ACG439_Artime_Comme_levain


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1. LE RECTEUR MAJEUR
ÉTRENNE 2023
du Recteur Majeur
Père Angel Fernândez Artime
COMME LEVAIN
DANS LA FAMILLE HUMAINE D'AUJOURD'HUI
La dimension laïque
de la Famille de Don Bosco
Turin, 20 décembre 2022
À l'occasion de la réunion de la Consulte Mondiale de la Fa-
mille Salésienne, qui s'est tenue en mai 2022 à Turin-Valdocco,
il m'a été demandé d'approfondir, avec l'Étrenne pour l'année
2023, le thème de la dimension laïque de la Famille Salésienne:
une Famille qui cherche à être toujours fidèle au Seigneur sur
les « pas » de Don Bosco. Le présent commentaire entend
répondre à cette demande.
Tout d'abord, je voudrais rappeler que cette Étrenne 2023
s'adresse à deux groupes de destinataires.
Les premiers sont les adolescents et les jeunes de toutes les
présences de la Famille Don Bosco dans le monde, en tant que
premiers « destinataires » de la mission salésienne. En effet, de-
puis le début, ils sont présents dans les maisons salésiennes et
au centre de l'attention de chaque Groupe de notre Famille ; et
ils doivent pouvoir connaître - en tant que chrétiens ou même
en tant que croyants d'autres religions - la force de ce message
du Seigneur : « être sel de la terre et lumière du monde » , être
levain dans la famille humaine d'aujourd'hui. Il s'agit d'un très
bel engagement, d'une belle façon de vivre sa vocation et, en mê-
me temps, d'un grand défi pour nous, éducateurs, qui avons la

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4 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
tâche d'accompagner les jeunes sur le chemin de la vie, afin
qu'ils la vivent comme un engagement et une responsabilité, en
recherchant la fraternité et la justice pour tous et pour chacun.
En même temps, l'Étrenne s'adresse à tous les Groupes de
la Famille Salésienne, invités à découvrir (ou à redécouvrir) la
dimension laïque propre de notre Famille et la complémentarité
vocationnelle qu'il y a et qu'il doit toujours y avoir entre nous.
À la lumière de ce qui caractérise le plus notre pédagogie et
notre spiritualité, nous entendons aider les adolescents et les jeunes
en particulier à découvrir que chacun d'eux est appelé à être comme
le levain dont parle Jésus ; comme le bon levain qui aide à grandir
et à rendre le « pain » de la famille humaine plus abondant et
plus savoureux. Chacun d'eux est appelé à être un véritable pro-
tagoniste car, à sa manière, il est « une mission sur cette terre ».1
Pour la Fa.mille de Don Bosco, l'Étrenne veut être un
message clair visant vivement à lui faire découvrir sa dimension
laïque. En fait, elle est une Famille dont la majorité des
membres est constituée de laïcs : des hommes et des femmes is-
sus de nombreuses nations et répartis sur tous les continents.
Cette variété qui nous distingue est en soi un don et une respon-
sabilité auxquels nous ne pouvons pas nous soustraire. Être si
riches en cultures et si largement présents dans le monde est le
fruit de l'histoire de la mission et du charisme dans lesquels
nous avons été engendrés et qui sont un don de l'Esprit.
Le fait d'être ensemble comme peuple de Dieu (laôs =
peuple, d'où laïc, c'est-à-dire membre du peuple) pour le bien
des jeunes de l'Est à l'Ouest du globe, et du Sud au Nord, cor-
respond tout à fait à ce que l'Église demande avec insistance de-
puis longtemps, et à ce dont notre monde si fragmenté a de plus
en plus besoin.
Et nous, personnes consacrées dans la Famille Salé-
' PAPE FRANÇOIS, Evangelii Gaudium [EGJ, 273 ; Christus Vivit [ChV], 25.

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LE RECTEUR MAJEUR 5
sienne, sommes également invités à être « levain dans la pâte
du pain de l'humanité » et à vivre en étroite collaboration, en
nous laissant enrichir par la laïcité évangélique de nos frères et
sœurs. En fait, nous partageons la plupart de nos journées avec
eux. La sécularité est donc déjà dans notre ADN de Salésiens
et Salésiennes consacrés, car nous avons été engendrés dans la
Famille à laquelle Don Bosco a donné vie en son premier Oratoire
et qui, dès le début, a été composée de personnes consacrées et
de laïcs. Nous sommes nés avec cette grande proximité et ce par-
tage intense entre états de vie différents et vocations différentes.
Et, pour le dire brièvement, nous sommes appelés, comme
Famille, à nous dévouer et à nous compléter mutuellement.
1. Le levain du Royaume
Jésus dit encore:
« À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ?
Il est comparable au levain qu'une femme a pris
et enfoui dans trois mesures de farine,
jusqu'à ce que toute la pâte ait levé. » (Le 13, 20-21)
Le levain travaille silencieusement. Le levage a lieu en silen-
ce, tout comme l'œuvre du Royaume de Dieu en son activité
« intérieure».
En effet, qui a jamais pu écouter le levain agir sur la farine
et sur la pâte où il a été enfoui, tandis qu'il fait lever toute la
masse? Cela nous fait comprendre l'action du Royaume de Dieu.
L'apôtre Paul lui-même présente le Royaume sur la base de son
aspect le plus intime lorsqu'il dit : « En effet, le Royaume de
Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de bois-
son ; il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint. » (Rm 14, 17)
Tout cela est l'action intérieure et invisible de l'Esprit ; c'est le
levain enfoui dans le cœur. Et tout comme le levain accomplit
son action par contact, il en est de même pour l'Évangile.

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6 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
La parabole du levain choisie comme thème de l'Étrenne
2023 est une parabole de grande sagesse évangélique, d'actualité
pédagogique et éducative : elle exprime d'une manière parfaite
la nature du Royaume de Dieu que Jésu s a vécu et enseigné.
Il existe diver ses interprétations théologiques possibles de
ce passage biblique. Mon choix interprétatif pour }'Étrenne
de cette année est précisément de présenter le levain comme
l'image-symbole de la fécondité et de la croissance typiques
du Royaume de Dieu qui, dans le cœur des personnes, féconde
l'appel à la vie, la vocation Dieu nous a plantés, orientant
la mission des laïcs et de toute la Famille de Don Bosco à travers
le monde.
« Un peu de levain suffit pour que toute la pâte fermente »
(Ga 5,9). Il est surprenant de voir comment une portion de fari-
ne double ou triple avec l 'ajout d'une petite portion de levain.
Le Seigneur nous dit que le Royaume de Dieu est comme le le-
vain avec lequel on fait lever la pâte dans la préparation du pain.
Le levain, comme le souligne J ésu s, n'est pas un élém ent pré-
sent en grande quantité. Au contraire, on en utilise très peu.
Mais ce qui le distingue, c'est qu'il s'agit du seul ingrédient
vivant et, comme il est vivant, il a la capacité d'influencer,
de conditionner et de transformer toute la pâte.
Nous pouvons donc affirmer que le Royaume de Dieu se pré-
sente ainsi :
« Une réalité humainement petite et apparemment sans importance.
Pour arriver à en faire partie, il faut être pauvres de cœm; ne pas placer
notre confiance dans nos propres capacités, mais dans la puissance de
l'amour de Dieu ; ne pas agir pour êtTe importants aux yeux du monde,
mais précieux aux yeux de Dieu, qui privilégie les simples et les
humbles.(...) [Certes], le Royaume de Dieu requiert notre collaboration,
mais il est sw ·tout initiative et don du Seigneur. Si notre œuvre faible,
apparemment petite face à la complexité des problèmes du monde, s'in-
sère dans celle de Dieu, elle ne craint pas les difficultés. La victoire
du Seigneur est certaine : son amour fera germer et fera grandir toute
semence de bien présente sur la terre. Cela nous ouvre à la confiance et
à l'espérance en dépit des drames, des injustices, des souffrances que

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LE RECTEUR MAJEUR 7
nous rencontrons. La semence de bien et de paix germe et se développe
pai·ce que c'est l'amour miséricordieux de Dieu qui la fait mûrir.»2
2. Le Royaume de Dieu continue à grandir dans notre
monde entre lumières et ombres
Dans l'Évangile, le Royaume vient avec Jésu s lu i-même :
c'est sa présence, sa parole - Lui, le Verbe fait chair. C'est sa fa-
çon de vivre avec les gens, de côtoyer des personnes de tous ho-
rizons, parmi lesquelles il privilégie précisément les gens que les
autres excluent. Un passage de l'Évangile de Matthieu éclaire
sur la manière dont Jésus a vécu le Royaume de Dieu :
« Une fois sortis, les pharisiens se réunirent
en conseil contre Jésus pour voir comment le faire périr.
Jésus, l'ayant appris, se retira de là;
beaucoup de gens le suivirent, et il les guérit tous.
Mais il leur défendit vivement de parler de lui.
Ainsi devait s'accomplir la parole
prononcée par le p rophète Isaïe :
"Voici mon serviteur que j'ai choisi,
mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur.
Je ferai reposer sur lui mon Esprit,
aux nations il fera connaître le jugement.
Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas,
on n'entendra pas sa voix sur les places publiques.
Il n'écrasera pas le roseau froissé,
il n 'éteindra pas la mèche qui faiblit,
jusqu'à ce qu'il ait fait triompher le jugement.
Les nations mettront en son nom leur espérance." ,,
(Mt 12,14-21)
C'est J ésus lui-même qui travaille comme levain au milieu des
gens les plus ordinaires, parmi les malades qui ont besoin de guérison.
2 PAPE FRANÇOIS, Angélus, Rome 14juin 2015.

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8 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
« Et il les guérit tous» : le visage de Jésus est un visage «laïc »,
au milieu du « la6s » , de son peuple il n'y a pas de différence
de classe sociale ou d'origine. Ils semblent tous unis par la pau-
vreté et leur besoin d'aide. Une vulnérabilité qui ne Lui est pas
étrangère - comme le montrent les premiers versets où il est
question de l'hostilité ouverte des Pharisiens, signe prémonitoire
de la croix qui s'approche et où son devenir pauvre pour nous
enrichir atteindra son plein accomplissement (cf. Jn 19,30).
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » (Mc 1,15). L'expression
se retrouve 122 fois dans l'Évangile et 90 fois sur les lèvres de Jésus.
Comme l'a exprimé à maintes reprises le grand théologien Karl
Rahner, il est évident qu'au cœur de la prédication de Jésus se trou-
ve le Royaume de Dieu. Jésus a vécu pleinement le Royaume, dé-
montrant par ses actes l'amour inconditionnel de Dieu pour les der-
niers ; et son mode de vie a été assimilé par osmose par les Douze
et perpétué dans l'Église primitive: « Celui qui croit en moi fera
les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes» (Jn 14,12).
Aujourd'hui aussi nous reconnaissons qu'il se fait tant de bien
- et cela va en augmentant - dans notre monde, dans ce Royaume
en construction. Mais nous reconnaissons aussi qu'il y a encore
tant de souffrances: souffrances qui sont souvent la conséquence
de notre manière d'être et d'agir au sein de la famille humaine.
Nous sommes appelés à ouvrir nos yeux et nos cœurs à la ma-
nière d'agir de Dieu qui instaure son Royaume selon ses voies.
C'est en nous accordant à sa manière d'être et d'agir que nous col-
laborons avec Lui, comme des ouvriers dans sa vigne. Sinon, cette
œuvre cesse d'être « de Dieu » et devient seulement notre œuvre.
L'ouverture universelle qui nous caractérise comme Famille
Salésienne est en pleine harmonie avec l'Évangile du Royaume.
Notre proximité avec tant de communautés humaines différentes
dans environ 75% des pays du monde constitue en soi un formi-
dable potentiel d'unité et de mission. L'Église est composée de
plus de 99% de laïcs. Imaginez ce que devient la proportion si

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LE RECTEUR MAJEUR 9
l'on embrasse toute la famille humaine: les laïcs sont non seule-
ment la pâte mais aussi le levain du Royaume. Comme l'écrivait
déjà saint Jean Paul II, voilà plus de 30 ans, en ce vaste monde,
« la mission ad gentes n'en est encore qu'à ses débuts. »3
Parfois, notre contribution humaine ou nos peu d'efforts peu-
vent sembler insignifiants, mais ils seront toujours importants de-
vant Dieu. Nous ne devons pas et ne pouvons pas mesurer l'effica-
cité ou les résultats de nos efforts en évaluant ce que nous investis-
sons en eux, les efforts exigés de nous, comme s'ils étaient les seuls
facteurs enjeu alors que la raison ultime de tout est Dieu. Ne nous
perdons pas dans des excuses qui paralysent la mission et la
construction du Royaume. Pour Don Bosco aussi, le mieux pouvait
être l'ennemi du bien : il ne faut pas attendre des circonstances
idéales pour faire un premier pas. Soyons conscients de nos limites,
sans triomphalisme ni autoréférence stérile, et en même temps plei-
nement confiants, sûrs de toujours « partir d'un point accessible au
bien »: voilà le style du Royaume vécu selon le charisme salésien.4
En regardant la réalité avec les « yeux » et le « cœur » de Dieu,
nous comprendrons que nous ne devons pas confondre la peti-
tesse et l'humilité avec la faiblesse et l'inertie. Ce que nous pou-
vons faire est peu de choses face au « beaucoup » qui est exigé de
nous. Cependant, ce n'est jamais « pas assez » ou insignifiant,
parce que c'est Dieu qui fait grandir. C'est la puissance de Dieu
qui vient aider. Et c'est Dieu qui, à la fin, accompagne notre en-
gagement, nos efforts, notre pauvre levain dans la pâte. À condi-
t ion de faire tout et toujours en son nom.
3. La famille humaine a besoin de fils et filles responsables
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de
ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi
les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du
3 JEAN PAUL II, EncycliqueRedemptoris missio, Rome 7 décembre 1990, n. 40.
4 MB V, 367.

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10 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur
cœur. »5
C'est ainsi que commence la Constitution Pastorale Gaudium
et Spes du Concile Vatican II. Dans trois ans, nous commémore-
rons le 6Qème anniversaire de sa promulgation.6 Elle a marqué et
continue de marquer l'horizon dans lequel l'Église est appelée à
se m ouvoir : un panor ama t rès familier pour ceux qui, dans l'Égli-
se et dans le monde, accomplissent une mission comme celle de
Don Bosco, où la vitalité de la jeunesse et la compassion pour les
pauvres et les souffrants sont toujours présentes.
C'est une invitation à se sentir solidaires et à entrer sans
crainte dans ce temps qu'il nous est donné de vivre, avec des
défis qui semblent gagner toujours plus en intensité, qui sont
de plus en plus globaux et où les premières à en être affectées,
souvent de manière tragique, sont les couches les plus jeunes de
la population.
C'est une volonté de découvrir le sens de sa propre ex istence
en sachant que ma vie n'est jamais isolée de celle de tous les
autres. Le « je » et le « nous » ne peuvent exister et bien vivre
gu'ensemble. La parabole du levain et la proposition de cette
Etrenne nous aident à nous mettre au diapason des processus
évolutifs qui façonnent l'histoire humaine. Le levain m élangé à
la masse du pain a besoin de son propre temps pour fermenter ;
et nous aussi, nous avons une responsabilité et un engagement
dans la construction de cette famille humaine pour que le monde
soit plus vivable, plus juste, plus fraternel.
Nous connaissons le bien qui nous entour e mais aussi la dou-
leur que nous n 'avons pas encore pu surmonter dans le monde
dans lequel nous vivons. Le Pape François nous le rappelle lors-
qu'il affirme :
" C ONCILE VATICAN II, Gaudium et Spes, 1.
6 La Constit ution a été promuJ guée lors de la célébration des Vêpres de la
Solennité de l'immaculée Con ception, le 7 décembre 1965.

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LE RECTEUR MAJEUR 11
« Chaque génération doit faire siens les luttes et les acquis des géné-
rations passées et les conduire à des sommets plus hauts encore. C'est
le chemin. Le bien, comme l'amour également, la justice et la soli-
darité ne s'obtiennent pas une fois pour toutes ; il faut les conquérir
chaque jour. Il n'est pas possible de se contenter de ce qui a été réalisé
dans le passé et de s'installer pour en jouir comme si cette condition
nous conduisait à ignorer que beaucoup de nos frères subissent des si-
tuations d'injustice qui nous interpellent tous. »'
Le cri des pauvres s'amplifie, la majorité d'entre eux étant des
enfants, des adolescents et des jeunes : nous sommes confrontés
à des défis aussi vastes que proches de ceux que nous trouvons
aux origines de notre mission. Nous sommes faits pour cette
époque, tout comme Don Bosco l'était pour la sienne. Nous res-
sentons fortement l'appel qui vient de la famille humaine dont
nous faisons partie en tant qu'individus et en tant que commu-
nauté ; une famille marquée et blessée par le besoin pressant de
justice et de dignité pour les derniers et les exclus,8 qui a besoin
de paix et de fraternité,9 de prendre soin de la maison commune. 10
Deux besoins non moins forts et non moins radicaux, à la
base de tout autre désir, sont le besoin de vérité 11 et le besoin
de Dieu. 12
Face à cette réalité, nous devons être très conscients que
nous ne pouvons pas remettre à demain le bien que nous pou-
vons et devons faire aujourd'hui. Nous sommes appelés à être le
levain qui transforme la famille humaine de l'intérieur. C'est un
mandat fondamental et il coïncide avec notre vie même, avec le
fait d'être des humains: personne ne peut s'en soustraire ou se
considérer comme exclu.
C'est pourquoi, en tant que membres de la Famille de Don
Bosco et inspirés de la dynamique évangélique du levain, nous en-
tendons approfondir et reconnaître la richesse de faire partie de
7 Fratelli tutti (FT) 8 et 11.
Cf FT, 15-17; 18-21 ; 29-31 ; 69-71; 80-83; 124-127 ;234.
9 Cf. FT 88-111 ; 216-221 ; ChV 163-167.
1°Cf. toute !'Encyclique Laudato Si'.
11 Cf. Lumen Fidei (LF) 23-25 ; FT 226-227.
12 Cf. LF 1-7; 35; 50-51; 58-60.

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12 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
cette Famille humaine et salésienne, où tant de membres de cette
Famille de Don Bosco sont des laïcs - hommes et femmes - et où,
en tant que personnes consacrées, nous devons nous enrichir de
cette complémentarité.13 Être laïc est un état de vie, une vocation
qui caractérise de manière prépondérante toutes les présences
dans le monde qui, de diverses manières, s'identifient ou s'accor-
dent avec la Famille de Don Bosco. Reconnaissants et unis comme
une famille authentique, nous souhaitons valoriser au mieux,
dans les différentes cultures et sociétés, le don de leur vie, la force
de leur foi, la beauté de leur famille, leur expérience de vie et
de travail, leur talent pour interpréter et vivre le charisme et la
mission de Don Bosco pour les jeunes et le monde d'aujourd'hui.
4. Le laïc : un chrétien qui « sanctifie le monde de l'intérieur »
Les choses se présentent ainsi : le laïc dans l'Église et dans
la Famille Salésienne est et sera de plus en plus un chrétien
engagé qui « sanctifie le monde de l'intérieur ».
Un regard correct et attentif sur l'ecclésiologie proposée par
le Concile Vatican II nous permet de déclarer qu'aujourd'hui, sur-
tout en tant que chrétiens, nous ne pouvons pas accepter (et en-
core moins encourager) un dualisme entre le sacr é et le profane
dans la réalité d'un monde qui a été créé par Dieu. Cette dérive
dualiste s'est certainement produite lorsque l'autonomie légitime
des « choses séculières » ( « profanes »), par opposition aux choses
« sacrées » (ou religieuses) , n'a pas été correctement comprise.
L'Église, depuis les origines du christianisme, et surtout de-
puis le Concile Vatican II, a clairement reconnu la relation du
chrétien avec le monde dans lequel il vit, même dans une société
où être chrétien était et est quelque chose de marginal.
13 Cf. J.E. VECCHI, La famiglia salesiana compie uenticinque anni, in M. BAY
(A CURA DI), Educatori appassionati esperti e consacrati per i giouani. Lettere
circolari ai Salesiani di don Juan E. Vecchi, LAS, Roma 2013, 137.

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LE RECTEUR MAJEUR 13
Dans la Lettre à Diognète (IJè'""siècle après J.-C.) - à mon avis
une belle œuvre de la littérature chrétienne primitive - on trouve
une merveilleuse description du chrétien dans le monde :
« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par
le langage, ni par les coutumes. Cru: ils n'habitent pas de villes qui lew-
soient propres, ils n'emploient pas quelque dialecte extraordinaire, lew-
genre de vie n'a rien de singulier. Leur doctrine n'a pas été découverte
par l'imagination ou par les rêveries d'esprits inquiets; ils ne se font pas,
comme tant d'autres, les champions d'une doctrine d'or:igine humaine.
Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de
chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la
nourrituxe et le reste de l'existence, tout en manifestant les lois extra-
ordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils rési-
dent chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domici-
liés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent
toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrnngère leur est
une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. [...]
En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le
monde. L'âme est, en effet, répandue dans tous les membres du corps
comme les chrétiens le sont dans toutes les cités du monde. [...] »1•
C'est un texte magnifique et très utile pour comprendre la
sécularité chrétienne que nous avons l'intention de présenter et
que nous avons indiquée dans le titre de l'Étrenne avec « dimen-
sion laïque » de la vie chrétienne et de notre Famille Salésienne.
Aujourd'hui, la Famille Salésienne de Don Bosco est appelée
à vivre dans le monde comme levain, en collaborant, à partir de
sa propre condition de croyante, à la construction d'un monde
meilleur, où que nous soyons, sans distinction de nation, de cul-
ture ou de religion. L'Église a donné un nom à ce vaste champ
d'action : caractère séculier de la vocation des laïcs.
« Le caractère séculier est le caractère propre et particulier des laïcs.
[...] La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu
précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordon-
nent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c'est-à-dire engagés
dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions
" Lettre à Diognète (Chap. 5-6 ; Funk 1, 317-321).

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14 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme
tissée. À cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme
du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en
exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit évangélique,
et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage
de leur vie, rayonnant de foi, d'espérance et de charité. C'est à eux
qu'il r evient, d'une manièr e particulière, d'éclairer et d'orienter toutes
les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle
sorte qu'elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et
soient à la louange du Créateur et Rédempteur. »15
Et il n'en est pas moins vrai que la condition des fidèles laïcs
est commune à tous, et que nous sommes tous coresponsables
du Royaume.
« Théologiquement, la laïcité de toute l'Église se comprend à partir du
sens de la relation Église-monde, du sacerdoce commun, de la prophétie
et de la dimension royale. Tout baptisé est membre d'une Eglise qui
doit servir Je monde pour rendre présente la volonté salvifique de Dieu
et de son Royaume, même si tout baptisé exerce ou développe cette laï-
cité d'une manière part iculière, de sorte qu'il y ait une diversité de mi-
nistères et de fonctions et , dans une certaine mesure, de "présence et
de situation" dans le monde, dans l'histoire et dans la société. » 16
Il est important de comprendre en quoi consiste ce « style
chrétien » comme manière d'être présent dans la société, confor-
mément au Concile Vatican II ;11 la voie à suivre pour l'évangéli-
sation et l'action missionnaire de l'Église dans une société la
1• Lumen Gentium, 31. L'Exhortation Apostolique Christifideles laici
(1988), synthétise fort bien que la t âche de tous les baptisés - même de ma-
nièr es diverses - est d'être levain dans le monde : « Les images évangéliques
du sel, de la lumière et du levain, bien qu'elles s'adressent indistinctement à
tous les disciples de J ésus, s'appliquent de façon toute spéciale aux fidèles laïcs.
Ce sont des images merveilleusement significatives, parce qu'elles traduisent
non seulement l'insertion profonde et la participation totale des fidèles laïcs
sur la terre, dans le monde, dans la communauté humaine, mais surtout la
nouveauté et l'originalité d'une insertion et d'une participation destinées à la
diffusion de l'Evangile qui sauve. » ChL 15).
1• BERZOSA, R., "iUna teologfo y espiritualidad laical?" Revista Misi6n
Ahierta, (mercaba.org/fichasnaico).
17 Cfr. C. T HEOBALD, La fede nell'attuale contesta europeo. Cristianesimo come
stile, Queriniana, Brescia 2021, 96-146.

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LE RECTEUR MAJEUR 15
religiosité ne peut plus être considérée comme allant de soi, com-
me si elle était quelque chose d'évident et de toujours présent.
En reconnaissant l' «autonomie du profane »comme un aspect
légitime de la laïcité, la théologie s'attache à distinguer l'autono-
mie des tâches profanes et le domaine du religieux, avec le droit
légitime pour les deux réalités de coexister. En d'autres termes,
elle met en évidence l'aspect légitime de la laïcité, qui est fort dif-
férent du « sécularisme » associé à une sécularisation radicale en-
nemie de tout ce qui est religieux. Le fait religieux dans ses diffé-
rents « credo » a tout à fait le droit d'exister et d'avoir une «carte
de citoyenneté ». Le Concile Vatican II est décisif à cet égard:
« Pourtant, un grand nombre de nos contemporains semblent redouter
un lien étroit entre l'activité concrète et la religion : ils y voient un dan-
ger pour l'autonomie des hommes, des sociétés et des sciences. Si, par
autonomie des réalités terrestres, on veut dire que les choses créées et
les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres, que
l'homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organise1~
une telle exigence d'autonomie est pleinement légitime : non seulement
elle est revendiquée par les hommes de notre temps, mais elle c01Tes-
pond à la volonté du Créateur. (...) À ce propos, qu'on nous permette de
déplorer certaines attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-
mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de la science.
(...) Mais si, par « autonomie du temporel », on veut dire que les choses
créées ne dépendent pas de Dieu et que l' homme peut en disposer sans
référence au Créateur, la fausseté de tels propos ne peut échapper à qui-
conque reconnaît Dieu. En effet, la créature sans Créateur s 'évanouit.»18
L'anthropologie chrétienne doit chercher aujourd'hui, com-
me par le passé, à traduire les valeurs et le message de salut
transmis par l'Évangile dans le langage des différentes sociétés
et cultures du monde. Il s'agit d'harmoniser l'autonomie légiti-
me de l'homme avec la validité, l'authenticité et la cohérence de
la foi chrétienne. C'est le défi pour le croyant, pour les fidèles
chrétiens et pour nous dans notre mission en tant que Famille
de Don Bosco : respect pour tous, mais peur et honte pour notre
statut de croyants, jamais et avec personne!
1• GS, 36.

2.4 Page 14

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16 ACTES DU CONSEIL GÊNÉRAL
L'Église, par la voix du Concile Vatican II, nous rappelle que
c'est une grave erreur de séparer la vie quotidienne de la vie de foi :
« Ils s' éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n'avons point
ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future
croient pouvoir, pour cela, négliger lew·s tâches humaines, sans s' aper-
cevofr que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun (...). Mais
ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l'inverse, croient pouvoir se
livrer entièrement à des activités terrestres en agissant comme si elles
étaient tout à fait étrangères à lew- vie religieuse - celle-ci se limitant
alors pow· eux à l'exercice du culte et à quelques obligations morales
déterminées. Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le compor-
tement quotidien d 'un grand nombre est à compter parmi les plus
graves errew·s de notre temps. »19
Il s'agit de vivre en tant que chrétiens dans un monde qui ne
sera pas meilleur san s le petit levain que le christianisme appor-
te au monde créé par Dieu. C'est à partir de l'humilité, mais aus-
si de la conviction de la valeur de notre foi, en dialogue avec les
différentes sociétés et cultures, que nous pouvons contribuer à
améliorer la vie des personnes qui nous entourent, en renonçant
à toute logique de prosélytisme ou d'imposition. Selon les mots
d'un magnifique pasteur, homme de réflexion capable de dialo-
guer avec la culture, le Cardinal Carlo Maria Martini : « Brandir
un credo, qu'il soit scientifique, philosophique ou théologique,
pour joindre les deux bouts en imposant une solution, est une
prémisse douloureuse pour une idéologie qui est source de vio-
lence. »20 Mais il n'est pas non plus acceptable que le chrétien de
tous les temps - et surtout d'aujourd'hui-pratique un irénisme
ou un « bonisme » commodes qui r éduisent la cohérence, le té-
moignage et l'authenticité personnelle et communautaire.
Et, tout comme le levain dans la pâte passe presque inaperçu,
notre collaboration à l'édification de l'Église et à la construction
d'une société plus humaine, plus juste et plus conforme à la vo-
lonté de Dieu, nous demande de considérer qu 'il est plus important
19 GS, 43.
20 Cf. C. M. MARTINI, Los mouimientos en la Iglesia, LEV, 1999, p . 156.

2.5 Page 15

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LE RECTEUR MAJEUR 17
de faire le bien que de se voir attribuer le bien qui est fait ; le plus
important sera toujours de contribuer au bien de la société et
du monde, même « sans droits d'auteur », sans confondre action
efficace et protagonisme, tout en reconnaissant que le bien fait
par les autres a au moins autant de valeur que le nôtre. Si nous
n'en sommes pas convaincus, relisons le passage de l'Évangile
le Seigneur corrige ses disciples qui ont essayé d'arrêter le bien
que les autres faisaient, même s'ils n'étaient pas de « leur groupe ».
Nous devons nous exercer à une lecture croyante de la réalité
qui inclut les autres, en favorisant le dialogue avec les autres, .
avec la culture, avec les médias, avec les intellectuels, avec ceux
qui pensent différemment et même en opposition avec nous. Ce
sont les habitudes vertueuses que requiert notre manière d'être
dans le monde, le « style chrétien et salésien » que nous pouvons
apporter à notre vision du monde et des choses.
Ce style nous permettra de tisser des relations avec d'autres
personnes consacrées, avec d'autres ministres ordonnés, avec
d'autres fidèles laïcs, avec d'autres chrétiens et avec d'autres
hommes et femmes d'autres religions. Il semble que ce soit une
bonne façon d'être « appelé à contribuer, presque de l'intérieur
comme le levain, à la sanctification du monde ». Une manière
de faire qui nous met en phase avec « la vocation universelle à
la sainteté dans l'Église ». Et puisque l'Église est engagée dans
le monde avec la double dimension du transcendant et de l'im-
manent, tout chrétien doit être un signe du Royaume de Dieu
déjà présent dans l'histoire humaine. Si la piété et la dévotion,
la vie de prière et la vie sacramentelle soulignent le profil trans-
cendant de cette sainteté, l'engagement social pour la justice et
la fraternité humaine souligne, pour nous, la dimension chré-
tienne immanente. Comme Don Bosco, nous vivons les pieds sur
terre et les yeux fixés au ciel. En ce sens, un membre qualifié de
notre Famille Salésienne nous a offert sa propre réflexion vitale
de laïc dans le monde et dans la Famille de Don Bosco, définis-
sant les laïcs dans l'Église et dans la Famille de Don Bosco com-
me des hommes et des femmes qui ont une triple appartenance :

2.6 Page 16

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18 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
appartenance au Christ, appartenance à l'Église et appartenan-
ce au monde.21
Le Pape François, dans la belle rencontre que nous avons eue
avec lui à l 'occasion de la canonisation d'Artémide Zatti, en le
présentant comme « parent de tous les pauvres », nous a rappelé
que cela fait partie de notre vocation salésienne d'être des édu -
cateurs du cœur, en préparant les personnes, surtout les jeunes,
au monde d'aujourd'hui:
« Ainsi, un hôpital est devenu "l'Auberge du Père", signe d'une Église
qui se veut riche en dons d'humanité et de Grâce, demeure du com-
mandement de l'amour de Dieu et du frère, lieu de santé comme gage
de salut. Il est également vrai que cela entre dans la vocation salésien-
ne : les Salésiens sont de grands éducateurs du cœm~ de l'amour, de
l'affectivité, de la vie sociale ; de grands édu cateurs du cœur » .22
Apporter à l'Église et au monde le don du charisme laïc vécu dans
la Famille Salésienne est une réponse vocationnelle qui nous amène
à être présents comme signes et témoins, en dialogue et en offrant
l'humble service de ce que nous sommes pour le bien commun.
Et c'est de la vie laïque elle-mêm e, qui passe dans de nombreux
cas par la vocation spécifique en famille et par le professionnalisme
dans le monde, que les laïcs, et en particulier les laïcs chrétiens,
les laïcs de la Famille de Don Bosco, sont appelés à établir, pro-
mouvoir et soutenir les valeurs évangéliqu es dans la société et dans
l'histoire, en contribuant à la consecratio mundi, à la consécration
du monde, à l'instauration du Royaume de Dieu ici et maintenant.
Saint François de Sales, dont nous venons de terminer les
célébrations du quatrième Centen aire de la mort, est l'un des
prophètes les plus singuliers et les plus féconds de l'histoire de
l'Église, capable d'éclairer la grandeur de la vocation de chacun.
Il en a été de même pour tant de laïcs de tous horizons qu'il a
21 Cf. A. BoccIA, Credenti Laici nella Chiesa e nella Famiglia di Don Bosco.
Uomini e donne delle tre appartenenze, Edizione privata.
22 PAPE FRANÇOIS, Discours aux Salésiens rassemblés pour la canonisation
du bienheureux Artémide Zatti, Rome 8 octobre 2022.

2.7 Page 17

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LE RECTEUR MAJEUR 19
personnellement accompagnés, les aidant à s'épanouir dans le
jardin où le Seigneur les avait plantés, jusqu'à la pleine sainteté.
Saint François de Sales reste une source d'inspiration toujours
nouvelle et irremplaçable pour ceux qui se reconnaissent comme
« salésiens », quel que soit leur état de vie.
Dans la récente Lettre Apostolique que le Pape François a of-
ferte à toutes les familles religieuses qui se réfèrent au charisme
de saint François de Sales, on souligne l'importance de la spiri-
tualité que le Saint genevois a proposée en son temps, et qui est
d'une grande actualité aujourd'hui dans la théologie des laïcs.
« Ceux qui ont traité de la dévotion ont presque tous regardé l'instruc-
tion des personnes fort retirées du commerce du monde, ou au moins
ont enseigné une sorte de dévotion qui conduit à cette entière retraite.
Mon intention est d'instruire ceux qui vivent en villes, en ménages,
dans la cour (des princes), et qui par leur condition sont obligés de me-
ner une vie commune ».23
C'est pourquoi ceux qui pensent reléguer la dévotion dans
une sphère protégée et réservée se trompent absolument. Bien
au contraire, adaptée à tous, elle appartient à tous, où que l'on
soit ; chacun peut la pratiquer selon sa propre vocation. Comme
l'écrivait saint Paul VI à l'occasion du quatrième Centenaire de
la naissance de François de Sales :
« La sainteté n'est pas l'apanage de l'une ou de l'autre classe ; mais
l'invitation pressante est adressée à tous les chrétiens : "Mon ami,
avance plus haut" ( Le 14, 10) ; tous sont liés par l'obligation de gravir
la montagne de Dieu, même si tous ne suivent pas le même chemin.
"La dévotion doit être exercée différemment par le gentilhomme, l'ar-
tisan, le valet, le prince, la veuve, la jeune femme, la mariée. Plus en-
core, la pratique de la dévotion doit être adaptée aux forces, aux af-
faires et aux devoirs de chacun". »2'
Traverser la cité séculière en gardant l'intériorité, conjuguer
23 S. FRANÇOIS DE SALES, Introduction à la vie dévote, I,1 (Préface)
24 PAUL VI, Lettre Apostolique Sabaudiae Gemma [Joyau de la Savoie]
pqur le JV>m• Centenaire de la naissance de saint François de Sales, Docteur de
l'Eglise (29 janvier1967), in AAS 59 (1967), 119.

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20 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
le désiT de perfection avec chaque état de vie, en retrouvant
un centre qui ne se sépare pas du monde mais qui enseigne à
l'habiter, à l'apprécier en apprenant aussi à en prendre les
distances : telle était son intention et reste une leçon précieuse
pour chaque femme et chaque homme de notre temps.
C'est là, le thème conciliaire de la vocation universelle à la
sainteté:
« Pom'Vus de moyens salutaires d'une telle abondance et d'une telle
grandeur, tous ceux qui croient au Christ, quels que soient lem condi-
tion et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun dans sa route, à
une sainteté dont la perfection est celle même du Père.»2~ « Chacun
da ns sa route " · « Il ne faut donc pas se décourager quand on
contemple des modèles de sainteté qui semblent inaccessibles " ·
La Mère Église nous les propose non pas pour que nous cher-
chions à les imiter, mais pour qu'ils nous poussent à marcher
sur le chemin unique et spécifique que le Seigneur a pensé pour
nous. « Ce qui compte, c'est que chaque croyant discerne son
chemin et fasse ressortir le meilleur de lui-même, ce que Dieu a
placé en lui de manière si per sonnelle (cf. lCo 12,7) » .26
L'Église, « ensemble des appelés » selon le sens premier du ter-
me, vit grâce à la richesse de chaque vocation qui la définit. Chaque
appel est au service de tous les autres et ce n 'est qu'en se donnant
qu'il peut exprimer et redécouvrir sa pleine identité. Les dons ne
sont pas la propriété privée et exclusive d'un groupe. En tant que
baptisés, nous participons tous du sacerdoce du Christ, de la pro-
phétie et de la royauté de Celui qui est venu pour servir et donner
la vie. Le ministère ordonné ne peut être compris que comme un
service au sacerdoce commun de tous les fidèles. De même, ce qui
est typique de la condition laïque est un don pour tous qui entre
dans la vie et la vocation de tout autre membre de l'unique Corps
du Christ. La « dimension séculière » est donc également partagée
25 Lumen Gentium [LGJ, 11.
26 PAPE FRANÇOIS, Lettre Apostolique Totum amoris est [Tou t est à
l'Amom], pom le JV>m• Centenaire de la mort de saint François de Sales (28
décembre 2022), 32-34, LEV, Cité du Vatican.

2.9 Page 19

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LE RECTEUR MAJEUR 21
par ceux qui appartiennent à la vie consacrée ou au ministère or-
donné : l'histoire de Don Bosco nous en offre une preuve magni-
fique. Don Bosco est un prêtre du diocèse de Turin qui a fondé
deux Congrégations d'hommes et de femmes con sacrés, et deux
autres Associations de laïcs. Et c'est avec toutes ces personnes,
et avec tant d'autres qu'il a su impliquer, qu'il s'est immergé in-
tensément dans le « siècle » dans lequel il vivait, dans la vie et les
problèmes de centaines de milliers de jeunes, en surmontant sans
crainte de grandes difficultés et de grandes limites, avec une fé-
condité qui inspire aujourd'hui des millions de personnes, au-delà
des différences nationales, culturelles et religieuses.
Être chrétien et laïc ouvre la voie pour faire fructifier avec la
plus grande intensité son talent laïc, séculier, en l'engageant
dans l'infinie richesse des possibilités ouvertes à ceux qui vivent
dans le monde, animés par la foi, l'espérance et la charité. Le
Concile Vatican II l'a clairement proclamé:
« La vocation propre des laïcs consiste à chercher le Règne de Dieu
précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordon-
nent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c'est-à-dfre engagés
dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions
ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme
tissée. À cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme
du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un fer-
ment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit
évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le
témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d'espérance et de charité.
C'est à eux qu'il revient, d'une manière particulière, d'éclairer et
d'orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroite-
ment unis, de telle sorte qu'elles se fassent et prospèrent constamment
selon le Clu·ist et soient à la louange du Créateur et Rédempteur.»27
Ce n 'est pas le lieu, en ce commentaire de l'Étrenne, de défi-
nir tous les domaines et toutes les réalités de la vie dans lesquels
la présence des laïcs est transformatrice et peut devenir ce le-
27 LG, 31. L'indication en italiques et en caractères gras est de mon choix,
précisément pour mettre en évidence le thème que ce commentaire de !'Étrenne
2023 entend souligner particulièrement.

2.10 Page 20

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22 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
vain du Royaume de Dieu que personne d'autre ne pourrait « pé-
trir » avec la même efficacité et la même capillarité. En tout cas,
dans l'Église, les laïcs ont un spectre large et complexe de po-
tentialités et de défis, de situations à affronter qui sont en même
temps autant d'appels pour ceux qui veulent être « sel de la terre
et lumière du monde » . Entrer dans le concret du « », du
« quand » et du « comment » est la voie ouverte devant chaque
personne et chaque groupe, selon leur nature spécifique. Voilà
un chemin que !'Étrenne de cette année nous invite et nous ex-
horte à emprunter, à intensifier et à faire nôtre avec courage et
générosité, en rendant actuel le message de l'Église elle-même
lorsqu'elle dit :
« Devant les yeux éclairés par la foi s'ouvre un spectacle merveilleux:
celui de tant de fidèles laïcs, hommes et femmes, qui, précisément dans
leur vie et lem· activité de chaque jour, souvent inaperçus ou parfois
incompris, méconnus des grands de la terre mais regardés avec amom·
par le Père, sont des ouvriers qui travaillen t inlassablement dans la
Vigne du Seigneur, des artisans humbles et grands à la fois - assm·é-
ment par la puissance de la grâce de Dieu - de la croissance du Royau-
me de Dieu au com·s de l'histoire. »28
Il ne fait aucun doute que pour tous les membres laïcs de la
Famille Salésienne d'aujourd'hui- et pour les personnes consa-
crées qui vivent jour après jour enrichies par leur vocation et
leur complémentarité - le monde, la société, l'économie et la po-
litique, l'action sociale au service des autres, la vie chrétienne
au quotidien sont et doivent toujours être un lieu théologique
de rencontre avec Dieu :
« Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c'est le monde vaste
et compliqué de la politique, du social, de l'économie, mais égalem ent
de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass
media ainsi que certaines a utres réalités ouvertes à l'évan gélisation
comme sont l'amour, la famille, l'éducation des enfants et des adoles-
cents, le travail professionnel, la souffrance. Plus il y aura de laïcs im-
prégnés d'évangile r esponsables de ces réalités et clairement engagés
2• J EAN P AUL II, Exhortation Apostolique Christifideles L aici [ChL], 30
décembre 1988, n.17.

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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LE RECTEUR MAJEUR 23
en elles, compétents pour les promouvoir et conscients qu'il faut dé-
ployer leur pleine capacité chrétienne souvent enfouie et asphyxiée,
plus ces réalités sans rien perdre ou sacrifier de leur coefficient hu-
main, mais manifestant une dimension transcendante souvent mécon-
nue, se trouveront au service de l'édification du Règne de Dieu et donc
du salut en Jésus-Christ. »29
5. La Famille de Don Bosco appelée à être levain
Don Bosco a su impliquer nombreuses personnes, en les ren-
dant protagonistes actifs et entreprenants du même rêve de salut
pour les jeunes. Le P. Giulio Barberis a soigneusement noté ce que
Don Bosco a dit en s'adressant aux jeunes plus âgés de l'Oratoire,
le soir de la fête de saint Joseph, le 19 mars 1876, un peu plus de
quatre mois après le départ des premiers missionnaires pour la
Patagonie. En se référant au champ et à la vigne des paraboles
évangéliques, et en s'appuyant sur son expérience personnelle de
la vie agricole, il aide les jeunes du Valdocco à comprendre com-
ment chacun peut jouer son rôle, toujours précieux et important,
pour la croissance du Royaume de Dieu. Il s'agit d'un exemple
tant séculier qu'évangélique et ecclésial de la manière dont nous
sommes appelés à faire fructifier nos talents ensemble, chacun
selon l'histoire de sa vie, ses capacités et sa vocation. Ainsi, le Père
Barberis reprend les paroles de Don Bosco, qui nous semblent
sans aucun doute de la plus grande pertinence théologique :
« Le Divin Sauveur, et vous le comprenez suffisamment, par "champ"
ou "vigne" qui l'entoure, voulait parler de l'Église et de tous les
peuples du monde. La moisson à récolter désigne le salut des runes, car
toutes les runes doivent être rassemblées et portées dans le grenier du
Seigneur. Oh ! que cette moisson est abondante ; combien de millions
d 'hommes sont sm· cette terre ! combien de travail il faudrait encore
faire pour obtenir que tous soient sauvés ; mais operarii autem pauci,
les ouvriers sont peu nombreux.
Par "ouvriers" qui travaillent dans la vigne du Seigneui; il faut en-
29 PAUL VI, Exhortation Apostolique Euangelii Nuntiandi [EN] - [Pour an-
noncer l'Évangile), Rome, 8 décembre 1975, n. 70.

3.2 Page 22

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24 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
tendre tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, contribuent au
salut des âmes. Et remarquez bien qu'ici, les ouvriers ne signifient pas
seulement, comme certains le croient, les prêtres, les prédicateurs et
les confesseurs qui sont certes plus volontiers mis au travail et s'effor-
cent plus directement de récolter la moisson, mais ils n e sont pas seuls,
et ils ne suffiraient pas. Les ouvriers sont tous ceux qui, d'une manière
ou d'une autre, contribuent au salut des âmes; de même que les ou-
vriers des champs ne sont pas seulement ceux qui récoltent le grain,
mais aussi tous les autres.
Regardez, dans un champ, cette variété de travailleurs. Il y en a qui
labourent, qui cultivent la terre; d'autres qui, avec la houe, la remet-
tent en état ; d 'autres qui, avec le râteau ou la massue, brisent les
mottes et les aplatissent ; d'autres sèment la graine, d'autres la recou-
vr ent ; d'autres encore enlèvent les mauvaises h erbes, les mauvaises
herbes, l'ivraie, la vesce (herbe fourragère) ; d'autres sarclent, d'autres
déracinent, d'autres coupent ; d'autres enfin arrosent au bon moment
et continuent ; d'autres, en revanche, moissonnent et font des bras-
sées, des gerbes et des "borle" - en dialecte piémontais, cela signifie
des gerbes en tas - et il y a aussi ceux qui chargent la charrette et ceux
qui la conduisent ; ceux qui épandent le grain, ceux qui le battent ;
ceux qui séparent le grain de la paille ; d'autres le décortiquent -
le rassemblent -, le nettoient, le tamisent, le mettent dans un sac, le
portent au moulin et là, on en fait de la farine ; ensuite, ceux qui le
culbutent - culbutage est un terme archaïque pour dire le tamisage -,
ceux qui le pétrissent, ceux qui l'enfournent.
Vous voyez, mes chers enfants, quelle diversité de travailleurs est né-
cessaire pour que la moisson puisse réussir à nous fournir le pain élu
du paradis. Il en est dans l'Église comme dans les champs : on a besoin
de toutes sortes d'ouvriers, mais vraiment de toutes sortes; il n'y en a
pas un qui puisse dire : "Moi, bien que j'aie une conduite irrépro-
chable, je ne serai bon à rien pour travailler à la plus grande gloire de
Dieu ". Non ! Que personne ne dise cela ; tout le monde peut, d'une
manière ou d'une au tre, faire quelque chose...» .30
Nous sommes nés charismatiquement comme communauté
et communion de personnes de différents milieux sociaux, états
de vie, profils professionnels... mais unis par la même mission et
motivés par la même charge charismatique que Don Bosco sait
30 ISS, Fonti salesiane, 1. Don Bosco e la sua opera [Sources salésiennes, 1.
DB et son œuvre], LAS, Rome 2014, 716-717.

3.3 Page 23

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LE RECTEUR MAJEUR 25
communiquer.31 Voilà la nature de l'Oratoire dans ses années de
fondation, de 1841 à 1859 : une période de 18 ans ! Le premier
projet de Constitutions Salésiennes reflète encore fortement cette
synergie de Peuple de Dieu qui coopère de diverses manières pour
faire des jeunes les plus à risque de « bons chrétiens et d'honnêtes
citoyens » . Il est indéniable que nous sommes nés, dès le début,
comme groupe de Peuple de Dieu : telle est la nature de notre
charisme et de notre mission.
Je suis bien conscient - et j'essaie de transmettre cette
conscience à toute notre Famille Salésienne - d'un fait particuliè-
rement évident: ce n'est qu'ensemble et seulement en communion
que nous pourrons faire quelque chose de significatifaujourd'hui.
J 'ai lancé un appel fort à toute la Congrégation Salésienne
sur notre mission commune avec les laïcs - un appel qui vaut
pour toute la Famille de Don Bosco -, et ne pas l'écouter nous
conduirait, dans un avenir assez proche, à une situation dange-
reuse de non-retour. J 'ai déclaré:
« Notre CG24 a certainement été une réponse charismatique à l'ecclé-
siologie de communion de Vatican II. Nous savons très bien que Don
Bosco, dès le début de sa mission au Valdocco, a impliqué de nombreux
laïcs, amis et collaborateurs afin qu'ils puissent participer à sa mission
parmi les jeunes. Dès le début, il "suscite le partage et la coresponsa-
bilité chez des ecclésiastiques et des laïcs, hommes et femmes". 32
Il s'agit donc, malgré nos résistances, d'un point de non-retour car,
en plus de correspondre aux actions de Don Bosco, le modèle opéra-
tionnel de la mission partagée avec les laïcs proposé par le CG24 est
en fait "le seul praticable dans les conditions actuelles."».33
Nous avons ainsi un point de non-retour pour le bien de
ceux qui décident et ont décidé d'entrer dans ce style de mission,
de formation, de vie partagée qui ouvre de nouveaux horizons
31 J.E. VECCHf, o.c., 140-142.
:12 CG24, n. 71cité in ACG 433 : Lignes de programmation du Recteur Majeur
pour la Congrégation Salésienne après le CG28, p. 40 dans l'édition en langue
française.
33 CG24, n. 39, ibidem.

3.4 Page 24

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26 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
d'avenir pour le charisme de Don Bosco en pleine harmonie avec
le chemin que l'Église est en train de parcourir sous la direction
du Pape François, sans aucun doute prophétique et exemplaire.
En même temps, il y a aussi le non-retour dangereux et ris-
qué de ceux qui, au contraire, ne réussissent pas ou ne veulent
pas franchir ce seuil et s'enferment dans des formes d'isolement
autoréférentiel. Ils ne sont plus en phase avec leur temps dans la
manière de vivre et d'interpréter la présence salésienne, et sont
destinés à devenir sans objet et à s'éteindre au fil des années.
Le but ultime de la mission de Don Bosco est, avec le salut de
ses jeunes, la transformation de la société. La vision large et coura-
geuse de Don Bosco, son activité intense, sa résilience face aux obs-
tacles... ne peuvent s'expliquer que dans cet horizon de transfor-
mation sociale et d'évangélisation des jeunes à l'échelle mondiale.
Don Bosco ne fait pas de politique, mais il peut parler à tous
les représentants des différents niveaux de gouvernement parce
que son engagement est clairement orienté vers le bien des
jeunes, dont personne ne peut se désintéresser s'il a à cœur la
société humaine et le service des autres, car le service public est
et doit être aussi pour le bien de tous.
Notre voix commune peut trouver l'accès et l'écoute bien au-
delà des frontières confessionnelles si nous incarnons ensemble
aujourd'hui cette même sollicitude zélée pour les jeunes, qui
nous a été léguée comme charisme et que nous ne pouvons réa-
liser qu'ensemble comme Famille de Don Bosco.
La complémentarité des vocations dans la Famille de
Don Bosco, le fait d'être unis en tant que Famille Salésienne, et
toujours avec un grand nombre de laïcs, hommes et femmes, dans
nos présences dans le monde, ensemble dans la mission et la for-
mation, devient une exigence incontournable aujourd'hui et encore
plus dans le futur, si nous ne voulons pas demeurer insignifiants.
Et la communion dans l'esprit de famille et au sein du vaste
Mouvement Salésien est le grand don que nous possédons com-
me un précieux héritage.

3.5 Page 25

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LE RECTEUR MAJEUR 27
6. À l'ombre d'un grand arbre avec de très beaux fruits
Dans ma lettre en conclusion du Deuxième Séminaire pour
la promotion des Causes de Béatification et de Canonisation de
la Famille Salésienne, j'écrivais :
« De Don Bosco à nos jours, nous reconnaissons une tradition de sainteté
qui mérite attention parce qu'elle est l'incarnation du charisme qui a
émané de lui et s'est exprimé dans une pluralité d'états de vie et de
formes. Il s'agit d'hommes et de femmes, de jeunes et d'adultes, de per-
sonnes consacrées et de laïcs, d'évêques et de missionnaires qui, dans
différents contextes historiques, culturels et sociaux, en des lieux et des
époques variés, ont fait briller d'une lumière singulière le charisme sa-
lésien en représentant un patrimoine qui joue un rôle dans la vie et la
communauté des croyants et pour les hommes de bonne volonté. »34
Avec humilité et un profond sentiment de gratitude, nous re-
connaissons dans la Famille Salésienne un grand arbre avec de
nombreux fruits de sainteté. Ces saints sont des hommes et des
femmes, des jeunes et des adultes qui ont rempli leur vie avec le
levain de l'amour, un amour qui se donne jusqu'au bout, fidèle à
Jésus-Christ et à son Évangile.
L'ecclésiologie montre, comme nous le savons, que les diffé-
rentes vocations ont une racine baptismale commune et sont
destinées à contribuer à la croissance du peuple de Dieu :
« Dans l'Église-Communion, les états de vie sont si unis entre eux
qu'ils sont ordonnés l'un à l'autre. Leur sens profond est le même, il
est unique pour tous : celui d'être une façon de vivre l'égale dignité
chrétienne et la vocation universelle à la sainteté dans la perfection de
l'amour. Les modalités sont tout à la fois diverses et complémentaires,
de sorte que chacune d'elles a sa physionomie originale et qu'on ne
saurait confondre, et, en même temps, chacune se situe en relation
avec les autres et à leur service. » 35
34 ÂNGEL FERNÂNDEZ ARTIME, Lettre du Recteur Majeur en conclusion du
Second Séminaire de promotion des Causes de Béatification et de Canonisation
dans la Famille Salésienne, Rome, avril 2018, in ACG 428, juillet-décembre
2018, p. 79 dans l'édition française.
35 ChL, 55.

3.6 Page 26

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28 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Une telle perspective indique que le charisme salésien est
complet lorsque la vocation et la mission sont vécues dans la ré-
ciprocité et la complémentarité des différents appels. Tel devrait
être le sens profond de la Famille Salésienne : un vaste Mouve-
ment apostolique pour le salut des jeunes.
Il est intéressant de noter que parmi les 173 Saints, Bienheu-
reux, Vénérables, Serviteurs de Dieu de notre Famille, 25 sont des
laïcs qui ont incarné le charisme salésien en famille, dans la mai-
son salésienne, dans la vie séculière, dans la profession religieuse,
espace privilégié du témoignage chrétien, et dans des contextes
sociaux, historiques et culturels différents les uns des autres.
Je considère qu'il est très approprié de les rappeler comme
témoignage dans le commentaire de cette Étrenne :
- Saint Dominique Savio, adolescent, expression de la sainteté
juvénile, fruit de la grâce préventive et chef de file d 'une
longue lignée de jeunes saints.
- Bienheureuse Laura Vicu:iia, adolescente, témoin de la
puissance de l'amour qui donne la vie et rappelle la réalité
de la famille blessée.
- Bienheureux Zeffirino Namuncurâ, jeune Mapuche, rap-
pelant la valeur et le respect des cultures indigènes et
l'œuvre d'inculturation de la foi et du charisme.
- Bienhew·eux François K~y, Czeslaw J6zwiak, Édouard
Kazmierski, Édouard Klinik, Jarogniew Wojciechowski,
martyrs de l'oratoire-patronage de Poznan (Pologne), témoins
de la foi jusqu'au martyre.
- Parmi les bienheureux martyrs de la persécution espagnole,
nous rencontrons : Alexandre Planas Sauri et Jean de
Mata Diez, collaborateurs laïcs ; Thomas Gil de la Cal,
Frédéric Cobo Sanz, lgino de Mata Dîez, trois aspirants
à la vie salésienne ; Barthélémy Blanco Marquez, laïc et
fiancé ; Thérèse Cejudo Redondo, épouse et mère de fa-
mille, Salésienne Coopératrice engagée dans la réalité ecclé-
siale, sociale, associative de son milieu milieu.
- Bienheureuse Alexandrine Marie Da Costa, Salésienne

3.7 Page 27

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LE RECTEUR MAJEUR 29
Coopératrice, qui rappelle la forme la plus haute de coopéra-
tion: l'union à la Passion rédemptrice de Jésus.
- Bienheureux Albert Marvelli, ancien élève de l'oratoire de
Rimini, engagé dans le monde social et politique.
- Vénérable Maman Marguerite Occhiena, présence ma-
ternelle et féminine aux origines du charisme.
- Vénérable Dorothée Chopitea, épouse et mère de famille,
qui « accueille » et fait grandir le charisme salésien dans le choix
d'une vie pauvre et la capacité de se laisser évangéliser par
les pauvres.
Vénérable Attilio Giordani, époux et père de famille, qui
incarne la joie salésienne en famille, sur le lieu de travail, à
l'oratoire-patronage, en terre de mission.
Serviteur de Dieu Simâo, indien bororo, qui partage avec le
Père Rodolphe Lunkenbein la mission salésienne et rap-
pelle l'exigence de reconnaître et d'accueillir les germes de
vérité présents en toutes cultures et traditions.
Servante de Dieu Mathilde Salem, épouse et bienfaitrice,
qui fait don de ses biens et de sa vie pour la fécondité du cha-
risme en terre syrienne, et témoigne de la force de la com-
munion entre chrétiens, et de la capacité de vivre ensemble
avec des fidèles d'autres religions.
Serviteur de Dieu Antonin Baglieri, Volontaire Avec Don
Bosco, qui, dans sa maladie, sait être levain d'Évangile.
Servante de Dieu Vera Grita, Salésienne Coopératrice et
enseignante, instrument d'une Œuvre mystique qui engage
chaque chrétien à faire fructifier la grâce de !'Eucharistie.
Serviteur de Dieu Akash Bashir, jeune ancien élève du
Pakistan qui a donné sa vie pour ses frères.
Parmi ces figures de sainteté, nombreuses et variées, j'aime-
rais en signaler d'autres qui nous offrent un témoignage signi-
ficatif et original de la sainteté des laïcs et qui, à mon avis,
montrent cet aspect multiforme riche de la vie laïque vécue
dans différents contextes, dans différentes formes séculières,
avec différentes vocations, mais pleine de sainteté simple dans

3.8 Page 28

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30 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
la vie quotidienne, cette sainteté laïque de la « porte d'à côté »
qui nous fera toujours tant de bien à découvrir.
Je souhaite mettre en évidence les six figures suivantes:
MARGUERITE ÜCCHIENA, LA « MAMAN »
Nous savons comment Don Bosco, au début de l'Oratoire,
après avoir réfléchi et repensé à la manière de se sortir des dif-
ficultés, est allé parler à son curé de Castelnuovo, lui faisant
part de ses besoins et de ses craintes. « Tu as ta mère, répondit
le curé sans un instant d'hésitation, qu'elle vienne avec toi à Tu-
rin. » Maman Marguerite est arrivée au Valdocco en novembre
1846, et pendant dix ans, elle a été la mère de centaines de gar-
çons. En 1846, seul l'Oratoire est ouvert, et les garçons y af-
fluent surtout le dimanche. Les Memorie Biografiche parlent
d'au moins 800 participants. En semaine, tous les soirs, après le
travail en ville, les jeunes de l'école du soir venaient. On peut
imaginer les cris. Les classes occupaient la cuisine et la chambre
de Don Bosco, la sacristie, le chœur, la chapelle. Des voix, des
chants, des allées et venues. Maman Marguerite était avec
eux. Bien sûr, des prêtres et même des laïcs venaient aider Don
Bosco, et quelques femmes sont venues plus tard prêter main
forte. Mais seule Maman Marguerite était toujours là, à plein
temps. Cette disponibilité la rendait chère à tous, et elle était
donc vénérée par tous ceux qui la connaissaient. Dès son arrivée
à Turin, dès qu'elle a été connue des habitants des quartiers voi-
sins, elle n'a été appelée que par le nom de « Mamma » .
Ici, pendant dix ans, sa vie se mêle à celle de son fils et aux
débuts de l'Œuvre salésienne : elle est la première et la princi-
pale coopératrice de Don Bosco ; avec une bonté active, elle de-
vient l'élément maternel du Système Préventif. Sans instruction
- mais pleine de la sagesse qui vient d'En Haut - , elle a aussi
aidé tant d'enfants pauvres des rues, des enfants de personne;
elle a mis Dieu au premier plan, se consumant pour Lui dans
une vie de pauvreté, de prière et de sacrifice.

3.9 Page 29

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LE RECTEUR MAJEUR 31
BARTHÉLÉMY BLANCO MARQUEZ, JEUNE CHRÉTIEN ACCOMPLI
« Je suis un ouvrier, né de parents qui l'étaient aussi. J'ai
vécu et je vis dans un milieu modeste et du travail des classes
humbles ; et je sens couler dans mes veines une protestation, exa-
cerbée parfois par le feu de l'enthousiasme juvénile, une protes-
tation vigoureuse contre ceux qui croient que nous ne sommes
pas des hommes comme eux parce que nous avons eu le malheur
- ou peut-être le destin - de naître dans la pauvreté, de porter
une blouse de travail et d'avoir des mains rugueuses et calleuses.
Mais je veux être clair: je suis ouvrier etje suis catholique. » Ce-
lui qui parle ainsi était un jeune fabricant de chaises de 19 ans,
lors du rassemblement de l'Action Populaire du 5 novembre 1933
à Pozoblanco (Espagne) ; un jeune homme droit et courageux,
d'une intelligence peu commune, d'origine humble, de condition
ouvrière, défenseur des droits du peuple et de l'Église.
à Pozoblanco (Cordoue, Espagne) le 25 décembre 1914, il
perd sa mère lors de l'épidémie de grippe dite « espagnole ». Éga-
lement orphelin de père à l'âge de 12 ans, il a dû quitter l'école
et travailler en tant que fabricant de chaises. Lorsque les Salé-
siens arrivent à Pozoblanco en septembre 1930, Barthélémy fré-
quente l'oratoire et aide comme catéchiste et animateur. Il trou-
ve en la personne du Père Antonio do Muifio un directeur qui
l'encourage à poursuivre sa formation intellectuelle, culturelle
et spirituelle en participant à des cercles d'études. Ce Salésien
sera, jusqu'à la mort prématurée de Barthélémy, son confesseur
et son guide spirituel. Barthélémy est apprécié des parents, amis
et camarades pour son esprit, son engagement apostolique et ses
qualités de leader. Plus tard, il rejoint l'Action Catholique dont
il devient le secrétaire et où il donne le meilleur de lui-même.
Installé à Madrid pour se spécialiser dans l'apostolat ouvrier au
sein de l'Institut Social Ouvrier, il se distingue comme orateur
éloquent et spécialiste de la question sociale. Après avoir obtenu
une bourse d'études, il fait la connaissance des organisations ou-
vrières catholiques de France, de Belgique et de Hollande grâce
à un voyage organisé par l'Institut Social Ouvrier. Nommé Dé-

3.10 Page 30

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32 ACTES OU CONSEIL GÉNÉRAL
légué des syndicats catholiques, il fonde huit sections dans la
Province de Cordoue.
Lorsque la révolution éclate, le 30 juin 1936, Barthélémy re-
tourne à Pozoblanco et se met à la disposition de la « Garde Ci-
vile » pour défendre la ville, qui se rend au bout d 'un mois à
l 'autre faction en guerre. Accusé de rébellion, il est conduit en
prison où il poursuit son comportement exemplaire : « Pour mé-
riter le martyre, il faut s'offrir à Dieu en martyr! » . Il a été jugé
et condamné à mort à Jaén le 29 septembre. Après la sentence,
gardant son calme et se défendant avec dignité, il dit : « Vous
avez cru me faire du mal et au contraire vous me faites du bien
parce que vous me ciselez une couronne. »
Les lettres qu'il écrit à sa famille et à sa fiancée, la veille de
sa mort, en sont une preuve évidente : « Que ceci soit ma der-
nière volonté : le pardon, le pardon et encore le pardon ; mais je
veux que cette indulgence s'accompagne du plus grand bien pos-
sible. J e vous demande donc de me venger avec la vengeance du
chrétien : rendre le bien à ceu x qui ont essayé de me faire du
mal », écrit-il à ses tantes et à ses cousins.
Et à sa fiancée, Maruja : « Quand il me r ester a quelques
h eures pour mon dernier repos, je ne veux te demander qu'une
chose : qu'en souvenir de l ' amour que nous avions l'un pour
l'autre et qui augmente en ce moment, t u prennes soin du salut
de ton âme comme objectifprincipal, afin que nous puissions nous
retrouver au ciel pour l 'ét ernité, où per sonne ne nous séparera. »
Ses compagnons de détention ont conservé les détails émou-
vants de son départ pour la mort : pieds nus, pour r essembler
davantage au Christ. Quand on lui met des menottes aux poi-
gnets, il embrasse les mains du milicien qui les lui met. Il n'ac-
cepte pas, comme on le lui propose, d'être abattu dans le dos.
« Celui qui meurt pour le Christ, disait-il, doit le faire de face et
le torse nu. Vive le Christ Roi! ». Et il tombe les bras en croix,
criblé de balles, près d'un chêne. C'était le 2 octobre 1936. Bar-
thélémy n'avait pas encore 22 ans. Il a été béatifié à Rome le 28
octobre 2007.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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LE RECTEUR MAJEUR 33
ATTILIO GIORDANI, UN LAÏC (( A LA DON Bosco »
Né à Milan le 3 février 1913, il se distingue dès son plus jeu-
ne âge par sa grande passion pour l'Oratoire-patronage salésien
Saint Augustin et, déjà à l'âge de 18 ans, il fait preuve d'un
grand dévouement pour les jeunes qui le fréquentent. Pendant
des décennies, c'est un catéchiste assidu et un animateur
constant et brillant, avec beaucoup de simplicité et de joie. Il
s'occupe de la liturgie, de la formation, des jeux, des loisirs, du
théâtre. Il aime Dieu de tout son cœur et trouve dans la vie sa-
cramentelle, la prière et la direction spirituelle les ressources
pour une vie de grâce. Pendant son service militaire, qui com-
mence en 1934 et se termine, avec des phases alternées, en 1945,
il fait preuve d'un sens apostolique auprès de ses camarades.
Employé dans l'industrie Pirelli à Milan, il y répand égale-
ment la gaieté et la bonne humeur, avec le plus profond sens du
devoir. Le 6 mai 1944, il épouse une catéchiste, Noémie Davan-
zo. Ils auront trois enfants : Piergiorgio, Mariagrazia, Paola.
Dans sa famille, il est un mari et un père riche d'une foi profon-
de et d'une grande sérénité, vivant dans une austérité délibérée
et une pauvreté évangélique au profit des plus démunis.
Sans rien enlever à sa famille, il fait de l'oratoire sa seconde fa-
mille, mettant au service des enfants sa riche inventivité et ses ex-
traordinaires qualités pédagogiques. En accord avec son épouse Noé-
mie, il part au Mato Grosso (Brésil) pour partager le choix de l'en-
gagement missionnaire de ses enfants. Le 18 décembre 1972, lors
d'une réunion, après avoir parlé avec enthousiasme et ardeur du de-
voir de donner sa vie pour les autres, il se sent soudain défaillir. Il a
juste le temps de dire à son fils : « Fier, à toi de continuer. » Et il
meurt d'un infarctus. Attilio est vénérable depuis le 9 octobre 2013.
Sa vie de chrétien engagé dans l'apostolat a pris une orienta-
tion tellement décisive et personnelle qu'il a découvert (ce sont
ses propres mots) : « La joie de servir le Christ » ; « Ne pas être
bon superficiellement » ; « Vivre dans le monde sans être du
monde » ; « Aller à contre-courant » ; « Ne pas essayer de don-
ner, mais donner » ; « On doit vivre ce que l'on veut vivre ».

4.2 Page 32

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34 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Cette maturation se développe au cours des différentes étapes
de sa vie : adolescent, jeune militaire, soldat sur le front gréco-
albanais, comme en témoigne son « Journal de guerre». Le choix
de sa fiancée Noémie Davanzo est également motivé par sa foi,
comme il le lui écrit dans une lettre: « Le Seigneur, en m'appro-
chant de vous, a mis sous mes yeux votre amour et votre esprit
de dévouement envers les préférés du Sauveur ; c'est ce ressort
supérieur qui m 'a poussé à vous demander d'être ma compagne. »
La foi d'Attilio est si grande qu'elle est véritablement un
« signe » de la présence de Dieu : dans sa famille, à l'oratoire,
dans la communauté paroissiale et pour tous ceux qui le rencon-
trent : une foi qui, plus que proclamée, transparaît dans ses ac-
tions et sa façon d'être: « La mesure de notre croyance se mani-
feste dans notre être. »
VERA GRITA « LA PETITE INSTITUTRICE DE SAVONE »
Née à Rome le 28 janvier 1923, Vera a vécu et étudié à Savo-
ne où elle a obtenu un diplôme d'enseignante. À l'âge de 21 ans,
lors d'un soudain raid aérien sur la ville (1944), elle est écrasée
et piétinée par la foule en fuite, avec de graves conséquences
pour son corps à jamais marqué par la souffrance. Elle est
passée inaperçue au cours de sa brève vie terrestre, enseignant
dans les écoles de l'arrière-pays ligure où elle a gagné l'estime
et l'affection de tous pour son caractère bon et doux.
À Savone, dans la paroisse salésienne de Marie Auxiliatrice,
elle participe à la messe et se montre assidue au sacrement de la
Pénitence. Salésienne Coopératrice depuis 1967, elle réalise son
appel dans le don total de soi au Seigneur qui, de façon extraor-
dinaire, se donne à elle, au plus profond de son cœur, avec la
« Voix », avec la « Parole », pour lui communiquer l'Œuvre des
Tabernacles Vivants . Sous l'impulsion de la Grâce divine et ac-
ceptant la médiation de guides spirituels, Vera Grita répond au
don de Dieu en témoignant dans sa vie - marquée par la fatigue
de la maladie - de la rencontre avec le Ressuscité, et en se consa-
crant avec une générosité héroïque à l'enseignement et à l'édu-

4.3 Page 33

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LE RECTEUR MAJEUR 35
cation de ses élèves, en contribuant aux besoins de la famille et
en témoignant d'une vie de pauvreté évangélique. Vera meurt le
22 décembre 1969, à l'âge de 46 ans, dans une petite chambre
d'hôpital à Pietra Ligure.
Vera Grita témoigne tout d'abord d'une orientation eucha-
ristique totalisante, devenue explicite surtout dans les dernières
années de son existence. Elle ne pensait pas en termes de pro-
grammes, d'initiatives apostoliques, de projets : elle accueillait
le « projet » fondamental qu'est Jésus lui-même, au point de fai-
re de Lui sa propre vie. Le monde d 'aujourd'hui atteste son
grand besoin de !'Eucharistie.
Le cheminement de Vera dans le dur labeur des jours offre
également une nouvelle perspective laïque de la sainteté, devenant
un exemple de conversion, d'acceptation et de sanctification
pour les « pauvres » , les « faibles », les « malades » qui peuvent
se reconnaître en elle et retrouver en elle l'espérance.
En tant que Salésienne Coopératrice, Vera Grita vit et tra-
vaille, enseigne et rencontre les gens avec une sensibilité salé-
sienne particulière : la bonté affectueuse (amorevolezza) de sa
présence discrète, mais efficace, et sa capacité de se faire aimer
des enfants et des familles ; la pédagogie de la bonté qu'elle vit
avec son sourire constant et l'empressement généreux avec le-
quel, sans se soucier des difficultés, elle porte son attention sur
les derniers, les petits, les lointains, les oubliés ; sa passion gé-
néreuse pour Dieu et sa Gloire au chemin de croix, se laissant
tout enlever dans sa condition de malade.
A.KASH BASHIR, TÉMOIN DE FORCE ET DE PAlX.
Ancien élève de Don Bosco, Akash Bashir est le premier
Pakistanais dont le procès de béatification et de canonisation est
en cours. Le 15 mars 2015, il s'est sacrifié pour empêcher un
kamikaze de provoquer un massacre dans l'église St Jean de
Youhannabad, un quartier chrétien de Lahore, au Pakistan.
Akash Bashir, âgé de 20 ans, avait étudié à l'Institut Technique
Don Bosco de Lahore et était devenu « Volontaire de la Sécurité ».

4.4 Page 34

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36 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Ce qui est le plus frappant, c'est la force de ce jeune homme
simple pour affronter le mal et combattre la violence meurtrière.
La phrase qu'il a prononcée au terroriste avant de mourir - « Je
mourrai, mais j e ne te laisserai pas entrer dans l 'église » - expri-
me une foi forte et un courage héroïque dans le témoignage d'un
amour sans mesure. L'Évangile de ce quatrième Dimanche de
Carême (15 mars 2015) annonçait les paroles de Jésus à Nicodè-
me : « Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la
lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui
qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que
ses œuvres ont ét é accomplies en union avec Dieu. » (Jn 3,20-21)
Akash a scellé ces mots avec son sang de jeune chrétien. Il a
lutté corps à corps avec le pouvoir de la mort, de la haine et de
la violence, et a fait triompher la lumièr e et la vérité. Il a lavé le
vêtement blanc avec le sang de l'Agneau, en le faisant resplendir
(cf. Ap 7,14).
Le contact avec le monde salésien et son charisme ont renforcé
chez Akash les dispositions de bonté et de générosité qu'il avait
apprises dans sa famille et dans la communauté chrétienne. Akash
Bashir est un exemple de sainteté pour tout chrétien, un exemple
pour tous les jeunes chrétiens du monde entier. Et il est sans aucun
doute un signe charismatique évident du Système éducatif salé-
sien. Akasb. est la voix de nombreux jeunes courageux qui parvien-
n ent à donner leur vie pour la foi malgré les difficultés, la pauvreté,
l'extrémisme religieux, l'indifférence, les inégalités sociales et la
discrimination. La vie et le martyre de ce jeune Pakistanais nous
font reconnaître la puissance de l'Esprit-Saint de Dieu, vivant, pré-
sent dans les lieux les moins attendus, chez les humbles, chez les
persécutés, chez les jeunes, chez les petits de Dieu.
Et n 'oublions pas
ARTÉMIDE ZATTI EN L'ANNÉE DE SA CANONISATION
Artémide était certes un religieux consacré, mais on ne peut
manquer d'être frappé par la dimension laïque de sa sainteté, vé-
cue dans l'exercice quotidien de la charité, dans la simplicité

4.5 Page 35

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LE RECTEUR MAJEUR 37
d'un petit hôpital et d'un petit village. Il est un exemple et un
modèle de consécration à son peuple dans un travail sacrifié et
patient, ayant Dieu comme source, et la foi comme motivation
et but unique et ultime de sa vie.
La vie de tous ces élus de Dieu et leur exemple sont comme
du « levain dans la pâte » qui continue à faire grandir le Royau-
me en nous et à côté de nous.
Les laïcs fournissent l'humus pour la croissance de la
foi. 36 Cette expression de Benoît XVI nous rappelle comment,
grâce à la foi et à l'engagement pour l'évangélisation de tant de
laïcs, de personnes mariées, de familles et de communautés
chrétiennes, le christianisme prend racine et se développe dans
le monde. Par la grâce du baptême, la foi grandit et se répand.
De même, les témoins laïcs de la sainteté salésienne men-
tionnés ci-dessus et beaucoup d'autres « de la porte d'à côté »
ont fourni et fournissent l'humus à la croissance du charisme
salésien. Cette compagnie des saints nous rappelle qu'avant les
œuvres et les rôles, c'est la qualité des relations humaines qui
est le lieu privilégié de l'annonce de l'Évangile et de l'épanouis-
sement du charisme.
Ces témoignages nous rappellent l'appel universel à la sain-
teté, si cher tant à saint François de Sales - comme nous l'avons
déjà dit - qu'à notre Père de la Famille Salésienne, Don Bosco,
lorsqu'il proposait aux jeunes de l'Oratoire et de la classe ou-
vrière l'objectif de la sainteté comme un but ouvert à tous, facile
à atteindre et orienté vers un bonheur sans fin.
Tout cela en compagnie de Marie Auxiliatrice, qui a accueilli
Jésus dans son sein virginal et qui, pour cette raison, est Mère,
Maîtresse et Guide de la foi, en particulier pour accompagner les
jeunes générations sur leur chemin vers la sainteté. La vie de
chacun d'entre eux et leur exemple sont comme du « levain pour
le pain ».
36 B ENOÎT XVI, Audience du 7 février 2007.

4.6 Page 36

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38 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
7. Nos jeunes comme LEVAIN dans le monde d'aujourd'hui
Je voudrais conclure le message de !'Étrenne de cette année
par un dernier mot adressé à nos jeunes et au chemin que nous
voulons parcourir ensemble, car ils veulent aussi nous accompa-
gner comme nous voulons les accompagner :
« Nous voulons l'exprimer de tout notre cœur. En étant ici [au Cha-
pitre], nous avons réalisé un rêve : nous trouver en cet endroit spécial
du Valdocco, où a commencé la mission salésienne, réunissant Salé-
siens et jeunes pour la mission salésienne, avec notre volonté d'être
saints ensemble. Vous avez notre cœur entre vos mains. Vous devez
prendre soin de votre précieux trésor. S'il vous plait, ne nous oubliez
pas et continuez à nous écouter. » (Tm·in, 7 mars 2020)87
En effet, les jeunes se préparent à la vie, nous les accompa-
gnons sur ce chemin, etje ne doute pas qu'un très grand service
que nous leur rendrions, ainsi qu'à la société et à l'Église, soit
de les aider à prendre conscience du rôle social qu 'ils doivent
jouer et auquel ils doivent se préparer. C'est pourquoi ils sont
aussi les premiers à apprendre qu'ils sont appelés à être le
levain dans la famille humaine.
En préparant ce commentaire,j'ai relu, précisément pour cet -
te section finale de !'Étrenne, certains propos que les trois der-
niers Papes - saint Jean-Paul II, Benoît XVI et François - ont te-
nus aux jeunes, car j 'étais certain que leurs messages seraient
d'un grand impact. Et c'est ainsi qu'ils m'apparaissent: très per-
tinents, très actuels et, oserais-je dire, très « salésiens » . Et en
même temps, je veux affirmer avec force combien est vaste, éten -
due et exigeante la tâche que les jeunes ont devant eux dans
l'Église et dans le monde, s'ils acceptent le défi d'être vraiment
des jeunes d'aujourd'hui, actifs dans leur engagement chrétien
et social, et véritable « levain » dans la famille humaine.
Le Pape Jean Paul II, trois ans avant sa mort, dans un de
37 CG28, Quels Salésiens pour les jeunes d'aujourd'hui ? Lettre des jeunes
aux Capitulair es, Annexe 3, p. 150 dans l'édition fran çaise.

4.7 Page 37

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LE RECTEUR MAJEUR 39
ses discours, a proposé38 huit grands défis qui sont d'authentiques
propositions pour la vie chrétienne, sociale et politique, et un en-
gagement pour les jeunes qui veulent relever des défis impor-
tants. En réalité, il s'agit de huit défis que certains chercheurs
réduisent à un seul et qui pourrait s'exprimer ainsi: mettre l'être
humain au centre de l 'économie et de la politique. La tâche est la
suivante : la défense de la vie humaine dans toutes les situations ;
la promotion de la famille et l'éradication de la pauvreté (par la
réduction de la dette, la promotion du développement et l'ouver-
ture d'un commerce international équitable) ; la défense des
droits humains et l'action en faveur du désarmement (réduction
des ventes d'armes et consolidation de la paix, une fois les conflits
terminés); la lutte contre les grandes maladies et l'accès de tous
aux médicaments les plus nécessaires ; la sauvegarde de la nature
et la prévention des catastrophes naturelles ; et enfin, la stricte
application du droit et des conventions internationales.
À son tour, dans la Lettre Encyclique sur le développement
humain intégral, Caritas in Veritate,39 le Pape Benoît XVI énu-
mère les défis actuels qui sont urgents et essentiels pour la vie
du monde et dans lesquels les jeunes d'aujourd'hui peuvent
s'engager, tels que: l'utilisation des ressources de la terre, le res-
pect de l'écologie, la juste distribution des biens et le contrôle
des mécanismes financiers, la lutte contre la faim dans le mon-
de, la promotion de la dignité du trnvail, la solidarité humaine
avec les pays les plus pauvres, le service de la culture de la vie,
le dialogue interreligieux et la construction de la paix entre les
peuples et les nations.
Enfin, le Pape François propose une série de tâches stimu-
lantes que nous avons en tant que chrétiens et qui attendent les
jeunes qui veulent les assumer et s'y engager avec leur foi, car
beaucoup d'autres jeunes souffrent de ces violences et extorsions.
38 J EAN PAUL II, Discours pour les vœux au Corps Diplomatique accrédité
près le Saint-Siège, Rome, 10 janvier 2002.
39 Cf. BENOÎT XVI, Lettre Encyclique Caritas in Veritate [L'Amour dans la
Vérité], Rome 29 juin 2009.

4.8 Page 38

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40 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Parmi ses différents écrits (encycliques, exhortations apostoliques
et messages auxjeunes),40 je voudrais rappeler ce qui suit: il y a
des contextes de guerre terribles et douloureux (et je ne peux pas
ne pas mentionner la guerre injuste contre le peuple ukrainien,
que nous connaissons tous parce qu'elle dure depuis onze mois
maintenant) ; il y a beaucoup de personnes et de jeunes qui souf-
frent de la violence qui se manifeste de différentes manières :
enlèvements, extorsions, crime organisé, trafic d'êtres humains,
esclavage et exploitation sexuelle, crimes de guerre, etc.
Certains enfants sont forcés de devenir des soldats, de re-
joindre des bandes armées et criminelles, d'être impliqués dans
le trafic de drogue. De nombreux enfants et adolescents sont ré-
duits en esclavage dans le commerce du sexe et la traite des êtres
humains. Et il ne manque pas de personnes et de jeunes margi-
nalisés, voire martyrisés, en raison de leur appartenance ethnique
ou de leurs croyances. La douleur de la migration (dans des situa-
tions inhumaines) et le fléau de la xénophobie ne peuvent être ou-
bliés.41 Le rejet de personnes à travers le monde entier, le racisme
et la violation des droits humains universels sont d'autres réalités
d'un monde où il y a aussi beaucoup de souffrance ...42
Sommes-nous bien conscients que tout cela, et bien plus en-
core, affecte cette famille humaine dans laquelle nous voulons
être levain, sel et lumière ?43 Peut-on dire qu'il s'agit d'une vi-
sion pessimiste ? Non, pas du tout. Le Pape François lui-même
mentionne de nombreux progrès aujourd'hui, mais ils vont de
pair avec une « détérioration de l'éthique » :
<O Cf. ChV, 72-74; Cf. FT, 25.
•, FT, 38-40.
•2 Ibid, 18-24.
3 J e voudrais souligner de manièr e très significative ce que le Recteur
Majeur Don Pascual Châvez a écrit sur la Famille Salésienne pour défendre
la vie, dans tous ses sens et dimensions. C'est une liste très riche de notre en-
gagement actuel (qui concerne au ssi les jeunes) : Cf. P. CHAVEZ, Tu aimes en
effet tout ce qui existe, tu n'as de répulsion envers aucune de tes œuures...
Seigneur qui aimes la Vie. (Sg 11, 24.12,1), in Io., Lettres circulaires aux Salésiens
(ACG 396 (2006) Lettre 019), LAS, Rome 2021, 604-605, 609-617.

4.9 Page 39

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LE RECTEUR MAJEUR 41
« Legrand imam Ahmad Al-Tayyeb et moi-même n'ignorons pas les
avancées positives qui ont été réalisées dans les domaines de la scien-
ce, de la technologie, de la médecine, de l'industrie et du bien-être, en
particulier dans les pays développés. Cependant, "nous soulignons que,
avec ces progrès historiques, grands et appréciés, se vérifient une dé-
térioration de l'éthique, qui conditionne l'agir international, et un af-
faiblissement des valeurn spirituelles et du sens de la responsabilité.
Tout cela contribue à répandre un sentiment général de frustration,
de solitude et de désespoir. [...] Naissent des foyers de tension et s'ac-
cumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale do-
minée par l'in certitude, par la déception et par la peur de l'avenir et
contrôlée par des intérêts économiques aveugles." Nous avons égale-
ment attiré l'attention sur "les fortes crises politiques, l'injustice et
l'absence d'une distribution équitable des ressources naturelles." [...]
À l'égard de ces crises qui laissent mourir de faim des millions d'en-
fants, déjà réduits à des squelettes humains - en raison de la pauvreté
et de la faim-, règne un silence international inacceptable . »4'1
Cette réalité est une occasion pour nous tous, mais surtout
pour les jeunes, de ressentir comme une grande tâche l'appel du
Seigneur à vivre leur vie chrétienne et aussi salésienne (au sein
de la Famille de Don Bosco). Cette tâche et ce défi avaient déjà
été rappelés par le Pape Paul VI à la fin du Concile Vatican II
dans un message adressé aux jeunes dans lequel il disait :
« C'est à vous enfin, jeunes gens et jeunes filles du monde entier, que
le Concile veut adresser son dernier message. Car c'est vous qui allez
recueillir le flambeau des mains de vos aînés et vivre dans le monde
au moment des plus gigantesques transformations de son histoire.
C'est vous qui, recueillant le meilleur de l'exemple et de l'enseigne-
ment de vos parents et de vos maîtres, allez former la société de de-
main : vous vous sauver ez ou vous périrez avec elle. [...] Et construisez
dans l'enthousiasme un monde meilleur que celui de vos aînés! ».45
Cette demande qui nous est faite à tous d'être véritablement
levain dans la famille humaine, je l'adresse aujourd'hui avec une
44 FT, 29 qui cite aussi le Document sur la fraternité humaine pour la paix
mondiale et le commun vivre ensemble. Abu Dhabi (4 février 2019): L'Osserva-
tore Romano 4-5 février 2019, p.6.
•• PAUL VI, Message aux jeunes, Rome 8 décembre 1965.

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42 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
profonde conviction à vous tous, chers jeunes. Ces défis exigent
que par vos vies, votre éducation, vos études, votre travail et
votre vocation, vous disiez oui ou non à votre engagement pour
construire un monde plus juste et plus fraternel. Ces défis vous
placent au carrefour de l 'acceptation ou du refus d 'une vie sti-
mulante et passionnante dans laquelle vou s pourrez mettre
toutes vos forces et votre énergie conformément au rêve de Dieu
pour chacun d'entre vous.
Et on ne vous demande certainement pas un héroïsme parti-
culier, extraordinaire, mais seulement- et c'est déjà beaucoup -
d 'utiliser vos propres dons et talents donnés par Dieu à chacun
d'entre vous, en vous engageant à grandir dans la foi, dans
l'Amour vrai, dans la fraternité et dans le service de tous, sur-
tout des plus petits, de ceux qui sont le plus éprouvés par la vie,
de ceux qui ont moins d'opportunités.
Il me semble qu'il s'agit d 'une proposition importante pour
tout jeune chrétien et Salésien qui veut être aujourd'hui un dis-
ciple missionnaire du Seigneur. Et il s'agit aussi d'un défi et
d'une proposition d 'une telle dignité et d'une telle portée que cela
peut carrément être offert à tout jeune qui veut vivre pleinement
sa condition humaine - qu'il soit chrétien ou non - qui cherche
à vivre un humanisme essentiel et authentique qui le conduise
en même temps à vivre en dehors des « zones de confort » qui,
comme les sirènes avec leurs chants, peuvent l'endormir.
J'ai fait référence à l'humanisme, etje voudrais conclure ex-
plicitement en mentionnant cet "humanisme salésien " avec le-
quel nous pouvons éduquer tous les jeunes de toutes les nations
du monde dans les présences salésiennes, car
« Pour D on Bosco, cela signifiait : mettre en valeur tou t le positif
em·aciné dans la vie des per sonnes, dans les r éalités cr éées, dans les
événements de l' histoire. Cela le portait à percevoir les valeu rs au-
thentiques présentes dans le monde, spécialement si elles plaisaient
aux j eunes; à s'inséi-er dans le courant culturel et l'évolution du déve-
loppement humain de son époque, en favorisant le bien et en refusant
de gémir sous toutes les formes du mal ; à rechercher avec sagesse la

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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LE RECTEUR MAJEUR 43
coopération d 'un grand nombre, dans la conviction que chacun a des
dons qu'il faut découvrir, reconnaître et mettre en valeur ; à croire en
la force de l'éducation qui soutient la croissance du jeune et l'encoura-
ge à devenir un honnête citoyen et un bon chrétien; à s'en remettre
toujours et de toutes les manières à la Providence de Dieu, perçu et
aimé comme Père. » 46
Je conclus en remerciant le Seigneur pour une vie si belle et
si pleine dans notre Famille Salésienne au service de l'Évangile,
en demandant au Seigneur pour toute l'Église et pour nous, en
tant que partie de la même Église, d'accepter la tâche joyeuse
de l'évangélisation, parce que « l'Église a été envoyée par le
Christ pour manifester et communiquer la charité de Dieu à
tous les hommes et à toutes les nations.»47
Que la Vierge Auxiliatrice, notre Mère, nous aide tous à être
des disciples-missionnaires, de petites étoiles qui reflètent sa
lumière. Et prions pour que les cœurs s'ouvrent pour recevoir
avec joie l'annonce du salut qui est Dieu lui-même en Jésus.
~~c;le"".().
Père Angel Fernândez Artime, S .D.B.
Recteur Majeur
6
'
P.
CHÂVEZ,
Comme
Don
Bosco
éducateu,;
offrons
aux
jeunes
l'Évangile
de la joie à travers la pédagogie de la bonté. Étrenne 2013 (in ACG 415, janvier-
avril 2013, p. 25 dans l'édition française). Lettre 038, o.c., 1240-1241.
' 1 Ad Gentes, 10.