ACG439_Artime_Zatti


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« J'Al CRU, J'Al PROMIS, J'Al GUÉRI!»
Artémide Zatti : Évangile de la Vocation
et Église de la Sollicitude
Lettre du Recteur Majeur pour la canonisation
de M. Artémide Zatti
Turin, le 24 septembre 2022 - Prat. 22/0329
« La mosaïque de nos saints et bienheureux, bien qu'assez
riche en termes de représentativité - fondateur, cofondatrice,
recteurs majeurs, missionnaires, martyrs, prêtres, jeunes - était
encore dépourvue de la pièce précieuse de la figure d'un coadju-
teur. Maintenant, c'est chose faite 1
C'est ainsi que le P Juan Edmundo Vecchi, huitième succes-
seur de Don Bosco, a commencé sa lettre à l'occasion de la
béatification d'Artémide Zatti.
Si la « mosaïque de nos saints» manquait d'une tesselle, au-
jourd'hui cette mosaïque a un éclat très particulier car, dans
quelques semaines, il nous sera donné de vivre un grand don du
Seigneur : voir un fils de Don Bosco, Salésien coadjuteur, émigré
italien en Argentine et infirmier, canonisé par le Pape François,
le 9 octobre 2022.
Artémide Zatti sera donc le prem ier saint salésien non-
martyr à être canonisé. Sans aucun doute, la canonisation
du premier saint salésien, et d'un Salésien coadjuteur, donne et
donnera une touche de complét ude à la série de modèles de spir i-
tualité salésienne, que l'Église déclare officiellement comme tels.
Je r apporte le beau témoignage per sonnel, plein de profon-
deur spirituelle et de foi , donné par Artémide Zatt i en 1915 à
1 J.E. VECClfl, B éatification du coadjuteur Artémide Zatti : une nouveauté
de rupture, dans ACG 376 (2001), 3.

1.2 Page 2

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LE RECTEUR MAJEUR 45
Viedma, à l'occasion de l'inauguration d'un monument funéraire
placé sur la tombe du Père Evasio Garrone (1861-1911), mission-
naire salésien méritoire et considéré par Artémide comme un
bienfaiteur insigne.
« Sije vais bien, sije suis en bonne santé et en mesure de faire du bien
à mon prochain malade, je le dois au Père Garrone, Docteur, qui,
voyant ma santé se détériorer de jour en jour car atteint de tuberculo-
se avec hémoptysie fréquente, m'a dit de manière décisive que, si je ne
voulais pas finir comme beaucoup d'autres, je devais faire la promesse
à Notre Dame Auxiliatrice de toujours rester à ses côtés et l'aider
à soigner les malades, et que lui, confiant en Marie, me guérirait.
J'AI CRU, parce que je savais, par la renommée, que Marie Auxiliatrice
l'aidait de manière visible. J'AI PROMIS, parce que c'était toujours mon
désir d'aider mon prochain de quelque manière que ce soit. Et, Dieu
ayant écouté son serviteur, J'AI GUÉRI. [Signé] Artémide Zatti. »
Nous voyons que la vie salésienne dIArtémide Zatti, selon ce
témoignage, est basée sur trois verbes qui témoignent de sa soli-
dité généreuse et confiante. Pour apprécier le don de la sainteté
de ce grand Salésien coadjuteur, nous voudrions méditer sur ces
trois verbes et leurs fruits extraordinaires de bien, afin qu'ils tou-
chent profondément les désirs, les rêves, les engagements de notre
Congrégation et de chacun de nous et qu'ils promeuvent en cha-
cun une fidélité renouvelée et féconde au charisme de Don Bosco.
Profil d'Artémide Zatti2
Artémide Zatti est né à Boretto (Reggio Emilia) le 12 dé-
cembre 1880 d'Albina Vecchi et Luigi Zatti. La famille paysanne
l'a éduqué à une vie pauvre et laborieuse, éclairée par une foi
simple, sincère et robuste, qui guide et nourrit la vie.
À l'âge de 9 ans, Artémide, pour contribuer à l'économie fami-
liale, travaille comme ouvrier agricole auprès d'une famille aisée.
2 J'ai décidé de tracer un profil bref et sobre. Ceux qui veulent en savoir
plus sur la vie d'Artémide Zatti peuvent trouver plusieurs biographies sur le
prochain Saint et aussi lire le profil biographique de la lettre du Père Vecchi à
laquelle j'ai fait référence précédemment.

1.3 Page 3

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46 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
En 1897, les Zatti émigrent en Argentine et s'installent à Bahia
Blanca. Artémide arrive dans cette ville à l'âge de 17 ans et, dans
l'ambiance familiale, apprend rapidement à faire face à la fatigue
et aux responsabilités du travail. Il trouve du travail dans une bri-
queterie et, en même temps, cultive et mûrit une relation profonde
avec Dieu, sous la direction du Salésien, P Carlo Cavalli, son Curé
et Directeur Spirituel. Artémide trouve en lui un véritable ami, un
confesseur sage et un directeur spirituel authentique et expéri-
menté, qui le forme au rythme quotidien de la prière et à la vie sa-
cramentelle hebdomadaire. Avec le P Cavalli, il établit une relation
spirituelle et une collaboration.3 Dans la bibliothèque de son curé,
il a l'occasion de lire la biographie de Don Bosco et en est fasciné.
Ce fut le véritable début de sa vocation salésienne.
En 1900, alors âgé de 20 ans, Artémide, invité par le P Cavalli,
demande à entrer à l'aspirantat salésien de Bern.al, localité
proche de Buenos Aires.
En 1902, sur le point d'entrer au noviciat, Artémide contrac-
te la tuberculose. Le P Vecchi raconte dans sa lettre : « Sûrs de
sa maturité, les supérieurs lui confièrent l'assistance d'un jeune
prêtre atteint de tuberculose. Zatti a accompli sa tâche avec
générosité, mais a ensuite été atteint de la même maladie. » 4
Gravement malade, il retourne à Bahia Blanca et le P Cavalli
l'envoie à Viedma, le confiant aux soins du Salésien, le P Evasio
Garrone, compétent en médecine - grâce à une longue expérience
- et directeur de l'hôpital Saint Joseph fondé par Mgr Cagliero.
J e trouve très significatif de rappeler qu'Artémide rencontre
à Viedma Zefferino Namuncura - aujourd'hui bienheureux -
provenant de Buenos Aires et qui, comme lui, souffre de tuber-
culose. Les deux, bien que d'âges différents, vivent des relations
amicales cordiales, jusqu'à ce que Zefferino parte en 1904 pour
l'Italie avec Mgr Jean Cagliero.
3 Cf. Positio, p.35.
Voir J.E. VEccm, D.C., p . 15 et Cf. Positio, p. 47.

1.4 Page 4

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LE RECTEUR MAJEUR 47
Après deux ans de soins à Viedma, avec des résultats insatis-
faisants, le P. Garrone invite Artémide à demander la guérison
par l'intercession de la Sainte Vierge, en faisant vœu de consa-
crer toute sa vie au soin des malades. Ayant formulé ce vœu avec
une foi profonde, Artémide obtient la guérison et, en 1906, com-
mence le noviciat.
En raison des risques liés à son état de santé antérieur, Ar-
témide doit renoncer à son intention de devenir prêtre et pro-
fesse comme coadjuteur parmi les Salésiens de Don Bosco, le 11
janvier 1908. Ce fait implique pour Artémide une grande crois-
sance dans la foi. En effet, il n'a pas abandonné le désir de deve-
nir Salésien prêtre et continue à penser à la vocation sacerdotale
dans la Congrégation Salésienne, surtout quand la santé sem-
blait s'améliorer. C'est pourquoi « il est émouvant de constater
l'attachement inébranlable à sa vocation, manifesté même
lorsque la maladie semblait absolument exclure ce chemine-
ment. Nous lisons, par exemple, ce qu'il écrit aux siens, le 7 août
1902: "Je vous fais savoir que ce n'était pas seulement mon dé-
sir, mais aussi celui de mes Supérieurs, de revêtir l'habit reli-
gieux ; mais il y a un article de la Sainte Règle qui dit que celui
qui souffre de la moindre chose en ce qui concerne la santé ne
peut pas recevoir l'habit. C'est ainsi que, si Dieu ne m'a pas
trouvé digne de l'habit jusqu'à présent, je fais confiance à vos
prières pour guérir vite et satisfaire ainsi mes désirs.". »5
Mais finalement, compte tenu de toutes les circonstances de
la maladie et aussi de l'âge (23-24 ans), les Supérieurs proposent
à Zatti de professer comme Salésien coadjuteur. Il est certain
que « c'était au don total à Dieu dans la vie salésienne qu'Arté-
mide aspirait en premier lieu.»6
Même sur ce point décisif de sa vie, Zatti réalise un chemine-
ment de maturité. Nous lisons encore dans la lettre du P. Vecchi:
J.E. VECCHI, D.C., p. 17 et Positio, p. 79.
6 J.E . VECCHI, D.C., p. 18.

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48 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
« Prêtre? Coadjuteur? Il disait lui-même à un confrère : " On
peut également servir Dieu comme prêtre ou comme coadju-
teur : devant Dieu, une chose a autant de valeur que l'autre,
pourvu qu'elle soit vécue comme une vocation avec amour.". »7
Le 11 février 1911, il prononce ses vœux perpétuels et, la mê-
me année, après la mort du Père Garrone, il prend la relève,
d'abord comme responsable de la pharmacie rattachée à l'hôpi-
tal Saint Joseph de Viedma, puis - à partir de 1915 - comme res-
ponsable du même hôpital. L'hôpital et la pharmacie devien-
dront le camp de travail d'Artémide.
Ainsi, à partir de 1915, et pendant 25 ans, avec beaucoup d'éner-
gie, d'esprit de sacrifice et de professionnalisme, Zatti sera l'âme
de l'hôpital qui, cependant, en 1941, devra être démoli: les Supé-
rieurs salésiens décident d'utiliser le terrainjusqu'alors occupé par
l'établissement de santé pour la construction de l'Évêché. Artémide
souffre intensément à l'idée de la démolition, mais dans un esprit
d'obéissance, il accepte la décision et transfère les malades dans les
locaux de l'École Agricole Saint Isidore où IL crée une nouvelle
structure pour le soin et l'assistance des malades et des pauvres.
Après d'autres années de service intense, et désormais libéré
des responsabilités de l'administration sanitaire, à la suite d'une
chute lors d'un travail d'entretien, en 1950, les examens cliniques
révèlent une tumeur au foie pour laquelle le traitement est vain.
Artémide accueille et vit consciemment l'évolution de sa maladie.
En fait, il prépare lui-même pour le médecin le certificat de
son décès! Il souffre beaucoup, mais il passe ses derniers mois
à attendre le moment final, préparé à la rencontre avec le
Seigneur. Il dit lui-même : « Il y a cinquante ans, je suis venu
ici pour mourir et me voici arrivé à ce moment, que pourrais-je
vouloir de plus? D'un autre côté, j 'ai passé toute ma vie à me
préparer pour ce moment... » .8
7 J .E. VECCHI, D.C., p. 20 et Summarium p. 310, n. 1224.
8 Positio, p. 198.

1.6 Page 6

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LE RECTEUR MAJEUR 49
Le décès survient le 15 mars 1951 et la diffusion de la nou-
velle a mobilisé la population de tout Viedma pour un hommage
de gratitude à ce Salésien qui a consacré toute sa vie aux ma-
lades, en particulier aux plus pauvres. De fait, « tout Viedma sa-
luait "le parent de tous les pauvres", comme on l'appelait depuis
longtemps ; celui qui était toujours disponible pour accueillir les
malades spéciaux et les gens qui venaient de la campagne loin-
taine; celui qui pouvait entrer dans la plus petite des maisons à
toute heure du jour ou de la nuit, sans que personne ne puisse
insinuer le moindre soupçon à son sujet ; celui qui, bien qu'étant
toujours « dans le rouge », avait entretenu une relation particu-
lière avec les institutions financières de la ville, toujours ouvert
à l'amitié et à la collaboration généreuse avec ceux qui compo-
saient le corps médical de la petite ville. »9
Les funérailles, avec l'afflux impressionnant de personnes,
viennent confirmer la réputation de sainteté qui entourait Arté-
mide Zatti et qui a exhorté à l'ouverture du procès diocésain à
Viedma (22 mars 1980). Le 7 juillet 1997, Zatti est déclaré véné-
rable et, le 14 avril 2002, il est béatifié par saint J ean-Paul II.
La pédagogie de Dieu en ses saints
Pour approcher la figure d'Artémide Zatti, il est important
de se baser sur un principe théologique, plein de signification et
répété par Hans Urs von Balthasar:
« Seule l'image [de J ésus] que !'Esprit présente à l'Église a su , à tra-
vers des millénaires d'histoire, transformer les hommes pécheurs en
saints. C'est précisément sur la base de ce critère de la puissance de
transformation qu'il faudrait mesurer la valeur d'une interprétation
de J ésus qui prétende nous transmetti·e une connaissance de Lui.»10
Par ces paroles, von Balthasar souligne une évidence qui a
toujours accompagné l'histoire de l'Église : l'action de l'Esprit
9 J .E. VECCHl, D.C., p. 25.
10 H .U. VON BALTHASAR, Jésus nous connaît-il ? Connaissons-nous J ésus?
Morcelliana, Brescia 1981, 95.

1.7 Page 7

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50 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
se manifeste comme la force de transformation de la vie humai-
ne, t émoignage de l'actualité et de la vitalité éternelles de
l'Évangile. De cette façon, la Bonne Nouvelle de Jésus continue
à vivre et à se répandre selon la règle de l'Incarnation ; et spé-
cialement dans la chair et la vie des saints, en raison de leur pro-
fond consentement à l'Esprit, P âques r esplendit dans l'actualité
historique de l'ici et maintenant toujours nouvelle, où mûrissent
des merveilles qui confirment la foi de l'Église.
Les saints sont alors des réalisations de !'Esprit qui offrent, avec
la simplicité d'une vie transfigurée, des traits précis du Fils, donnés
par le Père au monde éprouvé, dans l'actualité du temps et dans
la proximité des lieux qui ont besoin de salut et d'espérance.
Si Dieu guide son Église à travers la vie obéissante de ses
enfants les plus dociles et les plus audacieux, dans l'histoire de
chacun d'eux doivent d 'abord briller des reflets d'Évangile qui
transforment une biographie ordinaire en hagiographie ;
puis il faut reconnaître des semences pascales capables de déclen-
cher de nouveaux chemins d'Église dans le Peuple de Dieu.
Artémide Zatti confirme cette règle de la sainteté : l'hagiogra-
phie est lumière de l'Esprit libérée par la simplicité de sa biographie,
si convaincante parce qu'habitée d'humanité pleine et si surpre-
nante qu'elle rend visible « un ciel nouveau et une terre nouvelle »
(Ap 21, 1). Ainsi, les semences pascales, données par la vie de ce Sa-
lésien coadjuteur au champ du monde, ont-elles transformé des
lieux de souffrance - les hôpitaux de Saint Joseph et de Saint Isidore
- en viviers d'espérance chrétienne extraordinairement rayonnants.
« C'était une présence sociale active, entièrement animée par la
charité du Christ qui le poussait intérieurement. »11
Il est donc possible de méditer sur le don que }'Esprit fait
au monde, à l'Eglise, à la Famille Salésienne avec la sainteté de
Zatti, en s'arrêtant d'abord sur l'éclat de sa biographie - un
Évangile, pleinement incarné, de la vocation, de la confiance et
11 J .E. VECCHI, o.c., p. 26.

1.8 Page 8

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LE RECTEUR MAJEUR 51
du dévouement - pour, ensuite, considérer la puissance pascale
de son apostolat qui a construit, dans ses hôpitaux, l'Église de la
sollicitude, de la proximité, du salut, de la co-rédemption, pour
nourrir la foi du Peuple de Dieu.
Si nous voulons exprimer de manière synthétique le secret
qui a inspiré et guidé la vie, les pas, les travaux, les engagements,
la joie, les larmes ... d'Artémide Zatti, les paroles du P Vecchi
sont exhaustives à ce propos : « Suivre Jésus, avec Don Bosco
et comme Don Bosco, partout et toujours.» 12
1. UN HOMME D'ÉVANGILE
1.1 L'Évangile de la vocation:« J'ai cru»
L'histoire d'Artémide Zatti frappe surtout par sa particulm.·ité
vocationnelle. Une vocation lumineuse pm.·ce qu'elle est purifiée par
une mystérieuse pédagogie de Dieu qui se déploie dans sa vie à tra-
vers des médiations et des situations différentes et exigeantes. La
vie chrétienne est le souffle partagé de la famille d'Artémide, qui
lit tout à la lumière du mystère de Dieu; ce sera la deuxième patrie
argentine, rejointe avec l'émigration, qui montre l'enracinement
des Zatti dans une foi peu commune. Le Cardinal Cagliero écrit :
« Nos compatriotes, même ceux qui appartiennent aux populations les
plus religieuses d'Italie, arrivés ici semblent changer de natul'e.
L'amour immodéré du travail, l'indifféren ce religieuse dominante
dans ces pays, les mauvais exemples très fréquents [.. .] provoquent
une transformation incroyable dans l'esprit et le cœur de nos braves
paysans et artisans qui, en échange de quelques écus qu'ils gagnent,
perdent la foi, la moralité, la religion. » 13
La famille Zatti ne cédera pas à l'influence du milieu, se si-
gnalant, au contraire, par une pratique religieuse fervente,
franche, courageuse, libre de tout respect humain; et Artémide
continuera à nourrir dans la famille une relation intense avec
Dieu, étayée par la prière, l'assiduité, la droiture, et ainsi,
12 J.E. VECCHl, D.C. , p. 27.
13 Positio, 31.

1.9 Page 9

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52 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
« tout nous fait croire [...] que la formation religieuse que le Serviteur
de Dieu a reçue dans son enfance et dans sa prime jeunesse [...] a
être privilégiée et de nature à expliquer les attitudes spirituelles qu'il
a
ensuite
maintenues
tout
au
long
de
sa
vie.
»
1
L'expérience d'Artémide reflète la discrétion lumineuse du
« "haut degré" de la vie chrétienne ordinaire » (JEAN PAUL II,
Novo millennio ineunte, 6 janvier 200ln. 31), fruit d'un enraci-
nement exclusif en Dieu, d'une foi vécue comme obéissance cou-
rageuse et rayonnante parce que libre, joyeuse et féconde.
Lorsque le P Cavalli, SDB, curé et guide d'Artémide sur les
sentiers de l'Esprit, devra accompagner l'orientation définitive
de la vie de celui-ci, le discernement sera sobre et clair : il verra
que l'appel à se donner totalement à Dieu, comme prêtre, réson-
ne dans le cœur de ce jeune homme de manière intègre et purn,
non contaminé par la recherche de lui-même et de son propre in-
térêt, mais enflammé du désir de servir l'Évangile du Royaume.
Et Dieu, en raison de la disponibilité singulière d'Artémide
au don de soi, ne se limite pas à appeler, mais peut se répandre,
avec le signe incontestable de sa présence : la Croix de son Fils.
Ainsi, précisément au cœur du discernement vocationnel de ce
jeune homme désireux de devenir prêtre; le sceau de la prédilec-
tion de Dieu devient reconnaissable : Artémide, accueilli à Bernal
comme aspirant, est sollicité pour un service risqué, les soins
d'un prêtre atteint de tuberculose - comme mentionné précé-
demment. Le service sans calcul conduit Artémide à contracter
à son tour la maladie qui exigera le sacrifice du rêve vocationnel :
Zatti sera Salésien, mais pas prêtre.
Ici, nous reconnaissons la puissance de l'Évangile inconditionnel-
lement accepté dans la vie des saints ; une puissance qui suscite une
réponse vocationnelle pure parce que gardée par un cœur non seule-
ment détaché du mal - condition essentielle pom écouter la voix de
Dieu - mais aussi capable de liberté même en vue du bien, condi-
tion essentielle d'une foi solide comme le roc en l'Absolu de Dieu.
" Positio, 21.

1.10 Page 10

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LE RECTEUR MAJEUR 53
Marchant dans l'obscurité lumineuse de la foi, Artémide
sacrifie le désir de servir l'Église dans la forme ministérielle du
sacerdoce, mais en embrasse l'essence, selon le Christ qui,
« poussé par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu com-
me une victime sans défaut. » (He 9, 14).
Les caractéristiques de l'Évangile de la vocation sont ainsi
reconnues, indélébiles, dans la plénitude du sacrifice de soi qui
scelle le principe de la vie salésienne de Zatti bien avant d 'en
couronner la plénitude.
Et la fidélité à la forme laïque de la vie salésienne, embrassée
par pur amour de Dieu , sera pleine et convaincue, loin de tout re-
gi·et, se déployant dans une existence convaincante et heureuse.
Voilà l'Évangile de la vocation, la Bonne Nouvelle de l'appel de
Dieu réservé individuellement à chacun de ses enfants, un appel
dont Dieu seul connaît la portée, les raisons, la destination, le dé-
veloppement concret. Un appel qui n'est perceptible que dans la
pure correspondance de l'amour qui, à son tow; « veut se débar-
rasser de l'adversaire le plus dangereux : sa propre liberté de choix.
Tout amour véritable a donc la forme interne du vœu: celui-ci se
lie à l'être aimé, à cause de l'amour et dans l'esprit de l'amour.»15
L'Évangile de la vocation, dans la sainteté de Zatti, est l'Évan-
gile de la foi pure: la Bonne Nouvelle du souffle sain du cœur qui
savoure la liberté dans l'obéissance au dessein de Dieu, gardienne
du mystère de toute vie appelée à être un sarment fécond de la
vraie Vigne, confiée à la sagesse du « Vigneron » (Jn 15,1).
La sainteté d'Artémide Zatti provoque ainsi la peur vocation-
nelle de notre temps, une peur qui serre le cœur dans la méfian-
ce devant le mystère de Dieu. L 'Évangile de la vocation annoncé
par la vie de ce saint Salésien coadjuteur montre que ce n 'est
qu'en correspondant au rêve de Dieu qu'il est possible, à tout
âge et dans chaque situation, de vain cre la paralysie du « moi »,
16 H.U. VON BALTHASAR, Les états de vie du chrétien, J aca Book, Milan
1985, 34.

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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54 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
avec la pauvreté de son regard et de ses mesures, avec l'angoisse
de son incertitude et de sa peur.
Lorsque le P. Garrone - lui-même Salésien d'une vertu éminen-
te ainsi que d'une grande compétence médicale acquise par un ser-
vice généreux des malades - exhorte Artémide, atteint de tubercu-
lose, à demander la grâce de la guérison par l'intercession de la
Vierge Marie et avec le vœu de consacrer toute sa vie aux malades,
la foi de Zatti donne une bonne preuve d'elle-même : simple,
désintéressée, sans réserves, résumée en un mot: « J'ai cru! ».
<< J'ai cru », c'est-à-dire quand un mot suffit pour dire sa foi,
parce que la foi est pure. Et seule cette foi est généreuse sur
le plan vocationnel, pour la légèreté de sa pureté qui « donne des
ailes au cœur et non des chaînes aux pieds ».
La sainteté d'Artémide Zatti rejoint nos chemins vocation-
nels, parfois fatigués et lourds, avec la force explosive d'un « j 'ai
cru» qui n'a jamais failli: le présent de la foi qui devient continu
tout au long de la vie et la rend crédible. Sa foi a été une foi avec
une continuelle union avec Dieu. Dans les témoignages recueillis,
Mgr M. Pérez s'exprime ainsi : « L'impression que j'ai reçue a
été celle d'un homme uni au Seigneur. La prière était comme la
respiration de son âme, tout son comportement montrait qu'il vi-
vait pleinement le premier commandement de Dieu: il l'aimait
de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit.>,l6
Nous sommes appelés à valoriser le témoignage de Zatti pour
renouveler l'ardeur de notre pastorale des vocations et pour
offrir aux jeunes l'exemple d'une vie que la solidité de la foi rend
pleine, simple, courageuse, par la puissance de l'Esprit et la do-
cilité des appelés.
1.2 L'Évangile de la confiance : « J'ai promis »
L'Évangile de la vocation, dont Zatti est témoin, anime un
second verbe d'une importance fondamentale : promettre.
1
Summarium,
p.
43,
n.
160.

2.2 Page 12

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LE RECTEUR MAJEUR 55
Nous éprouvons souvent la faiblesse des promesses hu-
maines aujourd'hui. On craint le manque de fiabilité et on
constate l'incapacité d'être définitif: d'où les hivers vocationnels
qui affectent la famille, la Congrégation dans de nombreuses
parties du monde, l'Église, et qui rendent urgente l'annonce de
l'appel de Dieu et de la réponse du croyant.
Von Balthasar, réfléchissant sur l'essence de la vocation, fruit
d'une croyance authentique, écrit : « Il n 'y a pas de marche vers
l'amour sans au moins un soupçon de ce geste d 'abandon. [.. .]
[L'amour] veut se ressaisir définitivement, s 'abandonner, se
confier, s'enfermer. Il veut déposer auprès du bien-aimé, une fois
pour toutes, sa liberté de mouvement, pour lui laisser un gage
d'amour. Dès que l'amour s'éveille vraiment à la vie, le moment
du temps veut être dépassé en une forme d'éternité. L'amour tem-
poraire, l'amour intermittent n'est jamais le véritable amour. »17
Artémide Zatti, même à un jeune âge et précisément dans un
grand moment d'épreuve, ressent l'appel à la plénitude de l'en-
gagement de soi dans une promesse irrévocable et radicale ;
quand, à un âge mûr, témoignant de sa gratitude envers le Père
Evasio Garrone, son bienfaiteur, il se souviendra des débuts de
son propre chemin de consécration, Zatti pourra être lapidaire
en présentant le cœur de son adhésion juvénile à l'appel du
Seigneur : « J'ai cru, j'ai promis » .
Le «j'ai promis » de Zatti suit son «j'ai cru » mais en façonne
aussi la radicalité et la qualité humaine et chrétienne. Artémide
croit parce qu'il promet, et il ne promet pas seulement parce qu'il
croit : en lui se réalise la règle de la foi, qui, si elle ne peut s'ap-
puyer sur une disponibilité à promettre, à se livrer, se dégrade
en intérêt spirituel, en prévoyance et en contrat religieux.
Zatti n'attend pas de garanties en risquant de consacrer sa vie,
il ne demande pas à percevoir le droit au « centuple ici-bas » comme
condition préalable pour jeter les filets. Au contraire, « il s'est offert
avec une disponibilité immédiate pour assister un prêtre souffrant
11 H.U. VON B ALTHASAR, Les états de vie d u chrétien, 34.

2.3 Page 13

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56 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
de phtisie et en contracté la maladie: il n'a pas dit un mot pour se
plaindre, il a accueilli la maladie comme un don de Dieu et en a
supporté les conséquences avec force et sérénité. »18
Ainsi, la générosité d'Artémide est payée avant même sa pro-
fession religieuse, et le prix est élevé : une maladie invalidante,
un rêve vocationnel brisé, une souffrance aiguë et, surtout, une
incertitude totale. Mais au carrefour de la foi et de la promesse,
l 'Évangile de la vocation réalise en cette vie, dès la jeunesse, des
merveilles de sainteté.
La promesse de Zatti est pure, désintéressée comme sa foi et
fait briller l'intégrité de l'abandon au dessein de Dieu et la gé-
nérosité du don et de l'engagement personnel qui montrent une
authentique profondeur théologique : Artémide fait sienne la vie
du Fils obéissant qui se laisse totalement destiner par l'amour
du Père pour le salut du monde.
L'alphabet vocationnel de Zatti est aussi profond que simple
et clair:
« J 'ai cru , j'ai promis. Zatti croit et promet avec la radicalité évangé-
lique parce qu'il a déjà pratiqué la Passion du Seigneur comme règle
de sa foi et de son don de soi, ainsi qu'il ne se lasse pas de répéter dans
ses lettres à sa famille: « Nos joies, ce sont les croix ; notre réconfort,
c'est la souffrance; notre vie, ce sont les larmes, mais t oujours avec la
chère et inséparable compagne à nos côtés : l'espérance d'atteindre le
beau paradis, quand n otr e pèlerinage sur t erre sera achevé. »19
La croix est la r ègle de la foi, et enseigne comment la croyance
chrétienne n'est pas une simple connaissance de quelque chose,
mais le fait de se confier à Quelqu'un en Lui promettant non pas
quelque chose, mais soi-même. Formé par la croix, Artémide,
avant même d'entreprendre le chemin de la vie religieu se, ne pro-
met pas mais se promet, ne fait pas de vœu, mais se voue, et reflète
ainsi les traits du Fils qui « en entrant dans le monde, [.. .] dit :
Tu n 'as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m ' as formé un
18 Positio, 206 (Profil spirituel du serviteur de Dieu).
19 Super Positio Scriptis 12.

2.4 Page 14

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LE RECTEUR MAJEUR 57
corps. Tu n'as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le
péché ; alors j'ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire
ta volonté, ainsi qu'il est écrit de moi dans le Livre.» (He 10,5-7)
Et, toujours à l'école du Seigneur Jésus, Zatti apprend qu'à
la radicalité de la promesse de se donner correspond l'audace
croissante de la foi. Ceux qui se donnent entièrement à Dieu
peuvent s'abandonner à la certitude de tout recevoir de Lui, et
Artémide ne se lasse pas de le rappeler dans ses lettres : << Je
vous recommande de ne pas avoir peur ou honte de demander
des grâces. Demandez donc et vous obtiendrez ; et plus vous en
demandez, plus vous en obtiendrez. Car celui qui demande beau-
coup reçoit beaucoup ; celui qui demande peu reçoit peu ; et ce-
lui qui ne demande rien, ne reçoit rien. [...] Je ne vais pas vous
énumérer les grâces que vous devez demander; c'est vous qui le
savez. Je ne vous en indique qu'une seule: c'est de pouvoir tous
aimer et servir Dieu en ce monde et ensuite jouir de sa présence
dans l'autre ».20
1.3 L'Évangile du don de soi : « J'ai guéri »
« J'ai guéri » est le verbe par lequel Zatti scelle l'événement
qui l'introduit dans la vie salésienne.
Que signifie « j'ai guéri » ? Certes, la tuberculose qui avait
miné sa santé a été vaincue par Zatti et d'une manière qui a sur-
pris les médecins :
« Dans le procès de Viedma, le Tribunal se demande si la guérison a
été miraculeuse. Pour autant que nous le sachions, il manquait pour
la qualifier comme telle l'instantanéité mais, selon les médecins [...]
qui ont bien connu Zatti jusqu 'à sa mort, elle a été extraordinaire eu
égard à la pauvreté et au peu d' efficacité des traitements de l'époque,
à la continuité de la guérison et à la robustesse physique plus que nor-
male dont le Serviteur de Dieu a toujours joui, malgré sa vie surmenée.
L'intervention de la Madone semble indéniable, qu'il s'agisse d'un mi-
racle ou d'une grâce extraordinaire. »21
20 Lettre au Père, Viedma 15 juin 1908.
21 Positio, 75-76.

2.5 Page 15

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58 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Le doigt de Dieu, cependant, a agi selon son style indubitable :il n 'a
pas éradiqué le mal en ramenant la vie d'Artémide aux conditions
d'avant la maladie, ni n'a démêlé le mystère typique de tout plan
divin et de toute existence humaine. Ainsi, comme nous le savons,
« les Supérieurs, tout en con statant les améliorations de la santé du
Servitem de Dieu, n'ont pas dû être pleinement persuadés de ses pos-
sibilités futures. La tuberculose, à cette époque, n'a jamais donné la
sécurité de la guérison et de la guérison définitive. Le programme
d'études auquel le ServiteuT de Dieu amait à faire face à son âge (23-
24 ans) était encore long et certainement pas adapté à un tuberculeux.
Lui, de son côté, avait déjà commencé à travailler - et tout nous porte
à crou:e avec succès et satisfaction m utuelle - à la Pharmacie, dans
une profession convenant tout à fait à un laïc, et peut-être le P ère Gar-
rone insistait-il pom le garder avec lui dans son travail. Les Supé-
rieurs dment alors, compte tenu de toutes ces circonstances, proposer
au Serviteur de Dieu - qui, certes, d'après tout ce qui apparaît dans
ses écrits, avait décidé de quitter le monde et de se consacrer à Dieu -
de devenir religieux salésien, mais comme coadjuteur (confrère laïc) :
la solution semblait la plus prudente compte tenu de sa santé encore
incertaine : un travail matériel exigeait moins d'effor ts que ce qui était
nécessaire pour une longue période d'études sévères. »22
Le mystère de Dieu s'approfondit avec la guérison, et à la foi
d'A:rtémide est requise une purification peut-être plus sévère que
celle imposée par la perte de la santé: le sacrifice de l'orientation
vocationnelle. A:rtémide est ainsi amené à approfondir le chemin
de dépouillement que Dieu exige de lui : la libération de la maladie
n 'est pas un regain de force qui permet à un jeune homme entre-
prenant de " reprendre sa vie en main ". La guérison, à sa manière,
est le désert d'une nouvelle pauvreté, afin que la vie de Zatti soit
un espace libre pour Dieu, dans la radicalité d 'un nouvel abandon.
Dieu guérit A:rtémide de la tuberculose pour renouveler en
lui le miracle du salut du détachement de soi-même, du détache-
ment même de ses projets de bien :
« Il faut croire que l'abandon de l'aspiration au sacerdoce a été pour le
Ser viteur de Dieu une grande souffrance spirituelle, t ant étaient
22 Positio, 80.

2.6 Page 16

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LE RECTEUR MAJEUR 59
grands l'impulsion et l'esprit de sacrifice avec lesquels il s'était engagé
sur le chemin qui l'aurait conduit à ce but. Mais il est merveilleux, et
c'est un signe d'une force spiTituelle extraordinaire, que n'apparaisse
jamais chez lui une plainte ou même un regret ou de la nostalgie [...]
pour ce bouleversement de perspective dans sa vie ».23
« J'ai guéri » : c'est alors la voix de la cohérence de l'alphabet
vocationnel de Zatti. Quand Dieu appelle et que sa créature ré-
pond, l'Esprit ne se limite pas à réparer la précarité humaine, mais
accomplit le rêve de Dieu : « Voici que je fais toutes choses nou-
velles » (Ap 21, 5). Ainsi, si la maladie incline le cœur humain à se
replier sur lui-même, la croyance et la promesse de Zatti, nourries
par l'amour pour le Seigneur Jésus et la Croix, produisent une
vraie santé : un plus grand oubli de soi et une soumission incondi-
tionnelle à Dieu, qui le conduit à être l'humble apôtre des plus
pauvres, des malades et, parmi ceux-ci, devenir l'apôtre des cas les
plus difficiles ; bref, des abandonnés et des rejetés de ce monde.
Artémide, renaissant dans une plus grande pauvreté, est da-
vantage soumis, en confiance pleine et active, au dessein du Père :
« Ex auditu [d'après ce que j'ai entendu], je peux dire que [dans
la vie du Serviteur de Dieu] il y avait une volonté générale que
Dieu soit glorifié. Tel que je l'ai connu, je peux assurer qu'il vivait
pour la gloire de Dieu. »24
La subordination de tout à la gloire de Dieu et le sacrifice de
ses propres vues - y compris les bons projets - pour soutenir la
sagesse de Dieu qui seul réalise la plénitude de l'Amour, seront
essentiels non seulement à l'expérience spirituelle de cet extra-
ordinaire Salésien, mais aussi à la pédagogie de la douleur qu'il
devra pratiquer pour la spécificité de sa mission.
Dans le «j'ai guéri » de Zatti, s'accomplit non seulement une
grâce mais une école, et toutes deux façonnées par le doigt de
Dieu pour le bien des frères : libre de toute maladie, Artémide
servira les malades toute sa vie, après avoir traversé la véritahle
23 Positio, 81.
2• Summarium 15.

2.7 Page 17

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60 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
guérison qui fera de lui le véritable médecin des créatures sur les-
quelles il se penchera.
« Il faisait souvent le signe de la Croix et le faisait faire aux malades ; il
aimait l'enseigner aux enfants. En lui, la foi et les médicaments for-
maient une symbiose ; sans la foi, il ne soignait pas ni même sans médi-
caments. Il ne voyait pas non plus de dichotomie entre l'âme et le corps;
l'homme était un tout, et il prenait soin de cet homme: corps et âme. »2!>
Ce n'est que parce qu'il est conduit par la main de Dieu à
vivre le fait de guérir comme de mourir à soi-même que Zatti
pourra se faire proche des malades avec le remède de l'Amour
Incarné et Crucifié, dispensant réconfort, lumière et espérance.
2. UN TÉMOIN DE PÂQUES
Si, dans la vie de Zatti - en raison de la manière dont il a été
atteint par l'appel de Dieu - l'Évangile de la vocation resplendit
sous une forme originale et très actuelle, son semis apostolique
est réalisé comme un art du soin à la lumière de Pâques.
La cohérence pascale est la règle de fidélité de tout apostolat
chrétien: chez les saints, la pratique de cette règle atteint sa
splendeur en apportant la vie de Dieu dans les peines des
hommes, de l'histoire, du monde, édifiant ainsi l'Église.
Zatti a pratiqué avec une passion pascale la fatigue de la souf-
france humaine et a ainsi construit l'Église comme un véritable
hôpital de campagne (comme le Pape François continue de le répé-
ter aujourd'hui), précisément en transformant deux hôpitaux qui
ont surgi « au bout du monde » en cellules vivantes de l'Église.
Les hôpitaux de Saint Joseph d'abord puis celui de Saint Isi-
dore ont été, entre la fin du :xrxèm• siècle et les premières décen-
nies du XX.ème siècle, une ressource sanitaire précieuse et unique
pour les soins, en particulier des pauvres de Viedma et de la
région du Rio Negro : l'héroïsme de Zatti en a fait des lieux
26 Summarium 80.

2.8 Page 18

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LE RECTEUR MAJEUR 61
d'irradiation de l'amour de Dieu les soins de santé devien-
nent une expérience de salut.
Zatti a donné sa vie à la parabole du Bon Samaritain. Le Sa-
maritain est le Christ, le Dieu proche (en son Fils bien-aimé) qui
ne connaît ni indifférence ni mépris, mais qui s'offre, à l'avance,
pour guérir même le dernier de ses fils et filles, par la proximité
de l'amour, afin que le mal de l'histoire ne condamne aucun de
ces petits à périr en dehors de Jérusalem.
Voilà, le miracle de Dieu : dans cette parcelle de Patagonie,
où s'écoule la vie de Zatti, une page de l'Evangile a pris vie. Le
Bon Samaritain a trouvé un visage, des mains et une passion,
surtout pour les petits, les pauvres, les pécheurs, les derniers.
Ainsi, un hôpital est devenu l'« Auberge du Père » , signe d'une
Église qui voulait être riche en dons d'humanité et de Grâce, de-
meure du commandement de 1'Amour de Dieu et du Frère, lieu
de santé comme gage de Salut.
Les témoins sont nombreux qui nous permettent de contem-
pler l'expérience d'Église accessible dans cet hôpital de cam-
pagne rendu vivant par le cœur enflammé de Zatti : en leur
donnant la parole ressurgit le charme d'Artémide soucieux de
soigner ceux qui se confiaient à lui, tant avec les remèdes de l'art
médical qu'avec la présence, la sympathie, la prière pour tous
et avec tous, et avec l'expression quotidienne de la foi de
cet humble Salésien. Tout cela s'est certainement avéré plus
efficace que de nombreux médicaments.
2.1. Sollicitude de Pâques et service (diaconie) de la vie
blessée
Là où il y a sainteté, l'Église se répand, et là où l'Église est
édifiée, il y a sainteté. Ceux qui ont rencontré Zatti, ceux qui ont
été accueillis dans son hôpital, ont fait une expérience de frater-
nité et, dans cette fraternité, une expérience d'Église.
Zatti vivait avec radicalité évangélique la certitude que le
service, qui était sa caractéristique vocationnelle - une diaconie

2.9 Page 19

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62 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
- rend le visage de l'Église crédible, reconnaissable, aimable. La
porte du service attire le cœur humain, surtout quand il est
éprouvé par la vie et la souffrance, et ouvre à l'expérience de la
rencontre avec Jésus, le vrai Bon Samaritain; et Zatti a fait de
son mieux pour vivre comme un Bon Samaritain. « L'hôpital et
les maisons des pauvres, visités nuit et jour voyageant à bicy-
clette, maintenant considérée comme un élément historique de
la ville de Viedma, étaient la frontière de sa mission. Il a vécu le
don total de lui-même à Dieu et la consécration de toutes ses
forces au bien de son prochain. »26
Zatti est un témoin du service, et tout comme Jésus s'est
donné jusqu'à la fin, Zatti a réalisé jusqu'à l'héroïsme, sur les
traces de son Seigneur, un don de soi et une diaconie pleinement
chrétiens. Les caractéristiques extraordinaires de la diaconie
évangélique de Zatti méritent d'être soulignées avec les paroles
unanimes des témoins : l'universalité de son dévouement, la to-
talité du don de soi, la générosité née avec Dieu à ses côtés, dans
l'obéissance à Lui, accomplie en Lui et pour Lui.
Le service accompli par Zatti ne connaissait ni particula-
rismes ni préférences : les gens qui l'ont connu en témoignent
unanimement :
« J e sais qu'il a visité la prison pour soigner les malades. Avec les in-
croyants et les ennemis de l'Église, il était disponible et aimable. J e
me souviens de la phrase d'un médecin qui, commentant le titre du
livre du Père Entraigas "Le parent de tous les pauvres", a dit qu'il au-
rait fallu corriger en "parent de tous", pour l'équité avec laquelle [Zat-
ti] ne faisait pas de distinction entre tous ceux qui le cherchaient. »27
Si dans le service et le don de soi de Zatti il y avait une préférence
pour quelqu'un, c'était la préférence enseignée par le Bon Pasteur,
sensible avant tout au sort des brebis les plus blessées et les plus
perdues: « Ce fut l'une des prédilections [de Zatti] : son don total
à Dieu dans ces gens humbles, sans défense ou avec des infirmités
répugnantes, à un point tel que lorsque quelqu'un voulait les en-
2G J.E. V Eccm, D.C., p. 21.
21 Témoignage de Tassara Carlo, Summ. 126-127.

2.10 Page 20

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LE RECTEUR MAJEUR 63
voyer dans un hospice parce qu'ils avaient passé de nombreuses
années à l'hôpital Saint Joseph, [Zatti] répondait que l'on ne de-
vait pas abandonner ces véritables paratonnerres de !'Hôpital. »28
Zatti servait alors en se donnant tout entier, se consumant
dans une générosité sans calcul dans les formes les plus dispa-
rates d'activité fébrile, orientée unjquement pour répondre aux
demandes de tous :
« Comme sa bonté et sa bonne volonté au service des autres étaient
connues de tous, tout le monde se tournait vers lui pour les choses les
plus disparates. (...] Les directeurs des Maisons de la Province lui écri-
vaient pour demander des conseils médicaux, lui envoyaient des
confrères à assister, confiaient à son service hospitalier des personnes
de service devenues inaptes. Les Filles de Marie Auxiliatrice ne de-
mandaient pas moins de faveurs que les Salésiens. Les émigrés italiens
demandaient de l'aide, faisaient écrire en Italie, sollicitaient des dé-
marches ; ceux qui avaient été bien soignés à l'Hôpital, comme pour
montrer leur gratitude, envoyaient parnnts et amis s'y faire soigner,
tant ils avaient de l'estime pour ses soins. Les autorités civiles avaient
souvent des personnes handicapées à établir et avaient recours à Zatti.
Les prisonniers et d'autres personnes, Je voyant en bons termes avec
les autorités, se recommandaient à lui pour obtenir clémence pour eux
ou pour faire avancer la solution de leurs problèmes » .29
Le service de Zatti était alors continu et oublieux de lui-même
et, précisément pouT cette raison, n 'était pas arrêté par les sus-
ceptibilités, l'ingratitude, les manques de reconnaissance ou les
demandes lancinantes : « Chez le serviteur de Dieu, le souci du
prochain était extraordinaire dans le travail quotidien. Du matin
au sou~ il vivait pour ses chers malades. Ces circonstances se mul-
tipliaient la nuit, quand, quelle que fût l'heure à laquelle ils l'ap-
pelaient, il accourait rapidement. [...] Je comprends qu'il ait sou-
vent souffrir de demandes excessives de certains malades, de
caprices, comme dans le cas [. ..] de patients atteints d'infirmités
mentales. Le Serviteur de Dieu n'a jamais perdu patience. Je me
souviens l'avoir vu plus d'une fois grimper par mauvais temps,
28 Témoignage de Mgr Peréz Carlo Mariano, Summ. 52.
29 LUIGI'FlüRA, Biographie, Positio 132.

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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64 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
dans le froid et sous la pluie, avec son véhicule - une bicyclette
pas du dernier modèle-pour soigner des malades parmi la popu-
lation en empruntant des routes très impraticables » .30
Ce qui a profondément marqué la diaconie de Zatti- son ser-
vice à tous-, c'est son activité en compagnie du Seigneur. À per-
sonne n'échappait la compétence de cet infirmier généreux, mais
tout au ssi évident était son fait d'être en mission avec Jésus:
« Un fait personnel très concret : étant novice puis nouveau prêt re, je
suis venu à Viedma pour quelques pustules au cou et au visage ; et le
Serviteur de Dieu m 'accueillait toujours avec un somire ; il me soi-
gnait en me cautérisant avec une pointe brûlante et en fredonnant le
Magnificat pendant qu'il opérait et en m 'encourageant ensuite à offrir
ces souffrances pour la sainte persévérance dans la vocation.»31
Encore une fois, chez Zatti brillait l'obéissance à Dieu et à
son plan comme l'âme d'un service humble et confiant qui de-
vait inspirer chez les pauvres et les malades des sentiments
d'abandon à Dieu. Tout trouvait l'inspiration en Dieu, et Zatti
accomplissait tout selon le commandement de Dieu, de sorte
que le service de ce grand Salésien était une pratique continue
et fascinante du précepte de l'amour:
il « aimait Dieu par-dessus tout. Pour lui, toutes les choses sur cette
terre étaient transitoires et secondaires. Pour moi, Zatti était constant,
sans céder dans son amour pour Dieu NI dans sa piété. Non seulement
dans les exercices de piété, mais dans chaque service à son proch ain , il
avait toujow·s le nom de Dieu à la bouch e. Il exhortait tous ceux qui
étaient proches de lui à vivre dans la piété. Zatti était en perman ence
un exemple, sa piété dépassait l'ordinaire. »32
Celle de Zatti, cependant, comme cela arrive toujours chez les
saints, est une diaconie, un service certes accompli dans l'obéissan-
ce à Dieu, mais surtout au nom de Dieu, prêtant à Dieu son visage,
son cœur, ses mains, dans la certitude - source d'une grande audace
- d'être un petit instrument de sa grande puissance et de sa provi-
30 Témoignage de Mgr Peréz Carlo Mariano, Swnm. 43-47.
31 Témoignage de Mgr Peréz Carlo Mariano, Summ. 43.
32 Témoignage de Garcia Oscar Giovanni, Summ. 113.

3.2 Page 22

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LE RECTEUR MAJEUR 65
dence. Ainsi Zatti travaille-t-il avec une générosité extraordinaire,
mais dans un abandon total car il sait que c'est son Seigneur qui
agit en lui : « Il a toujours espéré et eu confiance en Dieu. La séré-
nité avec laquelle il surmontait les difficultés était une démonstra-
tion de son espérance en Dieu. Il disait toujours : "Dieu pourvoira",
mais il le disait avec une confiance et une espérance totales. »33
Zatti, croyant et homme vrai, était « poussé par la charité envers
son prochain parce qu'en chaque malade il voyait le Christ souffrir.
La bonté dont il faisait preuve envers les malades était telle qu'il
ne leur refusait rien. » 34 « Pour le Serviteur de Dieu, l'amour se ma-
nifestait dans la charité avec laquelle il assistait les "autres Christs".
Dans sa conception évangélique que tout ce que ses disciples feront
à leur prochain, ils le feront au Christ lui-même, le Serviteur de
Dieu se comportait habituellement charitablement avec tous, même
lorsqu'il s'agissait d'incroyants ou d'indifférents. »35
Soit en vivant à l 'extérieur une Église du service, capable de re-
joindre ses pauvres à bicyclette, soit en servant ceux qui frappaient
à la porte de son hôpital - d'abord de Saint Joseph puis de Saint
Isidore - pour qu'ils puissent rencontrer l'amour de Dieu, Zatti s'est
donné tout entier à Dieu, devenant un serviteur du Seigneur, un
authentique missionnaire de l'Église au nom du Seigneur Jésus.
2.2 Fraternité pascale et communion (koinonia) dans la
vie partagée
La sainteté de Zatti nous amène au cœur de l'Église non seu-
lement pour la singularité de sa diaconie, mais aussi pour la
qualité de la communion qui s'est épanouie par son don de soi
aux autres. Ce qu'était la communion pour Zatti est attesté à la
fois par les témoignages de ceux qui ont vu son action, ainsi que
par la façon dont il a traversé les moments les plus difficiles qui
ont marqué sa vie.
33 Témoignage de Molinari Ferdinando Enrique, Summ. 151.
34 Témoignage de Morero Noelia de Tofoni, Summ. 259.
36 Témoignage du Père De Roia Luigi, Summ. 259.

3.3 Page 23

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66 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Un événement particulièrement douloureux se produisit
pour lui lorsque les supérieurs décidèrent la démolition de l'hô-
pital Saint Joseph, auquel Artémide avait consacré toutes ses
énergies; à Viedma, il n'y avait pas de locaux pour l'évêché et,
pour construire une résidence épiscopale appropriée, il a été dé-
cidé de démolir l'ancien hôpital, et de transférer tous les services
de santé dans les espaces de l'École Agricole de Saint Isidore,
siège d'une autre œuvre sal ésienne à Viedma.
Pour Zatti, il ne s'agissait pas d'une simple opération de dé-
molition d'un bâtiment, c'était un véritable crève-cœur: sous ses
yeux, il n'y avait pas seulement les décombres d'un vieil hôpital,
mais il lui semblait qu'avec ces murs démolis, sa vie s'était effon-
drée. Et il doutait fort qu'avec cette démolition seraient finis les
renoncements et les privations, les incompréhensions et les
veilles, les tracas et les sueurs, le dévouement aux autres et le sa-
crifice de soi. À Zatti, le calice n 'a pas été épargné, mais il est res-
debout, avec force et douceur chrétienne : « Au moment de la
démolition de l'hôpital Saint Joseph, il avait d'abord proposé que
le palais épiscopal soit construit dans un autre endroit et que les
terrains soient échangés ; puis, étant donné l'inexorabilité de la
démolition - qui l'affectait énormément, compte tenu de son
extrême sensibilité humaine - il ne s'est pas rebellé ni protesté;
au contraire, il calmait ceux qui le poussaient à se rebeller. »36
Comme toujours dans la vie des saints, l'épreuve est à la fois
un creuset sombre et une démonstration lumineuse : Zatti, avec
sa sérénité d'esprit et avec l'empressement placé dans l'établis-
sement du nouveau siège des services de santé, a démontré quel
était le fondement de son dévouement : le véritable hôpital qu'il
a construit ne pouvait pas être réduit en ruines parce que c'était
une invention de la charité, de cet amour qui « ne passera jamais »
(lCo 13, 8) et qui exprime le miracle de la communion , reflet de
la Vie éternelle de Dieu. Le véritable hôpital de Zatti n'était pas
un bâtiment terrestre, dédié à Saint Joseph ou à Saint Isidore ;
36 Témoignage de Kossman Enrico Mario, Summ. 10

3.4 Page 24

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LE RECTEUR MAJEUR 67
dans ces milieux, son professionnalisme accueillait tout le mon-
de, à travers la porte du service, afin que tout le monde puisse
faire l'expérience vraie et totale de la tendresse de Dieu.
Zatti ne prêchait pas le catéchisme de la communion, mais il
l'incarnait avec sa sainteté. Et son hôpital n'était pas un bâtiment
imposant, mais un miracle quotidien évident du service et de la
communion. Ici, «le Serviteur de Dieu dirigeait le personnel, com-
posé de diverses personnes qui vivaient à l'hôpital, comme un su-
périeur de communauté religieuse[...] Le personnel l'aimait, levé-
nérait et suivait ses règles à la lettre. Personne n'a jamais manqué
du nécessaire : moral, spirituel et technique pour remplir ses obli-
gations et ce, par la sollicitude personnelle du Serviteur de Dieu. »37
Tout le monde est persuadé que la stature spirituelle de Zatti
ait fait précisément de lui l'architecte de la communion:
« Dans les années où j'étais scolarisé au Collège Saint-François de
Sales, !'Hôpital était une dépendance du Collège et tout ce qui se
passait ici et était connu. Je n'ai jamais entendu parler de querelles
ou de malentendus entre les collaborateurs de Zatti, qui auraient pu
avoir une quelconque importance et être la cause de commérages dans
le village ou à l'école. »38
La communion chrétienne, lorsqu'elle se réalise, ne passe
pas inaperçue à cause de sa beauté qui bouleverse le monde
prostré par le ressentiment et la division. Mais seuls les saints
connaissent pleinement le prix de la communion, savent qu'elle
est étrangère à la spontanéité, à l'immédiateté de la sympathie,
à la facilité sans sacrifice. Les saints savent combien coûte la
communion parce qu'ils en connaissent la source: le côté trans-
percé du Seigneur qui accomplit l'œuvre de la réconciliation
entre les hommes et avec les hommes.
Zatti sait que seul le Sang du Seigneur crée la communion,
et choisit le chemin de la participation fidèle et quotidienne au
sacrifice de son Fils, avec le sourire aux lèvres, la force dans
37 Témoignage du P Prieto Antonio F. Fernandez, Summ. 61.
38 Témoignage du P, Brizzola Mario, Summ. 75.

3.5 Page 25

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68 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
l'âme, la paix dans le cœur, les mains transpercées par le travail
et la fatigue. Rendant presque imperceptible l'engagement requis
par son immolation, Zatti
« était un homme qui rayonnait de paix, [homme] d'action, dyna-
mique, ne montrant pas de nervosité, joyeux. Il disait souvent une
blague[...] pour remonter le moral d'un malade [...]. C'était un homme
qui ne négligeait pas ses pratiques de piété, [...] signe de ses efforts
pour s'améliorer. Personnellement, ce que j'ai le plus remarqué chez
lui, c'est sa charité et son humilité. »39
L'humilité de Zatti construit l'Église et rend chrétienne la
communion dont il est lui-même l'artisan ; qui ne meurt pas
chaque jour à soi-même porte avec soi la pesanteur de l'égoïsme
qui blesse la communion. Seule l'humilité guérit les relations et
surmonte les séductions du pouvoir, du contrôle, de la séduction,
de la prévarication. Zatti, sans multiplier les paroles ou les dis-
cours, sait que ce n'est qu'avec l'humilité qu'il peut être l'artisan
de la vraie koinonia, fruit et condition d'une diaconie efficace et
discrète, qui ne crée pas de dépendance mais restaure la dignité;
seule l'humilité sert de manière générative, promouvant une
communion qui prend soin du lien et favorise l'autonomie. L'hu-
milité est la vertu de Dieu parce qu'elle est le secret de chaque
père, l'espérance de chaque fils ou fille, l'esprit de toute vraie vie.
Zatti peut être un serviteur et un artisan de communion
pour l'humilité qui fait de lui un simple fils de Dieu, vivant par
la Vie de l'Esprit et père de tous:
« Je pense que dans la relation de Zatti avec ses collaborateurs, il n'y a
jamais eu de problèmes parce qu'il était comme le père de tous. Je me
souviens qu'il manquait beaucoup à tout le monde quand il était absent
parce qu'il était allé à Rome pour la canonisation de Don Bosco. »'0 « La
relation de Don Zatti avec l'hôpital était comme celle d'un père. Je ne
connais aucun malentendu ni aucune difficulté: s'il y en a eu, je crois
qu'elles ne l'ont pas été de son fait. De la part des infirmières avec les-
quelles j'ai traité [.. .], je n'ai entendu que des éloges et aucune plainte. »0
39 Témoignage de Garcia Oscar Giovanni, Summ. 113.
"' Témoignage de Costanzo Giuseppe Nicola, Summ. 103.
1 Témoignage de Costanzo Giuseppe Nicola, Summ. 103.

3.6 Page 26

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LE RECTEUR MAJEUR 69
2.3 Proximité pascale et martyre (témoignage) de la vie
sans fin
Notre confrère Arténùde Zatti a vraiment témoigné par sa vie
(martyre-témoignage) que le Seigneur est ressuscité. « Je suis la lu-
nùère du monde », dit le Seigneur de lui-même (Jn 8,12). L'Évangile
est Lumière qui veut pénétrer la vie humaine, et l'Église, sacrement
vivant de Dieu, est Lumière pour le monde. La sainteté de Zatti, nour-
rie par la Pâque de Jésus, est aussi lumière, et en font l'expérience
surtout les pauvres et les malades de Viedma. Zatti les accueille à
travers la porte du service, les garde à l'intérieur des murs de la
communion mais pour leur offrir, avec son témoignage de vie, la lu-
mière de l'Évangile, la splendeur de Pâques qui illumine l'Église.
Croyants et non-croyants sont frappés par les paroles et les
gestes de Zatti; son témoignage est sans ombre, extraordinairement
salésien, il atteint tout le monde et proclame, à travers deux noms,
deux traits décisifs du Dieu de Jésus: Providence et Paradis.
Il n 'y a pas <l'Église où il n'y a pas d'annonce explicite du
nom de Dieu, une annonce payée par le martyre de la vie, sous
le signe du sang ou de la charité; là où vont le service et la com-
munion de Zatti, résonne l'annonce du nom de Dieu, de ces deux
noms, si chrétiens et si salésiens : Providence et Paradis.
Zatti annonce par sa vie que tout en Dieu est amour, mais
un amour concret, attentif, illimité et minutieux pour chaque
créature : l'amour de Dieu est Providence. La Providence de
Dieu, cependant, n'est pas à temps partiel, mais éternelle, et voi-
ci le deuxième nom: Paradis. « Paradis » est le nom propre du
désir de Dieu dans l'histoire de subvenir aux besoins de ses créa-
tures afin de les avoir avec lui pour toujours, pour l'éternité.
Zatti est un maître de cet alphabet chrétien :
« C'était son désir constant que le Seigneur fût connu et aimé. Et quelle
joie était la sienne quand un nouveau patient, qui ne savait rien de Dieu,
devenait un fervent chrétien ! Sa première préoccupation était de soigner
avec empressement et d'inspirer confiance en la Providence divine. »•2
•2 Témoignage de Linares Manuel, Summ. 92.

3.7 Page 27

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70 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Le sens de la Providence n 'était pas la réponse obligatoire
à des conditions précaires, une sorte d'ultime recours offert aux
naufragés pour ne pas sombrer dans les moments difficiles.
Témoigner de la Providence pour Zatti signifiait enseigner à
parler avec Dieu, à l'appeler par son nom, avec une confiance
chrétienne, parce qu'
« il était très convaincu des principes de l'Évangile, et l'un de ces prin-
cipes, bien gravé dans son cœur et dans son esprit, était : " Cherchez
d'abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera
donné par surcroît."» (Mt 6,33). Il avait appris à l'école de Don Bosco
- ayant beaucoup lu sa vie - à ne jamais douter de l'aide de Dieu , sur-
tout quand il est honoré comme il le veut, dans chaque prochain. »-13
Mais une Providence sans Paradis ne permettrait pas que la
proclamation du nom de Dieu résiste à l'impact de l'histoire, avec
son fardeau de fatigues, de souffrances et de mort. Zatti animait,
à l'intérieur et à l'extérieur de l'h ôpital, une Église toujours visitée
par la douleur et la mort, et cela réclamait une plénitude de foi et
de témoignage; cela demandait d'annoncer le nom du seul désir
de Dieu pour l'homme : Paradis. Lorsqu'il témoignait du Paradis,
Zatti montrait la certitude « de la vie éternelle et de son acquisition
par la grâce et les bonnes œuvres ; il le manifestait surtout devant
la mort [...]. Je l'ai entendu personnellement se réjouir d'avoir
pu apporter une aide religieuse aux malades et s'exclamer [...] :
''Aujourd'hui, nous en avons envoyé deux ou trois au ciel. " »44
Avec ces deux noms de Dieu, Zatti a évangélisé la vie et la
mort, la joie et la douleur, la santé et la maladie en véritable té-
moignage chrétien, en martyr, dans le martyre quotidien de la
charité. L'annonce et le martyre-témoignage de Zatti ne répan-
dent pas un Évangile de circonstance ou d'opportunité, mais ré-
pandent Sel, Lumière, Levain, et prêtent visage, cœur et mains
à un Évangile qui demande la vie et l'imprègne tout entière, dis-
sout les énigmes et surmonte l'angoisse avec la chaleur de la Vé-
•3 Témoignage de Mgr Peréz Carlo Mariano, Sumni. 36.
44 Témoignage de Kossman Enrico Mario, Summ. 14.

3.8 Page 28

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LE RECTEUR MAJEUR 71
rité : « Depuis que je l'ai connu, il a toujours accordé plus d'im-
portance aux pratiques de piété qu'à son travail, bien qu'il l'ait
fait avec persévérance. Il citait souvent les Écritures, en parti-
culier les Évangiles, pour consoler les malades ou encourager à
la vertu[...]. Il lui était très difficile de ne pas mettre une pensée
spirituelle dans ses conversations. Une fois, en parlant avec lui,
j 'ai mentionné la découverte de nouveaux médicaments tels que
la pénicilline et les sulfamides; le Serviteur de Dieu m'a écouté
et, quand j'eus fini de parler, il m'a dit : " C'est vrai, c'est vrai,
mais les gens continueront à mourir de toute façon. 45
Et la vérité de l'Évangile, dans son intégralité, illumine l'hô-
pital de Zatti, comme il avait illuminé l'Oratoire à l'époque de
Don Bosco: c'est pour cette raison qu'à l'hôpital de Viedma com-
me dans les murs du Valdocco, on ne craint pas la mort et on ne
multiplie pas les expédients pour en adoucir le scandale ou en
cacher l'évidence, tromperies dangereuses pour le cœur humain.
Zatti affrontait la mort avec le témoignage de l'Évangile de la
vie: une vie avec les pieds sur terre, active et concrète, mais le
cœur tourné vers le ciel, confiant et serein: « Sa seule raison de
vivre était précisément l'attente d'une récompense céleste ; il
n'a jamais agi pour gagner argent ou réputation ; il a tout fait
dans l'espérance d'un bonheur futur. »46
Son engagement était, même dans la simplicité, de vivre
l'Évangile avec le cœur em·aciné dans la Récompense finale et
d'apporter le Dieu de la Providence et du Paradis dans chaque
blessure et chaque mort humaine, afin que la Vie et la Résur-
rection puissent y fleurir. En cela, le témoignage de Zatti était
une bénédiction, et désirable était sa présence lorsque les re-
mèdes précieux et rares de l'espérance et de la consolation
étaient indispensables. Toute la ville de Viedma le savait, comme
les témoins l'ont confirmé avec une unanimité surprenante: on
appelait toujours Zatti, et lui accourait pour réconforter et
46 Témoignage du P. Brizzola Mario, Summ. 79-80.
46 Témoignage du P. Brizzola Mario, Summ. 80.

3.9 Page 29

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72 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
consoler, en prodiguant cette médecine chrétienne qu'il puisait,
pour sa vie de Grâce en Dieu, dans l'Esprit Saint lui-même, le
Consolateur. Ainsi, devenait « extraordinaire chez le Serviteur
de Dieu la capacité d'insuffler l'espérance aux malades, ce qui
contribuait presque miraculeu sement à la guérison en soula-
geant l'âme de ceux qui souffraient. »47• Zatti témoigne, jusqu'au
martyre de la charité, que le Seigneur est le Dieu du ciel et de la
terre. Zatti en est témoin, avec la passion des saints, qui ne
connaît aucune mesure : « Je me souviens qu'un patient a dit,
un jour, à Zatti qu'il le préparait toujours pour le ciel et qu'il de-
vait le préparer un peu pour la terre. Un autre fait montre l'at-
mosphère de !'Hôpital : une infirmière avait insisté, une fois,
pour préparer à la mort un patient qui n 'était pas si malade et
qui, en fait, était encore en vie. »48
2.4 Joie pascale et liturgie de la vie rachetée
Artémide Zatti, avec son extraordinaire fidélité aux événe-
ments centraux de la vie chrétienne, se nourrit du Pain de la Pa-
role, du Pain du Pardon, du Pain du Ciel, et sa vie en est trans-
figurée, toujours plus profondément, au profit d'une mission
riche en fruits. Ainsi, la vie de la Grâce, intensément vécu e par
ce fils de Don Bosco, rejoint ceux qui le rencontr ent, sans dis-
t inction : malades et collaborateurs, confrères et autorités,
pauvres et bienfaiteurs, touchent en Zatti la vie du Seigneur, par
la force du mystère sacramentel partagé entre les personnes
dans la communion du Peuple de Dieu. Ainsi, toute l'Église,
dans les sacrements, par la puissance de l'Esprit Saint, célèbre
le mystère pascal et assure aux hommes et aux femmes la nour-
rituTe pour le chemin et les remèdes qui guérissent les blessures
du mal et de la mort.
Telle est l'Église : elle fleurit et grandit le service et la
communion annoncent le nom de Dieu , témoignent de la Parole
47 Témoignage de Cadorna Guidi Giovanni, Summ. 218.
•• Témoignage de Cadorna Guidi Giovanni, Summ. 218.

3.10 Page 30

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LE RECTEUR MAJEUR 73
de Jésus, se nourrissent de son Corps, guérissent par son Par-
don. Zatti ne fait pas simplement tout cela, mais c'est tout cela,
à travers sa correspondance à la Grâce, qui sanctifie sa vie ; et
nous reconnaissons en lui non seulement les gestes et les paroles
du Seigneur, mais nous faisons l'expérience de sa Vie même :
Zatti est un « tabernacle vivant », et son témoignage rayonnant
suscite des interrogations, des résolutions, des conversions, mê-
me chez ceux qui sont loin d'une participation intime au mystè-
re du Seigneur.
Le dévouement de Zatti, révélant une racine plus qu'humai-
ne, devient une preuve universellement convaincante du pou-
voir surnaturel des sacrements; son amour, en effet, est
« un amour sw-naturel et extraordinaire pow- son prochain. [...] Il était
prêt à faire n' importe quel sacrifice et c'est pourquoi la difficulté sem-
blait facile chez lui. J e pense que les circonstances difficiles de son ac-
tion caritative étaient le manque de personnel, la demande d'assistan-
ce à tout moment, ne pas se laisser conditionner par les intempéries,
servir toutes sortes de personnes. J e me souviens d'un de mes parents,
malade, à qui il est venu rendre visite, un jour de très mauvais temps.
Et quand on lui a dit : "Avec ce temps, vous sortez, M. Zatti?", il a
répondu : '~e n 'en ai pas d' autre! ".»•0
C'est une règle de la liturgie chrétienne que de savoir donner
de bonnes preuves de soi dans la vie du croyant avec ordre, har-
monie, dynamisme efficace et surnaturel. Zatti est un chrétien,
un laïc consacré, Salésien de Don Bosco. Il est une pierre vivante
de l'Église, un témoin de Pâques, parce que dans ses œuvres de-
vient visible le commandement de l'Amour, qui fait reconnaître
Dieu dans son prochain et son prochain en Dieu. Mais Zatti en-
seigne, par sa vie, que la force nécessaire à la pratique de ce com-
mandement est surnaturelle et ne peut venir que de Dieu, de ses
sacrements, de la prière et de l'union avec lui.
« Zatti exerçait la charité dans des circonstances difficiles en raison du
manque de ressources économiques, mais aussi parce que son activité
dépassait l'ordinaire, par le nombre d'heures qu'il consacrait à ses enga-
•• Témoignage de Garcia Oscar Giovanni, Summ. 114.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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74 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
gements sans omettre ses obligations religieuses. Tel que nous le connais-
sions, nous nous demandions comment il pouvait supporter un si grand
effort sans le repos généralement considéré comme nécessaire. »60
Deux épisodes méritent d 'être rappelés, en exemple à la
liturgie de la vie pour laquelle Zatti est d 'abord disciple puis
apôtre du Seigneur Crucifié et Ressuscité ; tout d'abord, la
démolition de l'ancien hôpital de Saint Joseph, avec la nécessité
de transférer les malades à Saint Isidore :
« J e ne sach e pas que Zatti ait été informé d'une date de transfert,
et n'avait certainement rien reçu de son Provincial, sinon je l'aurais
su [...]. L'état émotionnel dans lequel Zatti est tombé lorsqu'il a fallu
déménager les malades, afin que les décombres ne s'effondrent pas sur
eux, pouvait lui être psychologiquement fatal. Il pleura amèrement,
mais après avoir prié devant le Saint-Sacrement, il se mit au travail
avec une énergie sereine. ,.51
Et puis le service aux mourants :
« Un jeune homme était sm le point de mourir, et Zatti conversait avec
lui après lui avoir fait recevoir la communion. À un certain moment,
le garçon se mit à crier : " Zatti, je meuTS !", et en même temps, il
se soulevait de son lit. Zatti, le regardant dans les yeux, lui dit en
souriant : "Comme c'est beau , tu vas au ciel !". Et le jeune homme se
laissa tomber avec un sourire qui reproduisait celui de Zatti, et qui lui
resta imprimé sur son visage » .62
Voilà ce qui arrive quand !'Eucharistie devient vie et que le
Mystère Pascal devient une pratique quotidienne: la grandeur
humaine est transformée par la puissance de l'Esprit, et chaque
action d'un croyant s'accomplit dans le Christ, par le Christ et
avec le Christ, faisant de la vie une liturgie et transfusant dans
la vie les dons sacrés de la liturgie.
Notre cher Artémide Zatti, redevable en tout aux Mystères
du Seigneur, sait qu'il peut tout seulement grâce au Seigneur ;
d'où son humilité:
60 Témoignage de De Palma Luigi, Summ. 135.
61 Témoignage du P. L6pez Feliciano, Summ. 178.
62 Témoignage du P. L6pez Feliciano, Summ. 178.

4.2 Page 32

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LE RECTEUR MAJEUR 75
« Je me souviens que, mon frère Salvador étant très malade de la
fièvre typhoïde, le Serviteur de Dieu, allait le soigner plusieurs fois par
jow-. Un jour, en le rencontrant alors qu'il se rendait chez Salvador,
je lui ai dit : "M. Zatti, s'il vous plaît, sauvez mon frère ! ". Il s'est
retourné, m'a regardé dans les yeux et m'a dit sévèrement: "Ne blas-
phème pas, seul Dieu sauve !". »63
La vie d'Artémide Zatti a été faite de don de soi, de communion,
de témoignage du Seigneur Ressuscité. Une vie pleine de grâces qui
l'a conduit à une mort pleinement chrétienne: « Quand je lui ai de-
mandé si ses douleurs étaient continues, fortes ou non, sans répondre
directement, il m'a répondu:" Je suis un moyen de purification
et je suis heureux parce que je me rends compte que je complète
la Passion du Christ, ce que j'ai tant inculqué aux malades.". »64
Et l'offrande de Zatti a été pleine, discrète, sereine et joyeuse,
comme un sceau de sa liturgie. Il est bon de reprendre un trait hu-
moristique où, sous un aspect sympathique, Zatti montre à ceux qui
l'assistent le sens de sa vie, que Dieu a pu presser jusqu'au fond par-
ce qu'elle était mûre et pleine. Quelques mois avant sa mort, plai-
santant sur sa maladie - une tumeur au foie qui jaunit son visage -
Zatti dit à une infirmière qu'il sera bientôt coloré lui aussi par le
maquillage ! Celui-ci, cependant, aura, comme pour le citron, la cou-
leur de la maturité, ce qui rend ce fruit prêt à être pressé,jusqu'au
fond : « Vous vous maquillez ? Moi aussi! Dans six mois, je vous en
ferai la démonstration. Le citron ne sert à rien s'il n'est pas jaune. »55
3. UNE INVITATION À UN ENGAGEMENT EXTRAOR-
DINAIRE
Tel était le titre de la dernière paTtie de la lettre du P Vecchi,
à laquelle j'ai fait référence à plusieuTs reprises, et que je voudrais
garder et partager maintenant. Dans les pages précédentes, j'ai
essayé de décrire de manière simple mais incisive la figure extra-
63 moignage d'Echay Pete1~Summ . 211-212.
•• Témoignage de Geronazzo Francesco Erasmo, Summ. 274.
65 moignage du P. L6pez Felicia no, S umm. 193.

4.3 Page 33

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76 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
ordinaire de notre confrère salésien coadjuteur Artémide Zatti.
Le parcours de sa vie, imprégné et rempli de Dieu, est un exemple
pour tous. Ainsi que sa sainteté. Devant cette grande figure, notre
Congrégation est pleinement consciente de la n écessité et de l'im-
portance d'un engagement particulier pour promouvoir aujour-
d'hui cette belle vocation. J e fais miennes les paroles du P Vecchi
pour demander à chaque Province, à chaque communauté et
à chaque confrère, dans les années à venir et dès maintenant,
« un engagement renouvelé, extraordinaire et spécifique pour [pro-
mouvoir] la vocation du Salésien coadjuteur, dans la pastorale des
vocations, en priant pour elle, en la faisant connaître et en la pro-
posant, en l'appelant, en l'accueillant et en l'accompagnant, en la
vivant personnellement et en communauté. » 56
Les riches publications sur la figure du Salésien coadjuteur ne
manquent pas.67 Peut-être que ce dont nous avons besoin mainte-
nant, c'est de nous en gager de façon plus convaincante. J'ai sou-
vent rappelé, au cours de mes visites dans les Provinces, et aussi
dans mes lettres, que nous devons être avant tout des hommes de
foi, aujourd'hui plus que jamais, abandonnés au Seigneur. Beau-
coup d'autres stratégies et plans peuvent nous aide1~ mais seule
la confiance dans le Seigneur et le recours à Lui nous sortiront
d'une profonde difficulté. Le témoignage suivant d'un confrère
coadjuteur présente, à mon avis, une force particulière :
« Aujourd'hui aussi résonne le "Viens, suis-moi". Et il est toujourn sur-
prenant de constater qu'aujourd 'hui encor e, il y a des jeunes qui se-
raient tout à fait aptes à s'orienter vers le sacerdoce mais qui font le
choix d'une vie de laïc consacré, m ême dans la Congrégation Salésien-
ne. C'est pourquoi, dans la pastorale des vocations, il est nécessaire de
croire en cette vocation, complète en soi, et de transmettre son estime
par osmose, sans forcer ni déformer en direction de la figure cléricale.
Nous devons être convaincus qu'il y a des jeunes qui ne s'identifient
~ J.E. VECCm, D.C., p. 47.
67 Celles produites par le P. Vecchi sont disponibles in ACG 373 (2000) et
in La Vocation du Salésien coadjuteur dans la pastorale uocationnelle, in
IJ salesiano coadiutore. Storia, identità, pastorale uocazionale e formazione,
Editions SDB, Rome 1989, 133-161.

4.4 Page 34

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LE RECTEUR MAJEUR 77
pas au modèle sacerdotal, alors qu'ils se sentent attirés par le modèle
du laïc consacré. Quelles sont les raisons de ce choix ? Toutes les
motivations sont insuffisantes : au fond reste le mystère de la Grâce
et de la liberté. »68
À ce stade, je voudrais vous inviter à approfondir les publica-
tions à venir qui paraîtront soit sur saint Artémide Zatti soit sur
la vocation du Salésien coadjuteur dans notre Congrégation,
dans les différentes Régions, et dans les propositions des deux
Sectew·s de la Pastorale des Jeunes et de la Formation. Les inci-
tations, les réflexions, et surtout les dons d'intercession du nou-
veau saint ne manqueront pas d'une manière particulière pour
ses confrères salésiens coadjuteurs dans le monde, pour ceux qui
sont déjà là et pow· ceux qui viendront avec la Grâce de Dieu.
La force et la beauté d'une invitation
Je crois que nous ne pouvons pas terminer cet aperçu sur la
vie d'Artémide Zatti sans évoquer, une fois de plus, une lettre
de 1986, du Cardinal Jorge Mario Bergoglio, aujourd'hui Pape
François, écrite à un Salésien, témoignant d'une grâce reçue par
l'intercession de Zatti.
L'histoire est bien connue : lorsqu'il était Provincial des Jé-
suites d'Argentine, le Père Bergoglio a confié à Zatti la demande
au Seignew· de saintes vocations à la vie consacrée laïque pour la
Compagnie de Jésus et sa Province: il a obtenu la grâce, en une
décennie, de vingt-trois nouvelles vocations de religieux frères.
L'épisode est important non seulement pour les protago-
nistes de l'histoire - le Patron de la Moisson, un Saint Salésien
Coadjuteur, l'actuel Successeur de Pierre - mais aussi pour son
contenu : la puissance vocationnelle du témoignage de Zatti.
Il est surprenant que le premier Salésien canonisé sans être
martyr de sang soit un Coadjuteur, et un Coadjuteur qui renon-
ce, dans une obéissance radicale à Dieu, à la forme même de la
vocation qui l'avait fasciné, la vocation presbytérale, pour être
68 J.E. V ECCHI, D.C., p. 49 à 50.

4.5 Page 35

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78 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
avec Don Bosco et accomplir ensuite un service sacrifié dans le
monde de la maladie et de la souffrance.
Cependant, la grande beauté de ce témoignage ne peut nous
échapper : en lui brillent les amours fondamentales qui doivent
enflammer le cœur du Salésien: l'amour pour Dieu et sa volon-
té, l'amour du prochain qui, dans ses membres souffrants est le
propre Visage de Jésus Crucifié, l'amour pour la Mère du Sei-
gneur, Médiatrice de toute grâce, l'amour pour Don Bosco qui
promet à tout Salésien pain, travail et paradis.
Ces amours brillent dans la grandeur lumineuse de la vie re-
ligieuse d'Artémide, embrassée avec une radicalité joyeuse et
une audace généreuse.
Notre confrère Artémide Zatti nous montre combien le mon-
de est sensible au témoignage de la vie religieuse, pourvu que ce
témoignage soit vrai, crédible, authentique : le triomphe de ses
funérailles, la réputation de sainteté, la vénération de son tom-
beau sont des signes clairs du fait que tous ont reconnu le doigt
de Dieu en action chez ce Salésien généreux et fidèle :
« Par rapport aux habitants de Viedma, le nombre de personnes ve-
nues aux funérailles fut impressionnant. De partout, des gens humbles
affluèrent avec de petits bouquets de fleurs . En plus des autorités, vin-
rent beaucoup d 'autres per sonnes. Dans les jow·s [qui ont suivi la
mort), les gens étaient convaincus qu'un saint était mort. Certains se
rendaient au tombeau en espérant des miracles : ils priaient, appor-
taient des fleurs... »69
La vie d'Artémide Zatti a réveillé une ville, et aujourd'hui el-
le touche le monde entier, parce qu'il a parlé de Dieu : il a ap-
porté parmi les pauvres et les malades, dans une pratique exem-
plaire de la chasteté, le parfum de l'amour virginal et fécond
de Dieu; il a offert à tous la richesse de sa foi, la payant d'une
pauvreté aimée au point de céder sa chambre à un malade ou
d'y transporter un mort pour le soustraire à la vue des autres
malades, dans un dernier geste de t endresse et de piété; il a
•• Témoignage de Giraudini Amalia Teresa, Summ. 115-116.

4.6 Page 36

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LE RECTEUR MAJEUR 79
enseigné la vraie liberté, en obéissant, au prix de larmes amères,
à la volonté de ses supérieurs qu'il reconnaissait comme média-
teurs du dessein de Dieu.
Religieux exemplaire, par ce témoignage, Zatti enseigne
à tous que la santé à sauvegarder avant tout autre bien est celle
de l'âme, de notre âme si précieuse parce qu'elle vient de Dieu
et aspire à Lui, souvent inconsciemment, dans le désir de trou-
ver, dans ses bras, un Amour éternel.
Puissent les amours de Zatti enflammer nos amours ! Que
son témoignage de !'Absolu de Dieu, de la grandeur de l'âme et
de notre véritable Patrie inspire nos gestes et notre passion pas-
torale, pour une nouvelle fidélité apostolique et une fécondité
vocationnelle renouvelée. Puissions-nous ne jamais manquer,
comme Artémide Zatti l'a toujours recherché, de la protection
maternelle de l'Auxiliatrice ; et que la dévotion à la Bonne Mère
dans chaque maison salésienne du monde, et dans tou s les coins
la Famille de Don Bosco est présente, soit un chemin sûr qui
nous aide à vivre une sainteté comme celle de notre confrère.
Je conclus en proposant une prière au Père par l'intercession
du nouveau saint Salésien Coadjuteur, saint Artémide Zatti.

4.7 Page 37

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80 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
Prière d'intercession
pour demander des vocations de Salésiens laïcs
Seigneur notre Dieu, en saint Artémide Zatti,
tu nous as donné un modèle de Salésien coadjuteur.
Docile à ton appel et
avec la compassion du Bon Samaritain,
il s'est fait proche de tout homme.
Aide-nous à reconnaître le don de cette vocation
qui témoigne au monde de la beauté de la vie consacrée.
Donne-nous le courage de proposer aux jeunes
cette forme de vie évangélique
au service des petits et des pauvres.
Et fais que ceux que tu appelles à une telle vie
répondent généreusement à ton invitation.
Nous te le demandons par l'intercession de saint Artémide Zatti
et par la médiation du Christ, notre Seigneur.
Amen.
En union de prière dans le Seigneur, je vous salue bien cordialement.
~~~~
P. Angel Fernândez A1:time, SDB
R ecteur Majeur