur Jésus :

nous pourrons ainsi découvrir en Lui et dans son Evangile

le sens de notre vie

et la source du vrai bonheur.

Aide-nous à répondre avec générosité

à la vocation que nous avons reçue de Dieu,

pour être dans la vie quotidienne

des constructeurs de communion,

et collaborer avec enthousiasme,

en communion avec toute l’Eglise,

à l’édification de la civilisation de l’amour.

Obtiens-nous la grâce de la persévérance

pour vivre à un haut niveau la vie chrétienne,

selon l’esprit des béatitudes ;

et fais en sorte que, guidés par Marie Auxiliatrice,

nous puissions nous trouver un jour avec toi

dans la grande famille du ciel. — Amen


P. Pascual Chávez V.

Recteur majeur

1 FSDB, n. 26.

2 P. CHÁVEZ, Da mihi animas, caetera tolle, dans ACG 394, Rome 2006, p. 8 et p. 6.

3 P. CHÁVEZ, Da mihi animas, caetera tolle, dans ACG 394, Rome 2006, p. 10.

4 CIVCSVA, Repartir du Christ, n. 12.

5 P. BRAIDO (Ed.), Don Bosco educatore, scritti e testimonianze, LAS, Rome 1997, pp. 409, 437.

6 P. CHÁVEZ, Da mihi animas, caetera tolle, dans ACG 394, Rome 2006, p. 10.

7 Ibidem, pp. 10-11.

8 Cf. P. CHÁVEZ, « Et vous, que dites-vous ? Qui suis-je ? » (Mc 8,28). Contempler le Christ avec les yeux de Don Bosco, dans ACG 384, Rome 2003.

9 JEAN-PAUL II, Ecclesia in Europa, n. 7.

10 JEAN-PAUL II, Ecclesia in America, n. 69.

11 JEAN-PAUL II, Ecclesia in Europa, n. 7.

12 JEAN-PAUL II, Vita consecrata, n. 85.

13 JEAN-PAUL II, Ecclesia in America, n. 51.

14 Cf. P. CHÁVEZ, L’insertion du charisme salésien dans la culture, dans ACG 411, Rome 2011, pp. 14-16 et p. 22.

15 Cf. J. GONZÁLEZ-ANLEO – J. M. GONZÁLEZ-ANLEO, La juventud actual, Verbo Divino, Estella 2008, p. 44. Pour une description des styles de vie des jeunes dans les sociétés occidentales, voir la monographie De las ‘tribus urbanas’ a las culturas juveniles [Des ‘tribus urbaines’ aux cultures des jeunes], in “Revista de estudios de Juventud” 64, 2004, pp. 39-136.

16 CG26, 98.

17 JEAN-PAUL II, Ecclesia in Europa, n. 38.

18 Ibidem.

19 Ibidem.

20 Cf. P. CHÁVEZ, « Je suis la vigne, vous les sarments » (Jn 15, 5a). La vocation à rester sans cesse uni à Jésus pour avoir la vie, dans ACG 408, Rome 2010.

21 BENOÎT XVI, Lettre apostolique aux catholiques d’Irlande, Rome 19 mars 2010, n. 4.

22 Cf. P. CHÁVEZ, « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que Toi » dans ACG 382, Rome 2003.

23 P. CHÁVEZ, « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que Toi » dans ACG 382, Rome 2003, p. 23.

24 Cf. JEAN-PAUL II, Vita consecrata, n. 22.

25 “C’est pourquoi il plut aux mêmes Personnes réunies de s’instituer en Société ou Congrégation qui, en ayant pour but l’entraide pour la sanctification personnelle, se proposerait de promouvoir la gloire de Dieu et le salut des âmes, spécialement de celles qui ont le plus besoin d’instruction et d’éducation” (extrait du Procès-verbal de la Fondation de la Congrégation Salésienne, Turin, 18 décembre 1859), dans MB VI, p. 335.

26 J. VECCHI, « Le Père nous consacre et nous envoie », dans ACG 365, Rome 1998, pp. 26-27.

27 Cf. P. CHÁVEZ, Spiritualité et mission, dans ACG 410, Rome 2011.

28 DON RUFFINO, Cronaca dell’Oratorio, ASC 110, cahier 5, p. 10 ; voir Constitutions et Règlements (SDB), art 14.

29 B. LONERGAN, Metodo in teologia, Sígueme, Salamanca 1988, p.118.

30 CG26, Présentation, p. 10.

31 Cf. E. VIGANÒ « Veillez, restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées ! », dans ACG 348, Rome 1994, p. 26.

32 Cf. E. VIGANÒ, Profil du salésien dans le songe du personnage des dix diamants, dans ACG 300, Rome, 1981.

33 E. VIGANÒ, Interioridad apostólica. Reflexiones acerca de la gracia de unidad como fuente de la caridad pastoral, CCS, Madrid 1990, p. 68.

34 Cf. MB XII, p. 466.

35 DON BOSCO, Lettera a Don Giuseppe Fagnano, 14 novembre 1877, dans E. CERIA, Epistolario, Vol III, Turin 1959, p. 236.

36 Cf. E. VIGANÒ, Don Bosco saint, dans ACG 310, Rome 1983.

37 L. RICCERI, «Travail et tempérance » contre l’embourgeoisement, dans ACG 276, Rome 1974, p 9.

38 MB XII, pp. 466-467.

39 Cf. MB XVII, p. 272 ; “Testament spirituel de Don Bosco”, dans Constitutions de la Société de saint François de Sales, Edition 2005, p. 257.

40 J. VECCHI, Spiritualità salesiana. Temi fondamentali, LDC, Leumann 2001, p. 101.

41 L. RICCERI, La prière, dans ACG 269, Rome 1973, p. 47.

42 Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco, Guide de lecture des Constitutions salésiennes, Rome 1986, Tome I, p. 226-227.

43 Ibidem, avec en finale une citation du Père E. VIGANÒ, Un progetto evangelico di vita, LDC, Turin 1982, pp. 118 ss.

44 Cf. E. VIGANÒ, Un progetto evangelico di vita, o.c., p. 102.

45 MB XIII, p. 116.

46 MB XIII, p. 424.

47 MB XVII, p. 273 ; “Testament spirituel de Don Bosco”, dans Constitutions de la Société de saint François de Sales, Edition 2005, p. 258.

48 Cf. MB XVIII, p. 500.

49 Cf. J. VECCHI, « Quand vous priez, dites : Notre Père… », dans ACG 374, Rome 2001, pp. 33-40.

50 E. VIGANÒ, Un progetto evangelico di vita, o.c., pp. 106s.

51 Cf. P. BROCARDO, Don Bosco. Profondamente uomo, profondamente santo, LAS, Rome 2001, pp. 119-120.

52 J. VECCHI, Spiritualità salesiana, o.c., p. 102.

53 E. VIGANÒ, Un progetto evangelico di vita, o.c., pp. 119s. Présente de l’intérêt l’application de la tempérance, déjà au travail, mais en outre à la vie fraternelle, au style de vie personnelle, à la prière et à la contemplation, qui se trouve dans J. VECCHI, Spiritualità …, o.c., pp. 105-106.

54 CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n. 1.

55 E. VIGANÒ, Un progetto evangelico di vita, o.c., pp.125s.

56 Cf. E. VIGANÒ, Studia di farti amare. Commento alla Strenna, Rome 1984.

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