Zéphyrin Namancurà


JE VEUX ÊTRE UTILE À MON PEUPLE


« Je veux être utile à mon peuple »


C’est ainsi que Zéphyrin a exprimé son choix de vie. Face à la dure réalité de pauvreté et de mépris de sa race, il a donné une réponse qui impliquait le don de soi-même. Avec la pureté et la force de son jeune âge, Zéphyrin a décidé de quitter son milieu pour étudier et aider son peuple.


Aujourd’hui, le message de sa vie brille comme une étoile. Il nous invite à valoriser nos origines : la terre qui nous a vus naître, la famille que Dieu nous donnée. Elève, animateur de jeunes et surtout bon chrétien, Zéphyrin nous encourage à suivre Jésus dans la joie et la simplicité.



PERTUSI ADRIANA – FMA



AVEC DON BOSCO,

IL EST FACILE POUR LES JEUNES

DE DEVENIR SAINTS.

PERTUSI ADRIANA - FMA


« Je veux être utile à mon peuple »


C’est ainsi que Zéphyrin a exprimé son choix de vie. Face à la dure réalité de pauvreté et de mépris de sa race, il a donné une réponse qui impliquait le don de soi-même. Avec la pureté et la force de son jeune âge, Zéphyrin a décidé de quitter son milieu pour étudier et aider son peuple.


Aujourd’hui, le message de sa vie brille comme une étoile. Il nous invite à valoriser nos origines : la terre qui nous a vus naître, la famille que Dieu nous donnée. Elève, animateur de jeunes et surtout bon chrétien, Zéphyrin nous encourage à suivre Jésus dans la joie et la simplicité.




AVEC DON BOSCO,

IL EST FACILE POUR LES JEUNES

DE DEVENIR SAINTS.





Introduction



Zéphyrin Namuncurà est originaire de la Patagonie, territoire situé au sud de l’Argentine. Il appartient à l’ethnie Mapuche, l’un des peuples autochtones de l’Amérique Latine. Pour comprendre sa vie, il faut la situer dans sa terre, dans son ethnie et dans sa famille, les Namuncurà. Sa vie a été marquée par la culture occidentale et par l’Evangile de Jésus Christ.


Sa brève histoire se situe dans un temps de confrontation de cultures, de disputes de terres entre les autochtones et le gouvernement de la jeune nation Argentine. Tous ces éléments ont donné une empreinte définitive à sa personnalité.



La terre rêvée par Don Bosco


Il arrive souvent que les grandes œuvres commencent par de grands rêves. C’est le cas de l’évangélisation de la Patagonie. Don Bosco a vu à travers des rêves mystérieux, cette terre lointaine, ses habitants et le besoin urgent de leur offrir la lumière de l’Evangile.


Ces rêves donnaient à Don Bosco une vision ample et très proche de la réalité. En reconstituant les données de ses rêves, il a instruit la Société Géographique Internationale de la situation de la Patagonie. Ainsi Don Bosco a pu décrire les caractéristiques du sol, de la flore et la faune, mais surtout ce qui concernait ses habitants et leurs manières de vivre.


En 1848, Don Bosco, entouré des jeunes et des enfants, s’est exclamé : « O, si je pouvais disposer de beaucoup de prêtres, je les enverrais en Patagonie et en Terre du Feu pour évangéliser, car ces peuples sont aujourd’hui les plus abandonnés ».


En effet, une fois après avoir fondé la Congrégation salésienne, Don Bosco a essayé de concrétiser l’appel missionnaire qu’il a reçu de ses rêves.


Le 14 décembre 1875, la première expédition missionnaire est arrivée à Buenos Aires. Les salésiens de Don Bosco sont restés quelque temps dans cette ville qui est la Capitale de l’Argentine mais Don Bosco ne cessait de les interpeller: « C’est en Patagonie que vous devez aller ». Ainsi, à la suite de la permission accordée par l’évêque, Monseigneur Aneiros, les salésiens partent vers la terre des rêves de leur père fondateur.


Les circonstances qui ont accompagnées cette première expédition missionnaire, ont été bien malheureuses et elles ont pesé au long des années sur l’évangélisation honneur et aussi il veut être sûr que la vie de ses ambassadeurs sera préservée.

Le 5 mai 1884, Emmanuel Namuncurà se rend au Général Jules Roca qui l’élève au grade de Colonel de la Nation.



Chimpay, le berceau


Chimpay est une région située dans la vallée de la province de Rio Negro, Argentine. Cette vallée fertile, où le gibier abonde a été le territoire des peuples autochtones de la Patagonie. Elle est aussi un couloir qui sert de passage pour aller de la Cordillère des Andes à l’Océan Atlantique. Chimpay même, signifie en langue mapuche « passage » ou encore, lieu d’accueil. C’est la terre que les Namuncurà ont occupée plusieurs années durant.


Zéphyrin est né le 26 août 1886, fils de Emmanuel Namuncurà et de Rosario Burgos.

Nous avons déjà présenté son père, le dernier cacique de la lignée Namuncurà. De sa mère, jusqu’au présent, nous n’avons pas beaucoup de données. Son origine n’est pas encore bien connue. Certains disent qu’elle était une chilienne prise en captivité, pourtant, des photos authentiques montrent les traits bien définis de la race mapuche et elle parlait correctement la langue. Lorsque Emmanuel l’abandonne pour régulariser son mariage civil et religieux, Rosario Burgos cherche une autre tribu mapuche. Ce n’était pas facile à cause de l’instabilité générale de l’ethnie. Finalement elle trouve refuge en celle de François Coliqueo. Elle n’a pas cherché à s’intégrer avec les « huincas » (9).


Zéphyrin est le sixième des douze enfants de son père. Les fils nés de l’union de Manuel Namuncura et de Rosario Burgos sont : Marie, Zéphyrin, Clarisse, Anibal et Fermine.

Il est baptisé le 24 décembre 1888 par le père Dominique Milanesio.




Son enfance


Zéphyrin a grandi dans une ambiance typiquement mapuche. Les missionnaires passaient rarement par Chimpay et cela nous fait penser que Zéphyrin se
















Loncomeo.

Danse religieuse traditionnelle

qui fait partie du « Nguillatun » (5)







A Chimpay, la tribu de Zéphyrin traverse des moments très difficiles. Son père administre et distribue rigoureusement son salaire de Colonel entre les gens de sa famille. Ils arrivent tout juste à manger mais ils étaient dans la misère.


Les Mapuches ne cultivaient pas. Ils étaient des chasseurs. Les troupeaux étaient réduits et l’espace assigné par le gouvernement était trop petit pour un peuple qui vivait de la chasse. Namuncurà sollicite 10 lieues au gouvernement (10). Celui-ci lui donnera 8 avec une clause trompeuse par laquelle se définit le don d’autres terres d’une autre région de l’Argentine. C’était l’excuse pour obliger la tribu plus tard, à se déplacer.




Je veux être utile à mon peuple


Zéphyrin avait seulement onze ans et déjà il souffrait en voyant la situation de sa famille et de sa tribu. Il est convaincu que si les choses continuent de la sorte, son peuple disparaîtra. Il a une vision claire et surprenante par rapport à ses onze ans. Il décide de parler à son père en lui disant: « Papa, voyons dans quel état nous sommes après avoir été les propriétaires de cette terre. Nous sommes à présent, désemparés. Pourquoi ne m’amènes – tu pas à Buenos Aires pour étudier ? Je pourrais ainsi, un jour, être utile à mon peuple ».


Jusqu’à ce moment-là, Zéphyrin n’a pas eu beaucoup de contact avec les blancs, pourtant il se rend compte qu’une nouvelle étape commence. Le moment de dialoguer avec une autre culture, est arrivé. Il faut intégrer d’autres éléments à sa culture mapuche. Emmanuel Namuncurà accueille de bon gré l’initiative de son fils. Ils partent à Buenos Aires avec une petite délégation de mapuches. Zéphyrin quitte sa terre, comme Abraham, avec une grande souffrance au cœur : le détachement de sa famille, de sa terre, mais il part

Zéphyrin fait des efforts pour s’adapter à la nouvelle vie. Nous pouvons le constater, en regardant les registres de l’école de son époque : l’amélioration de ses notes jusqu’à obtenir le premier prix en conduite et discipline.



Zéphyrin s’est donné complètement aux études pour réaliser son grand désir : retourner chez lui et aider son peuple à améliorer ses conditions de vie. Zéphyrin harmonise sa vie d’étude et de prière avec les travaux qu’on lui d emande et les jeux préférés. Le Père Beauvoir, missionnaire salésien en Terre de Feu, cause avec Zéphyrin et lui donne un arc et une flèche. Tout de suite Zéphyrin vise une feuille qui restait dans une haute branche d’un arbre de la cour et la perce au milieu. Les élèves l’acclament et admirent son habilité. Il aimait fabriquer des arcs et des flèches avec les souples branches de saules, puis il tirait et visait juste.


Un jour, les élèves se promenaient dans la campagne. Soudain, un troupeau de veaux s’approche d’eux au galop. Pris de panique, ils fuient dans toutes les directions. Namuncurà, plus intelligent, se dirige vers les veaux en agitant ses bras et en poussant des grands cris. Le troupeau s’arrête et change de direction. Zéphyrin était habitué à accompagner les paysans de son père qui conduisaient des grands troupeaux de bœufs et de moutons.




Identité : qui suis-je ?


Les parents de Zéphyrin l’appelaient « Morales » parce qu’ils le trouvaient très semblable à un membre de la famille qui se nommait ainsi.

Zéphyrin a grandi sans savoir quel était son nom, ni son âge, ni la date de sa naissance. Les mapuches avaient une identité claire et bien définie dans la vie communautaire de la grande famille. Ils n’avaient pas besoin de ces données pour savoir ce qu’ils étaient. Le problème se pose au moment de se déplacer en ville, de rentrer à l’école, c'est-à-dire, au moment de passer à une autre culture. Dans une lettre au Père Crestanello, il manifeste cette confusion : « …avant je ne m’appelait pas Zéphyrin mais Morales… En allant à Buenos Aires, mon père m’a changé le nom par celui de Zéphyrin et depuis ce jour-là c’est ainsi que je m’appelle. Plusieurs fois on m’a demandé le jour de ma naissance, mon âge et je ne savais pas quoi répondre. »

JE VEUX ÊTRE UTILE À MON PEUPLE




Introduction



Zéphyrin Namuncurà est originaire de la Patagonie, territoire situé au sud de l’Argentine. Il appartient à l’ethnie Mapuche, l’un des peuples autochtones de l’Amérique Latine. Pour comprendre sa vie, il faut la situer dans sa terre, dans son ethnie et dans sa famille, les Namuncurà. Sa vie a été marquée par la culture occidentale et par l’Evangile de Jésus Christ.


Sa brève histoire se situe dans un temps de confrontation de cultures, de disputes de terres entre les autochtones et le gouvernement de la jeune nation Argentine. Tous ces éléments ont donné une empreinte définitive à sa personnalité.



La terre rêvée par Don Bosco


Il arrive souvent que les grandes œuvres commencent par de grands rêves. C’est le cas de l’évangélisation de la Patagonie. Don Bosco a vu à travers des rêves mystérieux, cette terre lointaine, ses habitants et le besoin urgent de leur offrir la lumière de l’Evangile.


Ces rêves donnaient à Don Bosco une vision ample et très proche de la réalité. En reconstituant les données de ses rêves, il a instruit la Société Géographique Internationale de la situation de la Patagonie. Ainsi Don Bosco a pu décrire les caractéristiques du sol, de la flore et la faune, mais surtout ce qui concernait ses habitants et leurs manières de vivre.


En 1848, Don Bosco, entouré des jeunes et des enfants, s’est exclamé : « O, si je pouvais disposer de beaucoup de prêtres, je les enverrais en Patagonie et en Terre du Feu pour évangéliser, car ces peuples sont aujourd’hui les plus abandonnés ».


En effet, une fois après avoir fondé la Congrégation salésienne, Don Bosco a essayé de concrétiser l’appel missionnaire qu’il a reçu de ses rêves.


Le 14 décembre 1875, la première expédition missionnaire est arrivée à Buenos Aires. Les salésiens de Don Bosco sont restés quelque temps dans cette ville qui est la Capitale de l’Argentine mais Don Bosco ne cessait de les interpeller: « C’est en Patagonie que vous devez aller ». Ainsi, à la suite de la permission accordée par l’évêque, Monseigneur Aneiros, les salésiens partent vers la terre des rêves de leur père fondateur.


Les circonstances qui ont accompagnées cette première expédition missionnaire, ont été bien malheureuses et elles ont pesé au long des années sur l’évangélisation des indigènes (1). Les salésiens, pour éviter le risque d’être tués comme les missionnaires qui les avaient précédés, sont rentrés en Patagonie avec une colonne de l’Armée de l’Argentine, sous le Général Jules Roca.



Le peuple Mapuche


Les habitants originaires de la Patagonie étaient les Tehuelches. Ils menaient une vie paisible. Les espagnols les ont connus tout de suite après les premières expéditions sur la Patagonie. Ils occupaient cette terre, de la Cordillère des Andes jusqu’à l’océan Atlantique.


Au XVII siècle commence un lent processus de pénétration de gens venant du Chili, de l’autre côté de la Cordillère des Andes. C’est le peuple « Mapuche » qui signifie « les gens de la terre ». Ils obligent les Tehuelches à se déplacer. Les nouveaux arrivés ont fait valoir leur présence en imposant leur langue et leur culture.


Les Mapuches étaient organisés en clans ou tribus de 400 personnes environ, gouvernés par un « lonco » (2) ou cacique. C’est un peuple profondément religieux qui adore Nguenechen (3), divinité supérieure à qui sont soumis tous les autres pouvoirs et énergies issues de la nature (pouvoirs des eaux célestes, forces, énergies) qui protègent les personnes. Les Mapuches croient aussi à l’existence des esprits maléfiques, surtout Huecuvu ou Hualichu (4), cause des maux et malheurs.


La cérémonie la plus importante est le Nguillatun (5). Lors de cette cérémonie, les Mapuches manifestent fortement leur identité. Ils confient à Dieu leurs familles et leurs troupeaux.


Zéphyrin Namuncurà a vécu pleinement dans cette organisation tribale qui a marqué son identité culturelle. Son père, Emmanuel Namuncurà était le chef des Mapuches dans un moment très difficile : lutter contre l’invasion des blancs et sauver son ethnie et sa culture.


La lignée Calfucurà – Namuncurà


Les origines de la lignée remontent au grand cacique Calfucurà (Pierre Bleue) venant du Chili pour s’installer dans la région de « Salinas Grandes », entre les actuelles provinces de Buenos Aires et de La Pampa.


Calfucurà était un grand leader, d’une personnalité solide et bien définie. Il a tissé de bonnes relations avec le gouvernement de Buenos Aires pour protéger son ethnie. Il a beaucoup lutté pour faire valoir son autorité face à celle du gouvernement de l’Argentine qui cherchait à usurper les terres des indiens (6). Les Mapuches se défendaient par des attaques appelées « malones » (7). Les blancs ne connaissaient pas cette stratégie de guerre propre aux indiens. Les Mapuches récupéraient des terres et prenaient un grand nombre d’animaux. Calfucurà défendait sa terre avec tous les moyens qu’il avait à sa portée.


Il est parvenu à unir plusieurs groupes de mapuches en une grande confédération et à les organiser pour la défense de leurs terres. Il a regroupé 3.000 indiens pourvus de lances. Malgré tout, à sa mort, le 3 juin 1873, commence pour les mapuches une époque de sérieuses difficultés : c’est la décadence.


Son fils, Emmanuel Namuncurà (pied de pierre) fut élu pour succéder son père comme responsable de la Confédération des Mapuches. Homme intelligent et perspicace, il continue à piloter la difficile situation entre le gouvernement de l’Argentine et les indiens. Il est décidé à défendre les droits et les intérêts de sa tribu.



Le Général Jules Roca et la conquête du désert


Le Général Jules Roca, chef de l’Armée, et les autorités politiques, ne comprennent pas les problèmes des indiens. Ils voient l’autochtone comme un barbare, un sauvage. Ils pensent qu’il est impossible de faire des accords avec eux et qu’ils ne pourront pas s’intégrer au reste de la population de l’Argentine. En plus, ces gouvernants et chefs militaires considèrent que les peuples autochtones constituent une menace constante, un véritable problème pour annexer les terres qu’ils occupent afin qu’elles deviennent propriété du territoire national.


Le Général Roca programme et exécute une grande campagne militaire. Il sera à la tête de cinq colonnes de soldats qui pénétreront dans le territoire des Mapuches. C’était en 1879. C’est justement avec cette expédition militaire que les premiers salésiens entrent en contact avec les indiens. Sans connaître les routes, les longues distances ni la langue des autochtones, les missionnaires étaient contraints de partir avec l’Armée.

Les militaires avaient pour objectif de soumettre ou réduire les ethnies autochtones, tandis que les missionnaires salésiens avaient l’objectif d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus et de réaliser un projet d’éducation surtout avec les enfants et les jeunes. Heureusement que, peu après, le plan de travail des militaires et celui des missionnaires, ont été bien différenciés, et dans certains cas, les objectifs des uns et des autres étaient opposés. Les missionnaires salésiens ont dénoncé les bousculades brutales de l’Armée et ils ont défendu avec courage la cause des indiens.


Namuncurà, face à l’impossibilité de pouvoir régler le conflit d’une manière pacifique, décide de résister comme il peut. La disparité de forces est évidente. L’Armée de Roca s’impose rapidement. Les colonnes militaires avancent sans obstacles. En six mois, le pouvoir de Namuncurà disparaît et les Mapuches sont vaincus, certains morts, d’autres prisonniers (au nombre de 14.000 environ) D’autres encore se rendent avec leurs propres chefs. Pourtant, Namuncurà ne cède pas. Il se réfugie dans les vallées des hautes montagnes et essaye de réorganiser une nouvelle résistance aux militaires malgré ses moyens précaires et le petit nombre de ses adeptes. En mai 1882 il arrive à échapper de justesse aux militaires, mais sa famille est faite prisonnière.



La capitulation


Namuncurà se rend compte qu’il est impossible de continuer la lutte en versant le sang des siens. Sa vision de la réalité est de commencer une nouvelle étape. Il envoie une ambassade de Mapuches au Général Villegas pour présenter sa soumission. Comme celui-ci refuse de les recevoir, ils se confient au Père Dominique Milanesio (8) pour qu’il intercède devant le gouvernement. Namuncurà veut se soumettre avec honneur et aussi il veut être sûr que la vie de ses ambassadeurs sera préservée.

Le 5 mai 1884, Emmanuel Namuncurà se rend au Général Jules Roca qui l’élève au grade de Colonel de la Nation.



Chimpay, le berceau


Chimpay est une région située dans la vallée de la province de Rio Negro, Argentine. Cette vallée fertile, où le gibier abonde a été le territoire des peuples autochtones de la Patagonie. Elle est aussi un couloir qui sert de passage pour aller de la Cordillère des Andes à l’Océan Atlantique. Chimpay même, signifie en langue mapuche « passage » ou encore, lieu d’accueil. C’est la terre que les Namuncurà ont occupée plusieurs années durant.


Zéphyrin est né le 26 août 1886, fils de Emmanuel Namuncurà et de Rosario Burgos.

Nous avons déjà présenté son père, le dernier cacique de la lignée Namuncurà. De sa mère, jusqu’au présent, nous n’avons pas beaucoup de données. Son origine n’est pas encore bien connue. Certains disent qu’elle était une chilienne prise en captivité, pourtant, des photos authentiques montrent les traits bien définis de la race mapuche et elle parlait correctement la langue. Lorsque Emmanuel l’abandonne pour régulariser son mariage civil et religieux, Rosario Burgos cherche une autre tribu mapuche. Ce n’était pas facile à cause de l’instabilité générale de l’ethnie. Finalement elle trouve refuge en celle de François Coliqueo. Elle n’a pas cherché à s’intégrer avec les « huincas » (9).


Zéphyrin est le sixième des douze enfants de son père. Les fils nés de l’union de Manuel Namuncura et de Rosario Burgos sont : Marie, Zéphyrin, Clarisse, Anibal et Fermine.

Il est baptisé le 24 décembre 1888 par le père Dominique Milanesio.




Son enfance


Zéphyrin a grandi dans une ambiance typiquement mapuche. Les missionnaires passaient rarement par Chimpay et cela nous fait penser que Zéphyrin se nourrissait de la religion mapuche durant son enfance. Il se comportait comme un enfant affectueux, fidèle, sensible et ouvert. Il se montrait serviable et désireux d’aider toujours.


A la maison, il était attentif aux besoins de sa mère qui s’occupait des travaux ménagers. Alfred et Anibal, ses frères, racontent que Zéphyrin était toujours occupé à faire des travaux manuels. Souvent, au lever, sa maman ne le trouvait pas à la maison. Plus tard il rentrait avec un fagot de bois mort. Parfois, il vendait le bois et donnait l’argent à sa mère.


Zéphyrin avait seulement neuf ans quand il s’occupait des brebis. Ses frères passaient leur temps à jouer, mais Zéphyrin, de ses propres mains a construit un petit enclos pour les brebis.

















Loncomeo.

Danse religieuse traditionnelle

qui fait partie du « Nguillatun » (5)







A Chimpay, la tribu de Zéphyrin traverse des moments très difficiles. Son père administre et distribue rigoureusement son salaire de Colonel entre les gens de sa famille. Ils arrivent tout juste à manger mais ils étaient dans la misère.


Les Mapuches ne cultivaient pas. Ils étaient des chasseurs. Les troupeaux étaient réduits et l’espace assigné par le gouvernement était trop petit pour un peuple qui vivait de la chasse. Namuncurà sollicite 10 lieues au gouvernement (10). Celui-ci lui donnera 8 avec une clause trompeuse par laquelle se définit le don d’autres terres d’une autre région de l’Argentine. C’était l’excuse pour obliger la tribu plus tard, à se déplacer.




Je veux être utile à mon peuple


Zéphyrin avait seulement onze ans et déjà il souffrait en voyant la situation de sa famille et de sa tribu. Il est convaincu que si les choses continuent de la sorte, son peuple disparaîtra. Il a une vision claire et surprenante par rapport à ses onze ans. Il décide de parler à son père en lui disant: « Papa, voyons dans quel état nous sommes après avoir été les propriétaires de cette terre. Nous sommes à présent, désemparés. Pourquoi ne m’amènes – tu pas à Buenos Aires pour étudier ? Je pourrais ainsi, un jour, être utile à mon peuple ».


Jusqu’à ce moment-là, Zéphyrin n’a pas eu beaucoup de contact avec les blancs, pourtant il se rend compte qu’une nouvelle étape commence. Le moment de dialoguer avec une autre culture, est arrivé. Il faut intégrer d’autres éléments à sa culture mapuche. Emmanuel Namuncurà accueille de bon gré l’initiative de son fils. Ils partent à Buenos Aires avec une petite délégation de mapuches. Zéphyrin quitte sa terre, comme Abraham, avec une grande souffrance au cœur : le détachement de sa famille, de sa terre, mais il part avec l’espérance de découvrir de nouveaux horizons pour réaliser le désir d’aider les siens.



Zéphyrin a Buenos Aires


Emmanuel Namuncurà se renseigne auprès des autorités du gouvernement et décide d’inscrire son fils à l’Ecole – Atelier de la Marine. Zéphyrin est inscrit comme apprenti. Après quelques jours, son père revient à l’Ecole pour visiter son fils. Zéphyrin lui exprime son malaise dans cette ambiance de militaires et demande à son père de quitter l’Atelier de la Marine. Emmanuel écoute son fils et accède à ses désirs d’aller étudier dans un autre établissement. Il se dirige alors chez l’ex-président de l’Argentine, le Dr Louis Saenz Peña et lui demande des conseils. Celui-ci lui parle de l’action éducative des salésiens de Don Bosco. Le cacique se rend à l’école Pie IX située dans le quartier d’Almagro, où il inscrit Zéphyrin le 20 septembre 1897. Quelques jours plus tard, son père lui rend visite. Zéphyrin se montre très heureux et manifeste à son père le désir d’y rester et d’étudier.


Dès les premiers jours, Zéphyrin met toute sa volonté et son enthousiasme pour profiter au maximum de l’éducation que les salésiens lui offrent. En premier lieu, il étudie la langue espagnole et il se met à jour dans les autres cours. Il participe à la vie de l’école : la chorale, le mouvement de l’Ange Gardien, les jeux et les fêtes. Carlos Gardel, compagnon de Zéphyrin, sera plus tard le fameux interprète et compositeur d’une collection de « tangos » (11).


Zéphyrin s’adapte aux exigences de sa nouvelle vie : la langue, la nourriture, l’emploi de temps scolaire. C’est un grand changement ! Lui qui était habitué à vivre dans un grand espace libre, galoper à cheval, participer à la chasse et autres activités de sa tribu.


Immédiatement, il gagne le respect et la sympathie de la plupart de ses camarades. Pourtant, de temps en temps, il devra faire face aux gestes de mépris et moquerie à cause de son origine indigène. Zéphyrin ne laisse pas les ressentiments gagner son cœur. Il apprend à partager la vie d’élève avec tous ces camarades et assume les difficultés propres à un changement de culture. Il les dépasse courageusement afin d’atteindre son objectif : étudier pour être utile aux siens.


Zéphyrin est un enfant franc. Il ne se laisse pas faire facilement. Joseph Allieno, un élève de son temps, témoigne : « Un jour, au jeu du drapeau, Zéphyrin m’a touché et je devais m’arrêter à l’instant, mais comme la partie était acharnée, j’ai triché en disant qu’il ne m’avait pas touché. Zéphyrin lève la voix et réclame son droit. Je me suis énervé et je l’ai appelé « tricheur ». Lui m’a répondu : « tu m’insultes » et tout de suite nous avons commencé à nous battre. En ce moment, le Père qui était dans la cour est intervenu pour nous séparer.


Les salésiens qui ont vécu avec Zéphyrin, témoignent de son caractère transparent et sincère, incapable de mentir ou de tromper quelqu’un. C’est justement pour cela qu’il se montrait contrarié si on ne le croyait pas.



Zéphyrin ne renonce pas à sa culture mapuche


Tous les efforts pour s’adapter à la nouvelle vie de blancs, de la ville et de l’école, n’empêchent pas le jeune mapuche de garder son identité. Avant tout, il maintient le contact avec son père, sa mère et d’autres membres de sa famille par des lettres qui manifestent son affection et sa reconnaissance. Il n’a pas honte de sa condition d’indigène. Zéphyrin aime se promener à cheval. Il continue d’exercer avec une grande habilité l’arc et la flèche.


Chaque matin, un monsieur arrive à cheval à l’école pour distribuer le lait frais. Le temps qu’il met pour décharger les bidons de lait, suffit à Zéphyrin pour prendre le cheval et trottiner dans les rues du quartier avec la même liberté qu’il le faisait à Chimpay, son village natal.


C’est une joie pour lui de parler sa langue maternelle avec les missionnaires. Pendant les grandes vacances, Zéphyrin va à l’école agricole d’Uribelarrea, à quelques kilomètres de Buenos Aires. Là il profite pour se promener à cheval et participer aux activités champêtres.


Un compagnon de cette époque raconte :

C’était les vacances. Tous les matins, je devais partir en charrette pour porter le lait frais chez les sœurs salésiennes. Le Père Gberra me demande d’amener Zéphyrin avec moi pour qu’il se promène un peu. J’ai accepté avec joie. Zéphyrin voulait toujours conduire le cheval et moi je le laissais faire. En peu de temps nous sommes devenus des amis. Zéphyrin passait tout le temps du voyage à raconter les anecdotes de son village et de sa tribu. Si bien que pour moi, ces histoires étaient des nouveautés, je n’y prêtais pas toujours attention. Une fois, je lui ai posé une question qui était hors du contexte. Alors Zéphyrin m’interpelle : « Comment ? Ce que je vous raconte ne vous intéresse pas ? Dommage que vous ne connaissiez pas la Patagonie ! Vous verriez comment elle est belle !


La distance qui le sépare de son village natal et de sa famille ne l’empêche pas d’être fidèle à sa propre culture, à sa race et d’être attaché à sa terre natale, la Patagonie.


Au début, à l’école, il a eu du mal pour s’habituer à certaines normes de discipline, telles que se mettre en rang, couper la recréation au son de la cloche, etc. Cette manière de vivre contrastait fortement avec la liberté dont il jouissait, c'est-à-dire, galoper en sillonnant les grandes étendues des prairies aux alentours de Chimpay.


Zéphyrin fait des efforts pour s’adapter à la nouvelle vie. Nous pouvons le constater, en regardant les registres de l’école de son époque : l’amélioration de ses notes jusqu’à obtenir le premier prix en conduite et discipline.



Zéphyrin s’est donné complètement aux études pour réaliser son grand désir : retourner chez lui et aider son peuple à améliorer ses conditions de vie. Zéphyrin harmonise sa vie d’étude et de prière avec les travaux qu’on lui d emande et les jeux préférés. Le Père Beauvoir, missionnaire salésien en Terre de Feu, cause avec Zéphyrin et lui donne un arc et une flèche. Tout de suite Zéphyrin vise une feuille qui restait dans une haute branche d’un arbre de la cour et la perce au milieu. Les élèves l’acclament et admirent son habilité. Il aimait fabriquer des arcs et des flèches avec les souples branches de saules, puis il tirait et visait juste.


Un jour, les élèves se promenaient dans la campagne. Soudain, un troupeau de veaux s’approche d’eux au galop. Pris de panique, ils fuient dans toutes les directions. Namuncurà, plus intelligent, se dirige vers les veaux en agitant ses bras et en poussant des grands cris. Le troupeau s’arrête et change de direction. Zéphyrin était habitué à accompagner les paysans de son père qui conduisaient des grands troupeaux de bœufs et de moutons.




Identité : qui suis-je ?


Les parents de Zéphyrin l’appelaient « Morales » parce qu’ils le trouvaient très semblable à un membre de la famille qui se nommait ainsi.

Zéphyrin a grandi sans savoir quel était son nom, ni son âge, ni la date de sa naissance. Les mapuches avaient une identité claire et bien définie dans la vie communautaire de la grande famille. Ils n’avaient pas besoin de ces données pour savoir ce qu’ils étaient. Le problème se pose au moment de se déplacer en ville, de rentrer à l’école, c'est-à-dire, au moment de passer à une autre culture. Dans une lettre au Père Crestanello, il manifeste cette confusion : « …avant je ne m’appelait pas Zéphyrin mais Morales… En allant à Buenos Aires, mon père m’a changé le nom par celui de Zéphyrin et depuis ce jour-là c’est ainsi que je m’appelle. Plusieurs fois on m’a demandé le jour de ma naissance, mon âge et je ne savais pas quoi répondre. »


Pour nous, cette histoire de nom peut paraître un peu étrange, pourtant elle montre les difficultés qui peut traverser un enfant de onze ans qui prend les risques de passer d’une culture à une autre. Zéphyrin les a dépassées parce qu’il avait un idéal : étudier et se préparer pour aider ses gens.



Sa maturation chrétienne


Depuis son entrée à l’école salésienne Pie IX, Zéphyrin a manifesté un grand intérêt pour connaître Jésus. Plus il le connaît, plus son enthousiasme grandit. Il se prépare très bien à la Première Communion et à la Confirmation. Ces deux Sacrements marquent profondément sa vie. Il vit avec intensité la rencontre avec Jésus dans chaque Eucharistie. Zéphyrin prend au sérieux la belle habitude salésienne de « visiter » Jésus présent au Saint Sacrement (12). Une amitié profonde, simple et forte le lie à Jésus. Il croit à sa présence réelle dans l’Eucharistie et il met en Lui toute sa confiance.


Les Pères salésiens organisent des concours de catéchèse pour les élèves de l’école. Parfois la présence de l’évêque donnait une marque de solennité à cette manifestation de foi. Zéphyrin participe avec enthousiasme et malgré les inconvénients de bien parler la langue espagnole, une fois il gagne la deuxième place de ce concours exigeant.


Zéphyrin prend au sérieux les rencontres de catéchèse. Pour lui, il ne s’agit pas d’un cumul de connaissances mais de l’ouverture de son cœur à la Bonne Nouvelle qui transforme la vie.


Zéphyrin se sent appelé à communiquer ce qu’il apprend aux camarades. Il s’offre, alors comme auxiliaire de catéchiste. On lui confie un petit groupe d’enfants de l’Oratoire. Il les suit avec affection et responsabilité.


Son engagement chrétien va encore plus loin. D’une manière simple et spontanée, il invite ses camarades à s’approcher de Jésus. Dans son cœur se réveille de plus en plus le désir de servir le Seigneur pour que son règne vienne. C’est le désir de se donner complètement !


Il ouvre son cœur au Père Joseph Vespignani, son directeur spirituel. Avec lui, Zéphyrin fait un chemin de discernement pour découvrir le projet du Seigneur sur lui. Il travaille ses tendances naturelles pour dépasser ses défauts et orienter toutes ses énergies vers le bien.


L’adolescent mapuche admire avec grande joie la mission que Monseigneur Jean Cagliero (13) réalise dans sa tribu. Il prépare son papa, le cacique Namuncurà, à la Première Communion et à la Confirmation qui ont eu lieu le 25 mars 1900. Lorsque Monseigneur était de passage à Buenos Aires, il transmet à Zéphyrin les activités de la mission en Patagonie. Un jour de fête et en hommage à Mgr Cagliero, Zéphyrin dira publiquement : «  Moi aussi, je veux être salésien et j’irai avec Mgr Cagliero en Patagonie pour apprendre à mes frères le chemin du ciel, comme il me l’a enseigné ».


Toujours joyeux


Beaucoup d’élèves se moquaient de Zéphyrin et de son père à cause de l’espagnol mal parlé mais il a gagné le cœur de tous très vite par sa bonté, sa sympathie et ses habilités indigènes. Plusieurs témoins ont dit :


« Nous nous souvenons de ses grands yeux innocents et limpides, de son sourire lumineux. Il sortait de la chapelle et semait la joie autour de lui ».


« Il jouait avec ses camarades, toujours souriant, poli et joyeux ».


« Au réfectoire il nous servait le repas. Il avait un sourire pour chacun. Là où se trouvait Zéphyrin régnait une ambiance de joie ».


Zéphyrin riait spontanément, inventait des petites chansons et danses pour amuser ses camarades. Il avait appris une mélodie italienne et en a composé un refrain pour rendre hommage à n’importe qui, pour donner la bienvenue à un supérieur ou pour fêter un anniversaire. Un témoin raconte :

« Nous avons entendu sa voix sonore et bien accordée qui chantait :

Funiculi, funiculà

Vive le Père Gherra

Et Namuncurà.

On a l’impression de le voir en train de sauter au rythme de sa chanson. Il souriait avec son âme ouverte et franche ».


Il ne perdait pas l’occasion de chanter des petits refrains en langue mapuche et de montrer les pas bien rythmés de ses danses traditionnelles.


Quelques années plus tard et déjà gravement malade, le 8 août 1903, il écrit au Père Pogliese qu’il a essayé de contenir ses envies de rire pour éviter les accès de toux.


Sentiments nobles


Les personnes qui l’ont connu de près, remarquent les sentiments affectueux et de reconnaissance qu’il avait pour sa famille. Voilà deux témoignages :

« Ce qui a attiré mon attention était l’amour qu’il manifestait à son père âgé »


« Il aimait beaucoup son vieux papa, sa maman très estimée par tous, ses frères et sœurs. Il aimait tous les membres de sa tribu ».



Ses lettres aussi font preuve de ses nobles sentiments. Lors de son séjour en Italie, il écrit à son père :

« J’aimerais en ce moment, être à côté de vous et manifester le désir de mon cœur…Je ne vous oublie pas, ni vous ni le reste de la famille…Je vous salue tous ! » (Lettre du 22 août 1904)









A Monseigneur Cagliero, tout particulièrement, il montre sa reconnaissance. Dans sa lettre du 26 août 1903, il le remercie de l’aimer, d’aimer sa famille et les gens de sa tribu.


Quand son père lui donnait les nouvelles de sa famille, Zéphyrin était très heureux.



Le chemin de la croix


Zéphyrin, élève de l’école Saint François de Sales, vit des grands moments de joie, mais il connaîtra aussi le chemin de la croix.


La première expérience forte de souffrance est l’exclusion de sa mère de la tribu. En effet, Namuncurà jouissait du privilège mapuche d’avoir plusieurs femmes. Une fois qu’il décide de devenir chrétien et de régler le mariage selon la coutume de l’Eglise Catholique, il choisit une de ses femmes : Ignacia Rañil qui était la plus jeune. Le mariage a lieu le 12 février 1900. La mère de Zéphyrin reste libre de tout engagement vis – à – vis du cacique, mais aussi elle se voit abandonnée. Anibal, frère de Zéphyrin raconte que « sa mère a cherché une autre tribu mapuche et après un temps elle trouve refuge dans celle de Yanquetruz. François Coliqueo la prend comme épouse ».


Comment Zéphyrin a vécu cet événement de famille ?

Des sentiments très confus habitaient son cœur. Il admirait et aimait son père. En sa mère, Zéphyrin éprouvait des sentiments de tendresse. D’un côté, il a la joie de savoir que son père fait le mariage chrétien et de l’autre, il sent la peine de penser à sa maman abandonnée et obligée de quitter la tribu.


Peu de temps avant de mourir, Zéphyrin envoie une carte postale à sa maman, dans laquelle il dit : «A ma chère maman Rosaria, Félicitations ! » Au verso de la même, il exprime son amour, sa tendresse et sa reconnaissance. Il demande à Dieu et à la Vierge Marie de rendre sa maman, heureuse ! Zéphyrin demande pour sa maman des jours de joie et de consolation. Il lui envoie toujours des lettres qui manifestent de son affection et sa solidarité.


Vers la fin de l’année 1901, une nouvelle croix marque la vie de Zéphyrin. Les symptômes de la tuberculose se manifestent. Les supérieurs décident de l’envoyer à Uribelarrea. Dans cette école agricole salésienne il avait déjà passé les grandes vacances. L’air pur de la campagne l’aidera à se rétablir.


Zéphyrin ne se décourage jamais. Il est uni à Jésus présent au Sacrement de l’Eucharistie. On lui confie la responsabilité d’être sacristain. Il offre aussi des précieux services comme assistant. Sa présence éducative au milieu des élèves est très appréciée. Le Père Heduvan nous a laissé un intéressant témoignage :

« Durant ces derniers mois de l’année 1902, ce jeune a toujours montré une grande piété et une manière d’être qui le caractérise. Il est très apprécié par les enfants et élèves de l’école d’agriculture. Je ne me rappelle pas que l’un d’eux ait manqué de respect ou ait désobéi au jeune assistant ».


Mais malheureusement, la maladie continue son cours. Les supérieurs pensent que Zéphyrin sera mieux à Viedma et qu’il pourra se rétablir en respirant l’air pur de la Patagonie.


Zéphyrin à Viedma


En janvier 1903 Zéphyrin va à Viedma. Cette ville était, pour les salésiens, un point important, le siège de l’évangélisation de la Patagonie. L’école salésienne Saint François de Sales jouissait d’un merveilleux climat de confiance, ferveur spirituel et esprit de famille entre éducateurs et élèves. Zéphyrin s’est retrouvé bien à l’aise.


Auguste Valle, l’un de ses compagnons de l’internat racontait : « Nous étions peu nombreux et nous nous aimions comme des frères. Je n’ai pas vécu dans ma vie une expérience d’amitié sincère comme celle des années d’élève à l’école Saint François de Sales… Nous, les élèves de 6ème (ce qui correspond à notre CM2) partagions avec les Pères et les Frères Coadjuteurs, les jeux de tous les jours dans la simplicité, avec un esprit taquin pour les uns et un peu naïf pour les autres. Ces blagues se prolongeaient parfois en dehors des moments de recréation. Cette convivialité donnait à l’école, une ambiance de famille que seulement Don Bosco, Mgr Cagliero et le Père Vacchina pouvaient former. »


Il y avait, en plus, un petit groupe de jeunes qui désiraient devenir salésiens : les aspirants. Lors qu’ils apprennent que Zéphyrin veut aussi être salésien, ils l’accueillent avec une grande joie. C’est dans cette ambiance que Zéphyrin continue à faire de sa vie un don au Seigneur. Il continue à fournir des efforts pour réussir les études. A la récréation, il est un excellent animateur. Zéphyrin a toujours des bonnes initiatives pour amuser les enfants. Il pratiquait des petits tours de magie et ses compagnons, surpris, l’appellent « magicien ». Il organisait des compétitions qui attiraient les jeunes : la course des bateaux sur le canal et le tir à l’arc.


Ici, à Viedma, on lui confie encore la responsabilité d’être sacristain. Zéphyrin remplira cette tâche avec tous les soins qu’elle comporte, mais la maladie continue de le ronger.


A cette époque, le Père Garrone et don Artémides Zatti faisaient partie de la communauté de Viedma. Le Père Garrone n’était pas médecin, pourtant il avait une grande capacité pour diagnostiquer et traiter les maladies. Les gens lui faisaient grandement confiance. Don Artémides Zatti, jeune coadjuteur de 22 ans, était, comme Zéphyrin, malade de tuberculose. Le Père Garrone soignait tous les deux avec les moyens de son temps. Tous les matins, il leur préparait un bon morceau de viande grillée, un petit verre de vin et du pain. Les soirs, Artémides et Zéphyrin devaient se promener dans la ferme, respirer de l’air pur, ramasser des œufs et prendre un bon cocktail. Le Père Garrone ajoutait à cette recette le soutien et l’affection fraternelle qui contribue énormément à remonter les malades. Don Zatti se souvient des paroles reconnaissantes de Zéphyrin en témoignant lors du début de la cause de canonisation, à Viedma :

« Qu’ils sont bons nos supérieurs ! Ils nous aiment comme s’ils étaient notre père et notre mère. Prions pour eux le chapelet ! »


Nous avons un précieux document de Zéphyrin lorsqu’il était à Viedma. Il s’agit des feuilles de ses devoirs de classe. Aux marges de ces feuilles il y a des petites inscriptions : « Vive Jésus ». « Seigneur, tout cela je te l’offre par amour ». Ces phrases témoignent de son union avec Jésus, source de joie et de force spirituelle.


Ses camarades ont témoigné de son amabilité permanente, de sa joie et de sa sollicitude pour s’approcher et accompagner ceux qui étaient tristes.


Zéphyrin était bien à l’aise et joyeux dans l’ambiance des écoles salésiennes, pourtant il n’a jamais cessé de manifester son désir de retourner en Patagonie pour être utile aux siens. A mesure qu’il progressait dans la vie chrétienne, ce rêve se transformait en appel missionnaire et cela ne nous étonne pas parce que Zéphyrin est de plus en plus fasciné par le Christ. Il veut annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus à ses frères de race. A ce propos, Zéphyrin disait : « Ils sont nombreux ceux qui ignorent que Jésus a versé son Sang pour nous sauver ».



Le difficile chemin de sa vocation


Zéphyrin fait parti du groupe des aspirants à la vie salésienne. Il participe aux réunions de formation et il est considéré comme tel par ses compagnons, pourtant il rencontre de sérieuses difficultés pour porter en avant son projet.


Premièrement, il faut savoir que Zéphyrin était enfant naturel, puisque son père, polygame n’était marié ni légalement ni à l’Eglise. En ce temps – là cette condition pesait beaucoup pour être admis comme candidat à la vie sacerdotale.


Deuxièmement, un fait attire notre attention : malgré sa constante préoccupation pour obtenir son Acte de Baptême, il n’a pas pu l’obtenir et celui – ci faisait partie de la documentation exigée pour avancer dans sa vocation.


Mais le facteur majeur était sa faible santé brisée par la tuberculose, étant donné qu’avoir une bonne santé est une condition importante pour ceux qui se sentent appelés à la vie religieuse salésienne.


Cette année – là, la construction de l’école Marie Auxiliatrice de Patagones, ville proche de Viedma, s’achevait. Les dix-huit aspirants passent, alors à l’ancienne maison de sœurs salésiennes mais les supérieurs décident que Zéphyrin reste à Viedma. Le Père De Salvo, faisait partie, cette année-là, du groupe des dix-huit aspirants. Voyons comment il nous transmet cet événement :


« Nous étions dix-huit aspirants. Mais nous avons connu une tristesse : Zéphyrin devait se séparer de nous. Sa santé, extrêmement délicate, demandait des soins particuliers. Zéphyrin était obligé de nous abandonner. Je n’oublierai jamais cette scène. C’était la fin de la journée du 13 juin 1903. Le Père Vacchina qui passait la plus part du temps avec nous, ne pouvait pas dissimuler son état émotif au moment de la séparation. Il nous a réunis autour de lui pour nous donner les derniers conseils avec des paroles entrecoupées par ses sentiments. Ensuite, il se reprend et nous raconte des blagues. Nous l’avons remercié avec respect. L’œil attentif du Père Vacchina a attiré son attention sur Zéphyrin, son préféré, qui dans un coin, la tête basse, avait déjà les larmes aux yeux. Je me souviens très bien ! Le Père Vacchina a pris courage pour maîtriser son émotion et disait : Zéphyrin, viens ici ! Dis au revoir à tes camarades. Allez ! Il faut être courageux, n’est-ce pas ? Tu ne vois pas que je ne pleure pas ? Ensuite, avec une voix plus forte encore pour étouffer l’émotion, il nous dit : Et vous ! Qu’est-ce que vous faites avec le visage attristé ? Ce n’est pas la fin du monde ! Après avoir dit ces paroles, il s’excuse et se retire un instant. Nous avons entouré Zéphyrin et nous l’avons salué sans dissimuler la tristesse causée par cette séparation ».


Le 18 juillet 1903 Zéphyrin écrit une lettre au Père Beraldi. Il lui manifeste sa grande tristesse de ne pas pouvoir continuer avec ses camarades, compte tenu de son état de santé. « Combien j’ai souffert !» dit Zéphyrin dans sa lettre avec la sincérité de toujours. Pourtant il signale aussi la source de force et consolation :

« A Viedma, on m’a confié le doux travail de sacristain de l’école, tâche vraiment enviable ! C’est très beau d’être proche de Jésus, prisonnier d’amour dans le saint Tabernacle. »


Dans sa démarche de chrétien, Zéphyrin trouve, à cette étape, la croix. Cette séparation du groupe des aspirants fut très douloureuse. Elle se présentait comme une barrière sur le chemin de sa vocation. Dieu, pouvait-Il lui demander de renoncer à ce que Lui-même a suscité dans son cœur ? Il s’agit d’être disposé à tout donner, même ce qui est très intime et cher.


Les aspirants occupent l’ancienne maison des sœurs salésiennes, située dans la ville voisine. Zéphyrin continue de les visiter et de les combler de marques d’attention. Cela montre le bon cœur du jeune mapuche, pur de tout sentiment de jalousie. Quelques camarades témoignent lors du procès de béatification : « Nous avons apprécié sa manière exemplaire d’agir. Nous étions fiers de mériter ses marques d’attention, d’éprouver son affection fraternelle et d’être ses camarades. Nous avons eu toujours la certitude que notre compagnon était vraiment un saint ! »


Une autre lettre de cette époque nous montre sa foi profonde :

« Mon excellent confesseur m’a permis de communier chaque jour et j’essaye de le faire avec ferveur. Si maintenant je goûte la douceur de l’amour de Jésus, c’est grâce à vous, très cher Père Jean, qui en inspirant à mon pauvre cœur l’amour de la Vierge Marie, m’a conduit, sans que je me rende compte, à connaître et à aimer Jésus ».


Zéphyrin a fait l’expérience de l’amour gratuit de Dieu qui l’a conduit avec amour à la connaissance et à la rencontre avec Jésus. Il ne l’attribue pas à ses capacités et efforts, mais à l’amour même de Dieu. Ensuite, il remercie pour le don de la foi chrétienne en disant qu’il a pénétré jusqu’au plus profond de son âme.


A mesure que le temps passe, la maladie s’aggrave. Zéphyrin crache encore du sang. Monseigneur Cagliero décide, comme dernier recours de l’amener en Italie pour voir si la médecine de l’Europe pourrait sauver sa vie.


Le voyage en Italie


La nouvelle de son voyage en Italie a une double résonance en Zéphyrin. D’une part, la joie de connaître le pays de Don Bosco, le cher prêtre qui a rêvé la Patagonie et a envoyé les missionnaires pour évangéliser les indiens. D’autre part, son cœur souffre à la seule pensée de s’éloigner de l’ambiance familiale de Viedma où supérieurs, éducateurs et éduqués formaient un seul cœur et une seule âme. Partir en Italie veut dire s’éloigner encore plus de sa famille et de sa terre, mais c’est chose faite!


Le 6 juillet 1904, Zéphyrin quitte Viedma, accompagné de Monseigneur Cagliero et du Père Garrone. Ils s’arrêtent quelques jours à Buenos Aires. Là, il vit des moments de joie intense : les retrouvailles avec ses compagnons et supérieurs de l’école Pie IX. Tous remarquent comment Zéphyrin a dépéri. Le Père Vespignani l’interroge personnellement sur l’état de sa santé. Il lui répond : « Plus ou moins » et confesse qu’il a craché du sang plusieurs fois.


Arrivé en Italie, Zéphyrin passe d’une découverte à une autre. Il vit en profondeur chaque moment, non à la manière d’un touriste, mais comme un croyant qui sait valoriser les lieux significatifs de la foi chrétienne. Il envoie une énorme quantité de lettres et cartes postales à ses parents, supérieurs, pères missionnaires et amis.


La visite au successeur de Don Bosco, Don Michel Rua, très émouvante, l’a secoué intérieurement. Lui aussi s’est fait aimer par sa simplicité et sa transparence. Il rencontre plusieurs personnalités de la société et de l’Eglise. D’autres personnes montrent l’intérêt de connaître le fils du cacique de la Patagonie. Curiosité ? Vrai intérêt ? Snobisme ou frivolité ? Nous ne le savons pas, mais Zéphyrin ne se laisse pas perturber ni par les personnages ni par les honneurs. Il reste humblement ce qu’il est : l’enfant d’une race qui a beaucoup souffert, le fils d’un « lonco » qui a tout laissé pour défendre les intérêts et les droits de siens. Zéphyrin est toujours égal à lui-même, sans masque ni apparence aucune. L’authenticité de sa personne rend agréables les relations avec lui.


Son séjour à Turin est marqué par trois occupations. Premièrement, il prend le temps de prier. Il passe des moments intensifs de contemplation. Au Sanctuaire de Marie Auxiliatrice, il profite pour dialoguer dans l’intimité avec Jésus présent dans l’Eucharistie. Deuxièmement, il maintient un contact épistolaire avec sa famille. Zéphyrin n’oublie jamais les siens. Troisièmement, il visite les communautés salésiennes, accompagné presque toujours par Monseigneur Jean Cagliero.


Le 19 septembre 1904 Zéphyrin va à Rome et une semaine plus tard il a la joie de rencontrer personnellement le Pape Pie X. Le jeune mapuche prononce quelques phrases en italien. Le Pape s’entretient avec intérêt et lui donne sa bénédiction extensive à toutes les personnes de sa tribu. Quand tout le monde s’est retiré, le secrétaire privé du Pape appelle Zéphyrin et le conduit au bureau du Saint Père où celui-ci l’attend avec joie. Le Pape salue encore Zéphyrin et lui donne une belle médaille comme souvenir de sa visite. Zéphyrin se comporte avec simplicité et politesse. Il rayonne d’une sagesse pleine d’humilité et de discrétion qui étonne tout le monde.


Le 21 novembre de cette année, Zéphyrin rentre à l’école salésienne de Frascatti comme élève. Là, il passe des moments de profonde solitude. Il ne cesse pas de faire des efforts pour avancer dans les études malgré la difficulté d’une troisième langue, l’italien. Il maintient la communication avec les siens et les salésiens de l’Argentine en envoyant des lettres. Il a marqué les élèves de l’école de Frascatti par son esprit de prière, son amour à Jésus Eucharistie, son humilité et sa douceur de caractère.



Sa mort


Le moment du don total approche !

Au début de mars 1905, Zéphyrin ne peut plus continuer les études. Le 28 mars, il est hospitalisé à Fatebenefratelli, Centre Hospitalier des frères de Saint Jean de Dieu. Ceux qui l’ont connu à l’hôpital témoignent d’une manière unanime sur son esprit de prière, sa disponibilité pour faire la volonté de Dieu et son courage dans la souffrance.


Le prêtre Joseph Ioria, infirmier, allait souvent lui rendre visite. Il nous raconte comment Zéphyrin a vécu sa douloureuse maladie : « Jamais nous ne l’avons vu se plaindre, pourtant, seulement en le regardant, il nous faisait pitié. On avait envie de pleurer en voyant sa grande souffrance. Mais il oubliait son état pour penser aux autres. A côté de son lit, était couché un jeune de la maison salésienne. Comme Zéphyrin, il était dans l’étape terminale de la tuberculose. Zéphyrin l’encourageait avec des paroles d’amour et lui apprenait à tout offrir à Jésus ».


Trois jours avant de mourir, il disait au Père Joseph Iorio : « Mon Père, bientôt je vais partir. Je vous recommande ce pauvre jeune qui est à côté de moi. Venez le visiter souvent. Si vous saviez combien il souffre ! La nuit, il ne dort pas, il tousse, et il tousse !». Pourtant Zéphyrin était pire que son voisin. Lui aussi, passait des nuits blanches.


A l’hôpital, malgré son extrême faiblesse, il prend courage pour écrire à son père Emmanuel une lettre très affectueuse afin de le tranquilliser concernant l’état de sa santé.


Tous ceux qui l’entouraient pendant les derniers jours de sa vie, témoignent de ses vertus extraordinaires et surtout de l’acceptation sereine de sa douloureuse maladie.


Le médecin directeur de l’Hôpital disait que Zéphyrin avait une force spirituelle et une capacité de jugement non communes par rapport à son âge.


Monseigneur Cagliero, son très cher ami et Père spirituel, resta à ses côtés jusqu’à la fin. Il lui donna les derniers sacrements. Selon les paroles de Monseigneur lui-même, « Zéphyrin était tranquille, soumis à la volonté de Dieu, souriant au milieu de ses souffrances ». Il s’éteint en silence le 11 mai 1905. Il est enseveli à Campo Verano, un petit cimetière de Rome. Son tombeau extrêmement simple, porte une croix en bois, son nom et la date de sa mort.


Après son décès, arrive à Rome une lettre de son père. Il lui donnait courage et lui rappelait qu’il est le fils du « seigneur des plaines de la Patagonie et le prince des guerriers ».

Emmanuel Namuncurà attendait la réponse de son très cher fils. Malheureusement il apprend que son fils est décédé. Quelques jours plus tard, le vieux cacique se rend à Buenos Aires pour remercier les salésiens de l’éducation chrétienne donnée à son fils préféré. Il s’est exprimé ainsi :

« J’ai beaucoup senti la mort de mon cher fils, loin de sa patrie, sans avoir la consolation de l’embrasser et de lui donner le dernier adieux. Mais ce qui me réconforte, est tout ce que l’inoubliable ami Monseigneur Jean Cagliero et les salésiens ont fait pour assister mon fils. J’accepte dans ma souffrance ce que Dieu a disposé. Je n’ai que des paroles de reconnaissance pour les salésiens qui l’ont éduqué ainsi qu’à ses frères, mes enfants. »


Trois ans plus tard, Emmanuel Namuncurà meurt au milieu de son peuple, à l’âge de 97 ans.

Le message de sa vie


« Dieu ne sommeille pas » (Ps 121, 4). Dieu travaille en silence dans le cœur des personnes. Il veille sur nos peuples et rien n’échappe à son amour de Père. Il suscite des saints dans tous les milieux et à toutes les époques pour qu’ils nous éclairent sur notre manière de vivre.


La vie accomplie et bien réussie du jeune mapuche qui a vécu seulement 18 ans, est un précieux exemple de courage face aux difficultés. Sa joie et son sens de responsabilité pour accomplir ses devoirs, sont de beaux exemples pour stimuler la jeunesse à cultiver les valeurs de la générosité et de la solidarité.


Nous proposons cinq aspects de la vie de Zéphyrin pour susciter une réflexion personnelle ou en groupe.


1 – L’amour pour sa famille :

Zéphyrin avait un amour profond et sincère pour sa famille. Dans son enfance, à Chimpay il a jouit de la vie familiale. Il écoutait avec grand intérêt et respect les conseils de son père. Il aidait sa mère dans les travaux ménagers. Lorsqu’il a été loin de son milieu, il a su entretenir de bonnes relations avec les siens, par les lettres expédiées surtout à son père et par le dialogue avec les missionnaires salésiens lors de leurs tournées pastorales.


Dans sa dernière lettre à son père, il dit :

« Je vous remercie pour votre résignation à sacrifier des années sans nous voir… Mille bisous. Je vous embrasse ! Cher papa, je vous demande votre paternelle bénédiction et croyez-moi votre fils affectionné qui désire vous embrasser ».


L’amour pour sa famille se concrétisait par le respect, le service et sa participation à la recherche de solutions pour les graves problèmes de pauvreté et de marginalisation de son ethnie.


Aujourd’hui, nous remarquons, dans nos familles, le manque d’unité et de solidarité. Les relations entre parents et enfants se sont détériorées à cause du manque de responsabilité, de l’indifférence et de l’individualisme.


  • Comment vivons-nous en famille ? Avons-nous les sentiments de respect et l’attitude d’écoute envers nos parents ?

  • Participons-nous aux soucis de notre famille ? (Réconciliation, manque de moyens économiques, pardon, membres souffrants et oubliés…)

  • En quoi, la vie de Zéphyrin Namuncurà nous éclaire sur nos devoirs envers notre famille ?


Les parents ont l’occasion de tirer une belle leçon de la vie de la famille Namuncurà :

Le respect et l’écoute sont des vertus pratiquées d’une manière réciproque dans la famille de Zéphyrin. Lorsqu’il décide d’aller étudier à Buenos Aires, son père l’écoute et respecte la liberté de son enfant, en voyant qu’il demande une bonne chose. De même quand il exprime son malaise à l’Ecole – Atelier de la Marine. Emmanuel Namuncurà écoute son enfant et l’accompagne d’un établissement à l’autre jusqu’à être sûr que son enfant est content et dans de bonnes mains.


  • Savons – nous écouter nos enfants, nos élèves et respectons – nous leurs bons choix ?

  • Accompagnons – nous nos enfants en faisant avec eux un discernement sur leurs projets ?


Une qualité d’Emmanuel Namuncurà est sa capacité de dialogue et son attitude de reconnaissance envers les salésiens de Don Bosco, éducateurs de ses fils.

  • En tant que parents, savons – nous dialoguer et collaborer avec les éducateurs de nos enfants ?

  • Avons-nous une claire conscience de notre responsabilité d’éduquer et d’accompagner nos enfants surtout dans l’âge de l’adolescence et la jeunesse ?


2 – L’enthousiasme pour connaître Jésus :

Connaître Jésus et son Evangile était la grande découverte de Zéphyrin. Nous en avons la preuve : les meilleures notes de ses bulletins étaient les notes de religion et conduite. Il participait avec enthousiasme à la catéchèse et aux concours de religion. Il ne s’agissait pas d’une instruction intellectuelle mais d’une « graine de vie nouvelle» accueillie dans la « bonne terre de son cœur ». La graine a donné du bon fruit. (Mt 13, 3 – 9). Zéphyrin laissait l’Evangile transformer sa vie. Il soignait la relation personnelle avec Jésus. C’était une amitié profonde, sincère et exigeante. Jésus a dit : « Vous êtes la lumière du monde ; vous êtes le sel de la terre » (Mt 5, 13 – 14). Zéphyrin ne restait pas passif. Cette catéchèse bien faite le poussait à être un disciple de Jésus parmi ses camarades.


  • Que signifie pour toi être catéchumène ou baptisé?

  • Es – tu assidu et persévérant dans le cheminement du catéchuménat ? Si tu es déjà baptisé, comment approfondis – tu ta foi ?

  • As – tu le souci de connaître l’Evangile  et de le lire?

  • En quoi cette catéchèse change et transforme ta vie ?



3 – L’identité culturelle et l’ouverture aux autres :

Zéphyrin était fier d’être mapuche. Cela veut dire qu’il était content du dessein de Dieu sur lui. C’est Dieu qui l’a appelé à la vie dans une ethnie déterminée et dans un territoire précis.


A l’âge de onze ans, il a quitté son milieu, pourtant il n’a pas oublié sa langue maternelle. Il dansait et chantait avec joie les rythmes de sa tradition. Il pratiquait les habilités propres des mapuches et les apprenait à ses camarades.


Pendant son enfance, au moment de la conquête des terres et de la formation de la Nation Argentine, être indien, ne pas bien parler l’espagnol (langue des colonisateurs) et s’habiller à la coutume, provoquait le mépris et la moquerie de gens, surtout des habitants de Buenos Aires, la grande ville. Il faut avoir une personnalité solide et une grande bonté de cœur pour pardonner et continuer à aimer ses origines.



A ce propos, Zéphyrin nous enseigne :


  • A être égal à soi-même sans mépriser les autres

  • A apprendre une autre langue, s’ouvrir à d’autres manières de vivre sans oublier les nôtres

  • A être sûr de soi – même et serein face au mépris et à la moquerie de l’entourage.


Nos quartiers et villes multiculturelles sont éclairés par le message de Zéphyrin. Il a été dans son temps, comme un pont entre deux cultures : la mapuche et l’occidentale. Par l’accueil et l’étude de l’Evangile, Zéphyrin a ouvert pour les siens, la porte aux valeurs venant d’ailleurs sans renoncer à son identité culturelle.


  • Connais – tu ton ethnie et ta tradition ?

  • Es – tu capable d’aimer ta culture sans mépriser celle des autres ? Es – tu ouvert aux valeurs des autres cultures ?

  • Tu vis dans un contexte multiculturel. Sais – tu faire la différence entre les aspects positifs et négatifs qui véhiculent les cultures de ton milieu ?

  • As – tu une mentalité ouverte pour aller au-delà des sentiments d’ethnocentrisme ou de régionalisme, en évitant toute ségrégation à cause de la nationalité et de l’ethnie du prochain ?


4 – L’amitié sincère et loyale :

La vie de groupe est le terrain naturel où l’enfant et le jeune apprennent à vivre en relation avec les autres. Un fruit précieux de cette vie de groupe est l’amitié. Par les jeux, l’étude et l’entraide aux moments de travaux communautaires, l’enfant et le jeune forgent les belles vertus de la vie sociale.


Zéphyrin a été un bon camarade, un ami sincère et loyal, prêt à pardonner et aussi à reconnaître ses torts. Joyeux et plein d’idées pour entretenir ses amis, organiser des compétitions et inventer des nouveaux jeux. Sa bonté de cœur et son humilité gagnaient la sympathie de tous. Il savait se faire aimer et respecter par ses camarades ainsi que par les plus petits.


  • Comment es – tu avec tes amis et camarades ?

  • En quoi l’exemple de Zéphyrin peut t’aider à améliorer les relations avec tes camarades ?

  • Si tu es animateur de l’Oratoire, quelle leçon peux – tu tirer de la vie de Zéphyrin pour être un bon disciple de Jésus parmi les enfants et les jeunes ?



5 – L’idéal de servir son peuple :

Celui qui a un idéal suit une lumière. Il est décidé à faire quelque chose de bien. L’idéal est une source de force, de courage et de dynamisme mettant la personne dans une démarche spirituelle vers sa réalisation.


Zéphyrin savait bien ce qu’il voulait. Il n’a pas quitté son milieu pour fuir de la misère ou pour goûter les nouveautés de la vie moderne de son temps. Il voulait étudier pour servir son peuple. La découverte de Jésus et de l’Evangile l’ont poussé plus loin dans la conquête de son idéal : le don total de lui-même. C’est ainsi que la vocation sacerdotale et missionnaire prend forme en lui et perfectionne son premier rêve. Il disait : « Ils sont nombreux ceux qui ne savent pas que Jésus a versé son sang pour nous sauver ». Zéphyrin veut être utile à son peuple par l’étude, le travail, l’éducation mais surtout en apportant la lumière de la foi chrétienne.


  • Tu es élève, étudiant ou bien tu apprends un métier. C’est déjà bien, mais que veux-tu faire de ta vie ? As – tu un idéal ?

  • De nombreux jeunes rêvent de partir loin pour chercher un futur meilleur. Que penses – tu par rapport à ce sujet ? Quels sont les aspects positifs et négatifs de tels projets ?

  • Penses – tu que ton pays a besoin de toi ?

  • Aimes-tu ton pays malgré les problèmes politiques et les difficultés économiques ?



LE MIRACLE DE LA BEATIFICATION


C’était en 2000. Valeria Herrera, jeune argentine de 24 ans connaît son terrible diagnostique : cancer à l’utérus. Elle, qui était dévote de Zéphyrin depuis son enfance, le prie d’un langage simple et familiale avec l’angoisse et l’espoir de celui qui veut vivre :


« Toi, qui étais jeune ! Toi qui as été malade dans ta jeunesse et qui as souffert d’être malade et plein d’envie de vivre ! Toi qui n’as pas pu réaliser ton rêve d’évangéliser les tiens !

Tu sais que j’ai travaillé pour les communautés indigènes ! Maintenant, fais le miracle avec moi ! »























La famille de Valeria s’unit à elle pour demander la grâce de la guérison.

Lorsqu’elle allait commencer le traitement de chimiothérapie, la femme médecin qui la suivait, constate avec surprise que la maladie a disparu.

Après la guérison, Valeria a enfanté trois belles filles, ce qui met en évidence la grandeur du miracle.

Joseph Kova, le mari de Valeria est né en Côte d’Ivoire. Valeria l’a connu à Ferkessedougou ville située au Nord de la Côte d’Ivoire. Actuellement, Joseph, Valeria et leurs enfants résident à Alta Gracia, Cordoba, province de l’Argentine. Joseph donne cours de français et d’anglais en plusieurs écoles de la ville.


Le 13 janvier 2006, la documentation du miracle et arrivée au Vatican. La Commission de la Congrégation pour la cause des Saints, composée de médecins et de théologiens analyse cette guérison afin de voir s’il y a une explication scientifique ou s’il s’agit d’un miracle.

Le 6 juin 2007, le Pape Benoît XVI a signé le décret qui déclare Zéphyrin Namuncurà, « Bienheureux ». La cérémonie s’est déroulée à Chimpay, son village natal. Le 11 novembre de la même année.

Zéphyrin est l’ami des pauvres et de ceux qui souffrent.

Machi en train de jouer le cultrun lors de la béatification de Zéphyrin Namuncurà, le 11 novembre 2007 à Chimpay.

(14 et 15)
































Prière :

Seigneur Jésus, nous te rendons grâce d’avoir appelé à la vie et à la foi, Zéphyrin Namuncurà, fils des peuples originaires de l’Amérique du Sud.

Lui, en se nourrissant de l’Eucharistie, a répondu à ton appel comme un bon disciple et missionnaire de ton Règne.

Il a décidé d’être utile à son peuple. Il s’est ouvert à l’évangile et il a pris avec joie sa croix de chaque jour. Nous te demandons par son intercession de nous accorder les grâces dont nous avons besoin.

(Chacun, en silence, demande des grâces selon les intentions de son cœur)


Que nous apprenions de lui :

  • L’amour pour sa famille et pour sa terre.

  • Le don joyeux et généreux de soi-même.

  • Son esprit de réconciliation et de communion.


Que nous puissions célébrer un jour avec lui et avec tous les saints la fête de la Pâques éternelle

Amen.


Prière

Zéphyrin, notre frère et notre ami, tu es un fruit précieux de l’Oratoire et de l’école salésienne.

Nous te rendons grâce pour ton témoignage de foi profonde, de joie et d’élan missionnaire.

Maintenant que tu vis dans la lumière de Jésus, rappelle-toi de nous, pèlerins sur cette terre vers le ciel.

(Chacun, en silence, demande les grâces selon les intentions de son cœur)


Intercède auprès de Jésus pour notre pays afin qu’il trouve les chemins de la réconciliation et de la justice.

Chez nous, il y a beaucoup de pauvres comme tu l’étais. Demande au Seigneur de les bénir, de les protéger et de nous illuminer pour que nous soyons plus solidaires.

Toi qui as tant aimé ta famille, intercède à notre faveur pour que dans chaque foyer il y ait plus de dialogue, de partage et d’amour.

Aide – nous à aimer Jésus et à nous confier pleinement en Lui puisqu’Il a versé pour nous son Sang précieux !

Amen.



CHRONOLOGIE DE ZEPHYRIN NAMUNCURA


1886 – Né à Chimpay, province de Rio Negro, Argentine, le 26 août, fils du cacique Emmanuel Namuncurà et de Rosario Burgos.


1888 – Zéphyrin est baptisé le 24 décembre par le Père Dominique Milanesio, missionnaire salésien.


1897 – Zéphyrin demande à son père de l’envoyer à Buenos Aires pour étudier et servir, plus tard à son peuple. Il est élève interne au collège salésien Pie IX, à Buenos Aires.


1898 – Il fait sa première Communion le 8 septembre. Il désire être prêtre.


1903 – Il se déplace à Viedma à cause de sa santé. Il continue ses études au collège salésien Saint François de Sales. Zéphyrin s’engage de plus en plus dans la pratique de la vie chrétienne. Il est admiré et apprécié par ses supérieurs et ses camarades.


1904 – Monseigneur Cagliero l’amène avec lui en Italie. Il visite le Pape Pie X. Il continue ses études dans les collèges salésiens. La tuberculose continue à détériorer sa santé. Malheureusement, il rentre dans la face finale de la maladie.


1905 – Zéphyrin meurt à Rome en odeur de sainteté le 11 mai à l’âge de18 ans.


1924 – Sa dépouille mortelle est rapatriée. Elles reposent à Fortin Mercedes, province de Buenos Aires, Argentine. A partir de cette date, des nombreux pèlerinages s’organisent pour prier sur sa tombe.


1944 – Le processus diocésain pour sa béatification exigé par l’Eglise, débute à Viedma.


1956 - Le processus pour la cause des saints, commence à Rome.


1972 – Le Pape Paul VI reconnaît l’héroïcité de ses vertus. Zéphyrin est déclaré Vénérable.


2007 – Le Pape Benoît XVI signe le décret qui reconnaît le miracle de la guérison de Valeria Herrera. Zéphyrin est proclamé Bienheureux à Chimpay, le 11 Novembre.


2009 - L’urne contenant les reliques du bienheureux Zéphyrin Namuncurá, a été transférée le 13 août, de Fortin Mercedes au village mapuche Saint-Ignace, dans la Province de Neuquén. Ainsi prend fin un processus commencé depuis longtemps par une requête formulée par la famille de Zéphyrin, qui avait manifesté à la Congrégation salésienne le désir de “rapatrier” les reliques.


Sa fête liturgique est le 26 août.


GLOSSAIRE


1 – Indigène : né dans le pays qu’il habite, aborigène, autochtone.


2 – Lonco : Chef ou cacique.


3 – Nguenechen : dieu des Mapuches


4 – Huecuvu ou Hualichu : esprit du mal.


5 – Nguillatun : célébration importante de la religion des Mapuches.


6 – Indien : nom général donné aux autochtones de l’Amérique. L’origine de cet usage remonte à l’époque de la découverte de l’Amérique par Christophe Colombe qui cherchait à aller en Inde.


7 – Malon : Stratégie de guerre propre aux peuples autochtones de l’Amérique. Les indiens utilisaient «el malon» pour défendre leur droit à la terre et pour attaquer les peuples qui s’installaient aux alentours de leurs propriétés.


8 – Dominique Milanesio : SDB, grand missionnaire de la Patagonie. Il connaissait la langue de Mapuches. Il était aimé et respecté par les indiens.


9 – Huinca : Le blanc, l’étranger, en langue indigène.


10 – Une lieue correspond à 5.572 mètres.


11 – Tango : Danse originaire de l’Argentine, de rythme lent, proche de la habanera.


12 – Les visites à Jésus présent dans l’Eucharistie, sont un précieux moyen d’union à Dieu. Ces quelques minutes d’adoration suffisent pour lui offrir le travail de la journée, demander une grâce, s’abandonner dans les mains de Dieu. Don Bosco et Marie Dominique ont beaucoup conseillé de rendre souvent visite à Jésus, prisonnier d’amour dans le Tabernacle.


13 – Jean Cagliero. Il était assidu à l’Oratoire de Valdocco et fait partie des premiers salésiens. Missionnaire et Evêque de la Patagonie.


14 – Machi : Femme intermédiaire entre les gens et le monde des esprits. Elle joue un rôle très important lors des cérémonies religieuses traditionnelles.


15 – Cultrun : Petit tambour de la Machi. Sur sa surface en cuir, sont dessinés les éléments de la cosmogonie mapuche



A la fin du XIX siècle, l’Argentine était en train de s’organiser comme un territoire national.


Le nord de la Patagonie était le territoire des Mapuches. Le sud était le domaine d’autres ethnies autochtones.


Les villes signalées sont les plus significatives dans la vie de Zéphyrin :

Chimpay : son village natal.

Buenos Aires, Almagro, où il a étudié.

Viedma : Maison salésienne pour les aspirants à la vie religieuse salésienne.