ACG426_Artime-accompagner_fr


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1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR
__________________________________________________________________________
« Seigneur, donne-moi de cette eau » (Jn 4,15)
CULTIVONS L’ART
D’ÉCOUTER ET D’ACCOMPAGNER
ÉTRENNE 2018
Présentation – I. UNE RENCONTRE QUI NE LAISSE PAS INDIFFÉRENT : « Écouter ».
Une écoute qui est ACCUEIL et RENCONTRE PERSONNELLE. – II. UNE RENCONTRE
QUI POUSSE LA PERSONNE EN AVANT : « Discerner ». La foi et la vocation à la joie de
l’amour. Le don du discernement (RECONNAÎTRE – INTERPRÉTER – CHOISIR). – III. UNE
RENCONTRE QUI TRANSFORME LA VIE : « Accompagner ». Comme Jésus qui
accompagne. → Don Bosco, éducateur et guide spirituel de ses jeunes. – IV. EN VUE DE
QUELLE ACTION PASTORALE ? Un discernement vocationnel comme le suggère le Pape
François. – V. EN COMPAGNIE DE LA SAMARITAINE.
Mes chers frères et sœurs
de toute la Famille Salésienne dans le monde.
Comme il est de tradition, à la fin de l'année, je présente l'Étrenne à nos Sœurs, les Filles de
Marie Auxiliatrice. Une Étrenne qui devient dès lors un don pour toute notre Famille Salésienne, où
que nous soyons. Le but de cette Étrenne est de nous aider à avoir un même cœur et un même
regard dans les multiples initiatives de toutes nos Œuvres et dans la Mission que nous
accomplissons, tous et chacun, selon la vocation charismatique spécifique des Groupes de notre
Famille Salésienne.
Le thème choisi pour cette année s'inscrit tout à fait dans le prolongement de celui de l'an dernier
et dans la perspective du prochain grand événement ecclésial qu’est la XVème Assemblée Générale
Ordinaire du Synode des Évêques, que le Pape François a convoquée pour le mois d’octobre 2018,
sur le thème « Les Jeunes, la Foi et le Discernement Vocationnel ».
C’est un thème qui touche pleinement le cœur de notre charisme et auquel nous nous préparerons
de la meilleure manière possible en nous sensibilisant, et en faisant participer de nombreux laïcs et
jeunes à cet important événement de la vie de l'Église. Avec ce Synode, « l’Église a décidé de
s’interroger sur la façon d’accompagner les jeunes à reconnaître et à accueillir l’appel à l’amour et à
la vie en plénitude. Elle souhaite également demander aux jeunes eux-mêmes de l’aider à définir les
modalités les plus efficaces aujourd’hui pour annoncer la Bonne Nouvelle. »1
1 SYNODE DES ÉVÊQUES, XVème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE, Les Jeunes, la Foi et le Discernement
Vocationnel. Document Préparatoire et Questionnaire, Rome 13 janvier 2017, Introduction. (Cité par la suite avec le
sigle DP)
1

1.2 Page 2

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L'Étrenne que je vous propose cette année veut précisément aider, dans toutes nos présences du
monde en tant que Famille Salésienne, à atteindre l’objectif poursuivi par le Document Préparatoire
du Synode.
Le thème choisi, que je considère simple et très direct, contient deux éléments d'une importance
capitale pour notre monde d'aujourd'hui : l'écoute et l'accompagnement personnel. Pour éclairer ces
deux aspects, je vous propose une très belle Icône évangélique qui donnera lieu à de multiples
réflexions : Jésus et la Samaritaine. Il s’agit d’un épisode où, malgré la présence de différences
ethniques et d’antagonismes religieux, on vérifie la rencontre au niveau le plus profond de la
personne, jusqu’à parvenir à un changement de vie.
Je vous invite à l'accueillir avec la belle disposition intérieure de chaque année et à profiter de ce
qui convient le mieux pour chaque contexte pastoral où vous agissez.
Je peux témoigner qu’au cours des centaines de réunions que j'ai eues durant ces quatre dernières
années environ avec des jeunes des cinq continents, je suis parvenu à la certitude que les maisons ou
œuvres gérées par les Groupes de notre Famille Salésienne sont pleines de milliers de jeunes, bons
et ouverts à la vie, désireux de se former, d'apprendre, des jeunes en recherche, dont beaucoup, avec
un cœur généreux, qui veulent servir les autres, faire quelque chose pour les autres, aider, se
dévouer.
Ce sont des jeunes qui demandent notre aide pour continuer à grandir et à mûrir dans leur foi. Il
y en a d’autres qui ne le demandent pas explicitement mais qui sentent un grand besoin d’une
rencontre personnelle et d’être écoutés. Nombreux sont ceux qui seraient disposés à faire un
cheminement personnel et communautaire de discernement et d’accompagnement.
Je me pose alors la question : qu’attendons-nous ? Pourquoi ne nous décidons-nous pas à être
beaucoup plus disponibles pour accompagner tous nos jeunes en ce qui est le plus important pour
leur vie ? Qu’est-ce qui nous en empêche ? Pourquoi « nous occuper » ou « passer notre temps » à
autre chose alors que nous avons là une véritable priorité éducative et d’évangélisation ?
Nous ferons des pas beaucoup plus significatifs, mes chers frères et sœurs, le jour où nous serons
vraiment convaincus que ce que nous sommes et qui nous sommes est plus important que ce que
nous faisons. Et que notre présence, notre écoute et notre disponibilité au dialogue sont plus
importantes que les choses et les activités que nous proposons aux adolescents, aux jeunes et à leurs
familles. Voilà ce qui laisse des « traces de vie » pour toujours, chez les jeunes et dans les familles.
Tout cela est la base et constitue la motivation vraie et profonde du choix de l’Étrenne de cette
année.
I.- UNE RENCONTRE QUI NE LAISSE PAS INDIFFÉRENT : « Écouter »
Je vous invite donc, dès maintenant, à faire une lecture réfléchie et méditée du passage que nous
connaissons comme « la rencontre de Jésus avec la Samaritaine ». Cette icône nous aidera à
comprendre comment le Seigneur se met en rapport avec cette femme et ce que produit dans la vie
de celle-ci sa rencontre avec Lui.
« Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.
Jésus lui dit : "Donne-moi à boire."
(En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.)
La Samaritaine lui dit : " Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une
Samaritaine ? " » (Jn 4,7-9).
Jésus et cette Samaritaine anonyme viennent de deux peuples différents, historiquement opposés
car chacun considérait l'autre comme s’étant radicalement détourné de l'ancienne foi d'Israël. On
peut dire que leurs familles se considéraient socialement, religieusement et politiquement ennemies,
2

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non parce qu'elles étaient différentes mais précisément parce que tout en se ressemblant beaucoup,
elles s’opposaient dans le même temps, chacune étant convaincue d’être l’authentique dépositaire et
gardienne de la religion originelle de l'ancien Israël. En fait, les deux peuples se considéraient
réciproquement comme des imposteurs.
Voilà les protagonistes.
Une femme samaritaine qui, en arrivant au puits, reconnaît sans l’ombre d’un doute la
provenance de Jésus : c’est sûrement un juif, vu sa manière caractéristique de s’habiller. Pour la
femme samaritaine, c’est un étranger assoiffé qui n'a pas de seau et ne peut atteindre l'eau de ce
puits profond. D’autre part, la femme ne se trouve pas seulement devant un étranger, mais devant
un « rival » en termes de religion.
Et, d’après l’ensemble du récit, cette femme est une personne à la réputation pour le moins
douteuse, vivant dans une situation « irrégulière ». On peut en conclure que c'est une femme qui se
sent moralement rejetée.
De plus, entre Jésus et la Samaritaine interfèrent de forts préjugés ethniques et religieux : eu
égard aux habitudes de l’époque, Jésus a un comportement répréhensible et transgressif du fait qu’il
demande de l'eau à cette femme.
Il est permis de supposer que la femme se sent en sécurité avec Jésus parce qu'il n'est pas de son
village, qu’il ne sait donc rien des « échecs de sa vie » et fait finalement partie d'une communauté
religieuse similaire quoiqu’hérétique. Jésus n'aurait pas eu l'occasion de contacter les dirigeants
israélites-samaritains de sa communauté à elle, et elle n'aurait donc rien à craindre ni aucun souci à
se faire.
De cette situation émane quelque chose de très intéressant pour nous : la rencontre se produit en
un lieu profane et « en plein air », un puits au milieu de la campagne qui deviendra un lieu de
rencontre avec Dieu.
Jésus, véritable protagoniste et maître de la rencontre, de l'écoute et du dialogue initial,
« conçoit » la stratégie de cette rencontre, en commençant par l'écoute de l'autre personne et de la
situation qu'il pressent. Cet exemple du Seigneur est absolument actuel pour nous.
Une écoute qui est ACCUEIL et RENCONTRE PERSONNELLE
L’ÉCOUTE est toujours un art. « Nous avons besoin de nous exercer à l’art de l’écoute, qui est
plus que le fait d’entendre. Dans la communication avec l’autre, la première chose est la capacité
du cœur qui rend possible la proximité, sans laquelle il n’existe pas une véritable rencontre
spirituelle. »2 C'est pour cela que le don de la parole, en particulier dans les relations personnelles,
doit avoir comme corrélat la « sagesse de l'écoute ».
Cette écoute, si importante dans notre mission en tant que Famille Salésienne, doit avoir comme
point de départ la rencontre qui devient une opportunité de relation humaine et d’humanisation,
vécue en toute liberté, « avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même
temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne. »3
Dans les relations avec les adolescents et les jeunes, avec nos élèves, avec les familles de nos
différentes présences, l’écoute authentique devra tenir compte de certains points d’attention :
Favoriser l’ouverture à l’autre. Une ouverture de toute notre personne, puisque s’il est vrai
que nous écoutons avec nos oreilles, nous pouvons aussi écouter – lorsque cette écoute est
authentique – avec nos yeux, notre esprit, notre cœur, tout notre être.
2 PAPE FRANÇOIS, Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium (EG), Rome, 24 novembre 2013, n. 171
3 EG 169
3

1.4 Page 4

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Accorder toute l’attention à ce que la personne veut exprimer, et s’engager activement dans
la compréhension de ce que l’on désire communiquer, puisque le fondement de notre écoute
est le profond respect de l'autre.
Accompagner avec un véritable intérêt la personne, jeune ou adulte, dans ce qu’elle cherche
et attend d’elle-même, avec une véritable empathie qui est l’opposé de la courtoisie froide et
formelle. Au contraire, il s'agit de s'identifier et de marcher avec l'autre personne.
Laisser de côté son propre monde pour se rapprocher le plus possible de celui de l’autre
personne, en étant capable d’accompagner sans interférer.
Écouter, dit en quelques mots, c’est l’art qui demande une attention empressée envers les
personnes, leurs luttes et leurs fragilités, leurs joies, leurs souffrances et leurs attentes, car
nous n’écoutons pas seulement des choses mais quelqu’un. C'est de cette attention
empressée que sont remplis les passages évangéliques qui racontent les rencontres de Jésus
avec son peuple.
L’écoute, quand elle concerne l'accompagnement spirituel personnel, transcende la
dimension psychologique et acquiert une dimension spirituelle et religieuse, car elle nous
conduit sur des chemins où l'on attend Quelqu'un.
Cette écoute exige aussi un certain silence intérieur qui a comme point de départ d’accepter
les gens tels qu’ils sont et dans la situation où ils se trouvent.
Notre regard d’éducateurs, en particulier sur les adolescents et les jeunes, ainsi que sur leurs
familles, nous assure qu'il y a beaucoup de positif dans chaque cœur ;4 et il est nécessaire de
faire ressortir ces aspects positifs. C'est pourquoi l’écoute doit signifier pour nous plus
qu'écouter avec patience ; c'est faire en sorte de comprendre dans toute sa profondeur ce que
la personne nous dit et pourquoi elle nous le dit. C’est s'intéresser à ce qui compte vraiment
pour l'autre, les adolescents, les jeunes et leurs familles.
L’écoute doit nous amener à bien comprendre ce dont les jeunes d'aujourd'hui ont besoin, et
parfois leurs parents, ou les personnes que nous fréquentons dans un contexte pastoral. De fait, le
plus souvent, les jeunes ou leurs parents, ou les deux à la fois, s’approchent de nous non pas tant
parce qu'ils recherchent un accompagnement, mais plutôt par nécessité en cas de doutes, de
problèmes, d’urgences, de difficultés, de conflits, de tensions, de décisions à prendre, de problèmes
concrets à affronter.
Et nous savons bien, par notre formation même d’éducateurs et d’évangélisateurs, qu’il est plus
fréquent de les voir venir vers nous si nous-mêmes faisons un geste d’approche, si nous manifestons
quelque intérêt à leur égard, si nous allons à leur rencontre, si nous nous montrons disponibles.
De plus, ces mêmes jeunes, enfants d'une culture « scientiste » dominée par la technologie et son
univers de possibilités, qui font partie d'une génération hyper connectée, sentent « le besoin de
figures de référence proches, crédibles, cohérentes et honnêtes, ainsi que de lieux et d’occasions où
ils puissent mettre à l’épreuve leur capacité de relation avec les autres (autant avec les adultes
qu’avec les jeunes de leur âge) et affronter les dynamiques affectives. Ils cherchent des personnes
capables d’exprimer une certaine harmonie et de leur offrir un soutien, un encouragement et une
aide pour reconnaître leurs limites, sans faire peser de jugement. »5
Et parfois, des conversations informelles peuvent être la porte qui s’ouvre pour un cheminement
plus profond, un chemin de croissance… C’est ce qui est arrivé lors de la rencontre de Jésus avec la
femme qui allait tout simplement puiser de l’eau au puits.
Sans prétendre suggérer des techniques de l'écoute, je désire cependant souligner que, si l’on
4 « En chaque jeune (...) il y a un point accessible au bien, et le premier devoir de l’éducateur est de rechercher ce
point, cette corde sensible du cœur pour en tirer parti. » (Cf. MB V, 367 et 266, Cité in CG23 des SDB, Éduquer les
jeunes à la Foi, 4 mars-5 mai 1990, n. 151)
5 DP I, 2
4

1.5 Page 5

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veut cultiver les attitudes les plus appropriées pour une écoute authentique, il nous faut être bien
attentifs aux points suivants :
Ne pas être impatients de prendre la parole, mais laisser parler l'autre.
Veiller à ne pas interrompre la conversation à tout bout de champ.
Ne pas réagir impulsivement à un désaccord.
Prêter beaucoup d'attention à la personne que l'on écoute.
Se souvenir du besoin que nous avons tous d'être écoutés.
Il sera très important également durant ces moments d’écoute :
De donner à la personne l'opportunité de pouvoir exprimer tout ce qu'elle porte en elle et qui
parfois lui pèse et l’oppresse.
De poser des questions pertinentes, en en évitant d'autres qui pourraient engendrer de la
méfiance ou une attitude d’opposition.
D'accepter volontiers les temps de silence, en laissant le temps nécessaire sans le remplir
continuellement de conseils et de questions superflues car, en réalité, ces temps de silence
peuvent mettre tranquillement à l’aise et permettre de réfléchir sur ce que l’on est en train
d'écouter.
De faire en sorte que puissent être « reconnus les sentiments » qui constituent une partie très
importante de toute communication.
D'éviter de trop parler et de fournir des solutions immédiates. N’oublions pas que dans les
choses importantes, il y a besoin de temps, de suivre un processus.
Je conclus cette section consacrée à l’écoute en me reportant à Don Bosco. Il ne fait aucun doute
que le langage que nous utilisons aujourd'hui pour parler d'écoute (de discernement et
d'accompagnement) présente des différences substantielles eu égard au contexte culturel de Don
Bosco. Je trouve cependant très beau le témoignage suivant qui nous fait comprendre comment ses
jeunes et d’autres personnes se sentaient accueillis et écoutés par lui :
« Malgré ses nombreuses et lourdes occupations, (Don Bosco) était toujours prêt à
accueillir dans sa chambre, avec un cœur de père, les jeunes gens qui lui demandaient une
audience particulière. Mieux encore, il voulait que les jeunes le traitent avec une grande
familiarité, et il ne se plaignait jamais de leur indiscrétion qui aurait pu parfois l’importuner ...
Il laissait à chacun pleine liberté pour poser des questions, exposer des situations pénibles, se
défendre, présenter des excuses… Il les recevait avec le même respect qu’il manifestait aux
personnages importants. Il les invitait à s'asseoir sur le divan, tandis que lui-même restait à sa
table de travail ; et il les écoutait avec la plus grande attention, comme si tout ce qu'ils disaient
était très important. »6
II. UNE RENCONTRE QUI POUSSE LA PERSONNE EN AVANT : « Discerner »
Continuant la lecture du texte de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, qui nous conduit sur
ce chemin de l'écoute, du discernement et de l'accompagnement, nous lisons ce qui suit :
« Jésus lui répondit : " Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’,
c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive."
Elle lui dit : " Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau
vive ?" (…)
6 Memorie Biografiche, VI, 438-439
5

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Jésus lui répondit : " Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de
l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif.”(…)
La femme lui dit : " Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif". » (Jn 4,10-11.13-15)
* Jésus, en bon connaisseur du cœur humain, emploie toutes les ressources de la parole, de la
conversation et des gestes pour rencontrer les personnes.
Il questionne, dialogue, explique, raconte, prête attention au point de vue de son
interlocuteur, suggère, affirme, provoque des réactions.
Jésus laisse entendre à la Samaritaine anonyme qu'Il comprend sa situation plus qu'elle ne
pourrait l'imaginer, et qu'Il devine la douleur et la souffrance qu'elle a dû endurer, d'une
façon ou d'une autre.
Il met la femme face à sa situation réelle et à ses réponses évasives, y compris sa vérité la
plus intime, comme lorsqu’elle dit : « Je n’ai pas de mari. »
Et, en même temps, il lui fait sentir une empathie compatissante.
Jésus ne considère pas le dialogue terminé ni ne bat en retraite devant les premières
réticences.
Le dialogue aide à résoudre les équivoques, à se découvrir dans l’authenticité ; les réponses
énigmatiques et provocatrices rapprochent peu à peu la femme qui se sent surprise, se
confie, et en arrive à désirer vraiment ce qui pourrait améliorer sa vie.
* Jésus, qui cherche le bien de l’autre, crée une relation personnelle au lieu de porter un
jugement moral de désapprobation ou de reproche.
Au lieu d’accuser, il dialogue et propose.
Son langage, ses paroles s’adressent au cœur de ceux à qui il parle.
Dans le dialogue avec la femme de Samarie, il progresse calmement, sans la hâte de se
présenter comme quelqu’un qui peut lui changer la vie, éveillant peu à peu en elle l’intérêt
d’accéder à une source d’eau qui promet une vie spéciale, différente, meilleure.
* Jésus, comme expert en Humanité, se montre attentif et plein d’intérêt pour le monde intérieur
de ses interlocuteurs : il lit dans leurs cœurs, les scrute et sait les interpréter.
La foi et la vocation à la joie de l’amour
Aujourd'hui encore, comme ce fut le cas avec la Samaritaine, le Seigneur fascine de très
nombreux jeunes, et cette fascination se trouve en rapport étroit avec la foi et avec l'appel que Dieu
lance à chacun de ses enfants, à vivre la vie comme vocation à la joie de l'amour.
La foi conduit les jeunes à se sentir conquis par la façon de voir, d'accueillir, d'entrer en relation
et de vivre de Jésus ; et cela élargit les horizons de leur vie. Comme a l’habitude de dire le Pape
François, la foi « n’est pas un refuge pour ceux qui sont sans courage ».7
Et pour nous qui puisons dans les eaux du torrent qui coule du charisme salésien suscité par
l'Esprit Saint en Don Bosco, cette proposition de foi, comme point de départ de tout discernement
ultérieur, se fonde sur la seule certitude que nous croyons réellement que Dieu nous aime et qu’« il
aime les jeunes… Nous croyons que Jésus, le Seigneur, veut partager "sa vie" avec les jeunes…
Nous croyons que l’Esprit est présent dans les jeunes et que par eux, il veut bâtir une communauté
humaine et chrétienne plus authentique. »8
7 PAPE FRANÇOIS, Lumen Fidei 53
8 Cf. CG23, Éduquer les Jeunes à la Foi, 4 mars-5mai 1990, nº 95
6

1.7 Page 7

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La lumière de la foi qui, peu à peu et selon des processus bien définis, mûrira dans la vie des
jeunes qui « se laissent toucher par Dieu », leur permettra de prendre « progressivement conscience
du projet d'amour passionné que Dieu a pour chacun » ;9 et ils découvriront ainsi que « la vocation à
la joie de l’amour est l’appel fondamental que Dieu place dans le cœur de chaque jeune pour que
son existence puisse porter du fruit ».10
Ce chemin requiert une attitude d'ouverture à la voix de l'Esprit, en dialogue avec la Parole de
Dieu, dans l'espace le plus intime et le plus sacré que connaît la personne humaine : la conscience.
Nous devons bien avoir à l’esprit, dans une vision éducative et pastorale, que les jeunes, les
époux dans leur vie conjugale, ou les familles elles-mêmes parviennent à parcourir ce chemin,
poussés bien souvent par une soif de recherche qui prend son origine dans certaines situations
vitales.
Des situations qui amènent la personne, le jeune, le couple ou un autre membre de la famille
à faire l’expérience de la nécessité de donner un sens profond à sa vie, même dans une
perspective de foi. Cela advient quelquefois parce que l’on traverse des situations où l’on se
rend compte viscéralement que quelque chose ne marche pas bien.
Des moments où l’on ne se sent pas bien, où l’on ne vit pas en une harmonie intérieure et où
l’on ne trouve pas beaucoup de sens à ce que l’on vit, soit dans le « nous » du mariage soit
dans la famille. La situation peut se manifester dans la pratique en un « vide existentiel » qui
engendre souvent désorientation personnelle, malaise et manque d’espérance.
Tenir compte, en plus, du fait que dans certaines sociétés, nous vivons – et nous sommes
contraints de vivre – en soignant les apparences, comme si nous étions dans une vitrine où
l'on « vendrait » l’idée qu’il n’y a pas de place pour les limites ou les défauts, et sans avoir
le droit de vieillir ni de compter les années car « c'est de mauvais goût ». Plus que jamais,
sans doute, se fait sentir le besoin d'une éducation et d'un parcours personnel et
communautaire, d’une écoute et d’un dialogue qui aident à approfondir et à intérioriser sa
vie.
Le don du discernement
Ce qui a été dit jusqu’ici, et plus encore, justifie l’intention de l’Église de réaffirmer, à travers le
parcours de ce Synode, « son désir de rencontrer, d’accompagner, de se préoccuper de chaque
jeune, sans en exclure aucun » et de ne pas « les abandonner aux solitudes et aux exclusions
auxquelles le monde les expose. »11 Cela nous permet de souligner à quel point est important, en
même temps que l'écoute, le don du discernement. Un discernement qui, dans la tradition de
l'Église, a été appliqué en bon nombre de situations : soit en discernant les signes des temps, soit en
discernant la manière de se comporter moralement, ou en réalisant un discernement spirituel quand
il s'agit de vivre une vie pleinement chrétienne, ou encore quand il s'agit de sa propre vocation ou
d'un choix de vie.
Dans tous les cas, le dialogue avec le Seigneur et l'écoute de la voix de l'Esprit sont toujours
essentiels car, comme souligné précédemment, nous devons bien avoir conscience que « l’on ne
peut pas ne pas tenir compte de ce que la personne de Jésus et la Bonne Nouvelle qu’il a proclamée
continuent de fasciner de nombreux jeunes. »12
Dans quel but suggérer ou favoriser des parcours de discernement pour toutes les personnes qui
se laissent librement interpeller ou toucher par Dieu ? Simplement parce que nous reconnaissons
9 DP II, 1
10 Ibidem
11 Ibidem, II, Introduction
12 Ibidem, I, 3, Les jeunes et les choix
7

1.8 Page 8

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que l'Esprit Saint parle et agit en chaque personne, à travers les événements de son existence et de
celle des autres. Il parle aussi à travers de multiples médiations, mais les faits vécus, les
expériences, les événements peuvent être en eux-mêmes muets ou ambigus car ils sont toujours
sujets à des interprétations très différentes et subjectives. Les éclairer avec la bonne méthode sera
un des fruits du chemin de discernement.
Dans Evangelii Gaudium 51, le Pape François nous propose trois clefs pour tout discernement, y
compris l'étude des signes des temps, comme l’indiquait déjà le Pape Paul VI.13 Ces trois clefs ou
critères sont : reconnaître, interpréter et choisir.
- RECONNAÎTRE,14 à la lumière de ce qu’inspire l’Esprit :
Pour y voir plus clair dans les moments de hauts et de bas dans la vie, et dans les périodes de
véritable lutte intérieure.
Pour faire émerger toute la richesse émotive d’une personne et mettre un nom sur ce que
l’on ressent et expérimente en soi-même.
Pour saisir le « goût » que l’on éprouve en se sentant en accord ou en désaccord entre ce que
l’on expérimente et ce qu’il y a de plus profond en soi-même.
Tout cela, éclairé par la Parole de Dieu que l’on doit méditer, en situant au centre la capacité
d’écoute et l’affectivité même de la personne, sans craindre même le silence,
Assumant l’ensemble comme faisant partie du cheminement de maturation personnelle.
- INTERPRÉTER15
Comprendre ce à quoi appelle l’Esprit de Dieu à travers ce qu’il suscite en chacun de nous.
Interpréter et s’interpréter est une tâche très délicate, qui réclame de la patience, de la
vigilance et aussi un certain apprentissage. Il faut être conscient qu’il existe des
conditionnements sociaux et psychologiques.
Il faudra affronter la réalité et, en même temps, ne pas se contenter du minimum, ne pas
tendre seulement à la facilité, être conscient de ses propres dons et de ses propres capacités.
Cette tâche d’interprétation ne pourra évidemment se réaliser chez un croyant, un chrétien
qu’à certaines conditions :
Avoir un vrai dialogue avec le Seigneur (comme le dialogue qu’a eu la femme de
Samarie avec Jésus).
Activer toutes les capacités de la personne, faisant en sorte que rien ne soit
indifférent de ce qui arrive, de ce qui se vit (comme la résonance qu’a eue dans le
cœur de cette femme son dialogue avec Jésus).
Se laisser aider par une personne expérimentée dans l’écoute de l’Esprit (comme
dans ce passage d’Évangile où c’était Jésus lui-même qui menait la discussion).
- CHOISIR16
On parvient ainsi à des moments où la personne, le jeune, les époux, la famille – si le
discernement se fait dans le contexte familial – doivent prendre des décisions en faisant un exercice
d'authentique liberté et de responsabilité personnelle ou communautaire, selon les cas.
13 PAUL VI, Lettre Encyclique Ecclesiam Suam (6 août 1964), 19 : AAS 56 (1964), 632, cité in PAPE FRANÇOIS,
Evangelii Gaudium, 51
14 DP II, 2, Le don du discernement, Reconnaître
15 Ibidem, Le don du discernement, Interpréter
16 Ibidem, Le don du discernement, Choisir
8

1.9 Page 9

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La Samaritaine a eu à choisir intérieurement entre ignorer Jésus et continuer sa vie comme si rien
ne s’était passé dans cette rencontre, ou bien décider de se laisser surprendre par Lui et s’impliquer
au point d’appeler ses concitoyens et leur dire son intense émotion du fait que cet homme avait
atteint la profondeur de son monde intérieur.
Le choix que l’on fait dans le discernement et à la lumière de l’Esprit, procure bien souvent
une grande liberté aux personnes, en même temps qu’il exige de leur part une vie cohérente.
On peut donc affirmer que permettre aux personnes, et tout particulièrement aux jeunes, de
faire des choix de vie qui soient vraiment libres et responsables, constitue le point d’arrivée
de tout processus sérieux de discernement sur le chemin de la foi et de la croissance
personnelle (et de toute pastorale des vocations que l'on puisse imaginer).
Le discernement, nous dit le Pape François, « est l’instrument roi, qui permet de sauvegarder
l’espace inviolable de la conscience,17 sans prétendre se substituer à elle »,18 suivant l’exemple de
Jésus qui, dans le dialogue avec la femme Samaritaine, l’accompagne sur le chemin de la vérité et
de l’intériorité de sa propre vie.
III.- UNE RENCONTRE QUI TRANSFORME LA VIE : « Accompagner »
« À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme.
Pourtant, aucun ne lui dit : " Que cherches-tu ? " ou bien : " Pourquoi parles-tu avec elle ? ".
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : " Venez voir un homme qui m’a dit
tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? ". Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers
lui. (…) Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme
qui rendait ce témoignage : " Il m’a dit tout ce que j’ai fait. "
Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils
furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la
femme : " Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous
l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde". » (Jn 4,27-29 ; 39-42).
La Samaritaine est entrée sur la scène de l’Évangile comme « une femme de Samarie » et
en sort en « connaissant la source d’eau vive » au point d’éprouver le besoin de courir
annoncer à ses compatriotes ce qui lui est arrivé ; par son témoignage, elle permet à de
nombreuses personnes de s’approcher de Jésus.
Abandonnant sa cruche, la femme court au village pour parler de cet homme aux habitants.
Et elle leur posera même une question importante : cet homme ne serait-il pas celui qu'Israël
attend depuis si longtemps ?
En même temps, comme on peut le déduire du contexte, Jésus fait comprendre à ses
disciples qu'il fait la volonté du Père, cette volonté qui est la Vie de sa vie, et une Vie qu'il
désire transmettre aux autres.
Jésus offre à ceux qu'il rencontre – en l'occurrence ici la Samaritaine – non pas tant une
extension de leurs connaissances et de leur savoir, qu'une proposition de grandir ou de
changer de vie. Le « puits de Jacob » lui-même, symbole de la sagesse qui vient de la Loi,
perd sa validité et se trouve remplacé par « l'eau vive ».
L'image de Dieu qui est transmise dans la rencontre avec Jésus n'est pas celle d’un dieu
impassible, lointain, philosophiquement froid : Jésus, au contraire, révèle le Dieu qui donne
la Vie, que l'on peut appeler Père et qui ne se laisse ni enfermer, ni contrôler ni posséder,
parce qu'il est Esprit (culte en Esprit et en Vérité).
17 Ibidem
18 AL 37
9

1.10 Page 10

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La fin de la rencontre va bien au-delà de ce qui serait un comportement normal, à savoir que
la femme s’en retourne avec sa cruche remplie d'eau à sa vie habituelle ; au contraire, la
cruche que la femme abandonne vide pour aller appeler les siens nous parle d’un gain et non
d’une perte.
Comme Jésus qui accompagne
Il y a beaucoup de récits bibliques qui sont, avant tout, des histoires de Dieu accompagnant son
peuple au fil du temps.
À la charnière des deux Testaments, Jean-Baptiste apparaît comme le premier accompagnateur
spirituel des Évangiles ; avant Jésus lui-même, Jean a pu témoigner et préparer le chemin parce que
Dieu lui avait parlé au cœur.
Et dans de nombreux passages du Nouveau Testament, Jésus lui-même se fait « prochain » et
compagnon de route pour se communiquer et pour rencontrer les gens de son époque d'une manière
personnelle.
La rencontre du Seigneur avec la Samaritaine révèle à l’évidence que l'Esprit de Dieu peut agir
dans le cœur de chaque homme et de chaque femme, ce cœur humain qui, à cause de notre fragilité
et de notre péché, se sent bien souvent confus et divisé en raison de l'attrait de sollicitations diverses
et parfois opposées.19
Face à cette réalité humaine, l'accompagnement personnel apparaît comme un moyen précieux
de la tradition spirituelle chrétienne pour aider les croyants à disposer d'outils et de ressources qui
leur permettent de reconnaître la présence du Seigneur, ses interpellations et ses appels.
Comment peut-on définir l'accompagnement ? Par exemple, « comme une forme de dialogue
permanent entre compagnons pour accueillir la Vie, en accompagnant la vie »,20 et qui a comme
dernière finalité de favoriser la relation entre la personne et le Seigneur, en l’aidant à surmonter
d’éventuels obstacles.
À l’instar de ce qu’a fait Jésus en chaque rencontre avec les personnes de son époque, il faut
nécessairement en chaque expérience d’accompagnement :
Un regard d’une profonde affection comme celui de Jésus lors de l’appel des Douze (Jn 1,35-51).
Une parole autorisée comme celle prononcée par Jésus dans la synagogue de Capharnaüm
(Lc 4,32).
La capacité de se faire « prochain », comme Jésus dans sa rencontre avec la femme
Samaritaine (Jn 4, 3-34.39-42).
Choisir de marcher aux côtés des personnes, de se faire compagnon de route, comme Jésus
avec les disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35).
Pour nous, accompagner les adolescents et les jeunes, leurs familles et les adultes en général,
comportera de :
Connaître le chemin qu’ils entreprennent, où ils en sont et vers où ils se dirigent pour que
l’on puisse parcourir ensemble ce chemin.
Être sûr que la rencontre advienne comme une opportunité de relation humaine et
humanisante et non pas utilitariste. Nous savons bien l'importance de la rencontre dans notre
19 DP II, 4, L’accompagnement
20 Lola ARRIETA, Aquel que acompaña sale al encuentro y regala preguntas de vida para andar el camino (Apuntes
provisionales). Simposio CCEE. Barcelone, 2017, 11
10

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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pédagogie salésienne qui situe au centre la personne du jeune et toute autre personne, avec
des relations personnelles basées sur la connaissance mutuelle, sur l'intérêt qui cherche le
bien de l'autre, sur la compréhension, sur l'empathie, sur la confiance. Et nous savons aussi
que Don Bosco a été sur ce point un maître exceptionnel, incomparable.
Demeurer dans une attitude d’écoute (apparaît de nouveau ici l’art de savoir écouter comme
fondement de l’accompagnement !) qui permette de connaître et de comprendre la réalité de
l’autre personne, le chemin qu’elle est en train de parcourir, sa situation présente de
souffrance, de désespoir, de fatigue ou de recherche, ainsi que les rêves, les désirs et les
idéaux qu’elle porte dans son cœur.
Se souvenir qu’il s’agit toujours d’une rencontre de médiation car le véritable
Accompagnateur est l’Esprit Saint. Le mystique saint Jean de la Croix l’exprime avec force
quand il écrit : « Ceux qui guident les âmes se souviendront qu'ils ne sont pas les principaux
agents en cette affaire mais l’Esprit Saint qui ne manque jamais de veiller sur elles. »21 Et
l'on ne sera jamais trop convaincu que le Compagnon de route de notre action éducative,
pastorale et évangélisatrice est le Saint-Esprit.
Ne pas oublier que l’accompagnateur-compagnon de route doit être témoin et annonciateur
de l’action de l’Esprit en la personne qui est accompagnée, mais discrètement, à ses côtés,
n’occupant que la place qui lui revient, sans plus. En vérité, l’éducateur et l’évangélisateur
se forment comme accompagnateurs spirituels dans l’expérience fondatrice de l’avoir
d’abord rencontré, Lui. Cela est clair, explicite et radical, puisque « le véritable éducateur
de la foi est celui qui, à un certain moment, doit s’effacer pour céder la place à Dieu »,22
permettant ainsi, comme fruit et résultat de son accompagnement, que se réalise un lien
véritable ou une rencontre du jeune, de la personne accompagnée, avec Dieu.
Découvrir comment Dieu se manifeste dans ce que nous vivons jusqu’à nous surprendre
d’être rencontrés par Lui.
Avoir conscience que l’initiative viendra toujours de Dieu tandis que la responsabilité et la
liberté seront nôtres.
Don Bosco, éducateur et guide spirituel de ses jeunes23
Parler de Don Bosco comme éducateur signifie mettre en évidence et être conscient du rapport
strict existant entre sa mission éducative et l’accompagnement spirituel des jeunes, et du sens que
cela revêt pour leur formation.
Pour le dire en résumé et souligner seulement ce qui est essentiel, je mettrai en relief quelques
éléments que je considère d’une grande valeur.
Don Bosco est un évangélisateur-éducateur qui se préoccupe, avec beaucoup d’intuition, de
créer un milieu éducatif attrayant, riche de propositions éducatives et de rapports humains ;
Don Bosco ne renonce jamais à faire, progressivement, des pas concrets dans la formation
chrétienne de ses jeunes.
21 SAINT JEAN DE LA CROIX, La Vive Flamme d’Amour, 3,46 cité in FABIO ATTARD-MIGUEL
ANGELGARCÍA, L'accompagnamento spirituale, Elledici, Turin, 268
22 ROSSANO SALA, Pastorale Giovanile 1, Evangelizzazione e educazione dei giovani, LAS, Rome, p. 391
23 Je vous invite à vous reporter à l'abondante et riche littérature salésienne existante ; je signale en particulier :
A.GIRAUDO, Direzione spirituale in San Giovanni Bosco, in F. ATTARD – M.A. GARCÍA (sous la direction de),
L’accompagnamento spirituale, Elle Di Ci, Turin 2014, pp. 148-172; P. CHÁVEZ, Lettre du Recteur Majeur, “Venez
et vous verrez”. La nécessité d’appeler (Étrenne 2011), o.c. pp. 9-16; J.E. VECCHI, Spiritualità Salesiana, Elle Di Ci,
Turin, pp. 22-36, 117-124, 173-174; DICASTÈRE POUR LA PASTORALE SALÉSIENNE DES JEUNES, La
Pastorale Salésienne des Jeunes. Cadre de Référence, Rome 2014, 3ème édition, pp. 24-25, 78-103, 114-117 ;
E. ALBUQUERQUE (Coord.), Espiritualidad Salesiana. 40 palabras clave, CCS, Madrid, pp. 77-82
11

2.2 Page 12

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Don Bosco est pour nous le génial accompagnateur de ses jeunes gens, car il ne se limite
pas au dialogue personnel ou à la célébration du sacrement de la réconciliation (appelé à
cette époque seulement confession), mais il voit tout par rapport et en lien avec les autres
éléments de l’action éducative et avec la vie quotidienne dans ses différents moments.
Dans le style de Don Bosco, l’accompagnant et l’accompagné ne se limitent pas à se
rencontrer selon un agenda ponctuel, au jour et à l’heure fixés, mais ils partagent
quotidiennement les lieux et les moments de récréation, les temps de travail, de prière, de
détente joyeuse.
On est en droit de penser que pouvaient alors naître facilement la connaissance mutuelle, la
confiance et même l’amitié ; cela favorisait la confidence et la disponibilité à se laisser
guider.
En Don Bosco, la paternité spirituelle est la conséquence et le fruit mûr de la paternité
éducative que ses garçons vivent avec lui au quotidien. Cette paternité, nous la trouvons
magnifiquement décrite dans les expressions suivantes : « Pour chaque jeune, le Don Bosco
confesseur et directeur spirituel est celui qui l’a accueilli avec affection, qui le soutient,
l’instruit et l’éduque, le stimule à donner le meilleur de lui-même dans la communauté et
dans le travail quotidien. À ses côtés, se trouvent des assistants, des formateurs et de jeunes
amis avec qui l’on peut partager la même ligne éthique, les mêmes valeurs spirituelles, dans
un dialogue stimulant et fécond. »24 En définitive, la tonalité affective et la création d’un
climat de confiance et de sympathie sont pour Don Bosco des conditions fondamentales de
sa méthode éducative.
Don Bosco est toujours et à tout moment l’éducateur qui ne se contente pas d’offrir à ses
garçons nourriture, santé et instruction. Son engagement éducatif est toujours orienté vers
l’éducation chrétienne de ses garçons. C’est pour cette raison que nous pouvons affirmer que
« l’accompagnement spirituel en vue de la perfection chrétienne fait essentiellement et
nécessairement partie de la pédagogie salésienne. »25
Il est très éclairant de savoir qu’en accompagnant ses jeunes, Don Bosco n’établissait avec
aucun d’eux le même rapport et le même lien, mais il le faisait avec « des tonalités et des
degrés différents ». Il n’agissait pas de la même manière avec les jeunes qu’il rencontrait à
l’oratoire seulement le soir des dimanches et jours de fête et en confession, et avec ceux qui
vivaient jour et nuit au Valdocco et, parmi ceux-ci, ceux qui manifestaient des signes
sensibles et des dispositions pour la vocation.
Une caractéristique qui doit « être la nôtre à bien des égards », parce qu’elle a été celle de
Don Bosco, est d’avancer toujours progressivement vers la création d’une communauté de
vie où les rencontres cordiales, la présence continuelle, la proximité empathique des
éducateurs (typique de l’assistance salésienne), suscitant confiance et amitié, sont la
caractéristique habituelle d’une communauté d’adolescents, de jeunes et d’adultes.
L’objectif vers lequel on tendait toujours, dans la mesure du possible, était « la conquête du
cœur ». C’est merveilleux, lorsqu’on pense à ce que cela peut signifier chez un vrai évangélisateur
et éducateur !
Nous savons aussi que pour Don Bosco, la qualité du milieu éducatif, que l’on devait
proposer et construire avec les jeunes au Valdocco, constituait l’accompagnement le plus
efficace pour chacun, quel qu’ait été le contexte de la rencontre.
Dans son action éducative, Don Bosco cherche à comprendre les jeunes, à se rendre compte
de leurs besoins et de leurs désirs de jeunes : ainsi, dans cette relation éducative, le jeune se
sent-il compris, accueilli, soutenu et aimé.
24 A. GIRAUDO, o.c., p. 149
25 Ibidem
12

2.3 Page 13

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La confiance des jeunes en leur ami, éducateur et père, leur faisait lui ouvrir leur cœur et
accepter de parcourir avec lui des routes qui leur permettaient de découvrir des choses nouvelles et
attrayantes.
Un exemple très important, et en même temps éclairant, est celui de la résistance initiale du
jeune Michel Magon – aux dires de Don Bosco lui-même – que rien n’intéresse sauf chanter, crier,
courir et sauter,26 jusqu’à ce qu’il parvienne à une « crise » qui le bouleverse, et à un changement
profond grâce à la conversion du cœur27 qui lui permet de faire l’expérience d’une grande joie et
d’un chemin spirituel inattendu.
Pour tout cela, nous affirmons que « Don Bosco est un modèle : il tend à identifier en lui-même
l’éducateur, le confesseur et le directeur spirituel ; il insiste sur l’accueil affectueux, sur la bonté,
sur la magnanimité et le souci des détails, sur l’intensité de l’affection manifestée, de manière que
les jeunes s’ouvrent en toute confiance et collaborent à l’action formative dans une obéissance
prompte et cordiale. » 28
Tout cela se réalise à travers une pédagogie de processus bien connue dans la tradition
spirituelle. « La vie chrétienne se vit d’une manière progressive, selon différents degrés de
profondeur et de plénitude, et elle demeure constamment ouverte à une croissance toujours plus
grande.»29
- Selon des processus qui ne doivent être forcés ni du dedans ni du dehors.
- Jusqu’à prendre conscience du processus et à se l’approprier, vu que c’est l’Esprit qui le
produit en chacun de nous.
IV. EN VUE DE QUELLE ACTION PASTORALE ?
Un discernement vocationnel comme le suggère le Pape François
Je crois que tout ce que nous avons dit jusqu'à présent offre des suggestions et des orientations
pastorales avec lesquelles nous devons nous mesurer. Et le fait que le Document de préparation
pour le Synode des Évêques lui-même invite à l'action pastorale me permet de suggérer quelques
points d'attention. Le texte même que je viens de mentionner invite à « bien définir ce que comporte
le fait de prendre au sérieux le défi de la pastorale et du discernement des vocations ».30 Prendre au
sérieux ces défis avec un regard salésien pourrait se traduire dans les considérations suivantes :
1. Avoir conscience que ce temps-ci est le temps favorable et que nous devons continuer à
marcher avec les garçons et les filles, avec les jeunes et leurs familles, avec les papas et les mamans
qui ont besoin de ces chemins et qui acceptent de les parcourir en compagnie au lieu de les
parcourir dans une solitude difficile où ils ne se sentiront jamais à l’aise.
Le P. Vecchi l’écrivait déjà, il y a plusieurs années, dans sa lettre « Voici le temps favorable ».31
Le Pape François l'a commenté, en d'autres temps, dans son Exhortation Apostolique et dans ce
même Document Préparatoire au Synode. Beaucoup d'entre nous le savent aussi de par leur
26 G.BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele allievo dell’Oratorio di San Francesco di Sales [Profil
biographique du jeune Michel Magon, élève de l’Oratoire Saint François de Sales]. Deuxième édition. Imprimerie de
l’Oratoire de Saint François de Sales. Turin 1866, p.15
27 Ibidem 16-24
28 A. GIRAUDO, o.c., p. 160
29 S. DE FIORES, Itinerario espiritual, in S. DE FIORES - T. GOFFI - A. GUERRA (COORD.), Nuevo Diccionario de
Espiritualidad, Paulinas, Madrid, 2004, p. 755
30 DP III, L’action pastorale, introduction
31 J.E. VECCHI, Lettre du Recteur Majeur, Voici le temps favorable, ACG 373 (2000), pp. 3-49. Cf aussi P. CHÁVEZ
VILLANUEVA, Lettre du Recteur Majeur, Venez et vous verrez (Jn 1,39). La nécessité d’appeler, o.c. pp. 3-47
13

2.4 Page 14

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expérience éducative et pastorale, et je l'ai moi-même exprimé avec une forte conviction en donnant
les raisons de cette Étrenne. Le Père Vecchi écrivait ceci : « Les conversations individuelles avec
les jeunes ont révélé combien l'idée de suivre le Christ d'une manière radicale apparaît dans leur
âme. Mais souvent cette idée ne les trouve pas préparés pour une réponse ; et, selon d'autres
commentaires passés, elle les trouve incertains face aux possibilités réelles de trouver des espaces, à
la mesure de leurs attentes, où exprimer une telle vocation pour toute leur vie. »32
2. Cultiver à tout moment une culture vocationnelle, même dans des contextes culturels qui
peuvent nous sembler difficiles. Cette expression a été utilisée pour la première fois par le Pape
Jean-Paul II dans son message pour la XXXème Journée Mondiale des Vocations (1993).
En tant qu'éducatrices, éducateurs et évangélisateurs, nous nous proposons d'aider les jeunes à
affronter la vie, le présent et l'avenir, avec une profonde connaissance de soi et une attitude de
disponibilité et de générosité dans l'écoute de la voix de Dieu en chacun, en les accompagnant sur
leur chemin vers un projet de vie personnel et consistant.
Cela n’en concernera pas seulement certains, comme s'il s'agissait d'une élite, mais c'est une
invitation et un appel de Dieu lui-même pour le cheminement de toute personne vers son plein
développement.
Nous souhaitons que les jeunes puissent découvrir une façon de vivre et de rêver leur vie
mûrissent des valeurs telles que la gratuité et le don de soi, l'ouverture aux autres et l'ouverture à
Dieu. Nous voulons aider ces jeunes, et chaque personne qui se trouve en chemin, à découvrir que
la vie peut être comprise comme un don et une tâche à accomplir,33 et que cela les rendra heureux.
Découvrir que, face aux tendances culturelles dominantes qui véhiculent des messages selon
lesquels la seule chose importante est son propre « ego », une alternative significative consiste à
comprendre la vie comme un don, selon un projet de vie que chacun ressentirait « fait sur mesure et
selon ses possibilités propres », et où chacun se sentirait heureux, comme réponse au sens de sa vie
dans la perspective de Dieu et des autres.
Nous voulons cela pour tous les jeunes, toujours avec un très grand respect pour leur personne,
et en sollicitant leur liberté tout en marchant ensemble.
3. Favoriser la création d’un climat spirituel intense qui puisse être d'un grand secours pour
une relation personnelle avec Jésus. Mes visites sur les cinq continents renforcent toujours plus ma
conviction que dans le monde, la grande majorité de « nos » jeunes, ceux que nous rencontrons tous
les jours, se montrent ouverts si nous leur présentons et leur témoignons le Dieu qui habite en nous,
qui habite notre personne, et si nous leur témoignons que c’est en son nom que nous vivons pour
eux.
Je crois sincèrement que si les « résultats » de notre action pastorale manquent parfois, cela peut
être dû au fait que nous-mêmes n'avons pas le courage d'être plus résolus dans nos propositions.
Peut-être par peur d'essuyer un refus, choisissons-nous de rester dans une « attitude timide » avec
des propositions qui ne dérangent personne.
Je suis de plus en plus convaincu que nos jeunes, dans le monde entier, ont soif de spiritualité,
soif de transcendance, soif de Dieu, même si parfois ils ne savent pas comment l'exprimer et
comment nous demander une réponse. Avec Don Bosco, les jeunes apprenaient à ressentir et à
vivre, presque spontanément, que Dieu les aimait et qu'il avait pour chacun d'eux un projet de
bonheur et de vie remplie.
Le projet de Dieu pour chacun de ses fils et chacune de ses filles n'a pas changé. Il demeure
32 J.E. VECCHI, o.c., p.10
33 Cf. P. CHÁVEZ VILLANUEVA, o.c., pp. 19-20
14

2.5 Page 15

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toujours le même. Ce climat spirituel est donc plus nécessaire que jamais et on doit le cultiver à
travers une relation personnelle avec Dieu et avec les frères, le nourrir dans la prière partagée avec
les jeunes, dans la célébration de la foi à travers les sacrements.
On le nourrit avec l'écoute, dans le silence accueillant de la Parole, dans le dialogue et le partage
de celle-ci. Et on le nourrit dans la dévotion mariale, avec un fort sentiment et une expérience
d'amour envers notre Mère, Marie Auxiliatrice.
4. Offrir cette opportunité à tous les jeunes et à tous ceux et celles qui en font la demande, sans
exclure personne, puisque l'Esprit Saint est à l'œuvre en chacun.
Nous croyons que la vocation de chaque personne est l’initiative de Dieu. « Ce n’est pas vous
qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 1,16). Puisque la vocation de chaque personne
est un appel et un don reçu, personne ne peut l'inspirer ou la faire naître sinon Dieu Lui-même.
Nous devons cependant l'accompagner sur un chemin à travers lequel la foi devient aussi
personnelle que possible ; un chemin où l'on grandit dans sa vie intérieure et dans la rencontre avec
le Seigneur Jésus.
L'appel que Jésus adresse au jeune homme riche et la réponse de celui-ci nous font comprendre
qu'il ne suffit pas d’être enthousiaste et honnête pour répondre affirmativement à l'appel de Dieu :
pour répondre à cet appel, la dimension éthique et morale de la personne a besoin, en premier lieu,
de la dimension spirituelle et de la foi.
Si l’on vit cette dimension, les jeunes pourront ressentir cet appel comme un projet de vie et un
rêve de Dieu pour chacun d'entre eux ; et il sera possible d'accompagner toutes sortes de parcours
vocationnels : pour la vie chrétienne ordinaire, pour la vie religieuse, pour le ministère presbytéral,
pour la vie laïcale consacrée ...
5. Proposer une spiritualité qui favorise une vision unifiée de la vie. C'est un trait qui devrait
être inné à notre spiritualité salésienne de « l'union avec Dieu » que nous avons reçue de Don Bosco
comme patrimoine spirituel.
Nous parlons d'une spiritualité où s'unissent étroitement le Dieu qui se donne gratuitement, la
rencontre personnelle avec le Christ et la liberté avec laquelle chaque personne répond dans la foi à
l'Esprit qui agit en chacun.
Don Bosco, grand maître spirituel pour les jeunes, a vécu avec eux une spiritualité avant tout
éducative, et qui les aidait à vivre tout naturellement un cheminement les conduisant à une maturité
spirituelle pour laquelle « la présence de Dieu devient aussi "naturelle" que respirer, dormir ou
penser. C'est un dynamisme qui ne vise pas seulement l'aspect "religieux" mais qui concerne toute
la vie.»34
6. Témoigner de la joie dont on vit
Les jeunes qui rêvent de vivre leur vie chrétienne d'une manière authentique, et qui se
demandent ce que Dieu attend d'eux, veulent voir notre enthousiasme et en faire aussi l'expérience
personnelle.
« Votre joie, personne ne vous l’enlèvera », dit le Seigneur (Jn 16,22). C'est possible quand
nous-mêmes, les jeunes, les adultes, les papas et les mamans qui sont en recherche, avons
expérimenté la rencontre du Seigneur avec nous. Et cette expérience doit se traduire dans la joie de
vivre, dans l'optimisme avec lequel nous abordons chaque journée, dans le courage serein avec
lequel nous affrontons les problèmes et les moments difficiles. Il n'y a rien de plus éloigné du Dieu
qui comble une vie qu'une existence marquée par la déception, sans enthousiasme, démotivée. C'est
la raison pour laquelle j'ai montré à plusieurs reprises dans ces pages qu'en accompagnant les autres
dans le discernement de la vie et de la vocation, nous devons être des points de référence
34 M.A. GARCÍA MORCUENDE, La educación es cosa de corazones [L’éducation est une affaire de cœurs], PPC,
Madrid 2017, p. 109
15

2.6 Page 16

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significatifs et crédibles ; sinon, on finira par remplir une fonction qui ne laisse aucune trace
durable, et qui en vaille la peine, dans la vie des gens.
7. Dans la logique du « Venez et vous verrez »35
Il est clair que les jeunes des cinq continents à qui je me suis référé, fascinés par le Christ,
suivront les routes qui les attirent. Comme le déclare le P. Vecchi dans le texte déjà cité, les jeunes
ne seront fascinés ni par nos œuvres, ni par nos organisations, ni par nos structures ni même par
notre travail. Tout au plus pourront-ils dédier un peu de temps, quelques années peut-être, à
l’animation et au service, mais s’ils n’arrivent pas à découvrir la profondeur et la fascination que
suscite Jésus-Christ, tôt ou tard ils iront chercher autre chose qui les satisfera davantage. La même
chose s'applique également aux religieux, aux religieuses et aux jeunes prêtres. Par conséquent,
l'expérience de valeurs telles que la fraternité évangélique au nom de Jésus, l'esprit de famille que
nous ressentons tellement « nôtre », le climat d'affection familiale, la prière et le témoignage
partagé des petites ou grandes choses vécues, constitueront ce qui donne un sens aux recherches
personnelles et au «oui» comme réponse à l'appel de Dieu. Il s'agit de ce « plus » qui attire, « ce
« plus » qui est inclus dans la prophétie, dans la signification, dans la radicalité ; ou dans ce que l'on
peut appeler « l'expérience vécue », d'où surgissent les intuitions et l'envie d'engager sa vie. »36
L'aspect qui manquerait dans la présentation de ce « venez et vous verrez » est celui d'être
conscient, pour tout type de discernement vocationnel dans l'Église, que le témoignage silencieux et
le silence vocationnel ne suffisent pas pour que la vocation suscitée par Dieu se concrétise.
L'invitation personnelle et la proposition de cheminements appropriés pour chacun doivent faire
partie du « venez et vous verrez ».
8. Avec un accompagnement de style salésien qui n’est pas seulement individuel ni intimiste
mais aussi communautaire.
Dans notre style salésien, lorsque nous parlons d'accompagnement, nous ne faisons pas
seulement référence au dialogue individuel, mais à une réalité beaucoup plus large et beaucoup plus
riche, qui aide la personne, en particulier le jeune, à intérioriser les valeurs et les expériences
vécues. Parmi celles-ci, le service des autres et la solidarité en faveur des plus désavantagés sont
d'une grande importance.
Comme c'était déjà le cas avec Don Bosco, l'accompagnement part d'un contexte éducatif où
l'intériorisation des propositions et la croissance personnelle et vocationnelle sont encouragées.
En plus des moments de dialogue personnel et systématique, des rencontres brèves et
occasionnelles sont décisives dans ce cheminement, des rencontres simples et familières avec
d'autres personnes, membres de la communauté chrétienne, du groupe de foi ou des communautés
religieuses elles-mêmes.
V. EN COMPAGNIE DE LA SAMARITAINE
La Samaritaine est allée à la rencontre de ses concitoyens pour leur parler de Celui qui l'avait
fascinée et aidée à se rencontrer elle-même dans sa plus profonde vérité. Aussi voudrais-je conclure
ce commentaire en imaginant qu’elle nous prend nous aussi par la main et :
→ Elle nous conduirait au puits de Jacob, puits de la rencontre avec Jésus qui lui a fait comprendre
que Lui ne se rend pas devant nos résistances et notre volonté de rester ancrés dans nos espaces de
confort et de sécurité face à l’inconnu, mais qu’il reste proche de nous jusqu’à ce qu’il nous fasse
découvrir notre soif la plus profonde.
→ Elle nous inviterait à ne laisser rien ni personne étouffer nos idéaux les plus profonds, l’idéal qui
nous a comblés d’enthousiasme au début de notre cheminement vocationnel missionnaire, de la vie
35 Cf. Jn 1,39 et J.E. VECCHI, o.c. pp. 25-26
36 J.E. VECCHI, o.c., p.26
16

2.7 Page 17

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conjugale, de la consécration religieuse, du ministère presbytéral ou du laïcat consacré.
→ Elle nous proposerait sûrement de faire tout notre possible pour être toujours ouverts au « don »
qui nous vient de Dieu et que nous ne découvrons jamais entièrement ni ne savourons
complètement à cause de nos limites.
→ Elle nous convaincrait, à partir de ce qu’elle a vécu elle-même, de l'importance de nous
accompagner mutuellement, de nous orienter et de nous soutenir dans la foi.
→ Et elle nous confierait comment elle-même a appris de Jésus à être plus humaine, et peut-être un
peu plus « experte en humanité », ce qui constitue pour nous un défi permanent.
Comme Marie, qui a vécu la nouveauté de l'Annonciation, la rencontre avec un Dieu
« personnel » qui a frappé si délicatement à la porte de sa liberté, fécondant ce qui n'aurait pas été
humainement possible, nous sommes nous aussi invités à nous interroger sur notre foi, sur
l'« abandon de nous-mêmes » à Dieu qui est éternelle nouveauté de vie, et à nous laisser conduire
par l'Esprit.
Que le Seigneur nous aide à parcourir ce chemin et à aider les jeunes à le parcourir.
Que Marie, notre Mère, nous accorde la grâce d'être une médiation authentique de la Parole du
Seigneur qui résonne – même si ce n’est pas toujours d'une manière immédiatement perceptible –
dans le cœur de chaque jeune, dans les couples mariés, dans les familles, en tous ceux qui sont en
recherche.
Invoquant la médiation de Notre Dame Auxiliatrice auprès de son Fils, la protection de Don
Bosco et de tous les membres de notre Famille Salésienne qui sont déjà sur le chemin de la sainteté,
je vous salue cordialement et vous souhaite les meilleures choses.
Ángel Fernández Artime, sdb
Recteur Majeur
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