ACGRM416-chavez-vocation-formation-fr


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1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR
__________________________________________________________________________
VOCATION ET FORMATION : un don et un devoir
« Jésus a appelé personnellement ses Apôtres pour qu'ils
demeurent avec Lui et pour les envoyer proclamer l'ÉvangileIl
nous appelle, nous aussi, à vivre dans l'Église le projet de notre
Fondateur comme apôtres des jeunes. Nous répondons à cet
appel en nous engageant dans une formation appropriée et
continue, pour laquelle le Seigneur accorde sa grâce chaque
jour. » (C 96)
1. LA CONSISTANCE ET LA FIDÉLITÉ VOCATIONNELLE, DÉFIS POUR LA FORMATION.-
1.1 Les motivations.- 1.2 Opportunités et défis anthropologiques. Authenticité-liberté. -
Historicité-Expérience. Relations humaines et affectivité.- Postmodernité.- Multi
culturalité-Renoncement.-Fidélité. 2. VOCATION ET FORMATION, UN DON ET UN DEVOIR.
2.1 Vocation : la grâce comme origine. -La vie comme vocation. La vie, Parole de Dieu. - La
vie, réponse due à Dieu. - La vocation, devoir d’une vie. La vocation, mission dialoguée. -La
mission, maison et cause de la formation. 2.2 Formation : la grâce comme devoir. - Identité
charismatique et identification vocationnelle. Objectifs de la formation. 1°. Envoyés aux
jeunes : se conformer au Christ Bon Pasteur. - 2°. Rendus frères par une unique mission : faire de
la vie commune un lieu et un objet de formation. - 3°. Consacrés par Dieu : témoigner de la
radicalité de l’Évangile. - 4°. En partageant formation et mission : animer des communautés
apostoliques dans l’esprit de Don Bosco. - 5°. Au cœur de l’Église : bâtir l’Église, sacrement de
salut. - 6°. Ouverts à la réalité : inculturer le charisme. -Méthodologie de la formation.
1°. Rejoindre la personne en profondeur. - 2°. Animer une expérience de formation unitaire. -
3°. Assurer le cadre de la formation et la coresponsabilité de tous. - 4°. Donner une qualité
formatrice à l’expérience quotidienne. - 5°. Qualifier l’accompagnement dans la formation. -
6°. Veiller au discernement. 2.3 Formation: une priorité absolue. Prière finale.
Bien chers Confrères,
Rome, 31 Mars 2013
Résurrection du Seigneur
Il y a longtemps que je désirais partager avec vous ma réflexion sur le thème de la
vocation et de la formation. Aujourd’hui finalement je peux le faire avec cette lettre qui
entend éclairer la beauté et les exigences de notre vocation et de notre formation et, en
même temps, la situation actuelle de fragilité psychologique, d’inconsistance de la
vocation et le relativisme éthique qui, dans la Congrégation, se manifestent presque
partout. Cette situation met clairement en évidence l’appréciation erronée de la
signification de la vocation et du rôle irremplaçable de la formation pour vérifier
l’aptitude des candidats, pour la consolidation des premiers choix vocationnels et,
surtout, pour la configuration progressive au Christ obéissant, pauvre et chaste, sur les
traces de Don Bosco.
Est vraiment préoccupant le nombre élevé de départs soit de profès temporaires,
durant la période de la profession ou à l’échéance des vœux, soit de profès perpétuels,
soit de prêtres qui demandent la sécularisation pour être incardinés dans les diocèses,
1

1.2 Page 2

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ou qui demandent la dispense du célibat sacerdotal et du ministère presbytéral ou –
hélas ! – qui sont renvoyés.
Il est vrai que la Congrégation comme telle, et le Conseiller pour la formation en
particulier, a fait un gros effort pour assurer la consistance des équipes de formation, la
qualité de la proposition et des itinéraires de formation, la qualification et l’identité des
cursus d’études, la salésianité, la méthodologie de la personnalisation, la formation des
formateurs, l’attention récente à la formation permanente. Le problème continue
cependant à éveiller l’attention, à demander d’approfondir la réflexion et exiger de
courageuses interventions d’animation et de gouvernement à tous les niveaux.
Je suis convaincu que la formation initiale est un devoir inaliénable de la
Congrégation, responsable ultime de l’identité salésienne et de l’unité dans la diversité
des contextes, et qu’en particulier les décisions fondamentales au plan de la formation
reviennent au Recteur Majeur et à son Conseil. Je suis également convaincu que les
Provinces exercent un rôle important en guidant et en soutenant les communautés de
formation et les centres d’études, surtout en vue de l’inculturation de la formation ; et
cela nécessite de leur part un investissement résolu en personnel et en ressources, au
service d’une formation de qualité.
Je pense cependant que c’est surtout la vie ordinaire des communautés apostoliques
locales qui jouent finalement un rôle déterminant. En effet, une formation de qualité
dans les communautés de formation, qui aide les jeunes confrères à grandir selon le
Projet de vie de Don Bosco, ne sert à rien ou à pas grand-chose si ensuite, dans les
communautés locales, on vit selon un style de vie qui ne correspond pas au même projet,
ou qui le déprécie, ou qui le renie même. C’est justement ce manque d’une authentique
« culture salésienne » qui donne droit de cité à des attitudes et des comportements qui ne
conviennent pas à des apôtres consacrés salésiens. Tout cela fait voir que le soin de la
vocation et de la formation implique tous les confrères individuellement, toutes les
communautés locales, toutes les Provinces, l’ensemble de la Congrégation. Outre la
formation initiale, il faut aussi un sérieux engagement pour la formation permanente qui
permet précisément le changement de la culture d’une Province.
Ce n’est pas la première fois que j’attire votre attention sur ce thème délicat de la
formation initiale et du style de vie, de la mentalité, des attitudes et comportements
d’une Province. Je l’avais déjà brièvement présenté dans mon rapport au CG 26, et il ne
me semble pas que la situation ait changé.
1. LA CONSISTANCE ET LA FIDÉLITÉ VOCATIONNELLE, DÉFIS POUR LA
FORMATION
Un des thèmes qui a attiré le plus notre attention dès le début de mon
rectorat a été celui de la consistance de la vocation. Sur ce thème, le Conseil
Général a mené une réflexion qui s’est exprimée dans une orientation du
Conseiller pour la formation.1 Ce sujet a ensuite été repris par l’Union des Supérieurs
Généraux (USG) qui y a consacré deux Assemblées Semestrielles.2 « Cela indique bien
que ce problème intéresse tous les Ordres, toutes les Congrégations et tous les Instituts,
aussi bien de vie apostolique que contemplative. L’étude faite a révélé une multiplicité de
1 Cf. F. CEREDA, La fragilité de la vocation. Amorce d’une réflexion et propositions d’intervention, in
ACG 385 (2004), pp. 34-53.
2 Cf. USG, Fidélité dans la vocation. Une réalité qui interpelle la vie consacrée. Rome 23-25
novembre 2005; USG, Pour une vie consacrée fidèle. Défis anthropologiques de la formation. Rome
24-26 mai 2006.
2

1.3 Page 3

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causes à la base de la fragilité psychologique, de l’inconsistance de la vocation et du
relativisme moral.
Pour une plus grande prise de conscience de la part de tous, je crois utile de vous
présenter la situation des entrées et des sorties dans la Congrégation, aussi bien durant
la formation initiale que durant la formation permanente, au cours de la dernière
décennie :
Formation initiale
Année Novices Novices
(3)
sortis
Nouveaux
profès
2002 607 137
2003 580 111
470
2004 594 118
469
2005 621 151
476
2006 561 137
470
2007 527 110
424
2008 557 121
417
2009 526 109
436
2010 532 125
417
2011 414 40
407
2012 480
374
Profès
temporaires
sortis
231
225
211
237
227
200
216
225
222
185
174
Nouveaux
profès
perpétuels
249
254
281
249
260
219
220
265
177
231
262
Nouveaux
profès
perpétuels
clercs
217
221
242 +1P
219 +2P
221 + 2P
205
200
246
161 +1P
210 + 1P
237
Nouveaux
profès
perpétuels
coadjuteurs
32
33
38
28
37
14
20
19
15
20
25
Nouveaux
prêtres
262
218
203
230
192
175
222
195
203
206
189
Formation permanente
Année
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Profès
perpétuels
clercs
sortis
8
10
14
11
13
15
8
12
9
Profès
perpétuels
coadjuteurs
sortis
12
14
15
15
10
11
6
13
9
Dispense
célibat
diacres
3
4
3
1
3
3
5
2
1
Dispense
célibat
prêtres(4)
15
11
20
15
27
18
18
9
11
Exclaus-
tration
18
10
14
10
11
9
5
6
0
Sécularisa-
tion
expérience
préalable
7
3
9
9
11
12
12
14
29
Sécularisa-
tion
définitive
11
10
12
10
11
18
14
10
8
Renvois
24
25
26
26
26
24
24
36
38
3 Pour lire les trois premières colonnes, tenir compte des remarques qui suivent. Les novices
entrés en une année déterminée font la première profession l’année suivante ; le nombre des
novices partis résulte donc de la différence entre les novices entrés en une année déterminée et
ceux qui ont fait profession l’année suivante. Par exemple : en 2002 sont entrés 607 novices et en
2003, 470 ont professé ; la différence entre les novices entrés en 2002 et ceux qui ont professé en
2003 totalise donc 137 novices ; ce chiffre est reporté sur la ligne «novices partis » concernant
l’année 2002. En 2012, sont entrés 480 novices ; mais nous ne saurons le nombre des nouveaux
profès, et donc celui des novices partis, qu’à la fin de 2013.
4 Pour la lecture des colonnes concernant les dispenses du célibat, les sécularisations et les
renvois, les chiffres ne concernent pas ceux pour qui, en une année déterminée, a été présentée la
demande mais ceux pour qui en cette année-là, la démarche est arrivée à sa conclusion.
3

1.4 Page 4

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2011 10
12
3
11
3
17
11
30
2012 8
11
1
33
4
23
15
29
Novices répartis selon les Régions
Année Amérique Amérique Europe
Cône Sud Interamérique Ouest
2002 76
110
11
2003 69
111
6
2004 86
98
12
2005 97
92
14
2006 76
88
3
2007 76
97
6
2008 58
105
4
2009 64
91
8
2010 40
73
1
2011 46
46
7
2012 43
63
3
TOT 731
974
75
Italie
Moyen
Orient
43
27
25
18
22
22
18
24
18
15
21
253
Europe Afrique Asie Est
Nord Madagascar Océanie
71
55
80
59
84
79
51
92
84
71
95
74
47
92
75
51
94
73
48
100
89
40
89
64
55
114
93
29
94
60
38
107
69
560
1016
840
Asie
Sud
135
144
145
160
158
108
135
146
138
117
136
1522
Le soin des vocations et la formation ont toujours dû affronter des défis
anthropologiques, sociaux et culturels. Cela signifie simplement qu’aujourd’hui nous
avons affaire à un type de défis qui réclament de nouvelles solutions, justement parce
que nous nous trouvons face à un jeune culturellement nouveau, qui a de la difficulté à
choisir et à considérer qu’un choix puisse être définitif ; qui a de la peine à persévérer et
à vivre dans la fidélité ; qui ne comprend pas la nécessité de l’ascèse et des
renoncements ; qui fuit la souffrance et la peine qu’il faut se donner. Il sent le besoin de
s’affirmer au plan professionnel et économique ; il désire indépendance et protection à la
fois ; il trouve difficile d’apprécier le célibat et la chasteté malmenés par les images
diffusées par les moyens de communication sociale ; et – last but not least – le jeune vit
un analphabétisme de la foi et une expérience pauvre de vie chrétienne.5 À côté de ces
aspects de faiblesse, les jeunes présentent certainement des ressources et des attitudes
positives : la recherche de relations interpersonnelles significatives, l’attention à
l’affectivité, la disponibilité et la générosité dans l’engagement gratuit et dans le
volontariat, la sincérité et la recherche d’authenticité.
La formation à la fidélité à Dieu, à l’Église, à son propre Institut, aux destinataires
commence déjà au moment de la sélection des candidats. Il faut miser davantage encore
sur des personnalités « proactives », c’est-à-dire ayant l’esprit d’entreprise et d’initiative,
capables de faire des choix libres et d’organiser leur vie autour de ces choix, sans
contraintes externes ni internes. À cela s’ajoute la nécessité d’un discernement qui doit
avoir un double point de référence : d’un côté, une critériologie concernant l’aptitude,
partagée par l’équipe des formateurs et, de l’autre, une présence claire chez le candidat
de qualités qui favorisent l’identification à un projet évangélique de vie. Cela demande
d’organiser toujours plus la formation sur la personnalisation, entendue comme
approfondissement des motivations, assimilation personnelle de valeurs et
comportements conformes à la vocation consacrée salésienne, accompagnement qualifié
de la part des formateurs.
5 Cf. E. BIANCHI, Vie Religieuse et Vocations aujourd’hui en Europe Occidentale, Réflexion adressée à
150 Jésuites réunis à Bruxelles le 1er mai 2007.
4

1.5 Page 5

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Dans la Ratio et dans Critères et Normes, nous avons deux documents très précieux,
fruit de l’expérience et de la pratique de la formation dans la Congrégation, des apports
des sciences humaines, de la comparaison avec les « Ratio » des autres Ordres,
Congrégations et Instituts religieux, mais qui, malheureusement, ne sont pas toujours
bien connus et appliqués par toutes les équipes de formation. On peut se tromper dans
d’autres domaines mais non pas dans celui de la formation, parce que cela signifie
abîmer des générations de Salésiens, hypothéquer la mission et compromettre
l’Institution elle-même. On ne doit pas oublier que l’identité, l’unité et la vitalité de la
Congrégation dépendent, dans une grande mesure, de la qualité de la formation et du
gouvernement aux différents niveaux : local, provincial et congrégationnel.
Il vaut la peine de se souvenir de nouveau et de mieux expliciter que la formation est
une tâche de la Congrégation qui confie aux Provinces le devoir de la réaliser en
s’assurant des conditions qui la rendent possible en personnel, en structures et en
ressources. Le désir d’une Province de vouloir avoir toutes les étapes de la formation en
son sein ne se justifie donc pas ; que l’on réfléchisse plutôt à la responsabilité de former
le Salésien que demandent aujourd’hui la Congrégation, l’Église et les jeunes. Il y a
encore des résistances à des expériences interprovinciales de communautés de
formation ; même si elles ne peuvent pas assurer une bonne formation par manque de
confrères en formation ou manque de formateurs, certaines Provinces insistent pour
vouloir se débrouiller toutes seules. Je répète que la formation est une question de
compétence congrégationnelle et non seulement de responsabilité provinciale ; les
personnes sont le don le plus précieux de la Congrégation qui confie la réalisation
concrète de la formation initiale à des Provinces, des groupes de Provinces ou des
Régions. D’où l’urgence inéluctable de bien soigner les communautés de formation
initiale, de qualifier les centres d’études, de préparer des formateurs et non seulement
des professeurs, mais d’assurer aussi la vitalité de toutes les communautés de la
Province, la qualité de la foi, la radicalité de la sequela Christi de chaque confrère.
1.1 Les motivations
Le point de départ est souvent une conception fausse de la vocation qui est parfois
identifiée à un projet personnel motivé par un désir d’autoréalisation, une sensibilité
sociale pour les plus pauvres ou une recherche de vie tranquille, sans engagement
important et sans le don total de soi-même, inconditionnel, à Dieu et à la mission en
communauté.
Ces motivations ne sont pas valables, ou au moins sont-elles insuffisantes, pour
pouvoir accueillir le don de la vie consacrée ; elles ne sont pas toujours des expressions
de foi, mais de volontarisme (« je veux être religieux », « j’ai décidé de devenir salésien»,…)
ou de sensibilité sociale (« je me sens appelé à servir les pauvres, les enfants de la rue,
les indigènes, les immigrés, les toxicomanes,… ») ou de recherche de sécurités.
On oublie que c’est seulement à la lumière de la foi que la vie se découvre comme
vocation et que, à plus forte raison, l’appel à la vie consacrée n’est possible que dans la
perspective de la foi dans le Seigneur qui appelle ceux qu’il veut à demeurer avec lui, à le
suivre, à l’imiter, pour les envoyer ensuite prêcher. Ainsi la sequela Christi et l’imitatio
Christi deviennent-elles les éléments caractéristiques de la vie des disciples et des
apôtres de Jésus ; et c’est précisément en marchant derrière Lui et en cherchant à
reproduire ses attitudes à Lui que nous nous identifions à Lui jusqu’à la pleine
configuration à Lui.
5

1.6 Page 6

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Il est vrai qu’au début il peut y avoir des motivations absolument pas valables, et
donc insuffisantes, pour justifier et rendre possible un choix radical de vie toute centrée
sur Dieu, sur le Seigneur Jésus et son Évangile, sur l’Esprit. La tâche d’une vraie
formation est d’aider à identifier, filtrer, discerner les motivations, puis les purifier et les
faire mûrir de manière qu’elles aient Dieu et sa volonté comme valeur suprême.
Cette tâche inévitable est très délicate ; en effet, beaucoup de motivations sont
inconscientes ; cela amène le candidat à exprimer des motivations qu’il a ressenties et
apprises, sans pouvoir connaître et faire connaître ses motivations réelles. Il ne faut pas
oublier que l’Évangile parle d’un homme qui, après avoir été guéri par Jésus, avait
exprimé le désir de demeurer avec lui ; le Seigneur ne le lui a pas permis mais lui a dit :
«Rentre chez toi, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi
dans sa miséricorde. » (Mc 5,19)
Outre cela, il faut considérer aussi la culture qui caractérise les nouvelles
générations. L’Union des Supérieurs Généraux a consacré deux Assemblées à ce thème.
Dans la première, elle a cherché à mieux connaître le profil des jeunes qui frappent
aujourd’hui aux portes de la Vie Consacrée, les valeurs auxquelles ils sont le plus
sensibles, les défis qu’ils lancent à la formation et qui peuvent être transformés en
opportunités de formation. Dans la seconde, il y a eu une approche du thème de la
fidélité qui n’est pas identifiable avec la persévérance ; en effet, il arrive parfois que
certains religieux persévèrent, dans le sens où ils restent, alors qu’ils feraient mieux de
quitter l’Institut ; la fidélité, ce n’est pas seulement rester fidèle extérieurement à une
profession faite au Seigneur mais s’engager à vivre quotidiennement ce que l’on a
professé.
1.2 Opportunités et défis anthropologiques
Au cours de l’Assemblée de l’USG de mai 2006, j’ai été invité à présenter une
réflexion sur les défis anthropologiques lancés à la fidélité vocationnelle de la vie
consacrée, réflexion que j’estime important de vous proposer. Dans la manière de
percevoir l’humain et ses possibilités, il y a des éléments constants qui constituent,
pourrait-on dire, une vision interculturelle et prédominante. Le bonheur et la réalisation
de soi, les désirs et les aspirations, les affections et les émotions sont des opportunités et
des défis. Ces aspects anthropologiques, quoique se présentant comme des défis, sont
indispensables à toute vie consacrée qui se veut pleinement humaine et donc crédible. Ils
constituent la base pour une bonne formation à la fidélité dans la vocation.
Authenticité
La situation anthropologique actuelle offre à la vie consacrée l’opportunité d’une
nouvelle authenticité. En effet, la culture d’aujourd’hui, spécialement la culture des
jeunes, apprécie l’authenticité. Les gens veulent nous voir heureux. Ils veulent voir que
ce que nous disons est en accord avec ce que nous faisons, et que nos paroles sont
véridiques.
L’authenticité est une véritable opportunité car elle a du poids sur la générosité et le
désir de fraternité des jeunes, sur le don de soi et la joie de la rencontre, qui sont des
dynamismes très enracinés et forts pour grandir dans la vie consacrée véridique et dans
l’amour qui se donne. Elle stimule et encourage les membres les plus anciens de nos
communautés à être de vrais modèles attrayants et provocants, à vivre l’amour pour le
Christ qui leur a inspiré d’embrasser la vie consacrée et de comprendre qu’ils ont un rôle
à jouer dans la formation des jeunes générations. L’authenticité exige une attention à la
dimension humaine du consacré et de la vie quotidienne de la communauté.
6

1.7 Page 7

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L’authenticité est aussi un défi car elle requiert de revenir à l’essentiel, surtout de
dépasser la fonctionnalité qui réduit la vie consacrée au rôle à jouer, à la charge à
remplir ou à la profession à exercer, empoisonnant la passion du don de soi au Christ et
à l’humanité. Elle requiert chaque jour la conversion et le renouveau de nos
communautés, et la compréhension des conseils évangéliques comme voie pour la pleine
réalisation de la personne. L’authenticité défie la vie consacrée qui est menacée chaque
jour par le piège de la médiocrité et de l’inertie, par le danger d’épouser les valeurs du «
monde » et de s’y conformer.
Liberté
Être une personne veut dire tenir sa vie en main, c’est-à-dire décider ce que l’on veut
faire de sa vie. La liberté est la responsabilité de se construire, elle est possibilité, elle est
avenir.
La liberté est une opportunité car c’est seulement à travers elle que l’on arrive à
l’intériorisation des valeurs et à la personnalisation des processus de formation et donc à
la maturité véritable.
La liberté est aussi un défi car elle demande de savoir conjuguer autoréalisation et
projet, autoformation et accompagnement, y compris l’accompagnement spirituel. Il est
nécessaire de donner aux jeunes tout le temps nécessaire pour croître et arriver à la
maturité, à leur rythme ; il n’y a pas toujours correspondance et cohérence entre les
étapes canoniques et les étapes de la maturité et de la décision personnelle. À
l’ordination presbytérale et à la profession perpétuelle ne correspond pas toujours le
choix personnel, convaincu et mûr ; il faut donc des formateurs capables d’une
formation personnalisée.
Historicité
L’homme est un être in fieri (en devenir) et la société est en continuelle évolution. La
personne se construit dans le temps ; son autobiographie est le fil qui connecte la
diversité des expériences. Le récit de l’histoire de sa propre vie assure son identité
personnelle.
L’historicité est donc une opportunité car elle nous fait reconnaître que notre vie est un
chemin et notre formation un processus qui ne finit jamais. La vie est autoréalisation et
construction de soi. La vie est une musique continuelle qui s’étend entre la formation
initiale et la formation permanente. Et les changements de la société poussent la vie
consacrée à un continuel renouvellement et à une continuelle adaptation ; ils l’invitent à
se redire elle-même avec le langage de l’homme d’aujourd’hui.
L’historicité est aussi un défi car elle requiert que la formation, comme formation
permanente, anime et oriente toute la formation initiale ; il n’est pas suffisant de miser
sur les jeunes et sur leur formation ; il faut remettre en mouvement toutes les
communautés et tout l’Institut, encourageant tous ses membres à revivre « l’amour
d’avant », la passion de la vocation qu’ils avaient au début de leur vie consacrée. Le
chemin de leur vie personnelle risque aussi de se replier de façon narcissique sur soi-
même et de ne pas s’ouvrir au don de soi. Dans un monde qui change et qui n’a pas de
centre, c’est la fragmentation qui domine ; la formation doit alors servir à unifier la
personne et à bien la centrer sur l’essentiel qui est de marcher à la suite du Christ.
7

1.8 Page 8

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Expérience
Aujourd’hui il est nécessaire de dépasser une formation par trop « théorique » (qui
serait une simple vue de l’esprit) qui prétende intérioriser des contenus vitaux sans en
faire l’expérience et sans les intégrer dans le vécu quotidien. Il y a un grand désir
d’expériences ; on recherche les expériences les plus palpitantes ; on veut faire ses
propres expériences.
L’expérience est une opportunité car lorsqu’on apprend à partir de la vie, la formation
devient plus personnalisée, plus concrète et plus profonde. Elle est une nécessité pour
tous et pas seulement pour les jeunes ; même les confrères plus âgés ont besoin d’une
expérience forte et authentique de Dieu, du charisme, des pauvres, de relations
fraternelles et communicatives.
L’expérience est aussi un défi car elle peut devenir une fin en elle-même, alors que l’on
devrait faire, au contraire, l’expérience des valeurs. Les différentes expériences peuvent
être fragmentaires et disjointes ; l’aide d’un guide spirituel est donc nécessaire pour
faciliter l’unification des expériences et promouvoir l’intériorisation des valeurs. Il ne
s’agit pas de faire beaucoup d’expériences mais d’en choisir peu et bien préparées, des
expériences fortes qui réclament une attention pédagogique afin que les expériences
ponctuelles deviennent une expérience personnelle.
Relations humaines et affectivité
Dans la culture actuelle, on sent un grand besoin de relations humaines
authentiques. Il y a chez les jeunes une grande soif de fraternité et d’amitié, de relations
informelles et affectueuses ; mais les adultes aussi recherchent des relations
enrichissantes significatives. Pour pouvoir être prophétie, la vie fraternelle doit avoir
quelque chose à dire sur la capacité de tisser des relations, elle doit être attrayante avec
un visage humain, elle doit être capable de créer un climat familial.
Le désir de la rencontre constitue certainement une opportunité car se mettre en route
pour un approfondissement des relations humaines personnalise la fidélité et permet
d’en inviter d’autres à entrer dans un vrai rapport d’authenticité et de communication,
mais surtout d’amour et d’engagement avec la personne de Jésus-Christ. La fraternité
conduit à avoir plus d’attention pour les aspects quotidiens du vivre ensemble.
Cependant on sent aussi la nécessité d’élargir les relations et de veiller aux affections.
La fraternité constitue aussi un défi car elle exige de miser sur la conversion et sur le
renouveau de nos communautés. Quel climat humain le jeune candidat trouve-t-il dans
nos communautés et quelle qualité de communication trouvent les confrères plus âgés ?
Il s’agit d’un défi qui présente le problème du comment « régénérer » les communautés,
spécialement quand elles vieillissent. C’est un défi car il n’est pas facile de trouver des
formateurs équilibrés et capables de l’approche personnelle, qui sachent éviter
l’individualisme et offrir un accompagnement personnel et spirituel plein de sagesse. Il
est difficile aussi de construire l’équilibre émotionnel et affectif dans ses propres relations
et dans son propre vécu.
Post modernité
Pour être prophétie pour le monde postmoderne, la vie consacrée doit savoir susciter
de la fascination et faire redécouvrir sa beauté.
8

1.9 Page 9

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En général, la confrontation avec la culture postmoderne est une opportunité pour
proposer les valeurs de la vie consacrée comme stimulant, purification et alternative aux
valeurs du monde : par exemple, la fidélité dans une culture qui vante l’infidélité ; la vie
de foi dans une société sans référence aux valeurs religieuses ; l’optimisme et l’espérance
dans un monde plein de peurs. Elle est aussi une opportunité pour orienter la
générosité des jeunes, leur soif de fraternité, leur désir de se réaliser, leur recherche de
Dieu.
La confrontation avec la culture postmoderne est aussi un défi car la culture
dominante des médias promet un bonheur faux mais attrayant ; il nous revient de
proposer, surtout aux jeunes, une expérience personnelle et authentique du Christ et de
démontrer en paroles et en actes que la vie consacrée favorise la pleine réalisation de la
personne. Il faut une nouvelle actualisation charismatique, prophétique et crédible ; en
même temps, il faut un nouvel équilibre charismatique entre la fraîcheur de son
renouveau et ses expressions historiques.
Multi culturalité
Nous vivons dans un monde qui devient toujours plus un « village planétaire » : de
l’individualisme culturel on est en train de passer à la rencontre, non sans résistances,
de divers mondes culturels. C’est un monde caractérisé par la globalisation, par la
rapidité des changements, par la complexité, par la fragmentation et par la
sécularisation. La personne consacrée voit en tout cela l’action de l’Esprit de Dieu qui,
dans chaque situation, œuvre où il veut, comme il veut et quand il veut.
La diversité culturelle est une opportunité car elle favorise la solidarité, l’accueil de la
diversité, des expériences de volontariat, l’empathie envers les pauvres, le respect
écologique, la recherche de la paix. Elle favorise aussi l’internationalisation et
l’expérience d’universalité des communautés de vie consacrée comme disponibilité au
service là où il est requis. De cette manière, le charisme s’enrichit. Il favorise chez les
jeunes générations des dynamismes de connaissance, d’accueil et de dialogue.
La diversité culturelle est aussi un défi car il est difficile pour la majorité des
personnes consacrées d’entrer dans l’expérience de la multi culturalité. Se fait jour la
nécessité de repenser le langage et la manière de transmettre les valeurs dans des
mondes anthropologiques éloignés et étrangers entre eux. Former à la fidélité dans un
monde en perpétuelle mutation et culturellement pluridirectionnel, rendre possible une
vie de foi dans une société fondamentalement sans références aux valeurs religieuses et
chrétiennes rend difficile le travail de formation qui doit être permanent et ouvert aux
expériences interculturelles.
Renoncement
Le renoncement fait essentiellement partie de la vie et donc aussi de la vie consacrée;
quand il est assumé positivement, il devient alors une expérience libératrice et
enrichissante. On ne peut pas tout choisir même si ceux qui vivent par amour et
choisissent l’amour vivent une expérience totalisante.
Le renoncement est une opportunité pour vivre notre vie consacrée avec authenticité
et pour en faire une vraie « thérapie spirituelle » pour l’humanité. Il purifie et rend
authentique l’amour.
9

1.10 Page 10

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Le renoncement est aussi un défi car la vie consacrée offre un créneau privilégié de
vie, épargnant souvent à la personne consacrée les problèmes et les fatigues de la vie
ordinaire. Bien plus, la tentation de la consommation, la vie confortable, le bien-être, les
voyages, la possession de « médias personnels » touchent les personnes consacrées dans
toutes les cultures. Il faut revenir à l’essentiel dans notre vie et dans les structures. Pour
les jeunes surtout, mais pas seulement, le renoncement peut faire problème. Nous
devons les aider à comprendre qu’il ne s’agit pas de sacrifier quelque chose mais de
choisir quelque chose, mieux, Quelqu’un : le Seigneur Jésus et se mettre à sa suite. En
lui se trouve totale liberté, joie et réalisation. Cela signifie être ouvert et permettre que
Jésus entre dans notre vie et y occupe la première place ; nous sommes prêts à nous
libérer de conditionnements qui peuvent nous empêcher de faire et de vivre ce choix
radical.
Fidélité
La fidélité est l’évidente conséquence de l’option que la personne consacrée fait pour
Dieu, suscitant dans sa vie le feu de la passion pour Lui et pour le Seigneur Jésus,
jusqu’à donner définitivement sa propre vie.
La fidélité est une opportunité car elle rend toujours plus profond et personnalise le
rapport avec le Seigneur Jésus et son Royaume. Elle permet de témoigner de Dieu
comme valeur absolue et permanente, valeur qui demeure solide dans le tourbillon des
changements culturels. Elle aide à voir positivement le monde et à percevoir les
expériences positives de fidélité dans la famille, dans la communauté, dans l’Église,
comme l’action de l’Esprit dans l’histoire. Elle permet aussi de voir le sens des sacrifices
que la personne consacrée est appelée à faire.
La fidélité est aussi un défi car elle est ébranlée par la situation fragmentaire et
fugace de la culture actuelle. En ce sens, elle a besoin d’être constamment accompagnée,
de façon personnelle et communautaire, pour passer du narcissisme à une mort à soi-
même dans la suite du Christ. D’autre part, la fidélité ne peut pas en rester seulement
au niveau des idées ; elle doit être une fidélité vivante, de rencontre avec le Christ, une
fidélité qui intéresse tout l’être et fait passer la personne consacrée des « expériences »
fragmentaires à l’« expérience » fondatrice. En outre, la fidélité de la personne consacrée
est un défi permanent à approfondir, défi contenu dans cette question quotidienne : à
qui suis-je fidèle ? La fidélité est un défi qui requiert la création de communautés fidèles
qui engendrent de la fidélité, qui aident à passer de la superficialité à la racine profonde
de la fidélité, qui construisent et rénovent la fidélité charismatique et qui connaissent le
chemin et la dynamique des processus de cette fidélité. Celle-ci n’est plus considérée
comme une réalité qui dure toute la vie mais qui peut exister seulement comme fidélité
« pour un temps » ; c’est pour cela que dans certaines Congrégations revient souvent la
question de savoir si l’on peut envisager d’incorporer un type d’engagement temporaire
dans la vie consacrée. Sur ce point, nous autres Salésiens, nous sommes prononcés
contre. Il nous semble plutôt que l’on doive former les confrères de manière à les rendre
capables d’un don total d’eux-mêmes au Seigneur pour toujours.
Il n’y a pas de doute que la richesse et la diversité de l’humain aujourd’hui offrent de
grandes opportunités de valorisation et de nouvelles tâches de formation pour la vie
consacrée. Cela ne rend pas vain l’apport déterminant de la grâce et de l’Esprit qui
agissent justement dans le dynamisme psychologique et anthropologique de la personne.
La formation veillera donc à satisfaire l’Esprit, précisément à partir de ces expressions de
l’humain pour les mener à leur maturité et à leur plénitude.
10

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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2. VOCATION ET FORMATION, UN DON ET UN DEVOIR
Se pose la question suivante : pourquoi devons-nous nous engager à former ceux que
Dieu appelle et qu’il nous envoie ? Justement parce que dans la Congrégation, nous les
considérons comme un don de Dieu aux jeunes, nous prenons grand soin d’eux et nous
sentons la responsabilité de les aider à être à la hauteur de la vocation qu’ils ont reçue.
Essayons donc de mieux approfondir les deux éléments inséparables d’un véritable
appel, c’est-à-dire la vocation et la formation, le don et le devoir qui sont comme deux
faces de la même médaille.
Le premier des articles que les Constitutions consacrent à la formation présente une
affirmation fondamentale, véritable profession de foi, formulée du point de vue de la
personne appelée : «Nous répondons à cet appel [de Jésus] en nous engageant dans une
formation appropriée et continue » (Const. 96).6
Les Constitutions entendent donc la formation comme une réponse à la vocation.
Elles ne l’identifient pas avec la longue période qui précède l’intégration pleine et
définitive à la mission commune ni, encore moins, ne la réduisent à un simple temps
d’études, religieuses et professionnelles, auquel il faut se dédier comme préparation
spécifique en vue de la mission personnelle. Tout ce que l’on doit faire pour reconnaître,
assumer et s’identifier au projet auquel Dieu nous appelle est formation : « La formation,
c’est l’accueil joyeux du don de la vocation et sa réalisation en chaque moment et
situation de la vie. »7 La formation est, pour ainsi dire, l’état de vie dans lequel entre qui
se sent appelé par Jésus à rester avec lui pour pouvoir ensuite être envoyé par Lui (Cf.
Mt 3,13).
En nous appelant, Dieu nous a identifiés. Et nous lui répondons de façon appropriée
seulement quand nous nous identifions à son appel. L’identité salésienne ne se conforme
donc pas à ce que nous sommes déjà ni à ce que nous désirons être ; elle coïncide plutôt
avec Son projet, avec ce que Lui veut que nous devenions. Eh bien, s’identifier avec ce
que Dieu veut de nous, voilà l’objectif de toute formation. Salésien, sois ce que tu es
appelé à être ! L’appel de Dieu, qui est une grâce imméritée, précède et motive l’effort de
s’adapter à cet appel ; et c’est en cela que consiste fondamentalement la formation «pour
laquelle le Seigneur accorde sa grâce chaque jour » (C 96) : vocation et formation sont
deux formes de réalisation en nous de la grâce ; la vocation, c’est la grâce d’être appelé,
qui précède, accompagne et requiert la formation ; la formation, c’est la grâce de devenir
digne de la vocation, qui doit être cultivée, entretenue et toujours plus approfondie.
2.1 Vocation: la grâce comme origine
«Notre vie de disciples du Seigneur est une grâce du Père qui nous consacre par le don
de son Esprit et nous envoie pour être apôtres des jeunes. » (C 3)
La vocation n’est jamais un projet personnel de vie qu’un individu réalise avec ses
propres forces ou alimente de ses plus beaux rêves ; elle est plutôt un appel par Celui qui,
en le précédant et en le transcendant, propose à l’élu un but qui va au-delà de lui-même et
de ses possibilités. Dans le premier cas, la personne sent l’envie et l’enthousiasme de faire
quelque chose dans sa vie ou, mieux, se propose – croit en être capable – de faire quelque
chose de sa vie. Dans le second cas, il se sent désiré pour faire quelque chose de sa vie,
6 « Répondre à l'appel signifie vivre dans une attitude de formation” (Le Projet de vie des salésiens
de Don Bosco. Guide de lecture des Constitutions salésiennes, Rome 1986, p. 682).
7 La Formation des Salésiens de Don Bosco [FSDB], Rome 2000, 1
11

2.2 Page 12

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quelque chose qu’il pourra imaginer et repérer seulement s’il répond à l’appel personnel. Se
croire appelé signifie se savoir choisi (Cf. Jn 15,16). «Le primat de l'amour lui [à Dieu]
revient. La sequela Christi est seulement une réponse d'amour à l'amour de Dieu. Si
"nous aimons" c'est "parce qu'il nous a aimés le premier" (1Jn 4, 10.19). Cela signifie
reconnaître son amour personnel avec cette intime conviction qui faisait dire à l'Apôtre
Paul: "Le Fils de Dieu m'a aimé et s'est livré pour moi" (Ga 2, 20). » 8
La vie comme vocation
« La vie de toute personne est vocation et elle doit être comprise, accueillie et réalisée
comme telle ».9 Avant de connaître, dans l’appel, le destin de sa propre vie, avant de se
reconnaître appelé à faire quelque chose de sa propre vie, le croyant sait qu’il est appelé par
Dieu du simple fait qu’il vit : « Il nous a faits, et nous sommes à lui », reconnaît le
psalmiste (Ps 99[100],3).
La vie, Parole de Dieu
La vie, sa propre existence, est Parole de Dieu et, en même temps, la réponse due à son
Dieu. C’est ce que nous rappelle l’histoire d’Anne, la mère de Samuel, qui demande un fils ;
quand elle le reçoit, elle sent que ce fils appartient à Dieu et, en effet, elle l’amène au
Sanctuaire de Silo pour « être présenté au Seigneur ; et il restera là pour toujours » :
« C'est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l'a donné en réponse à ma
demande. À mon tour je le donne au Seigneur. Il demeurera donné au Seigneur tous les
jours de sa vie. » (1 Sam 1,22.27-28). En appelant l’homme, Dieu l’a appelé à l’existence ;
la personne appelée est obligée de répondre : avec la vie qu’il accorde, Dieu nous a
imposé le dialogue comme mode d’existence en sa présence. Étant image d’un Dieu qui
nous a pensés en dialoguant avec lui-même, nous pourrons vivre seulement en dialogue
avec ce Dieu. La vie, c’est Dieu qui se prononce en notre faveur et qui exige donc que
l’homme se prononce en sa faveur ; ce n’est pas un hasard si nous sommes nés de rien à
l’intérieur d’un colloque divin : celui qui nous a imaginés en dialoguant avec lui-même a
pu nous considérer son image pour que nous puissions dialoguer comme Lui et avec
Lui.
« Du moment qu’il est appelé à la vie par Dieu, le croyant reconnaît que sa présence
dans le monde n’obéit pas à une décision propre : ne vit pas qui veut, qui l’a désiré, mais
celui qui a été désiré et aimé… Précisément parce que la vie est due à la volonté divine,
on ne peut pas vivre en dehors de sa volonté : qui n’existe pas de sa propre volonté ne
devra pas exister comme bon lui semble ; la vie qui lui a été accordée comporte des
limites à respecter (Gn 2,16-17) et des devoirs à remplir (Gn 1,28-31). L’homme biblique,
par le simple fait de vivre, se sait appelé par Dieu et responsable devant lui : il vit parce
que Dieu l’a voulu et pour vivre comme Dieu le veut… ; il sait qu’il est vivant parce qu’il a
été appelé par Dieu, il sait qu’il vivra s’il demeure fidèle à cette vocation (Gn 3,17-19) ».10
Et c’est ainsi que, en nous identifiant avec l’appel de Dieu nous trouvons notre bien et
rencontrons notre liberté : «Chacun trouve son bien en adhérant, pour le réaliser
pleinement, au projet que Dieu a sur lui: en effet, il trouve dans ce projet sa propre vérité
et c’est en adhérant à cette vérité qu’il devient libre (cf. Jn 8, 32). »11
8 CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE
(CIVCSVA), Repartir du Christ, Rome 2002, n. 22.
9 Critères et normes de discernement vocationnel salésien [Supplément à FSDB], 30
10 Juan J. BARTOLOMÉ, “La Llamada de Dios. Una reflexión bíblica sobre la vocación”: Misión Joven
131 (1987) 6.
11 BENOÎT XVI, Caritas in veritate, 1.
12

2.3 Page 13

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La vie, réponse due à Dieu
Par le simple fait d’exister, l’homme doit se rendre responsable : étant le seul être vivant
qui reflète la nature dialogique de Dieu (Gn 1,26), il devra assumer la responsabilité de la
création (Gn 1,3-25), prendre la responsabilité de procréer (Gn 1,27-30 ; Ps 8,6-9 ; Sir 17,1-
10) et la responsabilité de son frère (Gn 4,9). Cette responsabilité, dont dépend son rapport
avec Dieu et qui se réalise dans la garde du monde et de son frère est une dette permanente
de l’homme ; il s’en acquitte dans la mesure où, veillant sur la création au nom et à la place
de Dieu, il demeure en dialogue avec Lui.
L’homme biblique vit donc devant Dieu avec une dette permanente de réponse. Celui
qui doit sa vie à une Parole de Dieu ne peut pas rester en silence en sa présence ; le croyant
qui se tait devant Dieu a cessé d’exister pour Dieu ; Dieu nous a imaginés parlant, et nous
sommes son image si nous restons en dialogue avec lui : seuls les morts ne peuvent se
souvenir de lui, seuls les morts ne le louent pas (cf. Ps 6,6 ; 88,11-13 ; Is 38,18). Tout ce
que la vie nous offre peut être motif de prière12 et c’est un devoir dont on doit assumer la
responsabilité : il n’existe aucune situation humaine qui ne soit digne d’être commentée,
dialoguée, partagée avec Dieu ; il n’y a pas besoin des frères ni d’un frère dans le besoin
dont nous n’ayons pas à répondre. Souvenons-nous que Caïn n’a pas voulu parler de son
frère Abel ; au contraire, il a déclaré qu’il n’avait pas à répondre de lui, parce qu’il venait
juste de lui ôter la vie : l’assassinat a précédé le refus de répondre de son frère.
La vocation, devoir pour une vie
Pour le croyant, la vie n’est pas le fruit du hasard, et encore moins un engagement du
vouloir humain : toute vie est voulue de Dieu ; à chaque vie humaine Dieu assigne un lieu,
un devoir dans son projet salvifique. Celui qui arrive à l’existence a été voulu par Dieu: son
existence a un sens au moins pour Dieu et sa vie reçoit son sens profond seulement de
Dieu.
La vocation, mission dialoguée
Ce n’est pas un hasard si, dans la Bible, lorsqu’on décrit un appel de Dieu, le récit
devient la transcription du dialogue que Dieu ouvre avec son élu : en lui révélant le projet
qu’il forme sur lui, Dieu lui fait savoir qu’il compte sur lui pour le mener à bon terme.
De manière inattendue, sans l’avoir mérité, ni même désiré, la personne appelée se voit
proposer une tâche à accomplir et avec une forme de vie qui lui est imposée : qu’il s’agisse
de la génération d’un peuple (Abraham : Gn 12,1-4) ou de sa libération (Moïse : Ex 3,1-
4.23), de la conception d’un fils (Marie : Lc 1,26-38) ou de l’invitation à vivre avec Jésus (les
quatre premiers disciples : Mc 1,16-20), la mission confiée ne répond pas aux possibilités
de l’appelé, et souvent ne fait même pas partie de ses priorités ; aussi bien Abraham que
Marie ne voyaient possible la descendance promise (Gn 15,2-3 ; Lc 1,34). Habituellement, la
mission désignée ne se concilie même pas avec l’activité ou la profession que l’appelé exerce
déjà ; Moïse, faisant paître les troupeaux d’un autre, ainsi que les premiers disciples de
Jésus, travaillant avec leurs filets de pêche, vivaient immergés dans des projets bien
12 « La prière chrétienne authentique englobe la vie entière de celui qui prie… Dans son approche
des faits quotidiens qui, en comparaison des faits sociaux et historiques, peuvent même sembler
de peu d'importance, il découvre des valeurs qui se trouvent dans la réalité même et rend explicite
leur fond d'appartenance au plan de Dieu. Toutes les situations sont susceptibles d'être priées, à
condition qu'on les convertisse en expériences théologales » (Le Directeur Salésien. Un Ministère
pour l’Animation et le Gouvernement de la Communauté locale, Rome 1986, 209-210)
13

2.4 Page 14

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différents de celui auquel ils furent appelés, à savoir conduire un mouvement de libération
nationale (Es 2,21-3,1) ou être pêcheurs d’hommes pour le Royaume de Dieu (Mc 1,16.19).
Le croyant biblique, sachant que sa vie est la conséquence d’une décision de Dieu en sa
faveur, peut en exclure le hasard et la chance, bonne ou mauvaise : étant donné la
présence d’une Personne qui l’a positivement voulu en un moment déterminé et qui l’a
rendu vivant à ce moment-là, il ne cessera jamais de se sentir aimé tant qu’il vivra ; il ne
sera jamais la proie du destin et l’imprévu ne s’acharnera pas sur lui. Cependant, et
précisément pour cette raison, du moment qu’il ne s’est pas forgé lui-même son existence, il
ne peut pas non plus la programmer de lui-même ; il n’est pas son propre maître : il est
resté sujet de la décision de Celui qui l’a aimé au point de le vouloir vivant et semblable à
Lui. Sa vie même le révèle donc comme projet divin à réaliser ; son existence personnelle est
la preuve de la préexistence d’un plan divin sur lui : la vie est toujours une mission pour
avoir été don avant tout ; elle est une charge et une grâce ; et puisqu’elle n’a pas été le fruit
d’un héritage automatique, aucun salaire n’est dû.
La mission, maison et cause de la formation
Dieu peut très bien disposer de la vie d’un homme, du moment que c’est lui qui la lui a
donnée. Les récits de vocation, significativement nombreux dans la Bible, montrent de
façon exemplaire ce trait caractéristique du Dieu vivant : Dieu révèle à la personne appelée
qu’il compte sur elle, parfois décidément malgré elle et, parfois encore, même contre sa
volonté. Quelles que soient les objections accumulées par l’appelé, il ne pourra pas éviter
l’appel. À moins que Dieu ne révoque son envoi, l’envoyé demeurera tel pour toujours ;
même en fuyant Dieu, on ne peut se défaire de Lui et de sa volonté, comme dut l’apprendre
Jonas (Jon 1,1-3,3). Et, plus sérieux encore, plus d’un appelé sentira que sa vie lui a été
volée, qu’elle lui a été confisquée avec violence, en lui imposant une mission qui n’entrait
pas dans ses vues ni n’entrera pas du tout dans ses capacités, comme le mettent en
évidence Jérémie (Jr 1,5) et Paul (Gal 1,15).
Dieu est d’accord avec ceux qu’il appelle, conversant avec eux ; le Dieu qui appelle en
parlant transforme la personne choisie en interlocuteur. En s’adressant à l’appelé, Dieu lui
révèle qu’il le désire et dans quel but il le désire. Eh bien, la seule information sur Dieu et
sur lui-même que l’appelé obtient en recevant l’appel de Dieu consiste dans le fait de savoir
qu’il est destiné aux autres : le Dieu biblique, quand il appelle, veut l’appelé pour soi-même,
certes, mais aussi pour les autres. La surprise de l’appelé consiste précisément en ceci : la
réponse qu’il doit à Dieu pour sa vocation, il doit essayer de la donner en répondant de
ceux à qui il a été envoyé ; Dieu appelle pour qu’on reste avec Lui et pour envoyer : l’amitié
intime avec Lui et la mission en faveur des autres sont la manière de vivre le choix ; elles en
sont la conséquence et la preuve. Et tout ce que l’on fait pour apprendre à être ami et non
serviteur du Seigneur, et pour réaliser la mission, pour s’y préparer et s’identifier, tout cela
est de la formation. La formation du Salésien est par nature religieuse et apostolique parce
qu’orientée et motivée par la mission.
L’unique réponse que le Dieu de l’appelé considère valable est celle qui réalise son appel,
c’est-à-dire celle que l’appelé donne quand il se donne à ceux à qui Dieu l’a destiné au
moment où il l’a appelé par son nom. Assumer sa vocation suppose donc une vie
d’obéissance à la charge reçue : le service exclusif des jeunes est la réponse que Dieu
attend du Salésien. Ce n’est pas un hasard si nous perdons la conscience de nos devoirs
face aux jeunes quand nous perdons le plaisir et l’envie de prier ; et il y a d’autant moins à
s’étonner de ce que chaque tentative de se libérer de la mission salésienne appauvrisse et
rende plus difficile notre prière communautaire : ce n’est pas Dieu qui s’éloigne de nous et
nous empêche de le sentir proche, c’est nous qui nous éloignons des jeunes et ne
réussissons pas à rester à l’écoute de leurs problèmes. Nous nous croyons abandonnés de
14

2.5 Page 15

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Dieu parce que, et quand, nous abandonnons « la patrie de notre mission…, la jeunesse
nécessiteuse ».13
Comme Salésiens, nous sommes en dette avec Dieu et avec les jeunes ; cette dette naît
de la grâce reçue : elle naît, se maintient avec la vocation et est soldée avec la formation,
«appropriée et continue » (C 96). «Plongé dans le monde et les soucis de la vie pastorale,
le salésien apprend à rencontrer Dieu à travers ceux auxquels il est envoyé » (C 95). La
formation réside fondamentalement et principalement en cet apprentissage. Le but
consiste à rencontrer Dieu dans la vie que l’on mène en vivant l’appel ; le chemin pour y
réussir et les choix méthodiques constituent le processus de formation que chaque
appelé vit à la première personne : il ne sera pas nécessaire de sortir de la vie que l’on est
en train de vivre si c’est là, la réponse à sa propre vocation. Là où manque la conscience
que l’on est en train de faire devant Dieu ce que Lui nous a confié, il ne pourra y avoir
aucune formation, même si l’on étudie ou quel que soit le nombre des années que l’on
passe dans ce que l’on appelle « maisons et étapes de formation ».
2.2 Formation : la grâce comme devoir
Évidemment nous ne parlons pas en termes abstraits de vocation et de formation.
Comme nous l’avons vu au début, vocation et formation affrontent toutes les deux des défis
qui leur sont propres et qui, à mon avis, procèdent du contexte culturel et historique que
nous vivons et du type de présence d’Église et de Congrégation.
En ce qui regarde le contexte social, il y a des éléments qui, à contre-jour, « touchent
de près l’expérience de la vocation » : d’un côté, la valeur de la personne et, de l’autre, le
subjectivisme et l’individualisme ; d’un côté, la dignité de la femme et, de l’autre,
l’ambiguïté à son égard ; d’un côté, la revalorisation de la sexualité et, de l’autre,
certaines de ses expressions déformées ; d’un côté, la richesse du pluralisme et, de
l’autre, le relativisme et la faiblesse de la pensée ; d’un côté, la valeur de la liberté et, de
l’autre, l’arbitraire ; d’un côté, la vie considérée comme un complexe et, de l’autre, la
fragmentation ; d’un côté, la globalisation et, de l’autre les particularismes ; d’un côté,
un plus grand désir de spiritualité et, de l’autre, le sécularisme.14
En ce qui concerne l’Église, elle voudrait répondre aux défis du temps présent avec la
Nouvelle Évangélisation qui réclame, à son tour, un nouvel évangélisateur qui fasse du
Christ le thème et le contenu de sa prédication, du mystère de la croix le critère
d’authenticité chrétienne, de l’Évangile sa force et sa lumière. C’est ainsi qu’il sera
capable d’unir harmonieusement évangélisation, promotion humaine, culture chrétienne,
et de promouvoir le dialogue culturel, œcuménique et interreligieux.
La Congrégation, pour sa part, durant ces dernières années, depuis le Concile
Vatican II, a tâché de se mettre à jour pour répondre à ces défis et s’est engagée à
rénover son expérience de la vocation et sa pratique de la formation. La Ratio est, de ce
point de vue, beaucoup plus qu’un document.
Son intuition fondamentale est celle de l’identité charismatique et de
l’identification vocationnelle. Nous sommes convaincus que si nous réussissons à
garantir une claire identité salésienne, à travers la formation, les confrères se sentiront
pourvus d’un bagage de valeurs, de comportements, de critères qui les aideront à
affronter avec succès la culture actuelle et à réaliser avec efficacité la mission salésienne.
13 E. VIGANÒ, « Donner de la force à nos frères », ACG 295 (1980), p. 26.
14 Cf. FSDB, 7
15

2.6 Page 16

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Je voudrais donc faire une approche du thème de la formation à partir de cette
perspective.
L’appel de Dieu, qui nous donne les jeunes comme contenu de notre réponse à la
vocation, nous a obligés à vivre un type de spiritualité déterminé, qui requiert une
formation spécifique : « nous croyons que Dieu nous attend auprès des jeunes pour nous
offrir la grâce de la rencontre avec lui et pour nous disposer à le servir à travers eux ».15
Du moment que notre expérience de Dieu ne peut pas se comprendre sans la référence
aux jeunes à qui Dieu nous a destinés, de la même manière notre formation ne pourra
pas se réaliser sans une vie vécue en leur faveur : « La nature religieuse apostolique de la
vocation salésienne détermine l'orientation spécifique de notre formation » (C 97).
Le Salésien sait que sa vie apostolique constitue le lieu privilégié et le motif central de
son dialogue avec Dieu : puisque Dieu a établi pour lui ce devoir pour toute la vie, c’est en
s’identifiant à ce devoir et en le réalisant qu’il pourra lui répondre. «L’appel de Dieu lui
parvient par l’expérience de la mission en faveur des jeunes ; c’est bien souvent de là
qu’il commence à suivre le Christ. Dans la mission s’engagent, se manifestent et se
développent en lui les dons de la consécration. Un unique mouvement de charité l’attire
vers Dieu et le pousse vers les jeunes (cf. C 10). Il vit le travail éducatif avec les jeunes
comme un acte de culte et une possibilité de rencontrer Dieu. » 16
L’engagement pour y réussir s’appelle formation ; en effet, « la formation salésienne,
c’est s’identifier à la vocation que l’Esprit a suscitée à travers Don Bosco, avoir sa
capacité de la partager, s’inspirer de sa conduite et de sa méthode de formation. » 17
Identité charismatique identification vocationnelle
« Se rendre semblable à Jésus Christ et donner sa vie pour les jeunes, comme Don
Bosco » c’est, en synthèse, « la vocation du salésien », son identité. « Toute la formation,
initiale et permanente, consiste à assumer et à rendre réelle cette identité dans les
personnes et dans la communauté. » « C’est d’elle que part le travail de formation et à elle
qu’il se réfère sans cesse. » L’identité salésienne est « le cœur de toute la formation », 18 sa
norme est son but. « Autrement dit, l’identité salésienne caractérise notre formation, qui
ne peut être générique, et en spécifie les tâches et les exigences fondamentales. »19
Objectifs de la formation
Se former comporte le fait de reconnaître la forme de vie à laquelle on est appelé et de
s’identifier plus pleinement à elle. Comme je l’ai déjà indiqué, dans la vie consacrée, la
formation ne coïncide pas avec le temps pédagogique qui précède la préparation aux
vœux, au ministère sacerdotal, donc à un temps limité et à ne pas reproduire ; c’est
plutôt une situation permanente, jamais terminée mais qui dure «tout au long de
l'existence, pour engager toute la personne, son cœur, son esprit et ses forces (cf. Mt 22,
37), et la rendre semblable au Fils qui se donne à son Père pour l'humanité. » 20
15 CG23, 95
16 FSDB, 29
17 FSDB, 4
18 Cf. FSDB, 25
19 FSDB, 41
20 CIVCSVA, Repartir du Christ, 15
16

2.7 Page 17

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« C’est en effet par la formation que se réalise l’identification charismatique et
s’acquiert la maturité nécessaire pour vivre et agir en conformité avec le charisme des
Fondateurs : à partir du premier état d’enthousiasme émotif pour Don Bosco et pour sa
mission en faveur des jeunes, on arrive à devenir vraiment semblable au Christ, à
s’identifier en profondeur avec le Fondateur, à assumer les Constitutions comme Règle
de vie et critère d’identité, et à se sentir fortement appartenir à la Congrégation et à la
communauté provinciale.»21
Ce que nous sommes appelés à être détermine ce que nous devons nous efforcer
d’être; l’identité charismatique provoque et guide l’engagement pour l’identification,
personnelle et communautaire, qu’est la formation. En d’autres termes, les objectifs de
la formation pour la vie salésienne sont imposés par la vocation salésienne elle-
même et, en définitive, par Dieu qui nous appelle à mettre en actes les devoirs suivants :
1º. Envoyés aux jeunes : se conformer au Christ Bon Pasteur.
Comme Don Bosco, le Salésien a comme premier et principal destinataire de sa
mission « la jeunesse pauvre, abandonnée, en péril, qui a le plus besoin d'être aimée et
évangélisée » (C 26).22
Répondre à cette mission nous vaut d’être conformes23 au Christ, bon Pasteur, dont
le fruit et la garantie naturelle est la charité pastorale. Aimer les jeunes comme le Christ
les aime « devient pour le Salésien un projet de vie » ; ce qu’il fera pour représenter
l’amour de Dieu auprès des jeunes (cf. C 2 : être dans l'Église signes et porteurs)
l’identifiera au Christ, apôtre du Père. « À travers les jeunes Dieu entre dans la vie du
salésien et y prend la place principale ; et l’angoisse du Christ Rédempteur trouve un
écho dans la devise Da mihi animas, coetera tolle, qui constitue le point unificateur de
toute son existence.» 24
Le Salésien se conforme au Christ en réalisant sa mission, « le paramètre sûr et
définitif de notre identité »,25 avec un « cœur oratorien »,26 répondant aux besoins des
jeunes avec imagination et sensibilité éducative. Et c’est dans la vie quotidienne, et non
dans des comportements ponctuels ou extraordinaires, « c’est dans la réalité de chaque
jour que le Salésien traduit en expérience de vie son identité d’apôtre des jeunes.» 27
2º. Rendus frères par une unique mission : faire de la vie commune le lieu et l’objet
de la formation.
« Vivre et travailler ensemble est pour nous, salésiens, une exigence fondamentale et une
voie sûre pour réaliser notre vocation.» (C 49) En effet, vivre la mission en communauté
n’est pas laissé à notre libre arbitre : nous ne sommes pas libres de l’accepter ni ne
21 FSDB, 41
22 Cf. CGS, 45-49
23 L’Exhortation Apostolique Vita Consecrata parle d’une « spéciale communion d’amour avec le
Christ » (VC, 15).
24 FSDB, 30
25 CGS, Présentation du Recteur Majeur, 31 janvier 1972, p. XVI
26 « S’inspirant de l’exemple et des enseignements de Don Bosco, le salésien vit l’expérience
spirituelle, pédagogique et pastorale du Système préventif. Ses relations avec les jeunes se
caractérisent par la cordialité et une présence active et amicale ?, qui favorisent leur réponse
active. Il assume avec joie les fatigues et les sacrifices que comporte sa rencontre avec les jeunes,
dans la conviction d’y trouver son chemin de sainteté. » (FSDB, 32)
27 FSDB, 42.
17

2.8 Page 18

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pouvons nous en libérer selon notre bon plaisir ; ce n’est pas non plus une décision
tactique finalisée vers une efficacité apostolique plus grande ; « c’est un des traits qui
caractérisent le plus l’identité salésienne. Le Salésien est convoqué à vivre avec d’autres
frères consacrés pour partager le service du Règne de Dieu parmi les jeunes.»28
Par vocation, le Salésien est « partie vivante d’une communauté » et «entretient le
sentiment profond de lui appartenir » : «En esprit de foi et soutenu par l’amitié, le
salésien vit l’esprit de famille dans la communauté et contribue jour après jour à bâtir la
communion entre tous ses membres. Convaincu que la mission est confiée à la
communauté, il veille à travailler avec ses confrères dans une vision d’ensemble et un
projet partagé.» 29
Du moment que « l’assimilation de l’esprit salésien est fondamentalement un fait de
communication de vie » (R 85), la formation, en tant qu’identification avec le charisme
salésien, requiert encore plus cette communication qui « a comme contexte naturel la
communauté ».30 En plus d’être « le milieu naturel de croissance de la vocation », « la vie
même de la communauté, unie dans le Christ et ouverte aux exigences des temps, est
formatrice » (C 99). Vivre dans et par la communauté, c’est vivre en formation.
3º. Consacrés par Dieu : témoigner de la radicalité de l’Évangile.
« La mission apostolique, la communauté fraternelle et la pratique des conseils
évangéliques sont les éléments inséparables de notre vie consacrée » (C 3).
« La vie spirituelle salésienne est une forte expérience de Dieu qui s’appuie sur un
style de vie entièrement fondé sur les valeurs de l’Évangile (cf. C 60). Aussi le salésien
assume-t-il la forme de vie obéissante, pauvre et virginale que Jésus a choisie pour lui sur
terre… En grandissant dans radicalité évangélique avec une intense tonalité apostolique, il
fait de sa vie un message éducatif qui s’adresse en particulier aux jeunes, en proclamant
par sa vie « que Dieu existe et que son amour peut combler une vie ; que le besoin
d’aimer, la soif de posséder et la liberté de décider de sa propre existence reçoivent leur
sens suprême du Christ Sauveur » (C 62).31
En conséquence, la pratique des conseils évangéliques, en plus d’être message et
méthode d’évangélisation,32 « constitue un principe d’identité et un critère de
formation ».33
4º. En partageant vocation et mission : animer des communautés apostoliques
dans l’esprit de Don Bosco.
« Le salésien ne peut pas penser intégralement sa vocation dans l’Église sans se
référer à ceux qui, avec lui, sont porteurs de la volonté du Fondateur. Par la profession il
entre dans la Congrégation salésienne et prend place dans la Famille salésienne »34 ; dans
cette Famille, nous avons « des responsabilités particulières : maintenir l’unité de l’esprit,
28 FSDB, 33. « La vocation salésienne est inconcevable sans la communion concrétisée par la vie
commune des confrères. Le lien communautaire entre les confrères est constitutif de leur vivre et
travailler en salésiens » (Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco, p. 408).
29 FSDB, 33
30 FSDB, 219
31 FSDB, 91
32 Cf. VC, 96; CG24, 152.
33 FSDB, 34
34 FSDB, 35
18

2.9 Page 19

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[et] stimuler le dialogue et la collaboration fraternelle pour un enrichissement mutuel et
une plus grande fécondité apostolique"» (C. 5).
Par le fait même d’être Salésien, « chaque Salésien est animateur et se rend toujours
plus apte à l’être »35 : répondre à sa vocation le rend coresponsable du charisme salésien
que vivent, de diverses manières, les différents membres de la Famille Salésienne. « La
formation procure au salésien un sens fort de son identité spécifique, l’ouvre à la
communion dans l’esprit salésien et dans la mission avec les membres de la Famille
Salésienne qui vivent des projets vocationnels variés… La communion sera d’autant plus
sûre "que plus claire sera l’identité vocationnelle de chacun, et plus grands la
compréhension, le respect et la valorisation des différentes vocations"… »36 « La formation
à la communion dans les valeurs salésiennes renforce la conscience de la tâche
d’animation charismatique et donne une qualification pour l’exercer.» 37
5º. Au cœur de l’Église : bâtir l’Église, sacrement de salut.
« La vocation salésienne nous situe au cœur de l'Église » (C 6) : «L’expérience
spirituelle du salésien est donc une expérience ecclésiale.»38 Si pour Don Bosco aimer
l’Église a été une caractéristique de sa vie et de sa sainteté, pour nous « être salésiens est
notre manière de faire intensément Église ». 39
Le Salésien parvient à être Salésien en développant son sens d’appartenance à
l’Église,40 partageant les préoccupations et les problèmes de cette Église, inséré dans ses
programmes pastoraux et y engageant les jeunes, vivant en communion cordiale avec le
Pape et ceux qui travaillent pour le Royaume (cf. C 13).41
6º. Ouverts à la réalité : inculturer le charisme.
La vocation du Salésien « exige l’ouverture constante et le discernement devant les
transformations qui s’opèrent dans la vie de l’Église et du monde, en particulier des
jeunes et des milieux populaires.» 42 Comme Don Bosco, le Salésien fait de la réalité
historique le « tissu de sa vocation », «un défi et une invitation pressante à discerner et à
agir… Il s’efforce de comprendre les faits culturels qui marquent la vie d’aujourd’hui, de
réfléchir sur eux avec sérieuse attention, de les percevoir dans l’optique de la
Rédemption ».43 La lecture évangélique de la réalité, en particulier de la réalité des jeunes
et du peuple, est une obligation si l’on veut répondre de façon appropriée à la vocation
salésienne : elle fait donc parti intégrante de l’engagement de la formation.
« Appelé à s’incarner parmi les jeunes d’un lieu et d’une culture déterminés, le
salésien a besoin d’une formation inculturée. Par le discernement et le dialogue avec son
contexte, il s’efforce d’imprégner de valeurs évangéliques et salésiennes ses propres
critères de vie, et d’implanter l’expérience salésienne dans son contexte. De cette relation
35 FSDB, 35
36 CG24, 138
37 FSDB, 45
38 FSDB, 82
39 Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco, p. 120.
40 « Notre manière de vivre l'appartenance à l'Église et de contribuer à son édification consiste à
être des salésiens sincères et fidèles. Notre contribution consiste surtout à être nous-mêmes » (Le
Projet de vie des Salésiens de Don Bosco, p. 122).
41 Cf. FSDB, 83
42 FSDB, 42
43 FSDB, 37
19

2.10 Page 20

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féconde apparaissent des styles de vie et des méthodes pastorales plus efficaces parce
que cohérentes avec le charisme de fondation et avec l’action unificatrice de l’Esprit
Saint (cf. VC 80) ».44
Méthodologie de la formation
« Répondre à l’appel du Christ qui appelle personnellement, c’est rendre réelles les
valeurs de la vocation. »45 Vu l’expérience séculaire salésienne, de Don Bosco à nos jours,
l’identification théorique des valeurs charismatiques peut être considérée aujourd’hui
comme un but suffisamment atteint. Le défi le plus grand que la formation affronte
aujourd’hui consiste plutôt dans la méthode de formation, dans le comment faire de la
proposition de la vocation un projet personnel de vie, comment passer des valeurs
appréciées aux valeurs vécues, comment transformer le charisme salésien en réalité
quotidienne.
Mue par une vocation gratuite, la formation, avant d’être un processus
méthodologique, est une expérience vécue de grâce, un don reconnaissant et une
responsabilité assumée, à travers un dialogue personnel avec Dieu, non transférable :
elle est, et dans cet ordre, «une grâce de l’Esprit, une disposition personnelle, une
pédagogie de vie. » 46 L’Esprit de Dieu est, en définitive, l’auteur de l’appel et l’unique et
vrai formateur de l’appelé : il a commencé le dialogue avec sa proposition et il est capable
de le soutenir avec sa force. L’action de la formation reste ainsi ouverte au sens du
mystère de Dieu et de la personne ; sans ce dialogue intérieur, rien n’est garanti ; notre
vécu personnel et notre expérience d’éducateurs ne le montrent que trop bien.
Une fois affirmée la priorité de l’Esprit dans le processus de la formation,47 de
l’expérience éducative salésienne, des orientations de l’Église et de la Congrégation, et de
l’analyse de la réalité de la formation, certains choix de méthode émergent ces dernières
années, qui «se révèlent indispensables pour rejoindre les objectifs du processus de la
formation et pour cultiver de façon continue la vocation.»48
1º. Rejoindre la personne en profondeur
La formation, « l’assimilation personnelle de l’identité salésienne »,49 se réalise dans le
fait d’être comme Don Bosco plus que dans le fait de travailler comme lui. Cela oblige à
centrer l’effort pour la formation prioritairement sur l’intériorisation de l’expérience,
sans se limiter à l’acquisition de nouvelles connaissances ou à répéter des
comportements formels, extérieurs, qui n’expriment pas réellement les valeurs que nous
sommes appelés à vivre et qui sont de pures formes d’adaptation à un milieu.50 Sans
44 FSDB, 43.
45 FSDB, 205
46 FSDB, 1
47 « Docile à l'Esprit Saint, il développe ses aptitudes et les dons de la grâce dans un effort
constant de conversion et de renouvellement » C 99). Cfr CRIS, Los elementos esenciales de la
enseñanza de la Iglesia sobre la vida religiosa (1983), 47.
48 FSDB, 206. La formation « est certainement un don de l’Esprit, mais est favorisée par une
pédagogie appropriée » (FSDB, 209).
49 FSDB, 208
50 « L’identification de la vocation se fait dans le cœur de la personne, au niveau le plus intime des
affections, des sentiments, des convictions, des motivations, et elle ne se limite pas à assumer ou
à transmettre des contenus et des comportements. "La formation devra, par conséquent,
imprégner en profondeur la personne elle-même, de sorte que tout son comportement, dans les
moments importants et les circonstances ordinaires de la vie, conduise à révéler son
20

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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intériorisation, on court un double danger : d’un côté, on réduit la formation à une pure
et simple information lorsqu’on donne pour acquise l’appropriation de valeurs seulement
parce qu’on en parle souvent ; de l’autre, on abaisse la formation à un simple
accommodement lorsqu’on assume par mimétisme un genre de vie sans s’approprier ses
motivations ultimes.
L’intériorisation des valeurs charismatiques nécessite l’existence de profondes
motivations personnelles ; elle devient irréalisable si l’on ne réussit pas à faire des
valeurs charismatiques des convictions subjectives. C’est seulement en ayant de fortes
motivations pour arriver à être ce que nous sommes appelés à être que nous pouvons
découvrir comme valeurs les éléments de l’ensemble de la vie salésienne, en faire
l’expérience et les assumer jusqu’à les faire devenir partie intégrante de notre être. C’est
ainsi que la personne est touchée en profondeur et qu’advient sa transformation.
Avec cela, on signale un aspect propre de l’éducation salésienne qui est partir de la
personne concrète, de son histoire personnelle, de son processus déjà réalisé dans les
différentes dimensions de la personne humaine, en dépassant la tentation
d’homogénéiser et de niveler tout le monde par pragmatisme, sans respecter les rythmes
de maturation des personnes. Cet aspect comporte l’obligation d’aider à ce que la
personne se connaisse et s’accepte, devienne consciente de ses convictions et les
soumette au discernement, comme condition indispensable pour bâtir sur la vérité et
l’acceptation de soi. Cela implique aussi la connaissance précise des besoins de la
personne et l’élaboration d’un cheminement adapté. Cela implique enfin la proposition
claire du projet de vie salésienne avec toutes ces exigences, sans laisser de place à des
enthousiasmes faciles et des émotions passagères.
La connaissance de soi-même, qui est déjà une valeur, permet à la personne, dans le
contexte même de sa formation, de faire l’expérience de la confrontation d’elle-même avec
la nature de la vocation qu’elle veut assumer. Naît ainsi le profil avec lequel la personne
veut s’identifier (le Christ, à la manière de Don Bosco, pour paraphraser l’expression de
saint Paul : «Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi, c'est le Christ » [1Co 11,1]) et,
à partir de ce profil, se précise le plan de travail spirituel qui favorise l’identification
progressive qui, logiquement, n’a pas de fin et vaut pour toute la vie.
La première responsabilité de cette identification intérieure retombe sur la
personne appelée elle-même. Il ne s’agit pas d’une charge que l’on peut déléguer ni
retarder : nul ne peut s’en acquitter à la place de celui qui est appelé, et ce dernier ne
peut pas le faire quand il veut. Celui qui est appelé, précisément parce qu’il est appelé et
pour répondre à l’appel, doit s’engager à fond, sans réserve, avec générosité et radicalité,
avec conviction et enthousiasme. Peu à peu grandira le sens de son appartenance à la
famille dont il veut faire partie et se sentira chez lui.51
2º. Animer une expérience de formation unitaire
La formation se réalise nécessairement à travers un cheminement long et diversifié,
dans différentes communautés et avec des responsables différents. Pour qu’elle puisse
être une expérience intégrée et personnalisée, il est nécessaire qu’elle soit comprise et
appartenance totale et joyeuse à Dieu" (cf. C 98) » (FSDB, 208).
51 « Lorsque le salésien se laisse interpeller par Dieu dans la profondeur de son cœur, s’identifie de
l’intérieur aux critères et aux valeurs de la vocation pour renoncer aux dispositions qui s’y
opposent, fonde son projet personnel et unifie sa vie autour de motivations vraies et authentiques,
ce n’est qu’alors que la formation a atteint son but fondamental. » (FSDB, 209).
21

3.2 Page 22

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réalisée comme une proposition unique qui se déroule dans un seul et même processus,
même si les actions concrètes et les accents varient selon les diverses étapes de la vie du
Salésien. L’élaboration de la proposition relève de la responsabilité communautaire :52
elle dépasse les préférences ou les besoins individuels et transmet de manière accessible
et pédagogique le charisme fondateur.
Pour éviter « le risque de faire de la formation une somme d’actions disparates et sans
continuité, confiées à l’action individuelle de personnes ou de groupes »,53 la formation
doit être pensée comme un projet unitaire et organique et vécue dans une mentalité de
projet. Le projet englobe aussi bien ce qui constitue objectivement le charisme salésien
(objectifs généraux) que ce qui prolonge la formation à tout moment ainsi que les
interventions de formation qui permettent de le réaliser (les objectifs de chaque étape, les
stratégies pour y arriver et les méthodes d’évaluation). 54
Vu que le processus de formation est au service de la personne,55 sa maturation
réclame des temps « psychologiques » plus que chronologiques. En dépassant une
certaine conception selon laquelle les choses de l’esprit ne peuvent être évaluées, la
formation doit être vérifiée sur la base de l’obtention des objectifs de formation
proposés. La formation n’est pas une question de dépassement des phases et
d’accomplissement d’un cursus ; il s’agit plutôt d’intégrer des valeurs et de maintenir
une teneur élevée de la vocation. Une étape de la formation doit préparer la suivante ; le
passage d’une phase à l’autre doit être marqué « par l’obtention des objectifs plus que
par le simple fait d’avoir passé un temps ou achevé un curriculum d’études … Le rythme
de croissance de la vocation se maintient sans chutes de tension grâce aux engagements
croissants et aux évaluations opportunes. » 56
Comme dans chaque fait éducatif, l’«appelé» est le sujet qui unifie les interventions,
les motivations, les activités, parce que lui seul peut tout intégrer d’une manière
organique autour du projet apostolique qu’est la vie salésienne, ainsi que l’a fait Don
Bosco, comme le rapporte Don Rua : « Pas un de ses pas, pas une de ses paroles, pas
une de ses entreprises qui n'ait eu pour but le salut de la jeunesse » (C 21).
3º. Assurer le cadre de la formation et la coresponsabilité de tous
«L’assimilation de l’esprit salésien est fondamentalement un fait de communication de
vie» (R 85). Comme pour Jésus avec ses premiers disciples (Mc 3,13-14; cf. Pastores dabo
vobis, 60) et pour Don Bosco avec les premiers salésiens,57 la formation doit se dérouler
52 « Plus qu’un texte à mettre en pratique, le projet est l’expression et l‘outil d’une communauté qui
veut travailler ensemble au service du cheminement de formation de chaque confrère.(FSDB, 213).
53 FSDB, 210
54 « Les contenus, les expériences, les dispositions, les activités, les moments forts doivent se
penser, se programmer et s’orienter en fonction du but de chaque phase et de toute la formation,
par une pédagogie qui évite le danger du morcellement et de l’improvisation ou d’un travail non
finalisé ni convergent. » (FSDB, 212)
55 « Il revient au salésien d’adopter dès le début une claire volonté de se former, de comprendre les
finalités de tout le processus et de chacun de ses moments, de vivre le passage d’une phase à
l’autre en assumant de façon responsable les buts de ce nouveau moment de formation, de se
fixer des buts et des parcours concrets, d’évaluer et de partager la réalisation du projet de sa
formation. Il revient aux formateurs d’assumer et de traduire les indications du projet provincial et
de faire en sorte que la proposition de formation soit adoptée par le candidat, qui la vit en
communauté en esprit de responsabilité. » (FSDB, 213)
56 FSDB, 212
57 « Don Bosco éducateur a veillé à la relation personnelle, mais il se présente surtout comme
formateur d’un milieu riche de relations et de figures éducatrices, de propositions et de
22

3.3 Page 23

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dans un climat de dialogue vocationnel, de vivre ensemble quotidien et de responsabilité
partagée.
La première responsabilité revient évidemment à la personne appelée, « protagoniste
nécessaire et irremplaçable de sa formation [qui] est finalement une auto-formation ». 58
« Chaque salésien assume la responsabilité de sa formation.» (C 99) C’est lui qui doit
connaître, accepter et assumer sa vocation personnelle et agir en conséquence. Et il peut
le faire « en prenant comme point de référence la Règle de vie, en s’associant dans
l’expérience quotidienne et le cheminement de formation de la communauté... Une des
façons concrètes d’exercer sa responsabilité personnelle dans la formation est d’avoir son
projet personnel de vie. »59
Le Salésien doit trouver dans sa communauté « le milieu naturel de croissance de sa
vocation… La vie même de la communauté, unie dans le Christ et ouverte aux exigences
des temps, est formatrice » (C 99). Il ne suffit évidemment pas qu’il existe un certain
degré de vie commune ; la communauté est milieu de formation quand elle réussit à être
sujet collectif de formation, c’est-à-dire quand elle s’organise de manière à promouvoir en
son sein des relations interpersonnelles plus profondes, un élan apostolique
coresponsable, une compétence professionnelle et une capacité pédagogique, une vie de
prière stimulante, un style de vie authentiquement évangélique, le souci pour la
croissance de la vocation de chaque frère, à travers un projet propre et partagé,
l’ouverture aux besoins de l’Église et des jeunes, la syntonie avec la Famille Salésienne.
En particulier, la communauté évalue son engagement quotidien dans la communauté
éducative et pastorale en la considérant comme « un espace privilégié de croissance
authentique et d’intense formation permanente. » 60
« Avant d'être un lieu ou un espace matériel”, les communautés dédiées
spécifiquement à la formation initiale doivent être « un espace spirituel, un itinéraire de
vie, une atmosphère qui favorise et assure un processus de formation ». 61 Les
communautés éducatives en chemin 62 se caractérisent du point de vue pédagogique pour
la qualité de leur projet de formation, élaboré et partagé par tous ; 63 elles assurent les
conditions d’un environnement qui favorise la personnalisation de l’expérience de
formation. Pour traduire le projet commun en pratique quotidienne de formation, en
stimulations (moments, activités, rythmes, célébrations etc.), comme créateur d’un style et d’une
pédagogie de vie, transmetteur d’un projet à vivre ensemble, animateur d’une communauté avec
sa physionomie claire et des points de référence bien établis. La communauté du Valdocco,
imprégnée du Système préventif, offre un milieu qui accueille, oriente, accompagne, stimule et
exige. » (FSDB, 219)
58 GIOVANNI POLO II, Exhortation Apostolique Pastores dabo vobis, Rome 1992, 69. Cf. CIVCSVA,
Repartir du Christ, 46; CIVCSVA, Potissimum institutioni, Rome, 2 février 1990, 29.
59 FSDB, 216. « Dans ce projet, chaque confrère trace le type de salésien qu’il se sent appelé à être
et la route à suivre pour le devenir, toujours en syntonie avec les valeurs salésiennes ;
périodiquement il évalue – en dialogue avec son directeur – le progrès réalisé dans son objectif. »
(Ibidem).
60 FSDB, 221
61 Pastores dabo vobis, 42.
62 Cf. Pastores dabo vobis, 60. « Dans un climat de coresponsabilité, tous travaillent à vivre
ensemble les valeurs, les objectifs, les expériences et les méthodes de formation, en programmant,
en évaluant et en adaptant périodiquement leur vie personnelle, leur travail et leurs expériences
apostoliques aux exigences de la vocation. » (FSDB, 222)
63 « Pour encourager l’apport de tous, elle favorise la collaboration dans l’élaboration du projet
communautaire et de la programmation, le travail de groupe, la révision de vie et d’autres formes
organisées de rencontre et de participation. Chaque membre assume un service utile à la vie de la
communauté et à la croissance de la communion. » (FSDB, 223)
23

3.4 Page 24

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créant une atmosphère appropriée, l’existence d’une équipe consistante de formateurs
est « une condition indispensable et un point stratégique déterminant» ;64 l’efficacité de
leurs interventions dans le domaine de la formation dépendra du fait qu’il se présentent
et agissent non pas tant comme accompagnateurs isolés que comme équipe qui
représente la « mens » et la pratique de la formation dans la Congrégation, et qui partage
des critères de discernement et une pédagogie d’accompagnement.
Dans l’équipe des formateurs, le directeur de la communauté remplit un rôle
important, «encore plus exigeant » 65 s’il est directeur d’une communauté de formation,
puisqu’il est responsable de l’animation et « du développement de la vocation de ses
confrères ».66 Il est «responsable du processus de la formation personnelle de chaque confrère. Il
est aussi le directeur spirituel proposé, non imposé, aux confrères en formation ». 67
« Père, maître et guide spirituel » (C 55) de sa communauté, il y favorise une ambiance de
formation à travers la création d’un climat riche de valeurs salésiennes, humaines et
apostoliques ; il la maintient dans une attitude de réponse à l’appel de Dieu et en
syntonie avec l’Église et la Congrégation, il considère comme un moment privilégié la
rencontre personnelle et la direction spirituelle pour la personnalisation de la vocation, il
constitue et encourage l’équipe des formateurs «en faisant converger le travail de tous
dans un projet commun en syntonie avec le projet provincial. »68
L’on est frappé par le caractère nouveau et pressant de la présentation de la
communauté provinciale comme « communauté formatrice mais aussi communauté en
formation » : « La première responsabilité de la communauté provinciale dans le cadre
de la formation est de promouvoir l’identification des confrères, en particulier de ceux qui
sont en formation initiale, avec la vocation salésienne, en la communiquant de façon
vitale. Il n’est donc pas indifférent qu’elle se montre pleine de fortes motivations ou
démotivée, fervente dans l’action ou sans ressort. Le climat de prière et de témoignage, le
sens de la responsabilité commune et l’ouverture au contexte et aux signes des temps,
l’élan spirituel et la compétence dans les diverses tâches de la mission salésienne,
l’ambiance qui offre sans cesse des critères et des raisons de fidélité, le réseau de
relations cordiales et de collaboration entre les communautés, entre chaque confrère,
entre les groupes de la Famille salésienne et avec les laïcs engagés dans la communauté :
tous ces aspects constituent le milieu provincial pour la formation des confrères. Ce
climat permet aux confrères en formation de faire une expérience vivante de l’identité
salésienne et de se sentir soutenus dans le cheminement de leur vocation.»69
Cette mission de formation de la Province « n’est pas un simple état d’âme ni un
simple fait de bonne volonté… [mais] c’est une règle qui organise la vie de la Province et
64 Cf. FSDB, 222. Cf. ib. 234-239.
65 FSDB, 233.
66 FSDB, 231.
67 FSDB, 233. « C’est une de ses tâches spécifiques que d’accompagner chaque confrère, de
l’aider à comprendre et à assumer la phase de formation où il se trouve. Il garde avec lui un
dialogue fréquent et cordial, s’efforce de connaître ses qualités, sait lui faire des propositions
claires et exigeantes et indiquer des buts appropriés, il le soutient et l’oriente dans les moments
de difficulté, évalue avec lui le cheminement de sa formation. (Ibidem).
68 FSDB, 233
69 FSDB, 226. Il est évident que, par ces indications, l’on vise à créer une atmosphère où l'on vive
déjà ce qui est présenté comme idéal dans les maisons de formation ; une atmosphère où l'on
traduise en réalité ce que l'on a promis dans la profession religieuse publique. La vie quotidienne
de la Province, la qualité de sa vie consacrée et l'efficacité de sa mission apostolique sont des
conditions indispensables pour la qualité de la formation dispensée dans une Province, tout en
reconnaissant la distance qu'il peut y avoir entre l'idéal proposé et la réalité vécue.
24

3.5 Page 25

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la mobilise tout entière ; à partir des exigences de la conscience de la vocation et de la
coresponsabilité de tous pour la mission, elle se traduit en un projet provincial de
formation organique. »70
4º. Donner une qualité formatrice à l’expérience quotidienne
« Appelé à vivre n'importe quelle situation avec le souci de se former », le Salésien
« s'efforce de discerner dans les événements la voix de l'Esprit, acquérant ainsi la
capacité d'apprendre à partir de la vie [et] attribue un rôle formateur à ses activités
habituelles » (C 119). De fait, l’expérience quotidienne vécue comme une formation
rapproche de la vérité sur nous-mêmes et nous offre des occasions et des stimulants
pour rendre réel notre projet de vie.»71
Voilà quelle a été l’école de Jésus avec ses disciples quand ils partageaient la vie, la
fatigue et le repos, et qu’ils cheminaient vers Jérusalem. Éducative aussi a été
l’expérience quotidienne de Don Bosco qui «attribuait une valeur éducative aux tâches de
chaque jour, dans la cour et à l’école, dans la communauté et à l’église (cf. C 40), à la
manière de voir et de lire les événements, de répondre à la situation des jeunes, de
l’Église et de la société.» 72
Malgré cela, et on ne peut le nier, la vie quotidienne n’est pas formatrice tout court ;
certaines conditions sont nécessaires pour qu’elle puisse devenir un chemin concret
quotidien d’identification de la vocation :
la présence parmi les jeunes : « La rencontre des jeunes est pour le salésien
une route et une école de formation » ; le contact avec les jeunes et leur monde
« le rend conscient de la nécessité de la compétence éducative et
professionnelle, de la qualification pastorale, et d’une mise à jour
constante » ;73
la mission auprès des jeunes requiert de travailler ensemble ; ce travail
s’avère formateur « quand il s’accompagne de la réflexion, et plus encore,
quand il s’imprègne d’une disposition de prière. C’est pourquoi, la
communauté crée des moments et espaces qui favorisent un regard attentif,
une lecture plus profonde, un partage serein. Et le salésien est appelé à se
confronter avec ses propres motivations de fond, avec son sens pastoral, avec
la conscience de son identité personnelle »;74
la communication réciproque, « échange de dons et d’expériences pour
l’enrichissement mutuel des personnes et de la communauté », requiert un
apprentissage. « Celui qui communique doit surmonter une certaine peur ou
timidité à exprimer ses propres pensées et sentiments, et avoir le courage de la
confiance en autrui. Et celui qui reçoit la communication, doit être capable de
l’accueillir et d’estimer la personne sans la juger, et d’apprécier la différence de
vues » ;75
les relations interpersonnelles « favorisent et révèlent le niveau de maturité
de quelqu’un, et indiquent jusqu’à quel point l’amour a pris possession de sa
70 FSDB ,226
71 FSDB, 251
72 FSDB, 251
73 FSDB, 252
74 FSDB, 253
75 FSDB, 254.
25

3.6 Page 26

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vie et jusqu’à quel point il a appris à l’exprimer. » 76 Sans la capacité d’aimer et
sans la volonté de pardonner, il ne peut y avoir de relations authentiquement
personnelles possibles ;
le contexte socioculturel influe sur la manière d’être, de sentir et d’évaluer
la réalité et, en conséquence, interpelle notre identité personnelle. En plus de
bien connaître la situation actuelle, il faut savoir l’interpréter à partir de Dieu
pour apporter des réponses qui soient en connotation avec notre vocation et
notre mission : « La capacité de "voir " Dieu dans le monde et d’entendre son
appel à travers les besoins des moments et des lieux est une loi fondamentale
du cheminement de croissance salésienne. »77
5º. Qualifier l’accompagnement dans la formation
La formation requiert un accompagnement qui, en plus d’être une « caractéristique
fondamentale de la pédagogie salésienne », est une « condition indispensable » pour la
personnalisation et le discernement. L’accompagnement a comme fin « d’assurer au
confrère la proximité, l’échange de vues, l’orientation et les appuis appropriés en tout
moment du parcours de la formation et faire en sorte qu’il soit disposé et activement
responsable pour rechercher ce service, l’accueillir et en tirer profit, en sachant qu’il peut
assumer de multiples formes et degrés d’intensité. Il ne se limite pas à l’entretien
individuel, mais constitue un ensemble de relations, un milieu et une pédagogie, propres
au Système préventif : la présence proche et fraternelle qui suscite la confiance et la
familiarité, le cheminement fait au niveau du groupe, l’expérience communautaire ; les
rencontres brèves et occasionnelles et l’entretien personnel qui se veut fréquent et
systématique ; l’échange de vues sur des points étrangers à la direction spirituelle et à la
confession sacramentelle.»78
Au-delà de l’accompagnement personnel, l’accompagnement de la part du milieu
éducatif fait aussi partie du style salésien ; ce deuxième type d’accompagnement est le
résultat des relations interpersonnelles, des orientations des responsables, du partage
d’un projet commun. L’accompagnement communautaire joue un rôle très important
dans la communication vitale des valeurs salésiennes. Y veiller «c’est assurer la qualité
pédagogique et spirituelle de l’expérience communautaire et la qualité de l’animation et
de l’orientation de la communauté […]. Cela tend à construire une communauté orientée
avec son identité claire et pédagogiquement animée, et une expérience communautaire
qui, grâce au style salésien vécu chaque jour, oriente, stimule et soutient. C’est une
tâche qui s’impose à tout milieu de formation et en particulier pour les communautés
trop restreintes ou trop nombreuses.» 79
Pour « aider chacun à faire siens et à intérioriser les contenus de l’identité de sa
vocation », l’accompagnement doit être personnalisé ; il faut assurer la présence et la
disponibilité de personnes engagées dans la formation, leurs compétences et l’unité des
critères. Dans la tradition salésienne, l’accompagnement personnel se fait sous diverses
formes et avec différentes personnes :
76 FSDB, 255. « Les rapports malaisés et les situations de conflit non résolues comme il faut par
la réconciliation agissent sur les personnes en bloquant leur maturation et en créant des
difficultés à se donner avec sérénité et joie à leur mission et à Dieu » ” (J. E. VECCHI, “Experts,
témoins et artisans de communion » ACG 363 [1998], p. 31).
77 FSDB, 257.
78 FSDB, 258. « L’absence d’accompagnement ou un accompagnement qui ne va pas en profondeur
ou qui est discontinu peuvent gravement hypothéquer tout le travail de la formation. » (Ibidem).
79 FSDB, 259.
26

3.7 Page 27

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Le directeur « a aussi une responsabilité directe à l’égard de chaque confrère
et l’aide à réaliser sa vocation personnelle (C 55) ; durant la formation initiale, le
directeur est responsable du processus de la formation personnelle. Une façon
typique pour le directeur d’exercer ce service est l’entretien particulier, point
essentiel de la façon salésienne de former, signe concret d’attention et souci de
la personne et de son expérience ». Vécu « une fois par mois » (R 79) durant la
période de la formation initiale, cet entretien est « une forme d’orientation
spirituelle qui aide à personnaliser les parcours de la formation et à en
intérioriser les contenus.»80
Une autre forme d’accompagnement explicitement prévue par la pédagogie
salésienne « consiste dans les moments périodiques d’évaluation personnelle
("scrutini "), par lesquels le Conseil de la communauté aide le confrère à évaluer
le point où il en est dans sa formation personnelle, l’oriente et l’encourage
concrètement dans son travail de maturation. » 81
La direction spirituelle, qui « est un ministère de lumière, de soutien et de
guidance pour discerner la volonté de Dieu en vue d’atteindre la sainteté ; il
motive et suscite l’engagement personnel du confrère, le stimule à des options
sérieuses conformes à l’Évangile, et le met en face du projet salésien de la
vocation.82 Selon la tradition salésienne, le directeur de la communauté de
formation « est le directeur spirituel proposé aux confrères, qui gardent
cependant la liberté d’en choisir un autre ».83
Le sacrement de la réconciliation qui « offre a chaque confrère une direction
spirituelle très pratique et personnalisée, enrichie de l’efficacité propre du
sacrement. Le Confesseur non seulement absout des péchés, mais, en
réconciliant le pénitent, il l’encourage et le stimule sur la route de la fidélité à
Dieu et par conséquent aussi dans la perspective de sa vocation spécifique.
C’est pourquoi il est bon que durant la formation initiale, les confrères aient un
confesseur stable et ordinairement salésien.» 84
Il existe d’autres formes d’accompagnement personnel, et d’autres responsables, pour
aider le confrère à intégrer dans son expérience de formation l’exercice éducatif et
pastoral et son engagement intellectuel.85 « Une condition clé pour l’accompagnement est,
chez le confrère en formation initiale, la disposition à se former. » 86 Enfin,
80 FSDB, 261
81 FSDB, 261
82 FSDB, 262
83 FSDB, 262.
84 FSDB, 263
85 À cause de l'intérêt que cela revêt, il vaut la peine de citer ce qui est requis chez les autres
formateurs : « la disponibilité et le dévouement ; la conscience d’être des médiateurs de l’action du
Seigneur, du ministère de l’Église, de la mens de la Congrégation. Il faut en outre quelques
convictions, dispositions et conditions indispensables : une disposition spirituelle et une
perspective de foi, l’optique de la vocation salésienne et par conséquent la connaissance des
critères pour la discerner et des conditions pour la vivre, une sensibilité pédagogique qui favorise
un climat de liberté et l’attention à la personne et à son rythme de maturation, quelques
compétences spécifiques tant à propos de dimension humaine que de la pédagogie spirituelle. »
(FSDB, 264).
86FSDB 265. « Dès son prénoviciat il est conscient de ce que le cheminement de la vocation est
en premier lieu l’œuvre de Dieu, qui "se sert de la médiation humaine " (VC 66) ; que la formation
salésienne est un dialogue sincère et coresponsable avec la communauté qui porte le charisme ;
que la formation personnelle ne signifie pas autosuffisance ni cheminement individuel.»(Ibidem).
27

3.8 Page 28

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« l’accompagnement de la formation se situe dans le cadre de l’animation »:87 il évite
d’imposer, par la force, des expériences étrangères à celui qui se trouve en phase de
croissance et, en même temps, de faire renoncer à conseiller, proposer ou corriger.
6º. Veiller au discernement
Le discernement, spirituel et pastoral, est indispensable à tout Salésien pour vivre
sa vocation dans une fidélité créative et comme réponse permanente. Ceci est le fruit –
comme je vous l’ai écrit il y a quelque temps 88 – de l’écoute de la Parole, docile et
patiente. Dans cette Parole, nous pouvons trouver ce que Dieu veut aujourd’hui de nous
et comment il le veut […] « De la fréquentation de la Parole de Dieu, [les disciples du
Seigneur] ont reçu la lumière pour le discernement individuel et communautaire qui les
a aidés à chercher les voies du Seigneur dans les signes des temps. Ils ont ainsi acquis
une sorte d'instinct surnaturel » 89, c’est-à-dire ce regard de foi sans lequel « la vie perd
progressivement son sens, le visage des frères devient terne et il est impossible d'y
découvrir le visage du Christ, les événements de l'histoire demeurent ambigus, voire
privés d'espérance, la mission apostolique et caritative se transforme en activités qui
n'aboutissent à rien.» 90
Une communauté qui « entretient son regard évangélique sur la réalité et recherche la
volonté de Dieu dans un dialogue fraternel et patient, et avec un vif sentiment de
responsabilité » offre aux confrères un climat approprié pour exercer d’une manière
habituelle un discernement communautaire qui « renforce la convergence et la
communion, soutient l’unité spirituelle, approfondit le sens de la vocation, pousse à
rechercher l’authenticité et la rénovation.» 91
Au cours de la formation initiale, le discernement est « un service rendu au candidat
et au charisme ». Il a donc son importance puisqu’il s’agit de vérifier la certitude de
l’appel, la maturation des motivations, l’assimilation des valeurs, l’identification
croissante avec le projet de vie, en un mot, l’aptitude à la vocation. « Les admissions sont
[seulement] des moments de synthèse le long de ce processus. Le discernement se fait en
intime collaboration avec le candidat et la communauté locale et provinciale. L’expérience
de la formation part d’un présupposé fondamental : la volonté d’accomplir ensemble un
travail de discernement dans une disposition de communication ouverte et de
coresponsabilité sincère, avec une attention à la voix de l’Esprit et aux médiation
concrètes. Le discernement de la vocation porte sur les valeurs et les dispositions
requises pour vivre avec maturité, joie et fidélité la vocation salésienne : les conditions
d’aptitude, les motivations et l’intention droite.» 92
« Point clé de la méthodologie de la formation », le discernement rend effectif
l’engagement et la collaboration des responsables, « en garantissant la connaissance de
sa nature et de ses caractéristiques, l’emploi des moyens suggérés et l’attention aux
moments spécifiques, et surtout le travail constant et qualifié de tous », à commencer par
le candidat, « premier intéressé à découvrir le projet de Dieu à son sujet ». Il « veille [donc]
à rester sans cesse à l’écoute de la voix de Dieu et à l’action des formateurs, il oriente sa
vie dans une optique de foi et se confronte aux critères salésiens de la vocation. Il
87 FSDB, 266.
88 Cf. P. CHÁVEZ, Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. (Jn
6,68). Parole de Dieu et Vie salésienne, ACG 386 [2004], p. 37-38
89 Vita consecrata, 94
90 CIVCSVA, Repartir du Christ, 25.
91 FSDB, 268
92 FSDB, 269
28

3.9 Page 29

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cherche à se connaître en vérité à se faire connaître et à s’accepter, met à profit toutes
les médiations et les moyens que lui offre l’expérience de la formation, en particulier
l’accompagnement formateur et l’échange fraternel, l’entretien particulier avec le
directeur, la direction spirituelle, le sacrement de la Pénitence, les évaluations et le
discernement communautaire.» 93
Dans le processus de discernement, en plus du candidat, interviennent le Provincial
et son Conseil qui veillent sur « l’unité des critères », le directeur qui évalue « le progrès
du candidat dans le cheminement de sa vocation », l’ensemble de la communauté qui
exprime son avis (R 81).94 Tous les responsables doivent « se situer dans l’optique de la
vocation et une disposition de foi, avoir une sensibilité pédagogique et entretenir quelques
compétences spécifiques »95 d’une part et, de l’autre, avoir « comme point de référence
l’identité salésienne, ses éléments constitutifs, les exigences et les conditions pour la
vivre : il ne peut rester générique. Il faut donc connaître les critères indiqués par la
Congrégation, et s’y conformer, en premier lieu le critère de la qualité charismatique, qui
tend à poser les bases d’une expérience de la vocation authentique et fidèle, en
dépassant les préoccupations de nombre ou de rôle, les enthousiasmes non fondés ou les
engagements bâtis sur des aptitudes fragiles et non éprouvées. Celui qui intervient dans
le discernement le fait au nom de la Congrégation qui est responsable du charisme.» 96
Le discernement implique que l’on connaisse le caractère graduel du processus de
formation et la spécificité de chaque étape, en tenant compte de l’unité de la personne et
de sa croissance. Malgré cela, on ne peut pas permettre d’entreprendre les étapes de la
formation et de prendre des engagements « pour lesquels l’intéressé n’est pas apte » ; on
doit éviter aussi de « prolonger des situations à problèmes ou d’indécision qui n’offrent pas
de perspectives sérieuses d’amélioration. » 97
Du moment que le discernement est non seulement une attitude de vérification
personnelle mais, surtout, d’écoute de la voix de Dieu, qui parle continuellement et d’une
manière particulière dans certaines circonstances, il ne se cantonne pas à la formation
initiale mais, au contraire, il accompagne toute la vie du Salésien. De fait, « il peut y avoir
dans la vie du salésien des moments où il éprouve le besoin … d’une évaluation plus
attentive de son cheminement personnel, d’une révision de ses options pour les
réaffirmer ou en vue d’une nouvelle option de vocation… Il est plus que jamais nécessaire
que le confrère se situe dans une véritable disposition de discernement spirituel, libre
des pressions intérieures et extérieures, ouvert à la confrontation, en évitant de s’isoler et
de prendre seul des décisions, en se donnant le temps nécessaire, en acceptant les
possibilités et les moyens qui lui sont offerts. Il revient à la communauté, à travers ses
responsables, de reconnaître, de comprendre et d’accompagner le confrère avec respect et
dans un esprit fraternel, et de le soutenir comme il faut avec des interventions ordinaires
et extraordinaires.» 98
2.3 Formation : une priorité absolue
93 FSDB, 270
94 FSDB, 270
95 FSDB, 271
96 FSDB, 272
97 FSDB, 321
98 FSDB, 276. Pour l’accompagnement des confrères en situations particulières, cf. Le Provincial
Salésien, Rome 1987, 390-395; Le Directeur Salésien, Rome 1986, 268.
29

3.10 Page 30

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En tant qu’effort d’assimilation de l’identité charismatique, la formation « est une
tâche qui dure toute la vie.» 99 « En effet, si la vie consacrée est en elle-même "une
appropriation progressive des sentiments du Christ", il semble évident que ce chemin ne
pourra que se poursuivre tout au long de l'existence, pour engager toute la personne. » 100
Tant que l’appel n’est pas annulé, nous sommes en dette avec Dieu et avec nos
destinataires : tout simplement parce que « toute la vie est une vocation, toute la vie est
une formation.» 101
Bien qu’il soit vrai que la formation dure toute la vie, ses objectifs et ses
cheminements ne sont pas toujours identiques. La formation initiale, « marquée par
d'intenses expériences spirituelles conduisant à des décisions courageuses»,102 vise à
l’identification charismatique de l’appelé, à la connaissance et à l’appropriation
personnelle de la vocation ; elle a une durée limitée dans le temps, divisé en différentes
étapes qui permettent un processus progressif d’assimilation du charisme et de
disponibilité à la mission ; « elle va de la première orientation vers la vie salésienne à
l’approfondissement des motivations et l’identification avec le projet salésien à vivre dans
une Province concrète »103 : plus qu’un temps d’attente, c’est un temps de travail et de
sainteté (cf. C 105).
La formation permanente consiste plutôt en «un effort constant de conversion et de
renouvellement » ( C 99) qui nous libère pour « apprendre pendant toute son existence, à
tout âge et toute saison de la vie, dans tout milieu et tout contexte humain, de toute
personne et de toute culture, afin de pouvoir s'instruire à partir de tout fragment de
vérité et de beauté qui se trouve autour d'elle. » Mais surtout elle nous fait « apprendre à
se laisser former par la vie quotidienne, par sa communauté et par ses frères et sœurs,
par les choses de tous les jours, ordinaires et extraordinaires, par la prière et le travail
apostolique, dans la joie et dans la souffrance, jusqu'au moment de sa mort [...]. Les
personnes en formation continue se réapproprient le temps, elles ne le subissent pas,
mais l'accueillent comme un don et elles entrent avec sagesse dans les divers rythmes
(quotidien, hebdomadaire, mensuel, annuel) de la vie elle-même, en recherchant
l'harmonie entre ceux-ci et le rythme fixé par Dieu immuable et éternel, qui marque les
jours, les siècles et le temps104
Concrètement, pour nous Salésiens, la formation permanente « est une croissance en
maturité humaine, une conformation au Christ, une fidélité à Don Bosco pour répondre
aux exigences toujours nouvelles de la condition des jeunes des milieux populaires».105
L’appelé, engagé par la profession perpétuelle à vivre identifié à sa vocation, demeure fidèle
à lui-même, s’appuyant sur la fidélité de Dieu et sur l’amour pour les jeunes (cf. C 195).106
« Comme pour Don Bosco à ses débuts, ainsi aujourd’hui pour la Congrégation et pour
chaque salésien l’identification avec le charisme et la volonté de lui rester fidèle, c’est-à-
99 FSDB, 42
100 CIVCSVA, Repartir du Christ, 15. Cf. Vita consecrata, 65.
101 FSDB, 520
102 CIVCSVA, Repartir du Christ, 9.
103 FSDB, 308. Repartir du Christ
104 CIVCSVA, Ripartire da Cristo, 15.
105 FSDB, 309
106 « Il n’y aura de nouveauté de vie que si la formation permanente réussit à être le nouveau mode
d'être de la vie consacrée, le nouveau mode de penser des personnes consacrées. Si nous voulons
que cesse le scandale de personnes consacrées éteintes et sans enthousiasme, rigides et
autosuffisantes dans leurs certitudes, insensibles et froides devant tout stimulant, la formation
permanente est le chemin obligé pour sortir de cette situation ».
30

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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dire la formation, constituent une priorité absolument vitale. »107 Le cheminement de
rénovation dans lequel nous sommes engagés, alors que nous allons vers la célébration
du bicentenaire de la naissance de Don Bosco, « dépend principalement de la
formation »108 de chaque Salésien. « Ressentie comme une épine » depuis notre CG 24, la
formation, « part inaliénable de la compétence éducative et de la spiritualité du
pasteur » 109, fut déjà considérée par mon prédécesseur, le Père Vecchi, « comme un
investissement prioritaire » 110 : « investir signifie établir et maintenir des priorités,
assurer les conditions, œuvrer selon un programme qui place en premier lieu les
personnes, les communautés, la mission. Investir en temps, en personnel, en initiatives,
en ressources économiques pour la formation, c’est le devoir et l’intérêt de tous.» 111
Prière finale
Je termine cette lettre, que je considère comme particulièrement importante car de la
qualité de la formation des nouveaux Salésiens dépend dans une grande mesure l’avenir
de la Congrégation, en invoquant la Vierge Marie. Elle a d’abord été appelée par Dieu,
formée par son Esprit et accompagnée par Joseph, et ensuite par Jésus ; ainsi a-t-elle pu
croître dans la foi et rester fidèle au projet de Dieu sur Elle. Et c’est justement parce
qu’elle a été fidèle jusqu’à la mort de Jésus, que son Fils crucifié nous l’a donnée pour
mère.
Ô Marie, Mère et Guide de tous les disciples de ton Fils, nous regardons vers toi et
nous te contemplons comme la première consacrée qui a su répondre avec un cœur
sans partage et un don de soi inconditionnel à l’appel du Père. Consciente que seul
Dieu rend possible ce qui est humainement impossible, tu t’es laissée habiter et
former par l’Esprit Saint pour engendrer en toi le Fils de Dieu.
Tu as vécu à fond ton très beau métier de Mère du Fils de Dieu : voilà pourquoi, après
l’avoir mis au monde, tu l’as élevé pleinement avec Joseph, et ainsi « il grandissait en
sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2,52). En
vraie mère, tu as su transmettre à ton fils les attitudes profondes et les grandes
valeurs qui ont animé et caractérisé ta vie : la recherche continue de la volonté de
Dieu, l’accueil cordial de cette volonté même quand tu ne la comprenais pas, tout en
la mettant à profit, le service des autres, spécialement les nécessiteux.
Il n’est donc pas étonnant de voir ton Fils se retirer dans la montagne et passer la
nuit en prière, expression suprême de sa foi et moment incomparable pour connaître
ce que le Père attendait de lui, en faire son programme de vie, et ainsi « bien qu'il fût
le Fils, il a pourtant appris l'obéissance… et, conduit à sa perfection, il est devenu
pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel » (cf. Hb 5,8-9). Il n’est pas
surprenant qu’il n’ait pas eu de meilleures occupations, ni d’attention suprême, ni de
nourriture plus nourrissante que celle de faire la volonté du Père (Lc 2,49 ; Jn 4,34). Il
n’est pas étonnant enfin qu’il ait défini sa vie comme un service : « car le Fils de
l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon
pour la multitude. » (Mc 10,45)
107 FSDB, 5
108 CIVCSVA, Repartir du Christ, 14. Cf. CIVCSVA, Directives sur la formation dans les Instituts
Religieux, Potissimum institutioni Roma, 2 février 1990, 1.
109 J. E. VECCHI, « "Pour vous j'étudie …" (C. 14). La préparation appropriée des confrères et la
qualité de notre travail éducatif », ACG 361 [1997)], p. 6.
110 J. E. VECCHI, ibidem p. 25. « Nous ne devons pas seulement gérer les crises mais semer pour
l'avenir » (ib. p. 35).
111 CG24, 248
31

4.2 Page 32

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Ô Marie, tu as vécu la plénitude de la charité. En toi se reflètent et se renouvellent
tous les aspects de l’Évangile, tous les charismes de la vie consacrée. Soutiens-nous
dans notre engagement quotidien, afin que nous en fassions un merveilleux
témoignage d’amour, selon l’invitation de saint Paul : « Je vous encourage à suivre
fidèlement l'appel que vous avez reçu de Dieu ! » (Ep 4,1).112
Toi qui as été donné à Don Bosco comme Mère et Guide, dès le « songe » qui orienta
toute sa vie, toi qui as formé en lui un cœur de père et de maître capable d’un don
total de soi-même, qui lui as indiqué son champ d’action parmi les jeunes et l’as
constamment guidé (cf. C 1.8), forme aussi en nous un cœur plein de passion pour
Dieu et pour les jeunes.
Nous nous confions à toi, ô notre Mère. De toi nous apprenons à être fils de Dieu et
disciples de ton Fils, ô notre Guide. Amen.
Pascual Chávez V., sdb
112 Cf. Repartir du Christ, 46
32