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NOTE
ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE,
L’ITALIE ET LA BELGIQUE, LA SUISSE ET L’INDE
Notes sur la vie d’Eugène Méderlet (1867-1934)
Norbert Wolff
Abréviations
ADM
Archives Départementales de la Moselle, Saint-Julien-lès-Metz.
AL Fonds de la Présidence de Lorraine.
29 J Archives de l’Evêché de Metz.
AFT
Archives provinciales des Franciscains de France-Ouest, section Toulouse.
ASC
Archivio Salesiano Centrale, Rome.
B 277 Emanuel La Roche.
B 328 Luigi Valetto.
B 730 Eugène Méderlet.
F 454 Maisons de Hechtel et de Helenenberg.
F 470 Maison de Liège.
F 727 Maison de Sierck.
VRC Verbali delle Riunioni Capitolari.
Bull Sal Bulletin Salésien, 1879ss.
Dizionario biografico Eugenio VALENTINI, Amedeo RODINÒ (éd.), Dizionario biografico dei
Salesiani, Turin 1969.
GATZ, Bischöfe
Erwin GATZ (éd.), Die Bischöfe der deutschsprachigen Länder 1783/1803
bis 1945. Ein biographisches Lexikon, Berlin 1983.
ME
Mairie d’Erstroff (Moselle).
Profili di Missionari Eugenio VALENTINI (éd.), Profili di Missionari. Salesiani e Figlie di Maria
Ausiliatrice (Centro Studi di Storia delle Missioni Salesiane. Biografie 1),
Rome 1975.
SN
Salesianische Nachrichten, 1895ss.

1.2 Page 2

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346 Norbert Wolff
1. Introduction
La première maison salésienne en région de langue allemande a existé de 1897
à 1904 à Muri dans le canton suisse d’Argovie.1 Comme directeur de cette «Don
Bosco-Anstalt zum hl. Joseph» figurait un Lorrain : le futur archevêque Claude-Eu-
gène Méderlet,2 originaire d’Erstroff (canton de Grostenquin, département de la Mo-
selle) à 15 kilomètres au sud de Saint-Avold. Nous ne disposons pas d’une biographie
détaillée et critique de ce pionnier salésien. Mais qui s’occupe de l’histoire salésienne
en France, Allemagne, Belgique, Suisse etc., peut trouver beaucoup de documents sur
lui – dispersés dans plusieurs archives. Avec le présent article nous publions dix
documents significatifs, concernant la «période franciscaine» et les débuts salésiens
de Méderlet aussi bien que le projet d’une fondation salésienne en Lorraine.3
2. La jeunesse
Quand Méderlet naquit le 15 novembre 1867, toute la Lorraine appartenait à la
France; quatre ans plus tard le département de la Moselle était annexé – en même
temps que l’Alsace – par l’Allemagne. À Erstroff on parlait «moselfränkisch» ou
bien «plottditsch», un dialecte germanique très semblable à la langue luxembour-
geoise et aux dialectes de Trèves et de Sarrebruck.4
Le père d’Eugène, Jean-Nicolas Méderlet (1833-1871) 5, travaillait comme
1 Cf Franz SCHMID, Die ‘Don Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’ in Muri (1897-1904), in
RSS 33 (1998) 271-336; ID., Die Salesianer Don Boscos in Muri 1897-1904, in Unsere
Heimat. Jahresschrift der Historischen Gesellschaft Freiamt 67 (1999), 5-112.
2 Cf Dizionario biografico, 184s (Guido FAVINI); Profili di Missionari, 370-372 (Deme-
trio ZUCCHETTI); Henri DELACROIX, Les cinq étapes de l’implantation des salésiens en Bel-
gique, in RSS 11 (1987) pp. 191-243, ici 201; Norbert WOLFF, Histoire d’un jeune garçon obs-
tiné. Monseigneur Méderlet, in Don Bosco Aujourd’hui 119 (1998), n. 892, 24s; Friedrich Wil-
helm BAUTZ, Traugott BAUTZ (éd.), Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, t. 15,
Herzberg 1999, 1011-1013 (Norbert WOLFF).
3 Remerciements pour leur aide à Marie-Alice Firmery (Erstroff), Bernard Hensienne
(Zommange), Charles Hiegel (Saint-Julien-lès-Metz), Arsène Schmitt (Benediktbeuern),
Hugues Dedieu OFM (Toulouse), Emmanuel Dürr OFM (Fulda), Clément Schmitt OFM
(Metz), Mieczyslaw Kaczmarczyk SDB et ses collaborateurs (Rome), Francesco Motto SDB et
ses collaborateurs (Rome), Jacques Schepens SDB (Louvain), Franz Schmid SDB (Benedikt-
beuern), Morand Wirth SDB (Rome).
4 Pour les frontières linguistiques dans le département de la Moselle cf Brigitte FAVROT,
Le gouvernement allemand et le clergé catholique lorrain de 1890 à 1914 (Centre de re-
cherches relations internationales de l’Université de Metz 12), Metz 1980, 240; Hermann
HIERY, Reichstagswahlen im Reichsland. Ein Beitrag zur Landesgeschichte von Elsaß-Lo-
thringen und zur Wahlgeschichte des Deutschen Reiches 1871-1918 (Beiträge zur Geschichte
des Parlamentarismus und der politischen Parteien 80), Düsseldorf 1986, 39-45; Stephen L.
HARP, Learning to Be Loyal. Primary Schooling as Nation Building in Alsace and Lorraine,
1850-1940, DeKalb/Illinois 1998, 11 et 88s.
5 Jean-Nicolas Méderlet, né à Erstroff le 24 juin 1833, fils du tourneur Michel Méderlet
et de son épouse Catherine Klein, décédé le 12 mai 1871 à Erstroff. Cf ME, Naissances
1833/14, Décès 1871/12.

1.3 Page 3

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 347
paysan et comme tourneur, fabriquant des chaises, qu’il vendait dans les marchés de
la région. La mère, Célestine Blaise (1838-1895) 6, faisait le ménage. Le 17 novembre
1867 Eugène était baptisé dans l’église paroissiale d’Erstroff par le curé Salgendorff.
Le parrain était Claude Méderlet, lui aussi fabricant de chaises; la marraine était Ma-
rianne Méderlet, sans profession.7 Après la mort de son époux Nicolas en 1871, Cé-
lestine restait seule avec les enfants Pauline 8, Nicolas 9 et Eugène.
De 1873 à 1880 la paroisse d’Erstroff était desservie par Nicolas Albert (1836-
1904), le futur père Calixte OFM.10 Celui-ci, né à Lelling (Moselle) près de Saint-
Avold, ordonné prêtre en 1862, entrait comme novice chez les franciscains français
en 1880. En Allemagne la vie religieuse se trouvait encore soumise à de nombreuses
restrictions, résultant du «Kulturkampf». Mais en France les affaires de l’Eglise ca-
tholique n’allaient pas mieux. Les décrets anticléricaux du 29 mars 1880 défendaient
aux congrégations non autorisées de vivre en communauté. En conséquence les frères
et novices franciscains de Pau (Pyrénées-Atlantiques) devaient quitter leur couvent en
novembre 1880. Le 8 mars 1881 ils pouvaient s’installer à Taunton (Angleterre) près
de Bristol,11 où le père Calixte prononçait les vœux simples en juin 1881. Jusqu’à
1886 il se trouvait dans les couvents de Clifton et de Clevedon dans la région de
Bristol. Après une brève activité à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) – les Franciscains
pouvaient de nouveau être en France – il devenait le premier frère à rentrer en Lor-
raine allemande. Le 26 janvier 1888 – cinq jours avant la mort de don Bosco – il arri-
vait à Metz pour préparer une fondation franciscaine, établie en mai 1888 et reconnue
par le ministère d’Alsace-Lorraine en janvier 1890.12 Père spirituel et prédicateur «si
connu et estimé en Lorraine»,13 le père Calixte mourut à Metz en 1904.
6 Célestine Blaise, fille du cultivateur Nicolas Blaise et de son épouse Marguerite
Pierson, décédée le 13 novembre 1895 à Erstroff à l’âge de 57 ans (ME, Décès 1895/10), de-
vait être née en 1838. Mais dans le registre des naissances de 1838 d’Erstroff on trouve seule-
ment une Madeleine Blaise, fille du cultivateur Nicolas Blaise et de son épouse Marguerite
Pierson, née le 9 novembre 1838 à Erstroff (ME, Naissances 1838/20).
7 ME, Baptêmes 1867/11.
8 Pauline Méderlet devenait religieuse chez les Sœurs de la Divine Providence de Saint-
Jean de Bassel. Pour cette congrégation diocésaine avec la maison mère à Berthelming près de
Sarrebourg cf François ROTH, La vie religieuse pendant la période allemande, in Henri TRIBOUT
DE MOREMBERT (éd.), Le diocèse de Metz (Histoire des diocèses de France), Paris 1970, 258-273,
ici 265s. - L’œuvre de Marie-Josée GRUBER, La Congrégation de la Divine Providence de
St-Jean de Bassel. Ses problèmes scolaires, thèse, Univ. Metz 1976, ne m’a pas été accessible.
9 Nicolas Méderlet suivit son frère Eugène en Suisse. Son fils Eugen, né en 1912 à
Hochdorf (canton de Lucerne), entrait chez les Franciscains, faisait les vœux simples en 1933,
était ordonné prêtre à Phalsbourg (Moselle) en 1939, travaillait en Suisse et en Allemagne et
mourut à Wiesenberg (canton de Nidwalden) en 1992.
10 Pour les dates biographiques cf Didier VAN HECKE, Histoire interne, in Adalbert
HAMMAN, Didier VAN HECKE, Guy MULLER, Cent ans de présence franciscaine 1888 (Metz) -
1988, Metz [1990], 71-231, ici 86s.
11 Ibid., 80s.
12 Ibid., 94s.
13 Son Excellence Mgr Eugène Méderlet, Archevêque de Madras, Chanoine d’honneur
de la Cathédrale de Metz, in Almanach de Marie Immaculée Reine du Clergé [Metz] 15
(1936), 81s, ici 81.

1.4 Page 4

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348 Norbert Wolff
Ce fut sans doute lui qui, comme curé d’Erstroff, exerça une influence profonde
sur la vie religieuse de la famille Méderlet. Le jeune Eugène, encore élève de l’école
primaire,14 prenait ses premières leçons de latin et de français chez son curé. Il avait
alors l’intention de devenir prêtre du diocèse de Metz. Ce que François ROTH écrivait
à propos de la majorité des cas était valable pour lui: «... beaucoup de fils de petits
paysans, en particulier dans les familles nombreuses de la Lorraine allemande, étaient
dirigés par leur curé vers l’état ecclésiastique; c’était pour eux le seul moyen d’ac-
céder à l’instruction et de s’élever dans l’échelle sociale».15
Vers 1882 Eugène quittait son village natal et entrait au petit séminaire de Mon-
tigny-lès-Metz,16 transféré là en 1854 par Mgr Paul-Georges-Marie Dupont des Loges
(1804-1886).17 Un des buts de cette institution était d’ouvrir aux garçons moins riches
un chemin vers le sacerdoce. A partir de 1872/73 elle se trouvait sous la surveillance
des autorités scolaires allemandes; les professeurs du petit séminaire devaient alors
posséder des diplômes universitaires, et l’allemand était la langue obligatoire de l’en-
seignement.18 En 1882 on ouvrait une classe finale de rhétorique, et deux ans plus
tard l’école recevait le statut de lycée épiscopal. A partir de ce moment les études au
petit séminaire se terminaient par l’examen de maturité.
Eugène Méderlet avait des problèmes scolaires à Montigny. Nous ne savons pas
s’il a pu y avoir une relation avec les réformes de 1882/84. Mais en novembre 1884
au plus tard il avait quitté l’école et se trouvait de nouveau à la maison, sans avoir ob-
tenu le baccalauréat. Ainsi il devenait impossible pour lui d’étudier la théologie et de
devenir prêtre, au moins en Allemagne où les lois du Kulturkampf prescrivaient le
baccalauréat aux futurs prêtres.19
3. La «période franciscaine»
Le 3 novembre 1884 le curé Roloff, neveu du père Calixte et son successeur
à Erstroff, s’adressait au supérieur des franciscains de Bordeaux, recommandant Eu-
14 Pour l’instruction primaire en Alsace-Lorraine cf Felicitas VON ARETIN, Die reichslän-
dische Schulpolitik während des Kulturkampfes 1872-1873, in Archiv für Sozialgeschichte 32
(1992), 181-205; S. L. HARP, Learning to Be Loyal..., passim.
15 F. ROTH, La vie religieuse..., 259.
16 Pour l’histoire du petit séminaire cf François ROTH, Le rattachement à l’Empire alle-
mand (1871-1918), in TRIBOUT DE MOREMBERT (éd.), Le diocèse de Metz, 218-257, ici 231-
233; FAVROT, Le gouvernement allemand, 163-166 et 178-188; François REITEL, De l’Empire
au Reich (1815-1871), in ID., Lucien ARZ, Montigny lès Metz, Metz [1988], 181-141, ici 199-
203. - L’ouvrage de Jean EICH, Le petit séminaire de Montigny-les-Metz 1854-1954, Metz
1954, ne m’a pas été accessible.
17 Paul-Georges-Marie Dupont des Loges, né en 1804 à Rennes, prêtre en 1828, vicaire
général d’Orléans en 1840, évêque de Metz en 1843, décédé en 1886 à Metz. Cf E. GATZ,
Bischöfe, 151-154 (Erwin GATZ).
18 Cf F. VON ARETIN, Die reichsländische Schulpolitik..., 196-200.
19 Cf Gesetz über die Vorbildung und Anstellung der Geistlichen du 11 mai 1873, in
Ernst Rudolf HUBER, Wolfgang HUBER, Staat und Kirche im 19. und 20. Jahrhundert. Doku-
mente zur Geschichte des deutschen Staatskirchenrechts, t. 2, Berlin 1976, 594-599, ici 595.

1.5 Page 5

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 349
gène comme élève au «collège séraphique».20 Il voyait bien que son paroissien pour-
rait avoir des problèmes scolaires également dans le petit séminaire franciscain. Mais
il était convaincu des qualités religieuses du jeune homme qui avait presque 17 ans:
«la piété, la soumission, l’innocence». Il proposait donc qu’on l’accepte comme frère
laïc, si ses capacités ne lui permettaient pas de faire les études. Recommandé aussi
par le père Calixte, Méderlet fut admis au collège le 5 novembre 1884.21 Comme
beaucoup de ses compatriotes au temps du Kulturkampf,22 Eugène se dirigeait vers
l’étranger pour entrer dans une congrégation religieuse, avec l’intention alors de de-
venir prêtre franciscain. Mais à l’évidence ses études ne furent pas couronnées de
succès au collège de Bordeaux, rue de Pessac.
Admis «à l’unanimité» au postulat des frères laïcs par le ministre et le conseil
de la province Saint-Louis d’Anjou le 13 octobre 1885, il quittait Bordeaux après
moins d’un an.23 Les années suivantes il se trouvait comme oblat au couvent de Bé-
ziers (Hérault).24 Chez les Franciscains il était de règle que les candidats laïcs passent
cinq ans comme membres du tiers ordre avant d’entrer au noviciat du premier ordre.25
Nous ne connaissons pas les occupations de Méderlet à Béziers jusqu’en 1890 ; peut-
être pouvait-il vouer un peu de temps aux études privées.
Le 19 juillet 1890 il recevait l’habit du premier ordre franciscain et devenait no-
vice à Pau 26 – comme dix ans plus tôt son curé Nicolas Albert. Mais le noviciat d’Eu-
gène Méderlet (sous le nom religieux: «frère Seraphinus ab Erstroff») ne dura pas très
longtemps; après quatre mois il quittait la France pour aller chez les salésiens de don
Bosco à Turin. Le 17 novembre 1890 le frère Vincent-Marie, maître de novices de
Pau, écrivait aux salésiens, vraisemblablement à don Rua, et recommandait Méderlet,
le caractérisant comme un homme «intelligent et très-pieux», capable de rendre «de
vrais services» aux salésiens.27 Dans cette lettre, il ne mentionnait pas les raisons
pour lesquelles le jeune lorrain voulait changer de congrégation. Mais dans une autre
lettre du 26 novembre 1890, il parlait de l’idée de Méderlet d’aller dans les missions
étrangères et de sa capacité à travailler avec la jeunesse ouvrière.28
Considérant les circonstances biographiques d’Eugène, nous pouvons dire que
ce changement de congrégation n’était pas un signe de discontinuité, au contraire: il
avait toujours eu l’intention de devenir prêtre, et maintenant il voyait une chance
d’arriver à son but chez les salésiens qui acceptaient aussi des vocations tardives.
De plus, les salésiens se trouvaient en expansion dans les pays de mission.29
20 Ci-dessous, document I.
21 AFT, 3 K collèges 8, Bordeaux, dossier Méderlet.
22 Cf F. ROTH, La vie religieuse..., 264.
23 AFT, 1 J 1/1, Registre des Admissions de Postulants (1877-1887).
24 AFT, 3 G 1/1, Chapitres et Congrégations. 1856-1900, dossiers 1886, 1888 et 1890.
25 Cf Gisela FLECKENSTEIN, Die Franziskaner im Rheinland 1875-1918 (Franziskanische
Forschungen 38), Werl 1992, 102-106.
26 AFT, 1 J 1/2, Liber vestitionis et professionis novitiorum. 1888-1898, 65.
27 Ci-dessous document II.
28 Ci-dessous document III.
29 Cf Morand WIRTH, Don Bosco et les salésiens. Cent cinquante ans d’histoire, Turin
1969, 269-285. - Une nouvelle édition de cette œuvre est en préparation.

1.6 Page 6

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350 Norbert Wolff
Comment Méderlet et son maître de novices avaient-ils eu connaissance de
cette congrégation? Peut-être par le Bulletin Salésien, paraissant en français depuis
1879, ou bien par une des biographies de don Bosco, récemment parues,30 qui circu-
laient dans le couvent franciscain; peut-être y avait-il aussi des coopérateurs salésiens
à Pau qui auraient pu l’informer de cette possibilité.31
4. Les débuts salésiens
Arrivé à Turin en novembre 1890, Eugène Méderlet pouvait entrer presque im-
médiatement au noviciat de Foglizzo Canavese (Piémont);32 le 8 décembre 1890 il
recevait l’habit ecclésiastique des mains de don Rua, et le 11 décembre 1891 il faisait
ses premiers vœux à Turin. Son directeur et maître de novices était don Eugenio
Bianchi (1853-1931).33 Avec celui-ci, ainsi qu’avec don Giulio Barberis (1847-
1927) 34 et don Arturo Conelli (1864-1924) 35, il discutait de son désir d’aller dans
les missions de Chine; mais au moment du noviciat il était trop tôt pour y penser.36
Conelli avait l’intention lui aussi de devenir missionnaire en Chine à cette époque.37
Don Barberis était le père spirituel de Méderlet,38 avec lequel il entretint une corres-
pondance durant plusieurs années.
30 Pour les deux biographies, publiées par Charles d’Espiney (1824-1891) en 1881 et par
Albert du Boÿs (1804-1889) en 1884, cf Francis DESRAMAUT, Don Bosco en son temps (1815-
1888), Turin 1996, 1172s; pour la biographie, publiée par Jacques-Melchior Villefranche
(1829-1904) en 1888, cf ID., La ‘mise à l’index’ par les salésiens français de la première bio-
graphie complète de don Bosco en 1888 , in RSS 16 (1990) 67-96.
31 En 1895 une bienfaitrice de Pau, Marie Lasserre, se mettait en contact avec don
Rua et proposait la fondation d’une maison salésienne à Caserte (Sicile). Cf Francesco
CASELLA, Marie Lasserre e la fondazione dell’Istituto salesiano di Caserta, in RSS 30
(1997) 115-197.
32 Dans l’Elenco (Società di San Francesco di Sales [Europa]. Anno 1891, Turin 1891,
9-11), nous trouvons Méderlet comme aspirant à Foglizzo, en même temps que le futur secré-
taire général Calogero Gusmano (1872-1935) et neuf autres jeunes gens. Parmi les 139 novices
il y avait le futur économe général Fedele Giraudi (1875-1964) et le futur catéchiste général
Pietro Tirone (1875-1962) ; parmi les confrères il y avait Andrea Beltrami (1870-1897). - Pour
le personnel de Foglizzo à cette époque cf Stanislaw ZIMNIAK, Don Bosco nella Mitteleuropa.
Preistoria e storia della provincia Austro-Ungarica della Società di S. Francesco di Sales
(1868 ca. - 1919). Istituto Storico Salesiano. Studi 10. Rome 1997, 224 p.
33 Eugenio Bianchi, né 1853 à Patrignano (Forlì), 1877 prêtre, 1881 salésien, décédé
1931 à Beitgemal (Palestine). Cf Dizionario biografico, 41s (Giovanni MAGDIC).
34 Giulio Barberis, né en 1847 à Mathi (Piémont), salésien en 1865, prêtre en 1870, ins-
pecteur de la province centrale en 1902, directeur spirituel de la congrégation en 1911, décédé
en 1927 à Turin. Cf ibid., 29s (Eugenio VALENTINI).
35 Arturo Conelli, né en 1864 à Milan, salésien en 1882, prêtre en 1887, inspecteur des
maisons en Italie centrale en 1902, décédé en 1924 à Rome. Cf ibid., 95s (Eugenio CERIA).
36 Ci-dessous, document VI.
37 Cf Carlo SOCOL, The first twenty years of the Orfanato of Macao between ideal and
reality (1906-1926), in Francesco MOTTO (éd.), Insediamenti e iniziative salesiane dopo don
Bosco. Istituto Storico Salesiano. Studi 9. Rome 1996, 275-325, ici 276-291.
38 Lettre de Méderlet à Barberis, Foglizzo, 28 janvier 1891, original: ASC, B 730.

1.7 Page 7

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 351
Quand, en mai 1891, le directeur d’une maison diocésaine de jeunes artisans à
Metz demanda aux salésiens de prendre cette œuvre,39 le chapitre supérieur ne put ac-
cepter, parce qu’on manquait alors de personnel. Don Rua par contre, considéra cette
invitation comme une chance à saisir pour entrer plus tard en Allemagne occiden-
tale.40 Peut-être pensait-il aux confrères bilingues d’Alsace-Lorraine qui pourraient y
aller. Outre Méderlet, il y avait un autre jeune salésien de cette région, le futur ins-
pecteur Paul Virion (1859-1931),41 originaire de Strasbourg. Celui-ci en décembre
1891 fut parmi les confrères qui fondèrent la première maison salésienne en
Belgique, l’Orphelinat Saint-Jean-Berchmans à Liège.42
Au début de l’année 1892, Méderlet, qui se trouvait pour une courte période au
séminaire des missions salésiennes à Turin-Valsalice, fut transféré à Liège, pour y
compléter ses études.43 Dans une lettre à don Barberis du 15 avril 1892, il mention-
nait qu’il voulait finir les dernières matières de philosophie, la cosmologie et l’an-
thropologie, dans la semaine suivante; après cela il pensait commencer la théologie.44
Pendant le temps de ses études, il reçut toutes les ordinations à Liège par
l’évêque local, Mgr Victor-Joseph Doutreloux (1837-1901),45 qui avait appelé les sa-
lésiens en Belgique. Le 8 juillet 1894, Eugène Méderlet parvenait à son but en deve-
nant prêtre;46 le lendemain, il célébrait sa première messe dans la chapelle de l’orphe-
linat. Quatre jours plus tard, don Rua arrivait à Liège pour participer le 16 juillet
à l’inauguration de l’église Notre-Dame-Auxiliatrice auprès de l’institut salésien.47
Le jour suivant – le supérieur général était encore présent – le père Méderlet célébrait
sa première grand-messe dans la nouvelle église.48
Par une notice du directeur don Francesco Scaloni (1861-1926) 49 dans une
39 Cf ASC, FDR 3.091, B 8 - C 1.
40 Chapitre supérieur, session du 12 mai 1891, ASC, VRC, t. 1, fol. 135r: «D. Rua però
propenderebbe a entrare in Prussia per la via di Francia».
41 Paul Virion, né en 1859 à Strasbourg, salésien en 1888, prêtre en août 1891, inspec-
teur de France en 1906, inspecteur de Belgique en 1919, décédé en 1931 à Lausanne (Suisse).
Cf Dizionario biografico, 296 (Hubert AMIELH); H. DELACROIX, Les cinq étapes..., 200; Freddy
STAELENS, De Salesianen van Don Bosco in België met bijzondere aandacht voor hun aanwezi-
gheid in Vlaanderen, thèse, Univ. Louvain 1987, 103s; Francis DESRAMAUT, Les crises des ins-
pecteurs de France (1904-1906), in RSS 30 (1997) 30, 7-56.
42 Françoise FONCK, Gabriel NEY, De l’Orphelinat Saint-Jean Berchmans au Centre sco-
laire Don Bosco. Cent ans de présence salésienne à Liège (1891-1991), Liège 1992, 77-83.
43 Dans l’Elenco de 1892 il se trouvait déjà comme confrère de Liège.
44 Ci-dessous, document IV. - Pour la formation des salésiens à cette époque cf STAE-
LENS, De Salesianen van Don Bosco..., 16-24.
45 Victor-Joseph Doutreloux, né en 1837 à Chênée, prêtre en 1861, évêque de Liège en 1961,
décédé en 1901 à Liège. Cf Albert DRUART, Les lettres de Monseigneur Doutreloux à Don Bosco,
in RSS 3 (1983) 274-295; F. FONCK, G. NEY, De l’Orphelinat Saint-Jean Berchmans..., 37-40.
46 Ci-dessous, document V. - Cf aussi Generalità di Sac. Eugenio Mederlet, ASC, B 730.
47 F. FONCK, G. NEY, De l’Orphelinat Saint-Jean Berchmans..., 99.
48 Ibid., 100.
49 Francesco Scaloni, né en 1861 à Monterubiano (Ascoli Piceno), salésien en 1881,
prêtre en 1887, directeur de Liège en 1891, inspecteur de Belgique en 1902, inspecteur de Gran-
de-Bretagne en 1919, décédé en 1926 à Lubumbashi (Congo Belge). Cf Dizionario biografico,
256s (Giovanni MAGDIC); H. DELACROIX, Les cinq étapes..., 199; F. STAELENS, De Salesianen
van Don Bosco..., 92-96; F. FONCK, G. NEY, De l’Orphelinat Saint-Jean Berchmans..., 77s.

1.8 Page 8

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352 Norbert Wolff
lettre à don Celestino Durando (1840-1907) 50, inspecteur de la province «externe»,
nous savons que Méderlet avait encore des problèmes scolaires à Liège et qu’il
fit l’examen de confession plus tard que prévu.51 En 1895 Méderlet travaillait
comme assistant dans le dortoir des novices,52 et en 1896 il était secrétaire du préfet
don Paul Virion 53 et finalement catéchiste de la maison.54
5. Directeur de Muri et de Liège
Au moins depuis 1895, Méderlet était en correspondance avec don Rua. Celui-
ci, avant d’aller à Liège en 1894, avait accepté une invitation à Muri, où il resta du 6
au 9 juillet 1894.55 Là il put gagner à sa cause un grand nombre de coopérateurs salé-
siens suisses, et on lui proposa d’ouvrir une maison salésienne en Argovie. En même
temps il voyait la nécessité d’un Bollettino Salesiano allemand, comme il l’écrivait le
16 juillet 1894 au confrère suisse Emanuel La Roche (1842-1916).56
Pour la fondation de Muri on avait besoin d’un directeur de langue allemande;
le choix se porta sur Méderlet, peut-être déjà informé des plans en Suisse alémanique par
don Rua en juillet 1894. En compagnie de don Giovanni Marenco (1853-1921)57 Méder-
let visita les lieux en avril 1896.58 L’inauguration de la maison, située dans une partie de l’an-
cien monastère bénédictin de Muri, eut lieu le 8 décembre 1897. Nous sommes informés
de cet événement par les éditions italienne, française et allemande du Bollettino Salesiano.59
L’institut appartenait à la province «externe» sous la responsabilité de
l’inspecteur Celestino Durando jusqu’en 1902 et ensuite à la nouvelle province belge 60
50 Celestino Durando, né 1840 à Farigliano di Mondovì (Cuneo), salésien en 1862,
prêtre en 1864, inspecteur en 1894 de la province «externe» (avec des maisons en plusieurs
pays d’Europe), décédé en 1907 à Turin. Cf Dizionario biografico, 113s (Eugenio CERIA).
51 Lettre de Scaloni à Durando, Liège, vers 1894/95, original: ASC, F 454 (Hechtel):
«D. Méderlet ha poca testa, è indietro nei suoi studi, non ha e non avrà come D. Harmel
la confessione in quest’anno e forse nemmeno l’anno venturo».
52 Lettre de Scaloni à Barberis, Liège, 31 janvier 1895, original (incomplet): ASC,
F 470; ASC, FDR 3.271, C 11 - D5.
53 Lettre de Caboni à Lazzero, Liège, 12 mars 1896, ASC, FDR 3.271, D 12 - E 3.
54 Cf H. DELACROIX, Les cinq étapes..., 201.
55 Cf F. SCHMID, Die ‘Don Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’..., 280s.
56 Lettre de Rua à La Roche, Liège, 16 juillet 1894, ASC, FDR 3.961, B 10s. - Emanuel
La Roche, né en 1842 à Bâle (Suisse), converti à l’Eglise catholique en 1886, salésien en 1893,
rédacteur des Salesianische Nachrichten en 1895, décédé en 1916 à Vienne (Autriche). Cf
ASC, B 277; Norbert WOLFF, 100 Jahre Salesianische Nachrichten, in Don Bosco Magazin
101 (1995), n. 1, 5-7; S. ZIMNIAK, Don Bosco nella Mitteleuropa..., 57-59 et 74s.
57 Giovanni Marenco, né en 1853 à Ovada (Piémont), salésien en 1874, prêtre en 1875,
vicaire général pour les Filles de Marie-Auxiliatrice en 1892, procurateur général des salésiens
à Rome en 1899, évêque de Massa di Carrara (Toscane) en 1909, nonce en Amérique centrale
en 1917, décédé en 1921 à Turin. Cf Dizionario biografico, 177 (BS).
58 F. SCHMID, Die ‘Don Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’..., 318.
59 BS 22 (1898), 13; BullSal 20 (1898), 39; SN 4 (1898), 15s. - Cf F. SCHMID, Die ‘Don
Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’..., 284-286.
60 Pour la fondation de cette province cf Albert DRUART, Les origines des œuvres salé-

1.9 Page 9

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 353
avec l’inspecteur Francesco Scaloni. En collaboration avec les confrères et les
coopérateurs laïcs le père Méderlet y ouvrit un champ d’activité salésien, comprenant
plusieurs ateliers d’apprentissage pour cordonniers, tailleurs, menuisiers, serruriers,
selliers, boulangers, relieurs et imprimeurs. Les apprentis fréquentaient l’école
professionnelle de la maison. Il y avait en plus un groupe de «Fils de Marie» qui
se préparaient à devenir salésiens; au total huit élèves de Muri se rendirent au
noviciat belge d’Hechtel (Limbourg),61 parmi lesquels l’Alsacien Victor Kolmer
(1888-1972) 62, le futur fondateur de la maison salésienne de Landser (Haut-Rhin)
près de Mulhouse. Dans une classe de langues, les garçons français et italiens
pouvaient apprendre l’allemand. A Muri on s’engageait en même temps dans
l’apostolat de la presse, comme en témoigne une biographie de don Bosco, écrite
par Eugène Méderlet.63
La maison salésienne de Muri ne subsista que sept ans. Quand Méderlet prit
la direction de l’institut, il y avait une dette connue de 400.000 francs suisses. Les
ateliers avec plusieurs employés ne pouvaient pas couvrir les dépenses.64 Mais en
plus des problèmes financiers, il y avait aussi un conflit concernant l’utilisation de
l’église de l’ancien monastère. Le gouvernement libéral du canton d’Argovie était
prévenu contre les congrégations religieuses. En outre, la relation entre le directeur
et les bienfaitrices, les sœurs Frey, n’était pas exempte de tensions, et quelques
divergences d’opinion se développaient entre les confrères. Dans tous ces conflits,
don Rua était aux côtés du père Méderlet.65 Celui-ci, se trouvant déjà à Liège le 7
octobre 1904, informait le supérieur de la fermeture; dans sa lettre il expliquait
aussi les difficultés mentionnées, avec lesquelles il lui fallait lutter à Muri.66
Toujours en 1904, Méderlet succéda au père Noël Noguier de Malijay (1861-
1930),67 comme directeur de la maison de Liège, connue pour ses grands ateliers
d’apprentissage, et il devenait également membre du conseil de la province belge. Là
il travaillait avec le même zèle qu’à Muri; par exemple il donnait un nouveau souffle
à la confraternité de Marie Auxiliatrice, et il était confesseur de trois couvents de
sœurs. Après une visite en 1907, l’inspecteur Francesco Scaloni louait Méderlet pour
ses efforts pastoraux, le critiquant en même temps parce qu’il lui manquait un peu les
siennes en Belgique, in Salesianum 38 (1976), 653-683, ici 656s; F. STAELENS, De Salesianen
van Don Bosco..., 35-38.
61 H. DELACROIX, Les cinq étapes..., 201; Alfons MEUWIS, Hechtel, het huis van don
Bosco’s laatste droom (Don Bosco in Vlaanderen 3). Bruxelles [1995].
62 Victor Kolmer, né 1888 à Schirrhein (Bas-Rhin) près de Haguenau, salésien en 1905,
prêtre en 1914, décédé en 1972 à Strasbourg.
63 Eugène MÉDERLET, Don Bosco, ein Apostel der Jugend im 19. Jahrhundert, Muri
11901 (21902). - Pour les problèmes concernant la première édition cf F. SCHMID, Die ‘Don
Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’..., 306.
64 Cf F. SCHMID, Die ‘Don Bosco-Anstalt zum hl. Joseph’..., 331s.
65 Cf ibid., 313 et 318-331.
66 Lettre de Méderlet à Rua, Liège, 7 octobre 1904, ASC, FDR 3.426, C 5-8.
67 Noël Noguier de Malijay, né en 1861 à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), salésien
en 1889, prêtre en 1891, directeur de Liège en 1902, décédé en 1930 à Port-à-Binson (Marne).
Cf Dizionario biografico, 200s (Eugenio VALENTINI).

1.10 Page 10

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354 Norbert Wolff
compétences pour diriger une si grande maison. Scaloni pensait alors que le départ
prévu de Méderlet pour la Chine serait un bien pour la maison.68
6. Une fondation salésienne en Lorraine
Eugène Méderlet resta toujours en contact avec sa patrie. À plusieurs reprises,
des groupes de pèlerins lorrains en voyage à Rome ou à Einsiedeln (canton de
Schwyz) faisaient étape à Muri.69 Méderlet faisait aussi des visites chez des bienfai-
teurs en Alsace-Lorraine; en octobre 1899, par exemple, il se rendit à Carspach
(Haut-Rhin) où on offrait aux salésiens un établissement d’hydrothérapie.70
En 1899, le curé de Guénange (Moselle) au sud de Thionville, Charles Thil-
mont (1859-1938),71 demandait lui aussi aux salésiens s’ils étaient prêts à prendre la
direction de l’orphelinat qu’il avait fondé. Evidemment ce fut le père Virion qui avait
les premiers contacts avec Thilmont.72 Le 23 mai 1899, le chapitre supérieur à Turin
décidait de ne pas prendre la maison de Guénange pour le moment, en tout cas pas
avant quatre ou cinq ans.73
Le 20 janvier 1901 le père Méderlet informait son inspecteur Durando qu’il s’ap-
prêtait à partir pour l’Alsace, la Lorraine et le Luxembourg, où il voulait rester dix
jours. Au retour du voyage qui l’avait mené jusqu’à Guénange, il écrivait au supérieur
général: «Maintenant, mon T. R. Père, je vous serais très reconnaissant, si vous pouviez
me faire donner une petite réponse au sujet de la Maison de Guénange (en Lorraine)
dont je vous ai écrit lorsque vous étiez encore à Nice. ... Comme je vous l’ai déjà dit
dans ma dernière lettre, mon ami, M. le Vicaire Général Weisslinger 74 de l’Evêché de
Metz, nous désire en Lorraine, ainsi que le clergé et les catholiques. On aimerait donc
savoir si nos bons Supérieurs ont l’intention de profiter de cette occasion de Guénange?
(Oberginingen)». Dans une lettre à Durando du 26 février 1901, Méderlet parlait des
difficultés concernant la permission gouvernementale d’entrer en Allemagne;
68 Scaloni, rapport de visite, Liège, 13 avril 1907, ASC, F 470: «Lo stato religioso e
morale della casa è abbastanza buono ; ma certamente sarebbe migliore, se la casa avesse
una testa e una mano ferma. Il povero D. Méderlet, pio e zelante pel sacro ministero, non ha
nessuna attitudine per dirigere una casa. La sua partenza per la Cina sarà quindi un bene
se viene ben sostituito».
69 C’était en particulier le curé Tilly de Langatte (Moselle), non loin d’Erstroff, qui ve-
nait à Muri avec ses paroissiens. Cf Kurzer Jahresbericht der Salesianischen Anstalt zum hl.
Joseph, in SN 7 (1901) 281-283, Kurzer Bericht der in der Don Bosco-Anstalt im vergangenen
Jahre stattgehabten Feierlichkeiten, in SN 9 (1903), 66-70.
70 Lettre de Méderlet à Rua, Muri, 11 octobre 1899, ASC, FDR 3.768, D 11s. - Pour
l’offre de Carspach cf ibid., 3.045, E 7-12.
71 Charles Antoine Thilmont, né en 1859 à Folpersviller (Moselle) près de Sarregue-
mines, prêtre en 1885, curé de Guénange en 1888, en retraite en 1901, décédé en 1938 à Gué-
nange. Cf Almanach de Marie Immaculée Reine du Clergé 18 (1939), 90.
72 Cf la correspondance dans l’ASC, FDR 3.072, B 8 - E 1.
73 Chapitre supérieur, session du 23 mai 1899, ASC, VRC, t. 1, fol. 172r.
74 Jean-Pierre Weislinger, né en 1843 à Rouhling (Moselle) près de Sarreguemines,
prêtre en 1868, curé de Grostenquin près d’Erstroff en 1880, vicaire général de Metz en 1895,
décédé en 1908 à Metz. Cf E. GATZ, Bischöfe, 803 (Erwin GATZ).

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 355
de plus il proposait que le directeur de la nouvelle maison soit un Allemand.75
Les salésiens ne vinrent pas à Guénange, et en 1902 l’abbé Thilmont vendait
l’orphelinat aux frères des écoles chrétiennes.76 Mais à Sierck (Moselle), au nord-est
de Thionville, une maison salésienne était ouverte en 1904: ce fut le premier établis-
sement de la congrégation dans l’Empire allemand, transféré à Thionville en 1905 et
fermé en 1918. Eugenio CERIA a mentionné la maison de Sierck dans ses annales de
la société salésienne; 77 Georg SÖLL n’a fait attention qu’à la maison de Thionville
dans son histoire des salésiens dans les pays de langue allemande.78 Quel était donc
l’historique d’un institut aujourd’hui presque inconnu?
L’abbé Bettembourg, professeur au petit séminaire de Montigny-lès-Metz, écri-
vait le 31 décembre 1901 à Méderlet, lui annonçant que deux dames de Sierck,
Emilie Fromholt et sa sœur Adeline Person née Fromholt, souhaitaient donner leur
maison aux salésiens.79 Le directeur de Muri informa son inspecteur Celestino Du-
rando de cette offre; il ajoutait: «Il paraît que l’Evêque de Metz 80 serait bien content
si nous venions en Lorraine». Ayant appris que don Rua voulait se rendre en Belgique
après Pâques, il fit une proposition très concrète: «Je me ferai un plaisir de l’accom-
pagner à Sierck pour voir cette maison, dont ci-joint la photographie. Sierck est aux
frontières de l’Allemagne, Luxembourg et Lorraine».81
Le chapitre supérieur, dans sa session du 24 février 1902, constatait qu’il ne
serait pas possible d’accepter l’offre.82 À peine deux jours après, Méderlet communi-
quait des détails de Sierck à l’inspecteur: La maison projetée pourrait accueillir 35
garçons, et l’on désirait aussi avoir à Sierck des prêtres italiens pour la pastorale des
immigrés, travaillant dans la zone industrielle de Lorraine.83 Il se proposait d’aller,
75 Lettre de Méderlet à Durando, Muri, 26 février 1901, ASC, FDR 3.424, B 3s.
76 Pour la vente et pour les problèmes financiers et juridiques de Thilmont cf Bischof
Benzler und die Waisenanstalt von Oberginingen. Erwiderung auf den Thilmont’schen Bericht
an den Landesausschuss (imprimé Metz 1911), ADM, 29 J, Asile de Guénange.
77 Eugenio CERIA, Annali della società salesiana, t. 3. Turin 1946, 564s et 841.
78 Georg SÖLL, Die Salesianer Don Boscos (SDB) im deutschen Sprachraum 1888-1988.
Rückblick zum 100. Todestag des heiligen Johannes Bosco (31. Januar 1988), des Gründers
der «Gesellschaft des heiligen Franz von Sales». Munich 1989, 55.
79 Lettre de Bettembourg à «Très Révérend Père», Montigny-lès-Metz, 31 décembre
1901, original: ASC, F 727, fasc. 1; ASC, FDR 3.448/9, E 12 - A 1.
80 Willibrord Benzler, né en 1853 à Hemer (Westphalie), bénédictin et prêtre en 1876,
abbé de Maria Laach (Rhénanie) en 1893, évêque de Metz de 1901 à 1919, décédé en 1921
à Baden-Baden. Cf E. GATZ, Bischöfe, 37s (Erwin GATZ); Walter KASPER et al. (éd), Lexikon
für Theologie und Kirche, t. 2, Fribourg/Br. 31994, 237s (Angelus A. HÄUSSLING).
81 Lettre de Méderlet à Durando, Muri, 21 février 1902, ASC, FDR 3.425, C 10s.
82 Chapitre supérieur, session du 24 février 1902, ASC, VRC, t. 1, fol. 199r.
83 Pour l’immigration de travailleurs étrangers en Lorraine cf René DEL FABBRO, Wande-
rarbeiter oder Einwanderer ? Die italienischen Arbeitsmigranten in der Wilhelminischen Ge-
sellschaft, in Archiv für Sozialgeschichte 32 (1992), 207-229 ; ID., Transalpini. Italienische Ar-
beitswanderung nach Süddeutschland im Kaiserreich 1870-1918 (Studien zur Historischen Mi-
grationsforschung 2), Osnabrück 1996, 90-94 et 102s; Luc DELMAS, L’immigration en Lor-
raine du fer: le Pays Haut (1880-1914), in Marion DUVIGNEAU (éd.), Lorraine du feu, Lorraine
du fer. Révolutions industrielles et transformations de l’espace mosellan (XVIIe-XIXe siècles).
Saint-Julien-lès-Metz 1996, 163-182. - Dans le département de la Moselle en 1910 sur près de
50.000 étrangers il y avait 25.000 italiens (L. DELMAS, L’immigration..., 165); la plupart

2.2 Page 12

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356 Norbert Wolff
lui-même à Sierck avant Pâques pour visiter la maison.84 Ayant reçu de Turin une
réponse négative, Méderlet réitérait le désir d’une fondation salésienne. Il écrivit à
Durando qu’il avait informé les bienfaitrices de la décision des supérieurs et que
celles-ci l’avaient chargé de renouveler sa demande.85
Ce fut alors don Rua qui avança le projet de Sierck. Le 9 avril, il vint à Muri où
il resta deux jours.86 De son voyage vers le nord nous avons un récit dans le Bulletin
Salésien: «Samedi, 12 avril dernier, le train de Bâle amenait à Strasbourg Don Rua,
le digne et bien cher Successeur du bien-aimé Don Bosco. Il était accompagné
d’un membre du chapitre de la Société salésienne, le Rév. Don Bertello,87 et du bien
sympathique Don Méderlet, Directeur de la Maison de Don Bosco à Muri (Suisse)».88
A Strasbourg, Don Rua eut des rencontres avec des coopérateurs salésiens et avec
l’évêque auxiliaire, François Zorn von Bulach (1858-1925),89 discutant avec lui
probablement les questions politiques d’une fondation salésienne en Alsace-Lorraine.
Le récit du Bulletin finit ainsi: «Lundi 14 avril à six heures du matin, le vénéré Père
quittait Strasbourg pour la Belgique».90
Mais les trois salésiens n’allaient pas directement en Belgique; ils firent encore
une visite à Sierck. Le 15 avril 1902 un contrat de donation était signé par les sœurs
Fromholt, une personne nommée Person (évidemment le mari d’Adeline Fromholt),
l’abbé Bettembourg et don Rua. Avec ce contrat, les salésiens s’obligeaient à fonder
un établissement à Sierck avec une mission pour les ouvriers italiens et un orphelinat
agricole ou bien un institut pour les vocations tardives.91
Retourné en Italie, don Rua parla de l’offre de Sierck au chapitre supérieur dans
la session du 26 mai 1902.92 Une semaine plus tard, le chapitre décidait d’ouvrir la
maison avec ses diverses activités: pastorale des italiens, colonie agricole, commu-
nauté de fils de Marie.93 Mais avant d’ouvrir cette maison, il y avait un problème
préalable à résoudre: la reconnaissance par l’Etat allemand.
Dans une lettre à don Rua du 30 janvier 1903, Eugène Méderlet se proposait
pour en parler avec Mgr Benzler de Metz en vue de la reconnaissance gouverne-
mentale.94 Début avril 1903, Méderlet alla voir l’évêque auxiliaire de Strasbourg qui
d’entre eux étaient jeunes et célibataires (ibid. 170-172); le gouvernement allemand voyait le
danger du socialisme et ainsi était intéressé par les missions italiennes (ibid. 173s).
84 Ci-dessous, document VII.
85 Lettre de Méderlet à Durando, Muri, 29 mars 1902, ASC, FDR 3.425, D 2s.
86 Kurzer Bericht der in der Don Bosco-Anstalt..., 68.
87 Giuseppe Bertello, né en 1848 à Costigliole (Piémont), salésien en 1868, prêtre
en 1871, inspecteur de Sicile en 1894, conseiller général en 1898, économe général en 1909,
décédé en 1910 à Turin. Cf Dizionario biografico, 38 (Eugenio VALENTINI).
88 Voyage de Don Rua à Strasbourg, in BullSal 24 (1902), 209s, ici 209.
89 Ibid. - François Zorn von Bulach, né en 1858 à Strasbourg, prêtre en 1891, évêque
auxiliaire de Strasbourg de 1901 à 1918, également vicaire général de 1903 à 1918, décédé
1925 à Strasbourg. Cf GATZ, Bischöfe, 841s (Erwin GATZ).
90 Voyage de Don Rua à Strasbourg..., 210.
91 Contrat, Sierck, 15 avril 1902, original: ASC, F 727, fasc. 2; ASC, FDR 3.449, B 10 - C 1.
92 Chapitre supérieur, session du 26 mai 1902, ASC, VRC, t. 1, fol. 199v.
93 Chapitre supérieur, session du 2 juin 1902, ibid., fol. 200v.
94 Ci-dessous, document VIII.

2.3 Page 13

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 357
disposait de bons contacts au ministère d’Alsace-Lorraine. Celui-ci informa don Rua
de cette visite, ansi que des réserves du gouvernement qui ne voulait pas avoir trop
de congrégations religieuses dans le pays. Aussi pensa-t-il qu’il valait mieux ne pas
demander une reconnaissance, mais une permission de séjour pour trois confrères.95
Le 29 mai 1903, Zorn von Bulach, qui avait parlé officieusement avec le secrétaire
d’Etat, écrivit à don Rua que le gouvernement ne s’opposerait pas au séjour de deux
missionnaires italiens à Sierck.96
Ayant reçu la demande officielle, le gouvernement voulait savoir si les salésiens
disposaient déjà d’établissements en Allemagne et si les confrères venant à Sierck
n’avaient pas appartenu à des maisons salésiennes françaises.97 Ce dernier point était
d’une grande importance pour l’Etat allemand, parce qu’on avait peur que beaucoup
de religieux français viennent en Allemagne après la loi française anticléricale de
1901.98 Don Rua répondit à l’évêché de Metz que les salésiens n’avaient pas encore
de maisons en Allemagne. Il confirma qu’aucun confrère, ayant appartenu à un éta-
blissement français, ne viendrait à Sierck.99
Le 10 février 1904, le sous-secrétaire d’Etat, responsable de la justice et du
culte, Emil Petri (1852-1918),100 communiquait à l’évêque auxiliaire de Strasbourg
que deux prêtres et un frère laïc recevaient la permission de séjour à Sierck.101 Les
sœurs Fromholt ne furent pas informées immédiatement de cette décision, et le 20 fé-
vrier on écrivit à don Rua sur la nécessité d’ouvrir sans tarder la maison projetée, car
les frères des écoles chrétiennes voulaient s’établir eux aussi à Sierck.102 Le père Mé-
derlet, resté en contact avec la famille Fromholt, pensait que le directeur de Sierck
devait être un Allemand et, si possible un Alsacien-Lorrain. Mais il n’y avait pas
beaucoup de prêtres salésiens provenant de cette région. Peut-être Méderlet lui-même
avait-il l’intention de devenir directeur de Sierck.
Une fois de plus don Rua se rendit personnellement en Alsace-Lorraine, accom-
pagné du directeur de Muri, pour avancer la nouvelle fondation. Le matin du 4 juillet
1904, il arrivait à la gare de Bâle où le père Méderlet l’attendait déjà. Ensemble ils
se mirent en route pour Strasbourg, où ils firent une brève visite à Mgr Zorn von Bulach.
95 Lettre de Zorn von Bulach à Rua, Strasbourg, 5/8 avril 1903, original: ASC, F 727,
fasc. 1; ASC, FDR 3.449, A 4-11.
96 Lettre de Zorn von Bulach à Rua, Strasbourg, 29 mai 1903, original: ASC, F 727,
fasc. 1; ASC, FDR 3.449, A 12 - B 1.
97 Lettre de Wagner à Rua, Metz, 10 décembre 1903, original: ASC, F 727, fasc. 1; ASC,
FDR 3.449, B 3.
98 Pour cette loi cf CERIA, Annali della società salesiana, t. 3, 124-143; Yves LE CAR-
RÉRÈS, Les salésiens de don Bosco à Dinan 1891-1903. Une œuvre naissante brisée par le
Sénat. Istituto Storico Salesiano. Studi 6. Rome 1990, 112-128.
99 Lettre de Rua à Wagner, Turin, 16 décembre 1903, original: ADM, 7 AL 10.
100 Georg Karl Emil Petri, né en 1852 à Bouxwiller (Bas-Rhin) près de Saverne, sous-
secrétaire d’Etat à Strasbourg en 1898, décédé en 1918 à Kehl (Bade). Cf H. HIERY, Reichstag-
swahlen im Reichsland..., 450.
101 Ci-dessous, document IX.
102 Ci-dessous, document X. - Au bas de cette lettre se trouve la même signature
«Person» comme sous le contrat du 15 avril 1902. Vraisemblablement la lettre a été écrite par
le mari d’Adeline Fromholt.

2.4 Page 14

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358 Norbert Wolff
Ce même soir, don Rua se trouva déjà à Metz où il logea au grand séminaire.
Le lendemain il était accueilli par Mgr Benzler,103 et à cette occasion on parla certai-
nement du projet de Sierck, en particulier de la pastorale des italiens immigrés.104
Ainsi les salésiens pouvaient entrer en Allemagne, ou plus précisément en
Alsace-Lorraine, annexée par l’Allemagne de 1871 à 1918. La maison de Sierck,
appartenant à la province belge, fut ouverte en octobre 1904,105 alors que Méderlet
se trouvait de nouveau à Liège. Le premier directeur de Sierck serait l’Italien don
Luigi Valetto (* 1871).106 L’autre prêtre, qui venait de la maison piémontaise de Trino
Vercellese, était l’Alsacien Jean Grasser (1868-1917) 107. De plus, il y avait le coadju-
teur Achille Perrier. Après le transfert à Thionville en 1905, la maison resta seulement
mission italienne; il n’y eut donc jamais de colonie agricole ni d’institut pour les
fils de Marie.
7. Missionnaire en Inde
En 1906, les salésiens de don Bosco entrèrent en Inde et en Chine.108 Pour Eu-
gène Méderlet, alors directeur de Liège, cela signifiait qu’il pouvait réaliser son désir
d’aller en mission. Parti pour la Chine, il s’arrêta à Mylapore (Inde) où il rencontra le
père Ernest Vigneron, gravement malade. Quelques jours après son arrivée, le
confrère mourut, et par un télégramme de don Rua, le père Méderlet recevait l’ordre
de le remplacer à Tanjore.109 Pendant 20 ans il travailla à cet endroit du sud de l’Inde
où il fonda un orphelinat et une école professionnelle. En 1915 il devenait curé de
Tanjore ; son souci principal était de convertir les gens à la religion catholique.
En 1928 le Saint-Siège confiait aux salésiens l’archidiocèse de Madras, et Eu-
gène Méderlet fut nommé archevêque. Le 28 octobre 1928 il recevait la consécration
épiscopale dans la cathédrale. Comme évêque il continuait ses efforts pastoraux, en-
courageant l’action catholique, érigeant un petit séminaire à Madras pour la forma-
103 «Une visite de D. Rua aux Maisons Salésiennes et aux Coopérateurs du Tyrol,
de la Suisse et de la Belgique», in BullSal 26 (1904), 237-242, ici 237. - Ensuite don Rua
faisait une visite à la province belge d’où il se rendait à Cologne (Rhénanie) pour parler d’une
possible fondation salésienne dans cette ville. Cf Chapitre supérieur, session du 26 juillet 1904,
ASC, VRC, t. 1, fol. 216v.
104 Cf Chapitre supérieur, session du 3 mai 1904, ASC, VRC, t. 1, fol. 214v: «Il Vescovo
di Metz in Lorena domanda se possiamo prendere cura degli Italiani in quelle parti. Noi vi
andremo a metter casa a Sierk in ottobre e stenderemo le nostre cure altrove, se il Governo
non l’impedisce».
105 Lettre de Goltz à Zeppelin, Thionville, 20 octobre 1904, original: ADM, 7 AL 10.
106 Luigi Valetto, né en 1871 à Collegno (Piémont), missionnaire salésien au Chili,
directeur de Sierck en 1904, de Thionville en 1905 , de Zurich en 1908, quittait la congrégation
en 1910. Cf ASC, B 328.
107 Jean Grasser, né en 1868 à Hohatzenheim (Bas-Rhin) près de Strasbourg, salésien en
1900 (noviciat à Saint-Pierre-de-Canon, ensuite à Marseille, France!), prêtre en 1904, décédé
en 1917 à Brumath (Bas-Rhin). Cf Lettre de Goltz à Zeppelin, Thionville, 20 octobre 1904,
original: ADM, 7 AL 10.
108 Cf M. WIRTH, Don Bosco et les salésiens..., 11 et 284.
109 Cf Profili di Missionari, 370.

2.5 Page 15

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 359
tion du futur clergé indigène et ouvrant beaucoup d’écoles et d’oratoires. Son option
missionnaire était de promouvoir le travail social et caritatif de l’Eglise et en particu-
lier de s’occuper de la jeunesse.110
Depuis 1928 Méderlet était chanoine honoraire de Metz, nommé par Mgr Jean-
Baptiste Pelt (1863-1937) 111 qui, de même que Méderlet, avait fréquenté le petit sé-
minaire de Montigny. Le 10 décembre 1928 l’archevêque de Madras écrivait à son
collègue de Metz, le remerciant de la dignité de chanoine honoraire. Il parlait aussi de
la béatification de don Bosco, prévue pour 1929 à laquelle il voulait assister.112
Du 14 au 18 juin 1929, après la béatification de don Bosco, Méderlet se trouva
à Vienne (Autriche) où il participait à l’assemblée des catholiques («Katholi-
kentag»).113 De là il se rendait à Munich (Bavière). Dans une lettre à Pelt du 27 juin,
il disait qu’il avait l’intention de visiter 12 des 22 maisons salésiennes en Allemagne
et en Autriche.114 Le 10 octobre 1929 Méderlet était présent à une fête en honneur de
don Bosco à Helenenberg (Rhénanie) près de Trèves.115 Retourné en Inde, il informait
Pelt qu’il avait reçu pour la mission une somme de 35.000 francs du diocèse de Metz,
dont 8.000 d’Erstroff.116
Dans les lettres de l’Inde, on sent toujours le zèle pastoral de l’archevêque
lorrain. Le 30 novembre 1931, il écrivait à Pelt: «Quant aux conversions, nous en
avons beaucoup. Le 30 Oct. dernier, nous avons eu tout un village de 125 payens, qui
ont reçu le baptême. Et pour montrer leur sincérité, ces Néophytes démolirent leur
temple payen, et, avec les briques du temple ils construisirent une chapelle, dédiée
à St. Joseph. Le village, du nom de Lakshimivillasapuram, se nomme maintenant:
Don Boscopalayam – village de Don Bosco».117
Les trois visites de Mgr Méderlet en Europe (1926, 1929 et 1934) n’avaient pas
seulement le but de collecter de l’argent, mais aussi de recruter des missionnaires.
Il vint une dernière fois en Europe pour la canonisation de don Bosco en 1934.
De nouveau il allait voir plusieurs maisons salésiennes pour prêcher en l’honneur du
fondateur. Le 18 juillet 1934 il se trouvait chez son ancien élève Victor Kolmer
à Landser et écrivait au préfet général don Pietro Berruti (1885-1950)118: «En Alle-
110 Cf Gespräch mit Erzbischof Méderlet, in Reichspost [Vienne], n. 168, 19 juin 1929.
111 Jean-Baptiste Pelt, né en 1863 à Blettange (Moselle) près de Guénange, prêtre en
1886, vicaire général de Metz en 1906, évêque en 1919, décédé en 1937 à Metz. Cf E. GATZ,
Bischöfe, 567s (Erwin GATZ).
112 Lettre de Méderlet à Pelt, Shillong, 10 décembre, 1928, original: ADM, 29 J, Papiers
personnels de Mgr Pelt.
113 Archiv des Salesianums Wien, Cronaca XXI (1927-1931).
114 Lettre de Méderlet à Pelt, Munich, 27 juin 1929, original: ADM, 29 J, Papiers
personnels de Mgr Pelt.
115 Cf Programme de fête (imprimé), Helenenberg, 7-10 octobre 1929, ASC, F 454
(Helenenberg); Don Bosco-Feier auf Helenenberg, in SN 35 (1929), 158s.
116 Lettre de Méderlet à Pelt, Madras, 28 novembre 1929, original: ADM, 29 J, Papiers
personnels de Mgr Pelt.
117 Lettre de Méderlet à Pelt, Madras, 30 novembre 1931, original: ibid.
118 Pietro Berruti, né en 1885 à Turin, salésien en 1901, prêtre en 1910, inspecteur du
Chili en 1927, préfet général en 1932, décédé en 1950 à Turin. Cf Dizionario biografico, 37
(Pietro ZERBINO); Profili di Missionari, 348-351 (ID.).

2.6 Page 16

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360 Norbert Wolff
magne ça va très mal pour la chère jeunesse. Par la Méthode de Hitler, toute la jeu-
nesse est corrompue ou le sera bientôt». Méderlet pensait être à Erstroff le 29 juillet
1934 119 et voulait partir de Marseille le 10 octobre.120
Le 30 octobre 1934 il arrivait à Madras en compagnie de 16 nouveaux mission-
naires. Le 12 décembre 1934 il mourut à Pallikonda – dans le confessionnal.
En 1935, des articles nécrologiques sur la vie et l’œuvre de Méderlet parurent dans
plusieurs revues ecclésiastiques.121 Son successeur fut un salésien de descendance
alsacienne, Mgr Louis Mathias (1887-1965).122
119 Marie-Alice Firmery (Erstroff), témoin de la dernière visite de Méderlet dans son
village natal, possède une collection de photos de cet événement.
120 Lettre de Méderlet à Berruti, Landser, 18 juillet 1934, original: ASC, B 730.
121 Son Excellence Mgr Eugène Méderlet; Un grand missionnaire disparu, in BullSal 57
(1935), 43s; S. E. Rev.ma Mons. Eugenio Méderlet. Arcivescovo di Madras (India), in BS 59
(1935), 57s; Erzbischof Méderlet von Madras †, in SN 41 (1935), 28s.
122 Louis Mathias, né en 1887 à Paris, salésien en 1905, prêtre en 1913, préfet aposto-
lique d’Assam (Inde) en 1922, évêque de Shillong en 1934, archevêque de Madras en 1935,
décédé en 1965 à Legnano (Lombardie). Cf Dizionario biografico, 183s (Pietro ZERBINO);
Profili di Missionari, 452-459 (Archimede PIANAZZI); Archimede PIANAZZI, «Ardisci e spera».
Vita del vescovo missionario Luigi Mathias (1887-1965). Rome 1976. - Dans son livre:
Quarant’anni di missione in India, t. 1. Turin 1965, MATHIAS décrit plusieurs rencontres avec
Méderlet.

2.7 Page 17

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 361
DOCUMENTS
I
Curé Roloff à « Mon révérend Père »
Erstroff, 3 novembre 1884, original manuscrit : AFT, 3 K collèges 8, Bordeaux, dossier
Méderlet.
Mon révérend père,
Je vous recommande le cher enfant, mon paroissien qui vous présentera cette
lettre. S’il n’a peut-être pas des moyens extraordinaires, il a du moins des qualités
essentielles à la vie religieuse, à savoir la piété, la soumission, l’innocence, je crois.
Je crois qu’il se plaira au collège séraphique.
Si toutefois vous ne lui trouviez pas assez d’intelligence pour faire des études,
j’ose vous prier de ne pas le renvoyer à la maison, mais d’en faire un bon religieux
convers.123
Sa mère est en ce moment à la gêne : elle enverra plus tard une aumône au
collège. Quant à moi je me porte garant pour la somme qu’il lui faudrait s’il était
absolument obligé de revenir.
J’oubliais presque, mon révérend père, de vous dire que le jeune homme a
fait la cinquième au petit-séminaire diocésain; mais ces études, depuis l’annexion
à l’Allemagne se font malheureusement en grande partie en allemand, de sorte qu’il
ne peut pas être très-fort en français.
Encore une fois, mon révérend père, je vous recommande de tout cœur
ce cher enfant, qui vous a été aussi chaudement recommandé par mon cher oncle,
le père Calixte, franciscain à Portishead.124
Veuillez agréer, mon révérend père, l’assurance de mes sentiments dévoués
et respectueux en N. S.
Roloff
Le 3 novembre 1884.
curé d’Erstroff par Grostenquin
Lorraine allemande
II
Fr. Vincent-Marie OFM à « Révérend Père »
Pau, 17 novembre 1890, original manuscrit : ASC, B 730.
+
J. M. J. F. A.
123 Frère laïc.
124 Portishead près de Clevedon, où les franciscains exilés exerçaient le service pastoral.
Cf A. VAN HECKE, Histoire interne..., 81.

2.8 Page 18

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362 Norbert Wolff
Révérend Père
Voici un jeune homme de vingt trois ans, mon Révérend Père, que je me per-
mets de vous recommander; il s’appelle Eugène Méderlet: il est né à Erstroff en Lor-
raine le 17 novembre 1867 125. Ce cher enfant est resté comme novice à notre couvent
de Pau environ quatre mois: pendant tout ce temps la conduite du novice a été très-
édifiante. Ce jeune homme est intelligent et très-pieux et je suis convaincu qu’il
rendra à l’institut Salésien de vrais services. Aussi, mon Révérend Père, je vous
l’adresse en toute confiance; s’il nous quitte, ce n’est que pour obéir à la volonté
divine, Dieu semblant l’appeler chez vous.
Du reste, vous n’avez qu’à bien examiner le jeune homme; il est franc et ouvert;
il vous dira la vérité et vous ouvrira son cœur. Pour moi, mon Révérend Père,
je regrette bien le jeune homme, mais il me semble que Dieu le veut chez vous et
je dois m’incliner devant la volonté du bon Dieu.
Nous avons les lettres testimoniales de ce cher enfant ; nous pourrons, si vous
les désirez, vous les envoyer.126
Agréez, mon Révérend Père, l’assurance de mon profond respect.
Fr. Vincent-Marie,
maître des novices,
Couvent des Franciscains
Pau 17 nov. 90
III
Fr. Vincent-Marie OFM à « Mon Révérend Père »
Pau, 26 novembre 1890, original manuscrit : ASC, B 730.
+
J. M. J. F. A.
Mon Révérend Père
D. d. n. p !
J’ai reçu hier votre petit mot si bon, mon Révérend Père ; je m’empresse d’y ré-
pondre. Le jeune Eugène Méderlet est un excellent enfant ; il est pieux, aimable, la-
borieux, intelligent: chez nous il était aimé de tous, des inférieurs et des supérieurs.
Je vous l’ai envoyé parce qu’il me semblait que le bon Dieu le voulait au milieu des
enfants de Dom Bosco; il vous rendra de vrais services avec l’aide de Dieu et de
125 Eugène Méderlet était né le 15 novembre 1867 et baptisé deux jours plus tard.
126 Vicaire général de Bordeaux, Litterae testimoniales, Bordeaux, 13 novembre 1885;
ASC, B 730; Mgr Paul-Georges-Marie Dupont des Loges, Litterae testimoniales, Metz, 20
novembre 1885, ibid. - Ces documents, constatant que Méderlet n’avait pas d’empêchement
pour entrer dans une congrégation religieuse, ont été envoyés à Turin par le secrétaire provincial
des franciscains de Paris le 2 décembre 1890 (lettre de Fr. Paul-Marie OFM à «Monsieur
l’abbé», Paris, 2 décembre 1890, original, ibid.).

2.9 Page 19

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 363
Marie. Il a toujours eu l’idée d’aller dans les missions étrangères, mais il est disposé
à faire ce que ses supérieurs voudront: pour moi, je crois qu’il est appelé à faire
un grand bien à la jeunesse, surtout, aux ouvriers. Je suis vraiment heureux, mon
R. Père, de vous donner ces quelques détails. Je dois ajouter que le jeune Eugène
ouvre facilement son cœur à ses directeurs.
Je vous remercie, mon Révérend Père, d’avoir si bien accueilli cet enfant;
le bon Dieu vous récompensera au centuple.
Agréez, mon R. Père, l’assurance de mon profond respect et de ma reconnais-
sance.
Votre bien dévoué et affectionné en N. S. J. C.
Fr. Vincent-Marie,
maître des novices,
Couvent des Franciscains
Pau 26 novembre 1890
P. S – Les lettres testimoniales d’Eugène lui ont été favorables: elles se conservent
dans les archives de notre Province; je prierai le T. R. P. Provincial de vous les expé-
dier sous peu.
[Annexe sur feuille séparée]
+
Claudus Eugenius Méderlet natus pago Erstroff, in dioecesi Metensi die 15 9bri 1867,
omnibus expletis quae in decreto Piano, dato Romae 25 Januarii 1848, incipiente
«Romani Pontifices» 127 nulloque obstante canonico impedimento ut ex litteris testi-
monialibus suis constat, habitum seraphini ordinis nostri induit die decima nona Julii
anni millesimi octingentesimi nonagesimi sub nomine fratris Seraphini ab Erstroff. –
Pau 26 9bre 1890
En foi de quoi
Fr. Vincent-Marie, m. des novices
Couvent des Franciscains
IV
Méderlet à Giulio Barberis
Liège, 14 avril 1892, original manuscrit : ASC, B 730.
J. M. J. F. B.
Liège le 15. 4. 92.
Molto Rev.do Signor Don Barberis,
Il y a bien longtemps que je ne vous ai plus donné signe de vie. Vous devez
127 D’après le décret «Romani Pontifices» de Pie IX, les candidats qui voulaient entrer
dans une congrégation religieuse devaient avoir des lettres testimoniales de leur évêque
d’origine. - Cf Willibald M. PLÖCHL, Geschichte des Kirchenrechts, t. 3. Vienne 1959, 519.

2.10 Page 20

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364 Norbert Wolff
penser sans doute que je ne pense plus à Turin, mais il n’en est pas ainsi ; car bien
que loin de corps, cependant je ne le suis pas d’esprit, et déjà souvent j’ai reçu des
nouvelles de mes confrères de Valsalice, ce qui me fait garder encore mieux leur sou-
venir devant le bon Dieu.
Que dire de Liège, mon Révérend Père, sinon que j’y suis très heureux. Tous,
nous ne faisons qu’un cœur et qu’une âme, et je n’ai que remercier la divine Provi-
dence d’avoir bien voulu m’envoyer ici, et de m’avoir accordé de si grandes grâces
pendant ce peu de temps que j’ai passé à Foglizzo et à Valsalice. Plaise à Dieu, que
mon unique désir soit toujours de faire tout pour la plus grande gloire de Dieu, de ne
jamais rien demander ni rien refuser, et de remplir exactement les petits emplois
qu’on veut bien me confier, de cette sorte je crois plaire à Dieu, soulager mes Supé-
rieurs, faire du bien à ceux qui m’environnent et surtout d’avancer moi-même dans la
perfection. Quant à mes études, je finirai probablement la Cosmologie et l’Anthropo-
logie la semaine prochaine, et j’espère commencer ensuite la Théologie. La Musique
va aussi très bien. J’accompagne tout à la Chapelle, Messes, Vêpres et Salut. Aussi,
j’ai un bon Maître, qui me fait avancer rapidement.
Je termine, mon Révérend Père, en me recommandant dans vos ferventes
prières, et en vous priant de vouloir bien agréer l’expression de mes sentiments de
respect, avec lesquels je me dis votre enfant bien affectionné et tout dévoué, qui pen-
sera toujours à vous dans ses prières.
Ch.o Eugène Méderlet.
P. S. Bien mes respects à tout le Chapitre Général.
V
Méderlet à Giulio Barberis
Liège, 21 juillet 1894, original manuscrit : ASC, B 730.
J. M. J. F. B.
Liège, le 21. 7. 94.
Très Révérend Signor Don Barberis,
Je profite de la belle occasion du passage du R.mo Supérieur Général et du R.d
Signor Don Lazero 128 pour vous donner un petit signe de vie. J’ai eu le bonheur,
comme vous l’avez entendu probablement, de recevoir la prêtrise le 8 du mois de
Juillet. Ma première Messe chantée a été le 17 Juillet, 2ème jour de la consécration de
notre nouvelle église. J’ai regretté de ne pas vous voir assister à ces belles fêtes, et je
me réjouissais déjà depuis si longtemps de vous voir bientôt au milieu de nous ; mais
la divine Providence l’a disposé autrement. Peut-être que ce bonheur nous sera donné
un peu plus tard. Quant à moi, je ne vous ai certainement pas oublié dans mes prières,
et je pense à vous surtout dans mes memento pendant le saint Sacrifice de la Messe.
128 Giuseppe Lazzero, né en 1837 à Pino (Piémont), salésien en 1862, prêtre en 1865,
conseiller général en 1874, décédé en 1910 à Mathi (Piémont). Cf Dizionario biografico, 165
(Eugenio CERIA).

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 365
Vous aussi, j’en suis sûr, vous avez pensé un peu à moi pendant ces jours-ci, je vous
en remercie de tout cœur. Veuillez, je vous prie, ce petit souvenir, afin que Marie
Ausiliatrice m’accorde la grâce de faire toujours et partout la ste. volonté de son fils
en mettant toujours lieu en pratique ce que nos Supérieurs me commandent.
Votre enfant bien affectionné
Eugène Méderlet
Prêtre.
P. S. Le temps ne me permet pas d’écrire à S. Don Picetta 129 et à S. Don Bianchi ;
je le ferai un peu plus tard, en attendant je les salue très cordialement.
E. M.
VI
Méderlet à Michele Rua
Liège, 2 juin 1895, original manuscrit: ASC, B 730.
J. M. J. E.130
Liège, le 2 Juin 95
Révérendissime Père Général,
Le voyage de notre vénéré Père Directeur me livre occasion à vous donner
quelques nouvelles de Liège. Comme toujours, tout va bien. Je tâche, selon la pro-
messe que je vous ai faite, de faire tout mon possible pour me rendre utile et à la
Congrégation et à la maison de Liège. Cependant, le désir de mon cœur, qui a tou-
jours été d’aller dans les missions de la Chine, s’augmente de plus en plus. Oui, tou-
jours je pense aux Missions – J’en ai déjà parlé de cela, pendant mon Noviciat, à S.
Don Barberis, à S. D. Bianchi et à S. D. Conelli. Ils m’ont dit qu’on y pensera plus
tard. En vous manifestant mon désir, j’ai nullement l’intention de vous demander à
changer de maison; Oh! Non, mon Père. Mes confrères, et surtout Monsieur le Direc-
teur, Don Scaloni, méritent trop mon affection pour que je fasse chose pareille. Ainsi,
je suis toujours disposé à suivre vos sages conseils, et si vous ne jugez pas à propos
de m’y envoyer, je dirai: «telle est la volonté de Dieu».
En attendant une réponse que je crois m’être favorable, j’ai l’honneur d’être,
Révérendissime Père Général, votre enfant bien affectionné en J. M. J.
Eugène Méderlet
P. S.
129 Luigi Piscetta, né en 1858 à Comignago (Piémont), salésien en 1874, prêtre en 1880,
professeur à Turin-Valsalice, conseiller général en 1917, décédé en 1925 à Turin. Cf Dizionario
biografico, 223 (Tiburzio LUPO).
130 La dernière lettre peut être lue aussi comme «C.».

3.2 Page 22

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366 Norbert Wolff
VII
Méderlet à Celestino Durando
Muri, 26 février 1902, original manuscrit : ASC, F 727, fasc. 1 ; ASC, FDR 3.449, A 2.
Bien cher et Révérend
M. l’Inspecteur,
La maison de Sierck serait pour environ 35 enfants à placer actuellement. On y
aimerait aussi un ou deux prêtres italiens pour les Missions italiennes de la Lorraine,
surtout pour les nombreux italiens qui se trouvent dans les fabriques de Hayange et
des environs. On aimerait à ce qu’un prêtre salésien vienne visiter cette maison de
Sierck pour qu’on puisse en parler plus explicitement à ce sujet. Désirez-vous que j’y
aille après Pâques tout en faisant une petite collecte chez des bons bienfaiteurs que je
connais en Alsace-Lorraine ? J’espère y recevoir plusieurs centaines de francs.
Votre affectionné in C J
Eug. Méderlet.
VIII
Méderlet à Michele Rua
Muri, 30 janvier 1903, original manuscrit : ASC, F 727, fasc. 1 ; ASC, FDR 3.449, A 3.
Muri 30 I. 03.
J. M. J. B.
Très Révérendissime Supérieur Général,
Mes meilleurs remerciements pour la lettre si aimable que vous m’avez faite
écrire par le Très Rév. M. le Préfet de la Congrégation.131 Il ne me reste qu’une chose
assez importante à vous demander. Ce serait de savoir si vous désirez que je demande
à Sa Grandeur Mgr. Benzler, Evêque de Metz, si Elle veut bien se charger déjà dès à
présent de demander l’autorisation à Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne pour que
les Fils de Don Bosco puissent s’établir à Sierck (Lorraine) ou bien si vous avez déjà
écrit ou que vous écrivez vous-même à Sa Grandeur en sujet de cette affaire? J’ai
l’intention d’aller bientôt en Alsace-Lorraine pour y faire une collecte et je profiterai
de l’occasion pour faire une visite à Sa Grandeur et à la Famille Fromholt de Sierck,
si vous le jugez à propos. Ou bien désirez vous me donner une petite lettre pour Sa
Grandeur, Mgr. l’Evêque, lui exprimant votre désir qu’Il demande l’autorisation pour
nous à l’Empereur?
131 Filippo Rinaldi, né en 1856 à Lu (Piémont), salésien en 1880, prêtre en 1882, inspec-
teur d’Espagne en 1892, préfet général en 1901, supérieur général en 1922, décédé en 1931
à Turin. Cf Dizionario biografico, 238s (Eugenio VALENTINI); Friedrich Wilhelm BAUTZ,
Traugott BAUTZ (éd.), Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, t. 18. Herzberg 2000,
(Renate M. DAFELMAIR) (en parution).

3.3 Page 23

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 367
En vous offrant mes meilleurs respects je me dis
Votre fils bien aff[ection]né in C. J.
Eug. Méderlet
P. S.
IX
Petri à Zorn von Bulach
Strasbourg, 10 février 1904, original manuscrit : ASC, F 727, fasc. 3 ; ASC, FDR 3.449, C 8.
Ministerium für Elsass-Lothringen.
Abteilung für Justiz und Kultus.
Straßburg, den 10. Februar 1904.
Euerer Bischöflichen Gnaden sende ich in der Anlage die Ihrem gefälligen
Schreiben vom 31. August v. Js. beigefügt gewesenen Schriftstücke unter Bezugnahme
auf das diesseitige Schreiben vom 6. September v. Js. II B 1954 ergebenst zurück.
Die erbetene Erlaubnis zum Aufenthalte zweier Priester und eines Laienbruders
des Salesianer-Ordens in Sierck wurde durch das Ministerium erteilt.
Der Unterstaatssekretär.
Emil Petri
An seine Gnaden den Herrn Weihbischof
Freiherrn Zorn von Bulach hier.
II B 258.
X
Person à Michele Rua
Sierck, 20 février 1904, original manuscrit : ASC, F 727, fasc. 1 ; ASC, FDR 3.449, B 4-9.
Sierck (Lorraine) 20 2 04
Mon très-Révérend Père,
Ce sont les Dames de Sierck qui ont eu l’honneur de votre visite en Avril 1902,
qui viennent, par ma voix, rappeler à votre souvenir l’œuvre projetée à Sierck d’une
résidence de missionnaires de votre ordre préparant une œuvre d’enfance ou de jeu-
nesse dès que les circonstances le permettaient.
Les premiers pourparlers datent bientôt de deux ans: nous espérons qu’ils sont
sur le point d’aboutir; et c’est en vue de cette prochaine et heureuse réalisation que
nous commençons cet entretien avec vous.
Tout d’abord en ce qui concerne l’utilité directe d’une résidence de mission-
naires pour les Italiens ; les conditions ont changé en ce sens que maintenant dans

3.4 Page 24

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368 Norbert Wolff
tous les grands centres ouvriers, il y a soit des prêtres Italiens soit des prêtres sachant
l’Italien. Il est ainsi pourvu suffisamment à l’évangélisation ordinaire projetée par
vous en 1902. Mais comme notre demande a été présentée à l’Administration basée
sur ce motif ; il y a lieu, je crois de ne rien changer à ce motif puisqu’il semble avoir
été pris en bonne considération par les autorités supérieures ecclésiastiques et admi-
nistratives. Toutefois, ces Dames vous réitèrent leur désir de voir créer dans l’avenir,
conformément à leurs intentions, une œuvre pour l’enfance ou la jeunesse.
En 2e lieu des événements récents peuvent influer le succès de votre établisse-
ment ici. Voici que maintenant la franc maçonnerie en France s’attaque même aux
congrégations autorisées. L’une de celles ci, celle des Frères des écoles chrétiennes
fondée par St Jean Baptiste de la Salle cherche un refuge en Alsace Lorraine. Cette
congrégation est très avantageusement comme dans le pays. Elle avait un grand col-
lège à Thionville avant 1870132 et elle a repris depuis deux ans un orphelinat à 20 Ki-
lomètres d’ici ; 133 cette œuvre est très appréciée de l’autorité civile et très fleuris-
sante. On lui envoie des enfants des pays du Rhin et la Bavière sollicite une œuvre
semblable. Toute l’Alsace Lorraine soutient cet orphelinat. C’est vous dire que les
Frères ont déjà des titres à la bienveillance de l’Administration et nous-mêmes qui les
connaissons particulièrement à Reims, à Longuyon et ici, nous leur sommes très-
sympathiques.
Or, les Frères cherchant un refuge ont jeté les yeux sur Sierck où le maire sou-
haite beaucoup les voir s’installer, dans l’espoir qu’ils pourront un jour y donner
l’instruction ; et dès maintenant ils sollicitent l’autorisation en mettant en avant que
puisqu’ils rendent des services reconnus ; il faut bien qu’ils puissent se recruter, et
qu’il leur faudrait un noviciat.
Ici, le maire leur offre une partie de l’hospice qui est un ancien collège et je
tiens de lui même qu’ayant parlé à l’Administration de la Lorraine en leur faveur ; il
lui a été répondu que les choses n’iraient peut être pas aussi vite qu’il le désirait parce
que une demande était faite par vous, également pour Sierck et que deux œuvres ce
serait peut être beaucoup.
L’exposé de ces faits vous fera bien comprendre quel genre de difficultés vous
pourrez rencontrer. Pour vous nous faisons des vœux pour le succès des deux congré-
gations. Mais nous croyons devoir vous donner ces indications dans votre intérêt.
Le R. P. Méderlet nous écrit qu’il vous a proposé d’envoyer d’abord deux pères dont
l’un le Directeur serait un Allemand et si possible un Alsacien Lorrain. Les complica-
tions que je vous signale sont de nature à vous faire comprendre que le choix de ces
deux sujets aurait une grande importance pour gagner les suffrages de l’administration
locale et du pays même, et pour prévenir les critiques réservées à toute œuvre nouvelle
et étrangère.
Un Alsacien Lorrain serait mieux vu des gens du pays et à notre avis, les deux
sujets ou tout au moins l’un devraient posséder les trois langues; l’autre pourrait ne
savoir que l’Allemand et l’Italien. De cette façon ils auraient la ressource des mis-
sions Italiennes et du ministère Allemand et Français, en attendant la réalisation de
l’œuvre réellement projetée.
132 En 1874 le pensionnat des frères des écoles chrétiennes de Thionville-Beauregard
(Moselle) devait être fermé à cause du Kulturkampf allemand et fut transféré à Longuyon
(Meurthe-et-Moselle). Cf F. ROTH, Le rattachement à l’Empire allemand..., 231.
133 L’orphelinat de Guénange, offert aux salésiens en 1899 par le curé Thilmont.

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Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Inde 369
Nous avons longuement causé de tout cela avec le R. P. Méderlet qui pourrait
vous renseigner mieux encore que je ne le fais par la lettre.
Veuillez agréer Mon très Révérend Père, de la part de ces Dames et de la
mienne, pour vous et pour Don Bertello 134 l’expression de notre profond respect
Person
134 Don Bertello avait accompagné don Rua à Sierck en avril 1902.