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STUDI
LES CRISES DES INSPECTEURS DE FRANCE
(1904-1906)
Francis Desramaut
Les inspecteurs Pietro Perrot, Giuseppe Bologna et Paul Virion
En 1904, les prêtres salésiens Pietro Perrot 1 et Giuseppe Bologna 2, deux
hommes de caractère opposé, l’un calculateur secret, méthodique et timoré,
l’autre extraverti bouillant d’idées et de projets, avaient connu des destins pa-
rallèles sur le territoire français. Choisis par don Bosco en 1878 pour fonder
l’un à Marseille et l’autre à La Navarre la deuxième et la troisième maisons
de la congrégation dans le pays, ils s’étaient retrouvés à partir de 1898 ins-
pecteurs des deux provinces religieuses salésiennes de France et avaient sup-
porté ensemble les affres de la dissolution des congrégations entre 1901 et
1903. Leurs mandats d’inspecteurs allaient alors être brisés par une crise dont
ils ne se relèveraient pas.
Commençons par la lecture d’une notice sur le troisième inspecteur de
l’affaire, celui qui, en 1906, reçut l’héritage à la fois des pères Perrot et Bo-
logna dans les circonstances que nous allons raconter.
A la mort de Paul Virion (11 mars 1931), le provincial salésien de
1 Pietro Perrot, né le 23 octobre 1853 à Laux d’Usseaux, en Piémont, près de la frontière
française, avait été élève à l’oratoire du Valdocco, avait prononcé ses premiers voeux le 27 sep-
tembre 1872 et été ordonné prêtre le 10 juin 1876. Sa charge de directeur de la Navarre s’était
étendue de 1878 à 1898. Un épais dossier Pietro Perrot se trouve aux Archives Salésiennes
Centrales (ASC) sous la cote 275 (2999). Voir sur lui la lettre mortuaire de Pierre Gimbert,
Lyon, 10 mars 1928 et l’article nécrologique d’Hippolyte Faure “Le Père Perrot”, Bulletin salé-
sien, année L, n° 507, mai 1928, p. 159.
2 Giuseppe Bologna était né à Garessio, dans la région de Cuneo, le 15 mai 1847, avait
été élève de l’oratoire de Turin en 1863, avait fait profession religieuse le 19 septembre 1868 et
été ordonné prêtre le 30 avril 1872. Il avait d’abord été préfet à l’oratoire du Valdocco, puis, en
1878, destiné à la fondation de l’oratoire Saint-Léon de Marseille. Quand l’orphelinat Saint-
Gabriel de Lille avait été donné aux salésiens (1884), il en était devenu le directeur, puis, en
1892, avait succédé à don Albera dans la charge d’inspecteur salésien en France en résidence à
Marseille. En 1896, son territoire avait été divisé en deux (le Sud et le Nord du pays) et Giu-
seppe Ronchail était devenu provincial du Nord, avec résidence à Paris. Enfin, don Ronchail
étant mort dès 1898, Giuseppe Bologna lui avait succédé à Paris. Voir les notices le concernant
dans le Bulletin salésien, décembre 1898, p. 286-287, et février 1907, p. 40-42. Nombreuses
lettres de lui dans le dossier ASC 38 Francia-Nord.

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8 Francis Desramaut
France-Sud écrivit sur son prédécesseur une lettre mortuaire fervente, qui pei-
gnait le personnage et énumérait les étapes de sa vie: “D’une vie intérieure in-
tense, d’une mystique éclairée, il fut un éducateur et un directeur d’âmes très
sûr. Il imposait et il méritait confiance par sa bonté, par sa science et par sa
vertu. Que de bien il a semé sur son passage! Chez ses confrères, chez nos
jeunes gens, nos anciens, nos bienfaiteurs, dans de nombreuses communautés
religieuses, en particulier chez nos Soeurs de Notre-Dame Auxiliatrice, on lui
garde un souvenir très cher et un culte reconnaissant.” La lettre résumait la
vie apostolique du défunt: “Sa carrière salésienne a été heureuse et féconde. Il
fut dix ans préfet de la maison de Liège qu’il aida à fonder et à lancer, trois
ans directeur de la maison de Montpellier, quinze ans inspecteur des oeuvres
de France, six ans inspecteur de Belgique, et cinq ans directeur du Patronage
Saint-Pierre à Nice. C’était un digne fils de Don Bosco; il laisse une mémoire
riche de mérites et d’édification.” Et on trouvait un peu plus loin: “En 1904, il
est nommé Provincial des Maisons de France.” 3
Paul Virion aurait donc été provincial de France pendant “quinze ans”,
de 1904 à 1919. L’énumération de ses charges laisse entendre que le rédacteur
de cette notice, pourtant fureteur et renseigné, ignorait les discussions hou-
leuses, qui opposèrent entre 1904 et 1906 le chapitre supérieur de Turin et les
provinciaux Pietro Perrot et Giuseppe Bologna. Elles semblent n’avoir pas
suffisamment percé dans l’opinion pour lui éviter quelques inexactitudes.
D’abord, en ces années troublées, il y avait toujours non seulement des “Mai-
sons de France”, mais deux provinces salésiennes françaises, le Sud avec
pour centre Marseille, où le père Pietro Perrot avait été installé en 1898, et le
Nord, avec son centre de Paris et son inspecteur propre don Bologna (qui se
faisait appeler Joseph Bologne et avait été naturalisé français), présent lui
aussi à ce poste depuis la même année. En outre, en 1904 et jusqu’en 1906,
l’inspecteur Bologna, toujours provincial de France-Nord, n’avait nulle inten-
tion d’abandonner sa charge à un autre. Bien au contraire, il tenait fermement
la barre de son bateau. On imaginera bientôt la tempête qu’aurait alors dé-
chaînée chez lui la nouvelle de la nomination d’un inspecteur de toutes les
“Maisons de France”. Tirons de ces observations qu’au début des années
trente, des salésiens de France parmi les plus informés ignoraient la double
crise sur laquelle on voudrait ici jeter quelque lumière.
3 P. GIMBERT, Lettre nécrologique de Paul Virion, Lyon, 25 mars 1931.

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Les crises des inspecteurs de France 9
Les provinces salésiennes de France en 1903
La loi du 1er juillet 1901 sur les associations avait été fatale aux maisons
salésiennes de France. Désormais les congrégations religieuses masculines
non autorisées (par une loi en forme) seraient dissoutes et leurs biens liquidés.
Au cours d’un été bousculé les provinces françaises avaient, à Turin, choisi
pour survivre deux politiques différentes. Dans un premier temps, tous les di-
recteurs présents, suivant l’avis de l’évêque de Montpellier, François de Ca-
brières, avaient opté pour une apparente sécularisation. Le père Louis Cartier
avait obtenu de Rome toutes les dispenses nécessaires. Puis le Nord, sur le
conseil du cardinal-archevêque de Paris, François Richard, s’était ravisé et,
par la voix du provincial Bologne, avait préféré demander l’autorisation.
Entre octobre 1901 et juillet 1903, le Nord resta donc dans l’expectative. Les
seuls clercs du Midi n’étaient plus officiellement religieux et passaient sous la
juridiction de l’évêque de leur résidence.4
Six dispositions avaient été prises en assemblée par les Français en vue
de leur sécularisation. 1) Sécularisation. Tous les prêtres et tous les salésiens
dans les ordres majeurs (sous-diacres et diacres) présenteraient une demande
de sécularisation à don Rua, qui l’accorderait. Les coadjuteurs seraient consi-
dérés comme salariés et signeraient chaque mois un reçu de salaire (fictif).
Les soeurs revêtiraient des tenues civiles, modestes mais non uniformes pour
une raison facile à deviner. Dans leurs maisons non autonomes, c’est-à-dire
annexes de maisons salésiennes, elles seraient officiellement salariées et, dans
leurs maisons autonomes, officiellement institutrices d’écoles libres. 2) Novi-
ciats. Les deux noviciats de France (Saint-Pierre des Canons et Rueil) se-
raient réunis en un seul et les novices envoyés hors du pays. 3) Biens. Les im-
meubles relèveraient toujours de sociétés civiles, tandis que les meubles se-
raient au nom des directeurs respectifs des oeuvres. 4) Correspondance. Les
lettres destinées aux supérieurs ou émanant d’eux seraient glissées dans une
double enveloppe et expédiées à des adresses convenues. (Il parut aussitôt
plus simple de voiler l’identité des correspondants, qui devinrent, au lieu de
“pères” ou de “confrères”, simplement “messieurs”, “amis” ou “oncles”). 5)
Le Bulletin salésien rendrait compte de la sécularisation (ce sera l’article
d’octobre 1901 intitulé Heure d’angoisse), mais assurerait les coopérateurs de
la persistance de l’oeuvre salésienne en France. 6) Enfin, le catalogue général
de la congrégation ne dirait plus rien des oeuvres françaises. (La consigne
sera respectée de 1902 à 1927, période pour laquelle nous ne disposons sur la
4 Les débats des Français à Turin sur cette question ont été bien exposés par E. CERIA,
Annali della Società Salesiana, t. III, Turin, 1946, p. 124-133; et par Y. LE CARRÉRÈS, Les Sa-
lésiens de Don Bosco à Dinan, Rome, LAS, 1990, p. 112-119.

1.4 Page 4

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10 Francis Desramaut
France salésienne que de catalogues manuscrits annotés par l’inspecteur ou,
pour les dernières années, dactylographiés à quelques exemplaires.) 5 L’hosti-
lité des gouvernants jetait les salésiens de France dans la clandestinité.
Mais le subterfuge de la sécularisation ne trompait que ceux qui le vou-
laient bien. Emile Combes le dénonçait le 2 décembre 1902 dans l’“Exposé
des motifs sur le projet de loi relatif à la demande d’autorisation” présentée
par le Nord. “On forma une demande pour douze [maisons] et les treize
autres se transformèrent en oeuvres diocésaines dirigées par de soi-disant
prêtres sécularisés. Cette sécularisation, quelle valeur légale avait-elle au re-
gard de notre législation concordataire? Quel caractère pouvaient invoquer
ces religieux internationaux et comment admettre des ordinations faites pour
un but autre que le service des paroisses et surtout pour une fin aussi complè-
tement étrangère à la mission sacerdotale, que la création d’écoles profession-
nelles? Mais c’est là un fait d’ordre purement judiciaire et c’est aux tribunaux
de percer à jour et de réprimer une fraude ourdie en vue d’éluder la loi et de
sauver la partie la plus importante de la congrégation menacée.” 6 En effet, les
tribunaux prenaient position. Ainsi, le 2 juillet 1902, “six anciens religieux
Salésiens, régulièrement sécularisés, mais coupables d’être demeurés au Pa-
tronage Saint-Pierre depuis l’application de la loi sur les associations, compa-
raissaient devant le Tribunal correctionnel de Nice...” 7 Dans un premier
temps, les juges se laissaient convaincre et acquittaient ces prévenus inoffen-
sifs. Mais le parquet faisait appel. Ainsi le directeur de Nice, assigné à com-
paraître à Nîmes le 18 juin 1903, était, au bout d’une semaine, condamné à 25
francs d’amende. Simultanément, l’arrêt prononçait la fermeture de son
oeuvre, le Patronage Saint-Pierre 8. L’avenir des maisons du Midi dépendait
des sociétés civiles, auxquelles il fallait recourir selon les dispositions prises
au cours de l’été 1901, ou encore d’ecclésiastiques de bonne volonté. A Nice,
dès le 29 août 1903, c’est-à-dire un mois seulement après le jugement de
condamnation de Nîmes, un coopérateur très ami de don Bosco et de don
Rua, Vincent Levrot, déclarait déjà à la préfecture départementale l’Associa-
tion du Patronage Saint-Pierre, qui venait d’être créée. Et, le 14 octobre, la-
dite association prenait au Patronage la relève des salésiens officiellement
partis la veille.9 Le même rituel fut suivi dans les autres oeuvres principales
de la province. A Marseille, l’oratoire Saint-Léon fut confié à des laïcs: M. de
5 La liste des mesures dans E. CERIA, Annali ..., t. III, p. 130-131.
6 Journal officiel de la République française. Sénat, Session ordinaire de 1902. Docu-
ments parlementaires, Annexe n° 367, p. 596.
7 “En correctionnelle!”, dans l’Adoption (Nice), août 1902, p. 121.
8 Jugement reproduit dans l’Adoption, août 1903, p. 176-186.
9 Texte imprimé original aux Archives de la Province Salésienne de Lyon.

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Les crises des inspecteurs de France 11
Villeneuve-Trans, M. Lombard, le commandant Piquant. A la Navarre, d’où,
le 21 juin 1903, les écoliers s’en étaient allés avec leurs maîtres chercher re-
fuge dans la maison salésienne de Sampierdarena près de Gênes, un ecclé-
siastique séculier, l’abbé Thomas, qui venait être nommé curé de la paroisse
voisine de Sauvebonne, acceptait de prendre la direction de l’orphelinat agri-
cole (réduit du reste à une quinzaine de garçons). Montpellier serait officielle-
ment fermé, mais une demoiselle continuerait à veiller sur les orphelins qui
n’avaient pas quitté la maison; et quelques prêtres, que nous savons salésiens,
tel Casimir Faure, logeaient à proximité.10 Quant au patronage Saint-Hippo-
lyte de Romans, il était sauvé grâce à l’énergie persévérante des pères Saby et
Barolin. Les statuts de l’oeuvre romanaise, reconnue comme “association
laïque”, parurent au Journal officiel du 31 mai 1904. Cette année-là, les mai-
sons de Nice, Marseille, La Navarre, Montpellier et Romans subsistaient donc
tant bien que mal.11
La province du Nord, qui s’était hasardée à demander l’autorisation,
était alors infiniment plus mal lotie. Son affaire avait été réglée en quelques
jours au plus haut sommet. Lors de sa séance du 22 juin 1903, le Sénat fran-
çais avait reçu un long “Rapport fait au nom de la commission chargée d’exa-
miner le projet de loi relatif à la demande en autorisation formée par la
congrégation des salaisiens [sic] de dom Bosco, par M. Saint-Germain
(Oran), sénateur”.12 Cette assemblée avait ensuite, les 3 et 4 juillet, longue-
ment débattu du projet. Trois sénateurs: Louis Bérenger, Gustave de Lamar-
zelle et l’amiral Armand de Cuverville, s’étaient relayés pour défendre les sa-
lésiens. M. Bérenger semblait infatigable. Le rapporteur de la loi (Saint-Ger-
main) s’opposait à ses arguments, surtout à partir d’exemples pris à Oran. Fi-
nalement, le 4 juillet la question fut mise aux voix. Quatre-vingt-dix-huit sé-
nateurs se déclarèrent pour l’adoption de la loi et donc pour l’autorisation de
la congrégation des salésiens en France, mais cent cinquante-huit déposèrent
dans l’urne un bulletin bleu, qui traduisait leur refus. “Le sénat n’a pas
adopté”, conclut laconiquement le Journal officiel.13
Trois mois après, les maisons de Paris, Lille, Dinan, Saint Denis, Rueil
10 En 1908, Paul Moitel ouvrira très officiellement une école primaire dans l’orphelinat
Saint Antoine de Padoue de Montpellier. Et, en 1912, la maison ressuscitée comptera soixante-
dix pensionnaires.
11 Notes sur ces événements dans J.-M. BESLAY, Histoire des fondations salésiennes de
France, Paris, s.d. (vers 1958), t. II, p. 102; t. III, p. 5-39.
12 Journal Officiel de la République Française. Documents parlementaires. Sénat. Ses-
sion ordinaire, 1903, p. 459-463.
13 Ces débats se lisent in-extenso dans le Journal officiel de la République Française.
Débats parlementaires. Sénat, 1903, p. 1227-1256. Un historique dans Y. LE CARRÉRÈS, Les
Salésiens de Don Bosco à Dinan, cité, p. 119-141.

1.6 Page 6

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12 Francis Desramaut
et Coigneux, vidées de leurs religieux, disparaissaient comme telles et tom-
baient entre les mains du fisc. Le provincial Bologne devait chercher un ap-
partement dans Paris. La plupart des salésiens de France-Nord s’expatriait
progressivement en Angleterre 14, en Belgique, en Suisse, en Italie ... En 1904,
que ce soit dans le Nord ou dans le Midi de la France, nul ne se donnait plus
officiellement comme religieux salésien. La congrégation de don Bosco
n’était pourtant pas morte. En particulier, le pétulant don Bologne ne pensait
qu’à la faire revivre autour de lui sous une forme ou sous une autre.
Le provincial Pietro Perrot dans la tourmente
Qu’ils aient été du Nord ou du Midi, les salésiens de France de nationa-
lité italienne étaient retournés dans leur pays quand le décret d’expulsion des
religieux avait pris effet pour eux. Tel avait été le cas du provincial du Midi,
Pietro Perrot, que l’on découvre alors en Italie.
En 1928, sa lettre mortuaire, due à Pierre Gimbert comme celle de Paul
Virion, nous apprend qu’à cinquante ans, sans le savoir, il achevait déjà une
carrière de supérieur entamée à vingt-cinq ans, quand don Bosco avait fait de
lui le fondateur de la colonie agricole de la Navarre. Sous sa conduite, cette
école, désorganisée à son arrivée, était devenue une ruche vivante. Le P.
Perrot prenait très au sérieux sa mission de directeur de centre d’éducation
agricole. En 1897, paraissait la deuxième édition d’un petit manuel scolaire
intitulé: L’agriculture expliquée aux enfants ou Petit cours d’agriculture
théorique et pratique, par l’Abbé P. Perrot, p. s., Directeur de l’Orphelinat
agricole de La Navarre (La Crau, Var) 15. Ses cinq grandes parties: Notions
générales de la culture, De l’agriculture proprement dite, De l’horticulture,
De la viticulture, enfin: Notions élémentaires de sylviculture, de sériciculture,
d’apiculture, de zootechnie et d’économie rurale, témoignaient de l’esprit mé-
thodique de l’auteur. Primaire par l’esprit, mais bon pédagogue, il avait bâti
toutes ses leçons à la manière d’un catéchisme par questions et par réponses.
Des exercices pratiques étaient proposés au maître à la suite de la moitié
d’entre elles. Vingt années avaient ainsi passé pour don Perrot dans le calme
de la campagne varoise.
La mort soudaine du provincial de Paris, Giuseppe Ronchail, et son rem-
placement par Joseph Bologne, alors à Marseille, l’avaient inopinément dé-
signé pour la fonction de provincial de Marseille. Il se transporta donc de la
Navarre à Marseille. Avait-il l’étoffe désirable pour sa nouvelle charge? Le 11
14 La maison de Dinan était transférée à Guernesey.
15 Lille, Imprimerie de l’Orphelinat de Don Bosco, 1897, VII-255 p.

1.7 Page 7

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Les crises des inspecteurs de France 13
juin 1901, à l’occasion de ses noces d’argent sacerdotales, les vingt strophes
de Paul Moullet, magnifiquement imprimées à l’oratoire Saint-Léon sur un
feuillet polychrome, ne célébrèrent que le prêtre et le conseiller spirituel.16 Et
le P. Gimbert, qui, en 1931, multipliera les éloges sur le provincial Virion, les
économisa en 1928 à propos de don Perrot. “En 1898, écrivit-il, Don Perrot
fut mis à la tête de la province française du Midi, quand s’ouvrit la persécu-
tion contre les congrégations religieuses 17. Avant de se retirer avec ses
confrères, ce supérieur sage et prévoyant employa tous les moyens pour
mettre à l’abri tout ce qu’il put.” C’est tout.18 Il est vrai que cet homme très
organisé, réservé, peu bavard et d’esprit juridique ne déclenchait pas l’en-
thousiasme. Son écriture régulière, dont nous avons de multiples échantillons,
car il semble avoir adoré s’exprimer ainsi, annonçait son peu de goût pour les
fantaisies, géniales ou pas.
Il fit face de son mieux à l’offensive déclenchée par Emile Combes
contre les salésiens. En 1902, parallèlement au bulletin L’Adoption du Patro-
nage Saint-Pierre de Nice, don Perrot contribua certainement au lancement du
Messager des Orphelins. Annales de l’Orphelinat Agricole Saint-Joseph, La
Navarre, La Crau (Var), imprimé à l’Oratoire Saint-Léon de Marseille.19
Nous ignorons beaucoup de détails de sa résistance, mais une pièce im-
primée demeure. Au titre de président du conseil et de ministre de l’intérieur
et des cultes, M. Combes avait, le 2 décembre 1902, déposé sur le bureau du
Sénat un rapport hostile concluant au rejet de la demande d’autorisation pré-
sentée par les salésiens du Nord.20 Le mémoire dénonçait l’habile thauma-
turgie de don Bosco, estimait que, dans sa congrégation, l’élément étranger
dominait par trop l’élément français, mettait en doute le désintéressement de
la philanthropie salésienne, avançait que “l’étranger” bénéficiait de l’argent
qu’elle récoltait, faisait de ses maisons de redoutables rivaux du clergé et des
entreprises nationales, prétendait que la gratuité n’y était qu’un leurre et accu-
sait les religieux d’exploiter la main d’oeuvre surmenée de leurs apprentis. Le
document parut dans la presse, au moins par extraits.
Les salésiens se devaient d’y répondre. Dans la province du Nord, la dé-
fense fut imprimée dans un rapport intitulé: Les Salésiens Français de Dom
16 Noces d’argent de Don Pierre Perrot, Supérieur de l’Oratoire St Léon, Inspecteur des
Maisons salésiennes du Midi de la France, 11 juin 1876-11 juin 1901. Hommage de ses Fils re-
connaissants, 1 feuillet, 24 cm x 32 cm, 8 p.
17 Le P. Gimbert pensait aux prodromes de la loi du 1er juillet 1901.
18 P. GIMBERT, Lettre mortuaire de Pietro Perrot, Lyon, 10 mars 1928.
19 Cette publication trimestrielle persista jusqu’au numéro 15, pour octobre-décembre
1904, publié à San Pier d’Arène – comprenez Sampierdarena – où les enfants de la Navarre
avaient trouvé refuge.
20 Document déjà signalé ci-dessus, n. 6.

1.8 Page 8

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14 Francis Desramaut
Bosco. Mémoire 21. A Nice, le P. Louis Cartier, directeur du patronage Saint-
Pierre, composa en un tournemain une pièce mémorable intitulée: Les Salé-
siens de Don Bosco au Sénat. Réponse au Rapport de M. Combes par un Ami
des Salésiens 22. L’“Ami des Salésiens” signait son papier: Louis des Villards,
pseudonyme transparent à qui se rappelle que Louis Cartier était natif de
Saint-Colomban-des-Villards, en Savoie. Pierre Perrot tint à apporter lui aussi
sa quote-part à la polémique. Il n’avait ni la causticité ni la verve du directeur
de Nice. Mais, à grand renfort de périodes oratoires, il rédigea, pour le bul-
letin de l’oratoire Saint-Léon de Marseille, La Voix de l’Orphelin, une plai-
doirie (dûment signée) adressée “Aux Bienfaiteurs et Amis de l’Oratoire
Saint-Léon” et aussitôt transformée en brochure sous le titre Les Salésiens de
Dom Bosco et M. Combes. La Vérité 23. Lisons ces paragraphes qui sont d’un
homme, peut-être sans grande envergure, mais probe et honnête, indigné par
les erreurs et les injustices du gouvernement français de l’époque.
Pierre Perrot se faisait l’avocat des salésiens de l’oratoire Saint-Léon de
Marseille, dont il était, sinon le “directeur” (selon la formule de sa signature),
au moins le “recteur” 24. “Il ne faut pas que ceux qui s’intéressent à nos Or-
phelins puissent, un seul instant, penser que leurs aumônes ne sont pas tou-
jours allées à leurs protégés, que le but et l’esprit de l’oeuvre ne sont pas le
but et l’esprit qu’ils croyaient; qu’en un mot la maison qu’ils ont aidée de
leurs générosités, n’est point celle qu’ils aimaient.” Aux affirmations “gra-
tuites” de M. Combes, il se croyait en droit d’opposer des “affirmations for-
melles”. La situation de l’oratoire Saint-Léon était absolument régulière. Son
personnel, en se sécularisant, n’avait pas cherché à éluder la loi; il avait en-
tendu au contraire s’y conformer en prenant pour cette fin le moyen qui lui
avait paru le meilleur. Les tribunaux avaient résolu leur cas dans ce sens. Don
Bosco, que le rapport avait maltraité, n’avait qu’un but: sauver la jeunesse
abandonnée. Homme de Dieu, il avait passé en faisant le bien et la reconnais-
sance des nations l’avait surnommé le Vincent de Paul du XIXème siècle. Les
salésiens sécularisés du Midi, que l’on disait vendus aux cléricaux d’Italie,
étaient, “sauf de très rares exceptions”, “de bons Français, aimant leur Patrie
et la faisant aimer”. Ces prêtres, par l’instruction professionnelle qu’ils don-
naient à leurs apprentis, ne cherchaient que l’intérêt supérieur de leurs élèves.
Ils ne les faisaient travailler “effectivement que huit heures et quart par jour,
21 Paris, Typographie de l’Ecole Professionnelle, 29, rue du Retrait, 24 p., auxquelles
vint s’ajouter un supplément de 16 p.
22 Nice, Imprimerie de la Société Industrielle, 1902, 24 p.
23 Marseille, Imprimerie de Saint-Léon, janvier 1903, 19 p.
24 D’après les catalogues contemporains de la société salésienne, l’inspecteur, résidant à
Marseille Saint-Léon, était “Recteur” de la maison, le “Directeur” en titre de celle-ci étant Gio-
vanni Battista Grosso.

1.9 Page 9

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Les crises des inspecteurs de France 15
maximum inférieur de deux heures et quart à celui reconnu par la loi du 2 no-
vembre 1892”. Leurs ateliers ne concurrençaient nullement les industries lo-
cales. Les commandes n’étaient acceptées qu’aux prix courants de la ville et
selon les nécessités de l’instruction des enfants. L’oratoire Saint-Léon était un
véritable orphelinat, sa prédilection allait aux plus pauvres. La maison, sans
ressources assurées, ne distrayait jamais “un centime au profit de l’Etranger,
de ce qui était destiné aux orphelins”. “De ce qu’on appelle politique, ils [les
maîtres] n’avaient cure” et, leurs devoirs de citoyens Français exceptés, ils
n’intervenaient pas autrement dans les affaires du pays. Don Perrot faisait
preuve de coeur et de bon sens.
Quand tomba l’arrêt du Sénat, pourquoi, pensa-t-il, ne pas tenter de re-
plier en Italie les jeunes susceptibles de devenir salésiens? Le chapitre supé-
rieur de Turin enregistrait, le 20 juillet 1903, que don Perrot demandait de dé-
signer en Italie une maison pour les “étudiants” français donnant des signes
de vocation 25. Les directeurs de France leur assureraient une pension de
quinze lires mensuelles, quêtées auprès de leurs coopérateurs. “Le chapitre y
destina la maison Figoli à Sampierdarena.” 26 Cette initiative semble avoir fait
long feu. Y aurait-il eu dans la France de 1904 des directeurs salésiens, déjà
aux abois et obligés de se cacher, assez audacieux pour envoyer des garçons à
l’étranger afin d’y entreprendre, sans qu’ils puissent les contrôler, des études
payées par eux à l’aide de bourses alimentées par des bienfaiteurs qu’il leur
fallait trouver?
Le provincial Perrot est “exonéré” de sa charge
En 1904, don Perrot, définitivement exilé de France, résidait à Bordi-
ghera, sur la côte ligure, entre San Remo et Vintimille, où, au lieu-dit Il Tor-
rione, les salésiens tenaient une école et assumaient la charge d’une paroisse.
De là, notre provincial du Midi cherchait encore à veiller sur les siens. Mais
le recteur majeur don Rua comprenait bien que la tâche lui était devenue im-
possible et cherchait à le suppléer sur le territoire français.
Paul Virion, que nous retrouvons, avait reçu la direction de la maison de
25 Ce “chapitre supérieur” salésien, que nous allons désormais retrouver fréquemment,
était à cette date composé de huit personnes: Michele Rua (1837-1910), recteur majeur; Filippo
Rinaldi (1856-1931), préfet; Paolo Albera (1845-1921), directeur spirituel; Luigi Rocca (1853-
1909), économe; Francesco Cerruti (1844-1917), conseiller scolaire; Giuseppe Bertello (1848-
1910), conseiller professionnel; Celestino Durando (1840-1907), conseiller; Giovanni Battista
Lemoyne (1839-1916), secrétaire. Calogero Gusmano (1872-1935) en devint vers la fin de
1904 le prosecrétaire et, à ce titre, rédigea ses actes.
26 Verbali del Capitolo, 20 juillet 1903, vol. I, fol. 208.

1.10 Page 10

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16 Francis Desramaut
Montpellier après la mort, en 1901, du supérieur en place Paul Babled 27.
C’était un Français prudent et un bon administrateur. En 1904, la fermeture
de Montpellier le rendait disponible. Un procès verbal de la réunion du cha-
pitre supérieur de Turin nous confie à la date du 12 janvier de cette année:
“Le chapitre décide de charger D. Virion de la visite aux confrères du Sud de
la France, parce que, actuellement, D. Perrot ne peut pas aller en France.
Qu’on l’informe de cette disposition.” 28 Paul Virion veillerait donc sur les sa-
lésiens du Sud de la France.
Le pouvoir commençait ainsi d’échapper à don Perrot. Il tenta de réunir
autour de lui à Bordighera les siens obligés de s’exiler. Le 25 juin, 1904, le
chapitre supérieur enregistrait: “D. Perrot propose que l’on destine à l’inspec-
tion française du sud une partie de la maison de Bordighera, afin d’y re-
cueillir les confrères qui viendraient de France; et que l’educatorio [maison
d’éducation] soit transféré à Varazze”, c’est-à-dire dans un collège salésien de
la côte ligure, proche de Savone. “Le chapitre n’approuve pas”, dit laconique-
ment le procès verbal, avant d’ajouter: “La séance est close à 8 h. 1/2.” 29 Don
Perrot pensait peut-être à son collègue du nord de la France, qui envisageait
de s’installer sur la frontière belge. Mais sa proposition de vider une école
pour recevoir ses confrères était étrange. On l’éluda sans commentaires.
Entre le 23 août et le 13 septembre de cette année 1904, un important
chapitre général salésien se tint à Turin-Valsalice. Jusqu’en 1901, tous les di-
recteurs d’oeuvres avaient eu voix aux chapitres généraux. Désormais, ils n’y
seraient plus systématiquement invités. Pour la première fois, cette année-là,
chaque province avait élu un délégué auprès de l’inspecteur membre de droit
de l’assemblée. En France, Angelo Bologna tenait compagnie à son frère,
l’inspecteur du Nord. Quant au Midi, il avait opté pour Paul Virion. Le choix
convenait tout à fait à don Rua. Le P. Virion reçut, chez sa mère, 25, rue des
Bateliers, à Strasbourg, où il prenait quelques jours de vacances, cette carte
postale aux noms propres volontairement abrégés 30.
“Torino, 4-VIII-1904
Car[issi]mo D. Virion
Ho inteso che voi siete stato eletto ad accompagnare l’isp[ettore]. In
vista di questa circostanza parmi opportuno che andiate [a] passare qualche
27 Né à Strasbourg, Paul Virion (1859-1931) avait obtenu un diplôme d’architecte de la
Ville de Paris, avant de se décider pour la vie salésienne en 1887, tandis qu’il fréquentait le pa-
tronage de Ménilmontant. Il avait fait profession à Marseille le 31 mai 1888 et été ordonné
prêtre à Turin le 9 août 1891.
28 Verbali del Capitolo Superiore, t. I, fol. 212 v°.
29 Séance du 25 juin 1904, Verbali dela Capitolo, t. I, fol. 215 v°.
30 En la lisant, on se rappellera que Paul Virion était architecte.

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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Les crises des inspecteurs de France 17
giorno a Dilbeck presso Bruxelles per sollecitare i lavori di quello stu-
dentato e partire in seguito coll’Isp[ettore] per venire. Qui poi si parlerà
di Montp[ellier], di Mars[iglia], ecc. e si delibererà sull’avvenire.
Tanti rispetti alla Sigra vostra Madre ed agli amici a cui come
a voi implora da Dio ogni bene il v[o]s[tro] aff[ettuoso] am[ico].
S[ac]. M[ichele] R[ua]” 31.
Don Rua préparait ainsi le P. Virion aux responsabilités qui lui seraient
bientôt confiées. Don Perrot participa régulièrement au chapitre général de Val-
salice 32. Le 3 septembre, il assistait avec don Bologne à une réunion du cha-
pitre supérieur. On y examinait s’il convenait de fermer les maisons de France-
Sud. “L’évêque de Montpellier accepterait le retrait des prêtres salésiens de
son diocèse. On prend diverses décisions temporaires pour placer le personnel
dans les maisons encore existantes.” 33 L’inspecteur Perrot conserverait-il une
charge qu’il était bien en peine d’exercer? Non, pensait la majeure partie du
chapitre supérieur, en tête de laquelle nous devinons Paolo Albera, directeur
spirituel général et prédécesseur de don Perrot à Marseille. En effet, dix jours
après la clôture du chapitre général, ce chapitre supérieur se trouva face à une
proposition d’“exonérer D. Perrot Pietro de sa charge d’Inspecteur de la Fran-
ce du Sud, parce que les six années fixées par les Règles sont achevées.” Le
procès verbal continuait par une remarque qu’il nous faudra désormais garder
à l’esprit: “D. Rua voudrait qu’il soit confirmé. On passe aux votes secrets.
Par quatre voix contre une, D. Perrot est exonéré de son office d’Inspecteur. On
décide de mettre à sa place un simple incaricato.” 34 Seul don Rua avait résis-
té à la proposition. Le préfet général Filippo Rinaldi et le directeur spirituel gé-
néral Paolo Albera avaient voté pour l’“exonération” du provincial Perrot.
L’incaricato qui le remplacerait était, on s’en doute, Paul Virion. Les
pleins pouvoirs qu’il recevait en France-Sud l’assimilaient déjà à un véritable
inspecteur. Avec les salésiens, les filles de Marie Auxiliatrice et les coopéra-
teurs étaient directement concernés. Le lendemain du vote exonérant don
Perrot, don Rua remettait au P. Virion une carte de visite et une note munie du
cachet de la société de S. François de Sales. La carte de visite au nom de don
Rua était ainsi libellée:
“Oratorio Salesiano. Torino. 27-IX-1904.
Il Sac. Michele Rua saluta le buone Figlie di Maria Ausiliatrice e loro
annunzia che, avendo il Sig. D. Perrot finito il suo sessennio d’Ispettore,
31 Cette lettre figure dans les Archives provinciales de Lyon, dossier Provincial. Virion.
32 On le découvre sur la photo-souvenir reproduite hors-texte dans E. CERIA, Annali ...,
t. III, p. 544.
33 Verbali del Capitolo, t. I, fol. 218 v°.
34 Verbali del Capitolo, 26 septembre 1904, t. I, fol. 219 v°.

2.2 Page 12

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18 Francis Desramaut
il Sig. D. Virion è incaricato di sostituirlo negli affari di nostra Pia So-
cietà e nella cura del personale d’entrambi i sessi dimorante nell’antica
Ispettoria meridionale della Francia. A lui pertanto si potrà ricorrere
nelle difficoltà che potranno occorrere prestandogli obedienza e fiducia
qual è dovuta al Superiore.” 35
Quant à la note manuscrite, elle disait (en français):
“Le soussigné Supérieur de la Pieuse Société de St François de Sales
fondée par D. Bosco de vénérée mémoire déclare que Mr l’Abbé Paul
Virion est chargé des affaires de la dite Société en France. Comme tel il
le recommande à la bienveillance des dévoués Coopérateurs des oeuvres
Salésiennes. - Il remercie d’avance pour tout ce qu’on fera en faveur de
Mr Virion et promet à tous les bienfaiteurs et bienfaitrices ses prières et
celles de ses orphelins. - Turin, 27 Sept. 1904. - A. Michel Rua.” 36
La nouvelle n’enchanta pas l’“exonéré”, à qui rien de satisfaisant n’était
proposé en échange. Il se morfondait à Bordighera et entreprit de le crier à
Turin. A partir du mois qui suivit la désignation de l’incaricato, don Rua fut
bombardé de ses protestations. On conserve de lui douze lettres au recteur
majeur pour la seule période du 20 octobre au 30 décembre. Respectivement
datées du 20 octobre, du 30 octobre, du 4 novembre, du 8 novembre, du 12
novembre, du 22 novembre, du 25 novembre, du 26 novembre, du 1er dé-
cembre, du 26 décembre (télégramme) et du 30 décembre (deux lettres le
même jour), elles répétaient qu’il n’accepterait qu’une charge de dignité équi-
valente à celle dont il venait d’être privé. La direction d’une importante
maison italienne ne lui suffisait pas, il ne se sentait pas la force de prendre la
tête d’une expédition missionnaire en Extrême Orient, etc. Après la première
de ces lettres, don Rua, qui partageait la peine de don Perrot, fut prié de ne
plus lui répondre: le secrétaire du chapitre s’en chargerait. Et, le 6 décembre,
le chapitre supérieur résuma les échanges entre Turin et Bordighera:
“... D. Perrot ha più volte scritto che desidera che si dia una carica equi-
valente al grado che aveva prima come p. es. visitatore delle Suore della
Spagna, cosa che non gli si può concedere. D. Rua propose la Direzione
della Casa di S. Pier d’Arena che non fu trovata corrispondente ai suoi
desiderii; l’assistenza a Napoli agli emigranti italiani troppa gravosa per
la sua salute; la direzione della Missione di China, rispose che non è più
giovane e termina minacciando di ricorrere a Roma. D. Rinaldi dice che
35 Archives provinciales de Lyon, dossier Provincial. Virion.
36 Note autographe munie du cachet circulaire de la Societas S. Francisci Salesii, Ar-
chives provinciales de Lyon, dossier Provincial Virion. On remarquera la signature A., c’est-à-
dire Abbé, et Michel Rua, le prénom étant orthographié à la française. Notons aussi que,
consciemment ou non, don Rua n’avait pas restreint le mandat du père Virion auprès des co-
opérateurs à la seule partie sud du pays.

2.3 Page 13

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Les crises des inspecteurs de France 19
[gli] si proponga di andare segretario di Mons. Cagliero. D. Rua con-
chiude che glielo proporrà e poi faccia ciò che crede. Ciò però fa vedere
che non merita realm[ente] la carica che aveva.” 37
De l’autre côté de la frontière, le P. Virion tentait d’éclaircir quelques pro-
blèmes financiers créés par son prédécesseur. A la fin décembre de cette année
1904, il expliquait à don Albera que l’abbé Thomas, directeur de la Navarre,
réclamait immédiatement trois mille francs et calculait que sept ou huit mille
francs lui seraient nécessaires pour maintenir l’Institut ouvert toute l’année. Il
semble, ajoutait-il, que D. Perrot ait promis de la part de don Rua qu’on lui
viendrait en aide au cas où les dons (limosine) et les produits de la campagne
ne suffiraient pas aux besoins de l’Institut. A supposer qu’il faille débourser
cette somme, remarquait don Albera à la lecture de sa lettre devant le chapitre
supérieur, convenait-il de s’engager de la sorte pour la quinzaine de jeunes qui
y étaient désormais éduqués? Le chapitre se réserva de prendre d’autres infor-
mations sur les subsides destinés à l’abbé Thomas. Don Rua penchait à l’aider
pour prévenir la disparition d’une oeuvre qui avait coûté tant de sacrifices à
don Bosco et à la congrégation. Au chapitre, la question de la Navarre en en-
gendra une autre sur les maisons patronnées par la Société Beaujour (de Mar-
seille). Le préfet général don Rinaldi ne parvenait pas à savoir où allait finir
l’argent recueilli par cette Société, qui percevait les loyers de Marseille, Saint-
Cyr et la Navarre et ne versait pas de dividendes, pas même pour les actions en
la possession des salésiens. Il fallait certes payer des procès de salésiens in-
culpés pour délit de congrégation; mais le chapitre remarquait que divers avo-
cats et procureurs étaient intervenus gratuitement. Don Albera était prié de
s’informer sur ces divers points auprès de don Virion 38.
Cependant, don Perrot s’entêtait. En janvier 1905 quatre lettres partaient
encore de Bordighera vers le chapitre supérieur: deux à don Rua et deux au
conseiller Celestino Durando. Ces réclamations agaçaient les nerfs des capi-
tulaires. Le procès verbal de la réunion du 1er février 1905 annonça: “On
charge D. Durando d’écrire à D. Perrot que le Chapitre n’a plus rien à ajouter
à ce qu’il a précédemment écrit, qu’il fasse ce qu’il croira préférable.” 39 L’ex-
provincial ne se tut pas pour autant. Les 3, 5 et 24 février, puis le 5 mars, il
poursuivait encore sa campagne par des lettres à don Durando. Le traitement
tout à fait différent accordé à l’inspecteur de France-Nord, don Bologne, qui,
malgré l’avis de la majorité de ses confrères, avait refusé la sécularisation,
37 Verbali del Capitolo, 6 décembre 1904, t. I, fol. 223 v°.
38 Verbali del Capitolo, 2 janvier 1905, t. II, p. 1. Les actes du chapitre supérieur étaient
désormais rédigés par le prosecrétaire Calogero Gusmano qui, on le vérifiera à plusieurs
signes, n’éprouvait pas grande estime pour don Perrot.
39 Verbali del Capitolo, 1er février 1905, t. II, p 5.

2.4 Page 14

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20 Francis Desramaut
demandé l’autorisation pour sa province et ainsi perdu toutes ses maisons,
l’indignait. Elu lui aussi en 1898, l’échéance de 1904 ne lui avait pas été fa-
tale, ses échecs ne lui avaient fait perdre ni titre ni pouvoir.
La défense de don Perrot
Le provincial “exonéré” réclamait désormais sur son cas un jugement
élaboré par deux théologiens, qui, dans son idée, seraient en fait ses avocats.
Ce serait le conseiller Giuseppe Bertello et le théologien moraliste Luigi Pis-
cetta. Il obtint leur mémoire.
Si, comme il croyait pouvoir le soutenir, don Perrot n’avait été officielle-
ment élu au poste d’inspecteur que le 19 mars 1902, date de la confirmation ca-
nonique de son mandat, il avait été victime d’une mesure injuste et pouvait ré-
clamer sa réintégration ou un poste équivalent. Le jugement des théologiens lui
fut, à son avis, favorable sur des points fondamentaux, qu’il recensera ainsi:
“Non validità della prima nomina, quindi valevole solo quella del 1903. Cau-
sa grave necessaria per la rimozione dell’ufficio. Obbligo pel Rettor maggiore
di provvedere all’onore del socio. Consiglio, ad suavius regimen, di far conos-
cere i motivi della deposizione avvenuta.” 40 Mais, dans le cas et les circons-
tances, don Perrot avait-il été réellement victime d’un traitement injuste? Pou-
vait-on soutenir l’inexistence de son mandat à partir de 1898? Le recteur ma-
jeur trancherait.
Toujours d’une extrême prudence, don Rua se garda de décider seul.
Vers le 5 mars, un procès verbal de son chapitre définit avec soin la position
de cette assemblée. Le prosecrétaire Calogero Gusmano rédacteur des actes,
qui avait reçu mission de la présenter à l’intéressé, était parfaitement informé.
Voici ses formules, d’après le procès verbal daté du 27 février 1905, quand
commençait la première séance d’une série qui dura environ une semaine:
“... In seguito alle lettere di D. Perrot del 24 Febbraio e del 3 Marzo, il
Capitolo incarica il prosegretario di rispondere: a) ch’egli spontanea-
mente colla sua lettera del 5 febbraio propose una consulta teologica, ne
formulò i quesiti ed espresse il nome dei due teologi che desiderava si
consultassero conchiudendo che “benché questo modo di procedere non
mi offra che una guarentigia relativa, tuttavia me ne contento”. I Supe-
riori hanno eseguito a puntino i suoi desiderii; b) che nella lettera di re-
plica alla risposta data dai due teologi consultati aggiunge: “ora l’ultima
parola è al Revmo Sig. D. Rua”; c) che D. Rua non l’ha voluto dare da
solo, ma col suo Capitolo, il quale lo invita a non pensare più all’Ispetto-
40 Mémoire de douze doubles pages (cité ci-dessous, n. 48), p. 3.

2.5 Page 15

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Les crises des inspecteurs de France 21
rato o ad altro posto di uguale dignità e di mettersi incondizionatamente
all’ubbidienza dei suoi legittimi Superiori.” 41
Don Perrot, qui n’y trouvait pas son compte, réagit par une lettre au pro-
secrétaire Calogero Gusmano (7 mars 1905) et une autre à don Rua lui-même
(8 mars 1905). Il n’avait jamais désobéi, puisqu’on ne lui avait jamais rien or-
donné. Cette riposte l’enferra. Le chapitre en prit acte fin mars et décida de lui
donner un poste. Seule, l’absence du conseiller scolaire don Cerruti l’empê-
chait de déterminer sa nature sur-le-champ 42. Dix jours passaient et, le 10
avril, don Cerruti, de retour de voyage, était chargé de proposer (ou plutôt:
d’imposer) à don Perrot la direction de la maison d’Oulx, près de la frontière
française 43. L’obédience partit le lendemain 11 avril.
Le provincial “exonéré”, qui rêvait d’un retour dans la hiérarchie de sa
congrégation, la considéra comme un camouflet. L’oratoire du Sacré Coeur
de Jésus, établi depuis 1895 à Oulx, n’était qu’une “casa succursale” de trois
ou quatre confrères perdue dans la montagne alpestre. Don Perrot ne bougea
donc pas et, les 8 et 9 avril, commença par expédier coup sur coup deux
lettres de protestation à don Rua. Si bien que, le 18 avril, excédé par sa résis-
tance, le chapitre lui ordonna, via le prosecrétaire Gusmano, de se soumettre
dans les quinze jours, donc pour le début du mois de mai 44. Le pauvre se ré-
signa la mort dans l’âme. Le 4 mai il écrivait à don Rua depuis Oulx pour lui
signifier sa soumission.
Le recours de don Perrot à la congrégation des Evêques et Réguliers
Mais, à la même époque, il mettait à exécution sa menace de recourir au
Saint-Siège par l’envoi à la congrégation des Evêques et Réguliers d’une
lettre dans laquelle il demandait à être réintégré dans une fonction analogue à
celle dont il avait été injustement privé. La congrégation romaine en prit
connaissance. Pour le malheur de l’intéressé, elle avait des idées simples sur
l’obéissance due par les religieux à leurs supérieurs en vertu de leurs voeux.
La casuistique de don Perrot lui déplut. Face à l’une des plaintes de sujets
contre les mauvais traitements de leurs supérieurs, elle assortit le recours du
seul mot suffisamment explicite: remittatur (à renvoyer).
Cependant, don Rua, qui, on le sait, aurait, dans sa bonté, préféré pro-
longer le mandat de l’inspecteur de France-Sud et ne l’avait “exonéré” que
41 Verbali del Capitolo, 27 février 1905, t. II, p. 10.
42 Conseils des 27 et 28 mars 1905, Verbali del Capitolo, t. II, p. 11.
43 Verbali del Capitolo, t. II, p. 14.
44 Verbali del Capitolo, t. II, p. 16.

2.6 Page 16

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22 Francis Desramaut
sur le vote contraire de son conseil, prenait sensiblement son parti. La congré-
gation romaine venait à peine de renvoyer à l’expéditeur sa plainte depuis
Oulx que, de Turin cette fois, un autre recours lui parvenait, assorti d’une
lettre du recteur majeur et de la consultation Bertello-Piscetta. Cette instance
de l’autorité à laquelle on avait donné raison et qui prétendait faire revenir sur
un jugement porté somme toute en sa faveur, irrita la congrégation romaine.
Le dossier passa dans les mains du consulteur Gennaro Bucceroni, qui, à
l’origine probable du renvoi de la première plainte, résuma sa solution au re-
présentant des supérieurs salésiens à Rome. Don Tommaso Laureri (1859-
1918) faisait alors fonction, auprès du Vatican, de substitut du procureur gé-
néral en titre Giovanni Marenco (1853-1921). Le consulteur le convoqua et
lui exprima son opinion avec brutalité (si l’on en juge par le rapport que nous
connaissons). Don Perrot était un “très mauvais religieux” (pessimo religioso)
et la congrégation romaine répondrait à Turin dans ce sens. Le consulteur fai-
sait ensuite la leçon à la direction salésienne. Sa faiblesse excessive et la
constitution d’un tribunal pour juger sa cause l’avaient mal impressionné.
Don Laureri était invité à mander à son supérieur: 1) de ne plus écrire à don
Perrot, parce que, de la sorte, il se compromettait; 2) de ne plus donner, de
toute sa vie, une charge quelconque de direction à ce confrère; 3) de ne ja-
mais répéter l’erreur commise de faire juger les plaintes de ses confrères par
des consulteurs salésiens, mais de décider par lui-même et de laisser ensuite
ceux qui le désireraient recourir, si cela leur convenait, à la congrégation des
Evêques et Réguliers. Don Laureri s’exécuta. Sa lettre parvint à Turin le 10
octobre. Et le prosecrétaire du chapitre, qui, manifestement, appréciait de
moins en moins la conduite de l’ex-inspecteur, détailla avec complaisance ces
phases de l’affaire dans le procès verbal du jour suivant.45
45 Tout ceci d’après la séance du chapitre supérieur à la date du 11 octobre 1905, dont
voici le procès verbal dans sa teneur originale: “Intanto il 10 c. m. D. Laureri scrive che fu
chiamato dal P. Gennaro Bucceroni che gli disse che la S. C. dei VV. e RR. aveva risposto al
Ricorso di D. Perrot del Maggio scorso Remittatur, quando si giunse un altro con allegati let-
tera del Rettor M. e la consulta di D. Bertello e D. Piscetta. Allora fu consegnato tutto al P.
Bucceroni, quale consultore. Il P. Bucceroni scrive D. Laureri: è fermamente persuaso essere
D. Perrot un pessimo religioso ed aver torto marcio: perciò in questo senso risponderà alla S.
Congreg. Tuttavia rimase troppo impressionato dalla troppa debolezza usata verso D. Perrot e
dalla costituzione di un tribunale per giudicare le pretese di lui. Continua D. Laureri dicendo
che gli raccomandò di scrivere al Superiore: 1) che non scriva più lettere a D. Perrot, perché si
compromette; 2) non metta per tutta la vita D. Perrot superiore in nessuna casa; 3) non ripeta
per qualsiasi ragione l’errore di far giudicare le lagnanze dei confratelli da consultori salesiani,
ma che il Superiore decida e lasci poi che chi vuole ricorra alla Congr. dei VV. e RR.” (Verbali
del Capitolo, t. II, p. 42-43).

2.7 Page 17

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Les crises des inspecteurs de France 23
Don Perrot est privé de toute charge de direction
En ce début d’octobre 1905, don Perrot aurait dû avoir quitté sa résidence
d’Oulx. Selon le procès verbal des séances du chapitre supérieur du mois de sep-
tembre, il avait écrit depuis cette localité avoir bien reçu la lettre d’obédience de
don Cerruti qui le destinait à Bordighera “en qualité de confesseur des confrères
et d’aide dans le travail paroissial”, mais qu’il ne croyait pas pouvoir s’y sou-
mettre et tenait à être réintégré dans son titre d’inspecteur 46. Cette nomination à
Bordighera constituait en effet une destitution en forme, qui, du reste, corres-
pondait curieusement à l’avis (postérieur) du consulteur romain. Toute responsa-
bilité de direction était ôtée au pauvre Perrot, devenu simple vicaire de paroisse.
Les supérieurs salésiens de Turin se raidissaient. Le 2 octobre, le secré-
taire du chapitre fut invité à lui ordonner de se rendre dans les huit jours à
Bordighera “en qualité de confesseur et d’aide de la paroisse”. Une nouvelle
fois, il résista et, par retour de courrier, renvoya à don Rua l’obédience signée
par le conseiller scolaire don Cerruti et la lettre du prosecrétaire, alléguant
que seul le recteur majeur pouvait commander dans toute la congrégation. Du
coup, le chapitre décida de ne lui répondre qu’après son arrivée à destination.
Au bout de trois autres semaines, le nouveau confesseur de Bordighera ne s’y
était pas encore résigné. Il avait grand tort, car son entêtement faisait désor-
mais de lui un rebelle passible de peines canoniques. L’avis du P. Bucceroni
pesait contre lui. Lors des séances des 23-25 octobre, le prosecrétaire du cha-
pitre supérieur fut chargé 1) d’informer de toute l’affaire la congrégation des
Evêques et Réguliers et 2) d’écrire à don Perrot qu’il devrait absolument
avoir rejoint son poste avant la Toussaint. Faute de quoi, à partir du 9 no-
vembre, l’ex-inspecteur de France-Sud ne pourrait plus célébrer la messe.
Don Perrot tenait à son honneur, qu’il estimait bafoué, mais c’était un bon
prêtre. Il répondit au chapitre qu’il se soumettrait, mais qu’il expédierait un
troisième recours à Rome 47. De fait, le 31 octobre Bordighera le voyait de re-
tour. Et c’était de là que, le 2 novembre, il expliquait sa situation à don Rua.
Les méditations de l’inspecteur “exonéré
Cependant, peu à peu, son apologie prenait la forme d’un long mémoire
que nous possédons et qui rassemblait ses méditations.48 Sa pièce principale
46 Verbali del Capitolo, dal 3 al 26 settembre 1905, t. II, p. 37.
47 Verbali del Capitolo, t. II, p. 42, 45.
48 Il s’agit du document annoté de douze doubles pages: “Nella conferenza di ieri sera ...”,
destiné principalement à don Cerruti, document que don Perrot fit imprimer à quelques exem-

2.8 Page 18

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24 Francis Desramaut
était une ample lettre à don Cerruti, datée, d’après ses premières lignes, du 3
décembre 1905. Don Perrot se méfiait du conseiller scolaire général qui avait
signé ses obédiences contestées. Le 2 décembre, apparemment lors d’une visi-
te canonique, le conseiller avait prononcé une conférence devant les cinq ou
six membres de la petite communauté de Bordighera. Don Perrot jugeait que
l’une de ses phrases l’avait personnellement visé. Et, le lendemain, la victime
introduisit solennellement sa lettre justificative:
“Dans votre conférence d’hier soir, au second point, Votre Seigneurie a
affirmé, en détachant bien les mots: “Ce ne sont pas les faiblesses qui
font peur – on sait que tous peuvent en avoir – mais l’entêtement (perti-
nacia) et l’obstination (ostinazione) dans les faiblesses.” A tort peut-être
– mais l’allusion était tellement claire – j’ai cru que les mots d’entête-
ment et d’obstination m’étaient spécialement adressés. Persuadé de ne
pas les mériter, parce que jusqu’ici, grâce à Dieu, ce ne sont, dans ma
conduite, ni l’entêtement ni l’obstination, qui m’ont mené, mais seule-
ment le ferme vouloir d’accomplir un devoir sacré, celui de préserver
mon honneur par des moyens licites et réguliers, malgré la peine très
vive que j’ai toujours éprouvée de devoir pour cela agir de manière un
peu désagréable avec mes supérieurs et renoncer pour une fois à la re-
commandation de l’Esprit Saint de “ne pas disputer avec les puissants”,
et ne parvenant pas à l’accorder avec cette autre et plus importante re-
commandation de la même divine personne: “Curam habe de bono no-
mine” [Prends soin de ta réputation!], permettez-moi de rappeler le
mieux que je le pourrai les faits principaux distingués de leurs éléments
connexes et secondaires.” 49
Sa destitution de la fin septembre 1904 n’avait pas été régulière. Il
n’était pas exact d’affirmer que ses six années de provincialat étaient termi-
nées, puisque sa confirmation canonique datait — il avait conservé la pièce
authentique — du 19 mars 1902. Les théologiens consultés croyaient légitime
de s’appuyer sur ce document pour défendre sa cause. Au reste, les constitu-
plaires en 1906 en ayant soin de remplacer par des points de suspension les mots, les noms et les
dates qui auraient pu apprendre aux typographes ce dont il s’agissait. Cette pièce se trouve aux
archives salésiennes de Rome, position signalée supra de Perrot Pietro.
49 En italien original: “Nella Conferenza di ieri sera, parlando sul secondo punto, la S. V.
pronunziò, accentuandole bene, queste parole: non sono le debolezze che fan paura – si sa che
tutti possono averne – ma sono la pertinacia nelle debolezze e l’ostinazione in esse che fan
paura”. Forse ha torto – ma l’allusione era tanto chiara! – ho creduto che fossero specialmente
dirette a me quelle parole pertinacia e ostinazione. Persuaso di non meritarle perché finora, rin-
graziando il Signore, non v’è stato nella mia condotta né pertinacia né ostinazione, ma solo vo-
lontà ferma di adempiere ad un sacro dovere, qual si è quello di tutelare co’ mezzi liciti e rego-
lari il mio onore malgrado la pena vivissima che ho sempre provato nel dovere per quello agire
un pò sgradevolmente coi Superiori e lasciare da parte per una volta la raccomandazione dello
Sp. S. di “non litigare co’ potenti”, non riuscendo ad accordarla coll’altra più importante della
medesima divina persona “curam habe de bono nomine”, mi permetta di ricordare i principali
fatti – sfrondandoli delle cose connesse e secondarie – in quel miglior modo che saprò.”

2.9 Page 19

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Les crises des inspecteurs de France 25
tions comme telles ne parlaient pas de sexennat pour les inspecteurs. Il ne
s’agissait que d’une règle commune. Une décision arbitraire l’avait donc
frappé. Le chapitre supérieur, s’étant involontairement trompé, aurait dû re-
venir sur sa décision ou lui offrir en compensation un poste équivalent ou
jugé communément tel. Pour un supérieur, il y a plus de grandeur d’âme à re-
connaître et réparer une erreur qu’à y persister; il gagne ainsi dans l’estime et
la vénération de ses subalternes. Il voulait recourir à Rome, on lui proposa un
arbitrage, qu’il trouva humiliant pour le supérieur responsable (don Rua). Les
“théologiens” consultés lui avaient été somme toute favorables, si, comme il
l’affirmait, son mandat partait de 1902. Cet arbitrage éludé, on lui avait refusé
de se rendre à Rome pour soumettre son cas à la congrégation des Evêques et
Réguliers. Puis il avait été relégué à Oulx et enfin réduit à un poste subalterne
dans cette oeuvre de Bordighera, où, quelques mois auparavant, il s’était ré-
fugié, inspecteur persécuté par le gouvernement français! Que faire? Se taire
et courber l’échine? C’eût été chrétiennement plus parfait, mais à l’héroïsme
nul n’est tenu. “Si l’on recommande et admire l’héroïsme, on ne le com-
mande pas.” Au reste, l’honneur était son bien le plus précieux, l’humiliation
contraire à sa dignité. Il avait donc préféré protester et interposer un recours
contre la mesure qui le frappait.
En même temps, il exposait ses difficultés au recteur majeur le plus res-
pectueusement qu’il le pouvait. Il avait agi en conformité avec les constitu-
tions salésiennes et les maximes des docteurs éminents de l’Eglise (en fait
saint Alphonse de Liguori.) La réaction lui était parvenue au nom des supé-
rieurs par les soins d’un “jeune prosecrétaire”, sans la moindre allusion à ses
“difficultés” et à ses “impossibilités”. Il ne pardonnait évidemment pas ses
formules abruptes à Calogero Gusmano, qui, entre parenthèses, à trente-trois
ans, n’était plus un enfant. “Ce n’est pas le lieu, remarquait-il, de vous dire la
très mauvaise impression qu’a faite la nomination de ce prosecrétaire sur la
majeure partie des confrères, parce que vous l’aurez déjà connue d’autres
bouches que la mienne, si toutefois elles ont osé parler.”
Cette crainte de perdre son “honneur” à la suite d’un changement de
statut social peut nous poser question. L’honneur est, selon le Robert, le bien
moral qui correspond au sentiment de mériter la considération et de garder le
droit à sa propre estime. Don Perrot vivait mentalement dans un univers
d’états hiérarchisés que l’égalitarisme démocratique a aujourd’hui effrité, en-
core qu’il règne toujours très vivace dans les professions, l’armée et la fonc-
tion publique. Rétrograder, descendre d’un degré dans la société, affaiblit la
considération d’autrui pour soi et donc l’“honneur” qui en résulte. La priva-
tion de ce bien, à proprement parler la “dégradation”, est, pour la personne qui
en est l’objet, sinon une tache morale, au moins un abaissement social. On
conçoit alors que la victime en cherche l’origine et la considère comme une

2.10 Page 20

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26 Francis Desramaut
peine. Don Perrot n’imaginait pas que les charges puissent être des services
entre égaux, la société qui l’environnait non plus d’ailleurs. D’où cette rage,
non seulement de réhabilitation, mais de retour à une position sociale équiva-
lente, que des temps différents pourraient trouver bizarre chez un religieux.
Don Perrot à la recherche de sa faute
L’accumulation des déboires amenait l’inspecteur “exonéré” à chercher,
sans la trouver, la faute commise en cours de mandat, qui aurait pu justifier
une sanction et sa mise à l’écart. Son administration avait été des mieux or-
donnée. Aucune faille ne pouvait expliquer la mesure qui le détruisait. Qui, en
France, aurait pu lui en vouloir? Ni un confrère, ni un bienfaiteur, estimait-il
dans sa lettre à don Cerruti datée de Bordighera le 17 avril 1906 et reproduite
sur la dernière page du document imprimé. Dans ses ruminations malsaines, il
hasardait des phrases, qui risquaient de n’être qu’odieuses calomnies:
“Dove trovare la spiegazione dell’enimma, i Superiori rifiutandosi, mal-
grado l’opinione de’ 2 Dottori e quella di importanti autori di Diritto Ca-
nonico tra i quali il ch.mo Vermeersch ed il card. De Lugo? In Francia,
quando una cosa non si può spiegare ragionevolmente, si dice: cherchez
la femme e nove volte su dieci si colpisce nel segno. Non sarebbe, in
casu, l’amica di Don Albera che aveva già realizzato l’allontanamento di
Bologna e di D. Grosso che ha ottenuto anche il mio? Probabilissimo!!!
Sarà un’orribile calunnia come per D. Borio? Potrebbe anche darsi!”
“Quelle qu’en ait été la cause, ce ne pouvait qu’être au détriment de l’es-
prit de douceur et de charité, tel que l’ont invoqué deux de nos meilleurs
théologiens”. Et il terminait cette lettre du 17 avril 1906 par trois déclara-
tions, pour lui essentielles.
D’abord, ce n’était pas le désir d’être inspecteur qui le faisait insister au-
près de ses supérieurs, mais la volonté de garantir son honneur gravement
compromis par la manière dont on lui avait ôté sa charge et par le traitement
différent réservé à l’inspecteur de Paris don Bologne, qui pourtant avait, par
son initiative malheureuse de 1901, saccagé sa province. “Il a laissé F.
367.000 de dettes, j’en ai payé environ 215.000; il a accumulé [les hono-
raires de] 14.000 messes à célébrer, ce que la Bulle “Nuper” punit par la dé-
position de la charge et l’inhabilité perpétuelle à l’exercer, je les ai fait toutes
célébrer; il a emporté de Tournai, sans droit aucun, environ F. 130.000 et 120
actions de la Société Beaujour de Marseille, j’ai tout abandonné à la Navarre
[dont il avait été le directeur pendant 20 ans], le voyage excepté (...) Et
maintenant, lui n’est pas seulement à son poste, mais on a démembré des
provinces pour lui en donner une. En conséquence les confrères en de telles

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Les crises des inspecteurs de France 27
conditions ne peuvent faire à moins que de me supposer plus coupable que
lui, ce que je ne puis et ne dois accepter sans preuves positives contrôlées
par moi-même.”
Ensuite, “ce que le Pape dit pour la France, je puis le dire pour la
Congrégation. Que nul n’imagine que mon amour pour elle se soit refroidi,
parce que j’ai été amèrement traité. Je reste très respectueux de l’autorité,
comme je l’ai toujours été, tant qu’elle s’exerce selon les Règles et nos
usages.”
Enfin, en post-scriptum manuscrit, une déclaration supplémentaire ten-
tait de gommer quelques-une de ses allégations, qui étaient pour le moins des
médisances: “P.S. – Rinnovo la dichiarazione fatta in altro mia che scrivendo
quanto sopra non ebbi intenzione di offendere alcuno e che non nutro rancore
verso i più volte nominati, specie D. Albera e D. Bologna. Parlo di essi
perchè i fatti si riferiscono a loro e non per altro motivo. Se v’è qualche pa-
rola che paia offensiva si attribuisca a imperiose necessità e non a cattiva vo-
lontà” 50 Soit! Mais le refrain est habituel dans la bouche et sous la plume des
médisants et des calomniateurs.
Toutefois, il se soumettait. Le 2 octobre 1906, le prosecrétaire du cha-
pitre supérieur enregistrait: “Don Rua lit une lettre de D. Perrot Pietro, en
date du 29 septembre 1906, dans laquelle il disait se soumettre à ses supé-
rieurs en faisant le sacrifice de son honneur.” “C’est-à-dire de son amour-
propre”, ajoutait, ironique, le prosecrétaire Gusmano, qui continuait: “Que D
Rocca lui réponde que D. Rua est content de sa lettre, qu’il continue à rester à
Bordighera dans ses occupations actuelles”.51
Soumis, don Perrot n’était pas pour autant résigné. Le 30 octobre 1907,
le prosecrétaire remarquait dans son registre qu’il réclamait à nouveau le réta-
blissement de son honneur par une nomination de supérieur ou l’attribution
d’un poste convenable. Sinon, qu’on lui permette de se retirer à San Remo
pour pouvoir se défendre, d’aller à Rome et en revenir librement,de faire tout
ce qu’il croirait opportun pour la sauvegarde de “son honneur”. Non sans
quelque hargne, le prosecrétaire Gusmano répétait les injonctions antérieures.
Les Supérieurs ne pouvaient autoriser don Perrot à se retirer à San Remo ou
ailleurs hors de la congrégation; ils ne lui permettraient de se rendre à Rome
que s’il y était convoqué. Et il reproduisait avec une apparente délectation les
avertissements de l’“éminent canoniste de la congrégation des Evêques et Ré-
guliers” (le consulteur Bucceroni) en 1905. “Que le supérieur ne lui écrive
plus lui-même, interdiction de le jamais nommer supérieur d’une maison.” 52
50 Document cité “Nella conferenza di ieri sera ...”, p. 12.
51 Verbali del Capitolo, t. II, p. 105.
52 Séance du 30 octobre 1907, Verbali del Capitolo, t. II, p. 160.

3.2 Page 22

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28 Francis Desramaut
Trois ans après son mémoire de 1906, l’exilé tentait encore de se rendre
à Rome pour y plaider lui-même sa cause devant la congrégation concernée.
Et don Rua lui faisait répondre par l’inévitable don Gusmano: “Si l’on vous
appelle depuis Rome, les supérieurs seront heureux de vous accorder cette
permission.” Il se désolait. Ses supérieurs savaient mieux que lui que, si la
procédure auprès des dicastères romains ne se conformait pas à leurs normes,
la moindre difficulté bloquait le dossier une fois constitué. Et il donnait un
exemple de solution rapide et récente pris dans le clergé du diocèse de Gênes.
Créer des ennuis à don Rua le peinait beaucoup, parce qu’il en avait toujours
été aimé et que c’était son supérieur, mais son honneur l’y contraignait. Il
continuait: “Si Votre Révérence s’était conformée à la décision des théolo-
giens consulteurs, comme s’y était engagé son représentant nommé par le
Chapitre, les choses se seraient depuis longtemps arrangées et bien des of-
fenses au Seigneur eussent été évitées 53.” Pauvre don Rua, obligé de sup-
porter tant de secousses!
Quand il composait cette lettre, don Perrot résidait toujours à Bordi-
ghera, où, un an plus tard, on lui demandait d’assumer dans cette localité
l’aumônerie d’une pension de Soeurs de Sainte Anne 54.
La fin de don Perrot
Il allait perdre, un mois après, ses dernières chances de réhabilitation.
Don Rua mourait le 6 avril 1910 et, le 16 août suivant, un chapitre général
élisait pour lui succéder don Albera, premier provincial salésien de France, et,
à ce titre, chargé des affaires françaises au sein du chapitre supérieur. Don Al-
bera lui était certainement contraire. Avec sa promotion, tout espoir de re-
trouver l’“honneur perdu” s’évanouissait pour don Perrot. De vraies respon-
sabilités de direction ne lui seraient jamais rendues. Don Albera tentera bien
de lui donner la charge de Bordighera, où le catalogue salésien le signale
comme directeur en 1911-1912. De l’aveu du supérieur général dans sa cor-
respondance avec le provincial français Paul Virion, il se rendra insupportable
à ses confrères. Ce mandat minuscule ne sera pas renouvelé.
Mais il reverrait la terre d’où la politique républicaine l’avait banni en
1903. En 1914, il reparut dans la maison de la Navarre, qui vivotait sous la
houlette du salésien don Prandi. Et quand, après la première guerre mondiale,
cette maison retrouva sa vitalité d’antan, don Perrot, qui avait présidé à sa
53 P. Perrot à M. Rua, Bordighera-Torrione, 15 janvier 1909.
54 F. Cerruti à P. Perrot, Turin, 4 mars 1910.

3.3 Page 23

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Les crises des inspecteurs de France 29
naissance salésienne en 1878, ne la quittera plus. “Don Bosco m’a dit que je
mourrai à la Navarre,” répétait-il. “Conseiller toujours précieux, gardien vigi-
lant des traditions, il est directeur spirituel de la maison. Il a la bonne part: les
âmes” (Hippolyte Faure) 55 C’était le confesseur de bon conseil, le directeur
spirituel estimé dont le P. Gimbert fera l’éloge dans sa lettre nécrologique. Nul
ne parlait de ses démêlés avec Turin pour lui faire “recouvrer son honneur”.
Les témoins de ces temps lointains ont conservé le souvenir d’un vieillard pa-
ternel avec les jeunes. Apparemment, il avait enfin trouvé la paix. Pietro Perrot
mourut à la Navarre dans sa soixante-quinzième année, le 24 février 1928.
Le provincial Joseph Bologne et le Bulletin salésien français
Jusqu’en 1906, don Perrot compara avec amertume sa situation à celle
de son collègue, qui, élu provincial en même temps que lui, demeurait à la
tête de la province de France-Nord. Après cette année, il n’y fit plus allusion.
L’histoire de la crise subie par don Bologne entre 1904 et 1906 nous ap-
prendra la raison de ce silence.
Dans sa lettre annuelle de voeux aux coopérateurs publiée par le numéro
du Bulletin salésien (édité alors à Turin) daté de janvier-février 1904, don Rua
disait sa douleur devant la disparition des maisons françaises à la suite du vo-
te de juillet précédent. “Les fils de Don Bosco, ajoutait-il, contraints de quitter
la France ne se résignèrent pas à abandonner les enfants qui étaient confiés à
leurs soins.” De ce fait, “quelques-unes des maisons de France se sont trouvées
transplantées avec tout leur personnel dans les pays circonvoisins”. Trois
d’entre elles étaient citées: Sainte-Marie à Guernesey, Nyon en Suisse et Avi-
gliana en Italie. Don Rua espérait que la persécution ne parviendrait pas à
rompre les liens qui unissaient les coopérateurs français à la Société salésien-
ne et que ces coopérateurs continueraient comme auparavant à “nous venir en
aide pour assurer l’éducation de ces chers enfants leurs concitoyens”. Un peu
plus loin le même numéro spécifiait l’orientation des dons dans une note en
grands caractères:
“AVIS. – Nous nous faisons un devoir d’avertir les Coopérateurs Salé-
siens que personne n’est autorisé à quêter au nom de la Pieuse Société
salésienne et nous ne pouvons reconnaître comme nôtres des Oeuvres
d’anciens élèves ou d’autre genre que l’on nous dit être actuellement
fondées, particulièrement en France et qui se couvrent du nom vénéré
de Don Bosco. - Nous prévenons aussi les personnes charitables qui
voudraient nous remettre des offrandes pour la Maison Mère ou pour
55 “Le Père Perrot”, Bulletin salésien, mai 1928, p. 159.

3.4 Page 24

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30 Francis Desramaut
les Oratoires français actuellement en pays étranger qu’elles peuvent
pour plus de facilité les adresser à la Revue L’Echo de Fourvière, Place
Bellecour 26, Lyon, qui se charge de nous les transmettre. Nous
sommes heureux d’offrir ici à l’aimable et intéressant Echo de Four-
vière avec nos voeux de bonne année, nos religieux sentiments de re-
connaissance pour le précieux concours et le zèle dévoué qu’il apporte à
l’oeuvre salésienne.” 56
A Lyon, l’Echo de Fourvière relevait du territoire de la France-Sud. A
Paris, pour soutenir moralement et financièrement son action de supérieur dé-
possédé, l’inspecteur Joseph Bologne comptait certainement sur une “Oeuvre
d’anciens élèves de Don Bosco” et sur un bulletin intitulé le Mémorial. Le
Bulletin salésien français de janvier-février 1904, qui, destiné à son public,
ignorait son système et demandait aux coopérateurs de réserver à la maison
mère de Turin-Valdocco leurs offrandes pour les orphelins français recueillis
“dans les pays circonvoisins”, l’irrita.
Le jour où ce numéro lui tomba sous les yeux, se sentant personnelle-
ment visé, il réagit avec violence dans une lettre au prosecrétaire Gusmano
(16 février 1902). Il protestait, il tempêtait contre l’affront (sfregio) que des
“traîtres” lui infligeaient. Malgré ses observations deux maisons de sa pro-
vince étaient citées. “Nul n’a le droit d’intervenir directement dans les af-
faires qui dépendent de moi.” “Tout ce que le Bulletin insinue pour nous ex-
clure est faux.” “Aucun de nos orphelins placés par nous en Angleterre, en
Belgique, en Suisse, etc., n’a reçu jusqu’ici la moindre participation aux of-
frandes reçues par le Bulletin. Les jeunes n’ont jamais été à la charge de
D[on] R[ua] etc.” Son Mémorial publierait une déclaration dans ce sens. On
le croira certainement davantage que l’insipide (insulso) Bulletin salésien,
“qui travaille à l’extinction totale des oeuvres salésiennes en France”. Il enra-
geait: “Je ne reconnais à personne le droit de me placer dans une posture qui
compromet mon honneur et mon honnêteté religieuse comme on l’a fait par la
circulaire de don Rua et par les Bulletins. Pourquoi scandaliser de la sorte nos
bienfaiteurs?” Et il prétendait porter l’affaire devant une sorte de tribunal in-
terne de la congrégation.57
Le Bulletin salésien nuisait à ses entreprises. En mai 1904, il proposa à
Turin de suspendre son expédition en France. Le chapitre supérieur lui ré-
pondit que l’expédition serait maintenue au moins jusqu’en septembre ou jus-
qu’à la fin de l’année.58 Comme don Perrot, l’inspecteur Bologne bataillait
56 Bulletin salésien, n° 295-296, janvier-février 1904, p. 3-6, 23.
57 G. Bologna à C. Gusmano, s.l., 16 février [1904], en ASC 38 Francia Nord; Fondo
don Bosco (FdB), mc 3639 D7-11.
58 Séance du 17 mai 1904, Verbali del Capitolo, t. I, fol. 215 r°.

3.5 Page 25

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Les crises des inspecteurs de France 31
contre ceux qui éborgnaient son autorité et portaient atteinte à son “honneur”.
Sa crise des années 1904-1906 commençait ainsi.
L’administration contestée de don Bologne
Il administrait sa province de son mieux. Les secours financiers du centre
turinois lui étaient nécessaires. La Société civile créée à Paris pour la tutelle
des biens salésiens, mandait-il à Turin au mois de juillet 1904, serait prête à les
défendre contre le fisc si l’on en payait les frais. Il fallait commencer immé-
diatement par verser un acompte de cinq mille francs. Certainement en garde
contre ses enthousiasmes, avant de débourser quoi que ce soit, le chapitre su-
périeur demanda au P. Louis Cartier (Nice), versé dans les problèmes juridiques
et financiers, d’aller étudier personnellement le problème à Paris.59
Puis une nouvelle année scolaire s’ouvrit. Les 10 et 11 octobre, don Bo-
logne était à Turin pour des décisions qui lui paraissaient s’imposer. Il parve-
nait à convaincre le chapitre supérieur de transférer (provisoirement!) le siège
de sa province dans la maison de Tournai sur la frontière belge à quelque
vingt-cinq kilomètres de Lille. C’était, disait-il, pour mettre les papiers salé-
siens en sûreté en cas de perquisitions de la police française.60 En réalité, il se
ménageait de la sorte un pôle d’action à l’oratoire Saint-Charles de Tournai,
où une partie de la maison de Lille avait trouvé refuge. “Au détriment de la
province belge!”, proclamera don Perrot. Le lendemain, 11 octobre, les
membres du chapitre examinèrent avec Bologne les conditions de vie et les
dangers encourus par les confrères de France-Nord dispersés et isolés dans les
paroisses et les patronages. Plusieurs d’entre eux seraient soit repris en Italie,
soit envoyés dans les missions. Et le chapitre prenait quelques mesures —
dont nous ignorons la nature — pour aider les isolés à persévérer dans leur
profession de religieux.61 La discipline salésienne dans cette région le préoc-
cupait.
La question du Bulletin salésien taraudait don Bologne. Qu’on lui laisse
au moins la possibilité de s’y exprimer et d’y introduire les nouvelles qui lui
conviendraient, réclamait-il! Il dit certainement sa pensée sur ce point au
cours du chapitre général d’août-septembre et de ses entretiens d’octobre
avec le chapitre supérieur. Les principaux responsables lui annoncèrent
quelques concessions, que notre provincial eut le tort de prendre argent comp-
tant. Comme ils tenaient par dessus tout à garder entre leurs mains l’Union
59 Séance du 26 juillet 1904, Verbali del Capitolo, t. I, fol. 216 v°.
60 Séance du 10 octobre 1904, Verbali del Capitolo, t. I, fol. 220 v°.
61 Séances des l0 et 11 octobre 1904, Verbali del Capitolo, t. I, fol. 220 v°.

3.6 Page 26

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32 Francis Desramaut
des Coopérateurs salésiens, leur politique ne pouvait le satisfaire. Il le vérifia
deux mois après.
Le 7 décembre 1904, une lettre dactylographiée (rare à cette époque) si-
gnée par le prêtre Giovanni Minguzzi, chef de bureau du Bollettino, lui était ex-
pédiée de Turin 62. “A partir d’intelligences prises auprès de don Rua et de don
Rinaldi”, le principal responsable de la publication définissait la politique arrê-
tée pour le Bulletin salésien de langue française. Sa rédaction continuerait de
dépendre du salésien chargé à Turin de recueillir les articles et les relations des
numéros mensuels selon “l’esprit de la Pieuse Union des Coopérateurs, ainsi
que du Bollettino, qui doit suivre sa ligne propre et indépendante”. Don Bo-
logne avait réclamé un nombre déterminé de pages dans chaque numéro. On les
lui refusait: cela ne conviendrait à personne, ni à lui, ni au responsable turinois.
N’importe quel journaliste le comprendrait sans difficultés. Notre provincial de
France-Nord aurait voulu imposer des articles en forme. De façon générale, lui
répondait-on, ses articles paraîtraient sous la rubrique: Echos d’exil. Quant à
l’expédition, elle continuerait, pour des raisons économiques, de dépendre de
l’Echo de Fourvière, à Lyon, intermédiaire que don Bologne n’aimait pas spé-
cialement. Le responsable du Bollettino lui abandonnerait sans difficulté dans
chaque livraison une ou deux pages de couverture pour sa publicité (la revue en
eut jusqu’à six), les annonces commerciales étant exclues. Enfin, la direction
prévoyait une édition spéciale pour la région de don Bologne avec son adresse
parisienne, rue Montparnasse. Mais on l’avertissait qu’il devrait contribuer aux
dépenses à raison d’un franc par exemplaire annuel.
Le destinataire agrémenta cette lettre d’observations sarcastiques, qui
ont subsisté. Exemples: “Par conséquent on ne tient aucun compte de ce qui
avait été entendu”. “Autrement dit, on ne veut pas de collaboration.” “Aidez-
nous vous autres, mais nous voulons faire comme nous voulons!” “Y compris
les pilules de Marie auxiliatrice!” “Après m’avoir refusé tout ce qui était
convenu, il me semble hors de propos de me dire que j’aurai à contribuer à
raison d’une lire par exemplaire.” 63 Telle fut probablement toute sa réponse à
la direction turinoise du Bollettino salesiano 64, qui ne s’en trouva pas flattée.
Notre provincial n’avait pas obtenu grand chose. Une longue note de la
62 Giovanni Minguzzi, qui semble avoir été un adversaire déterminé de don Bologne,
était né à Bagnacavallo (province de Ravenne) le 29 août 1868, avait fait profession perpé-
tuelle le 11 octobre 1889 et avait été ordonné prêtre à Turin le 24 septembre 1892. En 1904, à
Turin, il avait simultanément la responsabilité de l’administration du Bollettino salesiano et de
l’association des Anciens Elèves. Il sera ensuite successivement inspecteur en Sicile, en Pié-
mont et dans la province romaine, et mourra le 17 novembre 1944.
63 Lettre annotée de G. Minguzzi à G. Bologna, Turin, 7 décembre 1904; ASC 38, dos-
sier Francia-Nord, reproduit en FdB mc 3639 D5-6.
64 En tout cas, c’est l’unique réaction à cette lettre conservée dans le dossier Francia-Nord.

3.7 Page 27

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Les crises des inspecteurs de France 33
deuxième page de couverture du Bulletin de février 1905 répéta en les marte-
lant les idées qu’il avait combattues en février 1904. Les “chers Coopéra-
teurs” connaissaient bien les âmes qu’ils avaient le plus à coeur, y lisait-on:
celles de leurs “petits protégés expulsés avec leurs maîtres, et recueillis par
notre Vénéré Supérieur Général qui leur continuera sur la terre étrangère et
avec leur généreux concours les bienfaits d’une éducation chrétienne”. Quatre
adresses étaient ensuite données: Tournai, Guernesey, Sampierdarena et Lom-
briasco (noviciat). Le sens du Bulletin était rappelé: “Comme par le passé, le
Bulletin salésien, qui est l’unique organe mensuel de votre Pieuse Association
(en italiques dans l’original), se fera un devoir de vous tenir au courant de
l’Oeuvre salésienne en général; il vous parlera des Oratoires, des Patronages,
des Missions et vous donnera sous la rubrique spéciale: Un coin de France
des détails sur l’une ou l’autre Maison mentionnée plus haut”. Quoi qu’ait
prétendu don Bologne l’année précédente, les dons des coopérateurs français
bénéficieraient sans faute à leurs compatriotes exilés. “Nous tenons à leur af-
firmer, disait la note, que ce sera toujours dans l’intérêt des enfants français
que tout ce que leur charité voudra bien nous envoyer sera dépensé, et nous
leur recommandons expressément d’adresser ou de remettre leurs offrandes,
soit à Dom Rua, Supérieur Général de la Pieuse Société Salésienne, 32, via
Cottolengo, Turin, soit aux directeurs dont nous avons donné l’adresse, soit
encore et pour plus de facilité à la Revue L’Echo de Fourvière, 26, Place Bel-
lecour, Lyon.” En début d’année, cette publication avait droit à des lignes re-
connaissantes: “Nous sommes heureux d’offrir ici à l’aimable, obligeant et
intéressant Echo de Fourvière avec nos voeux de Bonne et Sainte Année, nos
religieux sentiments de reconnaissance pour le précieux concours et le zèle
dévoué qu’il apporte à l’Oeuvre salésienne.” 65 En revanche, le Bulletin igno-
rait totalement l’inspecteur de France-Nord installé rue Montparnasse, à
Paris.
Les petites revues suspectes ne disparurent pas tout de suite. En 1905, le
chapitre supérieur enregistra plusieurs plaintes à leur sujet. Elles ne faisaient
rien de mal, penserions-nous, bien au contraire! On ne reprochait à ces bulle-
tins ou à ces suppléments imprimés que de concurrencer “le bulletin prin-
cipal, organe officiel entre la congrégation et ses coopérateurs”. Pour remé-
dier à leur disparition, il était proposé aux inspecteurs concernés de réserver à
Turin quatre pages blanches pour y insérer “avec le maximum de célérité” les
nouvelles de chaque région.66 Comme don Bosco, don Rua tenait mordicus à
l’unité de direction et d’information de ses coopérateurs. Les bulletins secon-
daires la mettaient à mal, estimait-il.
65 Bulletin salésien, année XXVII, n° 2, février 1905, deuxième page de couverture.
66 Séance du 1er février 1905, Verbali del Capitolo, t. II, p. 5.

3.8 Page 28

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34 Francis Desramaut
Pour animer sa province, don Bologne tentait entre autres d’implanter
une imprimerie salésienne à Paris, où il faisait transporter le matériel de l’or-
phelinat Saint Gabriel de Lille et s’abouchait avec un typographe. Son action
disposerait ainsi d’une base logistique suffisante.
En 1905, les numéros du Bulletin salésien continrent désormais la rubrique :
Echos de l’exil et chronique salésienne, qui donnait la parole aux Français dé-
placés. Mais, sauf un paragraphe sur Guernesey, les fascicules de mars, avril,
mai et juin ne s’intéressèrent qu’à Sampierdarena et Lombriasco, maisons ita-
liennes hors du territoire de don Bologne. Son nom et son adresse parisienne ne
parurent dans le Bulletin qu’au terme de l’article de tête du numéro de juillet, à
propos de la fondation d’un établissement pour les “vocations tardives”, c’est-
à-dire d’adultes, dans la petite ville d’Oulx, près de la maison confiée à l’ex-ins-
pecteur Perrot. On lisait: “Les demandes d’admission, de renseignements, les
envois de secours et les adhésions à l’Oeuvre des Vocations tardives devront être
adressées au T. R. Dom Michel Rua, Supérieur Général des Salésiens, Turin, ou
bien à l’abbé Joseph Bologne, 9, rue Montparnasse, Paris VIème.” 67 Il est dou-
teux que cette initiative italienne, loin de son centre de Tournai, ait beaucoup plu
à don Bologne. Certes, il y avait été intéressé. Le 1er avril 1905, don Rua lui ex-
pliquait: “Siamo d’accordo di destinare la casa di Oulx alle vocazioni tardive
francesi ... Promuovi pure questa impresa”. 68 Il paiera les pensions des jeunes
gens de sa province hébergés là-bas. Mais la direction turinoise du Bulletin fut
alors l’objet de l’une de ses interventions insolentes, qui allaient mettre en cau-
se tout son système de gouvernement.
Au temps de la sortie de ce numéro, on lit en effet dans le procès verbal
des réunions du chapitre supérieur les 24, 25 et 26 juillet: “Don Albera parle
du peu de correction des lettres de don Bologne à propos de ceux qui s’occu-
pent du Bulletin français. Il relève ses lourdes dépenses pour implanter une
imprimerie à Paris.” “A Paris, tous les salésiens ont de l’argent,” remarquait
alors le directeur spirituel chargé expressément des affaires de France, “et le
personnel y est peu suivi”. “On fait d’autres remarques, continuait le texte, et
l’on charge don Albera de lui écrire, au nom du chapitre, et de lui demander
s’il a l’autorisation de faire ce que, dit-on, il a l’intention de faire.” 69 Le cha-
pitre ne mettait plus les réactions plus ou moins désobligeantes de don Bo-
logne au compte de son tempérament et de la longue lutte qu’il avait soutenue
pour défendre l’oeuvre salésienne en France. Toute son administration com-
mençait de poser problème aux supérieurs salésiens turinois.
67 Art. “Les Vocations Ecclésiastiques. Fondation d’un nouvel établissement pour les
vocations tardives”, Bulletin salésien, n° 313, XXVIIème année, juillet 1905, p. 165-167.
68 Cité dans la lettre de G. Bologna à P. Albera, Paris, 2 août 1906.
69 Verbali del Capitolo, t. II, p. 26.

3.9 Page 29

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Les crises des inspecteurs de France 35
Turin aidait la France. Les 7 et 8 août, don Albera présentait au chapitre
un long rapport sur l’état et les besoins des maisons du Sud. L’orateur était in-
vité à formuler un projet pratique et réalisable et à le soumettre au chapitre
pour approbation. Turin y contribuerait financièrement dans la mesure de ses
possibilités. En septembre, un prêt à faible intérêt pour Guernesey, qui avait
été demandé par don Bologne, fut consenti après l’intervention auprès de don
Rua d’Yves-Marie Pourveer (1871-1911), directeur de cette oeuvre promet-
teuse, qui avait fait le voyage de Turin pour défendre sa cause.70
La critique du gouvernement de don Bologne
La répartition du personnel salésien dans les diverses oeuvres était alors
contrôlée par le conseiller scolaire général Francesco Cerruti. Il avait plus ou
moins toléré l’indépendance de don Bologne durant les années scolaires 1903-
1904 et 1904-1905, consécutives à la disparition des maisons de France-Nord.
Les provinciaux qui les avaient accueillis considéraient comme leurs les expa-
triés de 1903, tandis que, pour don Bologne, ils continuaient de relever de la
province Saint-Denis en France-Nord. A l’ouverture de l’année 1905-1906,
don Cerruti se raidit. Le désordre institutionnalisé le révoltait. Il le fit savoir au
chapitre durant les réunions du 2 au 11 octobre 1905. Le procès verbal résuma
le débat: “Don Cerruti demande si Don Bologna Giuseppe dépend ou non de
ses supérieurs, et remarque qu’il fait tout pour détacher de leurs supérieurs les
confrères qu’il a sous sa dépendance. – Don Rua voudrait qu’un membre du
Chapitre aille tout bien observer sur les lieux et qu’il rende compte avant de
prendre une décision définitive sur Don Bologna.” 71 L’inspecteur de France-
Nord l’ignorait, mais il risquait désormais de subir le sort de don Perrot.
Interrogé, il se défendit. Il avait implanté sans permission une impri-
merie à Paris pour utiliser le matériel de la maison de Lille.72 On enregistra
son explication.
Les mois passaient et don Bologne poursuivait, comme il l’entendait, la
reconstruction de sa province à partir de la maison de Tournai. Il lui fallait
des hommes. A son avis, quatre-vingts sujets dépendaient de lui. Des lettres
aux Français réfugiés en Italie, au Portugal, ailleurs aussi peut-être, partirent
pour les réclamer au service de leur province d’origine Un noviciat sous ses
yeux paraissait indispensable à notre provincial, qui, en 1903-1904 et 1904-
1905, n’avait pas été consulté pour les professions et les destinations de ses
70 Séances du 3 au 26 septembre 1905, Verbali del Capitolo, t. II, p. 36.
71 Verbali del Capitolo, t. II, p. 42.
72 Séance du 18 décembre 1905, Verbali del Capitolo, t. II, p. 59.

3.10 Page 30

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36 Francis Desramaut
novices transplantés en Italie. Après la suppression d’un noviciat propre à
Avigliana et la fusion des Français avec les Italiens et les Allemands à Lom-
briasco, en 1905 les postulants français du Nord avaient été dirigés vers le no-
viciat de la province de Belgique, établi à Hechtel. Ils y étaient heureux, mais
échappaient encore à la juridiction du provincial de Paris. Il fallait remédier à
cette déficience. Le 12 avril 1906, don Bologne mit don Rua au courant de
son dernier et mirifique projet.
Il venait de réunir son conseil provincial à l’occasion d’une visite à la
maison de Tournai. Seul don Pourveer (Guernesey) était absent. La discussion
avait porté sur les principaux intérêts de la province. “Profitant des bonnes
dispositions d’une dame riche, les conseillers présents projetaient de louer
pour 600 francs l’année une belle propriété comportant une habitation spa-
cieuse et un vaste jardin, située à Froyennes à 25 minutes à pied de Tournai et
tout près de la frontière française”. “Nous sommes d’avis, continuait-il, d’y
rappeler et d’y loger nos novices l’an prochain, c’est-à-dire en septembre.” Et
il détaillait les avantages de la situation: un jardin qui fournirait des légumes
au noviciat et à Tournai, la possibilité d’installer là une section de “fils de
Marie” (vocations tardives), un parc tranquille et ombragé, un tramway à la
porte menant à la gare locale en dix minutes au maximum et à l’oratoire
Saint-Charles de Tournai en vingt-cinq minutes. La dame favoriserait certai-
nement les salésiens, on pouvait en attendre beaucoup. Un grand établisse-
ment était envisageable dans la propriété. Le matériel sauvé de Lille consti-
tuerait l’ameublement. Aucune charge nouvelle n’était à craindre. Les pen-
sions actuellement versées pour les novices d’Hechtel aideraient à couvrir les
frais de Froyennes. Avoir les novices “sous la main” semblait de nécessité in-
contestable au provincial Bologne. La création de ce centre n’imposerait pas
de démarche canonique particulière. Le noviciat de Rueil serait officiellement
transféré à Froyennes, voilà tout. Le conseil prévoyait dix novices en 1905-
1906, le père Henri Crespel ferait un excellent maître, etc, etc. Don Bologne
soutenait et vantait son initiative sur sept petites pages manuscrites.73
Le chapitre supérieur des salésiens lut cette lettre dans l’atmosphère mé-
fiante que ses initiatives jugées fantaisistes avaient suscitée. Sa volonté de
créer en Belgique un noviciat pour sa seule province allait lui être fatale. Don
Rua, don Rinaldi, don Albera s’en entretinrent d’abord en privé. Puis, le 22
mai, le chapitre supérieur débattit de la réponse à lui donner. Les merveilleux
avantages de la situation, telle que la peignait don Bologne, le laissèrent froid.
Le procès verbal dit seulement: “A la proposition de D. Bologna d’ouvrir un
noviciat près de Tournai, que le Prosecrétaire réponde que le Chapitre Supé-
73 G. Bologna à M. Rua, Tournai, 12 avril 1906; reproduit en FdB mc 3636 E9 à 3637 A3.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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Les crises des inspecteurs de France 37
rieur ne croit pas à sa convenance et qu’il continue à envoyer ses novices à
Hechtel où ils pourront se mieux former et où les novices actuels se trouvent
contents.” Le texte continuait par une phrase menaçante pour le trop entrepre-
nant provincial: “Don Rua invite le Chapitre à prier et à voir si ce n’est pas le
cas de rappeler D. Bologna en Italie.” 74
La douloureuse destitution de don Bologne
L’intéressé était loin de soupçonner l’orage que sa dernière proposition
avait déclenché. Cinq jours après la réunion turinoise, depuis son appartement
parisien, après avoir expliqué l’évolution des problèmes juridiques et finan-
ciers de Lille et de Dinan et avoir annoncé qu’à Paris on proposait un patro-
nage aux salésiens à la seule condition de fournir un prêtre adapté, il notait au
cinquième point d’une lettre à don Rua que la concurrence des Oblates de
l’Assomption avait rendu urgente la signature du contrat de location de
Froyennes.75
La lettre du prosecrétaire, arrivée sur ces entrefaites, ne le convainquit
pas de reculer. A son sens, le chapitre n’était pas assez au courant de la situa-
tion de la province française du Nord. Pour la lui expliquer, il data du 1er juin
1906 un mémoire de trois grandes pages partagé en vingt-et-un points et inti-
tulé “Sur l’Inspection S. Denis, France Nord. Noviciat” C’était le fruit de ses
méditations sur l’absolue nécessité de disposer d’un noviciat dans sa pro-
vince. Tout d’abord, cette province continuait d’exister “à la face de l’Eglise
et à la face de la congrégation”. Ensuite, elle possédait un noviciat canonique-
ment érigé par décret du 20 janvier 1902 et établi à Rueil, dans le diocèse de
Versailles. Transféré en Italie, à Avigliana, ce noviciat avait été supprimé sans
explications. Il fallait lui trouver une substitution. Sûr de lui, notre provincial
terminait son mémoire par la proposition victorieuse: “21° Les raisons don-
nées dans la lettre du Secrétaire du Chapitre tendant au refus de l’autorisation
demandée sont inconsistantes et démontrent seulement que le Chapitre n’était
pas suffisamment documenté pour juger de la convenance ou non en connais-
sance de cause.” 76 Par sa réaction peu diplomatique, don Bologne offrait des
verges pour se faire battre.
Le chapitre ne se débarrassa pas de ses objections sans y avoir réfléchi.
Le 12 juin, il renvoya à une séance ultérieure les délibérations désormais im-
74 Séance du 22 mai 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 78.
75 G. Bologna à M. Rua, Paris, 27 mai 1906; reproduit en FdB mc 3637 A4-7.
76 G. BOLOGNA, Memoria sull’Ispettoria S. Dionigi Francia Nord. Noviziato, 1° Giugno
1906, reproduit en FdB mc 3640 A7-9.

4.2 Page 32

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38 Francis Desramaut
minentes pour l’administration salésienne en France.77 Mais les jeux étaient
faits. Le couperet tomba le 19 juin lors d’une assemblée apparemment tout en-
tière consacrée à don Bologne. Voici le procès verbal d’une séance décisive:
“Il Sig. D. Rua e D. Albera danno notizie come D. Bologna scriva ai
confratelli francesi del Portogallo, dell’Italia e di altri luoghi invitandoli
a ritornare in Francia, e delle nuove opere che vorrebbe fare. Si richiama
alla memoria la relazione fatta da D. Bologna, a nome anche del suo
consiglio, che è poco rispettosa verso il Cap. Sup. e si decide:
1. Che la Casa di Tournai, appartenente all’Ispettoria Belga e ceduta
temporaneamente a D. Bologna ritorni di nuovo al Belgio.
2. Si nomina Ispettore della Francia del Sud D. Virion Paolo, finora sem-
plice incaricato dell’Ispettoria. La proposta a votazione segreta ebbe sei
voti su sei.
3. Con sei voti su sei si stabilisce D. Virion Paolo Ispettore della Francia
del Sud sia temporaneamente incaricato della reggenza dell’Ispettoria
del Nord.
Si aggiunge che posto ciò il Sig. D. Rua chiami a Torino D. Bologna, co-
munichi nel modo che crederà opportuno la presa decisione e gli affidi
quello ufficio che crederà meglio, ma che converrebbe che nessuno dei
Superiori dicesse le ragioni per cui fu tolto da Ispettore, limitandosi a
dire che si credette meglio prendere pel bene della Congregazione tale
decisione. Ciò eviterà non pochi inconvenienti.” 78
Giuseppe Bologna serait donc rappelé à Turin pour y occuper le poste
que don Rua lui attribuerait. La maison de Tournai reviendrait à la province
belge. Paul Virion, jusque-là incaricato des maisons du Midi, était nommé
provincial et, simultanément, recevait la régence de la France-Nord, province
qui, coiffée par lui, ne disparaîtrait pas cependant pour autant. Le dernier pa-
ragraphe du procès verbal peut surprendre, mais aussi s’expliquer. La
conduite répréhensible de don Bologne avait provoqué ces mesures, les pre-
mières lignes le disaient avec assez de clarté. Mais les membres du chapitre
ne pourraient le faire savoir à quiconque, surtout pas à l’intéressé. Les at-
tendus du jugement lui demeureraient donc cachés. Turin craignait évidem-
ment un débat compliqué, non seulement avec le provincial destitué, mais
avec son conseil, ses confrères et ses amis de France. Le silence, commode
pour les supérieurs, pousserait à bout le malheureux don Bologne, obligé de
se plier à une peine, pour lui évidente, sans pouvoir en déterminer la ou les
causes à lui-même et devant ses proches. Il allait crier pendant trois mois.
Rappelé par don Rua à Turin pour y être informé des décisions du 19
77 Verbali del Capitolo, t. II, p. 83.
78 Séance du 19 juin 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 84-85.

4.3 Page 33

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Les crises des inspecteurs de France 39
juin., don Bologne y passa une dizaine de jours pendant le mois de juillet. Le
13, le chapitre chargeait le conseiller scolaire don Cerruti et l’économe don
Rocca de lui expliquer que la maison de Tournai, dont il avait fait son centre
provincial, retournerait à la province de Belgique. En outre, les confrères d’ori-
gine française, autrefois sous sa dépendance et, pour l’heure, disséminés en
d’autres provinces, ne lui appartenaient plus en aucune manière. Les Supé-
rieurs ne croyaient pas opportun de supprimer la province de France-Nord.
Mais, dans la circonstance, deux inspecteurs n’étant plus nécessaires au pays,
l’inspecteur du Sud régirait la province du Nord.79 Quatre jours après, don Cer-
ruti rendant compte au chapitre de son entretien avec don Bologne, en dédui-
sait qu’il se soumettait et consentait, bien qu’à contre-coeur, à se retirer de la
province de France-Nord. Don Rua, qui avait en mains quelques notes de don
Bologne après sa conversation avec don Cerruti, n’était pas aussi optimiste. Il
espérait toutefois convaincre l’inspecteur démis. Plutôt qu’un poste d’inspec-
teur en Italie, don Bologne, selon don Rua, semblait disposé à recevoir une
fonction à l’oratoire du Valdocco 80.
Don Bologne se jugea déposé de sa charge sans motifs explicites et
laissa à Turin une protestation contre cette destitution. Elle réclamait une
procédure en forme, que justement le chapitre supérieur tentait d’éviter.
L’assemblée tint à montrer sa détermination. Le 27 juillet, elle décidait:
“Don Rua écrira à don Giuseppe Bologna que le chapitre supérieur a exa-
miné son écrit et que, nonobstant, il a décidé que don Bologna, après avoir
remis à don Virion ce qu’il lui doit, viendra à Turin, où il est attendu pour
octobre.” 81
Don Bologne était rentré à Paris très déçu et très irrité. Les membres du
chapitre supérieur avaient respecté la consigne de réserve qui leur avait été or-
donnée. La cordialité des entretiens en avait pâti. Le provincial déchu ne re-
trouvait plus la chaleureuse atmosphère salésienne qu’il avait toujours connue
là-bas. Ceux qui, traditionnellement, le rassuraient, le consolaient et le paci-
fiaient, désormais le tourmentaient. “Le Conseil ne paraît pas avoir prévu
toute l’étendue des conséquences qu’entraînerait en ce moment mon déplace-
ment. A Turin, je me suis aperçu que j’y étais devenu étranger. En dix jours
passés à la porte des uns et des autres des Membres du Conseil, je n’ai en-
tendu de personne une parole paternelle et aucun ne m’a découvert le fond de
sa pensée. Qu’avais-je donc fait? Je ne demande pas de faveur, mais simple-
ment l’observation exacte de ce que les Règles, les Règlements et les Normes
79 Séance du 13 juillet 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 90.
80 Séance du 17 juillet 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 91.
81 Verbali del Capitolo, t. II, p. 93.

4.4 Page 34

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40 Francis Desramaut
déterminent et prescrivent. J’ai une foule de choses urgentes à traiter dont le
retard ne saurait s’expliquer et serait préjudiciable à beaucoup de personnes.
S’il m’est encore permis de prier, je le fais avec toute la force de mon âme
pour demander qu’on veuille bien me rendre la paix de l’âme en laissant les
choses telles quelles au moins jusqu’à la fin de mon sessennio”.82 Il jugeait
donc avoir été reconduit pour six ans en 1904.
De quoi l’accusait-on? Serait-il devenu indigne, lui qui s’était tellement
dépensé pour le bien de sa congrégation? Que dire à ses confrères? N’allait-
on pas l’assimiler à don Perrot, le révolté de Bordighera? “Je ne puis non plus
laisser croire sans motifs à tous nos confrères français que je serais dans les
conditions d’un indigne, comme une expression de D[on] R[ua] me l’a
presque laissé entendre. Abbiamo già smosso quel D. Perrot. Je ne voudrais
pas être comparé et je ne puis laisser croire d’être puni ayant la conscience de
ne pas avoir démérité, et si l’on croit le contraire je demande à être convencu
[pour: convaincu] par une procédure. Il doit y avoir des avis préalables; je ne
les ai pas reçus, et je ne crois pas les avoir mérités. Ma ferme intention est de
ne donner aucun mauvais exemple à qui que ce soit. C’est pourquoi je garde
pour moi tout ce que j’écris et je ne parle à personne de ce que je suis forcé
d’écrire.” 83
Il lui faudrait pourtant s’expliquer un jour ou l’autre, au moins devant
son conseil qu’une dépêche lui apprenait, le 27 juillet, être sur le point de se
rassembler autour de lui “pour l’expédition des affaires en souffrance”. Mais,
pour cette fois au moins, il ne dirait rien. Et il s’efforçait de prendre quelque
hauteur face aux événements. “En pensant à la situation qui sera faite aux Sa-
lésiens dans un délai de 10 ou 15 ans, je crois que l’histoire devra faire des ef-
forts pour légitimer l’intervention actuelle du Chap[itre] Sup[érieur] dans la
direction des choses spéciales aux inspections de France. Il faudra leur laisser
leur petite autonomie selon les règles.” 84
Quand il s’était mis à parler de “procédure”, Turin avait imaginé qu’il
porterait sa plainte à Rome. Mais Bologne n’était pas Perrot, il tenait à ne
peiner personne. Bruyant, il était foncièrement bon et mit les choses au point
dans une lettre à don Albera: “Si j’ai demandé qu’on veuille bien ordonner
une procédure pour me faire connaître les motifs qui auraient motivé ma dé-
position tamquam indignus, c’est dans la congrégation et je ne vous ai pas
nommé Rome. Je vous ai dit mon désir de ne pas occasionner de la peine à
qui que ce soit, mais aussi j’ai le droit de me faire défendre parce que le
82 G. Bologna à P. Albera, Paris, 29 juillet 1906, reproduit en FdB mc 3640 B11-12.
83 Même lettre.
84 Même lettre. Nos italiques correspondent aux mots soulignés dans la pièce.

4.5 Page 35

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Les crises des inspecteurs de France 41
changement qu’on voudrait projeter, à mon avis, n’a pas de motifs suffisants
et, pour moi, il a tout l’air d’une peine, que je ne puis accepter sans juge-
ment.” 85
Il admettait difficilement que Tournai, le siège provincial d’où partaient
ses instructions aux confrères français dispersés, soit brusquement remis à la
province de Belgique. Il lui fallait faire vivre ses maisons, pour lesquelles des
clercs lui étaient réclamés. “Je vous prie et vous supplie de nous restituer
ceux qui restent encore à Ivrea, mandait-il le 1er août à don Giulio Barberis.
L’an dernier je vous avais demandé Moitel, vous ne me l’avez pas laissé venir
et puis vous l’avez donné au Midi.” 86
Don Bologne data du 6 août 1906 sa protestation la plus argumentée au-
près de son supérieur général. Don Rua y lisait entre autres: “La maison de
Tournai étant la maison Inspectoriale et les conditions actuelles étant les
mêmes que celles du moment où elle fut attribuée à l’Inspection, ne peut lui
être enlevée sans laisser le temps nécessaire pour se pourvoir, c’est-à-dire au
moins trois ans après la diffida.” Le transfert de la maison dans la province
belge équivalant pour son personnel à un changement de patrie, ce personnel
aurait le droit d’être consulté. S’il était “passé outre” à cette exigence, conti-
nuait don Bologne, lui-même retiendrait le directeur Patarelli et quatre autres
prêtres français. Au reste, il y avait lieu de craindre une débandade de ce per-
sonnel. “Que chacun sache ses responsabilités!”, opinait-il 87.
A cette date, persuadé que la manoeuvre tendait à la disparition de
l’oeuvre salésienne en France, il ne voulait pas de M. Virion à ses côtés avant
le terme d’un mandat qu’il croyait devoir se prolonger jusqu’en 1910. Qu’au-
rait pensé don Bosco de pareille entreprise de démolition? “Inutile de m’en-
voyer Mr Virion ou qui que ce soit avant la fin de mon mandat. Je m’estime-
rais criminel si je ne m’employais pas de toutes mes forces à empêcher de
compléter la ruine de l’oeuvre de Don Bosco en France. J’entends encore
notre bon père, à Marseille, s’exclamer: Che è difficile infrancesare una
congregazione. D[on] B[osco] aimait la France et la France a rendu des ser-
vices à sa Congr[égation]. D[on] B[osco] a semé et nous avons arrosé le
champ pendant 29 ans.” 88 La révolte l’attirait, une scission apparemment ré-
gulière étant tout à fait pensable depuis les actes de l’été 1901 sur la séculari-
sation des salésiens français. “J’ai une terrible tentation de me servir de vos
lettres de proscioglimento 89 et des lettres de sécularisation de Rome pour
85 Lettre citée à P. Albera, 29 juillet 1906, FdB mc 3640 B7.
86 G. Bologna à G. Barberis, s.l., 1 agosto 1906, FdB mc 3640 A11.
87 G. Bologna à M. Rua, Tournai, 6 août 1906, FdB mc 3637 B5
88 Lettre citée du 6 août 1906, FdB mc 3637 B7.
89 En français: pour déliement, sous-entendu: des voeux de religion.

4.6 Page 36

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42 Francis Desramaut
prendre en notre nom particulier le soin des Oeuvres qui nous restent encore
en Fr[ance]. et que nous avons eu tant de mal à créer”, écrivait-il à don Rua.
Mais le religieux loyal se réveillait en lui. “J’espère tout de même que l’on ne
me poussera pas à cette extrémité. Si j’écoutais le dégoût et l’indignité (sic,
pour indignation) que les procédés sans clarté et sans franchise qu’on a em-
ployés pour m’amener où j’en suis, je craindrais de faire quelque bêtise.” Et il
terminait sa lettre par l’invocation pathétique: “Que Notre Dame Auxiliatrice
et Don Bosco me viennent en aide. – J. Bologne.” 90
Sa virulence ne faiblit pas durant ces semaines de juillet-août 1906. Il en
appelait aux Normes canoniques pour entendre raison de sa déposition et de
la modification des provinces religieuses. Une sorte de complot lui paraissait
avoir été ourdi contre l’oeuvre salésienne en France. “Le but qu’on semble
poursuivre, c’est de détruire l’Oeuvre en France, écrivait-il textuellement à
don Rua. Remarquez ceci: On nous a reçus à Avigliana, puis à Lombriasco,
mais, subrepticement, on s’est attribué toute l’autorité de l’Inspecteur; on lui
a enlevé le personnel qui, jusque-là, dépendait de lui. Don Albera a fait acte
d’autorité en tout et la province a été démembrée, et le coup qu’on voudrait
lui porter encore finirait par l’anéantir. Ce serait vraiment dommage.” 91 Il dé-
nonçait l’acharnement du chapitre supérieur. “D’où sont-elles venues toutes
les oppositions qui se sont élevées dans le Chap[itre] Sup[érieur]?”, deman-
dait-il. Il répondait lui-même: “De ce que j’ai mis de l’insistence [pour: insis-
tance] à défendre les intérêts de l’Oeuvre en France, il n’y en a pas d’autre.”
92 Les treize paragraphes de sa lettre du 17 août au supérieur général étaient
uniformément véhéments. Il la terminait sèchement la tête haute: “J’ose es-
pérer que l’on voudra bien trouver une excuse à ma manière de me réclamer
de la protection des Règles de l’Eglise, en considérant qu’on a semblé me
traiter comme si j’avais démérité de la Congr[égation], ce que je ne crois pas.
– J. Bologne.” 93
Turin lisait et entendait ses récriminations. Don Rua et don Albera, qui ai-
maient ce valeureux collaborateur, souffraient eux-mêmes de sa douleur. Mais,
soucieux du bon ordre général, le chapitre supérieur maintenait ses exigences
de régularisation de la situation en France-Nord. La question de Tournai devait
être réglée avant l’ouverture de la nouvelle année scolaire. En Belgique, l’ins-
pecteur Scaloni voulait savoir à quoi s’en tenir. Le 11 septembre, le chapitre dé-
cidait que la maison de Tournai, qui n’avait été détachée de la province belge
que provisoirement et pour des raisons particulières, devrait l’avoir réintégrée
90 Lettre citée du 6 août 1906, FdB mc 3637 B8-9.
91 G. Bologna à M. Rua, Paris, 17 août 1906, FdB mc 3637 C2-3.
92 Même lettre, FdB mc 3637 C3.
93 Même lettre, FdB mc 3637 C4.

4.7 Page 37

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Les crises des inspecteurs de France 43
au plus tard le 1er octobre. Don Albera était invité “à se rendre sur place pour
que tout se passe de la meilleure manière possible et pour faire comprendre à
don Bologne que ses supérieurs ne changeraient pas d’avis sur ce transfert.” 94
Le directeur spirituel général fut en effet à Paris dans les jours qui suivirent. Il
n’y apprit rien de nouveau à don Bologne, affirmera celui-ci; mais, de Liège où
il poursuivait son voyage, une lettre de sa main lui dit clairement, comme le cha-
pitre supérieur le lui avait imposé, que ses recours contre sa destitution n’avaient
convaincu personne 95.
Le 24 septembre, la résignation l’emporta enfin dans l’esprit du provin-
cial déchu. Avec une grande tristesse, l’“humble et misérable” Joseph Bo-
logne exprima sa totale soumission à son supérieur général 96. Il ne pouvait se
résoudre à penser que la mesure de destitution venait de lui, car, écrivait-il,
“tout ce que j’ai fait, je l’ai fait sur votre ordre”. Quoi qu’il en soit, si telle
était sa volonté, à partir du 1er octobre, il se comporterait comme un simple
confrère et n’exercerait plus aucune autorité dans la province de France-
Nord.. Toutefois, jusqu’à la fin de l’année, il règlerait ses affaires comme il
l’entendait. Turin percevait des échos du bouillonnement qui grondait tou-
jours en lui. Le 24 octobre, don Rua déplorait en chapitre qu’à Paris don Bo-
logne veuille tout vendre avec une précipitation excessive. Il promettait de lui
écrire pour lui demander de tout laisser en état à son successeur, “l’actif et le
passif”. “Qu’il agisse comme d’habitude en d’autres circonstances quand un
Supérieur est déplacé!”, lui faisait dire le procès verbal du chapitre supé-
rieur.97 On s’inquiétait de la disparition de toute présence salésienne dans la
capitale française. Une note curieuse du chapitre supérieur concernant le
prêtre salésien Noguier de Malijay en porte la trace à la date du 5 novembre
1906: “Malgré les nouvelles assez mauvaises (litt.: les peu bonnes nouvelles)”
qui arrivaient à son sujet, il semblait opportun de le maintenir à Paris “soit
parce qu’on le lui a promis à diverses reprises et voici peu, soit pour le besoin
d’avoir au moins une résidence dans cette ville. Que don Virion le surveille!”
98 Cette dernière proposition nous dit qu’à cette époque, à Paris, le change-
ment de direction était devenu effectif. Le provincial du Midi assumait la ré-
gence de la province du Nord.
94 Verbali del Capitolo, t. II, p.101.
95 G. Bologna à M. Rua, Paris, 24 septembre 1906, FdB mc 3637 C5-10.
96 Même lettre du 24 septembre 1906.
97 Séance du 24 octobre 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 109.
98 Séance du 5 novembre 1906, Verbali del Capitolo, t. II, p. 111.

4.8 Page 38

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44 Francis Desramaut
La mort de don Bologne
Stoïque, don Bologne se présenta à Turin le 1er janvier 1907 99. Une
chambre lui fut assignée près de l’église Marie auxiliatrice. Le 4 janvier, il y
célébra régulièrement la messe. Après une brève sortie en ville, on le vit ren-
trer vers dix heures trente. Et, à onze heures, il fut découvert étendu au pied
de sa table de travail, le regard éteint, foudroyé, jugea-t-on, par une attaque
d’apoplexie. Il n’avait pas encore soixante ans. Le rédacteur du Bulletin nous
apprend que “Dom Rua et les principaux supérieurs de notre Société ne pu-
rent que pleurer devant la dépouille de celui qu’ils avaient appris à connaître
et à aimer depuis plus de quarante ans”.
L’opinion commune mit la fin prématurée de ce vaillant sur le compte de
ses déboires de 1903: le vote hostile du Sénat français, la fermeture des mai-
sons du Nord, la dispersion des salésiens et la séquestration de leurs im-
meubles. Patelin, le Bulletin salésien abonda dans ce sens: “Suprême douleur,
il vit vendre à l’encan ces maisons de travail et de prières, dont chaque pierre
avait pour lui une histoire. Est-il besoin d’ajouter que de si fortes émotions,
de telles secousses avaient définitivement ébranlé son organisme, et que la
véritable cause de son trépas subit, il faut la demander à ces angoisses qui mi-
nèrent sourdement son existence.” 100 Don Rua, don Albera, don Rinaldi, don
Cerruti, don Rocca, don Gusmano, ces membres du chapitre qui avaient lu ou
entendu les cris d’“angoisse” de don Bologne durant les mois précédents ne
pouvaient partager entièrement cette conviction. Ils savaient que sa destitu-
tion et ce qu’il pensait être la démolition systématique de sa province de
France par ceux qui auraient dû la maintenir l’avaient rempli d’amertume et
lui avaient enlevé la “paix de l’âme”. En ce début de 1907, tomber au Val-
docco ne lui rendait certainement pas la sérénité. L’épreuve de 1903 ne l’avait
pas jeté sur son lit. La crise de 1906 eut raison de sa vie.
En France, le temps du mandat de Paul Virion (1906-1919), infiniment
moins tumultueux, commençait vraiment. Les centres créés ou développés
sous son gouvernement à Guernesey, à Melles près de Tournai en Belgique
(vocations tardives) et à Saint-Martin-la-Sauveté (le Château d’Aix), Loire,
permettraient à l’oeuvre salésienne française des années trente et quarante,
non seulement de retrouver la santé de 1902, mais de croître alors de façon
étonnante en vitalité aussi bien dans le Nord que dans le Midi. A partir de
1925, chacune des deux provinces retrouvera son propre inspecteur. La page
99 Je suis à cet endroit la notice anonyme “Dom Joseph Bologne”, Bulletin salésien,
XXIXème année, n° 332, février 1907, p. 40-42.
100 Art. cit., p. 42.

4.9 Page 39

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Les crises des inspecteurs de France 45
de la colère et de la douleur était définitivement tournée. Quand don Perrot,
puis don Virion moururent, l’un en 1928, l’autre en 1931, le provincial Gim-
bert non seulement passa sous silence la double et terrible crise de 1904-
1906, mais sembla, par sa chronologie, n’en avoir jamais eu la connaissance.
On ignorait apparemment en terre française que les destins des provinciaux
Perrot et Bologne, parallèles depuis la fondation de Marseille et de la Navarre
en 1878, l’avaient encore été jusqu’au bout par leurs communes et éprou-
vantes destitutions des années qui suivirent la tornade de 1901-1903.
ANNEXE
Lettres de Don Bologne a Turin en 1906
I
Oratoire Saint-Charles
(Oeuvre de Don Bosco)
63, Boulevard Léopold
Tournai
Le 12 Aprile 1906
Reverendissimo Signor Don Rua
All’occasione che sono venuto a fare la visita alla casa di Tournai abbiamo po-
tuto riunirci in Consiglio. Solo D. Pourveer 1 non vi potè participare. Ci siamo occu-
pati con D. Ricardi 2, Don Patarelli 3 e Chevet 4 dei principali interessi dell’Ispettoria
... Profittando delle buone disposizioni di una buona e ricca Signora siamo stati d’av-
viso di affittare per lire seicento annue una bella proprietà con casegiato assai vasto e
con vasto giardino a 25 minuti a piedi da Tournai e vicinissimo alla frontiera fran-
cese, a Froyennes stazioncella dopo la dogana belga (nel Belgio).
Siamo d’avviso di richiamarvi e di mettervi i nostri novizi l’anno prossimo cioè
in 7bre. Si avrà un vasto giardino che provvederà i legumi per Tournai e per quella re-
sidenza. Vi è posto per mettervi una categoria di figli di Maria. Vi è un parco tran-
quillo ed ombreggiato, un tranvai 5 sulla porta, a 10 minuti maximum della stazion-
1 Yves-Marie Pourveer (1871-1911), alors directeur de la maison de Guernesey.
2 Louis Ricardi (1860-1930).
3 Charles Patarelli (1867-1935).
4 Pierre Chevet (1875-1939), prêtre en 1900.
5 Comprendre: tramway.

4.10 Page 40

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46 Francis Desramaut
cella ed a 25 minuti dell’Orphelinat St Charles 6. Vi è gran probabilità che quella Si-
gnora favorisca poi quella residenza e che divenga benefattrice insigne desiderando
molto aver dei Salesiani. Se poi si volesse prendere tutta la sua bella proprietà vi sa-
rebbe posto per un grande stabilimento; per ora non ne avremo bisogno. Si farebbe
un bail in buona regola e non vi sarà nessun pericolo per la nostra libertà e indipen-
denza. Abbiamo quasi tutto quello che occorre come mobiglio quantunque modesto,
con quello che abbiamo potuto salvare da Lilla ecc. Non pensiamo sobbarcarci a
nessun carico nuovo. Le spese che facciamo ora per pagare la pensione dei novizi al-
trove ci aiuterà.
La necessità di avere i nostri novizi sotto mano è incontestabile. Con tutte le re-
gole nuove per le ammissioni al Noviz[iato] ai voti ecc. è proprio necessario che li
abbiamo sotto gli occhi. E’ una domanda di tutto il Consiglio. Con questo io credo
pure di corrispondere a quanto la P. V. mi disse a Parigi ed a quanto raccomandò agli
Ispettori nella Lettera confidenziale là dove è raccomandato a tutti gli Ispettori di
avere un Noviziato e di avere una casa dei Figli di Maria.
Pel Noviziato sicome non è una casa nuova per l’Ispettoria, poiché questo No-
viziato canonicamente eretto esisteva a Rueil 7, e che fu solo sospeso per la nequizia
dei tempi, io non credo sia necessario sollecitare l’approvazione del Cap. Superiore
come se fosse una nuova casa (Regol. Ispett., Facoltà n° 1). Se però questo fosse ob-
bligatorio a nome anche del Consiglio ne faccio la formale domanda.
Basterà, credo, che io scriva a Don Marenco 8 per pregarlo di avvertire la Congr.
dei Vescovi e Regolari che il Noviziato regolare di Rueil resta provisoriamente fissato
a Froyelles [lire: Froyennes], Belgique.
Per quest’anno abbiamo già in vista 10 novizi i quali sono ora postulanti a
Tournai e Guernesey più quattro coadiutori.
Uno dei tanti vantaggi sarà anche un’economia nei viaggi.
Propongo come Maestro dei Novizi Don Crespel Henri 9 che mi sembra proprio
il più adattato avendo già fatto da Maestro dei Novizi coad[iutori]. Noto però che è
nato il 20 Agosto 1872 e che in 7bre sarà solo nel suo 35° anno di età. Viste le circo-
stanze delle Congr. francesi si otterrà, credo, facilmente una piccola dispensa.
Vedrò se Don Ricardi non accetterebbe di esserne Direttore. Avremo facilmente,
a quell’epoca, il personale necessario. Domanderemo poi il nostro coad[iutore]. De-
sbois che è a Lombriasco come capo giardiniere.
Concentrando ora i nostri sforzi su questo punto io spero che potremo in
qualche anno formare un buon numero di vocazioni per riempire i vuoti che si sono
fatti durante la crisi.
Profittando dell’occasione ho fatto una piccola visita ai nostri cari confratelli di
Liegi, Berchemans [lire: Berchmans] 10 e St Laurent 11, a Hechtel 12, a Gand e Grand
Bigard 13. Il personale è ovunque in grande magiorità [sic] francese. Converrà che l’I-
spettoria Belga si formi un po’ di personale belga. Ora al Noviz. di Hechtel vi è un
6 L’oratoire Saint-Charles, l’oeuvre salésienne de la ville, boulevard Léopold.
7 Oratoire Saint-Maurice, fondé en 1896 à Rueil, Seine-et-Oise.
8 Giovanni Marenco (1853-1921), alors procureur général des salésiens à Rome.
9 Henri Crespel (1872-1938) sera inspecteur de France-Nord de 1925 à 1931.
10 L’orphelinat Saint-Jean Berchmans, rue des Wallons, Liège, fondé en 1891.
11 Maison succursale, 31, rue St-Laurent, Liège, fondée en 1902.
12 Institut St Louis de Gonzague, Hechtel, Limbourg, Belgique, fondé en 1896.
13 Institut Don Bosco, Grand-Bigard (Groot Bijgaarden), Brabant, Belgique, fondé en 1904.

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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Les crises des inspecteurs de France 47
certo numero di Tedeschi. I nostri francesi del Nord sono solo 5. Ma quando potremo
riaverli come a Rueil spero sarà più facile aumentarli. Un’altra ragione si è ancora di
interessare maggiormente i Coop[eratori] francesi a continuare la loro cooperazione
anche per questo scopo.
Non so dove questa mia sarà per giungere fino alla P[aternità] V[ostra]. Ma pro-
fitto per offrire a Lei ed al Sig. D. Bertello i rispetti di tutta questa casa.
J. Bologne
II
Rue Montparnasse, 9
Paris VIe
Paris, le 27 Maggio 1906
Rev mo Sig. D[on] R[ua]
Ho bisogno di mettere la P[aternità] V[ostra] ed il Cap. Sup. al corrente di varie
cose che mi sembrano abbastanza importanti.
1° La Società St Gabriel 14 a Lilla ha definitivamente regolato col Liquid[atore] 15
con una transizione 16 di L. cento mila tutto compreso. Il tribunale di Mars[iglia] ha ra-
tificato ed il Liquid[atore] a quest’ora è forcluso. La Società si riorganizza d’accordo
con noi. Ci si domanda un prete etc per Ruitz 17 ove M. d’Oresmieulx 18 resta in nome
ma l’opera lasciata ad hoc dovrà riprendere con un piccolo numero. Converrà che la
Società resti responsabile dei mezzi materiali.
2° Per Dinan (Sdi P.) 19 il liquidatore ha avvertito il nostro Procuratore che è
disposto ad abbandonare l’apport Martin 20 alla sola condizione di pagare le spese
dell’azione processuale. Credo che si sia accorto che non troverebbe colà nessun
compratore. Le spese non devono ascender oltre a qualche centinaio di lire. Ho scritto
a l’abbé Martin per pressentirlo se sarebbe disposto a rinunziare in favore di chi gli
indicheremo o di pagar lui le spese. Risponderà.
3° Per la rendita di Mlle de Gaudemont (1800 l. annue) 21 il Liq[uidatore] fece
dire che non si doveva più darle nemmeno parte del provento dal fatto ecc., ma di
14 La Société administratrice de l’orphelinat Saint-Gabriel, l’oeuvre salésienne de Lille.
15 Ce titre paraît désigner ici Me Savy, avoué près le tribunal civil de Marseille, liquida-
teur des biens de la congrégation dite “des Pères Salésiens de Don Bosco” dans l’arrondisse-
ment de Marseille, ainsi que de ceux détenus en France dans tous ses divers établissements.
16 Lire probablement: transazione.
17 Ruitz, Pas-de-Calais, France, où, en 1891, quand il était directeur de Lille, don Bo-
logne avait créé une oeuvre salésienne.
18 M. René d’Oresmieulx de Fouquières, propriétaire du domaine de Ruitz.
19 Cette abréviation, à traduire peut-être “Société de Patronage”, désignait probablement
la Société de la rue du Retrait, à Paris, dite SATR, présidée par le comte de Franqueville et
donnée comme propriétaire des maisons salésiennes de Nice, Dinan et Pleudihen. Voir Y. LE
CARRÉRÈS, Les Salésiens de Don Bosco à Dinan, p. 144-145.
20 L’apport du prêtre Jean-Marie Martin, à l’origine de l’implantation des salésiens à
Dinan.
21 Victoria de Gaudemont, l’une des bienfaitrices de Dinan.

5.2 Page 42

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48 Francis Desramaut
proporle di desistersi dalla sua rivendimi. Allora egli farebbe mettere in vendita le
proprietà apportate da essa lasciando a carico del compratore la detta rendita. Ho sug-
gerito a l’avoué di Dinan di cercare egli una persona che volesse acquistare a quella
semplice condizione di pagar la rendita ma per noi. E’ un bravo uomo, farà quanto
potrà per noi.
4° Ci si propone qui a Parigi di prendere la direzione di un patronage; baste-
rebbe un prete ad hoc. Si potrà trattare? Penserei io stesso a proporre il Sacerdote.
5° A Froyennes era urgente di condividere il fitto. Ci siamo trovati in concor-
renza con le Oblates de l’Assomption che han fatto di tutto per farci disdire. Abbiamo
affittato. Se non servirà per lo scopo voluto servirà per dare dei legumi a Tournai
perché sono i giardinieri di Tournai che vanno a coltivar l’orto assai importante.
Mi riservo di fare al Cap. Sup. le osservazioni del Consiglio Ispettoriale ri-
guardo al noviziato. Faranno meglio conoscere lo stato preciso delle cose. Il Vescovo
di Tournai era pienamente d’accordo di accettare il Noviziato. Si otterrà senza diffi-
coltà questo consenso per iscritto.
Questo, per ora, solamente perché si sappia che si era pensato a tutto, anche a
scrivere a Roma, per D. Marenco, supponendo affermativo il consenso del Cap. Sup.
... Di questo in altro corriere. C’è qui di passagio D. Scaloni 22.
Rispettosi saluti
J. B.
III
Memoria sull’Ispettoria San Dionigi, Francia Nord
Noviziato
1° Giugno 1906
1° L’Ispettoria S. Dionigi fondata nel 1897 eretta canonicamente col decreto 20
Gennaio 1902 malgrado la dispersione di varie sue case nel 1903 dovuta agli avveni-
menti di Francia continuò a sussistere in faccia alla chiesa ed in faccia alla Congrega-
zione essendo stata ammessa a prender parte al Cap. Gen. del 1904.
2° L’Ispettoria possiede il suo Noviziato eretto con decreto 20 Genn. 1902 e
stabilito a Rueil, diocesi di Versailles.
3° In seguito alla persecuzione di Francia nel 1903 il Cap. Sup. ha benignamen-
te accordato l’ospitalità domandata pel Noviziato nella casa succursale di Avigliana.
4° L’Ispettoria ignora se questo trasloco sia stato significato a Roma e se sia
stato approvato, ma da quel tempo il Noviziato fu sottratto all’Ispettoria, ed i postu-
lanti che l’Ispettoria mandò per essere ammessi al Noviziato furono accettati e poi fe-
cero anche la professione indipendentemente da ogni qualsiasi intervento dell’Ispet-
tore o del suo Consiglio.
5° Nel 1904, malgrado la promessa formale verbale e scritta di continuare a la-
sciare i Novizi francesi ad Avigliana se il loro numero non era inferiore a dieci,
quando già quelli di quell’anno erano arrivati ed in numero di 13 senza nessun preav-
22 Francesco Scaloni (1861-1926), alors inspecteur de Belgique.

5.3 Page 43

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Les crises des inspecteurs de France 49
viso all’Ispettoria quel Noviziato fu semplicemente soppresso ed i 13 Novizzi furono
fusi con quelli di Lombriasco di lingua italiana e tedesca.
6° L’Ispettoria ignora se questa soppressione sia stata approvata dalla S. Sede
come è prescritto. Il personale fu ritenuto.
7° L’Ispettore ed il suo Consiglio non furono ammessi ad intervenire né per
l’ammissione al Noviziato né per l’ammissione alla professione e fu disposto libera-
mente dei soggetti.
8° Gli avvenimenti del 1903 occasionarono all’Ispettoria dei gravi detrimenti
nel suo personale perchè in gran numero i Confratelli furono obbligati di domandare
l’ospitalità in altre case della Congregazione fuori di Francia, ma gli Ispettori delle
case dove questi confratelli erano stati ricevuti, invece di considerarli semplicemente
come ospiti di un’altra Ispettoria li considerarono subito come facenti parte del perso-
nale loro appartenente, e di fatto li ritennero presso di loro. Vedi Inghilterra, Belgio,
Italia, ecc.
9° Malgrado questa perdita e la scissione che il Cap. Superiore fece subire dei
confratelli dell’Algeria 23, l’Ispettoria conta ancora attualmente circa ottanta persone.
10° Visto però il pericolo nuovo che correva l’Ispettoria privata così delle vo-
cazioni del proprio Noviziato nell’interesse particolare di essa il Consiglio Ispetto-
riale nel 1905 deliberò di non più privarsi egli stesso dei proprii novizzi e pregò l’I-
spettore del Belgio di accettare nel Noviziato di Hechtel i novizzi dell’Ispettoria del
Nord pagando la loro pensione, ecc. Così si fece per cinque novizzi. Essi finiranno il
loro Noviziato in ottobre prossimo.
11° Nella sua riunione del mese di aprile 1906 il Consiglio Ispettoriale dopo
maturo esame degli obblighi gravi che incombono, secondo i nuovi formulari nel-
l’ammissione al Noviziato, ai voti ecc. decise di ristabilire il Noviziato nel seno
stesso dell’Ispettoria e ciò per conformarsi: 1° al desiderio della Santa Sede dove dice
che “conviene che ogni Provincia abbia il suo Noviziato particolare”. 2° all’invito del
Rettor Maggiore quando invita gli Ispettori ad avere il loro proprio Noviziato “come
sarà poi bello quando ogni Ispettoria avrà il suo noviziato”.
12° Il Consiglio è di parere che non potrà mai esercitare i suoi diritti ed i suoi
doveri con conoscenza di causa fino a tanto che i Novizzi si trovano in aliena ditione.
13° Crede aver trovato il sito ed il locale che conviene, vicino a Tournay, a
Froyennes. L’opportunità di preferire questo a tutt’altro luogo risulta della prossimità
della frontiera francese, della vicinanza di Lilla centro di un buon numero di benefat-
tori e di amici dell’opera Sal[esiana] e della prossimità della residenza di tre dei Con-
siglieri ispettoriali 24 e dell’Ispettore stesso.
14° Il Vescovo di Tournai benevolo per le opere Sal[esiane] conoscendo perfet-
tamente le nostre condizioni in Francia, consente volentieri che si stabilisca un pic-
colo Noviziato a Froyennes. Il parroco locale e la popolazione sono simpatici.
15° L’Ispettoria non crede sobbarcarsi a nuovi pesi. Col risparmio dei viaggi,
delle pensioni ecc. potrà sostenere la nuova fondazione. Il locale e la casa sono sola-
mente affittati.
16° L’Ispettore provvederà il personale necessario e lo proporrà a suo tempo al
Cap. Sup.
17° Il numero presuntivo dei novizzi pel prossimo anno sarà da 10 a 12.
23 Les maisons d’Algérie, qui avaient été rattachées au Nord lors de la demande d’auto-
risation de 1901-1903, réintégrèrent ensuite le Midi sur l’ordre du chapitre supérieur.
24 Ricardi, Patarelli et Chevet.

5.4 Page 44

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50 Francis Desramaut
18° L’Ispettoria ha sempre dato ogni anno un certo numero di vocazioni alla
Congregazione anche dopo il 1903.
19° La formazione dei novizzi anche a Hechtel non puo’ essere omogenea e
conforme ai bisogni particolari dell’Ispettoria atteso che il maggior numero dei no-
vizzi dell’Ispett[oria] belga sono di lingua tedesca o fiaminga.
20° L’Ispettore col suo Consiglio non crede uscire dai limiti delle sue attribu-
zioni e dei suoi doveri insistendo rispettosamente presso il Cap. Sup. perché lo asse-
condi nella sua domanda.
21° Le ragioni addotte nella lettera del Segr[etario] del Cap[itolo] tendente al
rifiuto dell’autorizzazione domandata sono insussistenti e provano solo che il
Cap[itolo] non era sufficientemente documentato per giudicare della convenienza o
non convenienza in conoscenza di causa.
IV
Paris, le 29/7 [1906]
Rev. D. Albera
J’arrive à l’instant à Paris, je lis votre lettre du 23. Je vous en remercie. Je fais
mes remarques. Si j’ai demandé qu’on veuille bien ordonner une procédure pour me
faire connaître les motifs qui auraient motivé ma déposition tamquam indignus, c’est
dans la congrégation et je ne vous ai pas nommé Rome. Je vous ai dit mon désir de ne
pas occasionner de la peine à qui que ce soit, mais aussi j’ai le droit de me faire dé-
fendre parce que le changement qu’on voudrait projeter, à mon avis, n’a pas de mo-
tifs suffisants et, pour moi, il a tout l’air d’une peine, que je ne puis accepter sans ju-
gement.
Jusqu’à présent personne ne m’a jamais officiellement averti de quoi que ce soit
et j’ai toujours eu la conviction de faire mon devoir et de ne pas m’être écarté des
Règles ni de mon Règlement. Ce n’est pas à coups d’autorité qu’on peu[t] imposer
une manière de voir ou de faire lorsque c’est dans des matières libres. J’ai obéi sans
observations lorsqu’on m’a enlevé de Lille 25, puis lorsqu’on m’a renvoyé de Mar-
seille 26 en laissant à D. Perrot le choix entre le Nord et le Midi. Il me semble que je
m’étais donné assez de mal pour ne pas avoir mérité que le choix lui fût proposé à lui
tandis qu’il ne me restait qu’à partir. Vous vous souvenez en quelles conditions j’ai
pris la Maison de Marseille et puis celle de Paris! Là il y avait, du moins, un motif de
changement tandis qu’en ce moment il n’y en a pas. Ne croyez pas que ma déposition
puisse faire gagner des sympathies envers Turin. Je crois qu’on se fait illusion en
confondant la différence des caractères dans un pays avec l’estime des personnes lors
même qu’elles seraient d’un caractère différent.
Je répète que je n’ai rien fait ni rien entrepris de moi-même sans les dues per-
missions écrites et verbales: je puis le prouver. Je confirme ce que j’ai déjà dit et je
25 En 1892, lorsqu’il fut nommé inspecteur à Marseille.
26 En 1898, lorsqu’il fut désigné pour prendre la succession de don Ronchail, inspecteur
à Paris. Nous apprenons ici qu’on avait laissé à don Perrot le choix entre les deux provinces.
Don Bologne, très connu et très aimé à Marseille, ne l’était pas à Paris.

5.5 Page 45

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Les crises des inspecteurs de France 51
crois pouvoir affirmer que jusqu’ici le Conseil ne paraît pas avoir prévu toute
l’étendue des conséquences qu’entraînerait, en ce moment, mon déplacement. A
Turin je me suis aperçu que j’y étais devenu étranger. En dix jours passés à la porte
des uns et des autres des Membres du Conseil, je n’ai entendu de personne une parole
paternelle et aucun ne m’a découvert le fond de sa pensée. Qu’avais-je donc fait?
Je ne demande pas de faveur mais simplement l’observation exacte de ce que
les Règles, les Règlements et les Normes déterminent et prescrivent. D’autre part en
ce moment j’ai un extrême besoin de toute ma liberté pour la direction de l’Inspec-
tion. J’ai une foule de choses urgentes à traiter dont le retard ne saurait s’expliquer et
serait préjudiciable à beaucoup de personnes. S’il m’est encore permis de prier je le
fais avec toute la force de mon âme pour demander qu’on veuille bien me rendre la
paix de l’âme en laissant les choses telles quelles au moins jusqu’à la fin de mon ses-
sennio, puis qu’on m’abandonne à la grâce de Dieu, parce que, je le répète avec
peine, je ne me sens pas la force de prendre la direction d’une Inspection là où je ne
suis pas connu et où je ne connais plus personne. Je ne puis non plus laisser croire
sans motifs à tous nos confrères français que je serais dans les conditions d’un in-
digne comme une expression de D[on] R[ua] me l’a presque laissé entendre: abbiamo
già smosso quel D. Perrot. Je ne voudrais pas être comparé et je ne puis laisser croire
d’être puni ayant la conscience de ne pas avoir démérité et si l’on crois [pour: croit]
le contraire je demande à être convencu [pour: convaincu] par une procédure. Il doit
y avoir des avis préalables: je ne les ai pas reçus et je ne crois pas les avoir mérités.
Ma ferme intention est de ne donner aucun mauvais exemple à qui que ce soit. C’est
pourquoi je garde pour moi seul ce que j’écris et je ne parle à personne de ce que je
suis forcé d’écrire. Il me faudra cependant avec mon Conseil savoir à quoi m’en tenir,
car je reçois une dépêche m’annonçant que tous les membres vont venir ici pour l’ex-
pédition des affaires en souffrance. Nous traiterons comme si rien n’était survenu. Je
crois être dans le bon droit.
En comparant la conduite des provinces des autres Congrégations et en pensant
à la situation qui sera faite aux Salésiens dans un délai de 10 ou 15 ans, je crois que
l’histoire devra faire des efforts pour légitimer l’intervention actuelle du Chap. Sup.
dans la direction des choses spéciales aux inspections de France. Il faudra leur laisser
leur petite autonomie selon les Règles.
Je termine en demandant à Dieu et à Don Bosco d’éclairer les esprits et
d’adoucir les coeurs en épargnant, pour ce qui me concerne, d’abreuver mes derniers
jours d’amertume et de peine. Je crois ne pas les avoir mérités. Que Dieu nous vienne
en aide.
J’ai le grand désir de ne pas être la cause de peine et d’ennuie [sic] pour per-
sonne et moins encore pour mes Sup rs, mais ils ne doivent pas me sacrifier sans
cause. Je vous prie d’agréer mes sentiments respectueux.
J. Bologne

5.6 Page 46

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52 Francis Desramaut
V
1 Agosto 1906
Caro Don Barberis
Mi si domandano dei chierici con molta insistenza in tutte le nostre case. Mr
Blain 27, Mr Pourveer 28 e Mr Patarelli 29. E’ da notare che non ne rimane più nessuno.
Ve ne saranno sei a la caserma, quattro vi sono già. Gli altri ve li siete tenuti gli anni
scorsi in Italia. Vi prego e vi supplico di restituirci quelli che rimangono ancora ad
Ivrea.30 L’anno scorso vi aveva domandato Moitel 31; non me lo avete lasciato venire
e poi, lo avete dato al Midi. Con tutto il personale che avevamo e che abbiamo conti-
nuato a formare, ora che siamo ridotti ci troviamo sprovisti!
Per ora non sto a scrivere ad altri. Vedete la lettera a M. Blain. Quello che do-
mando è un po’ di diritto, di giustizia.
Mandate pure Auffray 32 per l’affare dell’Almanacco.
Grazie.
Affmo in Dno
J. Bologne
VI
Rue Montparnasse, 9
Paris VIe
Paris, le 2 Août 1906
Rev. D. Albera
In una nota Le diceva che consultando la corrispondenza trovo si tiene sempre
buon conto di quanto scrive anche il Sup. Generale, nel fare talvolta delle osservazioni.
Nel Marzo 1904 D[on] R[ua] mi scriveva: “Son contento che cerchi di tener
viva la memoria del Nostro Caro Padre D. Bosco. Faccia che ciò sia fonte di benedi-
zioni ... (parola di D. Noguier). Non so se ti trovi delle risorse per far fronte alle tue
spese. Sta attento a non caricarti di debiti, del resto va avanti, agitandoli e agitando
per fare quel po’ di bene nelle tue attuali circostanze. Sempre ti accompagnerà colle
sue povere preghiere il
T. aff. in G. C.
M. R.”
Riguardo a Oulx scriveva nel 1° Aprile 1905: “Siamo d’accordo di destinare la
casa di Oulx alle vocazioni tardive francesi ... Promuovi pure questa impresa ... De-
stinare tutta quella casa per loro non sarà possibile, ma vi abbiamo due casegiati se-
27 Michel Blain (1865-1947), qui demandait peut-être de l’aide pour Ruitz.
28 Pour Guernesey.
29 Pour Tournai.
30 Casa della Natività di Maria Vergine, fondée en 1892. C’était l’une des maisons de
noviciat et de scolasticat en Piémont.
31 Paul Moitel (1885-1953), qui sera inspecteur de France-Nord entre 1938 et 1945.
32 Augustin Auffray (1881-1955), le futur auteur d’une biographie très répandue de don
Bosco.

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Les crises des inspecteurs de France 53
parati l’uno dall’altro. Vi potranno stare comodamente gli uni e gli altri.” 33 La do-
manda e la risposta erano che essi fossero in qualche modo autonomi.
D. Rua scriveva il 1° Sett. 1905: “Sono contento che abbiate già un certo nu-
mero di Figli di Maria da mandare ad Oulx. Mi pare che D. Gayde possa essere a pro-
posito per questa casa e che non incontrerà, spero, difficoltà nel Capitolo.”
Come mettere d’accordo quanto sopra con quello che V. S. mi scrive il 22-5-06:
“Ajoutez à cela que le pauvre D. Gayde que vous avez destiné à cette oeuvre, etc.”
Mais c’est le Chapitre qui l’a nommé ... e Directeur, poi gli diede un’obbed[ienza] di
catechista per cui vedendosi cambiar le carte non andò subbito [sic] ma venne a Pa-
rigi. Bisognò ragionarlo ed invitarlo a recarvisi lo stesso. D. Rocca, che io aveva pre-
gato di scamparsi del materiale mi scriveva il 28/9: “Riguardo ad Oulx, manda pure
D. Gayde che così potrà dar mano alla sua opera materialmente. Se non avrà il nome
di Dir[ettore] ... lo sarà poi di fatto.”
Non si deve trovare strano se fra tante affermazioni contraditorie, possano sor-
gere delle osservazioni. V. S. tratta di divergenze nel modo di vedere coi Sup.ri, ma è
difficile sapere quale sia il Sup[eriore] che rappresenta [in] effetti gli altri.
In tutta questa confusione di corrispondenza in contradizione io domando una so-
la cosa di non essere reso responsabile né di averne a subire le conseguenze. La pub-
blicazione detagliata di tutto l’incartamento farebbe poco buona figura. Io ho scritto
sempre agli uni e agli altri, non temo di vedermi in contradizione e neppure in difetto.
Voglio sperare che mi si lascierà tranquillo, le spiegazioni che ho dato bastando
alla buona fede. Ho bisogno di lavorare in pace nelle cose affidatemi e nella condi-
zione che la Regola mi conferisce.
Rispettosi saluti.
J. Bologne.
Per Oulx les prêtres ont soldé leur pension et j’ai parfait la pension de chaque
élève à 33 fr. par mois. Il me revient 65 fr. pour les frais de Mr Gayde, on s’est adjugé
l’argent qu’il avait 150 fr et on a gardé toutes ses affaires 34.
Il ne faudrait pas douter de la sincérité des citations car je pourrai faire voir
l’original ou photographier si besoin est.
J. B.
VII
Rue Montparnasse, 9
Paris VIe
Paris, le 17 8 1906
Révérendissime Père 35
1° Je me suis permis de dire que j’avais fait mes observations et mes réclama-
tions en m’appuyant sur les Normes et les prescriptions de l’Eglise sur les Congréga-
tions et Ordres religieux.
33 Sur cette fondation d’Oulx à l’intention des vocations tardives de France, voir le texte
ci-dessus.
34 Le prêtre Marius Gayde était mort à Oulx le 23 décembre 1905, à l’âge de 46 ans,
après 20 années de profession et 18 de sacerdoce.
35 Recours à don Rua, recteur majeur.

5.8 Page 48

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54 Francis Desramaut
2° Je ne crois pas manquer ni d’obéissance ni de déférence envers les Suprs en
les invoquant là où il me semble être dans le bon droit.
3° Il y est dit qu’un Supérieur local ne peut être déposé de son emploi ni trans-
féré ailleurs avant l’expiration de son temps que pour une raison grave et sans une
procédure fixée (V. Normes § 310).
4° Il y est dit qu’il faut une permission du St Siège ... pour ériger ou modifier
les Provinces (V. n° 259).
5° Conformément aux prescriptions des Normes concernant le transfert du No-
vitiat [pour: Noviciat] à Froyennes, d’accord avec mon Conseil j’ai envoyé une de-
mande motivée le 26 Mai et je n’ai pas encore reçu la réponse. Il me semble que nous
n’avons fait qu’user d’un droit en observant les formes.
6° L’allure qu’on a donné[e] aux délibérations qu’on aurait prises me concer-
nant ont bien toute l’apparence d’une punition. Je ne crois pas l’avoir mérité[e].
Comment se fait-il que pour ces choses si graves et dont 36 plus que tout autre j’aurais
pu donner des renseignements, on ne m’a pas même entendu. J’avais des raisons que
je crois bonnes pour être entendu contradictoirement avec D. Scaloni.
7° Le but qu’on semble poursuivre c’est de détruire l’Oeuvre en France. Re-
marquez ceci: on nous a reçu[s] à Avigliana, puis à Lombriasco, mais, subreptice-
ment, on s’est attribué toute l’autorité de l’Inspecteur; on lui a enlevé le personnel qui
jusque-là dépendait de lui. Don Albera a fait acte d’autorité en tout et la province a
été démembrée et le coup qu’on voudrait lui porter encore finirait pour [lire: par]
l’anéantir. Ce serait vraiment dommage.
8° D’où sont-elles venues toutes les oppositions qui se sont élevées dans le
Chap. Sup.? De ce que j’ai mis de l’insistance à défendre les intérêts de l’Oeuvre en
France; il n’y en a pas d’autres.
9° Je vous ferai respectueusement remarquer que vous-même par vos lettres
vous m’avez toujours approuvé en tout et vous m’avez engagé, il n’y a pas encore
longtemps, à andar avanti agitandomi ed agitando per far un po’ di bene nelle mie
attuali condizioni.
10° Je dois répéter qu’actuellement j’ai une série d’affaires personnelles en
main qu’il m’est impossible d’abandonner. Il faut du temps.
11° Les prêtres que j’avais demandés le cas échéant de Tournai étaient: un pour
être directeur à Froyennes, un pour Ruitz, un pour un patronage à Paris Vaugirard
dont j’ai parlé à V[otre] P[aternité] et un 4e pour Nyon 37.
12° Si vraiment on entend retirer la maison de Tournai, malgré ce que j’ai cru
devoir dire, il faudrait en obtenir un décret de Rome, car, de facto, l’Inspection exis-
tante est modifiée et peut être atteinte dans sa survivance.
13° J’ose espérer que l’on voudra bien trouver une excuse à ma manière de me
réclamer de la protection des Règles de l’Eglise, en considérant qu’on a semblé me
traiter comme si j’avais démérité de la Congr[égation], ce que je ne crois pas.
J. Bologne
36 Traduire: sur lesquelles.
37 En Suisse, où la maison de Saint-Denis avait été transférée.

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Les crises des inspecteurs de France 55
VIII
Rue Montparnasse, 9
Paris VIe
Paris, le 17 Agosto 1906
Revmo Sig. D. Rua
Prendo ancora la libertà di mandare un ricorso 38. Mi sembra di appoggiarmi su
delle regole ben positive. Ho già menzionato i motivi che mi obbligano a servirmene.
Non mi posso proprio dar conto di tanto sfavorevole cambiamento a mio riguardo da
parte dei Superiori. Credo di aver lavorato con buono spirito quanto ho potuto. Se in
Fr[ancia] i Salesiani non hanno poi fatto troppo brutta figura credo avervi dato il mio
debole concorso. Ora, come conclusione, a metà del sessennio, mi si dice di arrivare a
Torino spoglio del passato e del domani come un indegno. Ho bisogno di conservare
la mia buona riputazione, fosse anche solo riguardo a tanti che sono stati nelle case
dove ho dovuto esercitare qualche autorità. Per rendersi conto bisognerebbe immagi-
narsi di essere al mio posto. Mi si giustifichi prima.
Riceva, Signor Don Rua, i miei più profondi rispetti.
povero J. Bologne
IX
Rue Montparnasse, 9
Paris VIe
Paris, le 24 7bre 1906
Vénéré Don Rua
Don Albera est passé par ici 39, nous avons parlé sans rien dire de nouveau. Or
je reçois un mot de lui de Liège; il résulterait qu’on ne tient absolument aucun
compte de toutes les observations que j’ai cru devoir faire concernant la situation et
on maintient purement ma déposition sans me faire connaître les motifs qui ont pu la
provoquer et sans m’entendre. Je n’ai pas de recours, à moins de faire des embarras;
je n’en ai jamais eu l’intention et je ne ferai rien qui puisse faire de la peine à mes Su-
périeurs. Je pense tout de même qu’on agit injustement envers moi. Je crois avoir tra-
vaillé beaucoup dans la Congrégation et ne jamais avoir occasionné aucune peine à
qui que ce soit. Il me semble que les motifs de ma disgrâce ne sont pas d’un ordre
assez relevé. J’ai laissé entendre que c’était peut-être les petits froissements de Don
Albera qui a toujours ambitionné de commander un peu les français et c’est précisé-
ment lui qu’on a envoyé pour m’exécuter. J’aurais certes l’occasion de me faire des
mérites si j’avais plus de vertu.
Je viens donc humblement me mettre entre vos mains comptant que vous serez
un père plus qu’un juge. Il me semble que la mesure prise ne doit pas venir de vous,
car tout ce que j’ai fait je l’ai fait sur vos ordres ou avec votre consentement.
38 C’est-à-dire la lettre précédente datée elle aussi du 17 août 1906. Les deux lettres
étaient réunies dans un même pli.
39 Voyage prévu lors de la séance du chapitre supérieur du 11 septembre précédent.

5.10 Page 50

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56 Francis Desramaut
Je dois vous dire ce que j’ai déjà dit, que je ne puis pas, tout d’un coup quitter
une foule d’affaires que j’ai entre les mains, par ici. De tout ce que j’ai entrepris rien
n’a pu être mis au nom de la Congr[égation] ou de tierce personne à notre nom. Il
faut que je liquide et je me mettrai en train de le faire. Il faudra certes subir de
grandes pertes d’argent: ce sera une petite débâcle morale et matérielle. J’avoue que
je dois faire des efforts pour me rendre compte que tout cela vient des Supérieurs. Je
crois avoir vraiment rendu de grands services à tous les Confr[ères] encore ces der-
niers jours en me chargeant des frais de voyage de tous nos Confrères pour les re-
traites. Nous aurons une page de la chronique française qui sera bien pénible. Après
la débâcle de la loi qui nous a tant coûté, nous subissons celle-ci qui (selon moi) sera
aussi nuisible à la Congr[égation] fr[ançaise].
Don Bellamy 40 m’avait écrit un mot de votre part pour me dire qu’il aurait fallu
faire quelque sacrifice, mais que les choses de l’Inspect[ion] du Nord seraient restées
telles quelles. N’en était-il pas chargé?
J’entends faire ma soumission en tout, si j’ai écrit quelque mot qui ait pu vous
faire de la peine. Dans toutes mes demandes cependant je ne crois pas être sorti du
droit en formant toujours avant ma conscience. Faut-il qu’à partir du 1er 8bre je ne me
considère plus revêtu d’aucune autorité par rapport aux Confrères?
Dans ce cas je resterai pour liquider les affaires comme un simple Confr[ère].
Ayez la bonté de recommander à la Ste Vierge Auxiliatrice de me protéger et
me défendre de tout malheur.
Humble et misérable Serv[iteur]
J. Bologne
40 Charles Bellamy (1852-1911), fondateur de l’oeuvre salésienne en Algérie, qui s’était
réfugié en Italie après l’échec de la demande d’autorisation.