08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons

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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L’ÉGLISE
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
ET HONORÉE D'UN BREF DE SA SAINTETÉ
PUBLIÉE SUR L'INVITATION DE MGR ISOARD, ÉVÊQUE D'ANNECY,
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE D'ANNECY
TOME VIII
SERMONS VOLUME II
ANNECY
IMPRIMERIE J. NIÉRAT
RUE DE LA RÉPUBLIQUE
MDCCCXCVII
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Deuxième édition
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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
TOME HUITIÈME
SERMONS
IIe VOLUME
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1.3 Page 3

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GENEVE H. TREMBLEY, LIBRAIRE, RUE CORRATERIE, 4
Dépositaire principal
ANNECY ABRY, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉVÊCHÉ, 3
PARIS VICTOR LECOFFRE, RUE BONAPARTE, 90
LYON EMMANUEL VITTE, PLACE BELLECOUR, 3
BRUXELLES SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, RUE TREURENBERG, 16
MARSEILLE LIBRAIRIE SALÉSIENNE, RUE DES PRINCES, 78
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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRES LES AUTOGRAPHES ET LES EDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
ET HONORÉE D'UN BREF DE SA SAINTETÉ
PUBLIÉE SUR L'INVITATION DE MGR ISOARD, ÉVÊQUE D'ANNECY,
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE D'ANNECY
TOME VIII
SERMONS VOLUME II
ANNECY
IMPRIMERIE J. NIÉRAT
RUE DE LA RÉPUBLIQUE
MDCCCXCVII
Droits de traduction et de reproduction réserves
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Index OCR
Index OCR................................................................................................................................................ 6
Avant-Propos............................................................................................................................................ 9
Avis au Lecteur ...................................................................................................................................... 16
Première série. Sermons reproduits d'après les autographes .................................................................. 17
LXVI. Sommaire d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême .................. 17
LXVII. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême .................. 20
LXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême............................ 22
LXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême ........................ 24
LXX. Plan d'un sermon sur la sainte Communion ............................................................................. 26
LXXI. Plan d'un sermon pour le Dimanche de la Passion ................................................................. 28
LXXII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Ascension ........................................................................ 32
LXXIII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent .............................................. 36
LXXIV. Plan d'un sermon pour la fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge................... 37
LXXV. Fragment d'un sermon pour la fête de saint Jean l'Evangéliste ............................................. 40
LXXVI. Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents............................................................ 41
LXXVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie...................................................................... 44
LXXVIII. Sermon pour le mercredi des Cendres............................................................................... 48
LXXIX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent ............................................ 59
LXXX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent .............................................. 61
LXXXI. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent .......................................... 63
LXXXII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent ............................................ 66
LXXXIII. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent ........................................ 68
LXXXIV. Sermon pour le mercredi des Cendres............................................................................... 70
LXXXV. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph .................................................................... 78
LXXXVI. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême ........................ 80
LXXXVII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le quatrième Dimanche de Carême ................. 85
LXXXVIII. Sommaire d'un sermon sur la sainte Croix ..................................................................... 88
LXXXIX. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge.................................. 90
XC. Plan d'un sermon pour le dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte....................................... 94
XCI. Fragment d'un sermon pour la fête de la Purification................................................................ 97
XCII. Plan d'un sermon pour le quatrième Dimanche après Pâques .................................................. 99
XCIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Pentecôte....................................................................... 102
XCIV. Exorde d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent................................................ 105
XCV. Plan d'un sermon pour la veille de Noël ................................................................................ 106
XCVI. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph ...................................................................... 110
XCVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge .................................... 113
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XCVIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge ....................................... 117
XCIX. Plan d'un sermon pour le vingt-et-unième Dimanche après la Pentecôte ............................. 122
C. Plan d'un sermon pour le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte ..................................... 125
CI. Sommaire d'un panégyrique de saint Charles Borromée ............................................................ 128
CII. Plan d'un sermon pour la veille de Noël.................................................................................... 130
CIII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie.................................................................. 133
CIV. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême ................. 135
CV. Fragment d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême ............................................... 137
CVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le Dimanche de la Passion ...................................... 139
CVII. Fragment d'un sermon à l'occasion de prières publiques ....................................................... 141
CVIII. Sommaire d'un sermon sur la Pénitence ............................................................................... 142
CIX. Sommaire d'un sermon pour la fête de la Purication ............................................................... 144
CX. Paraphrase du Psaume CXXIV ................................................................................................. 146
CXI. Fragment d'une homélie sur l'histoire de Jacob ....................................................................... 152
CXII. Seconde homélie sur le même sujet ....................................................................................... 155
CXIII. Fragment d'une autre homélie sur le même sujet .................................................................. 161
CXIV. Sermon préliminaire sur le Benedictus pour le premier dimanche de l'Avent ..................... 162
CXV. Sommaire d'un sermon sur le premier verset du Benedictus, pour le deuxième Dimanche de
l'Avent .............................................................................................................................................. 168
CXVI. Sermon sur le deuxième verset du Benedictus ..................................................................... 169
CXVII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus ............................................ 179
CXVIII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus........................................... 182
CXIX. Plan d'un sermon sur le cinquième verset du Benedictus ..................................................... 185
CXX. Recueil de notes pour le Carême de Grenoble ....................................................................... 188
CXXI. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de Carême ............................................ 195
CXXII. Plan d'un sermon pour le lundi après le premier Dimanche de Carême.............................. 200
CXXIII. Plan d'un sermon pour le mardi après le premier Dimanche de Carême ........................... 204
CXXIV. Plan d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême ...................... 207
CXXV. Plan d'un sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême .............................. 211
CXXVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême ...................... 214
CXXVII. Plan d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême .............................................. 218
CXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême ...................... 221
CXXIX. Plan d'un sermon pour le mardi après le deuxième Dimanche de Carême ........................ 224
CXXX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême .................... 229
CXXXI. Plan d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême ......................... 232
CXXXII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême .................. 235
CXXXIII. Plan d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême.............................................. 239
CXXXIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le troisième Dimanche de Carême ....................... 243
CXXXV. Plan d'un sermon pour le mardi après le troisième Dimanche de Carême ....................... 246
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CXXXVI. Plan d'un sermon pour le mercredi après le troisième Dimanche de Carême ................. 250
CXXXVII. Plan d'un sermon pour le jeudi après le troisième Dimanche de Carême ...................... 254
CXXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême ................... 257
CXXXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le quatrième Dimanche de Carême ................ 260
CXL. Plan d'un sermon pour le jeudi après le quatrième Dimanche de Carême.............................. 263
CXLI. Sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême ............................................... 266
CXLII. Sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême........................................ 272
CXLIII. Sommaire d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême ....................................... 277
CXLIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême.......................... 279
CXLV. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste................................................................... 282
CXLVI. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste.................................................................. 286
CXLVII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge ........................ 291
CXLVIII. Recueil de notes pour l'Avent .......................................................................................... 293
CXLIX. Sommaire d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent ........................................ 296
CL. Plan d'un panégyrique de sainte Geneviève .............................................................................. 298
CLI. Notes d'un sermon pour la fête du Saint Sauveur .................................................................... 301
CLII. Sommaire d'un sermon pour le Dimanche de la Septuagésime .............................................. 303
CLIII. Notes d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême........................... 306
CLIV. Sermon pour la fête de saint Joseph ...................................................................................... 308
CLV. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge.............................. 311
CLVI. Sermon pour la fête de saint Philippe et de saint Jacques, et pour le cinquième Dimanche
après Pâques ..................................................................................................................................... 312
CLVII. Recueil de notes sur divers sujets ........................................................................................ 316
CLVIII. Sermon pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix ....................................................... 319
CLIX. Fragment d'un sermon pour la fête de l'Ascension................................................................ 323
CLX. Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ
.......................................................................................................................................................... 325
Table de provenance des Autographes reproduits dans ce volume ...................................................... 331
Ordre des Sermons dans le grand Manuscrit de Turin ......................................................................... 332
Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui qui se
trouvent dans le deuxième volume des Sermons de Saint François de Sales....................................... 335
Table des matières ................................................................................................................................ 337
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Avant-Propos
I
Ce second volume des Sermons est le plus remarquable de toute la collection des Œuvres
de saint François de Sales au point de vue des matières inédites dont il est enrichi. On pourrait
même dire que le volume entier est inédit, puisque sur les quatre-vingt-quinze pièces qu'il contient,
neuf seulement ont été précédemment publiées.
Mais, à l'importance des matières, ce volume joint un autre mérite; car nous pouvons
affirmer qu'il n'est aucune partie de la publication dont les éditeurs soient en mesure de garantir
l'authenticité d'une manière aussi absolue. Pour les ouvrages précédents, il leur a fallu souvent se
contenter de fixer le texte d'après les éditions princeps; quant à celui-ci, ils ont eu les Autographes
entre les mains durant plusieurs années, ce qui leur a permis d'en contrôler avec un soin minutieux
toutes les spécialités, d'étudier et de reproduire les abréviations, les renvois, les notes marginales,
etc.
L'ordre chronologique suivi dans le tome VII pour la répartition des pièces, est conservé
en celui-ci; les conjectures qui en justifient le classement sont même beaucoup mieux fondées;
mais il n'a pas été ordinairement besoin de recourir à des conjectures, car la majeure partie des
sermons sont datés par le saint Orateur lui-même. [V] Dans le cas contraire, la date attribuée à
chaque pièce est justifiée par une note spéciale.
Cependant, nous ne nous le dissimulons pas, après la lecture du volume précédent, celui-
ci réserve peut-être quelque déception à une certaine classe de lecteurs. Ils se persuadent que saint
François de Sales, fidèle à la coutume prise en sa jeunesse d'écrire ses sermons in extenso, allait,
pendant la brillante période de son épiscopat, composer des discours encore plus étendus et rédigés
avec plus de perfection. Ainsi devaient procéder un peu plus tard les maîtres de l'éloquence sacrée
en France; mais, pour l'Evêque de Genève, il n'en alla pas de la sorte. Libre de ses loisirs et défiant
de ses propres ressources, il avait pu, durant les premières années de son apostolat, donner
beaucoup de temps et de soin à la préparation de ses sermons; dans la suite l'Orateur est plus sûr
de son talent, ou plutôt le Saint se confie davantage en l'Esprit du Père céleste qui parle par sa
bouche. Il n'écrit plus de discours suivis: ce sont des sommaires, des plans, parfois des notes fort
brèves, une simple réunion d'extraits de la Sainte Ecriture. Mais à travers ces ébauches,
apparaissent fréquemment des divisions claires et méthodiques, des rapprochements inattendus,
des applications aussi neuves qu'ingénieuses des textes sacrés; toujours une profondeur de
doctrine, une richesse de pensées, une fraîcheur d'imagination qui étonne autant qu'elle ravit.
Qu'on nous permette de le dire, nulle part notre Saint n'est plus lui-même que dans ces
canevas tracés souvent à la hâte, et toujours sans prétention aucune de réputation et de gloire
humaine. Ordinairement il compose en latin, au courant de la plume, dans l'impétuosité de
l'inspiration; s'il arrive que l'expression propre lui échappe, sans s'interrompre, il l'écrit en français,
réunit parfois plusieurs synonymes, et passe outre avec autant d'aisance et de rapidité que s'il n'eût
rencontré aucune hésitation. D'autres fois, craignant de ne pas trouver dans la langue de Virgile
des nuances assez douces pour refléter toute la tendresse de ses sentiments, [VI] c'est une ou même
plusieurs phrases françaises qu'il intercale dans sa rédaction latine (voir, par exemple, p. 119). On
goûte un charme secret à le surprendre dans ce travail; et, pour peu que l'esprit soit accoutumé à
vivre dans l'intimité de notre Saint, il n'a pas de peine à saisir la pensée qu'il laisse inachevée, les
développements qu'il indique à peine, les comparaisons qu'il énonce à demi. C'est quelque chose
de la noble jouissance que ressent un amateur des beaux-arts lorsqu'il se trouve en présence de
l'œuvre à peine ébauchée d'un grand maître: la pureté des lignes lui laisse deviner ce que seront la
majesté de l'ensemble, la grâce des détails, le fini de l'ornementation, et ce qu'il pressent le ravit
plus encore que ce qu'il aperçoit. Telle est, nous n'en doutons pas, l'impression qu'éprouveront les
lecteurs de ce second volume des Sermons de saint François de Sales.
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Cependant, des jouissances d'un ordre plus élevé les attendent. Assurément on est
accoutumé à trouver dans l'Evêque de Genève l'homme supérieur, aussi remarquable par la
fécondité de son génie que par l'étendue de son érudition. Mais ici c'est le Docteur de l'Eglise qui
nous apparaît dans le plein exercice de sa mission; il enseigne avec une précision, une fermeté qui
subjuguent et ne laissent place ni au doute ni à la moindre tergiversation. A ses accents, on
reconnaît bien l'Apôtre du Chablais, prêchant avec autant de feu et plus d'éloquence encore que
dans sa jeunesse les dogmes fondamentaux de notre croyance: la vertu des Sacrements, l'autorité
de la Tradition, la divinité de l'Eglise, l'infaillibilité du Pontife romain. Ses discours, aussi bien
que le Traité des Controverses, contiennent des sentences qui, réfutant d'avance les hérésies
modernes, préviennent de trois siècles les décisions du Concile du Vatican. Il en est qui
mériteraient d'être écrites en lettres d'or, celle-ci par exemple (p. 286):
PAPA ERRARE NON POTEST EX CATHEDRA DOCENS. [VII]
II
Dans l'Avant-Propos du tome précédent, nous avons jeté un coup d'œil rapide sur la
première période de la carrière oratoire de saint François de Sales, période qui correspond à sa
prévôté (1593-1602). La seconde époque peut encore se subdiviser en deux parties très marquées:
l'une qui embrasse les six années comprises entre le sacre du saint Evêque et la composition de
l'Introduction à la Vie devote (1602-1608); l'autre, de moitié plus longue et aussi de beaucoup la
plus brillante, qui se prolonge jusqu'à la mort de notre Saint (1608-1622).
Quelque belles que fussent les années de sa jeunesse, elles n'étaient, comparées à celles de
son épiscopat, qu'une aurore auprès du plein midi. L'expérience acquise dans la mission du
Chablais, un séjour assez prolongé à Paris, pendant lequel il s'était mis en rapport avec les meilleurs
esprits de son temps, avaient développé en lui toutes les qualités qui constituent l'orateur: justesse
d'appréciation, élévation de pensées, onction pénétrante, sûreté et étendue de doctrine,
connaissance approfondie des besoins et des misères de ses contemporains. Que l'on joigne à ces
dons une diction toujours claire et soignée, la noblesse du geste, la grâce de l'élocution et par
dessus tout, le prestige de la sainteté, et l'on ne s'étonnera pas que l'Evêque de Genève ait possédé
au plus haut degré le don de convaincre les esprits et de toucher les cœurs.
On peut se figurer quelles sympathies lui étaient acquises, quand, à trente-cinq ans, il prit
possession de son siège épiscopal. Se souvenant que, d'après le Concile de Trente, «la prédication
est le principal devoir d'un Evêque,» notre Saint se prodigua sans mesure à son peuple. Sa parole
avait une puissance irrésistible et un [VIII] charme nouveau. Il ne paraissait plus seulement dans
la chaire comme un maître instruisant ses disciples, mais comme un père s'adressant à ses enfants;
il ne parlait plus seulement le langage de la persuasion, mais celui de l'autorité et de la tendresse
paternelles: aussi emportait-il d'assaut toutes les résistances. Ceux qui l'avaient une fois entendu
voulaient l'entendre encore, l'entendre toujours; et, conformément à la résolution qu'il avait prise
de ne jamais se refuser à personne, le saint Prélat prodiguait son zèle et son dévouement.
Malgré le surcroît de travail que lui imposait en ces débuts l'obligation d'étudier les besoins
de son diocèse et de prendre une foule de mesures administratives, il parvint à se ménager des
loisirs pour la prédication. Nous le voyons annoncer assidûment la parole de Dieu à Annecy et aux
environs pendant toute l'année 1603. Sa réputation se répandit au loin, et plusieurs villes de France
se disputèrent le bonheur de l'entendre; ce fut Dijon qui l'emporta en 1604. Et l'année suivante,
comme pour faire oublier les ovations reçues dans cette capitale de la Bourgogne, notre Saint
voulut prêcher la station quadragésimale dans la petite ville de La Roche. Son humilité se délecte
dans ces contrastes, si bien qu'après avoir excité pendant le Carême de 1606 l'admiration de la
noblesse et du Sénat de Chambéry, il veut se dédommager de ses succès en évangélisant ensuite
Rumilly, modeste localité de son diocèse.
Pendant cette période, outre qu'il réservait ses prédications de l'Avent à son cher peuple
d'Annecy, il lui rompait ordinairement le pain de la divine parole les jours de Dimanche et de fête,
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2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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si l'on en excepte le temps de ses visites pastorales. L'infatigable Prélat consacrait chaque année à
ces courses apostoliques trois mois entiers, pendant lesquels, selon le témoignage d'un déposant
au Procès de sa Béatification, il prêchait une ou même plusieurs fois le jour, sans se répéter jamais.
Un petit nombre de pièces remontant à cette époque ont été conservées; elles sont écrites le plus
souvent sur des feuilles détachées, et d'autres fois semblent appartenir [IX] à des cahiers de petit
format qu'il ne serait pas possible de reconstituer.
Sur ces entrefaites, des circonstances providentielles amenèrent notre Saint à publier
l'Introduction à la Vie devote. Il fut tout étonné de l'estime que des appréciateurs compétents, et
notamment le R. P. Fourier, Jésuite, faisaient de simples mémoires écrits d'abord pour l'utilité
privée d'une seule âme pieuse. Commençant dès lors à soupçonner tout le parti qu'il pourrait tirer
de ses sermons pour la composition d'autres ouvrages, il résolut de faire valoir avec plus de soin
encore la plénitude des talents que lui avait confiés le divin Père de famille. Déjà il avait eu la
pensée, comme il le mandait à l'Archevêque de Vienne, d'utiliser, pour la publication de divers
traités, ce qui lui restait de ses prédications du Chablais1. En conséquence de ces projets, on le voit,
avant de reprendre la plume pour rédiger son immortel Traitté de l'Amour de Dieu, apporter
beaucoup plus de soin et de travail à la préparation de ses sermons. L'Orateur ne se contente plus
de notes rapides jetées à la hâte sur la première feuille volante qui se rencontre; il trace des
sommaires étendus et bien divisés, écrits d'une main ferme et posée, sur de grands in-folio2, dont
le fac-simile de ce volume [X] représente exactement la dimension. Diverses observations nous
obligent à conclure que ces cahiers ont été commencés environ le mois d'août 16083.
Les stations quadragésimales étaient entre toutes l'objet d'une soigneuse préparation de la
part du Saint, si l'on en juge par ce qui nous reste des Carêmes d'Annecy (1609), de Grenoble et
de celui de 1612 prêché à Chambéry. Non content de tracer les principales lignes du discours
composé pour le Mercredi des Cendres de cette dernière année, le saint Orateur écrit l'exorde en
entier; puis il revient sur ce travail et se propose quatre différentes entrées en matière, parmi
lesquelles il choisira selon l'inspiration du moment et la composition de son auditoire. Bien plus,
ce ne sont pas seulement ses grands sermons qu'il prépare de la sorte; quelquefois même, les
instructions familières destinées à ses Filles de la Visitation deviennent l'objet d'une élaboration
non moins sérieuse, et sont écrites sur l'un ou l'autre des grands cahiers dont nous parlons. Et alors,
quelle fraîcheur, quelle grâce dans les pensées, quelle ingénuité dans les applications de la Sainte
Ecriture! Pour s'en faire une idée, il suffit de lire les Sermons de la Vigile de Noël 1613 et 1614.
Ces discours sont doublement intéressants à étudier et à confronter avec les résumés qu'en faisaient
les Religieuses aussitôt après les avoir entendus. Dès les premières années de leur institution, elles
rédigeaient en effet par écrit les instructions reçues de leur Fondateur, et en composaient un
volumineux recueil, qui fournira la matière de nos tomes IX et X.
1 Plus tard, il s'exprimait en ces termes dans une lettre italienne au P. Antoniotti, S. J.: «Io havrei moite cose da scrivere
dell'amor del prossimo et delle cose elle io prœdicato in tre o quatro mille sermoni che io [ho] fatto de 28 anni in
qua, che a molti pare che sarebbono cose utili al ben publico; et l'anno passato che io fui in Parigi col Serenissimo
Principe Cardinale, moite persone di gran qualita ne fecero instaura. Ma e impossibile sotto a questo peso pastorale
il scrivere per far stampare. Se sua Divina Maesta lo vuole, mene dara la commodita, et se non vuole, ne anche io
devo volerlo.»
«J'aurais beaucoup de choses à écrire de l'amour du prochain et de ce que j'ai prêché en trois ou quatre mille
sermons prononcés depuis vingt-huit ans, qui, de l'avis de plusieurs, seraient utiles au bien public; et l'année dernière,
étant à Paris avec le Sérénissime Prince Cardinal, nombre de personnes de grande qualité m'en firent de vives
instances. Mais, sous cette charge pastorale, il est impossible d'écrire pour faire imprimer. Si sa divine Majesté le veut,
elle m'en donnera le loisir, et si elle ne le veut pas, je ne dois pas le vouloir non plus.» (Lettre inédite, en date du 16
août 1620, conservée à Turin, chez M. le Comte della Chiesa.)
2 Voir ce que nous avons dit à ce sujet dans notre Introduction générale, p. LIII.
3 Toutefois, notre Saint devait avoir ces in-folio en réserve depuis plusieurs années; car on remarque au haut des
premières pages, quelques notes ayant trait à des sujets de controverse. Elles sont d'une écriture fine, absolument
identique à celle des Autographes qui remontent à l'époque de la mission du Chablais.
Ces notes n'ayant aucun rapport avec les sermons qui occupent le surplus de la page où elles sont insérées,
sont renvoyées aux Opuscules.
11/342

2.2 Page 12

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Le saint Orateur réserva plus spécialement les années 1613-1616 à l'évangélisation de son
peuple d'Annecy. En 1615, la pénitence fut le thème de ses prédications [XI] de Carême, les
malheurs de la Savoie, alors en guerre avec l'Espagne, donnant beaucoup d'opportunité à ces
austères enseignements. De nouvelles alarmes provoquèrent de nouveaux encouragements du bon
Pasteur à ses ouailles, et nous valurent la Paraphrase du Psaume CXXIV. Si riches étaient les
ressources de son érudition et les inspirations de sa piété, que l'histoire du Patriarche Jacob lui
fournit matière suffisante pour ses prédications dominicales de l'année 1616. Les rares loisirs que
lui laissèrent ses autres travaux furent consacrés, pendant l'automne, à préparer la station de l'Avent
qu'il devait prêcher à Grenoble.
Par ce qui nous en reste, on peut admirer le soin et le travail qu'il mit à cette préparation.
Ce n'est pas qu'il donne à sa rédaction une forme oratoire définitive; ce sont toujours des notes;
mais elles démontrent une immense érudition et laissent percer une tendre sollicitude pour la
conversion des hérétiques, nombreux alors dans la capitale du Dauphiné. Afin de prévenir leurs
objections et de les attaquer dans leurs derniers retranchements, l'Orateur s'arme de toutes pièces
et puise largement dans l'arsenal de l'Ecriture et des saints Pères. Ces prédications eurent un succès
prodigieux, au point que des hommes distingués, tels que des conseillers au Parlement, se
pressaient au pied de la chaire pour les écrire à mesure que l'Evêque de Genève les prononçait. On
lui fit de si pressantes instances qu'il ne put se refuser à prêcher dans cette ville la station
quadragésimale des deux années suivantes, au milieu d'un concours toujours croissant et
d'applaudissements non moins mérités. C'est alors que, dans leur reconnaissance, ses auditeurs lui
décernèrent le titre d'Apôtre de Grenoble.
Ces diverses stations représentent à notre avis l'apogée de l'éloquence du saint Docteur. Du
moins ne voyons-nous pas que pour nulle autre série de prédications il ait fait un travail
préparatoire aussi soigné. La Providence devait, à la vérité, l'appeler peu après à paraître sur un
théâtre beaucoup plus éclatant, et nous savons [XII] comment, durant un séjour prolongé à Paris
(novembre 1618-septembre 1619), il s'acquit les suffrages des esprits les plus cultivés. Mais ce
qu'ils admiraient surtout dans l'Evêque de Genève, c'était, avec l'onction de sa parole, la noble
simplicité par laquelle il protestait contre les extravagances d'une éloquence toute mondaine, alors
fort en vogue. Certains épisodes porteraient même à penser que le Saint s'étudiait à faire oublier à
Paris l'immense réputation qu'il s'était acquise par ses stations de Grenoble. Les grands Manuscrits
qu'il aurait pu exploiter si avantageusement ne paraissent pas l'avoir accompagné dans la capitale;
ce qui nous reste des sermons de cette année est écrit rapidement sur des feuilles volantes, comme
au début de son épiscopat.
Puis, comme si son humilité n'avait plus de péril à courir, le saint Prélat, rendu à son
modeste auditoire d'Annecy, revient à son précédent mode de préparation; il reprend quelquefois
encore ses volumineux in-folio et leur confie des trésors de doctrine, de piété et de tendresse,
comme on peut le voir par le Sermon sur l'Oraison (1er mai 1622). Le saint Orateur touchait alors
au terme de sa laborieuse carrière; quelques mois seulement lui restaient à vivre, et ces quelques
mois, il les employa à former au ministère de la prédication son frère Jean-François de Sales, qui
lui avait été donné pour Coadjuteur.
III
Les Manuscrits dont nous avons parlé demeurèrent après la mort de notre Saint entre les
mains de Mgr Jean-François de Sales. Ce Prélat dut à son tour les léguer à son neveu Charles-
Auguste, qui devint un peu plus tard Evêque de Genève. Sous l'épiscopat de ce dernier (1645-
1660), les démarches pour la Béatification de son saint Oncle furent poussées avec vigueur par la
Mére [XIII] Françoise-Madeleine de Chaugy, Supérieure du Ier Monastère de la Visitation
d'Annecy. Une quantité considérable d'Autographes furent distribués aux cardinaux et autres
dignitaires qui s'occupaient de cette poursuite. C'est probablement alors que les Manuscrits des
Sermons durent être divisés, et une partie de ce trésor resta entre les mains de la Mère de Chaugy.
12/342

2.3 Page 13

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De grandes tribulations devinrent ici-bas la première récompense des grands travaux qu'elle avait
soutenus pour la gloire de son bienheureux Père. Exilée d'Annecy par ordre du Duc de Savoie,
Charles-Emmanuel II, elle emporta, comme suprême consolation, entre autres Autographes, les
Sermons du saint Evêque: ils la suivirent dans ses diverses pérégrinations aux Monastères de
Seyssel, Montferrand, Crest et Carpentras. Enfin sonna pour cette illustre proscrite l'heure de la
réhabilitation. Appelée à Turin par la Duchesse régente Jeanne-Baptiste de Nemours, elle fut élue
bientôt après, Supérieure du Monastère de la Visitation de cette ville. C'est là qu'elle mourut le 7
septembre 1680, laissant comme un précieux héritage à cette Communauté hospitalière les
Autographes qui l'avaient accompagnée dans toutes les étapes de son exil.
On les conserva dans ce couvent avec un respect que nous pourrions nommer excessif, car
les Religieuses n'osèrent même pas ouvrir l'enveloppe qui les renfermait, si bien qu'elles en vinrent
à ignorer la nature de ces Manuscrits; la tradition s'établit que c'étaient seulement des feuillets du
Traitté de l'Amour de Dieu. Cette tradition se maintint jusqu'au 22 juillet 1867, où la
reconnaissance et l'inventaire en furent faits par Mgr Riccardi di Netro, Archevêque de Turin; le
Prélat découvrit cinquante-huit feuillets de Sermons latins4.
Au mois de janvier 1883, ils furent communiqués au Ier Monastère de la Visitation
d'Annecy. L'examen de [XIV] ces Autographes y excita une admiration telle, que si la publication
d'une Edition complète et définitive des Œuvres de saint François de Sales n'eût été projetée depuis
longtemps, cette découverte aurait suffi pour la déterminer. Mais à l'admiration, que de regrets se
joignirent quand on constata, par la pagination, que ce recueil devait renfermer au moins trois cent
cinquante feuillets, et les cinq sixièmes sont introuvables! De plus, il a existé un autre Manuscrit
certainement aussi volumineux, dont il est impossible de saisir la trace !
Chaque feuillet, paginé de la main de l'Auteur au recto seulement, est encadré par un petit
filet rouge; les vingt-quatre premiers, outre le chiffre de pagination, portent un caractère
alphabétique. L'écriture est régulière et généralement très soignée; rien dans ces pages ne ressent
la précipitation. On se convainc en les étudiant, que tout, avant d'être écrit, a été médité et pesé;
par suite, il n'y a presque pas de ratures. Les signes de ponctuation figurent même assez
ordinairement; toutefois, c'est d'après des règles trop différentes de celles que l'usage actuel a
consacrées, pour que nous ayons pu les reproduire exactement.
Les abréviations constituent la difficulté la plus sérieuse pour la lecture du Manuscrit; car,
sûr de sa mémoire, le Saint se contente de représenter par deux ou trois lettres, des mots de quatre
ou cinq syllabes; c'est ainsi qu'il écrit Cor. pour Cornelius a Lapide, Ros. pour Rossignolius, Per.
pour Pereira, etc. Ces abréviations ont été interprétées toutes les fois qu'elles auraient compromis
la clarté du texte. Quelquefois l'Orateur place des accents sur certains mots latins, comme pour
mettre davantage en relief l'idée qu'ils expriment; d'autres fois, il intercale entre crochets quelque
membre de phrase, ainsi qu'on peut le voir dans le fac-simile. Comme ces signes sont employés
d'une manière assez irrégulière, et qu'il n'est pas possible par conséquent de préciser la portée que
leur donne notre Saint, on n'a pas cru devoir les représenter dans le texte imprimé, dont ils auraient
embarrassé la lecture. [XV]
Il est intéressant d'étudier la distribution que l'Auteur a faite de son Manuscrit. Au lieu
d'écrire tous ses plans à la suite l'un de l'autre, dans l'ordre du temps où ils ont été prononcés, il
suit le cycle de l'année liturgique. Et afin de mieux grouper et d'exploiter plus facilement tous les
matériaux traitant du même sujet ou de la même solennité, il laisse entre chacun des sermons écrits
la première année un certain nombre de feuillets en blanc, sur lesquels il insérera les années
suivantes le discours composé pour la même occasion. C'est ainsi que se suivent immédiatement
les prédications préparées pour chaque fête ou chaque Dimanche. Quand l'espace laissé en blanc
devient insuffisant, le Saint recourt à la premiere page restée libre, dans n'importe quelle partie de
son volume; c'est ce qui explique comment le Sermon pour la Vigile de Noël 1613 occupe le folio
2, et que le Carême de 1618 est inséré sur les folios 109 et suivants, au lieu de se trouver après
4 Trois autres feuillets du même Manuscrit ont été découverts ailleurs, comme on peut le voir par la Table de
provenance des Autographes, placée à la fin de ce volume.
13/342

2.4 Page 14

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celui de 1617, qui occupe les folios 228 et suivants5. Certains feuillets sont, du haut en bas, partagés
en deux colonnes; d'autres fois, c'est seulement après l'exorde, écrit sur toute la largeur de la page,
qu'est établie cette division.
Ce qui reste du Manuscrit, à partir du feuillet 300, paraît avoir été réservé pour des notes
diverses, qui devaient être utilisées selon l'occasion dans la préparation immédiate des discours;
l'Auteur y renvoie effectivement plusieurs fois. Les plus importantes de ces notes sont un recueil
de Similitudes assez semblable à celui que nous avons mentionné dans notre Préface de
l'Introduction à la Vie devote, p. XXXIV, note (49). C'est aussi dans cette partie du Manuscrit,
attribuée aux matériaux qui n'ont pas encore reçu leur destination définitive, qu'est insérée la Sylva
pro Quadragesima 1617.
L'intervalle laissé libre à la fin de certaines pièces, et quelquefois aussi les interlignes, sont
occupés par des additions écrites de la main de Mgr Jean-François de [XVI] Sales. Ce sont,
ordinairement, des extraits des Pères de l'Eglise, parfaitement adaptés au sujet traité dans la même
page. Les plus intéressantes ont été reproduites en leur lieu sous forme de notes6. Mais il eut été
fastidieux de donner également toute une série de textes de saint Augustin transcrits par Mgr Jean-
François sur les feuillets 180 et 181, laissés en blanc dans le recueil de son Frère. Il a paru suffisant
de les indiquer dans une Table placée à la fin de ce volume (voir p. 437).
En terminant la description du Manuscrit, une dernière remarque nous reste à faire. Alors
que le saint Evêque emploie le plus assidûment ce recueil, ce n'est jamais d'une manière exclusive;
souvent encore, il revient au procédé de sa jeunesse, et recourt à ces pages de dimensions variées
dont nous avons parlé plus haut. Parfois il arrive qu'une même série de discours est écrite partie
sur le grand volume et partie sur des feuilles volantes, comme par exemple les homélies sur
l'histoire du Patriarche Jacob, dont, malheureusement, il ne nous reste que des fragments.
Nous rappelons à nos lecteurs que, pour les citations des saints Pères, c'est toujours à la
Patrologie de Migne qu'ont trait nos indications. Parmi la multitude d'allusions faites aux Anciens
et les nombreux adas'es cités par saint François de Sales, il en est dont on ne saurait exactement
préciser la source; car ils se retrouvent simultanément dans divers auteurs, tantôt littéralement,
tantôt avec des variantes insignifiantes. Telle est cette proposition: Sunt gradus ad impietatem, qui
revient plusieurs fois. Et cette autre, Simia semper simia (p. 294), qui pourrait décider si elle est
empruntée à saint Grégoire de Nysse (De Profess. Christ.), plutôt qu'à Lucien ou à Erasme? Dans
le doute, il a semblé mieux de ne pas hasarder un renvoi dont on ne peut garantir l'exactitude.
L'orthographe du saint Auteur est soigneusement [XVII] maintenue; et, comme dans le
premier volume des Sermons7, on a cru devoir représenter ici toutes les latitudes qu'il s'accorde
dans l'emploi du latin. Ses indications des auteurs sacrés et profanes sont reproduites de la même
manière qu'elles figurent dans les originaux, c'est-à-dire, ordinairement insérées dans le texte, et
quelquefois renvoyées en marge. Elles sont, dans ce dernier cas, imprimées en caractères italiques,
ainsi que les annotations marginales de l'Autographe. Quant aux autres indications, les éditeurs
seuls en sont responsables.
Les traductions ont été faites avec le même soin et pour les mêmes raisons que dans le tome
précédent, bien qu'elles puissent être superflues pour bon nombre de nos lecteurs; mais les érudits
nous pardonneront, si nous inspirant des sentiments de notre Saint, qui s'estimait redevable aux
ignorants comme aux savants, nous avons voulu mettre ses Sermons à la portée de tous.
Il faut avouer néanmoins que ce travail n'a pas été sans offrir bien des difficultés. L'Orateur
n'écrivait que pour lui seul; en conséquence, un mot, le plus souvent, résume toute une pensée,
représente toute une argumentation; on est donc obligé de compléter ce qu'il énonce à peine, de
deviner ce qu'il sous-entend. Mais dans toutes les occasions où, pour la clarté de la traduction, il a
fallu ajouter des mots qui ne se trouvent pas dans le texte latin, ces mots sont insérés entre crochets.
Quant aux mots français intercalés par le Saint dans ses phrases latines, toutes les fois que le sens
5 La Table qui figure à la fin de ce volume, p. 436, aidera le lecteur à se rendre compte de cette distribution.
6 Voir pp. 133, 183, 184, 187, 247, 248, 330.
7 Voir l'Avant-Propos, p. XIV.
14/342

2.5 Page 15

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permet de les isoler facilement du contexte, au lieu de les répéter dans la traduction, on les y a
remplacés par des points de suspension. Lorsque, au contraire, ils font partie intégrante de la
phrase, ils ont été maintenus dans la traduction.
Nous résumerons ce qui pourrait être dit sur ce second volume des Sermons de saint
François de Sales en affirmant qu'il est la mise en action des grandes règles de la prédication
évangélique, tracées par l'Apôtre à son [XVIII] disciple Timothée: Praedica verbum; insta
opportune, importune; argue, obsecra, increpa, in omni patientia et doctrina. Notre Docteur
prêche en tous temps et en tous lieux; mais sa prédication n'est jamais inopportune parce qu'elle
est assaisonnée de sagesse, de charité, de douceur. Ses auditeurs seront gagnés par l'onction de sa
parole, parce que, d'avance, ils ont été subjugués par le charme de sa vertu. Soit que le saint Evêque
reprenne avec force, qu'il épouvante le pécheur par la menace des jugements de Dieu, soit qu'il
s'abaisse au ton de la prière et emprunte les accents touchants et persuasifs d'une tendre mère
s'adressant à ses enfants, il gagne les cœurs et triomphe de toutes les résistances. Toujours il
enseigne avec toute patience et toute science; il ne se lasse pas de redire les mêmes vérités, mais,
pour les rendre plus attrayantes, il a soin de les présenter sous des formes variées. Enfin, selon
qu'il le recommandait lui-même après saint Bernard, son zèle est «inflammé de charité, embelli de
science, affermi de constance.» Heureux les fidèles qui sauront goûter les enseignements d'un tel
Maître, et plus heureux encore les orateurs sacrés qui sauront se former sur un aussi parfait Modèle!
DOM B. MACKEY, O. S. B. [XIX]
15/342

2.6 Page 16

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Avis au Lecteur
Les quatre-vingt-quinze pièces contenues dans ce volume, neuf exceptées, sont inédites.
Toutes sont reproduites d'après les originaux, sauf les numéros CL, CLVIII-CLX. (Voir la Table
de provenance, p. 435, et les notes placées au commencement de ces quatre Sermons.) Les
Autographes peuvent se diviser en deux groupes: ceux qui occupent des feuilles détachées (voir
ci-devant, pp. ix, x, xiij, xvij) et ceux qui appartiennent au grand Manuscrit de Turin. Ces derniers
se distinguent dans la presente Edition par l'indication de la pagination du Manuscrit, qui figure
toujours en caractères italiques et entre ( ), en regard de la première ligne du texte ou du titre pris
sur l'Autographe (voir p. 26). Le Saint designant ordinairement les folios de son Manuscrit sous
le nom de page, les editeurs se sont conformes dans leurs renvois à cette denomination.
Le texte étant le plus souvent entièrement latin, les traductions, dont les editeurs sont seuls
responsables, sont donnees au bas des pages sans indication de correspondance. Mais quand dans
le latin sont intercalees des phrases françaises, on a dû recourir à une lettre de renvoi ; elle est
placée à la fin du texte latin, et quelquefois au commencement, mais dans le cas seulement où ce
texte s'étendrait sur deux pages differentes.
Malgré les titres que, pour la régularite de l'ensemble, les éditeurs ont dû attribuer à
chaque Sermon, ils ont encore soigneusement reproduit, mais en autres caractères, ceux qui sont
écrits par le Saint (voir p. 4).
Quelques mots et certains chiffres suppléés par les éditeurs sont insérés entre [ ]. On a cru
pouvoir, sans recourir à ce procédé, ajouter, lorsqu'elle avait été omise par l'Auteur, l'indication
du verset pour le texte placé en épigraphe; mais quand l'indication du chapitre même manquait,
le tout a été suppléé entre crochets.
16/342

2.7 Page 17

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Première série. Sermons reproduits d'après les
autographes
LXVI. Sommaire d'un sermon pour le mercredi après le premier
Dimanche de Carême
10 mars 16048
(INÉDIT)
Magister, volumus a te signum videre.
Generatio prava et adultera, etc.
[MATT., XII, 38, 39, XVI, 4.]
Nunquam solidiori cibo usi sunt
Israelitæ quam dum manna uterentur; et tamen
murmurant, et alium expetunt9: mille miraculis
fulgebat, et tamen adhuc expetunt.
Videtur Christus reprehendere istos
quod signa petant? [1] Tantum, quomodo? An
non merito a Christo signa petunt et expetunt?
Ut res intelligatur, notate Deum verbis suis
fidem conciliare solitum miraculis, et maxime
ubi aliquid novi pronunciat. Videte in Moyse10.
Sic Christus tam necessaria illi fuisse miracula,
ut Si opera non fecissem quœ nemo alius fecit,
peccatum non haberent; Jo. 1511; Is. 5312.
Deinde, miracula sunt Ecclesiœ clos: Signa eos
qui crediderint13. Ut autem hœc intelligantur,
sanctitatem Ecclesiae divido: Oinnis gloria
Maître, nous voulons voir un miracle
de vous. Une génération méchante et adultère,
etc.
Les Israélites n'usèrent jamais
d'aliment plus solide que lorsqu'ils se
nourrissaient de la manne; ils murmurent
cependant et en demandent Un autre: Jésus
s'était illustré par mille miracles, et cependant
ils en exigent encore.
Le Christ ne semble-t-il pas leur
reprocher de demander des miracles? Et [1]
comment cela? N'ont-ils pas raison de
demander, de réclamer des miracles du Christ?
Afin de comprendre ce point, notez que
Dieu a coutume de faire des miracles pour
accréditer ses paroles, surtout lorsqu'il
annonce quelque chose de nouveau. Voyez
Moïse. Il en est de même du Christ, qui déclare
ses miracles si nécessaires que si je n'avais pas
fait, [dit-il,] parmi eux des œuvres que nul
autre n'a faites, ils n'auraient point de peché.
8 La simple confrontation des lettres autographes de saint François de Sales datées de 1604 avec l'original des quatre
sermons suivants suffirait à démontrer que ces derniers remontent au célèbre Carême de Dijon. Cette conjecture
devient une certitude si l'on se souvient que dans son Epistre sur la Predication (§ 5), notre Saint lui-même dit avoir
prêché pendant ce Carême un discours dans lequel il est impossible de ne pas reconnaître notre n° LXIX. Or, si ce
sermon a été prêché pendant la station de Dijon, les précédents remontent certainement à la même époque; car les
Autographes de ces quatre discours sont de format et d'écriture absolument identiques, bien qu'ils constituent deux
cahiers différents, qui ne nous sont pas intégralement parvenus. Une liste de textes, écrite sous forme de table des
matières, sur le verso du dernier feuillet de ces cahiers, permet de juger de leur contenu.
Dans la première liste on lit: Magister volumus a te signum videre De piscina et aegroto De Quis ex
vobis arguet me de peccato De Ductus est Jesus in desertum ut tentaretur — Hypocritœ bene prophetavit de vobis
Isaias De Samaritana. Sur la seconde: 1. Quœretis me — 2. Super cathedram Moysi 3. Sedere autem ad dexteram
meam, etc.
9 Num., XI, 4-6.
10 Exod., IV.
11 Vers. 14.
12 Vers. 13.
13 Marc., ult., 17.
17/342

2.8 Page 18

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filiœ regis ab intus, in fimbriis aureis14, etc.;
verum odor vestimentorum15, etc. Sic Isaac,
odore filii16, etc. Vide Manuscriptum17. [2]
Quare ergo improperat? Quia
hipocritae erant. Magister, volumus videre. Sic
c. 4. Jo.18: Nisi signa, etc. Sic Thomas: Nisi
videro19. Credendum Ecclesiæ, et nimia
sollicitudo ex pertinacia est. Articulus est
sapientise. Generatio prava, atque perversa,
adultera20. Videntes non vident21: excæcatio,
ut Pharao, ut Saül, ut Judas. Odio habuerunt
me gratis22. Esclaire ou chelidoyne aux
ictericz23. Praeoccupés. Unde: Generatio
prava et adultera. Oculi tui columbarum24.
Nous cherchons l'eau en la mer. Seneca et sa
chambriere25. Multi dicunt: Quis ostendit
nobis bona26?
Verum difficillima est interpretatio. Et
signum non dabitur ei nisi signum Jonae
Prophaetae. Ia, multorum: id est, Christi
resurrectio, etc. Verum multæ hic sunt
difficultates; quia non eis magis resurrectio
quam ascensio, aut mortuorum27, etc. 2a. Nisi
signum Jonae Prophaetae: id est, nisi signum
condemnationis, quia viri Ninivitœ surgent28;
Hilarius29 et Maldonatus30. 3a. Id est, nullum:
minae, ruinae; adhuc quadraginta dies31, etc.
Adhuc quadraginta anni. Pauson32.
Augustus33: O quam vellem! [3]
Ensuite, les miracles sont une prérogative de
l'Eglise: Des prodiges [accompagneront] ceux
qui auront cru. Pour faire saisir cette vérité, je
considère la sainteté de l'Eglise sous deux
aspects: Toute la gloire de la fille du roi est au
dedans, avec des franges d'or, etc.; mais le
parfum des vêtements, etc. De même Isaac, au
parfum de son fils, etc. Voir le Manuscrit. [2]
Pourquoi donc Jésus les blàme-t-il?
Parce qu'ils étaient hypocrites. Maitre, nous
voulons voir. Ainsi, en saint Jean, chap. IV: Si
[vous ne voyez] des miracles, etc. Ainsi
Thomas: Si je ne vois. Il faut croire à l'Eglise,
et une trop grande inquiétude provient
d'opiniâtreté. C'est une maxime de la sagesse.
Une génération méchante, perverse, adultère.
Voyant, ils ne voient pas: aveuglement, comme
Pharaon, comme Saül, comme Judas. Ils m'ont
haï sans sujet... De là: Une génération
méchante et adultère. Tes yeux sont ceux des
colombes... Beaucoup disent: Qui nous montre
le bien?
Mais l'interprétation est très difficile,
Et il ne lui sera donné d'autre signe que celui
du Prophète Jonas. 1re interprétation, celle
d'un grand nombre: c'est-à-dire la résurrection
du Christ, etc. Mais il y a là de nombreuses
difficultés; car la résurrection [du Christ]
n'était pas plus un signe pour eux que Son
ascension ou [la résurrection] des morts, etc.
2me. Si ce n'est le signe du Prophète Jonas,
c'est-à-dire, si ce n'est le signe de la
condamnation, car les hommes de Ninive se
lèveront. 3me. C'est-à-dire, aucun: menaces,
14 Ps. XLIV, 14.
15 Cant., IV, 11.
16 Gen., XXVII, 27. Antichristus.
17 Selon toute vraisemblance, le Manuscrit ici mentionné serait celui des Controverses. (Voir tome Ier de la présente
Edition, pp. 98, 99, 103, 104.)
18 Vers. 48.
19 Joan., XX, 25.
20 In loco, et Deut., XXXII, 5.
21 Matt., XIII, 13.
22 Joan., XV, 25.
23 Mattioli, in Dios., 1. II, c. CLXXVI.
24 Cant., I, 14, IV, 1.
25 Cf. Dio, Histor., 1. LXII.
26 Ps. IV, 6.
27 Lucæ, XVI, 31.
28 Matt., XII, 41.
29 Comm. in Matt., in locum.
30 In locum Matt.
31 Jonæ, III, 4.
32 Vide Tr.de l'Am. de Dieu, t. II, p. 214 hujus Edit.
33 Cf. Seneca, De Brev. Vitæ, § V.
18/342

2.9 Page 19

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ruines; encore quarante jours, etc. Encore
quarante ans. Pauson. Auguste: Oh que je
voudrais! [3]
19/342

2.10 Page 20

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LXVII. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le premier
Dimanche de Carême
12 mars 1604
(INÉDIT)
DE PISCINA ET AEGROTO34
LA PISCINE ET LE MALADE
Qui sunt languentes, cæci, claudi,
aridi35? Cæci: non vident infideles; claudi, vel
irascibili vel concupiscibili; aridi: tepidi, vel
originale peccatum. Omnia peccata Baptismo
lavantur.
Quinque porticus: quinque libros
Pentateuchi, vel quinque sensus. Vel quia
Judei et Gentiles cæci, claudi in altero pede,
aridi. [4]
Et qui prior descendebat, sanus fiebat
a quacumque infirmitate. In remissionem
peccatorum36. Unde Christiani pisces, et
Christus ιχθύς, piscis37. Faciam vos fieri
piscatores hominum38.
Ibi sumus filii Dei39. Perles. Jam homo
ille triginta et octo. Inveteratum morbum,
potentiam morbi, etc.
Hunc cum vidisset. Respice in me, et
miserere mei40. Praevenisti eum in
benedictionibus41. Non sumus sufficientes42.
Confessio: Et cognovisset quia jam multum
tempus haberet. Unde plerique, Christum eum
interrogasse de sua aegritudine, imo de causa,
unde dicit: Noli amplius peccare43.
Propositum. Vis sanus fieri? Examen. Tolle
grabatum tuum, etc. Ninivitæ44. Pauson45. [5]
Quels sont les malades, les aveugles,
les boiteux, les infirmes dont les membres sont
desséchés? Aveugles: les infidèles ne voient
pas; boiteux, dans l'appétit irascible ou dans
l'appétit concupiscible; desséchés: les tièdes,
ou encore ceux qui demeurent dans le péché
originel. Le Baptême lave tous les péchés.
Les cinq portiques: les cinq livres du
Pentateuque ou les cinq sens. Ou bien parce
que les Juifs et les Gentils sont aveugles,
boiteux d'un pied, desséchés spirituellement.
[4]
Et celui qui descendait le premier était
guéri de toute infirmité. Pour la rémission des
péchés. Aussi les Chrétiens sont-ils appelés
poissons, et le Christ ιχθύς, poisson. Je vous
ferai devenir pecheurs d'hommes.
Là, nous sommes enfants de Dieu... Cet
homme souffre depuis trente-huit ans. Mal
invétéré, puissance de la maladie, etc.
Lorsque [Jésus] l'eut vu. Regardez-moi
et ayef pitié de moi. Vous l'avez prévenu de
benédictions. Nous ne sommes pas capables.
Confession: Et qu'il connut qu'il était malade
depuis longtemps. Plusieurs donc pensent que
le Christ l'avait interrogé sur sa maladie et
même sur les causes de son mal, voilà
pourquoi Jésus dit: Ne pèche plus désormais.
34 Pour tous les titres de sermons imprimés en ce caractère, voir l'Avis au lecteur.
Bien que le commencement de ce Sommaire ne leur soit pas parvenu, les éditeurs ont pu en toute assurance suppléer
le titre latin, moyennant la liste signalée ci-dessus, p. 2, note.
35 Joan., V, 1-14.
36 Act., II, 38.
37 . Aug., De Civit. 1. XVIII, c. XXIII.
38 Matt., IV, 19.
39 Joan., I, 12; Rom., VIII, 14, 16.
40 Ps. XXIV, 16.
41 Ps. XX, 4.
42 II Cor., III, 5.
43 Vers. 14.
44 Jonae, III, 5.
45 Vide supra, p. 3.
20/342

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Bon propos. Veux-tu être guéri? Examen.
Prends ton grabat, etc. Ninivites. Pauson. [5]
21/342

3.2 Page 22

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LXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième
Dimanche de Carême
15 mars 1604
Quœretis me et non invenietis; et in peccato
vestro moriemini.
[JOAN., VII, 34, VIII, 21.]
Severe menace, horrible propos! Sed
quomodo potest a tam benigno Patre
proficisci?
Sensum litteralem hunc esse credo:
verum Messiam negligitis, me in aliis
quœretis, etc. Verum quia etiam intelligitur de
eorum morte in peccato, videamus:
1o. Quale malum mori in peccato.
Ezech. 1846: Nunquid voluntatis meœ est mors
impii, et non ut convertatur et vivat?
Convertimini, et agite pœnitentiam ab omnibus
iniquitatibus vestris, et non erit in ruinam
iniquitas. Quare moriemini, domus Israël?
Quia nolo mortem morientis, dicit Dominus
Deus; convertimini et vivite. [6]
Non continebit in ira sua misericordias
suas; [Ps.] 7647. In ira sua; ut in die judicii.
Nunquid obliviscetur misereri Deus48? Et
remunerat ultra condignum: Miserationes ejus
super omnia opera ejus; [Ps.] 14449.
Misericordiam et judicium50. Tamen œterna
erit pœna.
1a ratio: Quia Deus offensus est.
Dereliquisti Dominum Deum tuum51.
Dereliquerunt me fontem aquœ vivœ52. Tibi
soli peccavi, etc., ut justificeris53, etc. 2a: Quia
peccator in eo statu se ponit in quo ex natura
actus debet esse in æternum. Ibi ergo maneat.
3a: Quia peccator habet voluntatem æternam
peccandi; nam si sciens se moriturum peccat,
quid faceret si sciret se non moriturum?
Vous me chercherez et vous ne me
trouverez pas; et vous mourrez dans votre
péché.
Sévère menace, horrible propos! Mais
comment peut-il venir d'un si bon Père?
Je crois que le sens littéral est celui-ci:
vous laissez de côté le vrai Messie, vous me
chercherez dans d'autres, etc. Mais comme on
entend aussi ce passage de leur mort dans le
péché, voyons:
1. Quel mal de mourir dans le péché.
Est-ce que je veux la mort de l'impie, et non
qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-
vous et faites pénitence de toutes vos iniquités,
et l'iniquité ne causera pas votre ruine.
Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car
je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit
le Seigneur Dieu; convertissez-vous et vivez.
[6]
Dans sa colère, il ne contiendra pas ses
miséricordes. Dans sa colère; comme au jour
du jugement. Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié?
Et il récompense au delà du mérite : Ses
commisérations surpassent toutes ses œuvres.
La miséricorde et le jugement. Cependant la
peine sera éternelle.
1re raison : Parce que c'est Dieu qui a
été offensé. Tu as abandonné le Seigneur ton
Dieu, Ils m'ont abandonné, moi, source d'eau
vive. J'ai péché contre vous seul, etc., afin que
vous soyez reconnu juste, etc. 2me: Parce que le
pécheur se constitue en un état dans lequel par
la nature même de son acte il doit
éternellement demeurer. Qu'il y reste donc.
3me: Parce que le pécheur a une volonté
éternelle de pécher; car s'il pèche sachant qu'il
est mortel, que ne ferait-il pas s'il se savait
46 Vers. 23, 30-32.
47 Vers. 10.
48 Ibid.
49 Vers. 9.
50 Ps. XXXII, 5.
51 Jerem., II, 17.
52 Ibid., V. 13.
53 Ps. L, 6.
22/342

3.3 Page 23

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Dimisit eos secundum desideria cordis
eorum54, etc.
[2o.] Quæ faciant nos mori in peccatis.
[1a causa est] falsitas pœnitentiæ.
Similis est falsa verse; cigue et persil. Ut autem
hanc evitetis, dabo duo signa. Sit integra:
Convertimini ad me in toto corde55; In toto
corde meo exquisivi te56; Clamavi in toto
corde57. Contra hanc conditionem, etc.: 1.
Michol, 1 Reg. 19. 2. Item, qui retinent.
Sophoniæ58: [7] Qui jurant in Deo et jurant in
Melchon. Dagon et Arca59. Aquila aquatica60.
Continuatio, non recidiva; durat: Juravi et
statui61; Benedicam in omni tempore62.63
Peccatum meum contra me est semper;
Amplius lava me64. Mulier Loth65.
2a causa est falsus timor de pœnitentise
asperitate; falsus, nam peccator gaudet et dolet,
ut simia nucem. Apes mel excellentes ex
thimo. En morior, quid mihi proderunt
primogenita66? Secundum multitudinem
dolorum meorum in corde meo, consolationes
tuae lœtificaverunt animam67. Dulcis et rectus
Dominus68. Quam bonus Israel69. Quam dulcia
faucibus meis70! [8]
immortel ? Il les a abandonnés aux désirs de
leur cœur, etc.
[2.] Ce qui nous fait mourir dans le
péché.
[La première cause est] que la
pénitence est fausse. La fausse ressemble à la
vraie... Pour vous faire éviter la fausse, je vous
donnerai deux signes de la vraie. Qu'elle soit
entière: Convertissez-vous a moi de tout votre
cœur; Je vous ai cherché de tout mon cœur;
J'ai crié de tout mon cœur. Contre cette
condition, etc.: 1. Michol. 2. De même, ceux
qui retiennent. Qui [7] jurent par Dieu et jurent
par Melchom. Dagon et l'Arche. Aigle
aquatique. Qu'elle soit continue, sans rechute;
elle dure: J'ai juré et établi; Je bénirai en tout
temps. Mon péché est toujours devant moi.
Purifier-moi encore plus. La femme de Loth.
La deuxième cause est une fausse
crainte des rigueurs de la pénitence; fausse, car
le pécheur se réjouit et s'attriste, comme le
singe qui mange une noix. Les abeilles tirent
du thym le meilleur miel. Voici que je meurs,
à quoi me servira mon droit d'aînesse? A
proportion de la multitude des douleurs de
mon cœur, vos consolations ont réjoui mon
âme. Le Seigneur est doux et juste. Que Dieu
est bon à Israël! Que vos paroles sont douces
à mon palais! [8]
54 Ps. LXXX, 13.
55 Joel, II, 12.
56 Ps. CXVIII, 10.
57 Ibid., v. 145.
58 Cap. I, 5.
59 I Reg., V, 2.
60 Plin., Hist. nat., 1. X, c. III. Lauretus, Sylva Allegor., Aquila.
61 Ps. CXVIII, 106.
62 Ps. XXXIII, 1.
63 Une troisième condition de la pénitence avait été indiquée ici par les mots Recta intentio, que le saint Auteur a biffés
ensuite dans l'Autographe.
64 Ps. L, 5, 4.
65 Gen., XIX, 26.
66 Ibid., XXV, 32.
67 Ps. XCIII, 19.
68 Ps. XXIV, 8.
69 Ps. LXXII, 1.
70 Ps. CXVIII, 103.
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3.4 Page 24

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LXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième
Dimanche de Carême
17 mars 1604
(INÉDIT)
Sedere autem ad dexteram meam, etc.
[Matt., XX, 23.]
Mira ambitionis rusticitas! Loquitur de
Passione Dominus, ista accurrit71. Musica in
luctu importuna narratio72.
Incipiendum a fine. Non est meum dare
vobis, ut hominis, nam id Dei est; Aug.73 Nunc
nam veni invitare ad pugnam; Ambros.74
Vobis, cognatis, petentibus qui nondum
meruistis (Remigius75; «superbis»), sed quibus
paratum, id est, bene meritis. Nam videtur
alludere ad id quod dicturus erat76: Possidete
paratum vobis regnum; esurivi enim, etc. Psal.
6177: Tu reddes unicuique secundum opera
sua. Mat. 1678: Filius hominis venturus est in
gloria Patris, et tune reddet unicuique. Ro. 279:
Thesaurisas tibi iram in [9] die irae, et... justi...
qui reddet, etc. Apoc. ult.80: Ecce venio cito, et
merces mea mecum est, reddere unicuique. 2.
Cor. 481: Leve hoc et momentaneum
tribulationis nostrae, supra modum in
sublimitate aeternum gloriae pondus operatur
in nobis.
82Luc. 1783: Cum feceritis haec omnia,
dicite: Servi inutiles sumus. Amb.84: Ex natura.
Nostro nam quicquid habemus ex Deo est;
utilitas ergo ex Deo. Purpura85. Et qui
Mais d'être assis à ma droite, etc.
Etrange rusticité de l'ambition! Le
Seigneur parle de sa Passion, cette mère
accourt. Un récit inopportun est comme une
musique pendant le deuil.
Il faut commencer par la fin. Ce n'est
pas à moi, comme homme, de vous l'accorder,
car ceci relève de Dieu; saint Augustin. Pour le
moment, en effet, je suis venu appeler au
combat; saint Ambroise. A vous, parents, qui
demandez et n'avez pas encore mérité (Remi,
«orgueilleux»), mais à ceux pour qui il a été
préparé, c'est-à-dire, qui ont bien mérité. En
effet, il semble faire allusion à ce qu'il allait
dire: Possèdez le royaume qui vous a été
préparé; car j'ai eu faim, etc. Vous rendrez à
chacun selon ses œuvres. Le Fils de l'homme
viendra dans la gloire de son Père, et alors il
rendra à chacun. [9] Tu t'amasses un trésor de
colère pour le jour de la colère, et... du juste...
qui rendra, etc. Voil'a que je viens bientôt, et
ma récompense est avec moi, pour rendre à
chacun. Notre tribulation présente, légère et
momentanée, opère en nous sans mesure dans
la sublimité un poids éternel de gloire.
Quand vous aurez fait tout cela, dites:
Nous sommes des serviteurs inutiles. Saint
Ambroise: Par la nature. Car tout ce que nous
71 Matt., XX, 18-20.
72 Eccli., XXII, 6.
73 De Trin., 1. I, c. XII.
74 De Fide, l. V, c. VII.
75 Remig. Antissiod., hom. XI, post med.
76 Matt., XXV, 34, 35.
77 Vers. ult.
78 Vers. 27.
79 Vers. 5, 6.
80 Vers. 12.
81 Vers. 17.
82 Il est facile de reconnaître dans ce paragraphe les «six interprétations» qui, mentionnées par notre Saint dans son
Epistre sur la Prédication, ont permis de constater que ce sermon a été prêché à Dijon pendant le Carême de 1604.
Voir note (8), p. 1.
83 Vers. 10.
84 In locum Lucæ.
85 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. XI, c. VI.
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3.5 Page 25

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loquebatur mecum, habebat mensuram
arundineam auream; mensura hominis, quae
est mensura Angeli86; [Apoc.,] 2187. Beda88:
Deo, non nobis, quoniam bonorum nostrorum
non eget89. Augs.90: Quia per se mancipia
sumus, meremur quia ita vult Deus.
Chrisost.91: Dicite; at ego non dicam, sed euge,
serve bone et fidelis92. Beda93: Minus
meruimus quam accipiemus; ultra condignum.
Bern., divinement, 1. de Praecepto et Dispens.,
c. 19:
« Non feci furtum. Non pasces
in cruce corvos94.
Bersab., Adonias, Abisag.95 [10]
96Simia humilitatis ambitio. Taurus,
avis minima, bovem imitatur97. Dæmocrates98
Accius poeta, statuam99. Anthistenes
cynicus100. Crocodilus101. Arbores folia
invertentes102. Cameleon103. Agrippina104. [11]
avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu
que nous sommes utiles. La pourpre. Et celui
qui me parlait avait un roseau d'or pour
mesurer; mesure d'homme, qui est la mesure
de l'Ange. Saint Bède: Pour Dieu, non pour
nous, parce qu'il n'a pas besoin de nos biens.
Saint Augustin: Parce que nous sommes
esclaves par nature, nous ne méritons que par
la volonté de Dieu. Saint Chrysostôme: Dites;
pour moi, je ne le dirai pas, mais courage, bon
et fidèle serviteur. Saint Bède : Nous avons
moins mérité que nous ne recevrons; au delà de
notre mérite. Saint Bernard, divinement, liv. du
Précepte et de la Dispense, chap. XIX:
«Je n'ai pas fait de larcin. Tu ne
seras pas, sur le gibet, la pâture des corbeaux.»
Bersabée, Adonias, Abisag. [10]
L'ambition est le singe de l'humilité. Le
taurus, très petit oiseau, veut ressembler au
bœuf. Démocrate. Le poète Accius et sa statue.
Le cynique Antisthène. Le crocodile. Les
arbres qui renversent leurs feuilles. Le
caméléon. Agrippine. [11]
86 Cf. ibid.
87 Vers. 15-17.
88 In locum Lucæ.
89 Ps. XV, 2.
90 Quæst. Evang., 1. II, c. XXXIX; Sermo CCLXVIII, in Appen.
91 Serm. de Pœn. et Confess. (in antiq. edit.); cf. hom. III, in Vidi Dominum.
92 Matt., XXV, 21, 23.
93 In locum Lucæ.
94 Ex Horat., Epist. XVI, 46, 48.
95 III Reg., 1.
96 Ces indications si brèves qu'elles paraissent incohérentes, indiquent des ternies de comparaison dont le Saint aimait
à tirer des conclusions pratiques. On les retrouvera avec quelque développement dans un sermon preché à Grenoble
pour la même férie pendant le Carême de 1617.
97 Plin., Hist., nat., l. X, c. XLII (al. LVII).
98 Ælianus, Variæ Hist., 1. IV.
99 Plin., 1. XXXIV, c. V (al. X).
100 Diog. Laert., De Vit. et Dogm. Philos., Antisthenes.
101 Plin., 1. VIII, c. XXV (al. XXXVII).
102 Ibid., 1. XVIII, c. XXVIII (al. LXVIII).
103 Ibid., 1. VIII, c. XXXIII (al. LI).
104 Taciti Annal., 1. XIV, c. IX.
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3.6 Page 26

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LXX. Plan d'un sermon sur la sainte Communion
1604105
(INÉDIT)
Præparation. L'intention: obeir, s'unir a Dieu et au prochain.
Le desir: [pour] obeir, pour l'amour, pour lhonneur, pour le besoin.
Attention au mistere, a ce quil represente, a ses effectz.
Exercice: amour, valeur, prieres.
……………………………………………………………………………………………………..
Naaman: Si dixisset tibi rem grandem;
Naaman: Quand même il t'aurait dit
c. 5. 4 Reg.106
une chose difficile.
Pour s'unir a Dieu. In me manet et ego
Il demeure en moi et moi en lui. Nulle
in eo107. Nulla major unio quam cibi. Erunt duo union plus grande que celle de la nourriture. Ils
in carne una108. Unde beatitudo cænæ et seront deux en une seule chair. C'est pourquoi
manducationi comparatur. Job: Quis det de la béatitude est comparée à un souper et à une
carnibus ejus ut saturemur109? Sponsa: [12] manducation. Qui nous donnera de nous [12]
Fasciculus mirrhae Dilectus meus mihi, inter rassasier de sa chair? L'Epouse: Mon Bien-
ubera mea commorabitur110. Quam hoc belle Aimé m'est un faisceau de myrrhe, il
dicere possumus! Pauper habebat tantum demeurera entre mes mamelles. Avec quel à
unam oviculam; emerat, nutriverat: de ejus propos pouvons-nous dire ceci! Un pauvre
pane manducans et bibens de calice, dormiens avait seulement une petite brebis; il l'avait
in sinu suo111. Similitudo cerae; Cyril.112 achetée, nourrie: elle mangeait de son pain et
Fermentum; Cyrill.113 Cyp.114: malagma.
buvait de sa coupe, dormait sur son sein.
Cura proximo. Omnes unum corpus Similitude delà cire; saint Cyrille. Levain;
sumus, qui de uno pane participamus115 et de saint Cyrille. Saint Cyprien: épithème.
uno calice participants. Hic de ovicula David;
Avec le prochain. Nous sommes tous un
2. Reg. 12116. Ut flores uni arbori adhærentes, seul corps, nous qui participons à un seul pain
ut gemmae uni coronae. Hinc omnes sumus et à un seul calice. Introduire ici cette histoire
consanguinei, quia uno corpore et uno de la petite brebis de David. Comme les fleurs
sanguine vegetamur ad vitam æternam.
adhérentes au même arbre, comme les
……………………………………………… pierreries d'une même couronne. C'est pour
Baltazar, vasa sacra; Dan. 5117.
cela que nous sommes tous frères, parce que
Ad Passionem: Quotiescumque par le même corps et le même sang nous
feceritis, mortem Domini annunciabitis donec sommes nourris pour la vie éternelle.
105 L'écriture, le mode de développement des pensées et diverses autres spécialités donnent à croire que ce sermon
remonte à l'année 1604. Peut-être ne serait-il pas téméraire de supposer qu'il a été prêché à Dijon devant ce groupe
d'âmes choisies qui, en dehors des prédications quadragésimales, réclamaient avec tant d'avidité les enseignements du
saint Evêque de Genève.
Une partie de l'Autographe a été coupée. Cette lacune est signalée par des...
106 Vers. 13.
107 Joan., VI, 57.
108 Gen., II, 24.
109 Cap. XXXI, 31.
110 Cant., I, 12.
111 II Reg., XII, 3.
112 Cyr. Alex., Comm. in Joan., in VI, 57.
113 Ibid.
114 De Cœna. (Inter dubia S. Cyp. Vide sup., vol. I, p. 304.)
115 Rom., XII, 5; I Cor., X, 17.
116 Vers. 3 (supra).
117 Vers. 2-4.
26/342

3.7 Page 27

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veniat118. Cecidit in deserto raanna, et idem
manna servatum est in vase aureo; Heb. 9119.
Cum eo erat virga Aaron (crux) et tabulae,
etc.120 Hinc Helias sub junipero121. Hinc Ex.
12122 praecipitur: Si dicant vobis; Agnus
paschalis. Miscui mirrham cum lacte meo123.
[13]
Ad Cælum: Laetatus sum in iis quae
dicta sunt mihi124: Vivet in aeternum125. Qui se
nobis dat in manna abscondite, etc., cætera
dabit postea in aperto. Jonathas comedens mel
apertos habuit oculos126. Cognoverunt eum in
fractione panis127.
……………………………………………….
Pone me ut signaculum, etc.128 Dilectus
meus mihi129, etc. Maintenant mon mari
m'aimera; Lia, Gen. 29130.
Valeur. Elephas viso sanguine sumit
animos. Et Heliæ: Grandis tibi restat via131.
Panis cor hominis confirmet132. Non timebo
mala quoniam tu mecum eas133. Si tu viens
avec moi, j’iray; Barac a Debora, Jud. 4134.
Prieres: Molossiens; Plut., in
Themist.135 Respice in faciem Christi tui136.
Moly, dodecatheon, in aqua epota, omnibus
medetur morbis; difficulter eruitur; [Plin.,
Hist. nat.,] 1. 25. c. 4. [14]
………………………………………………
Balthasar, vases sacrés.
A la Passion: Toutes les fois que vous
le ferez, vous annoncerez la mort du Seigneur
jusqu'à ce qu'il vienne. La manne tomba dans
le désert, et la même manne fut gardée dans un
vase d'or. Avec elle il y avait la verge d'Aaron
(la croix) et les tables, etc. Pour cela, Elle [se
trouve] sous le genièvre. Pour cela, il est
ordonné dans l'Exode, XII: S'ils vous
demandent, etc; Agneau pascal. J'ai mêlé la
myrrhe avec mon lait. [13]
Au Ciel: Je me suis réjoui des paroles
qui m'ont été dites: II vivra eternellement.
Celui qui se donne à nous dans la manne d'une
maniere cachée, nous donnera ensuite le reste
à découvert. Jonathas mangeant le miel, eut les
yeux ouverts. Ils le reconnurent à la fraction
du pain.
……………………………………………….
Pose-moi comme un sceau, etc. Mon
Bien-Aime est a moi, etc.
L'elephant voyant le sang reprend ses
esprits. Et Elie; II te reste un long chemin. Que
le pain fortifie le cœur de l'homme. Je ne
craindrai point les maux parce que vous allez
avec moi.
Regardez en la face de votre Christ. Le
moly, dodécathéon, bu dans l'eau, guérit toutes
les maladies; difficile à extirper. [14]
118 I Cor., XI, 36.
119 Vers. 4.
120 Ibid.
121 III Reg., XIX, 4-8.
122 Vers. 26, 27.
123 Cant., V, 1.
124 Ps. CXXI, 1.
125 Joan., VI, 52.
126 I Reg., XIV, 57.
127 Lucæ, ult., 35.
128 Cant., ult., 6.
129 Ibid., II, 16.
130 Vers. 35.
131 III Reg., XIX, 7.
132 Ps. CIII, 15.
133 Ps. XXII, 4.
134 Vers. 8.
135 Post medium.
136 Ps. LXXXIII, 10.
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LXXI. Plan d'un sermon pour le Dimanche de la Passion
12 mars 1606137
Quis ex vobis arguet me de peccato?
Si veritatem dico vobis, quare non
creditis mihi? Qui ex Deo est, verba
Dei audit; propterea vos non auditis
quia ex Deo non estis.
[JOAN., VIII, 46, 47.]
Initio proponitur historia Josue, VI, de
civitate Hiericho expugnata per sacerdotes
portantes Arcam fcederis et buccinis
concrepantes138. Arcam fœderis portare est
legem implere, juxta illud: Jugum enim meum
suave et onus meum leve139. Digito autem suo
nolunt ea movere140. Buccina est verbum Dei.
Nunc Christus expugnaturus Hierico,
lunaticam hanc civitatem mundi141, ostendit se
veluti alterum Josue portasse Arcam foederis
et legem implesse, Quis ex vobis arguet me de
peccato? [15] ac etiam prædicasse et buccina
verbum Dei prædicasse: Si veritatem dico
vobis, quare non creditis mihi? Nihil obstat
quo minus credatis, nam et veritatem dico et
nihil in vita mea contrarium reperietis. In
musica erratur quando magister, etsi recte
cantet, tamen male mensuram manu indicat. At
ego, ait Dominus, recte canto et melius pulso:
Quare ergo non credunt cum veritatem dico?
Imo, Domine, quia veritatem dicis non
potest suscipi doctrina tua. Prophetae tui
viderunt tibi falsa et stulta, nec aperiebant
iniquitatem tuam ut te ad poenitentiam
provocarent; Thren. 2142. Id tamen æquum. Et
tu, fili hominis, sume tibi laterem, et pones eum
coram te, et describes in eo civitatem
Hierusalem; et ordinabis adversus eam
obsidionem, et aedificabis munitiones, et
comportabis aggerem, et dabis contra eam
castra, et pones arietes in gyro143. Later est cor
Qui d'entre voits me convaincra de
pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me
croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu,
icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les
icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point
de Dieu.
Exposer au debut l'histoire de Josue,
VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres
qui portaient l'Arche d'alliance, au son des
trompettes. Porter l'Arche d'alliance, c'est
accomplir la loi, d'apres ce texte: Car mon joug
est doux et mon fardeau léger. Mais ils ne
veulent pas les remuer du doigt. La trompette
est la parole de Dieu. Et maintenant le Christ,
qui vient s'emparer de Jericho, la ville de la
lune, la cite du monde, s'annonce comme un
autre Josue qui a porte l'Arche d'alliance et
accompli la loi, Qui d'entre vous me [15]
convaincra de péché? et aussi qui a prêché et
fait retentir comme une trompette la parole de
Dieu: Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me
croyez-vous point? Rien ne vous empeche de
croire, puisque je vous dis la vérité et que vous
ne trouverez rien dans ma vie qui n'y soit
conforme. Il y a faute en musique, quand le
maître, bon chanteur d'ailleurs, bat mal la
mesure. Mais moi, dit le Seigneur, je chante
juste et bats mieux encore: Pourquoi donc ne
croient-ils pas quand je dis la vérité?
Eh! Seigneur, c'est parce que vous dites
la vérité qu'on ne peut accepter votre doctrine.
Tes prophètes ont eu pour toi des visions
fausses et insensées, et ils ne découvraient pas
ton iniquité pour te provoquer à la pénitence.
Pourtant, ils auraient dû le faire. Et toi, fils de
l'homme, prends une brique, mets-la devant toi
et tu y décriras la cité de Jérusalem; et tu
disposeras contre elle un siège, et tu bâtiras
des fortifications, tu formeras un rempart, tu
137 On ne peut supposer que ce sermon soit celui qui est indiqué dans la série du Carême de Dijon (voir p. 2, note).
L'Autographe est d'un format different, et, à en juger d'après l'écriture, il doit appartenir au Carême prèché à Chambéry
en 1606.
138 Cf. supra, vol. I, pp. 130, 364.
139 Matt., XI, ult.
140 Ibid., XXIII, 4.
141 Vide interpretat. nom. Jericho (luna) ad calc. Bibl.
142 Vers. 14.
143 Ezech., IV, 1, 2.
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3.9 Page 29

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hominis, nam terra est144; Hierusalem est decor
et dignitas animæ et imaginis Dei, fidei et
donorum Dei; cognitio Christi, esse
Christianum. Et ordinabis obsidionem; id fit
dum ostenditur homini quot vitiis, peccatis et
criminibus obsideatur. Sed quid tandem [16]
effectum? Obduruerunt. Sic hic obduruerunt et
lapides sustulerunt145. Insignis historia, 2. Par.
24146, de Zacharia, filio Joyadae sacerdotis,
occiso a Joas et populo. Historiam vide de
veritate victrice, 3. Esd. 3 et 4; Zorobabel:
«Vincit» et vincet «veritas.»
Postquam
amovit
omnem
excusationem, rationem reddit cur non audiant.
Qui ex Deo est, verba Dei audit. Signum
prsedestinationis et quod sumus filii Dei est
audire ejus verba. Pueri ludentes (sic) si pater
unius tussi tantum sonet levi, filius intelligit,
cæteris non advertentibus. Act. 2147: Et
quomodo nos audivimus unusquisque linguam
nostram in qua nati sumus? Unusquisque
linguam suam audit: audit mundanus linguam
mundi, superbiam; audit carnalis linguam
carnis, concupiscentiam; audit diabolicus
linguam diaboli, rixas. Oves matres ab agnis
balantes audiuntur, et perdices perdices.
Sed dicetis: Nos audimus. At et hic isti
maledicti audiebant; audire non dicitur qui non
obedit. Estote factores verbi, et non auditores
tantum, fallentes vosmetipsos, etc.; Jacobi
148. Venite, descendamus et confundamus
linguam eorum, ut non audiat unusquisque
vocem proximi sui; Gen. 11149; ut non [17]
audiat, id est, intelligat. Quomodo cognoscitis
aliquem esse surdum? quando scilicet non
movetur verbis. Rebeccæ prope fontem dantur
ab Eliezer inaures pondo syclorum duo, et
armillæ pondo siclorum decem; Gen. 24150.
Præcipua autem causa cur non audiant
sunt odia, malevolentiæ, ut hic videmus.
Impedit ira animum. Furor illis sicut aspidis
surdae151. Continuerunt aures suas, et
impetum fecerunt unanimiter in eum152.
établiras contre elle des camps, et tu mettras
des béliers autour. La brique, c'est le cœur de
l'homme, car il est terre; Jérusalem, c'est
l'ornement et la dignité de l'âme et de l'image
de Dieu, de la foi et des dons de Dieu;
connaître le Christ, être Chrétien. Et tu
disposeras un siège; ce qui a lieu lorsqu'on
montre à l'homme par combien de vices, de
péchés, de crimes il est assiégé. Mais quel en a
été l'effet? Ils s'endurcirent. Ils s'endurcirent de
même ici et prirent des pierres. [16]
Remarquable histoire de Zacharie, fils du
prêtre Joïada, tué par Joas et le peuple. Voir
l'histoire de la vérité victorieuse, III Esdr., III
et IV; Zorobabel; «La vérité triomphe» et
triomphera.
Après avoir écarté toute excuse, le
Christ donne la raison pour laquelle ils ne
veulent pas écouter. Celui qui est de Dieu,
écoute les paroles de Dieu. Entendre la parole
de Dieu est un signe de prédestination et de
filiation divine. Quand les enfants jouent, si
seulement le père de l'un d'entre eux tousse
légèrement, lors même que tous les autres n'y
prendraient pas garde, son fils l'entend. Et
comment avons-nous entendu chacun notre
langue dans laquelle nous sommes nés?
Chacun entend sa langue: le mondain entend
la langue du monde, l'orgueil; le charnel
entend la langue de la chair, la concupiscence;
le fils du diable entend la langue du diable, les
querelles. Les agneaux entendent leurs mères
bélant, et les perdrix entendent les perdrix.
Mais vous direz: Nous avons entendu.
Ces maudits aussi entendaient à ce moment; on
dit que celui qui n'obéit pas n'entend pas.
Pratiquez la parole et ne l'écoutez pas
seulement, vous trompant vous-mêmes, etc.
Venez, descendons et confondons leur langue,
afin que l'un n'entende pas la parole de l'autre;
afin [17] qu'il n'entende pas, c'est-à-dire, qu'il
ne comprenne pas. Comment connaissez-vous
que quelqu'un est sourd, sinon quand les
paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine,
144 Cf. Sap., XV, 10.
145 Joan., VIII, ult.
146 Vers. 20-22; Matt., XXIII, 35.
147 Vers. 8.
148 Vers. 22.
149 Vers. 7.
150 Vers. 35.
151 Ps. LVII, 5.
152 Act., VII, 56.
29/342

3.10 Page 30

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Responderunt Judaei et dixerunt:
Nonne bene dicimus nos quia Samaritanus es
tu, et daemonium habes153? Isti sunt sermones
diaboli, nimirum blasphemiae, sermones
inferni. Respondit Jesus: Ego (de Samaritano
nihil dicit quia constabat) daemonium non
habeo, sed honorifico Patrem meum, et vos
inhonorastis me. Ego non quaero gloriam
meam; est qui quaerat et judicet. Amen amen
dico vobis: Si quis sermonem meum servaverit,
mortem non videbit in aeternum154. Servare ut
Virgo155, ut David custodire156. Dixerunt ergo
Judaei: Nunc cognovimus quia daemonium
habes; Abraham mortuus est, et Prophetae
mortui sunt, quem teipsum facis? Respondit
[18] Jesus: Si ego glorifico meipsum, gloria
mea nihil est; est Pater meus157, etc.
Deut. 4158: Cum quœsieris Dominum
invenies, si tamen quœsieris in toto corde et
tota tribulatione animae tuae. Joel159: Scindite
corda. Sacrificium Deo spiritus contribulatus,
cor contritum160, etc. Et in cubilibus vestris
compungimini161. Peccatum meum contra me
est semper162. Convertatur vir a via sua
mala163. Averte faciem tuam a peccatis meis164.
2. Reg. 24: Percussit autem cor David eum, et
dixit: Peccavi valde in hoc facto165; vertatur,
obsecro, manus tua contra me166. Verterunt ad
me tergum, et non faciem167. Egressus est a
facie Domini168. Denigrata est super
carbones169. [19]
Eliézer donne à Rébecca des pendants
d'oreilles du poids de deux sicles, et des
bracelets du poids de dix sicles.
Mais la cause principale pour laquelle
ils n'entendent pas est la haine, la malveillance
dont nous les voyons animés. La colère
embarrasse l'esprit. Leur fureur est semblable
a celle d'un aspic sourd. Ils se bouchèrent les
oreilles et se précipitèrent tous ensemble sur
lui.
Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne
disons-nous pas avec raison que vous êtes un
Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces
paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-
à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.
Jésus répondit: Je n'ai pas de démon en moi (il
ne parle pas de Samaritain; il est évident qu'il
ne l'était pas), mais j'honore mon Père, et vous,
vous me déshonorez. Je ne cherche point ma
gloire; il est quelqu'un qui la cherchera et qui
jugera. En vérité, en vérité, je vous le dis: Si
quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais
la mort. L'observer comme la Sainte Vierge, la
garder comme David. Les Juifs dirent donc;
Maintenant nous connaissons qu'il y a un
démon en [18] vous; Abraham est mort, et les
Prophètes aussi, qui prétendez-vous être?
Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma
gloire n'est rien; c'est mon Père, etc.
Lorsque tu chercheras le Seigneur, tu
le trouveras, si toutefois tu le cherches de tout
ton cœur et dans toute l'affliction de ton âme.
Déchirez vos cœurs. Le sacrifice que Dieu
désire est un esprit affligé, un cœur contrit, etc.
Excitez-vous à la componction dans vos lits.
Mon péché est toujours devant moi. Que
l'homme se détourne de sa mauvaise voie.
153 Joan., VIII, 48
154 Ibid., vv. 49-51.
155 Lucæ, XI, 38.
156 Ps. CXVIII, etc.
157 Joan., VIII, 52-54.
158 Vers. 29.
159 Cap. II, 13.
160 Ps. L, 19.
161 Ps. IV, 5.
162 Ps. L, 5.
163 Jonæ, III, 8.
164 Ps. L, 11.
165 Vers. 10.
166 Vers. 17.
167 Jerem., II, 27 .
168 Gen., IV, 16.
169 Thren., IV, 8.
30/342

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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Détournez votre face de mes péchés. Mais le
cœur de David fut frappé de remords et il dit:
J'ai beaucoup péché en cette action; que votre
main, je vous en prie, se tourne contre moi. Ils
ont tourne vers moi le dos et non la face. Il se
retira de devant la face du Seigneur. [Leur
face] est devenue plus noire que le charbon.
[19]
31/342

4.2 Page 32

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LXXII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Ascension
24 mai 1607170
Et Dominus quidem Jesus, postquam
locutus est eis, assumptus est in
Caelum, et sedet a dextris Dei.
[MARC., ult., 19.]
Quand Helie fut ravi, Helisee luy
demanda son esprit au double; cui Hælias:
Rem grandem postulasti, verumtamen si
videris me ascendentem ita fiet; si non videris,
non fiet171. Sic sane, auditores, si Christum
ascendentem viderimus, in nobis fiet
cumulatissimus donorum ejus thesaurus. Eia
ergo, oculis mentis intueamur ascendentem; ac
ne oculi caligent, s'esblouissent, petamus a
Deo gratiam ut se permittat videri, per eam per
quam nobis visibilis factus est. [20]
Jam olim, cum Christus suam carnem,
se ipsum, panem vivum et celestem, suis
daturum discipulis promitteret, durum illud
discipulis visum est. Quare et dixerunt:
Quomodo potest? et: Durus est hic sermo172. Et
ainsy murmuroyent-ilz; Christus autem sciens,
etc.: Hoc vos scandalizat? Si ergo videritis
Filium hominis ascendentem ubi erat prius173?
Prævidit nimirum futurum ut ex Christi
Ascensione
plerique
Sacramentum
Eucharistiæ destruere conarentur, ut faciunt
omnes hujus temporis Sacramentarii. Ego ergo
ante omnia eorum spinas evellam, mox
flosculos plantabo.
Solent hæretici extrema semper
appetere. In omnibus Ecclesia, inquit
Tertullianus174, ut et Christus, in medio
latronum semper crucifixa est. Yerbi gratia, si
de Scriptura agatur, Swenckfeldius, Quintinus,
Chopinus nullum verbum volunt, sed omnia
inspiratione; alii plerique omnes nihil
Ecclesiæ, inspirante Spiritu Sancto, credunt. Si
de Trinitate, Servetus cum Samosateno nullam
distinctionem personalem, Valentinus
Et le Seigneur Jésus, après leur avoir
parlé, fut élevé dans le Ciel, et il est assis à la
droite de Dieu.
Quand Elie fut ravi, Elisée lui demanda
son esprit au double; Elie répondit: Tu as
demandé une grande chose, cependant, si tu me
vois monter, cela se fera; si tu ne me vois pas
monter, cela ne se fera pas. Il en sera de même
assurément, auditeurs: si nous voyons
l'Ascension du Christ, le trésor le plus
abondant de ses dons nous sera communiqué.
Courage donc! Des yeux de l'âme,
contemplons son Ascension; et, de crainte que
nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la
grâce qui nous permettra de le voir, par
l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se
rendre visible aux hommes. [20]
Autrefois déjà, le Christ avait promis à
ses disciples qu'il leur donnerait sa propre
chair, lui-même, le pain vivant et céleste, et
ceux-ci avaient trouvé cette parole dure. Ils
dirent donc: Comment peut-il? et: Cette parole
est dure... Or, le Christ sachant, etc.: Cela vous
scandalise? Et si vous voyiez le Fils de
l'homme montant où il était auparavant? Il
prévoyait sans doute qu'un grand nombre
tireraient de l'Ascension du Christ un argument
pour s'efforcer d'anéantir le Sacrement de
l'Eucharistie. C'est ce que font tous les
Sacramentaires de notre époque. Avant tout,
j'arracherai donc leurs épines, pour planter
ensuite quelques fleurs.
Les hérétiques ont l'habitude de
rechercher toujours les extrêmes. En tout et
toujours, l'Eglise, dit Tertullien, est comme le
Christ, crucifiée entre deux larrons. Par
exemple, s'agit-il de l'Ecriture, Swenckfeld,
Quintinus, Chopin, ne veulent pas de parole,
tout vient par inspiration; et presque tous les
autres refusent absolument de croire à l'Eglise,
170 Les matières de controverse traitées dans ce sermon donnent à penser qu'il a été prêché devant un auditoire
récemment converti à la foi catholique. Or comme en 1607, le saint Evèque se trouvait à Thonon pour la fête de
l'Ascension, il est très probable que ce sermon remonte à la même date. L'écriture et les spécialités de l'Autographe
appuient cette conjecture.
171 IV Reg., II, 9, 10.
172 Joan., VI, 53, 61.
173 Ibid., vv. 62, 63.
174 Cf. de Præscript. cc. III, XXX.
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4.3 Page 33

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Gentilis, trinitatem essentiæ. Si de Christo,
Nestorius duas personas esse vult, Eutiches
unam naturam. Si de honore Virginis,
Collyridiani adorandam sacrificio, [21]
Copronymus nullo honore dignam. Si de
pœnitentia, Novatus175 nullam sufficere,
Pelagiani omnem. Ac ut ad rem veniamus176,
nostro tempore, circa misterium Eucharistiæ,
Ubiquidistæ ubique, alii nullibi in hoc mundo
sed tantum extra mundum in Cælo reperiri. Illi
non ascendisse, isti non remansisse.
At Ecclesia Catholica transiens per
medium illorum ibat177, neque ubique neo
nullibi in mundo, sed in Sacramento
Eucharistise, ubi Christus voluit. Quare? Quia
utrumque dixit qui utrumque potuit; neque
dixit et noluit. Solent fere semper hseretici
hujus temporis, ubi duo in Scriptura repererint
quæ non intelligunt quomodo simul stare
possint, unum altero expellere, quamvis
contraria non sint. Verbi gratia: fides
justificat178, ergo opera non justificant, cum
utrumque dicat clarissime Scriptura; Ecclesia
et fides et opera, ex Jacobo179. Verbum Dei
scriptum tenendum, ergo Traditiones
abjiciendæ; Ecclesia: Tenete Traditiones quas
accepistis, sive per sermonem, sive per
Epistolam nostram; 2. Thess. 2. v. 14.
Confitendum Deo, ergo non Christi [22]
ministris; at Ecclesia, et Deo et ministris. Et sic
propemodum semper, ut hic: articulus est fidei
«ascendit ad cælos,» ergo non est in
Eucharistia; at Ecclesia: et est hic et est in
Eucharistia. Tota ratio facti est omnipotentia
facientis.
Solet humana ratio sæpissime
impingere in hunc scopulum. Abraham, cum
audiret senex se filium hæredem habiturum,
interpretatus est de Eliezer180. Gen. enim, 13.
v. 16, Deus promisit semen; Gen. 15, 2, 3,
interpretatur Abraham de Eliezer. Gen. 17. v.
16 et 17, Dieu annonce un enfant de Sara,
Abraham rit: Putasne centenario? etc.; utinam
Ismael vivat181. Gen. XVIII182, idem Sara.
inspirée par l'Esprit-Saint. S'agit-il de la
Trinité, Servet et Paul de Samosate n'admettent
aucune distinction de personnes, Valentin
Gentilis affirme une triple essence. Dans le
Christ, Nestorius veut voir deux personnes,
Eutychès, une seule nature. Pour l'honneur dû
à la Sainte Vierge, les Collyridiens la veulent
adorer par des sacrifices, Copronyme ne la uge
digne d'aucun culte. S'agit-il [21] de la
pénitence, Novat enseigne qu'aucune n'est
suffisante, Pélage, que la plus légère suffit. Et
pour en venir à notre sujet, de notre temps,
relativement au mystère de l'Eucharistie, les
Ubiquitaires déclarent que Jésus est partout,
d'autres, qu'il n'est nulle part en ce monde,
mais seulement hors de ce monde, au Ciel;
ceux-là nient qu'il soit monté, ceux-ci qu'il soit
demeuré.
Mais l'Eglise Catholique, passant au
milieu d'eux, s'en allait, et dit: Le Christ n'est
ni partout, ni nulle part en ce monde, mais il est
où il a voulu, dans le Sacrement de
l'Eucharistie. Pourquoi? Parce que Celui qui
pouvait faire l'un et l'autre a affirmé l'un et
l'autre; et il n'a pas promis et refusé. Presque
toujours les hérétiques contemporains,
lorsqu'ils trouvent deux vérités de l'Ecriture
dont ils ne peuvent comprendre l'existence
simultanée, ont coutume d'en détruire l'une par
l'autre, bien qu'elles ne soient pas contraires.
Ainsi: la foi justifie, donc les œuvres ne
justifient pas; et pourtant l'Ecriture enseigne
très clairement ces deux points. L'Eglise,
d'après saint Jacques, admet la foi et les
œuvres. Il faut s'en tenir à la parole de Dieu
écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit:
Gardez les Traditions que vous avez reçues,
soit par nos discours, soit par notre Epître. Il
faut se confesser à Dieu, donc pas aux
ministres du Christ ; mais l'Eglise dit: à Dieu
et à ses [22] ministres. Et il en est ainsi presque
toujours, comme dans ce cas: c'est un article de
foi que Jésus «est monté aux cieux,» il n'est
donc pas dans l'Eucharistie; mais l'Eglise dit:
oui, il est là-haut, et il est dans l'Eucharistie.
175 Le Saint avait d'abord, au courant de la plume, écrit Donatus; Novatus est placé dans l'interligne.
176 Cf. supra, vol. I, Serm. XXXVI.
177 Lucæ, IV, 30.
178 Rom., IV, V; Galat., III.
179 Cap. II.
180 Gen., XV, 2, 3.
181 Vers. 18.
182 Vers. 13.
33/342

4.4 Page 34

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Major est Deus corde nostro183. Abraham
postea credit contra spem184, immolando Isaac,
de cujus prole tanta illi promissio facta fuerat.
Jam vero quia Christum Ascensionem
suam testatam fecisse nemini dubium; ejus in
Eucharistia presentiam breviter probemus ex
Scriptura. Promittit, dat, docet. Docet Paulo, I
Cor. XI185: Ego enim accepi, etc., in qua nocte
tradebatur, etc., accepit panem. Sed fecit
corpus suum, quod prius panis fuit; ut aquam
in vinum186, pulverem terræ in corpus hominis
et carnem187, os Adami in Evam188. Manhu?
quid est hoc? Iste est [23] panis quem dedit
Dominus ad vescendum189. Crediderunt
Israelitæ, nec dixerunt: Non habet effigiem
panis, sed coriandri190, aut brumse et verglas;
sed omnes collegerunt. At Christus nunc ait:
Hoc est corpus meum191; quid hæsitas? Corpus
Christi est sine dubio. Noctu cadebat man, ne
viderent Israelitæ quomodo fit, sed factam
crederent: factum crede, modum faciendi ne
inquire.
Porro et Chrisost., ante annos 13.192 ad
miraculum ipsum refert; 1. 3. De
Sacerdotio193. «O miraculum,» inquit,«o Dei
benignitatem! Qui cum Patre sursum sedet, in
illo ipso temporis articulo omnium manibus
pertractatur, ac seipsum tradit omnibus
volentibus eum excipere et amplecti.» Et hom.
2. ad Antioch.194: «Elias meloten discipulo
reliquit195, Filius Dei ascendens suam carnem
dimisit; sed Helias quidem exutus, Christus
autem et nobis reliquit et ipsam habens»
abscondit.
At tandem non solum Ascensio [non]
obest articulo de Eucharistia, sed prodest; nam
videte quaeso quale corpus, non amplius
carnale sed spiritale, penetrat cælos; 1. Cor.
XV, v. 44. [24]
Toute la raison de l'acte est dans la toute-
puissance de Celui qui agit.
La raison humaine butte très souvent à
cet écueil. Abraham, déjà vieux, apprend qu'il
aura un héritier, il l'interprète d'Eliézer. Car,
Gen., XIII, 16, Dieu lui promet une postérité;
Gen., XV, 2, 3, Abraham l'interprète d'Eliézer.
Gen., XVII, 16, 17, Dieu annonce un enfant de
Sara, Abraham rit: Pensez-vous qu'à un
centenaire? etc.; plaise à Dieu qu'Ismael vive!
Gen., XVIII, Sara de même. Dieu est plus
grand que notre cœur. Abraham, dans la suite,
croit contre l'espérance en immolant Isaac,
pour la postérité duquel de si belles promesses
lui avaient été faites.
Mais le Christ a prouvé son Ascension
par témoins, nul n'en doute. Prouvons en peu
de mots, par l'Ecriture, sa présence dans
l'Eucharistie. Il la promet, la donne, l'enseigne.
Il l'enseigne à saint Paul: Car j'ai reçu moi-
même, etc., la nuit où il fut livré, etc., il prit le
pain. Mais il fit son corps de ce qui auparavant
était pain; comme l'eau changée en vin, la
poussière de la terre en corps humain et en
chair, l'os d'Adam en Eve. Manhu? qu'est ceci?
C'est le [23] pain que le Seigneur a donné a
manger. Les Israélites crurent, ils ne dirent
pas: Cela ressemble non pas au pain, mats à la
coriandre, à la gelée blanche, au verglas; non,
tous en recueillirent. Or, le Christ dit
maintenant: Ceci est mon corps; pourquoi
hésites-tu? Assurément, c'est le corps du
Christ. La manne tombait la nuit, pour que les
Israélites ne vissent pas son mode de
production, mais qu'une fois produite ils y
crussent: crois au fait sans rechercher comment
il s'est produit.
Or, il y a treize cents ans que saint
Chrysostôme s'en rapportait à ce miracle ; Du
Sacerdoce, liv. III. «O miracle,» s'écriait-il, «ô
183 I Joan., III, 20.
184 Rom., IV, 18.
185 Vers. 23.
186 Joan., II, 9.
187 Gen., II, 7.
188 Ibid., vv. 21, 22.
189 Exod., XVI, 15.
190 Ibid., v. 31.
191 I Cor., XI, 54.
192 Il s'agit évidemment de treize siècles et non de treize ans. Cf. tome VII de notre Edition, p. 273, note (2209).
193 § 4.
194 § 9.
195 IV Reg., II, 13.
34/342

4.5 Page 35

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Or sus, c'est chose extremement douce
que de bien croire et l'un et l'autre. Mais
puisque c'en est la feste, meditons un peu le
second, l'Ascension. Il estoit certes bien
raysonnable que ce Sauveur exalte en croix fut
exalte en gloire. C'est icy le dernier et le
complement des misteres de la Redemption.
Osculetur me osculo oris sui196; Fuge, Dilecte,
assimilare capreae hinnuloque cervorum
super montes aromatum197. Sed quare nos non
trahit? Magnes trahit ferrum, nisi obstet
adamas intermedius, pinguedo et allium. Ad
Philip. I. V. 23: Coarctor enim a duobus, etc.
[25]
bonté de Dieu! Celui qui siège là-haut avec le
Père, en ce moment même, se livre à toutes les
mains, se donne lui-même à tous ceux qui
veulent le recevoir et l'embrasser.» Et hom. II
aux Antiochiens: «Elie laisse à son disciple son
manteau; le Fils de Dieu, montant au Ciel, nous
laisse sa chair; mais Elie s'était dépouillé, le
Christ, lui, nous laisse sa chair sans la quitter
lui-même,» bien qu'il la cache.
Mais enfin il y a plus. Loin de
contredire l'Eucharistie, l'Ascension lui sert
d'appui. Voyez en effet, je vous prie, ce corps,
non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les
cieux. [24]
Qu'il me baise d'un baiser de sa
bouche. Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez
semblable au chevreuil et au faon des biches,
sur les montagnes des aromates. Mais
pourquoi ne nous entraine-t-il pas? L'aimant
attire le fer, pourvu que n'y mettent obstacle ni
un diamant interposé, ni une substance
graisseuse, ni l'ail. Car je me sens pressé des
deux côtés, etc. [25]
196 Cant., I, 1.
197 Ibid., VIII, ult.
35/342

4.6 Page 36

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LXXIII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de
l'Avent
30 novembre 1608198
(INÉDIT)
199………………………………………………
Et stellis200, id est, affectionibus: heu,
invertentur omnia; affectus pravi cadent, amor
temporalium, etc. Et in terris pressura gentium;
in carne pressura sensuum. Prœ altitudine
sonitus maris201; maris, id est, mortis, mare
enim dolorum est. Arescentibus hominibus,
interiore et exteriore, prœ timore eorum quœ
supervenient universo orbi202, id est, homini
integro. Tunc vos, qui Christum primo
venientem excepistis, levate capita vestra203.
[26]
Oratio fiat recapitulando. Erigo me ad
te, nam tu es qui rigas aqua montes, ut saturentur
ligna campi et cedri Libani; illic passeres
nidificabunt. Herodii domus dux est eorum, id
est, herodius primum nidificabit, alios ad
nidificandum ducendo et inducendo. Montes
excelsi cervis, ad pascendum cum arcentur a
venatore. Petra refugium erinaceis204, sive
marinis sive terrestribus, licet diversimode. [27]
………………………………………………
Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les
affections: ô Dieu! tout changera; les
affections dépravées tomberont, ainsi que
l'amour des biens passagers, etc. Et sur la
terre la détresse des nations: dans la chair,
détresse des sens. A cause du mugissement
retentissant de la mer; de la mer, c'est-à-dire
de la mort, car la mort est une mer de
douleurs. Les hommes séchant, l'homme
intérieur et l'homme extérieur, de frayeur,
épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra
dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme
tout entier. Alors, vous, qui avez reçu Jésus-
Christ dans son premier avènement, levez la
tête. [26]
Récapituler sous forme de prière. Je
m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez
d'eau les montagnes, afin que les arbres de la
campagne et les cèdres du Liban soient
rassasiés; les passereaux y feront leurs nids.
La demeure du liéron est leur chef, c'est-à-
dire, le héron est le premier à faire son nid,
afin de conduire et d'induire les autres à faire
les leurs. Les montagnes élevées fournissent
des pâturages aux cerfs quand ils sont
repoussés par le veneur. I.e rocher sert de
refuge aux hérissons, soit maritimes, soit
terrestres, mais de diverses manières. [27]
198 Avec ce sermon commence la reproduction des feuilles du grand Ms. de Turin. (La pagination de ces feuilles sera
toujours indiquée en marge; voir l'Avis au lecteur.)
Bien que le commencement de ce fragment ne nous soit pas parvenu, d'après le procédé du Saint expliqué
dans l'Avant-Propos, la date est facile à conjecturer d'une manière presque indubitable; car ce fragment fait partie de
la série des sermons pour le premier Dimanche de l'Avent, et comme il est suivi immédiatement de celui qui porte la
date 1609, il doit remonter au même Dimanche de l'année précédente.
199 (Ms. p. 16, recto, P)
200 Lucæ, XXI, 25.
201 Ibid.
202 Vers. 26.
203 Vers. 28.
204 Ps. CIII, 13, 16-18.
36/342

4.7 Page 37

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LXXIV. Plan d'un sermon pour la fête de l'Immaculée
Conception de la Sainte Vierge
8 décembre 1608
(INÉDIT)
205AD FESTUM CONCEPTIONIS
BEATISSIMÆ VIRGINIS ET
ANNIVERSARIUM MEÆ
CONSECRATIONIS, 1608
POUR LA FÊTE DE LA CONCEPTION DE
LA BIENHEUREUSE VIERGE ET
L'ANNIVERSAIRE DE MA
CONSÉCRATION, 1608
Dilectus meus mihi et ego illi; qui
pascitur inter lilia, donec aspiret
dies et inclinentur umbrœ.
[CANT., II, 16, 17.] [28]
Le grand amour que Nostre Seigneur
porte a Nostre Dame et par lequel il se rend
tout sien, est cause que Nostre Dame
reciproquement est toute sienne, et par
consequent qu'elle n'a peu contracter aucun
peché. Sa divine Majesté nous veuille rendre
tout siens. Vous voyes que je vay faire un
discours tout d'amour, mais que je ne puis faire
si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire,
et que Celle qui par luy a receu plus d'amour
que nulle creature ne m'en impetre la grace.
[28]
Omnes Patres iis verbis immensum
mutuum amorem Sponsi et Sponsæ
demonstrari tradunt. Neque in hoc est
difficultas; amor quidem Sponsi ad Sponsam:
Dilectus meus mihi; Sponsæ ad Sponsum: et
ego illi. Quia autem Christus est Sponsus,
quamquam nihil sit dubium de ejus amore,
consolationis ergo videamus signa amoris
Christi erga Matrem.
Primum signum amoris est unio
affectiva sive voluntatis; unde Christus206: Si
quis diligit me, sermonem meum servabit; Qui
dicit se diligere Deum et mandata ejus non
servat, mendax est207; Erat illis cor unum et
anima una208; Anima Jonatœ conglutinata est
Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis
à lui; il se repaît parmi les lis, jusqu'à ce que
le jour paraisse et que les ombres s'inclinent.
[28]
Tous les Pères trouvent dans ces
paroles une preuve de l'immense et mutuel
amour de l'Epoux et de l'Epouse. Nulle
difficulté sur ce point. En effet, amour de
l'Epoux pour l'Epouse: Mon Bien-Aime est à
moi; et de l'Epouse pour l'Epoux: Et moi je suis
à lui. Comme le Christ est l'Epoux, bien que
nous ne puissions douter de son amour,
cependant, pour notre consolation, voyons les
témoignages d'amour de Jésus envers sa Mère.
Le premier signe de l'amour est une
union affective, soit de volonté; c'est pourquoi
le Christ dit: Si quelqu'un m'aime, il gardera
ma parole. Celui qui dit qu'il aime Dieu et ne
garde pas ses commandements est un menteur.
Ils n'étaient qu'un cœur et qu'une âme. L'âme
de Jonathas s'était collée a l'âme de David.
Voilà pourquoi saint Augustin, liv. IV de ses
Confessions, chap. VI, loue celui qui nommait
son ami «la moitié de mon âme,» car par
l'union mutuelle qui naît de l'affection, un ami
est un autre soi-même. Mais je ne puis
m'empècher de citer deux faits: cette histoire
de l'amitié de saint Augustin et la rétractation
qu'il fit de ces mots qui se trouvent à la fin du
chap. VI: «Mais celui qui a appelé la moitié,»
etc. C'est Horace parlant de Virgile qui
voyageait sur mer:
205 (Ms. p. 19, verso)
206 Joan., XIV, 23.
207 I Joan., II, 4.
208 Act., IV, 32.
37/342

4.8 Page 38

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cum anima David209. Unde Aug., 4. Confess.,
c. 6, laudat dicentem de amico «dimidium
animæ meæ,» quia amicus affective est alter
ego. Sed non possum continere quin dicam
duo: et historiam illam de amicitia Augustini,
et retractationem quam fecit210 illorum
verborum quæ sunt in fine cap. 6: «Ille autem
qui dixit dimidium,» etc. Horatius est211, de
Virgilio navigante:
«Et serves animæ dimidium
meæ.»
Jam vero quam Christus univerit se Matri: Et
erat [29] subditus illis212, ut semper
voluntatem ejus fecerit sicut gratissimæ
sponsæ, et illa vicissim conjunctissima
Christo: Pone me ut signaculum supra cor
tuum213. Et illud: Ego dormio et cor meum
vigilat214, de corde Virginis Christo. Et illud:
Tuam ipsius animam doloris gladius
pertransibit215. Hugo de anima Christi, quae
anima est Mariæ, interpretatur216; unde ad
Crucem stat vincta canalibus217, sicut lilium
inter spinas218.
Secundum signum amoris, ad Philip.
I219: Eo quod habeam vos in corde meo, est
adhæsio intima. Agglutinata est anima
Jonathœ220; Adhœsit anima mea post te221;
Mihi autem adhœrere Deo bonum est222. Talis
fuit amor Noemi et Ruth223. Jam maxima
adhæsio Christi ad Virginem ubique, et rursus
Virginis ad Christum, unde: Dilectus meus
mihi224; Quaeram quem diligit anima mea225;
Quis nos separabit a charitate Christi226?
Christo confixus sum cruci227.
«Et que tu gardes la moitié de
mon âme.»
Or, combien Jésus était uni à sa Mère: Et il leur
était soumis, faisant toujours [29] sa volonté
comme celle d'une épouse très aimée. Elle, à
son tour, était très intimement liée au Christ:
Pose-moi comme un sceau sur ton cœur. Et cet
autre texte; Je dors et mon cœur veille, s'entend
du cœur de la Vierge pour le Christ. Et celui-
ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme,
Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est
l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se
tient debout liée dans des canaux, comme le lis
entre les épines.
Deuxième signe d'amour; aux
Philippiens, I: Parce que je vous ai dans mon
cœur; c'est l'union intime. L'âme de Jonathas
se colla étroitement. Mon âme s'est attachée a
vous. Pour moi, il m'est bon d'adhérer à Dieu.
Tel fut l'amour de Noémi et de Ruth. Partant,
l'union du Christ à la Vierge fut très grande
partout, de même aussi celle de la Vierge au
Christ : Mon Bien-Aimé est à moi. Je
chercherai celui que chérit mon âme. Qui nous
séparera de la charité du Christ? Je suis cloué
a la croix avec le Christ.
Troisième signe, l'extase ou le
ravissement. Denis l'Aréopagite, liv. IV des
Noms Divins, dit que le Christ subit une extase
en entrant dans le sein de la Vierge: C'est moi
qui suis sortie de la bouche du Très-Haut,
engendrée la première avant toute créature. A
son tour, la Vierge fut hors d'elle-même ; [30]
Pour moi, vivre, c'est le Christ, et mourir m'est
209 I Reg., XVIII, 1.
210 Retract., l. II, c. VI.
211 Carm., 1. I, carm. III, 8.
212 Lucæ, II, 51.
213 Cant., ult., 6.
214 Ibid., V, 2.
215 Lucæ, II, 35.
216 In locum Lucæ.
217 Cant., VII, 5.
218 Ibid., II, 2.
219 Vers. 7.
220 Vide pag. præced.
221 Ps. LXII, 9.
222 Ps. LXXII, ult.
223 Ruth, I, 14-18.
224 Cant., II, 16.
225 Ibid., III, 2.
226 Rom., VIII, 35.
227 Galat., II, 19.
38/342

4.9 Page 39

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Tertium signum, exstasis sive raptus.
Dionysius Areopagita, [1.] 4. de Divinis
Nominibus228, ait Christum exstasim passum
cum venit ad uterum Virginis: Ego ex ore
Altissimi prodivi, primogenita ante omnem
creaturam229. At Virgo vicissim extra se fuit:
Mihi [30] vivere Christus est et mori lucrum230;
Vivo ego, jam non ego231. Hugonis sententia232
huc refertur.
Quartum est zelus, qui duplex:
concupiscentiæ, ut prætendentium dignitates,
quia ad bonum limitatum, et hic est invidia;
amicitiæ, et avertit mala ab amico. Hic zelus
fuit in Virgine maximus. Pro domo Dei: Quis
scandalizatur et ego non uror233? Zelus Christi
de Virgine: Pone me ut signaculum supra cor
tuum234; Hortus conclusus235; Capite nobis
vulpes parvulas quae demoliuntur vineas, nam
vinea mea floruit; Dilectus meus mihi236. [31]
un gain; Je vis, non plus moi. La parole de
Hugues se rapporte ici.
Le quatrième est le zèle. Il est double:
celui de concupiscence, comme le zèle de qui
prétend aux dignités; parce que ce bien est
limité, ce zèle s'appelle envie. Celui d'amitié
est le zèle qui protège l'ami contre les maux.
Ce zèle atteignit son plus haut degré en Marie.
Pour la maison de Dieu: Qui est scandalisé
sans que je brûle? Zèle du Christ pour la
Vierge: Pose-moi comme un sceau sur ton
cœur. Jardin fermé. Prenez-nous les petits
renards qui ravagent les vignes, car ma vigne
a fleuri. Mon Bien-Aimé est à moi. [31]
228 § XIII.
229 Eccli., XXIV, 5.
230 Philip., I, 21.
231 Galat., II, 20.
232 Vide pag. præced.
233 II Cor., XI, 29.
234 Cant., ult., 6.
235 Ibid., IV, 12.
236 Ibid., II, 15, 16.
39/342

4.10 Page 40

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LXXV. Fragment d'un sermon pour la fête de saint Jean
l'Evangéliste
27 decembre 1608237
(INÉDIT)
238……………………………………………….
Porro sententia contraria est Hyppolyti239
et D. Amb. in Lucam240. Quatuor argumentis
probatur.
[1.] Mat. 16241: Sunt de hic stantibus qui
non gustabunt mortem donec videant Filium
hominis in regno suo; et ibi loquebatur de regni
cælesti.
2. Calicem quidem meum bibetis242.
3. Apoc. X243: Angelus qui stabat super
mare et super terram: Opportet te iterum
prophetare gentibus et populis et linguis et
regibus multis.
4. Hoc loco: [Sic eum volo manere donec
veniam, quid ad te244245?]
Verum si mortuus est, qua morte? Morte
amoris. [32]
……………………………………………..
J'ajoute que l'opinion contraire est
soutenue par saint Hyppolite, et par saint
Ambroise [dans son Commentaire] sur saint
Luc, et qu'elle se prouve par quatre
arguments.
[1.] Il y en a de ceux qui sont ici
présents qui ne goûteront pas la mort jusqu'à
ce qu'ils voient le Fils de l'homme dans son
royaume; et là il parlait du royaume céleste.
2. Vous boirez en effet mon calice.
3. L'Ange qui se tenait debout sur la
mer et sur la terre: Il faut encore que tu
prophétises a un grand nombre de nations,
de peuples, d'hommes de diverses langues et
de rois.
4. Par ce texte: [Si je veux qu'il
demeure jusqu'à ce que je vienne, que
t'importe?]
Mais si vraiment il est mort, de quelle
mort? De la mort d'amour.[32]
237 La date de ce fragment est conjecturée d'après la pagination du Ms.
238 (Ms. p. 29, recto)
239 De Consum. Sæc.
240 In cap. IX, 27.
241 Vers. ult.; Lucæ, IX, 27.
242 Matt., XX, 23.
243 Vers. 5, 11.
244 Joan., ult., 22.
245 Les trois premières citations données par saint François de Sales, et le renvoi qu'il fait par ces mots: Hoc loco à
l'Evangile du jour, permettent de suppléer sans hésitation le texte qui a dû lui fournir son quatrième argument.
40/342

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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LXXVI. Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents246
4 janvier 1609
(INÉDIT)
247AD DOMINICAM 1. JANUARII, QUÆ
ERAT OCTAVA INNOCENTIUM
1609, NECII
Quemadmodum in tabulis et picturis
in quibus sunt multæ personæ en petit
volume, semper aliquid superest videndum et
notandum,
umbræ,
pourfilz,
raccourcissemens, entorses; sic in Evangelio
Innocentium248, in quibus sunt tot personæ
parvæ, et præsertim parvulus ille Puer qui
quæritur et non invenitur. Quare idem
retractare animus est, addito tamen reditu ex
Ægipto. [33]
Ecce Angelus Domini apparuit in
somnis Joseph, dicens. Quis Angelus? Non
sane Christi si commodi genitivum faciamus,
sed Christi si possessive; non enim indiguit
custode Angelo, sed ministro: ergo Gabriel
fuit.
Dicam pauca de Angelorum custodia.
Habent omnes homines, habent diocæses,
habent urbes, habent ecclesiæ et monasteria.
D.Hyeronimi luculentum est testimonium,
epistola ad Sabinianum249, sigillatim de
Angelo custode præsepis et cubiculi Virginis.
Hoc notavit D. Dionys., De Cœlesti
Hierarchia, c. 4250.
Accipe Puerum et Matrem ejus, et
fuge in Ægiptum usquedum dicam tibi.
Recens natus Christus (sic) qui vult custodire
debet fugere Hærodem. Quis est iste Herodes
qui quærit Puerum ut perdat eum? Satan est,
qui dum videt Christum adhuc puerum vult
eum perdere, immissis suis satellitibus variis.
Ecce in hoc festo Nativitatis Christum
suscepistis. Luxuriosus ille confessus est et
POUR LE PREMIER DIMANCHE DE
JANVIER QUI SE TROUVAIT ÊTRE
L'OCTAVE DES SAINTS INNOCENTS.
1609, ANNECY
Dans les tableaux et peintures qui
représentent un grand nombre de personnages
en petit volume, il reste toujours quelque chose
à voir et à noter, ombres, profils,
raccourcissements, entorses; il en est de même
pour l'Evangile des saints Innocents, qui
représente tant de petits personnages, et surtout
ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver.
Aussi voulons-nous traiter de nouveau ce sujet,
en y joignant toutefois le retour d'Egypte. [33]
Voila que l'Ange du Seigneur apparut à
Joseph pendant son sommeil et dit. Quel est cet
Ange? Ce ne fut pas certes celui clu Christ si
nous l'entendons du génitif d'intérêt, mais ce fut
bien celui du Christ s'il s'agit du génitif de
possession; car il lui fallait un Ange, non comme
gardien mais comme Berviteur. Cet Ange fut
donc Gabriel.
Je dirai quelques mots des Anges
gardiens. Tous les hommes en ont, les diocèses,
les villes, les églises, les monastères ont le leur.
Saint Jérôme, dans son épître à Sabinien, en
donne un éclatant témoignage, particulièrement
au sujet de l'Ange préposé à la garde de la crèche
et de la chambre de la Sainte Vierge. Saint Denis
a signalé ce point dans son livre De la
Hiérarchie céleste, chap. IV.
Prends l'Enfant et sa Mère et fuis eu
Egypte, et restes-y jusqu'à ce que je te parle.
Jésus est né récemment dans une âme; si elle
veut le garder, elle doit fuir Hérode. Quel est cet
Hérode qui cherche l'Enfant pour le perdre?
246 Il est intéressant de remarquer que plusieurs des pensées indiquées dans ce plan de sermon ont été, neuf ans plus
tard, reprises et développées par le Saint devant les Religieuses de la Visitation, dans l'Entretien De la Fermeté. Voir
tome VI de cette Edition, pp. 32 (variante), 41 et 53.
247 (Ms. p. 30, recto)
248 Matt., II, 13-18.
249 Ep. CXLVII, § 6.
250 § IV.
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5.2 Page 42

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Christum suscepit, et ecce Hærodes immittit
cogitationem turpem vel blanditias; ecce
Angelus: Fuge, fuge. Alius confessus est se
blasphemasse, [34] et suscepit Puerum;
immittit Hærodes: Lude, etc. Videte, dum
Christus adhuc tener est; cavete, sitis astuti.
«Nescio quis teneros oculus
mihi fascinat agnos251
Cum vero mortuus vobis fuerit mundus, tunc
poteritis paulo liberius uti. Cum vos mundo et
mundus vobis crucifixus fuerit252, Deus
immortalis. De elephantero timente vestigia
hominis253. Et cum etiam tibi crucifixus
mundus videbitur, time; nam sæpe fingit se
crucifixum, ut polipus apud Granatensem254.
Sed dices, ubi fugiam? Fuge non loca sed
occasiones.
Accipe Puerum et Matrem ejus. Puer
Jesus, Salvator, Maria, mare amarum. Vis
tibi Christum conservare? conserva
pœnitentiam. Eum lacta; sis paululum
sollicitior initio. Futurum est enim ut
Hærodes quærat Puerum ad perdendum eum.
Aliqui quærunt Jesum sicut Sponsa255: Inveni
quem diligit anima mea, tenui, nec dimittam.
Quis nos separabit256? Mihi autem adhærere
Deo bonum est257. Alii quærunt ad
perdendum. Quærit lupus, quærit pastor. Sic
Judas quærit Jesum.Ut quid claudicatis in
utramque partem258?
Tamen Deus vult nos ab hominibus
doceri, non ab [35] Angelis regulariter; ipsi
tamen juvant ac fovent inspirationibus,
illuminationibus. Vide Jo. Lor., 43259.
Historiam Prati spiritualis260.
In Ægipto fuit circa sex annos, plus
minusve. Nihil eorum dixit Evangelista quæ
ibi gessit Christus. Fabrum contemplamini, et
ego quidem existimo quod quemadmodum
Joseph parvulus somniabat261, qui tam
C'est Satan; quand il voit Jésus encore enfant, il
veut le perdre et envoie ses divers satellites. En
cette fête de Noël, vous avez reçu Jésus-Christ.
Tel luxurieux s'est confessé et a reçu le Christ,
et voici qu'Hérode lui envoie une pensée
honteuse ou des séductions; et voilà que l'Ange
accourt et dit: Fuis, fuis. Un autre s'est accusé
d'avoir blasphémé, et il a reçu l'Enfant; Hérode
lui fait [34] dire! Joue, etc. Veillez pendant que
le Christ est encore faible; prenez garde, soyez
prudents.
«Je ne sais quel œil fascine mes
tendres agneaux. »
Quand le monde sera mort en vous, vous
pourrez être un peu plus libres. Quand vous
serez crucifiés au monde et que le monde sera
crucifié en vous, Dieu sera immortel en votre
âme. Exemple de l'éléphant qui craint la trace de
l'homme. Et lors même que le monde paraîtrait
crucifié en toi, crains; car souvent il feint d'être
crucifié, comme le polype dont parle Grenade.
Mais tu dis: Où fuirai-je? Il faut fuir non les
lieux, mais les occasions.
Prends l'Enfant et sa Mère. L'Enfant
Jésus, Sauveur, Marie, mer amère. Veux-tu
conserver en toi le Christ, conserve l'esprit de
pénitence. Allaite cet Enfant; sois plus vigilant
dans les commencements. Car il arrivera
qu'Hérode cherchera l'Enfant pour le perdre.
Les uns cherchent Jésus comme l'Epouse: J'ai
trouvé Celui que chérit mon âme, je le tiens et je
ne le laisserai point aller. Qui nous séparera?
Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu.
D'autres le cherchent pour le perdre. Le loup
cherche, le berger cherche. Ainsi Judas cherche
Jésus. Pourquoi boitez-vous de part et d'autre?
Toutefois, Dieu veut que nous soyons
ordinairement instruits par les hommes [35] et
non par les Anges. Quant à ceux-ci, ils nous
aident, nous stimulent par leurs inspirations,
leurs lumières. Voir Jean Lorini, XLIII. Histoire
tirée du Pré spirituel.
251 Virg., Eclog. III, 103.
252 Galat., ult., 14.
253 Plin., Hist. nat., l. VIII, c. IV (al. V).
254 Introd. ad Symb., Pars Ie, c. XIV, § 11.
255 Cant., III, 4.
256 Rom., VIII, 35.
257 Ps. LXXII, ult.
258 III Reg., XVIII, 21.
259 Joan Lorini, S. J., in Ps. XLIII, 22 (?).
260 Vitæ Patr., 1. X, c. CXCIX.
261 Gen., XXXVII, 5-9.
42/342

5.3 Page 43

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egregius postea fuit somniorum interpres262,
et David pascebat gregem patris263 qui tam
belle pavit Israelem, ita Christus faciebat
cruces, unde postea tam egregius fuit
crucifixus et crucifixor.
Interim moritur Herodes. Quid fecisti
ut regnares? Occidisti pueros. Heu miser!
Peccatum tuum manet264, regnum tuum non
manet: ita plerique hominum. Ut pueri in
equis ligneis ambulantes, appellant equos,
hinniunt eorum nomine, currunt, saltant, et
pascuntur illa pueritia, sic regnum appellant
timeri, cum tamen regnare sit amari; exaltant
se et credunt divitias eos exaltare, cum
deprimant.
Et Angelus iterum redit: Revertere in
terram Israel265. Non dicit ubi, sed
pedetentim ite. Omnes volunt scire quid ipsis
futurum sit. David: Dies diei [36] eructat
verbum, et nox nocti indicat scientiam266; ut
reddam vota mea de die in diem267. Beatus
Franciscus odio habuit formicas, quæ
congregant sibi tantum268 et mittunt in
terram; non apes, quæ mellificant pro
tempore hiberno, sed non mittunt in terram
nec sibi. Beata Catharina Senensis269:
«Cogita de me et ego cogitabo de te.»
Revertitur in Nazareth270, in parva
casa, quæ omnimodam paupertatem redolet.
Deus bone! et nos volumus omnia prospera,
omnia læta. [37]
Jésus demeura en Egypte environ six
ans, plus ou moins. L'Evangéliste ne dit rien de
ce qu'il y fit. Contemplez-le comme artisan, car,
voici mon opinion. Joseph qui plus tard devait si
bien interpréter les songes, en faisait dans son
enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur
d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi,
le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard,
devait être si excellemment crucifié et
crucifiant.
Cependant, Hérode meurt. Qu'as-tu fait
pour régner? Tu as mis à mort des enfants. Eh!
misérable, ton péché demeure et ton règne ne
demeure pas: ainsi en est-il pour un grand
nombre d'hommes. Les enfants caracolent sur
des chevaux de bois, ils les appellent chevaux,
hennissent pour eux, courent, sautent, et se
délectent dans ce puéril divertissement; de
même, les hommes disent qu'ils regnent quand
ils se font craindre; régner pourtant c'est être
aimé. Ils s'élèvent et croient que les richesses
exaltent; les richesses les dépriment.
L'Ange apparaît de nouveau: Retourne
dans la terre d'Israël. Il ne dit pas où; mais allez
tranquillement. Tous veulent savoir ce qui leur
arrivera. [36] David dit: Le jour parle au jour, et
la nuit instruit la nuit; afin que je rende mes
vœux chaque jour. Saint François haïssait les
fourmis qui amassent uniquement pour elles et
enfouissent leur butin en terre; il aimait au
contraire les abeilles, qui font du miel pour
l'hiver, mais qui ne le mettent pas en terre et qui
ne travaillent pas pour elles seules. Sainte
Catherine de Sienne: «Pense en moy, et je
penseray pour toy271
Jésus revient à Nazareth, dans une petite
maison où tout respire la pauvreté. Bon Dieu! et
nous, nous voulons que tout prospère, que tout
nous sourie! [37]
262 Ibid., XL, XLI.
263 I Reg., XVI, 11.
264 Joan., IX, ult.
265 Matt., II, 20.
266 Ps. XVIII, 3.
267 Ps. LX, ult.
268 Prov., VI, 8, XXX, 25.
269 B. Raym. de Cap. Vita S. Cath. Sen. Pars Ie, c. X.
270 Matt., II, ult.
271 Nous suivons pour cette phrase la version donnee par saint François de Sales dans le Traitté de l'amour de Dieu,
liv. IX, chap. XV.
43/342

5.4 Page 44

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LXXVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie
6 janvier 1609
(INÉDIT)
272AD FESTUM EPIPHANIÆ, 1609
POUR LA FÊTE DE L'ÉPIPHANIE, 1609
Magna festivitas, in qua Ecclesia
Gentilium recepta est a Christo et Christum
recepit. Si Abraham convivium fecit in die
quando ablactatus est Isaac273, hodie magnum
festum quando ablactati sunt Gentiles ab
idololatria, et venerunt ad Christum et ad
Domum panis274. Id ut consideremus, nolumus
aliam stellam quam Mariam.
Hodie dies est donorum, nec unquam
Christo donum tam magnificum factum est. Et
quia etiam muneribus placatur Deus, et
instinctu naturali placamus, teste Abele275,
«Munera, crede mihi, placant
hominesque deosque276» (unde Ex. 23277: Non
apparebis coram me vacuus; [38] Deuteron.
16278: Non apparebit quisquam coram me
vacuus), propterea opere prsetium fuerit nosse
quomodo dona facienda sunt Deo. Id autem ex
muneribus Magorum cognoscemus; nam
primum in unoquoque genere est mensura
cæterorum279. Hæc autem attendenda sunt.
Quis? causa efficiens. Quid? causa materialis.
Cui? causa objectiva. Quare? causa finalis.
Quomodo? causa formalis.
Quis? Donum enim ab iniquo
profectum, ipsum propemodum iniquum est.
Sic Cain, et Abel: Respexit ad Abel et ad
munera ejus280. Propterea labrum aneum in
quo lavabant sacerdotes281; unde tanta cura
sacerdotibus antiquis ut mundi essent282.
Quicquid id est,
«Timeo Danaos et dona ferentes283
Grande fête que celle où l'Eglise des
Gentils est acceptée par le Christ et reçoit le
Christ. Si Abraham fit un festin le jour où Isaac
fut sevré, c'est aujourd'hui une grande fête
parce que les Gentils sont sevrés de l'idolâtrie
et viennent au Christ et à la Maison de pain.
Pour contempler ce mystère nous ne voulons
d'autre étoile que Marie.
C'est aujourd'hui le jour des dons.
Jamais le Christ n'a reçu de don plus
magnifique. Les présents apaisent Dieu, et
nous l'apaisons ainsi par instinct naturel,
témoin Abel.
«Par les dons, croyez-m'en,
hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on
dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas
devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI:
Personne ne paraîtra devant moi les mains
vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de
connaître la manière d'offrir à Dieu nos
présents. Nous l'apprendrons par l'exemple des
Mages; car le premier acte en chaque genre sert
de type aux autres. Examinons donc ces
circonstances: Qui? la cause efficiente. Quoi?
cause matérielle. A qui? cause objective.
Pourquoi? cause finale. Comment? cause
formelle.
Qui? Car le don fait par une main
inique est, pour ainsi dire, inique. Voyez Caïn
et Abel: [Le Seigneur] regarda Abel et ses
présents. De là, ce bassin d'airain où se
lavaient les prêtres; de là, ce soin que les
272 (Ms. p. 30, verso)
273 Gen., XXI, 8.
274 Vide ad calc. Bibl., Bethlehem.
275 Gen., IV, 4.
276 Ovid., De Arte Amat., 1. III, 653; juxta vet. lection.
277 Vers. 15.
278 Vers. 16.
279 Aristot., Physica, 1. IV, c. XIV.
280 Gen., IV, 4.
281 Exod., XXX, 18.
282 Is., III, 11.
283 Æneis, 1. II, 49.
44/342

5.5 Page 45

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Qui sunt isti? Magi284, non magici sed
sapientes reges; qui non credendo credebant.
Pii; qui stellas observabant propter prophetiam
Balaam285. Suam devotionem testantur quod
regnis relictis veniant, et intrepide regem
Herodem adeant, confite anturque
ingenuesuam religionem. Tum vero sapientes
erant; sapiens autem non est nisi bonus286.
Afferte Domino, filii Dei, afferte Domino filios
[39] arietum287. Gregorius Nazianzenus, I orat.
in Julianum288, duos nepotes Constantii
Imperatoris Gallum et Julianum volentes
asdificare templum supra sepulcrum Beati
Mamantis
Martyris289,
comparat
sacrificantibus Caino et Abeli. Nam pars quam
fabricandam susceperat Gallus, vere pius,
feliciter processit, pars Juliani terræmotu
disquiebatur (sic), quasi terra revomeret.
Quid? Aurum, thus et mirrham290.
Ratio cur hanc materiam obtulerint apud
doctores varia. Strabus, auctor Glos. Ord., quia
dabant quæ ex sua Arabia habebant. Deus
omnibus est contentus: Abel dat pecora291, et
qui nisi (sic) pilos caprarum habebat dare
poterat292. Honora Dominum de tua
substantia; Proverb. 3293. Sunt qui honorant
Deum de eo quod non habent. Fili mi, quare
non es devotus? Ero devotus in senectute. Deus
bone! quis scit utrum senescas? Alius: Si
essem Capucinus, honorarem Deum; honora
Deum de tua substantia. Si essem dives,
darem, etc.; honora Deum de tua paupertate.
Si essem sanus; honora Deum de tua patientia.
Si essem doctor, etc.; honora Deum de tua
simplicitate. Quid habes, illud da; tantum valet
quantum habes. Alii dant non sua, ut fures.
[40]
Bernardus294: quia pauperi, in stabulo
et tenero. Sane danda sunt accommodata.
Vides Christum famelicum, tu das illi preces;
vides Christum infamatum, das illi pecuniam;
vides Christum afflictum, quid tibi est?
prêtres de l'ancienne Loi avaient pour la
propreté. Quoi qu'il en soit,
«Je crains les Grecs, même dans leurs
présents.»
Qui sont ceux-ci? Des Mages, non des
magiciens, mais des rois sages; sans avoir la
foi, ils croyaient. Des rois pieux, qui
observaient les étoiles en vue de la prophétie
de Balaam. Leur dévotion est démontrée en ce
qu'ils quittent leurs royaumes, accourent et se
présentent avec intrépidité au roi Hérode, et lui
confessent ingénument leur foi. Puis, ils étaient
sages; mais l'homme sage n'est pas sans être
bon. Apportez au Seigneur, enfants de Dieu,
apportez au Seigneur des petits de béliers. Les
deux neveux de l'Empereur Constance, [39]
Gallus et Julien, voulaient édifier un temple sur
le sépulcre du bienheureux Marnas, Martyr.
Saint Grégoire de Nazianze, dans sa 1re oraison
sur Julien, les compare à Caïn et à Abel offrant
leurs sacrifices. Gallus avait une vraie piété; la
partie qu'il devait construire s'éleva sans
obstacle. Celle de Julien, au contraire, était
sans cesse secouée par des tremblements de
terre, comme si la terre eût voulu la rejeter de
son sein.
Quoi? L'or, l'encens et la myrrhe. Les
docteurs sont divisés quand ils expliquent la
raison de tels présents. Strabus, auteur de la
Glose ordinaire, dit qu'ils donnèrent ce que
leur pays d'Arabie leur fournissait. Dieu se
contente de tout: Abel donne de ses troupeaux,
et celui qui n'avait que des poils de chèvre
pouvait les offrir. Honore le Seigneur de ton
bien. Il y en a qui font hommage à Dieu de ce
qu'ils n'ont pas. Mon fils, pourquoi n'es-tu pas
dévot? Je serai dévot dans ma vieillesse. Bon
Dieu! qui sait si tu vieilliras? Un autre dit: Si
j'étais Capucin je ferais des sacrifices à Dieu;
honore Dieu du bien que tu as. Si j'étais riche,
je donnerais, etc.; honore Dieu par ta pauvreté.
Si j'étais en santé; honore Dieu par ta patience.
284 Matt., II, 1.
285 Num., XXIV, 17.
286 Plato, Cratylus.
287 Ps. XXVIII, 1.
288 §§ XXIV-XXVII.
289 Soz., 1. V, c. II.
290 Matt., II, 11.
291 Ubi supra.
292 Exod., XXXV, 6, 23, 26.
293 Vers. 9.
294 Sententiæ, § 17.
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Antigonus, Cynico petenti talentum, mox
denarium. Poterat et talentum tanquam rex, et
denarium tanquam Cinico295. Augs296: Aurum,
regi; thus, Deo; mirrham, mortali. Greg.297:
Auro sapientiam, thus (sic) orationem, mirrha
mortificationem. Meditatio, oratio, praxis.
Cui? Christo Domino. Bernardus298:
veraciter, frequenter, perseveranter. Magna
fides.
Quare? Et venimus adorare
Dominum299.
Quomodo? Procidentes adoraverunt
eum300.
Æschines Socrati; Seneca, 1. de Benef.,
c. 7301: «Socrati cum multa multi discipulorum
offerrent, Æschines, pauper auditor: Nihil,
inquit, dignum te invenio, et hoc ipso me
pauperem agnosco. Itaque dono tibi quod
unum habeo, meipsum; hoc munus, rogo, boni
consule, cogitesque alios, cum tibi multa
dederint, plus sibi reservasse. Cui Socrates:
Quidni tu munus magnum dedisti nisi te [41]
parvipendas? Curabo ergo ut te tibi meliorem
aliquando reddam.»
Exodi, 35: oleum, lignum, pili (sic)
caprarum, œs, argentum, aurum, inaures,
monilia, lapides prætiosos, populus voluntarie
offert; pelles ovium, etc., dederunt. [Ibid.,]
36302, plus dederunt quam opus esset, et
Moyses prohibuit, et fabri nimium
distrahebantur excipiendis muneribus. O hoc
temporte, nunquam satis. Condendis laudibus
tabernaculi Beatæ Virginis non est timendum
ne Ecclesia plus accipiat; ita Collyridianos
repressit303. [42]
Si j'étais docteur, etc.; honore Dieu par ta
simplicité. Donne ce que tu as; la valeur de ton
présent se mesure sur ce que tu as à donner.
D'autres, comme les voleurs, donnent ce qui ne
leur appartient pas. [40]
Saint Bernard dit qu'ils firent ces
présents parce que Jésus était pauvre, logé dans
une étable, frêle et délicat. Assurément, les
dons doivent être proportionnés aux besoins du
donataire. Tu vois Jésus affamé, tu lui donnes
des prières; tu le vois méprisé, tu lui donnes de
l'argent; tu le vois affligé, quelle peine en
éprouves-tu? Le Cynique demandait un talent
à Antigone; celui-ci lui offre aussitôt un denier.
Il aurait pu lui donner un talent comme étant
lui-même roi, ou un denier comme donnant à
un Cynique. Saint Augustin [dit que les Mages
donnèrent] de l'or, comme à un roi; de
l'encens, comme à un Dieu; de la myrrhe,
comme à un mortel. D'après saint Grégoire, l'or
représente la sagesse, l'encens la prière, la
myrrhe la mortification. Méditation, prière,
bonnes œuvres.
A qui? Au Christ Notre-Seigneur. Saint
Bernard: avec vérité, constance, persévérance.
Grande foi.
Pourquoi? Et nous sommes venus
adorer le Seigneur.
Comment? Se prosternant, ils
l'adorèrent.
Eschine et Socrate; Sénèque, liv. des
Bienfaits, chap. VII: «Un grand nombre de
disciples offraient à Socrate de riches présents.
Eschine, pauvre auditeur, lui dit: Pour moi, je
ne trouve rien qui soit digne de toi, et c'est en
cela que je me reconnais pauvre. C'est
pourquoi je veux te donner le seul bien que je
possède, moi-même; je te prie d'agréer ce don
et de croire que les autres, quoiqu'ils donnent
beaucoup, se réservent encore davantage.
Socrate répondit: Ton présent n'est petit que
dans ta propre estime. [41] J'aurai donc soin de
te restituer un jour à toi-même meilleur que tu
n'étais.»
295 Plutarc., in opusc. De falso Pudore., ante med.
296 Ser. CXXXI, CXXXVI, CXXXIX, in Append.
297 Hom. X, in Evang., § 6.
298 Cf. serm. XLVII in Cant., §§ 1, 2.
299 Matt., II, 2.
300 Ibid., v. 11.
301 Hodie. 1. I. c. VIII.
302 Vers. 4-7.
303 S. Epiph., Hæres. LVIII (al. LXXVIII).
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5.7 Page 47

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Exode, XXXV: Le peuple offre
spontanément de l'huile, du bois, des poils de
chèvre, de l'airain, de l'argent, de l'or, des
pendants d'oreille, des bijoux, des pierres
précieuses; on fît don de peaux de brebis, etc.
On donna plus qu'il ne fallait. Moïse dut
comprimer cet élan, les ouvriers eux-mêmes
étaient trop distraits de leur travail par la
réception de ces présents. O temps heureux ou
l'on croyait jamais donner assez! Pour exalter
la gloire du temple de la Bienheureuse Vierge,
ne craignez pas que l'Eglise reçoive trop; aussi
a-t-elle réprimé les Collyridiens. [42]
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5.8 Page 48

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LXXVIII. Sermon pour le mercredi des Cendres
4 mars 1609
(INÉDIT)
304FERIA 4 CINERUM, 1609, ANNESSII MERCREDI DES CENDRES, 1609, ANNECY
Thesaurizate vobis thesauros in Cœlo.
[MATT., VI, 20.]
Memento homo quia pulvis es, et in
pulverem reverteris.
[Gen., III, 19.]
En jam hiems transiit, imber abiit et
recessit305; hiems ille carnifer et carnifex
animarum, qui omnem pulcritudinem
spiritualem terræ et animarum exsiccaverat,
cordiumque motum hebetaverat, ac
madidum et infaustum imbrem sordidarum
delectationum genuerat. Abeat tempus illud
carnale et recedat; pereant dies illi, nec
computentur in annis, et oblivione æterna
deleantur306. Veni, veni, tempus
acceptabile; venite, venite, [43] dies
salutis307: momenta vestra convertantur in
horas, horæ in dies, dies in hebdomadas,
hebdomadæ in menses, menses in annos,
anni in secula, et secula in perpetuas
aetemitates308. Quod si ranæ coaxantes in
paludibus de pluvia illa et tempore illo
caliginoso gaudebant, at philomela cælestis
et turtur de sicco jejunii et claro pœnitentiae
tempore invicem gratulantur, nosque suo
canto lætificant309, admixtis suavissimis
pœnitentiæ et spei vocibus. Philomelam
audiamus
Christum
cantantem:
Thesaurizate vobis, etc. Audiamus vocem
Thésaurisez des trésors dans le Ciel.
Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que
tu retourneras en poussière.
Voici que déjà l'hiver est passé, la pluie a
cessé et s'est retirée ; cet hiver qui porte à la chair
et décharné les âmes, qui avait terni toute cette
beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait
alangui les cœurs, qui avait produit cette
malheureuse averse de plaisirs indignes. Eh! qu'il
s'en aille ce temps de la chair, qu'il disparaisse;
périssent ces jours et qu'ils ne comptent plus dans
l'année, qu'ils soient effacés dans un éternel oubli.
Oh I viens, viens, temps favorable; venez, venez,
jours de salut: que vos instants se [43]
convertissent en heures, vos heures en jours, vos
jours en semaines, vos semaines en mois, vos
mois en années, vos années en siècles et vos
siècles en perpétuelles éternités. Les grenouilles,
dans les marais, pouvaient coasser de bonheur en
ce temps de pluies et de brouillards, mais voici
que la céleste philomèle et la tourterelle se
félicitent réciproquement de ce temps sec du
jeûne et de ces jours sereins de la pénitence; leur
chant nous réjouit par l'harmonie si suave de ses
accents de pénitence et d'espoir. Ecoutons chanter
le Christ, notre philomèle: Thésaurisez, etc.
Entendons la voix de l'Eglise, cette tourterelle qui
chante sur notre terre: «Souviens-toi, ô homme,»
que tu es cendre et que tu retourneras en cendre.
Voici les préludes de tout le Carême, voici les
deux termes de la pénitence: celui duquel nous
304 (Ms. p. 37, recto)
305 Cant., II, 11.
306 Job, III, 6; Eccles., VI, 4.
307 II Cor., VI, 2.
308 Dan., XII, 3.
309 L'Autographe présente ici des ratures fort intéressantes qui permettent de saisir la première idée du saint Auteur
relativement à cette allusion au texte du Cantique des Cantiques. Il s'était d'abord exprimé ainsi qu'il suit:
«At nostræ philomelæ cælestes, seresins, linotes, loriotz, de sicco jejunii o et claro pœnitentiæ tempore
invicem gratulantur; mox parati cantare, si «tamen prius vox turturis audiatur in terra nostra. Vox turturis pœnitentis
ista est: Memento homo; Convertimini ad me.» Mais nos célestes philomèles, serins, linottes, loriots, se félicitent
réciproquement de ce temps sec du jeûne et de ces jours sereins de la pénitence, prêts à chanter tout-à-l'heure, à
condition cependant que la voix de la tourterelle se fasse préalablement entendre sur notre terre. La voix de la
tourterelle pénitente est celle-ci: «Souviens-toi, ô homme;» Convertissez-vous à moi.
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Ecclesiæ, turturis in terra nostra310:
«Memento homo» quia cinis es, et in
cinerem reverteris. Hæc sunt præludia
totius Quadragesimæ, hi sunt duo termini
itineris pœnitentium: a quo, a cinere, ad
quem, ad Cælum; a quo, a miseria, ad quem,
ad thesauros. De ambobus nobis futurus est
hic primus sermo; de mediis reliqui. [44]
Et ecce me, Domine: Confiteor tibi,
Pater, Domine cæli et terræ311, quia pulvis
sum et cinis312, et tamen thesauros verbi tui
thesaurisare volo; non mihi tantum sed et
pueris meis dilectissimis. «Quid faciam,
miser313?» In me sunt omnes thesauri
miseriæ et abjectionis absconditi, imo et
manifesti; in te autem omnes thesauri
sapientiæ et scientiæ absconditi314, quin et
nunc manifesti315. Sed mei miserise thesauri
sunt in terra repositi, tui sunt in Cælo, et
quantum distat cælum a terra sic
cogitationes tuæ longe sunt a cogitationibus
meis316. Quomodo ergo accedet homo, id
est, miseria mea, ad cor altum317, id est, ad
divitias et thesauros tuos? Quomodo a
pulvere et cinere ad Cælum pergam? Eia
ergo Advocata mea, scala Cæli, mons Dei,
chorda per quam Deus venit ad miseriam
meam, fac ut per te miseria mea accedat ad
Deum. Dic mihi, charissima Mater et
dulcissima Domina mea, nonne in Verbo
Dei, in Filio Dei, erant resplendentes illi
thesauri sapientiæ et scientice antequam in
utero tuo conciperetur? At tu, colendissima
Domina, istos thesauros carne tua operuisti
et abscondidisti; in eo enim sunt absconditi.
Quis ergo abscondidit? Non (sic) tu, o
Virgo? Sed dic mihi, piissima Mater, [45]
cui abscondunt thesauros matres nisi filiis?
Ergo tu nobis abscondisti. Quod ergo
abscondisti jam pande, cum Filius tuus,
quasi intumescens et nimia thesaurorum
suorum abundantia exuberans, clamet :
Thesaurisate vobis thesauros in Cælo.
Domine, in Cælo non sunt thesauri
nisi sapientiæ, scientiæ et bonitati; tu autem
partons, la cendre; celui auquel nous tendons, le
Ciel: de la misère, aux trésors. Dans ce premier
sermon nous traiterons de ces deux termes; dans
les autres, des moyens. [44]
Et me voici, Seigneur. Je vous confesse, ô
mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, que je
suis poussière et cendre, et pourtant, je veux
amasser les trésors de votre parole, non seulement
pour moi, mais aussi pour mes enfants bien-
aimés. «Malheureux! que ferai-je?» En moi tous
les trésors de la misère et de l'abjection sont
recélés ou plutôt manifestés; en vous, au
contraire, sont cachés et maintenant même se
manifestent tous les trésors de la sagesse et de la
science. Mais mes trésors de misère sont enfouis
dans cette terre; vos trésors à vous sont au Ciel, et
autant le ciel est distant de la terre, autant vos
pensées sont éloignées de mes pensées. Comment
donc l'homme, c'est-à-dire ma misère,
approchera-t-il de votre cœur sublime, c'est-à-
dire de vos richesses et de vos trésors? Comment
irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel
? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de
Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à
ma misère, faites donc que par vous ma misère
s'approche de Dieu. Dites-moi, ô très chère Mère
et ma très douce Souveraine, ces trésors
resplendissants de la sagesse et de la science
n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de
Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais
vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous
les avez voilés et comme cachés dans votre chair,
car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés. Qui donc
les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais
dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les
mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour
leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les
avez cachés. Eh bien! ce trésor secret, ouvrez-le
nous, car voici que votre fils grossi, pour ainsi
dire, et débordant de la trop grande abondance de
ses trésors, s'écrie: Thésaurisez des trésors dans
le Ciel.
Seigneur, il n'existe au Ciel que des
trésors de sagesse, de science et de bonté; mais
vous les possédez tous, ils sont tous en vous;
310 Cant., II, 12.
311 Matt., XI, 25.
312 Gen., XVIII, 37.
313 Respons. ad Offic. Defunct.
314 Coloss., II, 3.
315 Joan., I, 18.
316 Ps. CII, 12; Is., LV, 9.
317 Ps. LXIII, 7.
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omnes habes, in te enim sunt omnes:
quomodo ergo dicis: Thesaurisate? Tu ipse
da nobis thesauros et thesaurisabimus, et
quia Mater tua veluti thesauraria thesauros
abscondit, jube ut aperiat. O bona Mater,
aperi nobis quod operuisti; sed iterum, ubi
thesaurizaverimus, absconde thesauros in
nobis, quemadmodum abscondisti in Filio.
Humilitate carnis mortalis operuisti
thesauros Filii; in nobis operiantur,
memoria mortis et finis. O Domina
humilissima, doce nos humilitatem. O
Domine, memento Deus quia pulvis sumus
et in pulverem revertimur. Contra pulverem
quem projicit ventus mortis a facie terræ
ostendis potentiam, et stipulam siccam
persequeris318? Ignosce, ignosce, Domine,
nobis, et pœnitentiam agemus. Da nobis
quadraginta dies, et nisi pœnitentiam
faciamus, subverte nos319. Ita Domine, in
zelo dilectionis [46] tuæ dicam: Ut præcor
ignoscas iis qui pœnitentiam facere volunt,
sic concedo ne illis ignoscas qui irrident te,
Domine, et misericordia tua abutuntur.
Itaque, Fratres, morimur320; et magis
ac magis appropinquat Regnum cælorum, et
per pœnitentiam parantur thesauri
indeficientes. Ergo convertimini ad
Dominum et pœnitentiam agite321; quia ecce
impœnitentibus appropinquat pœna
infernorum et pœnitentibus Regnum
cælorum322. At tu, Deus, benedic omnibus
nobis, qui es Pater et Filius et Spiritus
Sanctus.
323Duplici et contrario habitu ad
Holophernem trucidandum paravit se Judith
castissima, dilectissimi Fratres; nam primo,
induit se cilicio et operuit se cinere, deinde,
induit se vestimentis optimis et ornavit se
omnibus monilibus suis324. Holophernem,
id est, diabolum, cum omnibus militibus
suis, mundum, carnem, illecebras,
debellaturi, Fratres, duo item nobis facienda
sunt: 1o. cilicio et cinere nos operire, corpus
pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-
nous vous-même vos trésors, et nous
thésauriserons; et puisque votre Mère, comme
trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous
les ouvrir. O bonne Mère, ouvrez-nous ce que
vous avez caché, mais de nouveau dès que nous
aurons thésaurisé, cachez ces trésors en nous,
comme vous les avez cachés en votre Fils. Vous
les avez cachés en votre Fils sous l'humble
enveloppe d'une chair mortelle, cachez-les en
nous sous le souvenir de la mort et de notre fin. O
Souveraine très humble, enseignez-nous
l'humilité. O Seigneur Dieu, souvenez-vous que
nous sommes poussière et que nous retournons en
poussière. Vous montrez votre puissance contre
une poussière que le vent de la mort emporte de
la face de la terre, et vous poursuivez une paille
sèche? Pardonnez, pardonnez-nous, Seigneur, et
nous ferons pénitence. Donnez-nous quarante
jours, et si nous ne faisons pénitence, exterminez-
nous. [46] Oui, Seigneur, inspiré par le zèle de
votre amour, je vous en supplie, pardonnez à ceux
qui veulent faire pénitence, et vous pourrez punir,
Seigneur, ceux qui se rient de vous et abusent de
votre miséricorde.
Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en
plus, le Royaume des cieux approche, et par la
pénitence nous sont préparés d'indéfectibles
trésors. Convertissez-vous donc au Seigneur et
faites pénitence; car voici bientôt, pour les
impénitents, les supplices de l'enfer, et, pour les
pénitents, le Royaume des cieux. Quant à vous, ô
Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit,
bénissez-nous tous.
Mes bien-aimés Frères, pour tuer
Holopheme, la très chaste Judith se prépara deux
habits différents. Elle se revêtit d'abord d'un cilice
et se couvrit de cendre; elle mit ensuite ses plus
beaux vêtements et s'orna de tous ses joyaux. Pour
terrasser Holopherne, c'est-à-dire le démon avec
tous ses suppôts, le monde, la chair, leurs
séductions, nous avons aussi, mes Frères, un
double devoir; il faut: 1. nous couvrir du cilice et
de la cendre, dompter notre corps et mortifier
notre chair: «Souviens-toi, ô homme.»
318 Ps. I, 5; Job, XIII, 25.
319 Jonæ, III, 4.
320 II Reg., XIV, 14.
321 Joel, II, 12, 13; Matt., III, 2.
322 Matt., IV, 17.
323 (Ms. p. 37, verso)
324 Judith, IX, 1, X, 3.
50/342

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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subigere, carnem mortificare: «Memento
homo;» Convertimini ad me in jejunio, fletu
et planctu325; 2o. animam ornare omnibus
monilibus: Thesaurizate vobis thesauros.
[47] Sed quia potior anima, et corporis
exercitatio ad animse gratiam refertur, prius
de thesaurizando agendum.
Thesaurus est «vetus depositio
pecuniæ cujus non extat memoria, ita ut
dominum non habeat326.» Lex unica,
Codicis lib. 10. [tit. XV,] De Thesauris.
Alii, ut Leo Imperator apud Hilaretum327:
«condita ab ignotis dominis tempore
vetustiori mobilia.» Augustinus328, apud D.
Thom.329, idem censet, præterquam quod
non de tempore vetustiori agit; sed ait
thesaurum esse vel pæcuniæ quæ ærugini
vel vestium quæ tineæ vel gemmarum quæ
latronum incommodis patent. In Scriptura
Sacra videtur vox thesaurisandi tria
significare conjunctim: 1°. congregationem
(amas), 2°. rerum prætiosarum, 30. rerum
abditarum. Ut Deut. 28330: Aperiet tibi
Dominus thesaurum suum optimum, cœlum,
ut tribuat tibi pluviam in tempore suo. Quia
illic congregantur aquæ pluviales quæ
prætiosæ sunt tempore suo, et absconduntur
in nubibus. Nu. 20331: Aperi eis Domine
thesaurum tuum, fontem aquæ vivæ. Ponens
in thesauris abissos; [Pss.] 32332, 134333:
Qui producit ventos de thesauris suis. Quin
etiam pænarum exquisitarum congregatio
thesaurus appellatur: Thezaurisas tibi iram
in die iræ334. Deut. 32335: Fel [48]
draconum vinum eorum, et venenum
aspidum insanabile. Nonne hœc condita
sunt apud me, et signata in thesauris meis?
Jam quid hic signat Dominus?
Clarum est eum loqui de jejunio, oratione et
eleemosina, de quibus toto illo c. 6, quorum
opera veros thesauros appellat si recte fiant.
Sed ut merito hæc opera thesauri
Convertissez-vous à moi dans le jeune, les pleurs
et les gémissements; 2. orner notre âme de tous
ses atours: Thésaurisez des trésors. Mais comme
l'âme est supérieure au corps et [47] que le
traitement de celui-ci n'est qu'en vue de la grâce
qui en revient à l'âme, parlons d'abord des trésors
qu'il faut amasser.
On appelle trésor «un ancien dépôt
d'argent, complètement oublié, et qui, partant, n'a
pas de propriétaire.» Code, liv. X, [titre XV,] Des
Trésors, loi unique. Quelques-uns, comme
l'Empereur Léon cité par Hilaret, le définissent:
«des objets meubles, cachés par des maîtres
inconnus, à une époque très éloignée.» Saint
Augustin, d'après saint Thomas, en donne une
définition analogue, si ce n'est qu'il ne parle pas
du temps éloigné. D'après lui, des pièces de
monnaie livrées à la rouille, des vêtements, à la
teigne, des pierres précieuses, aux déprédations
des voleurs: voilà le trésor. Dans la Sainte
Ecriture, le mot thésauriser semble impliquer
trois idées; il signifie: 1. faire un amas, 2. de
choses précieuses, 3. de choses cachées. Ainsi: Le
Seigneur t'ouvrira son meilleur trésor, le ciel, afin
qu'il te donne la pluie en son temps. Au ciel, en
effet, s'amassent les eaux pluviales, si précieuses
en leur temps, et qui sont cachées dans les nues.
Ouvrez-leur, Seigneur, votre trésor, une fontaine
d'eau vive. Il renferme dans des trésors les
abîmes. C'est lui qui produit les vents de ses
trésors. Il y a plus. Un assemblage de peines
terribles est aussi appelé trésor. Tu t'amasses un
trésor de colère pour le jour de la colére. Leur
[48] vin est un fiel de dragon et un venin d'aspic
incurable. Tout cela n'est-il pas renfermé en moi
et scellé dans mes trésors?
Maintenant, que veut signifier le Seigneur
par les paroles de notre texte? II est clair qu'il
parle du jeûne, de la prière et de l'aumône, dont il
est question dans tout ce chap. vi. Il appelle ces
oeuvres vrai trésor, pourvu qu'elles se fassent
avec une intention droite. Mais pour que ces
325 Joel, II, 12.
326 Calepin., Lexicon.
327 Serm. catholiques pour le Caresme. (Ex eodem tit. Cod.)
328 Pro Rabano? Vide Catenam, et Rab., in locum Matt.
329 In Catena, ad locum. Cf. IIa IIæ, qu. LXVI, art. V.
330 Vers 12.
331 Vers. 6.
332 Vers. 7.
333 Vers. 7.
334 Rom., II, 5.
335 Vers. 33, 34.
51/342

6.2 Page 52

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appellentur, hæc tria concurrere debent. 1°.
Debent congregari multa; nam nemo unum
aurum thesaurum appellet, et hoc ostendit
dicens: Thesaurizate vobis thesauros; nam
quamvis sit hebraismus, tamen iste
hebraismus denotat quantitatem et
magnitudinem: expectans expectare, flendo
flere, clamando clamare, id est, multum; sic
thesaurisare thesauros, id est, thesauros
ingentes facere. Sancta hæc est avaritia
filiorum Dei quia nunquam satiantur bonis
operibus; unde in Scriptura pii vocantur
pauperes et mendici, quia etsi abundent
bonis operibus tamen semper mendicant:
Desiderium pauperum336; Edent pauperes
et saturabuntur337. Beati pauperes spiritu338
(Grece est mendici, apud Sa339, quem vide,
et Maldon.340: πτωχοί). Beati qui esuriunt et
sitiunt justitiam341, id est, Sancti, qui
semper appetunt. Corpus et [49] anima
contraria sunt; sic omnia propemodum quæ
ad illa spectant. Avaritia corporalis omnium
malorum radix342, avaritia spiritualis,
omnium bonorum. Qui me gustant adhuc
esuriunt, qui bibunt adhuc sitiunt343. Sunt
quidam Christiani qui satiantur uno vel
minimo bono opere; ubi dixerint unum
Pater, ubi dederint micam panis, ubi
condonaverint unam injuriolam; isti
nunquam thezaurizabunt.
Qui autem vult congregare, debet
minima etiam curare, nova et vetera344,
super pauca esse fidelis345, nihil
spernere346; manum suam mittere ad fortia,
ad negotiationem, et apprehendere
fusum347. Videbitis apes insidere rosis et
liliis et maximis floribus; sed non minus
congregant ex thimo et rosmarino et aliis
minutissimis floribus, imo utilius, ob
multitudinem, et quia mel in illis vasis
angustis felicius conservatur et minus
œuvres méritent le nom de trésor, trois conditions
doivent concourir, 1. Il faut qu'elles soient
nombreuses; nul n'appelle trésor une seule pièce
d'or; c'est ce que Notre-Seigneur montre en
disant: Thésaurisez des trésors, car, quoiqu'il y ait
là un hébraïsme, cet hébraïsme marque bien la
quantité, la grandeur. Comme attendre en
attendant, pleurer en pleurant, crier en criant
indique un renforcement de l'idée, de même,
thésauriser des trésors veut dire amasser de
grands trésors. C'est une sainte avarice des
enfants de Dieu que de ne jamais se rassasier de
bonnes œuvres. De là, dans l'Ecriture les âmes
pieuses sont appelées pauvres et mendiantes, car
bien qu'elles abondent en bonnes œuvres,
néanmoins elles mendient toujours: Le désir des
pauvres. Les pauvres mangeront et seront
rassasiés. Bienheureux les pauvres d'esprit (en
grec c'est mendiants, d'après Sa, qu'il faut voir, et
Maldonat). Bienheureux ceux qui ont faim et soif
de la justice, c'est-à-dire les Saints, qui sont
toujours affamés. [49] Le corps et l'âme sont
contraires l'un à l'autre, et il en est de même, à peu
près, de tout ce qui se rapporte à l'un et à l'autre.
L'avarice corporelle est la racine de tous les
maux, l'avarice spirituelle, la source de tous les
biens. Ceux qui me goûtent ont encore faim, ceux
qui me boivent ont encore soif. Il se trouve des
Chrétiens dont la faim spirituelle est rassasiée par
la moindre bonne œuvre, dire un Pater, donner
une miette de pain, pardonner une légère injure;
ceux-là ne thésauriseront jamais.
Quant à celui qui veut amasser, il doit se
préoccuper des plus petites choses, des nouvelles
et des anciennes, être fidèle en peu de choses, ne
rien mépriser; mettre sa main aux choses fortes,
au négoce, et en même temps, tenir le fuseau.
Vous verrez bien les abeilles se poser sur les
roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles
ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et
les autres moindres fleurettes, et leur travail y est
336 Ps. IX, penult.
337 Ps. XXI, 27.
338 Matt., V, 3.
339 Scholia in Evang., in locum.
340 Com. in Ev., in loc. πτωχοί
341 Matt., V, 6.
342 I Tim., VI, 10.
343 Eccli., XXIV, 29.
344 Matt., XXIII, 53.
345 Ibid., XXV, 21, 23.
346 Eccles., VII, 19.
347 Prov., ult., 19.
52/342

6.3 Page 53

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evaporatur348. Quomodo ergo facietis? Hac
Quadragesima audite verbum, comedite
Verbum in Eucharistia, jejunate,
eleemosinas facite, pauperes visitate: hæc
sunt magna. Quæ sunt parva? Retrahite vos
a deliciis conversationum inutilium,
ornamentorum superfluorum; vincite
minimos affectus; aspirate frequenter
minutioribus [50] sed frequentissimis
orationibus jaculatoriis; dicite bona verba;
humiliamini, etc.
2°. Debent congregari prætiosa; nam
qui vilia metalla congregaret non tam
thesaurum quam acervum congereret.
Verbum Domini est: «Estote probati
trapezitee349
nummularii,
apud
Cassianum, Coll. I. c. 20, qui mire
amplificat. Et hoc ostendit Dominus cum
ait350: Cum jejunatis, nolite fieri sicut
hipocritœ, tristes, ut videantur ab
hominibus. Jejunium hoc jejunium est, sed
falsum, ignobile et vanum: 1°. quia
hipocrita (sic) est, 20. quia ut videatur ab
hominibus. Hoc jejunium simulacrum famis
est et nihil amplius. Amen dico vobis,
receperunt mercedem suam, id est,
vanitatem. Ut quid diligitis vanitatem351?
Vana opera habent pro mercede vanitatem.
352Petes: Quale ergo jejunium
faciam? 1°. Tu autem, qui hipocrita non es,
unge caput tuum et faciem tuam lava353.
Hieron.354: Ex more gentis Judeorum
loquitur; illi enim festivis diebus et inter
epulas ungebant capita et lavabant facies.
Festivos vos monstrate; prenes vostre
visage des bonnes festes. Chrisostomus355:
Caput Christus, quem ungimus
misericordia in pauperes, etc.; faciem lava,
id est, conscientiam356. [51] Aug.357: Caput,
id est, mentem, partem animæ superiorem,
unge lætitia spirituali, et faciem, id est,
animam inferiorem quæ per sensus
plus fructueux, à cause de la multitude de ces
fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases,
se conserve mieux et s'évapore moins. Que ferez-
vous donc? Pendant ce Carême, entendez la
parole de Dieu, nourrissez-vous du Verbe dans
l'Eucharistie, jeûnez, faites l'aumône, visitez les
pauvres: voilà vos grandes œuvres. Quelles sont
les petites? Retirez-vous du plaisir des
conversations inutiles, des ornements superflus;
triomphez des moindres affections; soupirez
fréquemment [50] de courtes mais très fréquentes
oraisons jaculatoires; dites de bonnes paroles;
humiliez-vous, etc.
2. Pour constituer un trésor il faut amasser
des choses précieuses; car celui qui amasserait de
vils métaux composerait moins un trésor qu'un
monceau quelconque. Le mot du Seigneur est:
«Soyez bons changeurs,» bons banquiers, d'après
Cassien, Conférence I, chap. XX, qui développe
admirablement ce point. Et le Seigneur nous
montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne
soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être
vus des hommes. Ce jeûne est vraiment un jeûne,
mais faux, ignoble, inutile: 1. parce qu'il est
hypocrite; 2. parce qu'on le fait afin d'être vu des
hommes. Ce jeûne simule la faim, rien de plus. En
vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense,
c'est-à-dire la [satisfaction de leur] vanité. Jusqu'à
quand aimerez-vous la vanité? Les œuvres vaines
ont pour récompense la vanité.
Tu demanderas: Mais quel jeûne ferai-je?
1. Pour toi qui n'es pas hypocrite, oins ta tête et
lave ton visage. Saint Jérôme dit: Jésus parle
selon la coutume juive; aux jours de fête, en effet,
et au milieu des festins, les Juifs oignaient leur
tête et se lavaient le visage. Montrez-vous joyeux;
prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint
Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous
oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave
ton visage, c'est-à-dire ta conscience. Saint
Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie
spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave
ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de
348 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. XII, c. VI.
349 Vide in notis ad locum Cassiani.
350 Matt., VI, 16, 5.
351 Ps. IV, 3.
352 (Ms. p. 38, recto)
353 Matt., VI, 17.
354 In locum.
355 Opus Imperf. (inter Supposit.), hom. XV, in med.
356 Ibid., paulo ante.
357 De Serm. Dom.in Monte, 1. II, c. XII.
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6.4 Page 54

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operatur, lava. Unde Bernardus358: «Si sola
gula peccavit, sola jejunet; si autem et
cætera membra peccarunt, cur non etiam
jejunabunt?» Vide locum in verbo
Jejunium, ser. 38. [2o.] Lavamini, mundi
estote, aujerte malum cogitationum
vestrarum; Isaiæ, 1359. Lava a malitia cor
tuum, Hierusalem360. Sic ostende mihi
faciem tuam, sonet vox tua in auribus
meis361; sic facies tua pulchra et decora, vox
etiam dulcis. Noli mihi cantare antequam te
viderim in facie. Respexit ad Abel et ad
munera362. Vellem ergo vos omnes gaudere
de hoc tempore jejunii quadragesimalis, et
statim confiteri, ut opera vestra aurea sint et
digna ad thesauros faciendos ex eis.
3o. Intentio formanda, nam rectificat
opus, et si, quod plerique existimant, ut inter
alios Suaresius363, non sit necessaria
formalis et actualis, at certe certius et tutius
est eam habere actualem et oculos in Deum
intendere: Ad te levavi oculos meos, qui
habitas in cœlis; ecce sicut oculi servorum
in manibus dominorum suorum364, etc. In
manibus sunt, quia quidquid manus [52]
domini indicat, id facere manus servi tentat;
oculus autem admonet faciendum:
Vulnerasti me in uno oculorum tuorum365.
Unde sequitur: Ne videaris hominibus
jejunans, sed Patri tuo qui videt in
abscondito; et Pater tuus qui videt in
abscondito reddet tibi. Reddet tibi quod in
ejus gratiam facis, non idem sed mercedem.
Halonesus insula quae a latronibus occupata
erat, antiquitus Atheniensium fuerat.
Philippus Macedo eam receperat;
Athenienses ab eo petebant ut illam
redderet. Ille se daturum non redditurum
respondit; Athenienses vero se non
accepturos sed recepturos366. Reddere sane
debitum denotat; nimirum se debitorem
Deus mercedis constituit. Unde, Heb. 6367:
l'âme, celle qui agit par les sens. Aussi saint
Bernard ajoute-t-il: «La bouche a-t-elle seule
péché, qu'elle jeûne seule; mais les membres ont
aussi péché, pourquoi ne jeûneraient-ils pas? »
Voir le passage sur le mot Jeûne, serm. XXXVIII.
[2.] Lavez-vous, soyez purs, ôtez le mal de vos
pensées. Purifie ton cœur de sa malice, o
Jérusalem. Alors montre-moi ta face, que ta voix
retentisse à mes oreilles; alors, ta face sera belle
et gracieuse, et ta voix douce. Ne m'entonne
aucun cantique avant que j'aie vu ton visage. Dieu
regarda Abel et ses présents. Mon désir est donc
que vous soyez tous joyeux de ce temps de jeûne
quadragésimal, et que vous vous confessiez dès le
début, afin que vos œuvres soient d'or et capables
de vous former des trésors.
3. Diriger son intention, car de l'intention
dépend la bonté de l'action. Et si, comme
plusieurs le pensent, entre autres Suarez,
l'intention formelle et actuelle n'est pas
nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de
l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu. J'ai levé
mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux;
comme les yeux des esclaves sont fixés sur les
mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont
fixés sur les mains parce que tout ce que la main
du maître indique, la main de l'esclave
l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.
Tu m'as blessé par un de tes yeux. D'où il s'ensuit:
Afin que les hommes ne voient pas que tu jeûnes,
mais seulement ton Père qui voit dans le secret;
et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Il
te rendra ce que tu fais en sa grâce, non cette
œuvre même, mais sa récompense. Halonèse, île
infestée de brigands, appartenait primitivement
aux Athéniens. Philippe de Macédoine en fit la
conquête; les Athéniens demandèrent qu'elle leur
fût rendue. Je la donnerai, je ne la rendrai pas,
répondit Philippe; et les Athéniens reprirent:
Nous ne la recevrons pas comme don, nous la
recouvrerons. Rendre, en effet, implique une
dette; Dieu se constitue donc débiteur de la
358 Serm. III in Quadrag.
359 Vers. 16.
360 Jerem., IV, 14.
361 Cant., II, 14.
362 Gen., IV, 4.
363 In IIIam Partem S. Thomæ, qu. LXIV, Disput. XIII, sec. III.
364 Ps. CXXII, 1, 2.
365 Cant., IV, 9.
366 Cf. Epist. Philippi, inter orat. Demost.
367 Vers. 10.
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6.5 Page 55

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Non est injustus Deus ut obliviscatur operis
vestri.
4°. Ut rectius condantur, cinere
operienda sunt et humilitate. Mineralia sub
terra arida sunt et sterili. «Memento homo.»
Assume dictum Augustini, primo loco,
versa pagina368, de pellicano. Dic
similitudinem sanguisugae. In plateis sicut
cinamomum et balsamum odorem dedi369.
Balsamum optimum infima loca petit,
oleum olivae suprema. Charitas generat
bona opera, [53] humilitas conservat. Apes
mel faciunt, et ut mel conservent faciunt
ceram. Thezaurisate in cœlo. Adhortatio. En
jam hyems transiit, ut initio370.
Pour garder les artres et tignes de
gaster les draps il faut mettre sur les draps
de 1'aluyne, herbe amere comme 1'absinthe,
si elle n'est espece d'absinthe. Item, la
despouille d'un serpent mis en une
garderobbe empesche les artres et autre
vermine. La despouille du premier serpent
c'est la mort, car il nous la donna. Item, la
despouille du serpent c'est la pœnitence.371
372D. Aug., ad Psal. 101373:
Pellicano solitudinis. «Dicuntur istæ aves
tanquam colaphis rostrorum occidere
parvulos suos, deinde per triduum eos
lugere; postremo matrem seipsam vulnerare
et sanguine suos aspergere, quo superfusi
reviviscant. Christus habet erga nos
paternam authoritatem et maternum
affectum, ut gallina quæ congregat374 ex
authoritate fovet ex affectu. Sic Paulus pater
fuit: Nam etsi multa millia pedagogorum
[54] habeatis, sed non multos patres, etc.375;
et mater fuit: Filioli, quos iterum
parturio376.» Sed quomodo Christus
vivificet sanguine suo clarum est, quomodo
récompense. Aussi est-il dit, aux Hébreux, VI:
Dieu n'est pas injuste pour oublier vos œuvres.
4. Pour mieux cacher vos trésors, couvrez-
les des cendres de l'humilité. Les minerais sont
cachés sous la terre aride et stérile. «Souviens-toi,
ô homme.» Rappeler le mot de saint Augustin sur
le pélican, au commencement du verso de cette
page, et la comparaison de la sangsue. J'ai
répandu sur les places publiques un parfum
comme le baume et le cinamome. Le meilleur
baume va au fond du vase, l'huile d'olive surnage
au-dessus: la charité produit les bonnes œuvres,
l'humilité les conserve. Les abeilles font le [53]
miel, et pour le conserver produisent la cire.
Thésaurisez dans le Ciel. Exhortation. Voici que
déjà l'hiver est passé, comme au début.
[Reprendre au texte, lig. 4.]
Saint Augustin, sur le Psaume ci:
[Semblable] au pélican de la solitude. «On dit que
ces oiseaux tuent leurs petits en leur donnant
comme des soufflets avec le bec, ensuite, ils les
pleurent trois jours, enfin, la mère se fait une
blessure et les arrose de sang; cette rosée les
ranime. Le Christ envers nous a une autorité
paternelle et une maternelle affection, comme la
poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et
par affection les réchauffe. Ainsi [54] saint Paul
fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de
précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs
pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour
qui je ressens de nouveau les douleurs de
l'enfantement.» Or, comment le Christ nous
vivifie de son sang, nous le comprenons;
comment de sa bouche il nous donne la mort, la
chose est moins claire. Mais oui, il donne la mort
Celui qui précipita Paul à terre et le laissa pour
mort; Celui-là vivifie qui l'envoya prêcher au
monde. Le Christ, de sa bouche, immole les
pécheurs lorsqu'il les mortifie et les conduit aux
368 Vide pag. sequent.
369 Eccli., XXIV, 19, 20.
370 Vide p. 43.
371 Quelques lignes restent en blanc dans l'Autographe, au bas de la page 38. Le verso ne porte aucun titre spécial;
néanmoins, on ne peut en conclure qu'il contienne la suite du sermon pour le Mercredi des Cendres, 1609. Les idées
énoncées sur cette page offrent si peu de liaison, qu'elles doivent plutôt être considérées comme une réunion de
matériaux mis en réserve pour d'autres discours sur le même sujet. Ces notes ont été rédigées à des époques différentes.
Par le renvoi fait ci-devant au Commentaire de saint Augustin sur le Psaume ci, on constate en effet que la première
partie est antérieure au Carême de 1609. La fin au contraire ne peut être que de 1610, puisque notre Saint y mentionne
un ouvrage du P. Pinéda qui avait été publié dans les derniers jours de l'année précédente.
372 (Ms. p. 38, verso)
373 In vers. 7.
374 Matt., XXIII, 37.
375 I Cor., IV, 15.
376 Galat., IV, 19.
55/342

6.6 Page 56

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occidat rostro suo non ita. Sed occidit, qui
Paulum tanquam mortuum ad terram
dejecit377, vivificat qui eum ad
prædicandum misit378. Peccatores omnes
Christus rostro occidit dum eos mortificat et
deducit ad inferos, ostendendo eos
obnoxios morti æternæ, nam contritio mors
animæ peccatricis est. Sed quos reos mortis
facit, eos suo sanguinis merito vivificat, et
reducit379 ad novam vitam. Sic nunc
Ecclesia vos occidit: «Memento homo quia
pulvis es,» etc.; deinde vivificat:
Thesaurisate, etc.
In Psal. 147380: Qui dat nivem sicut
lanam. Nix est aqua quæ coagulata cadit, id
est, homines qui frigidi et propemodum
congelati ad terrena cadunt. Fiunt autem ut
lana quando convertuntur, ita ut ad
conficiendum Christi vestem misticam
prseparantur per pœnitentiam. Nebulam
autem sicut cinerem spargit. Nebula est Dei
cognitio obscura, quam spargit sicut
cinerem, id est, sicut ad mensuram
cognitionis nostri; cognitio Dei [55] nebula,
cognitio nostri cinis conspersus. Hæc
propemodum Augustinus381.
Ad Psal. 34382: Ego autem cum mihi
molesti essent induebar cilicio. Christus
cilicio induebatur in Passione, quia carnem
mortalem, imo ipsam mortalitatem veluti
pilos hædorum induebat; quæ mortalitas
similitudo carnis peccati383 est, imo et
aliquo modo peccatum384 dici posset, nam
mors effectus peccati385. Ut dicimus lingua
Greca; non linguam sed effectum linguas, id
est, verbum Grecum; sic, agnovi manum, id
est, opus manus alicujus. Unde dicitur ut de
peccato damnaret peccatum386, id est, de
mortalitate, per mortalitatem, et cætera. Sub
illo cilicio latebat vita immortalis et
divinitas. Humiliabat in jejunio animam
suam387, quia nemo convertebatur aut pauci.
enfers, en les montrant condamnés à la mort
éternelle; la contrition, en effet, est comme la
mort de l'âme pécheresse. Mais ceux qu'il montre
dignes de mort, il les vivifie par les mérites de son
sang et les ramène à une nouvelle vie. Ainsi
l'Eglise vous immole-t-elle aujourd'hui:
«Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière
etc.; ensuite, elle vous vivifie: Thésaurisez, etc.
Sur le Psaume CXLVII: C'est lui qui
donne de la neige comme de la laine. La neige est
une eau qui tombe congelée, symbole de ces
cœurs froids et comme glacés qui tombent dans
les biens de la terre. Leur conversion les rend
comme laine, de sorte que par la pénitence ils
entrent dans la texture de la robe mystique du
Christ. Et qui répand le brouillard comme de la
cendre. Le brouillard est la connaissance confuse
de Dieu, qu'il répand comme la cendre, c'est-à-
dire, selon la connaissance que nous avons de
nous-mêmes. La [55] connaissance de Dieu est le
brouillard, la connaissance de nous-mêmes, la
cendre répandue. C'est à peu près l'explication de
saint Augustin.
Sur le Psaume XXXIV: Mais pour moi,
pendant qu'ils me tourmentaient, je revêtais le
cilice. Dans sa Passion, le Christ était revêtu d'un
cilice, c'est-à-dire d'une chair mortelle, ou plutôt,
cette mortalité même était pour lui comme une
tunique en poils de chèvres. La mortalité est la
ressemblance de la chair de péché; bien plus, on
peut même l'appeler péché, car la mort est l'effet
du péché. Ainsi nous disons la langue grecque,
pour désigner non pas l'organe, la langue, mais
son action, c'est-à-dire, la parole grecque; ou, j'ai
reconnu la main, pour dire, l'œuvre d'une telle
main. Il est donc dit que le Christ condamnerait le
péché par le péché, c'est-à-dire l'œuvre du péché
qui est la mortalité, par la mort elle-même, etc.
Sous ce cilice il cachait la vie immortelle et la
divinité. Il humiliait son âme dans le jeûne, quand
il voyait que personne ou presque personne ne se
377 Act., IX, 4.
378 Ibid., V. 15; XXII, 11.
379 I Reg., II, 6.
380 In vers. 5.
381 Enarrat. in hunc Psalm.
382 In vers. 13.
383 Rom., VIII, 3.
384 II Cor., V, ult.
385 Rom., VIII, 10; I Cor., XV, 56.
386 Rom., VIII, 3.
387 Ps. et vers. quibus supra.
56/342

6.7 Page 57

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In Passione ejus enim fames erat salus
animarum et ejus sitis388.
Vide, I. 5. c. 4. ad vers. [6,] Psal. 44,
Pinedam, fol. 282389. Sagittæ tuæ acutæ,
populi sub te cadent, in corda inimicorum
regis. Sed addo Christum verbis suis cor
vulnerare ut ad se adducat et sanet; nam ut
venator qui capreas Cretenses vulnerat,
porrecto dictamo [56] sanat390. Vulnerat
compunctione, sanat absolutione; infligit
vulnus doloris, medetur dictamo amoris. Si
venator vellet ad se attrahere cervos
Cretenses, ipse se in aliquo loco dictamo
abundante constitueret et inde sagittas
emitteret, ut cervi vulnerati ad eum dictamo
coronatum sanationis gratia venirent. Sic
Christus inter Passionis suæ merita clamat,
et clamando vulnerat ut ad merita
recurramus. Ipse idem sagittarius et
dictamon. Proverb., 12. 7: Verte impios et
non erunt: si quæ sursum habet peccator
deorsum et quae deorsum sursum vertas, id
est, carnem subjicias quæ imperabat,
spiritum eleves qui jacebat, si ita vertas, non
erit amplius peccator; ferebatur grabato et
nunc fert grabatum391. Interim nota sagittas
in corda dirigi debere.
Ut opera nostra sint meritoria
intercedit pactum. Est tamen aliquod
fundamentum in ipsis, quia est aliquis valor,
sed non sequivalens citra pactum. Posuisti
in capite coronam de lapide prætioso392.
Lapides prætiosi habent valorem ex
hominum placito, quamvis sit in eis etiam
aliquid debite fundatum. Ut sapphirus quo
utuntur prælati ad castitatem provocat393,
cælum representat; [57] annulus aureus est,
id est, caritas; lapis, id est, opus ipsum a
caritate vel elicitum vel imperatum, simile
(sic) est cælo, id est, illi correspondet
Cælum, id est, merces in Cælo. Leve hoc et
momentaneum tribulationis nostræ394.
Mirum tam parvos lapillos tam magno
convertissait. C'était en effet du salut des âmes
qu'il avait faim et soif durant sa Passion.
Voir liv. V, chap. IV, au verset [6] du
Psaume XLIV, Pinéda, folio 282: Vos flèches sont
acérées, les peuples tomberont a vos pieds, elles
pénétreront dans le cœur des ennemis du roi.
J'ajoute que le Christ blesse les cœurs par sa
parole afin de les ramener à lui et de les guérir; tel
ce chasseur qui après avoir [56] blessé les cerfs de
Créte leur offre un dictame qui les guerit. Il blesse
par la contrition, il guerit par 1'absolution; il
ouvre la blessure de la douleur, il la cicatrise par
le baume de l'amour. Si un chasseur voulait attirer
A lui les cerfs de Créte, il se fixerait dans un lieu
où abonderait le dictame; de cette embuscade il
tirerait ses fléches, et les cerfs blesses
accourraient au baume dont il est environne pour
y trouver leur guérison. Ainsi le Christ, tout
couvert des merites de sa Passion, nous appelle,
et, en nous appelant, il nous blesse pour que nous
recourions à ses merites. Lui-meme est à la fois
l'archer et le dictame. Renversez les impies et ils
ne seront plus: tournez sens dessus dessous le
pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui
commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi
retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le
portait, il porte maintenant son grabat. Noter en
passant que les fléches doivent viser au cceur.
Pour que nos ceuvres soient meritoires, il
faut qu'un pacte intervienne. Elles ont cependant
en elles-memes un principe de merite, car elles
ont quelque valeur intrinséque; mais sans pacte,
cette valeur serait insuffisante. Vous avez posé sur
sa tete une couronne de pierres precieuses. La
valeur des pierres precieuses dépend de
1'appréciation des hommes. Sans doute, elles ont
en elles un principe de valeur: le saphir dont usent
les prélats, par exemple, [57] porte à la chasteté et
représente le ciel ; l'or de l'anneau est le symbole
de la charité ; la pierre signifie l'œuvre même
produite ou commandée par la charité. Elle
ressemble au ciel, c'est-à-dire qu'à cette œuvre
correspond le Ciel; c'est-à-dire qu'elle sera
récompensée dans le Ciel. Notre tribulation
présente, légère et momentanée. Il est étonnant
388 S. Aug., Enarrat. in hunc Psalm.
389 De Rebus Salom., editio 1609.
390 Vide Plin., Hist. nat., 1. VIII, c. XLI (al. XXVII).
391 Marc., II, 4, 12.
392 Ps. XX, 3.
393 Vincent. Bellov., Speculum Naturas, 1. VIII, c. CVI.
394 II Cor., IV, 17.
57/342

6.8 Page 58

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prætio emi, ut margarita Cleopatræ395; sed
ita inter homines convenit, et valorem
habent virtualem multorum millium argenti.
[58]
que de si petites pierres soient vendues si cher,
comme la perle de Cléopâtre; mais c'est une
convention parmi les hommes qui attribue à ces
pierreries une valeur relative de plusieurs milliers
de pièces d'argent. [58]
395 Plin., Hist., nat., 1. IX, c. XXXV (al. LVIII).
58/342

6.9 Page 59

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LXXIX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de
l'Avent
29 novembre 1609
(INÉDIT)
AD EAMDEM396, ANNESSII, 1609397
POUR LE MÊME JOUR, ANNECY, 1609
Gen. 24398, Rebecca, videns Isaac
venientem in occursum sibi: Quis est,
inquit, ille homo qui venit per agrum in
occursum nobis? Dixitque Eliezer: Ipse
est dominus meus. Illa descendit et operuit
pallio. Venientem Christum (sic) in
occursum Ecclesiæ, ipsa descendit per
humilitatem et operit se pallio pœnitentiæ;
sic enim Christo occurrere par est. Id
autem ut faciant filii ejus: Fratres, hora
est, etc. Enthymema est Beati Pauli399:
Propior est nostra salus quam cum [59]
credidimus; nox præcessit, dies autem
appropinquavit; ergo hora est nos a
somno surgere. Hanc consequentiam
exaggerat: Sicut in die honeste
ambulemus, etc.; abjiciamus opera
tenebrarum et induamur arma lucis, etc.
Quæ salus? nam eadem est ac dies
quæ appropinquavit; eadem vero est dies
quæ contraria est nocti quæ præcessit.
Mire Patres:
1. Athan.400, Basil.401, Chrisost.402:
Nox præcessit; processit nox seculi; dies
autem futuræ vitæ appropinquavit,
προχύπτω (sic). Sic Paulus403: Hæc autem
scripta sunt ad correptionem nostram, in
quos fines seculorum devenerunt. I Jo.
2404: Filioli, novissima hora est. Psal.
10405: Inquinatæ sunt viæ ejus in omni
Rébecca voyant Isaac qui venait au-devant
d'elle: Quel est cet homme, dit-elle, qui vient a
travers le champ, a notre rencontre? Eliézer
répondit: C'est mon seigneur. Elle descendit et se
couvrit de son manteau. Lorsque le Christ vient au-
devant de l'Eglise, celle-ci descend par l'humilité et
se couvre du manteau de la pénitence; c'est ainsi,
en effet, que l'on doit aller au-devant du Christ. Et
afin que ses enfants observent cette règle: Mes
Frères [dit-elle,] l'heure est venue, etc. C'est
l'enthymème de saint Paul: Notre salut est
maintenant plus proche que lorsque nous avons
cru; la nuit passe et le jour [59] approche; donc
l'heure est venue de nous lever de notre sommeil.
Et l'Apôtre développe cette conséquence:
Marchons dignement comme durant le jour, etc.;
rejetons les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous
des armes de lumière, etc.
Quel est ce salut? Le jour qui approche; or
ce jour est l'opposé de la nuit qui passe. Les Pères
l'ont admirablement expliqué:
1. Saint Athanase, saint Basile, saint
Chrysostôme: La nuit passe; la nuit de ce siècle
s'avance; et le jour de la vie future approche (se
pencher). Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été
écrites pour notre instruction, pour nous qui nous
trouvons à la fin des temps... Mes petits
enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont
souillées en tout temps; vos jugements sont otés de
devant sa face. Percez ma chair de votre crainte;
396 D'après la description qui a été donnée du Ms. de Turin dans l'Avant-Propos, on comprend facilement que ce Ad
eamdem se rapporte au sermon du premier Dimanche de l'Avent 1608, qui précède immédiatement celui-ci dans
l'Autographe. Voir p. 26.
397 (Ms. p. 16, recto, P)
398 Vers. 64, 65.
399 Rom., XIII, 11-13.
400 Pro August.? Vide ep. CXCIX ad Hesych., c. VIII.
401 Comm. in Is. (in Append.), in XIII, 9.
402 Hom. XXIV in Rom., § 1.
403 I Cor., X, 11.
404 Vers. 18.
405 Juxta divisionem antiquam; vers. 5.
59/342

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tempore; auferuntur judicia tua a facie
ejus. Confige timore tuo carnes meas, a
judiciis enim tuis timui406. Hieronymus, in
Reg. Monach.407: Sive comedam, etc.
Hora est.408
2. Anselm.409 et Orig.410: Vita
præsens nox; dies, tempus post mortem
cujusque. Non respicit judicium generale
sed particulare. Apostolus, ad
Corinthios411: Tempus breve est, etc. Quid
conferat memoria judicii particularis, vide
apud Canis., De Morte412. Joannes
Eleemosinarius solebat de morte
frequenter [disserere], ut [60] immutaret
venientes ad se; et referebat quid Simeon
Stilites dicebat sibi revelatum de diabolis
infestantibus [moribundos], etc.413 Hora
est. Salus quoad animam dicitur dies.
[3.] Greg.414: Nox, tempus
Mosaicum, aurora, Evangelicum, dies,
resurrectio; medium tempus umbra sine
re, in Cælo res sine umbra, etc. Hora est;
surge qui dormis, Eph. 5415 Salus
Evangelii.
[4.] Cyp.416, Amb.417, Aug.418: Nox
ante Christum, dies Christi, salus Christus.
En venit, ipsemet Dux noster419. Hora est.
Abjiciamus opera tenebrarum.
Tenebræ: excæcatio, infidelitas,
ignorantia. Abjiciamus. Jam abjecimus,
iterum abjiciamus. Dixi: Conjitebor, etc.,
et tu remisisti impietatem peccati mei420.
Quoniam iniquitatem meam ego
cognosco, et peccatum meum contra me
est semper421. [61]
j'ai craint a la vue de vos jugements. Saint Jérôme,
dans les Règles des Moines: Soit que je mange, etc.
L'heure est venue.422
2. Anselme et Origène: La nuit est la vie
présente; le jour, le temps qui suit la mort de
chacun, non pas après le jugement général, mais
après le particulier. L'Apôtre dit aux Corinthiens:
Le temps est court, etc. Pour les avantages que
procure la pensée du jugement particulier, voir
dans Canisius: De la Mort. Saint Jean l'Aumônier
avait la coutume de discourir [60] fréquemment sur
la mort, pour convertir ceux qui venaient à lui, et
rapportait les paroles de saint Siméon Stylite au
sujet d'une révélation que celui-ci avait eue sur les
assauts que les démons livrent aux mourants, etc.
L'heure est venue. Le salut, pour l'âme, est appelé
jour.
[3.] Saint Grégoire: La nuit est le temps de
la Loi mosaïque; l'aurore, celui de la Loi
évangélique; le jour, la résurrection; le temps
intermédiaire nous offre l'ombre sans la réalité, au
Ciel nous aurons la réalité sans ombre, etc. L'heure
est venue; lève-toi, toi qui dors. Le salut de
l'Evangile.
[4.] Saint Cyprien, saint Ambroise, saint
Augustin: La nuit, avant le Christ; le jour, celui du
Christ; le salut, le Christ. Voilà que notre Chef
vient lui-même. L'heure est venue.
Rejetons les œuvres de ténèbres. Ténèbres:
aveuglement, infidélité, ignorance. Rejetons. Nous
les avons déjà rejetées, rejetons-les de nouveau.
J'ai dit: Je confesserai, etc., et vous m'avez remis
l'impiété de mon péché. Parce que je connais mon
iniquité, et mon péché est toujours devant moi. [61]
406 Ps. CXVIII, 120.
407 Cap. XXIII.
408 Salus in effectu absoluto, animæ et corporis.
409 Expos. in B. Pauli Ep. (hodie inter op. Hervasi Burdig., Patrol. Lat., tom. CLXXXI), in loc.
410 Comm. in Rom., 1. IX, § 32.
411 Ep. I, VII, 29.
412 In Cat. B. Canisii, opera Busæi, c. V.
413 Vite Patr., 1. I, Vita S. Joan. Eleemos., c. XL.
414 S. Greg. Mag., Moral., 1. XXIX, c. II.
415 Vers. 14.
416 De Zelo et Liv., § X.
417 Enarrat. in Psalm. XLV, § 14.
418 Expos. etc. Ep. ad Rom., § LXXVI.
419 Matt., II, 6.
420 Ps. XXXI, 5.
421 Ps. L, 4.
422 Le salut complètement effectué, quant à l'âme et quant au corps.
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7 Pages 61-70

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7.1 Page 61

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LXXX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de
l'Avent
28 novembre 1610
(INÉDIT)
423AD DOMINICAM I. ADVENTUS. 1610
Si filii Jacob scivissent Joseph futurum
proregem . Ægipti et eos judicaturum cum
venit ad eos in Dothaim424, eum sane
amenissime excepissent. Et ecce venit ad nos
quærens nos, Christus; ut ergo eum bene
excipiamus, movet nos Ecclesia: Erunt signa,
etc. Quam utilis sit timor Dei; quam justus sit
timor judicii.
Timor Dei. Proverb. 12425: Deum time
etmandata ejus observa, hoc est enim omnis
homo. Initium sapientiae timor Domini426.
Beatus vir qui timet Dominum; in mandatis427.
Beati omnes qui timent Dominum, qui
ambulant428. Qui timent Dominum speraverunt
in Domino; adjutor429. Is. 11430: Requiescet
super eum, etc., et replebit eum Spiritus timoris
Domini. [62] Hieronymus petit431 quare de
solo timore dictum sit replebit eum Dominus.
Quia, inquit, timor omnibus necessarius est, et
debebat fonte pleno esse in eo qui omnibus
eum communicare debebat; nam timor
præparat animam caritati, et, ut inquit
Augustinus432, timor est servus caritatis qui illi
cubile præparat. Hinc Beata Virgo433: Et
misericordia ejus a progenie in progenies
timentibus eum.
Sed ut rem tam necessariam
intelligatis, scitote duplicem esse timorem,
humanum et divinum; humanum autem
duplicem, civilem seu moralem, et mundanum.
POUR LE PREMIER DIMANCHE DE
L'AVENT. 1610
Si les fils de Jacob avaient su qu'un jour
Joseph serait vice-roi d'Egypte et leur juge, ils
l'auraient assurément reçu avec la plus grande
affabilité lorsqu'il vint les visiter en Dothaïn.
Or, voici que le Christ vient à notre recherche
et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y
aura des signes, etc. Combien est utile la
crainte de Dieu; combien juste la crainte du
jugement.
La crainte de Dieu. Crains Dieu et
observe ses commandements, car c'est la tout
l'homme. La crainte du Seigneur est le
commencement de la sagesse. Bienheureux
l'homme qui craint le Seigneur; dans [ses]
commandements, etc. Bienheureux tous ceux
qui craignent le Seigneur, qui marchent, etc.
Ceux qui craignent le Seigneur ont espéré dans
le Seigneur; [il est leur] secours. [L'Esprit du
Seigneur] reposera, sur lui, etc., et l'Esprit de
la crainte du [62] Seigneur le remplira. Saint
Jérôme demande pour quelle cause il est dit de
la crainte seule que le Seigneur l'en remplira,
et il répond: Parce que la crainte est nécessaire
à tous, et que sa pleine source devait être en
Celui qui devait la dispenser à tous. La crainte,
en effet, dispose l'âme à la charité; elle est,
comme dit saint Augustin, la servante de la
charité, à qui elle prépare la chambre. Aussi, la
Bienheureuse Vierge dit-elle: Et sa
423 (Ms. p. 16, verso)
424 Gen., XXXVII, 17.
425 Pro Eccles., ult., 13.
426 Ps. CX, 10.
427 Ps. CXI, 1.
428 Ps. CXXVII, 1.
429 Ps. CXIII, 11 (al. 19).
430 Vers. 2, 3.
431 In locum Isaiæ.
432 In I Ep. Joan., in IV, 18.
433 Lucæ, I, 50.
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Morali timemus judices, qui non sine causa,
inquit Paulus434, gladium portant. Mundanus:
Pilati435, Hærodis436, Divi Petri437; e contrario,
Martires, et Susanna438, et Joseph439. Nolite
timere eos qui occidunt corpus440. Divinus,
quadruplex441: servorum, des esclaves.
Confige timore tuo cames meas, a judiciis enim
tuis timui442. Augustinus443, explicans ea
verba: Ad alligandos reges eorum in
compedibus et nobiles eorum in manicis
ferreis, distinguit inter eos qui clavis aureis, id
est, charitatis. In funiculis Adam traham eos, in
vinculis caritatis; Os. 11444. [63]
miséricorde s'étend de génération en
génération sur ceux qui le craignent.
Mais pour mieux comprendre une
chose si nécessaire, sachez qu'il y a deux sortes
de craintes, l'une humaine, l'autre divine. La
crainte humaine se divise en civile ou morale
et en mondaine. La morale nous fait craindre
les juges, qui, comme le dit saint Paul, ne
portent pas le glaive sans raison. La mondaine
est celle de Pilate, d'Hérode, de saint Pierre; les
Martyrs, Suzanne, Joseph avaient une crainte
tout opposée. Ne craignez pas ceux qui tuent le
corps. La crainte divine est quadruple: celle
des esclaves. Percez ma chair de votre crainte;
j'ai craint à la vue de vos jugements. Saint
Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux
pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs
princes des menottes de fer, distingue parmi
eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or,
c'est-à-dire avec les liens de la charité. Je les
attirerai par les liens d'Adam, par les liens de
la charité. [63]
434 Rom., XIII, 4.
435 Joan., XIX, 8.
436 Matt., II, 3.
437 Ibid., XXVI, 69-75.
438 Dan., XIII, 22, 23.
439 Gen., XXXIX, 9.
440 Matt., X, 28.
441 Vide infra, p. 70.
442 Ps. CXVIII, 120.
443 Enarrat. in Ps. CXLIX, § 15.
444 Vers. 4.
62/342

7.3 Page 63

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LXXXI. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de
l'Avent
5 décembre 1610445
(INÉDIT)
446………………………………………………
Quid existis in desertum videre447?
Audierant esse prædicatorem in deserto;
accesserant. Heu! in medio populi sunt
concionatores, et piget venire. Quid faciebat
Baptista in deserto? Baptisabat umbratice et
sanabantur populi; annunciabat pœnitentiam et
remissionem peccatorum448, prædicabat
venturum. Nos remittimus peccata,
praedicamus venisse, ipsummet Christum non
tantum digito ostendimus ut Agnum449, sed
manibus porrigimus ut sacrificium
consummatum et cibum, et nemo venit. Surget
gens illa450.
Arundinem vento agitatam451? Vento
agitatur «quisquis ex favore attollitur et
detractione dejicitur,» ait [64] Greg.452 Hoc
maxime concionatoribus competit. Quem dicunt
homines453? Hoc omnes petimus. Ah, quæso,
quare ventus est vita tua454? Chrisost.,
pulcherrime455: «Aliqui sunt iracundi natura,
alii per infirmitatem longam, ilz deviennent
chagrins; ita alii natura sunt mobiles, alii
lasciviæ serviendo mobiles fiunt.» Ut pleraque
omnia injecta in aquam tepidam mollescunt, ita
anima si lasciviæ dedita sit, etc. Peccatum
peccavit Hierusalem, propterea instabilis456.
Sic Salomon mulieribus addictus, instable.
Augs., De Doct. Christiana457, apud D.
Thom.458: «Quisquis rebus utitur restrictius
quam mores bonorum inter quos versatur se
………………………………………………
Qu'étes-vous allés voir an désert? Ils
avaient appris qu'on prêchait au désert, ils s'y
étaient rendus. Hélas! il y a des prédicateurs
au milieu du peuple, et on ne prend pas la
peine de venir les entendre. Que faisait Jean-
Baptiste au désert? Il baptisait en figure et les
peuples étaient purifiés; il prêchait la
pénitence et la rémission des péchés, il
annonçait Celui qui devait venir. Nous, nous
remettons les péchés, nous déclarons que ce
même Christ est venu, nous ne le montrons
pas seulement du doigt comme l'Agneau du
sacrifice, mais nos mains le présentent
comme victime consommée et comme
nourriture, et personne ne vient! Cette nation
se lèvera.
Un roseau agité par le vent. Ceux-là
sont agités du vent « qui sont élevés [64] par
la faveur ou précipités par la disgrâce,» dit
saint Grégoire. Cela est vrai surtout des
prédicateurs. Que disent les hommes? Voilà
ce que nous demandons tous. Ah! de grâce,
pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint
Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont
irascibles par tempérament, d'autres par suite
d'une longue infirmité deviennent chagrins;
de même, quelques-uns sont changeants par
nature, d'autres le deviennent en suivant leurs
mauvais penchants.» Presque tout ce que vous
jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui
445 Cette date et celle du Sermon LXXXIII sont déterminées d'après la pagination du Ms.
446 (Ms. p. 18, recto, R)
447 Matt., XI, 7.
448 Marc., I, 4; Lucæ, III, 3.
449 Joan., I, 29, 36.
450 Matt., XII, 41, 42.
451 Ibid., XI, 7.
452 S. Gregor. Mag., hom. VI in Ev., § 2.
453 Matt., XVI, 13.
454 Job, VII, 7.
455 Hom. XXXVII (al. XXXVIII) in Mat., § 1.
456 Thren., I, 8.
457 Lib. III, c. XII.
458 In Catena, in locum Matt.
63/342

7.4 Page 64

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habent, aut intemperans aut superstitiosus est; si
excedat, aut aliquid significat (more histrionum
scilicet, qui vestibus regum utuntur cum ipsi
sunt miselli), aut flagitiosus est.»
Cætera de Evangelio459 patent. Plus
quam Propheta, quia non solum prædixit sed
ostendit460; angelus munere, non natura.
En ergo, ne vos amplius retineam, mitto
vos ad Christum461. Ite, dilectissimi auditores,
ite, popule meus, [65] ad Christum, et dicite illi
meo nomine: Tu es qui venturus es, an alium
expectamus? Videtis eum venientem, utero
Matris inclusum, ipse tamen est qui venturus est
judicare vivos et mortuos462, nec alium
expectare debemus. Ergo, si caeci estis, aperite
oculos et videte. Ne contemnatis Pusillum
istum463, nam Angeli ejus sunt coram Patre ad
faciendam vindictam464. Audite eum voces
pœnitentiæ inclamantem, ambulate in viis ejus,
resurgite. Sic fiet ut in die judicii, quem-
admodum hodie dixit de Joanne: Quid existis in
mundum videre? Quibus providere et servire?
Arundines? mollibus? prophetas? Etiam plus
quam prophetas, quia prseviderunt ventura et
sibi providerunt. Sunt angeli missi ante faciem
meam465, quam videbunt gaudentes in secula
seculorum.
Amb., loco supra citato466, affert primo
suam expositionem misticam ut solvat nodum,
dicens Joannem in carcere esse Sinagogam in
tenebris ignorantiæ, habens (sic) velamen præ
oculis467; unde mittit ad Christum a quo lumen
accipit. Sic in Missa diaconus et subdiaconus
hoc tempore ante complicatas gerunt planetas
seu casulas, quia representant misteria non
fuisse explicata ante [66] adventum, et veteres
diminutum habuisse sacerdotium. Dum tamen
officio funguntur exuunt illas vestes, quia
velamen auferendum fuit Joanni, et illis ex
Sinagoga qui proxime Christi adventum
annunciarunt.
s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a
excessivement péché, c'est pourquoi elle a
perdu sa stabilité. Ainsi Salomon
s'abandonne aux femmes et devient instable.
Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine
Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User
des choses de cette vie avec plus de rigueur
que les honnêtes gens qui vous entourent
dénote la crainte de l'intempérance ou la
tendance au scrupule; en user avec excès est
preuve de prétention (comme ces histrions
qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent
d'habits royaux) ou de corruption.»
Les autres passages de l'Evangile sont
clairs. Plus qu'un Prophète, parce que Jean n'a
pas seulement prédit, il a encore montré; ange
par son office, non par nature.
Mais pour ne pas vous retenir
davantage, je vous envoie à Jésus-Christ.
Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon
peuple, au Christ, et demandez-lui en [65]
mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou
devons-nous en attendre un autre? Vous le
voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère,
et c'est lui-même cependant qui viendra juger
les vivants et les morts; nous ne devons pas en
attendre un autre. Donc, si vous êtes
aveugles, ouvrez les yeux et voyez. Gardez-
vous de mépriser ce petit Enfant, car ses
Anges sont devant le Père pour exécuter ses
vengeances. Entendez ses cris d'appel à la
pénitence, marchez dans ses voies, relevez-
vous. Ainsi au jour du jugement, il redira
comme il dit aujourd'hui de saint Jean:
Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour
qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour
des roseaux, pour des hommes mollement
vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des
prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y
préparèrent. Ce sont des anges envoyés
devant ma face; ils la verront un jour pleins de
joie, dans les siècles des siècles.
Saint Ambroise, dans le passage cité,
produit d'abord un sens mystique pour
459 Matt., XI, 9, 10.
460 Joan., I, 29, 36.
461 Matt., XI, 2, 3.
462 II Tim., IV, 1; I Petri, IV, 5.
463 Matt., XVIII, 10.
464 Ps. CXLIX, 7.Mal., III, 1; Lucæ, I, 76.
465 Mal., III, 1; Lucæ, I, 76.
466 Lucæ, VII, 19.
467 II Cor., III, 15.
64/342

7.5 Page 65

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1re opinio, Tertul.468, dat ansam dicendi
quod Joannes non solum fuisset privatus spiritu
prophetiæ sed spiritu fidei. Quomodo autem
fidem amisisset, quæ nunquam est primum
peccatum?
2e opinio, Ambr., mistica, dat ansam
dicendi quod supra, hac columna, dixi469470.
3e, Bedæ471, Hieron.472, Greg.473, dat
ansam dicendi de impœnitentia infernali.
4e, eorum quos refert Amb.474, dat
ansam loquendi de amore præpostero carnali,
etiam hominum qui nolunt filios fieri
sacerdotes, religiosos, homines dare operam
rebus devotionis.
5e, ut supra dixi.
3. Que nous prenons et qui nous
prennent. [67]
résoudre cette difficulté. Il dit que Jean dans
sa prison, c'est la Synagogue dans les ténèbres
de l'ignorance et les yeux voilés; aussi envoie-
t-il un message au Christ pour en recevoir la
lumière. En ce temps-ci, le diacre et le sous-
diacre portent à la Messe des planètes ou
chasubles dont la partie antérieure est repliée,
pour signifier qu'avant la venue [du Messie]
les mystères [66] n'avaient pas encore été
révélés et que les anciens n'avaient qu'un
sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent
leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement,
parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et
des membres de la Synagogue,
contemporains du Christ qui annoncèrent sa
venue.
1re opinion, celle de Tertullien qui
porterait à croire que saint Jean fut privé non
seulement de l'esprit prophétique, mais
encore de l'esprit de foi. Or, comment aurait-
il perdu la foi, quand cette perte n'est jamais
le premier péché qu'on commet?
2e opinion, celle de saint Ambroise,
toute mystique, laisse à penser ce que je viens
de dire plus haut, dans cette colonne.
3e, celle de Bède, de saint Jérôme, de
saint Grégoire, pourrait s'appliquer à
l'impénitence des damnés.
4e, celle des auteurs que cite saint
Ambroise, peut s'entendre de l'amour
désordonné et charnel de ces hommes qui
empêchent leurs fils de se faire prêtres ou
religieux, ou les autres de s'adonner aux
pratiques de dévotion.
5e, comme je l'ai dit plus haut. [67]
468 Advers. Marcion., 1. IV, c. XVIII.
469 Vide pag. præced.
470 L'Autographe de cette pièce est écrit en deux colonnes. La dernière phrase est séparée de ce qui précède par un
trait; elle se rapporte probablement à la première partie de ce plan qui ne nous est pas parvenue.
471 In Matt., XI, 12.
472 In eundem loc.
473 Hom. XX in Ev., § 14.
474 Ubi supra.
65/342

7.6 Page 66

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LXXXII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de
l'Avent
27 novembre 1611
(INÉDIT)
475476Natura
varias
temporis differentias instituit, et
quibuslibet sive singulis varias
affectiones tribuit; ut frigus hiemi,
calorem æstati, teporem autumno
et veri. Sic Ecclesia varia festa, etc.
Quarto die creationis dixit
Deus: Fiant luminaria in
firmamento cæli, et dividant diem
ac noctem, et sint in signa et
tempora et dies et annos, ut
luceant in firmamento cæli et
illuminent terram477. [68]
Sed quare Christus tam
sæpe de judicio et mundi fine
loquitur?
Ad
timorem
incutiendum. Sed quare vult nos
timere? Ut amemus, quia initium
sapientice est timor478. Is. 26479: A
facie tua (70 apud Sa480, a timore
tuo, propter timorem tuum)
concepimus et quasi peperimus
spiritum, id est, amorem. A facie
tua, id est, a facie iræ indignationis
tuæ481.
Sic
Concilium
Tridentinum482 definivit contra
Lutherum et a [69] timore incipere
interdum nostram justificationem,
La nature diversifie les saisons, et à chacune elle
attribue un caractère spécial: le froid à l'hiver, la chaleur à
l'été, une température modérée au printemps et à
l'automne. Ainsi l'Eglise varie ses fêtes, etc.
Le quatrième jour de la création Dieu dit: Qu'il soit
fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils
séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour les
temps, les jours et les années, afin qu'ils brillent dans le
firmament du ciel et qu'ils éclairent la terre.
Comm'en un'assemblee publique et solemnelle,
apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui
portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel
on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy,
lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors,
[68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol
obscurabitur et luna non dabit lumen suum490491. Il ne sera
plus besoin de diviser le jour de la nuit, car au Ciel le jour
sera eternel pour les Saintz, et pour les autres, la nuit
eternelle; non plus les signes mais les effectz, non plus les
jours mais les eternites. Le Ciel n'a plus besoin de ces
astres, car les cors des Bienheureux tiendront leur place:
Fulgebunt justi sicut sol, et sicut stellæ splendentes in
perpetuas æternitates492493; ni la terre d'estre eclairee, car
il ny aura plus d'yeux pour voir. C'est cela que dit
l'Evangile494: Erunt signa, etc., et in terris pressura
gentium495. O Dieu, que le commencement du monde est
admirable, et comme Dieu prent la peyne de ranger toutes
choses! Mays, o Dieu, que sa fin est espouventable, lhors
que Dieu troublera et renversera tout! Comme quand un
roy veut habiter un palais, on tend les tapisseries, on estale
475 (Ms. p. 16, verso)
476 Bien que les quatre premières lignes soient biffées dans l'Autographe, elles offrent tant d'intérêt qu'on s'est cru en
droit de les réintégrer ici dans le texte.
477 Gen., I, 14, 15.
478 Ps. CX, 10.
479 Vers. 17, 18.
480 Annotat., in loc.
481 Ps. CI, 11.
482 Sess, VI, c. VI.
490 Matt., XXIV, 29.
491 Le soleil s'obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière.
492 Matt., XIII, 43; Dan., XII, 3.
493 Les justes brilleront comme le soleil et comme des étoiles resplendissantes dans les perpétuelles éternités.
494 Lucæ, XXI, 25.
495 Il y aura des signes, etc., et sur la terre la détresse des nations.
66/342

7.7 Page 67

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id est, dispositionem nostræ
justificationis.
Sed quia rem hanc anno
superiori incepimus tractare483,
jam pergamus. Duplex timor,
humanus et divinus. Humanus
iterum duplex: naturalis moralis,
mundanus; divinus, quadruplex:
servilis, mercenarius, filialis,
sponsarum.
Servorum, des esclaves,
serfz, forsatz, quia timent pœnam.
Verum iste duplex est, bonus et
malus. Malus, cum voluntatem
peccandi non excludit, imo
includit desiderium. Ut qui dicit: Si
Deus præciperet rem talem et
præcepto non adhiberet pœnæ
comminationem, etc., ego
peccarem; verum quia, etc., est
peccator affectu. Imo iste timor est
peccatum; quia existimat pœnam
esse magis timendam quam
culpam et Deum, et amat suum
commodum super omnia et super
Deum. I Jo. 4484: Charitas foras
mittit timorem; neque differt iste
timor a tristitia damnatorum.
Bonus: 1°. ut quando, sine illa
reflexione, precise timetur
infernus. Sic Ninivitæ485. Sic
Christus486, Apostoli487. Quia licet
inclinare
cor
propter
retributiones488, ergo etiam propter
pœnam vitare peccata. [70] 2. Ut
qui desiderans servire Deo et vitare
offensam Dei, excitatur et movetur
a timore, etc. Hic est actus spei,
nam eadem virtus quæ inclinat ad
prosequendum bonum inclinat
etiam ad fugiendum malum.
Exempla ut intelligamus, vide pag.
28489.
……………………………… [71]
les meubles, ainsy quand Dieu mit l'homme au monde. Et
comme quand le roy part, etc., tout renverse.
Mais pourquoi Jésus-Christ parle-t-il si souvent du
jugement et de la fin du monde? C'est pour nous remplir
de crainte. Mais pourquoi veut-il que nous craignions?
Afin que nous aimions, parce que la crainte est le
commencement de la sagesse. Devant votre face (version
des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que
nous vous craignons) nous avons conçu et comme enfanté
l'esprit, c'est-à-dire l'amour. Devant votre face, c'est-à-
dire, devant votre colère et votre indignation. Ainsi le
Concile de Trente a-t-il défini contre [69] Luther que notre
justification même, c'est-à-dire notre disposition à être
justifiés, commence quelquefois par la crainte.
Nous avons commencé l'année dernière à traiter ce
sujet, nous allons donc continuer. La crainte est double, la
divine et l'humaine. La crainte humaine à son tour est
double: naturelle ou morale et mondaine; la crainte de
Dieu, quadruple: servile, mercenaire, filiale, crainte des
épouses.
Celle des serviteurs... qui agissent par crainte du
châtiment; elle se subdivise encore en bonne et mauvaise.
Elle est mauvaise lorsqu'elle n'exclut pas la volonté de
pécher et qu'elle en contient même le désir. Ainsi, qui
dirait: Si Dieu prescrivait telle chose et ne sanctionnait pas
ce précepte par la menace d'un châtiment, etc., je
pécherais; mais comme, etc., celui-là serait pécheur
d'affection. Bien plus, cette crainte même serait péché,
parce qu'il jugerait le châtiment plus à craindre que la faute
et que Dieu, et qu'il estimerait son avantage au-dessus de
tout et de Dieu même. La charité chasse la crainte. La
crainte dont nous parlons ne diffère en rien du stérile regret
des damnés. [La crainte des esclaves peut être] bonne: 1.
quand, sans faire la réflexion indiquée plus haut, on
redoute simplement l'enfer; ce fut la crainte des Ninivites.
Cette crainte est inculquée par Jésus-Christ, les Apôtres. Il
est permis de porter son cœur au bien en vue de la
récompense, donc de l'éloigner du péché par crainte du
châtiment, 2. Quand la crainte excite et entraîne au [70]
désir de servir Dieu et d'éviter le péché, etc. Cette crainte
est un acte d'espérance, car la même vertu qui pousse au
bien détourne aussi du mal. Voir page 28 des exemples
pour nous faire saisir.
………………………………………………………. [71]
483 Vide supra, p. 63.
484 Vers. 18.
485 Jonæ, III, 5, 9.
486 Matt., X, 28.
487 Philip., II, 12.
488 Ps. CXVIII, 112.
489 Cette page 28 ne nous est pas parvenue, non plus que la page 17 qui devait contenir la fin de ce sermon.
67/342

7.8 Page 68

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LXXXIII. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de
l'Avent
4 décembre 1611
(INÉDIT)
Tu es qui venturus es, an alium
expectamus ?
MATH., II, v. 3.
496Paucis verbis Joannes duos maximos
Christi titulos explicat in hac legatione: Qui
venturus es, et, quem expectamus. Iis expositis,
pergemus totam Evangelii seriem explicare.
1. Venturus est Christi solemne nomen
et elogium. 1. Gen. 49497: Non auferetur
sceptrum de Juda et dux de femore ejus, donec
veniat qui mittendus est, Siloh. Quod verbum
significat varia pro varietate radicum, Filius
ejus, pacificum, missum; Sept.: Donec veniat
cui repositum est, scilicet sceptrum. (Veniat
notandum.) Veniat mittendus, id est, venturus.
Aggei, 2498: Adhuc unum modicum, et veniet
desideratus cunctis gentibus. Psal. 39499:
Expectans expectavi Dominum, [72] et intendit
mihi; deinde500: Sacrificium et oblationem
noluisti, aures autem perfecisti mihi;
holocaustum pro peccato non postulasti, tunc
dixi: Ecce venio. Abacuc, 2501: Adhuc visus
procul, id est, visio, et apparebit in finem et
non mentietur; si moram fecerit, expecta eum,
quia veniens veniet et non tardabit.
2. Quem expectamus. Et ipse erit
expectatio gentium502. In prædictione Dan503:
Dan judicabit populum suum sicut et alia
tribus in Israel. Fiat Dan coluber in via,
cerastes (coluber quadricornius) in semita,
mordens ungulas equi ut cadat ascensor ejus
retro. Vide Per.504 de interpretatione loci ex
antiquis Patribus de Antichristo.
Etes-vous Celui qui doit venir, ou
devons-nous en attendre un autre? En ce peu
de mots, saint Jean exprime les deux plus
beaux titres du Christ : qui doit venir et que
nous attendons. Nous les développerons
d'abord, et nous expliquerons ensuite
l'Evangile dans toute sa teneur.
1. Celui qui doit venir est un nom
célèbre et un éloge du Christ, 1. Le sceptre ne
sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité,
jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être
envoyé, Siloh. Ce mot a différentes
significations, selon la diversité des racines:
son fils, pacifique, envoyé; les Septante:
jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été
gardé, c'est-à-dire le sceptre. (Qu'il vienne est
à noter.) Que Celui qui doit être envoyé vienne,
c'est-à-dire, Celui qui doit venir. Encore un
peu de temps, et le Désiré de toutes les nations
viendra. En attendant j'ai attendu le Seigneur,
et il m'a écouté; ensuite: Vous n'avez pas voulu
de sacrifice [72] ni d'offrande, mais vous
m'avez rendu parfaitement attentif à vos
paroles; vous n'avez pas demandé
d'holocauste pour le péché, alors j'ai dit: Me
voici... La vue est encore éloignée, c'est-à-dire
la vision, mais il apparaîtra à la fin et il ne
trompera pas; s'il tarde, attends-le, car il
viendra et il ne tardera pas.
2. Celui que nous attendons. Et lui-
même sera l'attente des nations. Dans la
prédiction de Dan: Dan jugera son peuple
aussi bien qu'une autre tribu en Israël. Que
Dan devienne une couleuvre sur le chemin, un
céraste (couleuvre à quatre cornes) dans le
496 (Ms. p. 18, verso)
497 Vers. 10.
498 Vers. 7.
499 Vers. 1.
500 Vers. 7.
501 Vers. 3.
502 Gen., XLIX, 10.
503 Ibid., vv. 16, 17.
504 Pereira, Comm. in Gen., ad cap. XLIX, § 131.
68/342

7.9 Page 69

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Sed cur venturus, cur expectatio? 1.
Venturus Pater, venturus Filius, venturus
Spiritus Sanctus; at Christus specialiter, non
tanquam operator tantum, sed tanquam opus,
in nova substantia veniet in mundum. 2. Quia
bonitas diffusiva est sui, unde illud: Beatius est
magis dare quam accipere505. Prima ratio fuit
excellentia misterii. Cur expectatio? Quia illo
egebamus, ob multa. Redde mihi lætitiam
salutaris tui506. O………………………...[73]
sentier, mordant la corne du pied du cheval,
afin que le cavalier tombe à la renverse. Voyez
Péréira pour l'interprétation de ce passage,
d'après les anciens Pères qui l'entendent de
l'Antechrist.
Mais pourquoi ces mots: qui doit venir?
Pourquoi cette attente? 1. Le Père aoit venir, le
Fils doit venir, l'Esprit-Saint doit venir.
Toutefois, le Christ doit spécialement venir,
non seulement comme agissant, mais comme
œuvre; il viendra dans le monde en une
nouvelle substance. 2. Parce que la bonté est de
soi communicative; de là cette maxime: Il est
plus heureux de donner que de recevoir. La
première raison de l'Incarnation a été
l'excellence de ce mystère. Pourquoi cette
attente? Parce que nous avions besoin du
Sauveur, pour de nombreux motifs. Rendez-
moi la joie de votre salut.......................[73]
505 Act., XX, 35.
506 Ps. L, 14.
69/342

7.10 Page 70

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LXXXIV. Sermon pour le mercredi des Cendres
7 mars 1612507
(INÉDIT)
508Memento, homo, etc.
Thesaurizate vobis, etc.509
[MATT., VI, 20.]
Quand Gedeon entreprit la celebre bataille qui est descritte au Livre des Juges, chap. 7510,
il commanda aux troys cens soldatz d'eslite qu'il avoit pris pour compaignons d'une si
dign'entreprise, de ne point employer d'autres armes que le son des trompettes et de la clarte des
lampes ardantes qu'un chacun d'eux portoit en sa main. Armes, a la verite dire, peu sortables au
dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect
excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au
fil de l'espee. Car le son des trompettes ayant donne une effroyable alarme aux oreilles, le feu qui
paroissoit de toutes pars autour de l'ost et en pleyne minuit, donna un'apprehension comme de
quelque spectre espouvantable, aux [troupes] de l'ennemi. Le son de la trompette reveilla [74] les
Madianites, qui, regardans la part d'ou venoyt le son, virent de tous costes paroistre en un moment
300 lampes ardentes qui sortoyent d'entre les morceaux brises d'autant de potz casses. Le son des
trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de
leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre
entre les potz casses. Aussi, ces lampes ardentes qui sortoyent des potz casses estoyent un signe
mistique que bien tost la gloire d'Israel et le triomphe de la victoire sortiroit d'entre les cors mortz
et abbatuz des Madianites, dequoy la trompette les advertissoit.
Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les
mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des
prædicateurs. O Madianites, mondains, pecheurs desbauches, le Sauveur vous denonce la guerre,
et nous sommes ses soldatz d'eslite. Vous dormes, non pas, au milieu de vos grossieres et terrestres
affections? et voyci que ce divin Capitaine nous commande que nous sonnions haut et cler de nos
trompettes, et que nous facions tout par tout retentir nos clerons:511 Vox dicentis mihi, clama512;
quasi tuba exalta vocem tuam513. Et dixi: Quid clamabo514? Oüy, Seigneur, je veux crier; mays
que crieray-je? Clama, clama, ne cesses515; Crie, crie, ne cesse point: Omnis caro fænum
507 L'Autographe de ce sermon n'est pas daté; mais une allusion (v. p. 78) prouve qu'il a été prononcé à Chambéry. On
sait que notre Saint a prêché deux Carêmes en cette ville, celui de 1606 et celui de 1612. Or, quand les spécialités de
l'écriture ne fourniraient pas la preuve certaine que ce sermon est postérieur à la première de ces deux stations, il suffit
de remarquer qu'il est inséré dans le Manuscrit commencé en 1608 pour être convaincu qu'il ne peut remonter à 1606.
508 (Ms. p. 70, verso)
509 Souviens-toi, ô homme, etc. Thésaurisez, etc.
510 Vers. 16-23.
511 Voici la voix de quelqu'un qui me dit: Crie; élève ta voix comme la trompette. Et j'ai dit: Que crierai-je? Oui,
Seigneur, je veux crier; mais que crierai-je? Crie, crie, ne cesse point: Toute chair est de l'herbe («Souviens-toi, ô
homme;» brisez les cruches), et toute sa gloire est comme la fleur du champ; l'herbe s'est desséchée, etc., et la fleur
est tombée (et tu retourneras en poussière). Mais de ces cruches sortent des lampes: Monte sur une haute montagne,
toi qui évangélises Sion; dis aux cités de Juda: Voici votre Dieu, voici que le Seigneur Dieu viendra dans sa puissance,
voici que sa récompense est avec lui. Thésaurisez. Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête et lave ton visage; et ton
Père qui voit dans le secret te le rendra. [Reprendre au texte, lig. 6.]
512 Is. 40. [V. 6].
513 Ibid., LVIII, 1.
514 Ibid., XL, 6.
515 Ibid., LVIII, 1.
70/342

8 Pages 71-80

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8.1 Page 71

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(«Memento homo;» confringite lagenas), et omnis gloria ejus sicut flos agri; exsiccatum est
fænum, etc., et cecidit flos516 (et in pulverem reverteris517). Sed ex hac lagena confracta exit
lampas: Ascende in montem excelsum, tu qui evangelizas Sion; dic [75] civitatibus Judæ: Ecce.
Deus vester, ecce Dominus Deus in fortitudine veniet, ecce merces ejus cum eo518. Thezaurisate.
Tu autem cum jejunas, unge caput tuum et faciem tuam lava; et Pater tuus qui videt in abscondito
reddet tibi519.
C'est le sujet general des prædicateurs, la mort et la vie; mais c'est le sujet particulier que
je doys traitter en cette journee. Mes chers auditeurs, si j'apporte en cette chaire autre desir de
gloire que le desir de la gloire de Dieu, si j'y viens pour autre passion que pour la Passion du
Sauveur, si j'ay prætention d'autre issue que de celle de vostre salut, que ma langue se replie en
derriere, et demeur'attachee a mon gosier520, que ma bouche soit dessechee et comm'une fontaine
tarie qui ne peut point respandre ses eaux. Mays, o Seigneur et Sauveur de nos ames, si mon ame
vient icy animee du desir de sanctifier vostre nom sur ce peuple, si le courage de mon cceur tend
a glorifier vostre grace, et si521 je suis passionne du desir de bien annoncer le fruit de vostre Passion
a ces ames qui sont le sujet pour lequel vous la souffristes, he, doux Jesus, soyes moy propice, et
puisque j'ay volonte de parler, donnes moy le moyen et m'inspires de quoy dire. Mes auditeurs,
escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur
extraordinaire de Dieu522 que je vous parle. Mays prions affin que je parle des paroles celestes, et
que vous oyes avec un'attention convenable, et employons les prieres de la tressainte Vierge. Ave.
Opportet ista tantisper restringere,
hoc modo. Hoc [76] loco constitutus,
dilectissimi auditores, videor mihi audire
vocem, veluti alter Isayas, dicentem mihi:
Clama.
Vel hoc modo. Quod Isaiæ
aliquando accidit, id omnibus Christi servis
prsedicatoribus usuvenit: [1°.] Vox dicentis
mihi, inquit ille, vox quoque dicentis mihi:
Clama. Nam et illi et mihi necessitas
evangelizandi incumbit523. At ille: Quid
clamabo? Paratus sum clamare, sed quid?
Clama: Omnis caro fænum. Et Ecclesia,
Mater mea: Quid clamabo? «Memento
homo.» 2°. Vox dicentis mihi: Ascende in
montem excelsum, tu qui evangelizas;
exalta in fortitudine vocem tuam524. Sed
quid clamabo? Dic civitatibus Judæ: Ecce
Deus vester, et merces ejus cum eo, etc.
525Vel exordium erit hoc modo;
Hier. 24526: Ostendit mihi Dominus, et ecce
Il faut un peu abréger cela, de cette façon.
Me voyant appelé à occuper [76] cette chaire,
bien-aimés auditeurs, il me semble entendre,
comme un autre Isaïe, une voix qui me dit: Crie.
Ou bien de cette manière. Ce qui arriva
une fois à Isaïe, arrive habituellement à tous les
prédicateurs, serviteurs du Christ: [1.] Voici la
voix de quelqu'un qui me dit, affirme le Prophète.
Et moi aussi: Voici la voix de quelqu'un qui me
dit; Crie; car, et à lui et à moi, incombe le devoir
d'évangéliser. Mais dit-il, que crierai-je? Je suis
prêt à crier, mais quoi? Crie: Toute chair est de
l'herbe. Et moi, je demande à l'Eglise ma Mère:
Que crierai-je? «Souviens-toi, ô homme.» 2.
Voici la voix de quelqu'un qui me dit: Monte sur
une haute montagne, toi qui évangélises; élève
avec force ta voix. Mais que crierai-je? Dis aux
cités de Juda: Voici votre Dieu, et sa récompense
est avec lui, etc.
Ou bien l'exorde sera ainsi qu'il suit: Le
Seigneur me fit voir, et voici deux paniers pleins
516 Ibid., XL, 6, 7.
517 Gen., III, 19.
518 Is., XL, 9, 10.
519 Matt., VI, 17, 18.
520 Ps. CXXXVI, 6.
521 On voit ici dans le Ms. les mots suivants que l'Auteur a biffés ensuite: «la passion qui me fait entreprendre de parler
a ces ames n'est autre chose...»
522 II Cor., V, 20.
523 I Cor., IX, 16.
524 Is., XL, 9.
525 (Ms. p. 71, recto)
526 Vers. 1-3.
71/342

8.2 Page 72

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duo calathi pleni ficis positi ante Templum
Domini; et dixit Dominus ad me: Ouid tu
vides, Hieremia? Et dixi: Ficus, etc. Sic et
mihi, auditores, in officio hujus
celeberrimæ diei, videbatur Dominus
ostendere duos calathos, unum
propheticum, alium evangelicum, et dicere
videbatur mihi Dominus: Quid tu vides,
Hieremia? Et duo ficus quibus pascantur
populi. Quas ficus? Malas, malas [77]
valde: «Memento homo quia pulvis es
Convertimini ad me in toto corde vestro, in
jejunio, et fletu et planctu527. Ficus vero
bonas, bonas valde: Tu autem cum jejunas,
unge caput tuum; Pater tuus qui videt in
abscondito reddet tibi; Thesaurizate vobis
thesauros528, etc. Ecce jam et bonas et
malas ficus quas ostendit Dominus
degustemus, in nomine Domini; præcemur
autem Virginem ut et bonas nobis optimas,
malas vero etiam bonas sua intercessione
faciat.
Vel sic: 4. Reg. 4529, jussit Heliseus
uni de pueris suis: Pone ollam grandem et
coque pulmentum filiis prophetarum. Et
egressus est unus, etc. En mihi videtur
Christus sicut uni de pueris et indignis
servis suis dixisse: Pone ollam grandem,
præpare beaucoup de viandes spirituelles
pour le peuple de Chamberi. Et je suis sorti
au champ de l'Escriture qui est proposee en
1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a
la bonne foy des collochintes: «Memento
homo;» Convertimini in jejunio, fletu et
planctu, etc. Mays si vous en goustes de la
sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication
est toute de mort: Mors in olla, vir Dei. C'est
pourquoy, ecce Heliseus noster: Affer,
inquit, mihi, farinam; produc Evangelium,
quod nihil aliud est quam granum
frumenti530 (id est, Christus ipse, [78]
comminutum et in varias doctrinas
declaratum); et misit in ollam, junxit
Evangelium Prophetiæ, et dixit: Infunde
turbæ. Gustate, charissime populus. Ecce
amaritudo: «Memento homo;» In jejunio,
fletu et planctu; sed ecce non amplius amara
de figues, placés devant le Temple du Seigneur, et
le Seigneur me dit: Que vois-tu, Jérémie? Et je
dis: Des figues, etc. De même, mes auditeurs,
dans l'office de ce jour très solennel, je croyais
voir le Seigneur me montrer deux paniers, celui
des Prophéties et celui de l'Evangile; et il semblait
me dire: Que vois-tu, Jérémie? Je vois les deux
espèces de figues dont doivent se nourrir les
peuples. Quelles figues? Les amères, très amères:
[77] «Souviens-toi, ô homme, que tu es
poussièreconvertissez-vous à moi de tout votre
cœur, dans le jeûne, les pleurs et les
gémissements. Les douces, très douces: Mais toi,
lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit
dans le secret te le rendra; thésaurisez des
trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur,
goûtons les figues douces et les figues amères
qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous
rendre, par son intercession, celles qui sont
amères, douces, et les douces excellentes.
Ou [commencer le sermon] de cette
manière: Elisée donna cet ordre à l'un de ses
serviteurs: Prends la grande marmite et fais cuire
un mets pour les fils des prophètes. Et l'un d'eux
sortit, etc. Or, il me semble que le Christ m'a dit
comme à un de ses domestiques et indignes
serviteurs: Prends la grande marmite. [Reprendre
au texte, lig. 15.]
La mort est dans la marmite, homme de
Dieu. C'est pourquoi voici que notre Elisée dit:
Apporte-moi de la farine; sers-nous l'Evangile,
qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire
le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par
divers enseignements); et il la mit dans la
marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit:
Verses-en pour tout le monde. Goûtez-en, très
cher peuple. Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô
homme;» dans le jeûne, les pleurs et les
gémissements; mais voilà que la mort qui suit
n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au
Ciel. La coloquinte est dans le jeûne, mais verse
de la farine: Ton Pire céleste te le rend. Tu
retourneras en terre est de la coloquinte; mêles-y
la farine: Thésaurisez, etc. Or donc, très chers
Frères, je vous présente aujourd'hui un mets fait
de farine et de coloquinte. Malgré l'amertume des
condiments, cette composition, par l'adjonction
527 Joel, II, 12.
528 Ubi supra.
529 Vers. 38-41.
530 Joan., XII, 24.
72/342

8.3 Page 73

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mors quae sequitur, thesauri possessio in
Cælis. Colochintes est in jejunio, sed
farinam infunde: Pater tuus cælestis reddit
tibi531. Colochintes est in terram reverteris;
sed farinam immitte: Thezaurizate vobis,
etc. En ergo, dilectissimi Fratres, ex
colochintide et farina admixtum vobis
hodierna die cibum præbeo, de quo dici
potest quod, etsi ex amaris constat, tamen
admixta farina præmii non est amplius
quicquam amaritudinis in eo. Gustate igitur
cum delectatione, etc.
Indica mihi, quem diligit anima
mea, ubi pascas, ubi cubes in meridie532; id
est, quænam sit anima quam amas, cum qua
deliciæ tuæ, in qua delectaris, pascendo
affectus tuos, illosque velut in lectulo
collocando; ne, ignara in quo tibi hoc modo
tibi placeam, ne vagari incipiam post
affectus mundi mundanorum. Sodales
Domini volunt esse quicumque hominis cor
possidere contendunt; mundus demon, hic
amicus qui vult se [79] præferri Dei
mandatis, illa amica, etc. Vox est naturæ
humanæ inquirentis suam beatitudinem.
Respondet Sponsus533; et prima
rudimenta cognoscendi Deum in cognitione
suiipsius ponit: Si ignoras te, o
pulcherrima. Quasi dicat: Vis secura esse?
ne declines post amatores multos; incipe a
cognitione tui, et habe pro certo quod si
ignoras te, o pulcherrima inter mulieres,
abibis post vestigia gregum tuorum, id est,
affectuum variorum, et pasces hædos, id est,
motus pravos, juxta tabernacula aliorum,
qui se sodales meos esse gloriantur,
corrivaux, et pascunt animas, sed ventis.
Duplex est interprætatio: prima est
Honorii534, et Ruperti535, et recentiorum; et
maxime Theodoreti536: dicentium hæc
verba debere capi in bonam partem, in hunc
sensum: Si ignoras, o anima, ubi cubem in
meridie, abipost vestigia gregum Patrum
antiquorum, sectare doctrinam tritam et
communem, et pasce hædos, cogitationes
de la farine de la récompense, n'offre plus rien
d'amer. Goûtez-en donc avec bonheur, etc.
Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme,
où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-
dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos
délices, en qui vous vous délectez, en qui vous
nourrissez vos affections que vous placez en elle
comme dans un lit, de crainte que, ignorant la
manière de vous plaire, je ne commence à
m'égarer dans les affections mondaines des
mondains. Veulent être rivaux du Seigneur tous
ceux qui cherchent à gagner le cœur de l'homme;
le monde, le démon, cet ami qui veut être préféré
aux commandements de [79] Dieu, cette amie,
etc. C'est la voix de la nature humaine à la
recherche de sa béatitude.
L'Epoux répond; il place les premiers
éléments de la connaissance de Dieu dans la
connaissance de soi-même: Si tu t'ignores, ô la
plus belle. Comme s'il disait: Veux-tu être en
sûreté, ne te détourne pas après de nombreux
amants; commence par la connaissance de toi-
même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô
la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les
traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes
diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-
à-dire les affections mauvaises, près des tentes
d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes
rivaux, et paissent les âmes, mais de vent.
Il y a deux interprétations: la première est
celle d'Honorius, de Rupert et des modernes, et
surtout de Théodoret. D'après eux, ces paroles
devraient être interprétées en bonne part. Leur
sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au
midi, suis les traces des troupeaux des anciens
Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et
pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui,
sous la lumière naturelle, sont des chevreaux,
mais qui deviendront des brebis à la lumière
surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-
dire des Evêques préposés aux fidèles par le
Concile des Conciles, le Siège apostolique. La
deuxième interprétation donne à ces paroles un
sens de reproche. C'est [80] l'interprétation de
saint Ambroise, de saint Grégoire, de saint
Bernard. Pour moi, je ne vois pas ici un reproche,
531 Matt., VI, 4, 6, 18.
532 Cant., I, 6.
533 Cant., I, 7.
534 Expos. in Cant. ad locum.
535 Comm. in Cant. 1. I, med.
536 Explan. in Cant. ad locum.
73/342

8.4 Page 74

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tuas, quæ sub naturali lumine sunt hædi et
per supernaturale in oves mutandi, juxta
tabernacula pastorum, Episcoporum in
Concilio Conciliorum Sedis Apostolicæ
præfectorum. Secunda, dicentium esse
verba [80] reprehensoria; ut Ambrosius537,
Gregorius538, Bernardus539. Ego non
reprehendentis, sed amice docentis
quomodo incipere debeamus inquisitionem
Dei. Si ignoras te, egredere, id est,
egredieris. (Ut: Deus meus, pone illos ut
rotam540, id est, pones; Fiat habitatio
eorum541, id est, fiet; Appone iniquitatem
super iniquitatem eorum, et non intrent542,
id est, non intrabunt, appones.) Sed jam
duplex est nostri ignorantia; ut dupliciter
apud philosophos illa sententia; «Nosce
teipsum543.» Nam Socrates, apud Platonem,
in Alcibiade544, cognitionem sui in
cognitione excellentiæ animæ nostræ
consistere ait; alii in cognitione vilitatis
suae secundum corpus; pusillanimitas et
superbia.
Et quidem, quoad secundum; Deus
ab initio nobis nomen Adæ imposuit:
Masculum et fæminam creavit eos, et
vocavit nomen eorum, Adam545, id est,
terrestres, luteos; ut ait Gregorius Niss., De
Creat. hominis, c. 22. De limo terræ546; ut
in nomine nostro humum præferente, mortis
admoneremur: «Memento homo.» Sed satis
recordamur, ais. Heu me! satis cogitamus,
sed non recogfitamus: Desolatione547, etc.
Dic mihi, [81] superbe, dic, avare, gulose,
nominis quæsitor, etc. Fundamentum
omnium tentationum fuit in memoria mortis
extirpanda.
Audite historiam satis vulgarem, sed
non satis consideratam; nam ad eam
Ecclesia nos provocat. Formato homine,
tulit eum Deus et posuit eum in paradiso
voluptatis. Præcepitque ei, dicens: De omni
mais un conseil bienveillant qui nous apprend de
quelle manière nous devons débuter dans la
recherche de Dieu. Si tu l'ignores, sors, c'est-à-
dire, tu sortiras. (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les
comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez.
Que leur habitation devienne diserte, c'est-à-dire,
deviendra. Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils
n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point,
vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de
nous-même dans une double ignorance, ainsi que
les philosophes ont donné une double
signification à cet axiome: «Connais-toi toi-
même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de
Platon, dit que la connaissance de nous-même
consiste dans la connaissance de l'excellence de
notre âme; d'autres disent que c'est la
connaissance de notre bassesse quant au corps;
pusillanimité et orgueil.
Pour expliquer le second sens, rappelons
que Dieu dès l'origine nous a donné le nom
d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna
le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de
boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De
la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de
la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre,
nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi,
ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez,
dis-tu. Hélas! nous y pensons assez, mais nous n'y
réfléchissons pas: D'une grande désolation, etc.
Dis-moi, orgueilleux, dis-moi, avare, gourmand,
quêteur de [81] renommée, etc. Le fondement de
toutes les tentations fut de bannir l'idée de la mort.
Ecoutez ce récit bien connu, mais trop peu
médité ; l'Eglise nous invite à l'étudier. L'homme
étant créé, Dieu le prit et le plaça dans le paradis
de délices. Et il lui commanda, disant: Mange du
fruit de tous les arbres du paradis, c'est-à-dire, tu
peux manger; mais quant aux fruits de l'arbre de
la science du bien et du mal, n'en mange pas; car,
a quelque heure, etc. Durant le peu de temps
qu'Adam demeura seul, il obéit; il donna des
noms aux choses et aux animaux: le serpent ne
537 Sermo II in Ps. CXVIII, §§ 13-15.
538 Super Cant. Expos., in locum.
539 Serm. XXXV in Cant., initio.
540 Ps. LXXXII, 14.
541 Ps. LXVIII, 26.
542 Ibid., v. 28.
543 Inscrip. Delphica.
544 Circa finem Dialogi primi.
545 Gen., V, 2.
546 Ibid., II, 7.
547 Jerem., XII, 11.
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8.5 Page 75

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ligno paradisi comede, id est, comedere
potes; de ligno autem scientiæ boni et mali
ne comedas; in quacumque enim hora548,
etc. Adam mansit aliquamdiu solus sub
præcepto; nam dedit nomina rebus et
animantibus549: sed non eum tentare tunc
voluit serpens; expectavit donec haberet
instrumentum tentationis suæ idoneum,
fæminam. Jam ergo, creata fæmina, venit,
dicens: Quare præcepit vobis Deus ut non
comederetis de omni ligno paradisi550?
Videte astutiam: Cur præcepit? Quia
Dominus est; ipse fecit nos, et non ipsi
nos551. 552Ut non comederetis de omni ligno,
id est, de ullo; videte fraudem. Sic hoc
tempore, suggerit: O! isti prædicatores
nolunt vos ullum gaudium excipere, nolunt
vos vesci, nolunt vos ridere, nolunt vos
ullam curam rerum habere; volunt vos tota
die esse in ecclesiis, volunt vos semper
jejunare. Ah! Proditor [82] generis humani,
non hoc dicimus, sed: De omni gaudio
comede, sed de gaudio peccatorum ne
comedas, etc. De fructu, ait, lignorum...
præcepit nobis Deus ne comederemus et ne
tangeremus illud553, id est, lignum.
Dupliciter consideratur illud ne
tangeremus: nam forsan verum erat
implicite contineri prohibitionem ne
tangeremus, ob periculum, nam post tactum
arboris ad tactum fructus, post tactum ad
esum; vel ipsa mentiebatur, exaggerans et
fingens laborem et rigorem in præcepto554.
Ne forte moriamur555. Heu! hinc prima mali
labes, dubitat de morte. Morte morieris556,
reduplicatio inculcans; at, ipsa oblita,
emollit per dubitationem. Heu! heu!
dubitas; aperis tantisper januam diabolo.
Ecce irruit diabolus: Nequaquam
moriemini557. Ceux qui chassent au
chevreul se joignent aux rochers, car silz
voyent tant soit peu d'ouverture, ilz se
fourrent; il faut ainsi adhærer aux
voulait pas le tenter alors; il attendit pour cela
d'avoir un puissant instrument de tentation, la
femme. Donc, dès que la femme est créée, il vient
et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne
pas manger du fruit de tous les arbres du
paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il
commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui
qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits
nous-mêmes. De ne pas manger du fruit de tous
les arbres, c'est-à-dire, de n'en manger aucun;
voyez la tromperie. Ses suggestions d'aujourd'hui
sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous
interdisent toute joie, toute nourriture, tout
sourire, tout soin des biens temporels; ils vous
veulent tout le jour à l'église, toujours dans le
jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne
disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie,
mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La
femme dit: [Nous mangeons] du fruit des arbres...
Dieu nous a commandé de n'en point manger et
de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre.
Ces mots: n'y point toucher, peuvent
s'expliquer de deux manières: peut-être étaient-ils
vraiment quoique implicitement contenus dans la
défense, à cause du péril, car après avoir touché à
l'arbre, on toucherait au fruit, et après avoir
touché au fruit on en mangerait ensuite; ou bien,
Eve mentait-elle en exagérant à dessein la pénible
rigueur du précepte. De peur que nous ne
mourions. O Dieu! c'est la première porte ouverte
au mal: Eve doute de la mort. Dieu avait insisté
par une double menace: Tu mourras de mort; Eve,
oubliant cette menace, l'atténue par le doute.
Hélas! hélas! tu doutes; tu entr'ouvres la porte au
diable. Voici le diable qui s'y précipite: Vous ne
mourrez point. Ceux qui chassent au chevreuil se
joignent aux rochers, car s'ils voient tant soit peu
d'ouverture ils se fourrent; il faut ainsi adhérer
aux commandements et ne pas même s'en écarter
de la largeur d'un ongle. Le démon est comme le
serpent dont il avait pris la figure: où il passe la
tête, il passe tout le corps. Ne savez-vous pas que
le plus souvent les démons ne demandent pas de
548 Gen., II, 15-17.
549 Ibid., vv. 19, 20.
550 Ibid., III, 1.
551 Ps. XCIX, 3.
552 (Ms. p. 71, verso)
553 Gen., III, 2, 3.
554 Ps. XCIII, 20.
555 Gen., III, 3.
556 Ibid., II, 17.
557 Ibid., III, 4.
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commandemens, ne latum quidem unguem
discedere. Dæmon est instar serpentis cujus
figuram præferebat; ubi caput inserit totum
corpus infert. Nescitis quod dæmones a
sagis et magis non petunt plerumque res
magnas, sed pilum barbæ vel [83] rasuram
unguium? Si des, captus es. Parum petit
initio, progressu temporis omnia aufert. Sic
hæretici petunt sibi concedi unum iota:
omiousion (sic); si des, captus es. Nolo
malum cogites, sed audi ejus verba; nolo
credas, sed audi quam dulciter cantat
juvenis; nolo attendas ad obscena, sed vide,
animi gratia, quam eleganter scribat.
«Frigidus, o pueri, fugite hinc, latet
anguis in herba558
Ergo Deus, ubi vidit hominem
peccasse ex oblivione mortis, inculcat: In
sudore vultus tui vesceris pane tuo, donec
revertaris in terram de qua sumptus es;
quia pulvis es et in pulverem559. O homo,
memento mori. Quid gloriaris, pulvis et
cinis560? Quam belle poenitens561: Putredini
dixi, pater meus, frater meus et soror mea,
vermibus. Nos plerumque gloriamur in
corpore, de anima nihil solliciti. Pulvis,
pulvis, pulvis, quid gloriaris? On se mire
avant que de sortir; nul ne fait l'examen de
sa conscience. De vestitu corporis
cogitamus, de vestitu animæ nihil.
Atqui, si ignoras te, o pulcherrima
inter creaturas562; [84] sed hoc breviter. [1.]
Quam nobilis est anima, quæ est Dei imago
et similitudo. Ut Phidias, pingens
Minervam, in medio scuti563, [etc.]:
Faciamus hominem ad imaginem564 (ad
verbum, cum imagine et similitudine). 2.
Formavit, et inspiravit spiraculum vitæ565,
vitarum mortalis et immortalis, temporalis
et æternæ; trium vitarum, sensitivæ,
vegetalis, rationalis; naturalis et gratuitæ.
Ecce ergo, quandoquidem capaces estis
vitæ æternæ, cum jejunatis, nolite fieri sicut
hipocritæ, tristes566. Quid tristes estis qui
grandes choses aux devins et aux magiciens, mais
un [83] poil de barbe, une rognure d'ongle? Si tu
les donnes, tu es pris. D'abord, il demande peu;
avec le temps, il emporte tout. Ainsi les hérétiques
demandent qu'on leur accorde un seul iota:
omoiousion; si tu le leur donnes, tu es pris. Je ne
veux pas, [dit le tentateur,] que tu penses le mal,
mais écoute ses paroles; ne t'y fie pas, mais écoute
comme il chante bien ce jeune homme; ferme les
yeux sur ces obscénités, je le veux, mais vois,
pour le charme littéraire, comme il écrit
élégamment.
«Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid serpent
est caché sous l'herbe.»
Or, Dieu voyant que l'homme avait péché
par oubli de la mort, lui intime cette sentence: Tu
mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'il
ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été
tiré; car tu es poussière et [tu retourneras] en
poussière. O homme, souviens-toi de la mort.
Pourquoi te glorifies-tu, poussière et cendre? Job
pénitent avait raison de dire: J'ai dit à la
pourriture, tu es mon père, et aux vers, mon frère
et ma sœur. Ordinairement, nous tirons gloire de
notre corps, et nous n'avons nulle sollicitude pour
notre âme. Poussière, poussière, poussière,
pourquoi te glorifies-tu? On se mire avant que de
sortir; nul ne fait l'examen de sa conscience. Nous
nous préoccupons du vêtement du corps,
nullement de celui de l'âme.
Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô
la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela
brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme,
puisqu'elle est l'image et la ressemblance de
Dieu ! Comme Phidias, représentant Minerve, au
centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à
notre image (littéralement, avec notre image et
notre ressemblance). 2. Dieu le forma et lui
inspira un souffle de vie, de la vie mortelle et de
l'immortelle, de la temporelle et de l'éternelle; des
trois vies sensitive, végétative, raisonnable; de la
nature et de la grâce. Donc, étant capables de la
vie éternelle, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas
tristes comme les hypocrites. Pourquoi êtes-vous
558 Virg., Eclog. III, 93.
559 Gen., III, 19.
560 I Cor., IV, 7; Eccli. X, 9.
561 Job, XVII, 14.
562 Vide supra, p. 80.
563 Arist., De Mundo, sub finem. Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. IV, c. IV.
564 Gen., I, 26.
565 Ibid., II, 7.
566 Matt., VI, 16.
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8.7 Page 77

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tantam mercedem expectatis? Quid, sicut
hipocritæ, vos qui gloriam habere potestis
æternam, quomodo temporalem sectamini?
[85]
tristes, vous qui attendez une telle récompense?
Pourquoi, comme les hypocrites, poursuivez-vous
une gloire éphémère, vous qui pouvez aspirer à
une gloire éternelle? [85]
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LXXXV. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph
19 mars 1612
(INÉDIT)
567DE SANCTO JOSEPH. 1612
SUR SAINT JOSEPH. 1612
Præco coram Joseph, Gen. 41568, ut
omnes coram eo genuflecterent. Ego vero
etiam coram hoc nostro Joseph præconem
agere vellem; quem multo majorem alio
Joseph fuisse nemini dubium, ex Bernardo569.
Hæc privilegia antiqui Joseph: 1°. Tu
eris super domum meam et ad oris imperium
universus populus obediet; uno tantum regni
solio te præcedam570. Fuit nimirum Sanctus
Joseph vicarius et locumtenens Dei Patris, ejus
familiam curans ac Filium Dei Matremque Dei
regens. Quamvis autem iste populus fuit
parvus numero, tamen fuit maximus merito571.
Joseph autem fuisse præpositum huic domui
clare constat; nam Angelus semper ad eum
missa affert de fugiendo et redeundo572. [86] Et
palam Lucas de Christo: Erat, inquit573,
subditus illis. Salvator mundi dictus Joseph574,
sed noster, salvator Salvatoris mundi.
2. Tulit annulum de manu sua et dedit
eum in manu ejus575. Annulum signatorium,
quasi secretorum omnium conscium ut negotia
faceret, etc. Sic in Evangelio nostro576
secretum secretorum illi manifestat. Fuit
velamen ante tabernaculum, ex hiacintho,
purpura et cocco, opere plumario577, ne quis
illa mysteria torvis intueretur oculis. Dedit
etiam annulum quia matrimonium fecit, dando
illi filiam Putipharis sacerdotis578.
Matrimonium hoc plane celeste et divinum.
Matrimonia quæ fiunt a Deo, semper sunt
Le héraut devant Joseph, afin que tous
fléchissent le genou devant lui. Et moi aussi
devant notre Joseph, je voudrais m'attribuer
l'office de héraut. Personne ne doute, d'après
saint Bernard, qu'il ne soit beaucoup plus
grand que le premier Joseph.
Voici les privilèges de l'ancien Joseph:
1. Tu seras préposé à ma maison, et quand tu
ouvriras la bouche pour commander, tout le
peuple obéira; c'est par le trône royal
seulement que j'aurai sur toi la préséance. Or,
saint Joseph fut le vicaire et le lieutenant de
Dieu le Père, chargé de sa famille et
gouvernant le Fils de Dieu et la Mère de Dieu.
Quoique ce peuple fût bien petit en nombre,
nul ne l'égala pourtant en mérite. Que Joseph
ait été préposé à cette maison, c'est de toute
évidence; c'est à lui seul, en effet, que l'Ange
[86] apporte le message de la fuite et du retour.
Et saint Luc dit explicitement du Christ qu'il
leur était soumis. L'ancien Joseph fut appelé
sauveur du monde; le nôtre fut le sauveur du
Sauveur du monde.
2. Il ôta Vanneau de sa main et le mit
à. la main de Joseph. L’anneau qui porte le
sceau, comme à un homme initié à tous les
secrets pour l'expédition des affaires, etc. Ainsi
dans notre Evangile, l'Ange révèle à Joseph le
secret des secrets. Le voile placé devant le
tabernacle était d'hyacinthe, de pourpre et
d'écarlate et orné d'ouvrages de broderie, afin
de mettre les mystères à couvert de tout regard
567 (Ms. p. 88, recto)
568 Vers. 43.
569 Homilia II super Missus est, § 16.
570 Gen., XLI, 40.
571 Cf. S. Aug.,Tr. LXI in Joan., § 2.
572 Matt., II, 13, 20.
573 Cap. II, 51.
574 Gen., XLI, 45.
575 Ibid., v. 42.
576 Matt., I, 20.
577 Exod., XXVI, 1.
578 Gen., XLI, 45.
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8.9 Page 79

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similium. Adamo: Faciamus adjutorium simile
sibi579; Abrahamo, Saram, quamvis non
expresse; Isaac, Rebeccam; Jacob, Liam et
Rachel; Tobie et Sara. Vide Tob. 3. v. 17,
egregiam confessionem hujus filiæ. Mulieris
bonæ beatus vir; Eccl. 26580. Proverb. 19581:
Domus et divitiæ dantur a parentibus, a
Domino autem proprie uxor prudens. 18
Proverb. [v.] 22: Qui invenit mulierem bonam,
invenit bonum et hauriet jucunditatem a
Domino. De Gorgonia, de Monica, de Nonna.
Vide in [87] Exodum, fol. 249. Junge pyrum
quærcui, non producet; si alterius speciei malæ
(sic), producet, etc.
3. Induit eum stola bissina582; castitate
virginitatis. Ouid faciemus sorori nostræ, in
die quando alloquenda est583? etc. Pascitur
inter lilia584. Scordium impedit corruptionem.
Oculi Virginis sicut piscinæ in Hesebon, quæ
sunt in porta585. Oculi tui columbarum586. Ut
basiliscus inficit587, sic oculi Virginis
perficiunt. Virgo virginum.
4. Collo torquem auream
circumposuit588: charitatem flammeam super
pectus ejus. Epitheme.
5. Ascendere fecit super currum suum
secundum589. Primus currus Christi, Virgo; hic
illi servatus. Secundus, corpus Joseph: dedit
illi omnem potestatem in corpus, etc. Hæc
addenda sunt virginitati. [88]
profane. Pharaon donna aussi un anneau à
Joseph parce qu'il conclut un mariage en lui
faisant épouser la fille du prêtre Putipharé. Ce
mariage [de saint Joseph] était absolument
céleste et divin. Les mariages selon Dieu
unissent toujours des êtres semblables. Pour
Adam: Faisons-lui une aide semblable a lui; à
Abraham, Sara, bien qu'il ne soit pas dit
explicitement; à Isaac, Rébecca; à Jacob, Lia et
Rachel; Tobie et Sara. Voir dans le livre de
Tobie, ch. III, v. 17, la belle déclaration de
cette fille. Bienheureux le mari d'une femme
vertueuse. La maison et les richesses sont
données par les parents, mais c'est proprement
le Seigneur qui donne une femme prudente.
Celui qui a trouvé une femme vertueuse a
trouvé le bien, et il puisera la joie dans le
Seigneur. Sur Gorgonie, Monique, Nonna.
Voir dans l'Exode, fol. 249. Greffe un poirier
sur [87] un chêne, il ne produira pas; si tu le
greffes sur un autre arbre de la même famille,
il produira, etc.
3. Il le revêtit d'une robe de fin lin : la
chaste robe de la virginité. Que ferons-nous a
notre sœur au jour où il lui faudra parler? etc.
Il se repaît entre les lis. Le scordium empêche
la corruption. Les yeux de la Vierge sont
comme les piscines en Hésêbon, qui sont à la
porte. Tes yeux sont ceux des colombes.
Comme le basilic donne la mort, ainsi les yeux
de la Vierge donnent la vie. Vierge des vierges.
4. Il lui mit autour du cou un collier
d'or: la charité ardente dans sa poitrine.
Epithème.
5. Il le fit monter sur son second
chariot. Le premier chariot du Christ c'est la
Vierge; celui-ci lui est réservé. Le second c'est
le corps de Joseph: il lui a donné tout pouvoir
sur son corps, etc. Ce privilège doit être ajouté
à la virginité. [88]
579 Ibid., II, 18.
580 Vers. 1.
581 Vers. 14.
582 Gen., XLI, 42.
583 Cant., ult., 8.
584 Ibid., II, 16.
585 Ibid., VII, 4.
586 Ibid., IV, 1.
587 Plin., Hist. nat., 1. VIII, c. XXI (al. XXXII).
588 Gen., XLI, 42.
589 Ibid., v. 43.
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8.10 Page 80

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LXXXVI. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième
Dimanche de Carême
2 avril 1612
(INÉDIT)
590FERIA 2. POST DOMINICA LÆTARE
CAMBERII, 1612
DE EVANGELIO HODIERNO, ET DE
SAMARITANA, MIXTIM591
LUNDI APRES LE DIMANCHE LÆTARE.
CHAMBERY, 1612
SUR L'EVANGILE DU JOUR ET, EN MEME
TEMPS, SUR LA SAMARITAINE
Job, cap. 26. V. 13, respondens
Baldad Suhites, de Dei potentia et
providentia, inter alia summopere laudat
Deum, ex eo quod: Spiritus ejus ornavit
cælos, et obstetricante manu ejus eductus
est coluber tortuosus. Cujus sententiæ tres
sunt celeberrimi sensus:
Primus. Non majora tantum, qualia
sunt cælorum ornamenta, id est, sphærarum
dispositio, cursuum motuumque varietas,
stellarum ac planetarum collocatio, etc.,
[89] sed etiam minima, ut generatio
serpentis et colubri, quod omnium
animalium quæ per se et non per accidens
nascuntur infimum et minimi prætii est,
curat. Et quidem ornat cælos spiritu, quia
dixit semel et factum est592 semper, neque
ulla ibi est alteratio vel vicissitudo
generationis et productionis.
Vidistisne quomodo vitrarii faciant
vitros (sic)? Accipiunt materiam
extremitate baculi perforati, deinde
insufflant et fit vitrum, quo modo facto non
corrumpitur. Hinc Cælum mare vitreum
appellatur, Apoc. 4. v. 6, et clarius, c. 21. v.
18: Ipsa vero civitas aurum mundum, simile
vitro mundo; v. 21: Et platea civitatis aurum
mundum, tanquam vitrum perlucidum.
Factum est cælum unico Dei
verbo593, et inspirante spiritu ornavit cælos,
ex nihilo; sufflavit et fecit solem, lunam,
Orionas, Mercurium, etc., cinxit zona
zodiaci, etc. At cum terrestribus utitur velut
Job, répondant à Baldad le Suhite, parle de
la puissance et de la providence divines, et entre
autres choses il loue souverainement Dieu de ce
que son esprit a orné les cieux, et que, de sa main
créatrice, il a mis au jour Vartificieuse couleuvre.
Trois sens célèbres ont été donnés à ces paroles:
Voici le premier. La Providence ne
s'occupe pas seulement des plus grandes choses,
comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la
disposition des sphères célestes, de la variété de
leur cours et de leurs mouvements, de la place et
de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais
aussi des moindres, comme [89] de la génération
du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien
petit et le moindre de tous ceux qui se
communiquent la vie sans génération spontanée.
Et c'est, en effet, par son esprit qu'il orne les cieux,
car il a parlé une fois et le monde est fait pour
toujours; aucune altération, nul changement ne
survient dans la génération ou la production.
Avez-vous vu comment les verriers font
les verres? Ils prennent à l'extrémité d'un bâton
percé la matière préparée, soufflent ensuite dans
ce tube, et le verre étant fait de la sorte n'est pas
sujet à la dissolution. C'est ainsi que le Ciel est
appelé mer de verre, et plus explicitement: Mais
la cité elle-même était en or pur, semblable au
verre très clair. Et la place de la cité est en or pur,
comme le verre transparent.
Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au
souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant,
furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la
lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les
590 (Ms. p. 92, recto)
591 Il n'est fait nulle mention de la Samaritaine dans ce sermon, ce qui donnerait à penser que l'Autographe est
incomplet.
592 Pss. XXXII, 6, 9 CXLVIII, 5.
593 Ps. XXXII, 6, 9.
80/342

9 Pages 81-90

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9.1 Page 81

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manu, quia successive, succedentibus
generationibus, corruptionibus et
incrementis, omnia facit, ut mulier
obstetrix, quæ infantem excipit pedetentim,
educit, lavat, fovet, complicat, etc. Manus
ergo providentiæ Dei obstetrix est totius
mundi.
Heu, miram providentiam erga
serpentes594! Fœniculo [90] purgant
optalmiam, renovant pelle abjecta
juventutem, serpillo, ut plerique existimant,
curant vulnera. Et nobis deerit qui
serpentibus non deest? Terram comedit
serpens, et cibo non caret; Cælum comedit
cor hominis, et Cælo carebit? Relinquit
venenum cum bibit, et homo non relinquet
venenum passionum cum recreatur
cælestibus? Qui non deserit desertorem
serpentem, quomodo relinquet hominem
fideliter sequentem? Evangelium
hesternum de providentia Dei595.
Secundus sensus est isagogicus,
secundum versionem Septuaginta, apud
Sa596: Præcepto ejus interfectus est draco
apostata. Eductus; scilicet e mundo, vel
creatus e nihilo. Tortuosus, versutus,
Hebraice, fugax. Et secundum hunc sensum
ita explicari debet. 1°. Spiritus Domini
ornavit cælos Angelorum turmis; verum
cum unus, et per unum plures ex illis, id est,
antiquus draco, rebelles essent, eos extra
cælum præcepto suo duxit, ejecit et
præcipitavit597. [2.] Secundum autem
versionem nostram, manus ejus
potentissima veluti monstra ejecit dæmonia,
et cum videret Hierusalem cælestem
gravidam his monstris, ac veluti dolores
parturientis habentem, manu sua obstetricis
vices egit, et eduxit hoc [91] monstrum.
Nam hic fit allusio ad partum, non propter
fœtum sed propter dolorem; quasi dicat:
Ornavit cælos Angelis, verum cum ex illis
apostatæ fuerint aliqui, ibi facti sunt dolores
ut parturientis598. Unde ejectio dæmonum
eductioni partus comparatur.
Vel etiam planius, eductus ex nihilo:
Ornavit cælos Angelis, et ipsemet
ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc.
Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert
comme d'une main pareille à celle qui donnant les
premiers soins à un nouveau-né, le lave, le
réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout
par des actes successifs: la génération, la
corruption, l'accroissement. La main créatrice de
la providence de Dieu amène donc au jour le
monde entier.
O Dieu! que cette providence est
admirable à l'égard des serpents! Ils se [90]
purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent
leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille
peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs
le croient, avec du serpolet. Et Celui qui pourvoit
aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se
nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le
cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui
manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son
venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne
déposerait pas le venin des passions! Celui qui
n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit,
pourrait-il abandonner l'homme qui le suit
fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de
Dieu.
Le deuxième est le sens isagogique.
D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par
l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat. Mis
au jour, c'est-à-dire tiré du néant, ou mis dehors,
c'est-à-dire hors du monde. Tortueux, artificieux,
en hébreu: fuyant. Et d'après ce sens on doit
expliquer ainsi notre texte: 1. L'esprit du Seigneur
a orné les cieux de phalanges angéliques;
cependant, comme sous l'influence de l'un d'entre
eux, de l'antique dragon, plusieurs étaient
devenus rebelles, par l'ordre de Dieu ils furent
expulsés, chassés et précipités du Ciel. [2.] Mais,
d'après notre version, sa main toute-puissante
rejeta les démons comme des monstres. Voyant la
Jérusalem céleste, qui portait ces monstres en son
sein, endurer comme les douleurs de
l'enfantement, [91] Dieu, de sa main, mit dehors
ce monstre. Ici, en effet, il est fait allusion à
l'enfantement, à raison non de son fruit, mais de
la douleur; c'est comme s'il était dit: Il a orné
d'Anges les cieux, mais quelques-uns d'entre eux
ayant apostasié, les cieux ont ressenti comme les
594 Vincent, Bellov. Speculum Naturae 1. XX, cc. V-VII.
595 Joan., VI, 1-12.
596 Annotat., in loc.
597 Apoc., XII, 9.
598 Ps. XLVII, 7.
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9.2 Page 82

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cacodæmon ejus obstetricatione creatus est
et eductus ex nihilo, ut sit repetitio
emphatica; etiam ipse dsemon ejus creatura
est, et fuit conditus ad ornamentum ut alii,
quamvis sua malitia perierit. Vis autem est
in verbo obstetricandi, quasi diceret: sedulo,
sollicite, creavit; et rectum creavit, non
distortum, quamvis nunc distortus et
tortuosus sit.
Ex hoc sensu fiat egregia
comparatio Cæli et templi, templum enim
imago est Cæli: hinc Majores imaginibus
Cælitum templa ornaverunt, ut Deus
cherubinis599; ut imagines Cælitum essent
in imagine Cæli. In templo, ut in Cælo, est
curia Dei; et utrumque locus orationis600,
teste Apocalypsi601, ubi aromata sunt
orationes Sanctorum et viginti quatuor
citharis aureis canunt orantes. Unde
utrimque Deus ejecit ementes et
vendentes602: [92] demon emere volebat et
furari independentiam, et se aliis veluti rex
superbiæ venditabat; hinc spelunca
latronum603. Nam latrones erant, ut
plurimum vendentes et ementes, nisi
magnam sui cordis habeant curam et sint
timorati.604 Negotiabatur Satan, ut Deo
auferret authoritatem, cæteris obedientiam;
induxerat in animum creaturis præesse,
ovibus, bobus, columbis605: ovibus,
fidelibus subditis; bobus, prælatis
laborantibus; columbis, religiosis
volantibus per contemplationem; Angelis
minoribus, majoribus et etiam Seraphinis.
Omnes autem quotquot Deus invenit
alligatos rebellioni ejecit606. Invenit in
diabolo avaritiam, qua rex Cæli voluit esse,
et eum ejecit.
Fecitque flagellum de funiculis607;
nam ob excellentiam suæ naturæ elatus est,
et per istam excellentiam maxime cruciatur.
Quare immobilis in sua malitia? Quia
excellentissimæ est naturse. Quare maxime
cruciatur? Quia habet ingenium
douleurs de l'enfantement. Voilà pourquoi
l'expulsion du démon est présentée sous la figure
d'un enfantement.
Ou plus simplement encore, il fut tiré du
néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa
main toute-puissante le mauvais esprit lui-même
fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition
emphatique. Le démon lui-même est créature de
Dieu; il fut formé comme les autres pour orner les
cieux, bien que sa malice ait causé sa perte. La
force de la pensée est tout entière dans la figure
employée par l'Ecrivain sacré; c'est comme s'il
était dit : Dieu le créa attentivement, avec soin; et
il le créa esprit droit, non pervers, quoique
maintenant il soit déformé et tortueux.
De ce sens on peut tirer une excellente
comparaison entre le Ciel et un temple. Un temple
est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils
les temples des images des Saints, comme Dieu
avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que
l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du
Ciel. Dans le temple comme dans le Ciel se trouve
la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de
prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les
aromates sont les prières des Saints, et les vingt-
quatre [vieillards] prient par la mélodie de leurs
harpes d'or. Du Ciel et du temple Dieu chasse les
acheteurs et les [92] vendeurs. Là, le démon
voulait acheter et dérober l'indépendance, et,
prince de l'orgueil, se faire valoir au-dessus des
autres; ici, c'est une caverne de voleurs. Les
acheteurs et les vendeurs sont ordinairement
voleurs, s'ils ne sont pas timorés et n'ont pas grand
soin de veiller sur leur cœur. Satan trafiquait pour
ravir à Dieu l'autorité, aux autres l'obéissance; il
s'était mis dans l'esprit de gouverner les créatures,
brebis, bœufs, colombes: les brebis, les fidèles
soumis; les bœufs, les prélats chargés de soins; les
colombes, les religieux portés sur les ailes de la
contemplation, les Anges inférieurs, les
supérieurs et même les Séraphins. Or, Dieu
chassa tous et chacun de ceux qui s'engagèrent
dans la révolte. En Satan, il rencontra l'avarice par
599 Exod., XXV, 18 III Reg., VI, 23-29.
600 Matt., XXI, 13.
601 Cap. V, 8-14, VIII, 3.
602 Matt., XXI, 12.
603 Matt., XXI, 13.
604 (Ms. p. 92, verso)
605 Joan., II, 14.
606 Ibid., v. 15.
607 Ibid.
82/342

9.3 Page 83

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capacissimum, et cognoscit magnam quam
fecit jacturam perfectissime. Puer parum
curat si pater hæreditate eum privet, at ubi
pedetentim crescit, quo majore acumine
intellectus viget eo majore tangitur dolore.
Quo majus est desiderium dominandi, eo
major [93] est dolor serviendi; at ille
maxima urgebatur ambitione, quam
ambitionem illi reliquit Deus, et eamet
ambitione veluti flagello torquetur; nam
remanet ambitio, imo superbia eorum
ascendit semper608, et quo magis ascendunt
voluntate per ambitionem, eo magis
descendunt re per abjectionem.
Mihi maxime placet doctrina
Epicteti609:
Quomodo
puniemus
ambitiosum? Sit ambitiosior. Meretur
avarus puniri? Vade, ut puniaris sis magis
semper avarus, sis magis luxuriosus ita ut
quietem perdas, etc. Nam peccatores
suismet peccatis punientur. Videte patres et
matres; peccant ridendo cum filios suos
malis verbis, pessimis vanitatis initiis,
addictos vident: faciet Dominus funiculos et
istimet filii tot doloribus afficient parentes,
etc. «Nemo læditur nisi a seipso610
Paupertas non lædit Job, non lsedit
D.Franciscum; te etiam non lædit, sed tua
impatientia. Calumniæ non læserunt
Apostolos et reliquos humiles; te etiam non
lædunt, sed tua superbia et arrogantia qui te
magis sentire facit injuriam tuam.
Sed jam o expergiscimini, Fratres!
Qui Angelis non pepercit611 propter unam
malam cogitationem factam in [94] templo,
quomodo vobis parcet, facientes cachinnos?
Ego quidem vellem etiam dato sanguine, ut
omnia peccata in æternum relinqueretis,
verum ego specialiter adjuro vos, ut templis
reverentiam habeatis; vos nobiles civitate,
vos mulieres, etc. Camberium est exemplar
totius Sabaudiæ. Nihil Deo gratius, nihil
vobis utilius. Aurum Tholosanum, Quintus
Cæpio612. «Brennus, Delphis Apollinis
templum, etc.; in se manus vertit» et
seipsum occidit; Val., 1. I. c. 1. Vultis
domos vestras honoratas, honorate domum
suite de laquelle il voulait être roi du Ciel, et il le
chassa.
Et le Seigneur fit un fouet de cordes; car
le démon s'était enorgueilli de l'excellence de sa
nature, et cette excellence devint la plus grande
cause de ses tourments. Pourquoi demeure-t-il
dans sa malice? Parce que sa nature surpasse
toutes les autres. Pourquoi ses tourments sont-ils
sans pareils? Parce qu'il a une plus haute
intelligence, et qu'il comprend à fond la grandeur
de la perte qu'il a faite. L'enfant se met peu en
peine d'être déshérité de son père, mais laissez-le
grandir; plus sou esprit deviendra pénétrant, plus
grande sera sa douleur. Plus le désir de dominer
est puissant, plus douloureuse est la servitude.
[93] Or, Satan se sentait pressé par l'ambition la
plus forte: Dieu lui laissa cette ambition et s'en
servit comme d'un fouet pour le tourmenter.
L'ambition, en effet, demeure; bien plus, leur
orgueil monte toujours, et plus leur volonté
s'exalte par l'ambition, plus ils s'abaissent en
réalité dans leur abjection.
La doctrine d'Epictète me plaît
extrêmement: Comment punirons-nous
l'ambitieux? Qu'il soit plus ambitieux encore.
L'avare mérite-t-il une punition? Va, pour te punir
sois toujours plus avare; sois toujours plus
luxurieux, au point de perdre tout repos, etc. Les
pécheurs seront punis par leurs propres péchés.
Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient
en voyant leurs enfants s'abandonner à de
mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le
Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes
enfants accableront leurs parents d'autant de
douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-
même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa
pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te
blesse, c'est ton impatience. La calomnie ne
blessa pas les Apôtres ni les autres amants de
l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse,
c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus
vivement sentir l'injure qui t'est faite.
Que dis-je, mes Frères? Soyez dans
l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges
pour une seule mauvaise pensée conçue dans le
temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui
y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94]
608 Ps. LXXIII, ult.
609 Enchiridion.
610 S. Joan. Chrysost., hom. sub hoc tit.
611 II Petri, II, 4.
612 Vide Valer. Max., 1. VI, c. IX.
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9.4 Page 84

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Dei. I. Reg. 5613, Philistæi capiunt Arcam
armis et inducunt in templum Dagon, et
percussit eos Deus in secretiori parte
natium. Vos sæpe Dagon infertis in
templum Domini; et idem peccatum est,
sive inferre Dagon in templum Domini, sive
Arcam Domini in templo Dagon. Omnia
sane nobis prospera forent, etc. Dagon,
frumentum, avaritiæ idolon.
Exemplum Sanctæ Mariæ
Ægiptiacæ non potentis intrare templum
Hierosolymse in quo Crux asservabatur,
quia perditissima meretrix, donec
compuncta est aspectu imaginis Virginis614.
Sic Christus crucifixi imago objicitur oculis
intrantium ut statim reverentiam iniciat;
apud Lactantium615. [95]
voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous
abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure
surtout de respecter les temples; vous, nobles de
la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le
modèle de toute la Savoie. Rien de plus agréable
à Dieu, de plus utile pour vous. Or de Toulouse,
Quintus Cépion. «Brennus, à Delphes, temple
d'Apollon, etc.; il tourne vers lui sa main» et se
tue (Valère Maxime, liv. I, chap. I). Vous voulez
voir vos maisons honorées, honorez la maison de
Dieu. Les Philistins s'emparent de l'Arche à mains
armées et l'introduisent dans le temple de Dagon,
et Dieu les frappa dans les parties secrètes. Vous
introduisez souvent Dagon dans le temple du
Seigneur; et c'est le même péché d'introduire
Dagon dans le temple du Seigneur ou l'Arche du
Seigneur dans le temple de Dagon. Tout
assurément nous serait prospère, etc. Dagon,
froment, idole de l'avarice.
Exemple de sainte Marie Egyptienne.
Comme elle était la pire des pécheresses
publiques, elle ne put entrer dans le temple de
Jérusalem où la Croix était conservée, jusqu'à ce
qu'elle eût été touchée de componction à la vue
d'une image de la Vierge. Aussi, le Christ, l'image
du Crucifix, est-elle offerte aux regards de ceux
qui entrent, pour leur inspirer aussitôt le respect;
telle est la remarque faite par Lactance. [95]
613 Vers. 2, 6.
614 Vitæ; Patram, 1.1. Vita S. Mar. Æg., cc. XV-XVII.
615 Sive auctorem Carm. de Cruce., initio.
84/342

9.5 Page 85

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LXXXVII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le quatrième
Dimanche de Carême
6 avril 1612
(INÉDIT)
616Domine, ecce quem antas infirmatur.
[JOAN., XI, 3.]
1612
Brevis oratio. Demosthenes, audiens
loquaculum: Si multum saperes non multa
loquereris617. Angeli, quo superiores, eo
universaliores species habent618. Deus unico
verbo omnia facit619. Optimus modus orandi
est orare paucis, sed non parum. Exodi 14620:
Quid clamas ad me? et tamen silebat. Psal.
9621: Desiderium pauperum exaudivit
Dominus; præparationem cordis eorum
audivit auris tua. Si non es exauditus, vel id est
quia pauper non es, vel quia præparationem
cordis non habes. Psal. 26. v. 13622: Tibi dixit
cor meum, exquisivit te facies mea; faciem
tuam, Domine, requiram. Sicut oculi servorum
in manibus [96] dominorum suorum, etc. Ad te
levavi oculos meos, qui habitas in cælis623.
Defecerunt oculi in eloquium tuum, dicentes:
Quando consolaberis me624? Solo aspectu
loquimur.
Multum ergo orandum, sed non multis.
Patres afferunt exemplum de Anna: Factum est
cum illa multiplicaret preces coram Domino,
ut Heli observaret os ejus; 1. Reg. I625, etc. Sic
istæ mulieres paucis expandunt necessitates.
Insignis est historia, 4. Reg. 19. v. 14, [15]:
Rapsaces mittit, vel rex Assyriorum, litteras ad
Ezechiam; ille ascendit in domum Domini et
expandit eas coram Domino, et oravit; 185000
occisi Assyriorum626. Tu fac similiter627. Dedit
Seigneur, voila que celui que vous
aimez est malade.
Courte prière. Démosthène entendant
un homme loquace, lui dit: Si tu savais
beaucoup tu parlerais peu. Plus les Anges sont
élevés en gloire, plus leurs idées sont
universelles. Dieu d'un seul mot crée tout. La
meilleure manière de prier c'est de le faire en
peu de mots, mais avec ardeur. Pourquoi cries-
tu vers moi? Et pourtant Moïse se taisait. Le
Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre
oreille a entendu la préparation de leur cœur.
Si tu n'es pas exaucé, c'est ou que tu n'es pas
pauvre, ou que tu n'as pas préparé ton cœur.
Mon cœur vous a parlé, ma face vous a
recherché; Seigneur, je rechercherai votre
face. Comme les yeux des esclaves sont fixés
sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai
levé mes yeux vers vous qui habitez dans les
cieux. Mes yeux ont défailli dans l'attente de
votre parole, disant: Quand me consolerez-
vous? Nous parlons par le seul regard.
Il faut donc beaucoup prier, mais en
peu de mots. Les Pères citent l'exemple
d'Anne: Il arriva que, comme elle multipliait
ses prières devant le Seigneur, Héli observait
le mouvement de ses lèvres, etc. Ainsi ces
femmes, [Marthe et Marie,] exposent eu peu de
mots leurs nécessités. Voici une histoire
remarquable: Rabsacès, ou le roi des
Assyriens, expédie des lettres à Ezéchias;
celui-ci monta dans la maison du Seigneur, les
616 (Ms. p. recto)
617 Cf. Plut., in vita Dem., ante med.
618 S.Thom., Ia Pars, qu. LV, art. III.
619 Ps. XXXII, 6, 9.
620 Vers. 15.
621 Vers. penult.
622 Al. v. 8.
623 Ps. CXXII, 2, 1.
624 Ps. CXVIII, 82.
625 Vers. 12.
626 Ibid., v. 35.
627 Lucæ, X, 37.
85/342

9.6 Page 86

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nobis Spiritum Filii sui, clamantem in cordibus
nostris: Abba, Pater; Gal. 4628. Ro. 8629: Ipse
Spiritus postulat pro nobis gemitibus
inenarrabilibus.
Sed nota quia, diligebat autem Jesus
Martham, et sororem ejus Mariam, et
Lazarum. Unde: Lazarus amicus noster
dormit, sed vado630. Sane coecus noster dicebat
nudiustertius: Scimus quia peccatores non
exaudit Deus631. Qua de sententia, tres sunt
responsiones: 1. cæcum istum cæca opinione
hoc dixisse; 2. intellexisse de impetratione
miraculorum in testimonium [97] propriæ
sanctitatis; 3a distinguit: sunt justi, sunt
peccatores, sunt pœnitentes; pœnitentes
exaudit. Atqui hic et pœnitens erat, et justa.
Sed videte pulcherrimam orationem:
Ecce quem amas infirmatur. Per duo Christum
adjuramus: per miseriam nostram et per Dei
amorem sive misericordiam. Sane Deus
indiget nostra miseria: Miserere mei quoniam
infirmus sum632; et nostra miseria indiget Dei
misericordia: Beatus vir cujus est auxilium abs
te; ascensiones in corde suo disposuit633.
Mays, Beatius est dare magis quam
accipere634. Puer et nutrix635. «Noverim te,
noverim me636.» «Quis es, et quid sum
ego637Miserere mei, miserere mei, quoniam
in te confidit anima mea638. Ambros., 3. de
Sac. c. 2: lutum imponi super oculos cæci639 ut
recordetur se pulverem esse; cæcitas enim
mentis plerumque superbia est. Idem
representat Lazarus nobis obvius. Hinc, Apoc.
3640, illi Laodiceno dicitur: Collyrio inunge
oculos tuos.
Christus venit, et lachrimatus est cum
lachrimantibus641. Heu prætiosæ lacrimæ!
Oculi tui sicut piscincti in Hesebon642. Oculi
sunt in porta sive fenestra, et per illos videmus
ouvrit devant le Seigneur et il pria; 185000
Assyriens furent tués. Toi, fais de même. Dieu
nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans
nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même
demande pour nous avec des gémissements
inénarrables.
Bien remarquer que Jésus aimait
Marthe et sa sœur Marie, et Lazare. Aussi dit-
il: Lazare notre ami dort, mais je vais. Avant-
hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous
savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs. On
peut expliquer cette proposition de trois
manières: 1. l'opinion qu'émettait cet aveugle
était aveugle comme lui; 2. il entendait parler
de l'obtention d'un miracle comme témoignage
de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97]
réponse distingue entre les justes, les pécheurs
et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or,
ici nous avons une pénitente et une âme juste.
Mais voyez cette admirable prière:
Voilà que celui que vous aimez est malade.
Nous supplions le Christ par deux motifs: par
notre misère et par l'amour ou la miséricorde
de Dieu. Dieu a vraiment besoin de notre
misère: Ayez pitié de moi parce que je suis
infirme; et notre misère a besoin de la
miséricorde de Dieu; Bienheureux l'homme
dont le secours vient de vous; il a disposé des
ascensions dans son cœur. Mais, il est plus
heureux de donner que de recevoir. L'enfant et
la nourrice. «Que je vous connaisse et que je
me connaisse.» «Qui êtes-vous, et qui suis-je?»
Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, parce que
mon âme s'est confiée en vous. Saint
Ambroise, Des Sacrements, liv. III, chap. II:
Jésus applique de la boue sur les yeux de
l'aveugle, pour lui rappeler qu'il est poussière;
car l'aveuglement de l'esprit provient
ordinairement de l'orgueil. La mort de Lazare
628 Vers. 6.
629 Vers. 26.
630 Joan., XI, 5, 11.
631 Ibid., IX, 31.
632 Ps. VI, 2.
633 Ps. LXXXIII, 6.
634 Act., XX, 35.
635 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. I, c. XV.
636 S. Aug., Soliloq. I.
637 Oratio S. August. et S. Franc. Assis.
638 Ps. LVI, 1.
639 Joan., IX, 6.
640 Vers. 18.
641 Joan., XI, 35; Rom., XII, 15.
642 Cant., VII, 4.
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interius in domo; unde et dixerunt: [98] Ecce
quomodo diligebat eum643; viderunt amorem.
Ut qui videt stillantem rosarium (stillans
rosaceum?), ignis est, dicimus. Sunt in porta,
id est, in Christo porta filiæ multitudinis644, id
est, Ecclesiæ. Hesebon, cingulum doloris, zona
doloris, cum Deus cinxit se dolore. In Hezebon
sunt oculi plorantes, quoniam Deus dolorem
asciscit et præcingit se considerationibus ad
lacrimas excitandas.
1°. Puer, videns mundum645; 2°. videns
Hierusalem perituram646; 3°. nunc ob amorem;
4°. emittens spiritum, cum clamore valido et
lachrimis647. [99]
que nous considérons présentement symbolise
la même vérité. De même, Apoc., III, il est dit
à l'Ange de Laodicée: Applique du collyre sur
tes yeux.
Le Christ vint, et il pleura avec ceux qui
pleuraient. Oh! précieuses larmes! Vos yeux
sont comme les piscines en Hésébon. Les yeux
sont semblables à la porte ou à la fenêtre par
laquelle nous voyons dans l'intérieur de la [98]
maison; aussi les Juifs dirent-ils: Voila comme
il l'aimait; ils virent l'amour. Ainsi quand nous
voyons distiller l'eau de rose de l'alambic, nous
disons: Il y a là du feu. Qui sont à la porte,
c'est-à-dire, dans le Christ, la porte de la fille
du peuple, c'est-à-dire, de l'Eglise. Hésébon,
cingule de douleur, ceinture de douleur,
lorsque Dieu se ceignit de douleur. En
Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que
Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des
considérations qui excitent les larmes.
[Le Rédempteur pleure,] 1. étant
enfant, à la vue du monde; 2. à la vue de
Jérusalem qui va périr; maintenant, par amour;
3. en rendant l'esprit, avec un grand cri et avec
des larmes. [99]
643 Joan., XI, 36.
644 [Cant.,] c. 7. v. 4.
645 Cf. Sap., VII, 3.
646 Lucæ, XIX, 41.
647 Matt., XXVII, 50; Heb., V, 7.
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LXXXVIII. Sommaire d'un sermon sur la sainte Croix
20 avril 1612648
(INÉDIT)
649PRO OSTENSIONE SANCTISSIMÆ
CRUCIS
POUR L'EXPOSITION DE LA TRÈS
SAINTE CROIX
Postquam de pisce callionymo650
dixero, et de felle asservato in memoriam, Tob.
6651: Heu, Christiani, hinc fidei asservatur
memoriale et oculis quoque vestris fidei
augustissimum sacramentum, oculis tot
imagines. Et ego quidem vellem quod contigit
Macrinæ; nam Vestiana eam ornans ut moris
est virgines, «Ecce,» aiebat, «quale a collo
Sanctæ monilis ornamentum dependet,»
etc.652; [Gretserus, De Cruce,] lib. 1. fol.
198653. Tum [100] de Abrahamo, Gregorii
Nisseni654, [Ibid.,] 1. 2. fol. 274: Et quis,
quæso, Crucifixi imaginem videat quin fleat?
Ecce enim videmus in Christo pendente corpus
undequaque lacerum, oculos lacrimis onustos,
labia felle et absinthio plena, caput corona
redimitum, stillantes hinc inde omnes corporis
artus. Quis non compatiatur!
O Jesu, tuo lumine
Signatos655, emptos sanguine656,
Purga, refove, perfice,
Tibi conformes effice 657.
Hinc, quicquid te nobis menti ingerit
diligimus. Cujus est hæc imago et
superscriptio658? Estne tunica Domini nostri
an non659? O Domine, si teipsum intueremur,
etc. Quare ergo rubrum est vestimentum tuum?
Après avoir parlé du poisson
callionyme et du fiel conservé en souvenir: O
Dieu! Chrétiens, ici est conservé le mémorial
de la foi; le plus auguste sacrement de la foi est
exposé à vos yeux. Que d'images s'offrent à
vos regards! Je souhaiterais qu'il nous arrivât
ce qui advint à sainte Macrine. Comme
Vestiana parait sa dépouille mortelle des
ornements que la coutume a réservés aux
vierges: «Voilà quel joyau,» dit-elle, «est
suspendu au collier qui entoure le cou de la
Sainte,» etc. [Gretser, De la Croix,] liv. I, [100]
folio 198. Citer alors ce que saint Grégoire de
Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274:
Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer
voir l'image du Crucifié? Voici que nous
voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de
toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses
lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète
ceinte d'une couronne, et le sang coulant en
abondance de tous les membres de son corps.
Qui ne compatirait!
O Jésus, purifiez, réchauffez,
perfectionnez, rendez conformes à vous ceux
que vous avez marqués de votre lumière,
rachetés par votre sang.
648 D'après la place que ce sommaire occupe dans le Ms. il est probable qu'il fait partie du Carême de 1612, et le titre
qui lui est attribué autoriserait à penser qu'il a été prononcé le Vendredi-Saint à la cérémonie de l'adoration de la Croix.
649 (Ms. p. 102, recto)
650 Vide Plin., Hist. natur., 1. XXXII, c. VII (al. XXIV).
651 Vers. 2-6.
652 Pour comprendre ce récit qui peut sembler obscur, il faut se souvenir que sainte Macrine avait coutume de porter
suspendues à son cou une relique de la vraie Croix enfermée dans une sorte d'anneau, et une petite croix de fer.
Vestiana, sa confidente, découvrit ces objets en lui rendant les derniers devoirs, et les montrant ensuite à saint Grégoire
de Nysse, frère de la défunte, elle dit les paroles citées ci-dessus par saint François de Sales.
653 Ex S. Greg. Nyss., Vita S. Macr., circa finem.
654 De Deitate Filii, circa finem. Cf. Defense, etc., l. I, c. VIII.
655 Ps. IV, 7.
656 I Petri, I, 18, 19; Apoc., V, 9.
657 Cf. Epist. S. Fr. Sal., 1. VII, ep. LXII, ed. 1626.
658 Matt., XXII, 20.
659 Gen., XXXVII, 32, 33.
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Torcular660, etc. In signum cui
contradicetur661.
Pro Virgine juxta Crucem: Tuam ipsius
animam662. Post autem ultimum verbum,
reginæ Saba comparanda est, quæ ultra non
habebat spiritum, id est flatum, spiritum, vim
intelligendi, præ admiratione; non habebat
spiritum, sed totum in Filio habebat. Non sunt
allata tam multa aromata; 3. Reg. 10663.
Gen. 28664: Vidit scalam. Hieron., in
Psal. 98665, Augs, [101] serm. de Tempore,
79666, aiunt figuram Crucis esse. Si fuerit
Dominus Deus mecum et custodierit me in via
per quam ambulo, erit mihi Dominus in
Deum667.
Rationes Christi crucifixi: ut medicina
morbo respondeat, ut humilitas, ut copiosa
esset redemptio668, ut omnibus esset nota.
Charitas enim Christi urget nos,
cestimantes hoc, quoniam si unus pro omnibus
mortuus est, ergo et omnes mortui sunt. Et pro
omnibus mortuus est Christus, ut et qui vivunt
jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis
mortuus est; 2. Cor., 5669. Virgo insulæ
Sestos670.
Zach. 13, v. 6: Quid sunt plagæ istæ in
medio manuum tuarum? Et dicet: His plagatus
sum in domo eorum qui diligebant me. [102]
Oui, tout ce qui vous implante en notre
âme, nous l'aimons. De qui est cette image et
cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-
Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous
voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre
vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme
un signe auquel ou contredira.
Pour la Vierge au pied de la Croix: Et
ton âme. Et après la dernière parole, la
comparer à la reine de Saba qui n'avait plus son
esprit, c'est-à-dire la respiration, son esprit, la
force de comprendre, tant elle était saisie
d'admiration; elle n'avait pas son esprit, mais
il était tout en son Fils. On n'apporta jamais
autant de parfums.
Il vit une échelle. Saint Jérôme, sur le
Psaume XCVIII, saint Augustin, [101]
Sermons du Temps, serai, LXXIX, disent que
c'était la figure de la Croix. Si le Seigneur Dieu
est avec moi et s'il me gardé dans la voie par
laquelle je marche, le Seigneur sera mon Dieu.
Raisons pour lesquelles Jésus a été
crucifié: pour que le remède répondît au mal;
pour que l'humilité, etc., pour que la
rédemption fut abondante, pour qu'elle fût
connue de tous.
Car la charité du Christ nous presse,
considérant ceci, que si un seul est mort pour
tous, donc tous sont morts. Et le Christ est mort
pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent
plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est
mort pour eux. La vierge de l'île de Sestos.
Que sont ces plaies au milieu de vos
mains? Et il dira: J'ai reçu ces plaies dans la
maison de ceux qui m'aimaient. [102]
660 Is., LXIII, 2, 3.
661 Lucæ, II, 34.
662 Ibid., v. 35.
663 Vers. 5, 10.
664 Vers. 12.
665 Cf. Breviar. in Ps., inter Supposit.
666 Hodie Serra. XI in Append., § 3.
667 Gen., XXVIII, 20, 21.
668 Ps. CXXIX, 7.
669 Vers. 14, 15.
670 Plin., Hist., nat., 1. X, c. V (al. VI). Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. VII, c. VIII.
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LXXXIX. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la
Sainte Vierge
15 août 1612671
(INÉDIT)
672Quæ est ista quæ ascendit per desertum,
sicut virgula fumi ex aromatibus
mirrhæ et thuris et omnis
pulveris pigmentarii?
[CANT., III, 6.]
Ecce mirantur omnes ascendentem
Virginem. Et quemadmodum mirati sunt
Sponsum (Egredimini, filiæ Sion, et videte
regem Salomonem cum diademate673, et apud
Is.674: Quis est iste qui venit de Edom, tinctis
vestibus de Bosra? iste formosus in stola sua),
sic nunc mirantur Sponsam. Sic Psal.675:
Mirrha et gutta et casia a vestimentis tuis;
tum676: Astitit regina a dextris tuis. Et nos
quoque miremur et imitemur. [103]
Tribus virtutibus universa Christiana
doctrina absolvitur: mortificatione, oratione et
actione. 677Hortus prius vomere scinditur,
deinde seminatur, tertio rore vel pluvia
irrigatur: anima mortificatione excolitur,
virtutibus seminatur et oratione rigatur.
Mortificatio ad carnem præcipue; oratio ad
spiritum; exercitium virtutum ad totum
hominem. Nisi granum frumenti mortuum
fuerit678. Si spiritu facta carnis
mortificaveritis, vivetis679. Mortificate membra
vestra, super terram680. Jam vero, ecce
mirantur homines in Ecclesia triumphante
mortificationem Virginis, quæ est veluti
virgula fumi ex aromatibus mirrhæ, en
mortificatio, et thuris, en oratio, et omnis
pulveris pigmentarii.
Quelle est celle-ci qui monte du désert,
comme une colonne de fumée de parfums de
myrrhe et d'encens et de toutes les poudres du
parfumeur?
Voilà que tous admirent la Vierge qui
monte. Et comme ils ont admiré l'Epoux
(Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon
avec le diadème, et en Isaïe: Quel est celui-ci
qui vient d'Edom, de Bosra, avec les vêtements
teints? il est beau dans sa robe), de même
admirent-ils maintenant l'Epouse. Ainsi dans
le Psaume: La myrrhe, l'aloès et la cannelle
s'exhalent de vos vêtements; puis: La reine
s'est tenue debout a votre droite. Nous aussi,
admirons et imitons. [103]
Toute la doctrine chrétienne se résume
en ces trois exercices: la mortification, la prière
et l'action. Un jardin est d'abord labouré avec
le soc, puis ensemencé, et en troisième lieu,
fertilisé par la rosée ou la pluie. L'âme est
cultivée par la mortification, ensemencée des
vertus et arrosée par la prière. La mortification
concerne surtout la chair; la prière, l'esprit; la
pratique des vertus, tout l'homme. Si le grain
de froment ne meurt. Si par l'esprit vous
mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez.
Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Eh
bien! voici que l'humanité admire dans l'Eglise
triomphante la mortification de cette Vierge,
qui est comme une colonne de fumée de
parfums de myrrhe d'abord, et c'est la
671 La pagination aussi bien que l'écriture du Ms. indiquent approximativement la date de ce sermon.
672 (Ms. p. 56, recto)
673 Cant., III, 11.
674 Cap. LXIII, 1.
675 Ps, XLIV, 9.
676 Vers. 10.
677 On voit ici dans l'Autographe les mots suivants qui ont été ensuite biffés par le Saint: «Mortificatio est veluti
extirpatione et putatione.» «La mortification procède par manière d'extirpation et de taille.»
678 Joan., XII, 24.
679 Rom., VIII, 13.
680 Coloss., III, 5.
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10.1 Page 91

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1m verbum: Ascendit. Sola in hoc
mundo ascendit; nam alii omnes modo
ascendunt modo descendunt: Ascendunt usque
ad cælos et descendunt usque ad abissos681,
quia modo bene operantur, modo peccant
mortaliter. Alii si non descendunt certe moram
trahunt, ut Joannes Baptista, et Apostoli, etiam
post Pentecosten. Unde, ille: Infelix ego homo,
quis me liberabit a [104] corpore mortis
hujus682? At Beata Virgo semper ascendit;
nunquam quievit, similis animalibus illis
Ezechielis683 quorum unumquodque ante
faciem suam gradiebatur, nec revertebatur
cum ambularet. Elle avoit son cœur dilaté en
sorte que viam mandatorum Domini
currebat684.
2. Per desertum. Omnia illi erant
deserta ubi Christus non apparebat. Hei mihi,
quia incolatus meus prolongatus est; habitavi
cum habitantibus Cedar685. Dans les desers, il
y a bien des arbres mais sauvages, des bestes
mais farouches; in hoc mundo sunt arbores et
homines, sed agrestes. Recordamini, quasso,
Annæ matris Thobiæ quomodo computabat
dies quibus aberat filius686; sic et ista Mater
computabat dies donec videret Filium:
Quemadmodum desiderat cervus ad fontes
aquarum687. Et propterea mortua est ex amore.
[1.] Optimam vitam decebat optima mors; vixit
amore, moritur amore. Renunciate dilecto meo
quia amore langueo688. [2.] Imitatrix fuit
Christi et in vita et in morte. «Gloriosi
principes terræ, quomodo in vita dilexerunt se,
ita et in morte non sunt separati689.» Sicut Saul
et Jonathas690. Ita gloriosus Filius et gloriosa
Mater. 3. Plerisque Sanctorum concessum est:
Mariæ Magdalenæ, Sanctæ [105] Catharinæ
Senensi et Genuensi, Sancto Francisco, et
nostro tempore Beato Philippo. Quidni
Virgini? 4. Pretiosa mors sanctorum691. Multi
moriuntur ex charitate, propter fidem; alii ex
charitate, propter charitatem; at prætiosissima
mortification, d'encens, et c'est la prière, et
enfin de toutes les poudres du parfumeur.
1re parole: Elle monte. Seule dans ce
monde Marie monte. Les autres, sans
exception, tantôt montent, tantôt descendent.
Ils montent jusqu'aux cieux et descendent
jusqu'aux abîmes, parce que tantôt ils font le
bien, tantôt ils pèchent mortellement.
Quelques-uns ne descendent pas, il est vrai,
mais du moins ralentissent-ils leur marche,
comme saint Jean-Baptiste, et les Apôtres,
même après la Pentecôte. Aussi saint Paul
s'écrie-t-il : Malheureux [104] homme que je
suis, qui me délivrera de ce corps de mort?
Mais la Bienheureuse Vierge monte toujours;
elle ne s'arrêta jamais, semblable à ces
animaux d'Ezéchiel, dont chacun marchait
devant sa face, et ne se retournait point
lorsqu'il marchait. Elle avait son cœur dilaté en
sorte qu'elle courait dans la voie des
commandements du Seigneur.
2e parole: Du désert. Tout lieu où le
Christ ne paraissait pas lui était un désert.
Malheur a moi parce que mon exil a été
prolongé! J'ai habité avec les habitants de
Cédar. Dans les déserts, il y a bien des arbres,
mais sauvages; des bêtes, mais farouches; en
ce monde, il y a des hommes et des arbres,
mais ils sont sauvages. Rappelez-vous, je vous
prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait
les jours écoulés depuis le départ de son fils;
ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient
s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le
cerf soupire après les sources des eaux. C'est
pourquoi elle mourut d'amour, [1.] La
meilleure vie appelait la meilleure mort; elle a
vécu d'amour, elle meurt d'amour. Annoncez à
mon Bien-Aimé que je languis d'amour. [2.]
Elle fut l'imitatrice de Jésus dans sa vie et dans
sa mort. «Glorieux princes de la terre, comme
ils s'étaient aimés durant la vie, ainsi la mort ne
les a point séparés.» Comme Saul et Jonathas.
681 Ps. CVI, 26.
682 Rom., VII, 24.
683 Cap. I, 12. Cf. Vulg. antiq.
684 Ps. CXVIII, 32.
685 Ps. CXIX, 5.
686 Tob., X, 9.
687 Ps. XLI, 1.
688 Cant., V, 8.
689 Antiph. ad Bened., in Fest. SS. P. et P.
690 II Reg., I, 23.
691 Ps. CXV, 6.
91/342

10.2 Page 92

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quæ ex charitate, propter charitatem, et per
charitatem692. O Deus immortalis! Qualis vita
hujus Virginis et qualis mors! Sed sensitne
dolores? Sensit, sed dolores amoris. Dolor
amabilis et amor dolorosus. Qui charitate
dolet, dolere eadem charitate gaudet.
3um verbum: Ex aromatibus mirræ.
«Abstine,» ecce mortificatio concupiscibilis;
«Sustine693,» ecce mortificatio irascibilis.
Propter te mortificamur tota die694. Confitebor
tibi in cithara695. O qualem mortificationem:
ex paupertate, ex virginitate, ex Christi
Passione.
4um verbum: Thuris. Dirigatur oratio
mea sicut incensum in conspectu tuo696. O
quales preces! Rapta usque ad tertium
Cælum697.Tota fuit oratio et exhalatio.
5um. Omnis pulveris pigmentarii. Praxis
omnium virtutum: modestia, prudentia,
fortitudo, justitia, religio, temperantia.
6986um verbum: Fumi. Nam
præsupponit ignem, charitatem, sine qua nihil
erat actum. [106]
[1.] Jam in Cælo ascendit absolute,
quia ascendit supra de lege ordinaria. Nemo
potest699. Nihil altius. Exaltata. 2. Per
desertum Angelorum: 99 oves in deserto700;
nam transcendit omnia. 3. Ex aromatibus
mirræ. Ibi mirrha prima; non mortificatio, sed
mortificationis meritum. Leve hoc et
momentaneum701; Secundum multitudinem702.
Et hæc merita nobis prosunt per
communionem. 4. Thuris. Ibi ardentissime
orat: «Sentiunt omnes tuum juvamen703.» 5. Et
omnis pulveris pigmentarii; id est, habet
gloriam omnibus virtutibus respondentem. Sed
est 6. Fumus. Charitas immensa quæ illi est
gloria essentialis; ibi fumus est sine
obscuritate, nubes lucida704. [107]
Ainsi le glorieux Fils et sa glorieuse Mère. 3.
Ce privilège fut octroyé à plusieurs Saints: à
Marie-Madeleine, aux saintes [105] Catherine
de Sienne et de Gènes, à saint François, et, de
notre temps, au bienheureux Philippe.
Pourquoi pas à la Sainte Vierge? 4. La mort des
saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la
foi, par amour; d'autres par amour, pour
l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle
qui vient de l'amour, pour l'amour et par
amour. O Dieu immortel! quelle vie que celle
de cette Vierge et quelle mort! Mais éprouva-
t-elle des douleurs? Oui, des douleurs d'amour.
Douleur aimable et amour douloureux. Qui
souffre d'amour, par le même amour se réjouit
de sa souffrance.
3e parole: De parfums de myrrhe.
«Abstiens-toi,» c'est la mortification de la
partie concupiscible; «soutiens,» c'est la
mortification de la partie irascible. A cause de
vous, nous sommes mis à mort tout le jour. Je
vous louerai sur la harpe. Oh quelle
mortification est celle qui provenait de sa
pauvreté, de sa virginité, de la Passion du
Christ!
4e parole: D'encens. Que ma prière
monte comme l'encens en votre présence. Oh!
quelles prières! Ravie jusqu'au troisième Ciel.
Marie exhalait toute son âme en prière et
soupirs.
5e parole: De toutes les poudres du
parfumeur. La pratique de toutes les vertus:
modestie, prudence, force, justice, religion,
tempérance.
6e parole: De fumée. Car elle
présuppose le feu, la charité sans laquelle rien
n'avait été fait. [106]
[1.] Maintenant dans le Ciel elle monte
librement, parce que par la loi naturelle elle
tend en haut. Personne ne peut, [etc.] Rien de
692 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. VII, cc. IX-XI.
693 Ex Epicteto; apud Aulus Gell., Noct. Att., 1. XVII, c. XIX.
694 Ps. XLIII, 22.
695 Ps. XLII, 4.
696 Ps. CXL, 2.
697 II Cor., XII, 2.
698 (Ms. p. 56, verso)
699 Cf. Joan., III, 13.
700 Lucæ, XV, 4.
701 II Cor., IV, 17.
702 Ps. XCIII, 19.
703 In Suffrag. B. M. V.
704 Matt., XVII, 5.
92/342

10.3 Page 93

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plus élevé. Exaltée. 2. Du désert des Anges: les
quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert, car
elle s'élève au-dessus de tout. 3. De parfums de
myrrhe. Il s'agit ici de la myrrhe la plus
exquise; non celle de la mortification, mais
celle du mérite de la mortification. [Notre
tribulation] présente, légère et momentanée.
Selon la multitude, etc. Et ces mérites nous
sont appliqués en vertu de la communion [des
Saints]. 4. De l'encens. Elle fait au Ciel les
prières les plus ardentes: «Tous ressentent
votre secours.» 5. Et de toutes les poudres du
parfumeur; c'est-à-dire, elle jouit d'une gloire
proportionnée à toutes ses vertus. 6. Enfin elle
est une fumée. Sa charité immense qui
constitue sa gloire essentielle; au Ciel, la
fumée n'est pas obscure, c'est une nuée
lumineuse. [107]
93/342

10.4 Page 94

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XC. Plan d'un sermon pour le dix-neuvième Dimanche après la
Pentecôte
21 octobre 1612
(INÉDIT)
705AD DOMINICAM XIX POST
PENTECOSTEN. 1612
POUR LE XIXE DIMANCHE APRÈS LA
PENTECÔTE. 1612
Amice, quomodo huc intrasti? etc.
[MATT., XXII, 12.]
Parabolis utitur Dominus quo
vehementius infigat doctrinam; ut acu utuntur
ac seta ut filum inducant. Hæc autem parabola
mira est. Nos primam partem breviter
explicabimus; secundam paulo pressius, ut
minitante hieme vobis vestem faciamus.
Salus hominum nuptiæ sunt Filii Dei.
Voluit autem salutem omnium Deus706, et
invitavit maxime Judeos, et noluerunt venire;
misit apostolos, et noluerunt sed [108]
occiderunt. Videns Judeos non venturos,
invitavit bonos et malos, Judeorum reliquias et
ethnicos. Et impletæ sunt nuptiæ: facta est
Ecclesia Catholica. Ecce ergo plerique sunt in
Ecclesia, in loco salutis; sed nunquid omnes
salvabuntur? Heu! veniet dies illa magna707 et
tremenda judicii, in qua intrabit Rex ad
videndos convivantes. Inventum est unus.
Auget hoc factum. Si plures inventi essent,
mirum non esset si expellerentur, sed uno
tantum invento expellitur, et mittitur in
tenebras exteriores. Multi sunt vocati, pauci
vero electi708.
Omnes vocati; maxime qui sunt in
Ecclesia, nam vocatione efficaci vocati sunt.
Cur non electi? Quia vestem nuptialem non
habent. Sed quaenam est ista vestis nuptialis?
Indubie charitas, ut omnes, apud
Maldonatum709 et D. Thomam710, fatentur. Ista
vestis operit multitudinem peccatorum. I. Pet.
Mon ami, comment es-tu entré ici? etc.
Le Seigneur use de paraboles pour
graver plus profondément sa doctrine; comme
on se sert d'aiguille et de soies pour introduire
le fil. Mais cette parabole-ci est admirable.
Nous expliquerons brièvement la première
partie; quant à la seconde, nous en presserons
davantage l'exposition et nous vous en ferons
un vêtement pour l'hiver qui vous menace.
Le salut des hommes, telles sont les
noces du Fils de Dieu. Dieu a voulu le salut de
tous, il invita surtout les Juifs et ils ne
voulurent pas venir; il leur envoya des apôtres,
ils ne voulurent pas les recevoir et même les
mirent à [108] mort. Voyant que les Juifs
refusaient, il invita les bons et les méchants, le
reste des Juifs et les païens. Et la salle des
noces fut remplie: l'Eglise Catholique était
fondée. Voilà donc qu'un grand nombre sont
dans l'Eglise, dans l'asile du salut; mais tous
seront-ils sauvés? Hélas! viendra ce grand et
terrible jour du jugement où le Roi entrera pour
examiner ses convives. Il s'en trouva un. Ce
fait augmente la terreur. Si on en eût trouvé
plusieurs, quoi d'étonnant qu'on les eût
chassés? mais on en trouve seulement un et il
est expulsé, et il est jeté dans les ténèbres
extérieures. Beaucoup sont appelés, mais peu
sont élus.
Tous sont appelés, ceux surtout qui
sont dans l'Eglise, car ils ont reçu la grâce
efficace de la vocation. Pourquoi donc tous ne
sont-ils pas élus? Parce qu'ils n'ont pas le
705 (Ms. p. 50, recto)
706 I Tim., II, 4; II Petri, III, 9.
707 Jerem., XXX, 7.
708 Matt., XXII, 3-14, XX, 16.
709 Comment., in loc.
710 Catena, in locum.
94/342

10.5 Page 95

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4711: Ante omnia in vobismetipsis, etc. Sic in
Epistola Eph. 4712: Renovamini spiritu mentis
vestræ: id est, Spiritu Sancto qui est in mente
vestra; vel spiritu qui est mens vestra, quia
interdum non possumus renovare animæ
partem inferiorem, in qua rebellio urget. Et
induimini novum [109] hominem; id est,
Christum. Induit novum hominem qui moribus
invenitur ut Christus. Qui secundum Deum
creatus est, id est, ad perfectissimam
imaginem Dei; sanctitate veritatis, id est,
sanctitate vera.
Adam nudus, fecit sibi perizoma ex
foliis ficus713. B. Amb., in lib. de Paradiso714:
excusatio in peccatis. At Deus fecit vestes
pelliceas715,
mortificationis,
aliqui,
pœnitentiæ; dic charitatis et meritorum Christi,
ut mortui Agni veste ac lana operiamur. Job,
29716: Justitia indutus sum, et vestivi me quasi
vestimento. D. Gregorius717: Vestimentum
undique operit. Vieg., [pag.] 70718. Apoc. 3719:
Angelo Laodiciæ: Suadeo tibi emere a me
aurum ignitum, probatum, ut locuples fias et
vestimentis albis vestiaris, ut non appareat
confusio nuditatis tuæ.
Jam vero triplex est charitatis vestis. 1a
Joseph polymita, qua induit eum pater suus720:
gratia sufficiens, infantum baptizatorum; unde
damus illis chrismale: «Accipe vestem
candidam721.» Pulcra visu; fide enim scimus
eos cum charitate omnes virtutes accipere. 2a
Jacob, qui vestibus Esau valde bonis vestitus
est722: communis omnium Sanctorum. 3a
Hester, quæ caudam [110] habebat723, et est
Sanctorum communicantium. Talaris est ut
cæterorum; nam quid proderit vestem habere
et non talarem, quando insidiatur maxime
calcaneo nostro diabolus, serpens724? Sed non
modo talarem, sed etiam plus quam talarem, ita
ut ad posteros quoque perveniat, ut Hesteris
vêtement nuptial. Mais quel est ce vêtement
nuptial? C'est évidemment la charité, tous en
conviennent, d'après Maldonat et saint
Thomas. Ce vêtement couvre la multitude des
péchés. Avant tout, ayez les uns pour les
autres, etc. De même dans l'Epitre aux
Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de
votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui
est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est
votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons
renouveler la partie inférieure de notre âme
dans laquelle s'élève la révolte. Et revêtez-vous
de l'homme nouveau, c'est-à-dire du Christ.
Celui-là [109] revêt l'homme nouveau, qui,
dans ses mœurs, est trouvé conforme au Christ.
Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus
parfaite image de Dieu ; dans la sainteté de la
vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté.
Adam nu se fit une ceinture de feuilles
de figuier. Selon le bienheureux Ambroise,
dans son livre Du Paradis, c'est une excuse
dans le péché. Mais Dieu lui fit des vêtements
de peau, ce que quelques-uns entendent de la
mortification et de la pénitence, et que nous
entendons de la charité et des mérites du
Christ, afin que nous fussions couverts du
vêtement fait de la laine de l'Agneau immolé.
Je me suis environné de la justice, et m'en suis
servi comme d'un vêtement. Saint Grégoire: Le
vêtement couvre tout le corps. Viegas, [page]
70. Dans l'Apocalypse, à l'Ange de Laodicée:
Je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé
au feu, afin de t'enrichir et de te revêtir
d'habits blancs, pour que la confusion de ta
nudité ne paraisse.
Or, la charité a trois vêtements: 1. Un
de couleurs variées, celui dont Joseph fut
revêtu par son père. C'est la grâce suffisante
des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous
le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il
711 Vers. 8.
712 Vers. 23, 24.
713 Gen., III, 7.
714 Cap. XIII.
715 Gen., III, 21.
716 Vers. 14.
717 S. Gregor. Mag., hom. XXXVIII in Ev., §§ 9.
718 Viegas, Conim. in Apoc., ed. 1606; ad c. I, 13.
719 Vers. 18.
720 Gen., XXXVII, 3.
721 In Cærem. Bapt.
722 Gen., XXVII, 15.
723 Esther, XV, 7.
724 Gen., III, 13, 15.
95/342

10.6 Page 96

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vestimentum. Sic Beatus Hilarion725 primam
vestem servavit, nam ante 15 annum jam
incepit servire Deo. Fuit talaris, ut cooperiat
talum ejus cui insidiabatur dæmon: «Egredere
anima mea, quid times726?» Fuit odorata, unde
multi ejus exemplo ad monasticam vitam
perducti727. Sic Beati Crispinus et Crispinianus
Martires. [111]
est beau à voir, car nous savons par la foi
qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes
les vertus. 2. Celui-de Jacob, qui revêtit les
plus beaux vêtements d'Esaü. Celui-ci est
commun à tous les Saints. Celui d'Esther, à
queue, et qui [110] appartient aux Saints en
tant que [par leurs exemples] ils
communiquent leurs vertus [à ceux qui
viennent après eux.] Il descend jusqu'aux
pieds, comme les deux autres; car à quoi bon
porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au
talon, quand c'est surtout à notre talon que le
démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais
cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle
se prolonge encore vers ceux qui suivent,
comme celle d'Esther. Ainsi le bienheureux
Hilarion conserva toujours sa première robe,
car il commença à servir Dieu dès l'âge de
quinze ans. C'était une robe longue qui
descendait jusqu'à terre pour préserver son
talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait
des embûches: «Sors, mon âme, que crains-
tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les
exemples du Saint en attirèrent un grand
nombre à la vie monastique. Tels les
bienheureux Crépin et Crépinien, Martyrs.
[111]
725 La fête de saint Hilarion, qui se célèbre le 21 octobre, coïncidait, en cette année 1612, avec le XIXe Dimanche
après la Pentecôte. C'est ce qui explique comment il est ici fait mention de ce célèbre Solitaire.
726 S. Hieron., in Vita ejus, § XLV.
727 Cf. Cant., I, 5.
96/342

10.7 Page 97

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XCI. Fragment d'un sermon pour la fête de la Purification
2 février 1613
(INÉDIT)
728AD FESTUM SACRATISSIMÆ
PURIFICATIONIS. 1613
Mira naturæ ars qua veluti per
antiperistasin contraria contrariis
elucescunt. Mira in hoc Evangelio729
Beatæ Virginis humilitas, mira et dignitas.
Venit veluti vulgaris mulier purificanda,
venit tanquam mater oblatura munus
omnium gratissimum Altissimo, et in
Symeone timor versus est in lætitiam
summam.
Superbia diaboli et hominis mira
fuit, ut nimirum essent sicut dii730. Esaias,
14731: Conscendam in cælum, super astra
Dei ponam solium meum, ero similis
Altissimo. De homine pulchre Augustinus,
I. 14 de Civitate, c. 13, citans Proverb.
16732: Ante ruinam exaltatur cor et ante
gloriam humiliatur. Initium [112] omnis
peccati superbia; Ecclesiastici, 10733. Tob.
4734, ad filium: Superbiam nunquam in tuo
sensu aut in tuo verbo dominari permittas,
in illa enim initium sumpsit omnis
perditio. Ro. 5735: Sicut per inobedientiam
unius hominis peccatores constituti sunt
multi, ita per obedientiam unius hominis
justi constituuntur multi.
Verum etiam Patrum pulcherrimæ
sententiæ expendendæ sunt circa
peccatum primi hominis primæ mulieris,
et inde concio inchoanda. Anthithesim
esse inter Mariam et Evam omnis
antiquitas credidit; videamus ergo
quomodo peccavit Eva. Dic historiam736.
Creati erant Adam et Eva in gratia, et
summa fœlicitate potiebantur; et ecce
POUR LA FÊTE DE LA PURIFICATION. 1613
Admirable est cet art de la nature qui, par
une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires
par les contraires. Merveilleuse est dans cet
Evangile l'humilité de la Bienheureuse Vierge;
merveilleuse aussi est sa dignité. Elle vient comme
une femme vulgaire pour être purifiée; elle vient
comme mère pour offrir au Très-Haut le don qui
pouvait lui être le plus agréable. Aussi dans le cœur
de Siméon, la crainte fait place à une suprême joie.
Etonnant fut l'orgueil du démon et de
l'homme, quand ils se persuadèrent qu'ils
deviendraient comme des dieux. Je monterai au
ciel, je placerai mon trône sur les astres de Dieu, je
serai semblable au Très-Haut. Saint Augustin, liv.
XIII de la Cité [de Dieu], chap. XIV, citant les
Proverbes, dit très bien de l'homme: Le cœur
s'exalte avant la ruine et il s'humilie avant la gloire.
[112] L'orgueil est le commencement de tout péché.
Tobie à son fils: Ne laisse jamais l'orgueil dominer
dans ton esprit ou dans ta parole, car c'est par lui
que toute perdition a pris commencement. De
même que par la désobéissance d'un seul homme
beaucoup ont été constitués pêcheurs, de même
aussi par l'obéissance d'un seul homme beaucoup
sont justifiés.
Les Pères donnent, relativement au péché
du premier homme et de la première femme, de très
beaux enseignements que nous devons considérer.
En conséquence, je puis commencer mon discours
par les contrastes que toute l'antiquité a remarqués
entre Marie et Eve. Voyons donc comment Eve a
péché. Dire l'histoire. Adam et Eve avaient été
créés en grâce et jouissaient d'une félicité parfaite;
et voilà que le démon, l'antique serpent, voulut les
ruiner. S'attaquant donc à la femme, comme étant
728 (Ms. p. 34, recto)
729 Lucæ, II, 22-29.
730 Gen., III, 5.
731 Vers. 13, 14.
732 Vers. 18.
733 Vers. 15.
734 Vers. 14.
735 Vers. 19.
736 Gen., III, 1-5.
97/342

10.8 Page 98

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diabolus, serpens antiquus737, voluit eos
exturbare. Aggressusque mulierem
tanquam infirmiorem: Cur præcepit,
inquit, vobis Deus ut non comederetis ex
omni ligno paradisi? De omni, id est,
præcepit ut de nullo, est communis opinio;
vel non comederetis ex omni, id est, non
de omnibus et singulis, sed excepit lignum
scientiæ boni et mali738? Egregie
Rupertus, 1. 2 de Trinit.739, c. 4: Diabolus
se «rem ut erat nescire simulans,» dixit de
omni. Sic hæretici: Cur præcipit [113]
Ecclesia ut de omni Scriptura non legatis?
cur prohibet nubere? cur vesci cibis creatis
a Deo? etc. Cui respondit mulier: De
fructu lignorum quæ sunt in paradiso
vescimur; de fructu vero ligni quod est in
medio paradisi, præcepit nobis Deus ne
comederemus et ne tangeremus illud, ne
forte moriamur. Dixit autem serpens ad
mulierem: Nequaquam moriemini; scit
enim Deus quod in quacumque die
comederitis ex eo, aperientur oculi vestri,
et eritis sicut dii, scientes bonum et
malum. Ambros.: Displicent [verba]
præcepti, lib. de Adam et Eva740, unde
exaggerat. Si vir vel pater dicat: Nolo cum
hoc colloquaris; heus! ait, non vult me
cum ullo colloqui. Aggravant præceptum
ut gravent præcipientem: ne tangerent.
Idem est Chrisostomi, hom. 16. in
Genesim741. Quod Eva cum diabolo
colloqui cæperit, nunquam colloquendam
est cum hoste reipublicæ, aut cum
hæretico, aut cum impudicis. Cap. II. ad
Cor. 2742: Timeo ne sicut serpens seduxit
Evam astutia sua, ita corrumpantur
sensus vestri, et excidatis a simplicitate
quæ est in Christo.
……………………………………..[114]
la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il
commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous
les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire,
pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger
aucun; c'est l'opinion commune. Ou bien, de ne pas
manger de tous, c'est-à-dire non pas de tous et de
chacun; mais en a-t-il excepté les fruits de l'arbre
de la science du bien et du mal? Rupert dit
excellemment, liv. II de la Trinité, chap. IV: Le
diable, «feignant d'ignorer la vérité,» dit de tous.
Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous
ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture?
Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi,
de manger des aliments créés par Dieu? etc. La
femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des
arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit
de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous
a commandé de n'en point manger et de n'y point
toucher, de peur que nous ne mourions. Et le
serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; car
Dieu sait qu'en quelque jour que ce soit que vous
en mangiez, vos yeux seront ouverts, et vous serez
comme des dieux, sachant le bien et le mal. Le
commandement déplaît à la femme, dit saint
Ambroise, dans son livre d'Adam et Eve, c'est
pourquoi elle en exagère la rigueur. Si le mari ou le
père dit: Je ne veux pas que tu parles à un tel; hélas,
dit-on, il veut que je ne parle à personne. On
exagère ainsi le précepte, afin de taxer de sévérité
outrée ceux qui le donnent: qu'ils ne touchent pas.
Saint Chrysostôme s'exprime de la même manière
dans sa XVIe homélie sur la Genèse. Du péril
auquel s'exposa Eve en entrant en conversation
avec le serpent, il faut tirer la conséquence qu'on ne
doit jamais s'entretenir avec un ennemi de l'Etat, ou
avec un hérétique, ou avec des hommes aux moeurs
corrompues. Je crains que de même que le serpent
séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se
corrompent et que vous dégénériez de la simplicité
qui est dans le Christ.
……………………………………..…..[114]
737 Apoc., XII, 9.
738 Gen., II, 16, 17.
739 Aliter De Trin. et Oper. ejus, Comment. in Genes.
740 Al. De Paradiso, c. XII. Vide locum, qui ex Comment. Pereiræ in Gen. confuse citatur.
741 § 3.
742 Vers. 3.
98/342

10.9 Page 99

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XCII. Plan d'un sermon pour le quatrième Dimanche après
Pâques
5 mai 1613743
(INÉDIT)
DOMINICA 4 POST PASCHA, APUD S.
PAULUM
QUATRIEME DIMANCHE APRÈS
PAQUES, A SAINT-PAUL
Vado ad eum qui misit me, et nemo
ex vobis interrogat me: Quo vadis?
Jo. 16. v. 5.
Ægris ob morbum sine appetitu
viventibus, solemus etiam invitis cibum dare;
sic hodie Apostolis mœstitia affectis, et ideo
non petentibus a Domino: Quo vadis? [115]
ipsemet cibum ingerit, et iter suum, causasque
ac utilitates sui itineris, declarat. Interdum
interrogare nolumus, ne sciamus quod scire
nobis triste est. Dicit ergo se ire ad Patrem ut
Spiritum Sanctum mittat, Spiritum Sanctum
autem, cum venerit, argumentis
demonstraturum, ac potius magno interiori
lumine, mundum reum esse peccati, justitiae et
judicii744. Quæ quomodo intelligi debeant
eodem aspirante Spiritu dicemus, sed antea, ut
in nobis superveniat, Beatam Virginem
salutemus.
Difficilia quæ pulcra. Lex antiqua in
monte data est, et nova quoque, abrege,
anacephaleosis, in Cruce745; inter clavos et
spinas, ut Leges inter tonitrua et lampades746.
Hoc omnes hactenus senserunt, et miror
ignorantissimos rerum theologicarum aliter
sentire. Hieronymus, in Prologo Galeato747:
«Sola Scripturarum ars est quam sibi passim
Je vais à Celui qui m'a envoyé, et nul
d'entre vous ne me demande: Ou allez-vous?
Souvent nous obligeons les personnes à
qui la maladie ôte tout appétit à prendre de la
nourriture. Quelque chose d'analogue se passe
aujourd'hui: les Apôtres sont accablés de
tristesse, et partant ne demandent pas au
Seigneur: Où allez-vous? mais lui, les contraint
à se nourrir et leur annonce son [115] départ,
les causes et les avantages de ce départ. Parfois
nous ne voulons pas interroger, pour ne pas
apprendre une nouvelle qu'il nous serait
pénible de connaître. Jésus déclare donc qu'il
retourne à son Père pour envoyer l'Esprit-
Saint, et que l'Esprit-Saint étant venu, par des
preuves, ou plutôt par une grande lumière
intérieure, il convaincra le monde du péché, de
la justice et du jugement. Comment
comprendre ces paroles, nous l'allons dire sous
l'inspiration du même Esprit; mais auparavant,
pour qu'il descende sur nous, saluons la
Bienheureuse Vierge.
Les choses belles sont difficiles à saisir.
La Loi ancienne a été donnée sur la montagne,
la nouvelle également; abrégé
(anacéphaléosis) sur la Croix; entre les clous et
les épines, comme la Loi mosaïque [avait été
promulguée] parmi les tonnerres et les éclairs.
743 On voit, d'après le format, que l'Autographe de ce sermon n'appartient pas au grand Manuscrit décrit dans l'Avant-
Propos; mais, bien qu'il ne soit pas daté, il suffit de le rapprocher des pages écrites par le Saint en 1613 pour juger
qu'il doit remonter à la même époque. Le titre du sermon appuie cette conjecture. Il a été prononcé le quatrième
Dimanche après Pâques, à l'église ou chapelle de Saint-Paul; or, la chapelle des Pères Jésuites de Turin, dans laquelle
l'Evêque de Genève se plaisait à prêcher quand il était de passage en cette ville, était précisément dédiée sous le
vocable du grand Apôtre. Comme on le sait, notre Saint fit au printemps de 1613 un pèlerinage au tombeau de saint
Charles Borromée; ce serait donc au retour qu'il aurait prononcé ce discours à Turin. L'invocation adressée à saint
Charles (voir p. 117) est encore à l'appui de cette conjecture.
744 Vers. 5-13.
745 Ephes., I, 10.
746 Exod., XIX, 16.
747 Al Ep. Paulin., § 7 . Cf. Defense, tom. II hujus Edit., p. 263, not. (1629).
99/342

10.10 Page 100

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omnes vendicant.» Difficilem esse Dominus
indicat in fine Evangelii nostri748: Multa alia
habeo vobis dicere, sed non potestis portare
modo. Gebenn. in margine749: «Ces choses-la
sont comprinses en la doctrine des Apostres,
hors laquelle il ne nous faut rien chercher.»
Finesse. Hors la doctrine ou escritte ou non
escritte. [116]
At in Epistolis et scriptis Apostolicis
etiam multa difficilia; ut Petri 2. c. 3750, de
Epistolis Pauli et rebus in eis propositis: In
quibus, ait, quædam sunt difficilia intellectu,
quæ indocti et instabiles depravant ad suam
ipsorum perditionem, sicut et cæteras
Scripturas. Et Christus: Scrutamini
Scripturas751. Et Paulus non omnia scripsit;
Pleb. 5752, de Melchisedech: de quo, inquit,
grandis (hoc est, multus) nobis est sermo,
ininterpretabilis ad dicendum, quia imbecilles
facti estis ad audiendum. I. Cor. 3. v. 1 et 2:
Tanquam parvulis in Christo, lac potum dedi
vobis, non escam, nondum enim poteratis; sed
nec adhuc potestis, adhuc enim carnales estis.
Cætera cum venero disponam; I. Cor. XI753.
De illo grandi sermone et de ista dispositione,
ubi quæso mentio? Non potestis portare modo.
Unde Psalm.: Revela oculos meos, et
considerabo mirabilia de lege tua; [Ps.]
118754. O Sanctus Carolus755!
Non omnia scripta necessaria sunt ad
fidem, quamvis sint de fide; ut Tobiæ canem
caudam habuisse, c. XI. V. 9, aut Paulum
habuisse penulam, 2. ad Timot. 4756, quam
reliquerat Troade apud Carpum. Nec omnia
[117] necessaria scripta sunt aperte, maxime
numerus Librorum et sensus, et «descendit ad
inferos.»
Nos similes sumus formicis. Quædam
ascendunt spicas et dimittunt, aliæ spoliant
grana spicis et thecis aliæ inferunt. Sic
Apostoli verbum Dei miserunt, doctores
exuunt difficultatibus, prædicatores trahunt et
inferunt cordibus.
Jusqu'ici tous l'avaient entendu ainsi, et je
m'étonne que ceux-là même qui ignorent le
plus les questions théologiques prétendent
l'expliquer autrement. Saint Jérôme, dans son
Prologue casqué, dit: «La science de l'Ecriture
est la seule dont, en tous lieux, chacun se fait
fort.» Le Seigneur à la fin de notre Evangile la
déclare difficile: J'ai beaucoup d'autres choses
à vous dire, mais vous ne pouvez les porter
maintenant. Les pasteurs de Genève disent, en
marge: [Reprendre au texte, lig. 19.] [116]
Les Epîtres et les écrits des Apôtres
renferment aussi bien des points difficiles; et
saint Pierre parlant des Epîtres de saint Paul et
des enseignements qui y sont proposés: Dans
lesquelles, dit-il, il y a quelques passages
difficiles a entendre, que des hommes
ignorants et légers détournent pour leur
propre perte a de mauvais sens, ainsi que les
autres Ecritures. Et le Christ: Vous scrutez les
Ecritures. Et saint Paul n'a pas tout écrit. Dans
l'Epître aux Hébreux, au sujet de
Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de
grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand
nombre), et difficiles à expliquer, parce que
vous êtes devenus incapables de les entendre.
Comme de petits enfants dans le Christ, je vous
ai nourris de lait et non d'aliments solides,
parce que vous n'en étiez pas capables, et à
présent même vous ne l'êtes pas encore, parce
que vous êtes encore charnels. Quant aux
autres choses, lorsque je serai venu je les
réglerai. De ces grandes choses et de ce
règlement, où, je vous prie, en est-il fait
mention? Vous ne pouvez les porter
maintenant. Pour le même sujet, il est dit dans
le Psaume: Dessillez mes yeux et je
considérerai les merveilles de votre loi. O saint
Charles!
Toute l'Ecriture n'est pas nécessaire
pour la foi, bien qu'elle soit toute de foi. Il n'est
pas nécessaire, par exemple, de savoir que le
chien de Tobie avait une queue, ou que saint
Paul avait un manteau qu'il laissa à Troade,
748 Vers. 12.
749 La Bible... de Geneve, 1588.
750 Vers. 16.
751 Joan., V, 39.
752 Vers. 11.
753 Vers. ult.
754 Vers. 18.
755 Cf. Les Controverses, tom. I hujus Edit., p. 194.
756 Vers. 13.
100/342

11 Pages 101-110

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11.1 Page 101

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Nemo ex vobis internogat me: Quo
vadis? quia nemo vult scire Crucem757, aut
privari consolatione. [118]
chez [117] Carpus. De même, tout ce qu'il est
nécessaire de croire n'est pas explicitement
écrit, en particulier le nombre et le vrai sens
des Livres canoniques, et les mots: «est
descendu aux enfers.»
Nous ressemblons aux fourmis. Les
unes montent sur l'épi et l'abattent, les autres
dépouillent le grain de son enveloppe et
d'autres le transportent au grenier. Ainsi les
Apôtres nous ont transmis la parole de Dieu,
les docteurs la dégagent de toute ambiguité et
les prédicateurs l'emportent pour la déposer
dans les coeurs.
Nul d'entre vous ne me demande: Où
allez-vous? parce que nul ne veut savoir la
science de la Croix ou se priver de consolation.
[118]
757 Cf. I Cor., II, 2.
101/342

11.2 Page 102

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XCIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Pentecôte
26 mai 1613
(INÉDIT)
758AD FESTUM PENTECOSTES, 26 MAII
1613
CUM REDIREM MEDIOLANO
POUR LA FETE DE LA PENTECÔTE, 26
MAI 1613
A MON RETOUR DE MILAN
Aves cum parvulos in nido non habent,
excurrunt per arbores in eisque morantur, et
mirifice huc illucque canunt; at cum nidum
habent pullosque in eo, vix cantant alibi quam
in arbore in qua nidos pullosque habent. Si
enim aliquando excurrunt, cito redeunt, et
memores relictorum pullorum vix alibi
cantant. Il fault dire vray, mirus est amor
filiorum, et quidem spiritualium major quam
carnalium. Un pere qui a des enfans, va, vient,
court, mais son cceur ne bouge, il est tous-jours
avec son tresor: Gaudium meum, corona mea
vos estis759. [119] Or sus, je ne veux point vous
expliquer maintenant davantage mon
sentiment ni ma consolation de me revoir
aupres de vous, mon cher peuple; il me suffit
que j'y sois, et que me voyci en cette si celebre
feste pour vous en expliquer le mistere
briefvement. Mays, nemo potest dicere,
Dominus Jesus, nisi in Spiritu Sancto760, nemo
Spiritus Sanctus nisi in Spiritu. Veni, en faveur
de vostre chere Espouse Nostre Dame. Ave.
Canticum Canticorum epitalamium est
Ecclesiæ et Christi. Orditur autem Salomon
instinctu Spiritus Sancti ab unione: Osculetur
me761 (quid est osculetur, nisi veniat et mecum
jungatur per Incarnationem, in qua quæ ex ore
Altissimi prodit Sapientia762 unitur carni
nostræ? Unde: Veni, Domine, et noli tardare763;
Veniat Dilectus meus in hortum suum764;
Descendat sicut pluvia in vellus765, etc.), et
Lorsque les oiseaux n'ont pas de petits
dans leur nid, ils voltigent d'arbre en arbre, s'y
arrêtent et chantent merveilleusement tantôt
ici, tantôt là; mais ont-ils nid et couvée, c'est à
peine s'ils chantent ailleurs que sur l'arbre où
reposent ce nid et cette couvée. Si parfois ils
s'en éloignent, c'est pour revenir aussitôt, le
souvenir des petits qu'ils ont quittés leur
permettant à peine de chanter ailleurs. Il faut
dire vrai, l'amour [du père] pour les enfant» est
admirable, encore plus pour les fils selon la
grâce que pour les fils selon la nature. Vous
êtes ma joie et ma couronne. [119]
Nul ne peut dire Seigneur Jésus, si ce
n'est par l'Esprit-Saint; nul ne peut dire Esprit-
Saint, si ce n'est par l'Esprit. Venez...
Le Cantique des Cantiques est
l'épithalame de l'Eglise et du Christ. Sous
l'inspiration de l'Esprit-Saint, Salomon débute
par un souhait d'union: Qu'il me baise (qu'est-
ce à dire: qu'il me baise, sinon qu'il vienne et
s'unisse à moi par l'Incarnation, ce mystère où
la Sagesse sortant de la bouche du Très-Haut,
s'unit à notre chair? De là ces mots: Venez,
Seigneur, et ne tardez plus. Que mon Bien-
Aimé vienne en son jardin. Qu'il descende
comme la pluie sur la toison, etc.), et il finit par
l'Ascension: Fuyez, dit-il, mon Bien-Aimé, et
soyez semblable au chevreuil et au faon des
biches sur les montagnes des aromates. Le
bienheureux Bernard, d'accord en cela avec la
plupart des commentateurs, applique ces
paroles à l'Ascension du Seigneur: Venez,
758 (Ms. p. 113, recto)
759 Philip., ult., 1.
760 I Cor., XII, 3.
761 Cant., I, 1.
762 Eccli., XXIV, I, 5.
763 Apocal., ult., 20; Ps. XXXIX, ult.
764 Cant., V, 1.
765 Ps. LXXI, 6.
102/342

11.3 Page 103

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finit Ascensione: Fuge, inquit766, Dilecte mi, et
assimilare capreæ hinnuloque cervorum super
montes aromatum. Quæ verba Beatus
Bernardus et communior [sententia] explicant
de Ascensione Domini: Veni, fuge; unum
verbum est in principio, aliud in fine;
Bernardus, ser. 9. in Qui habitat767. «Non enim
ut Petrus,» ait Bernardus768, «vult in monte
terreno habitaculum769,» sed in Cælo; «aut
cum Maria, [120] eum deinceps vult tangere in
terra770, sed plane clamat: Fuge
Sed assimilare capreæ. Caprea
summos montes petit, ut clarius omnia
despiciat suspiciatque vicinius solem. Fuge,
sed assimilare capreæ, quæ ea quæ deorsum
sunt respicit (mitte nobis alium Paraclitum771),
hinnuloque cervorum, qui etsi scandat, tamen
in ima, ubi matrem reliquit, respicit omni
momento; sic naturam humanam Christus
respicit, et ei munus Spiritus Sancti mittit.
Recita historiam Joseph. Antequam Benjamin
iret in regnum fratris Joseph, mittebat quidem
cibaria aliqua; verum ubi vidit Benjamin, misit
plaustra, stolas, omniaque quæ necessaria
erant772. Sic Pater cælestis ante Ascensionem
misit per Angelos Legem et cætera necessaria,
at viso Benjamin misit omnia munera.
Viderant Apostoli ascendentem, at timidi erant
donec venit Spiritus Sanctus; tunc revixit
spiritus773 eorum, etc.
Sed quomodo Spiritus Sanctus venit?
Non mutans locum sed actum774.
Descendam775. Descenditque cum illo in
foveam776. Veni, Domine, et noli tardare777.
Vere locus iste sanctus est778, etc. [121]
Quid autem novi fecit in Apostolis?
prius quidem acceperant Spiritum Sanctum:
Accipite Spiritum Sanctum779. Acceperant
jurisdictionem, sed non possessionem, actum
secundum; vela pandunt ventis.
fuyez; un mot se trouve au début, l'autre à la
fin. (Saint Bernard, sermon IX sur le Psaume
Qui habitat.) «L'âme,» dit saint Bernard, «ne
veut pas comme saint Pierre habiter un
tabernacle bâti sur une montagne terrestre;»
elle veut [120] le Ciel. «Elle ne veut pas
comme Marie-Madeleine toucher Notre-
Seigueur sur la terre; au contraire, elle s'écrie:
Fuyez.»
Soyez semblable au chevreuil. Le
chevreuil gagne le sommet des monts pour voir
plus distinctement à ses pieds toutes choses et
contempler de plus près le soleil. Fuyez, mais
soyez semblable au chevreuil, qui regarde ce
qu'il laisse derrière lui (envoyez-nous un autre
Paraclet), et au faon de biche, lequel, bien qu'il
monte en sautant, regarde cependant à chaque
instant le fond de la vallée où il a laissé sa
mère. Ainsi le Christ regarde en arrière la
nature humaine, et lui envoie le don de l'Esprit-
Saint. Raconter l'histoire de Joseph. Avant que
Benjamin fût venu dans le royaume de son
frère Joseph, celui-ci envoyait bien aux siens
quelques provisions alimentaires; mais dès
qu'il eut vu Benjamin, il envoya des chariots,
des robes et tout ce qui était nécessaire. Ainsi
le Père céleste, avant l'Ascension, envoya par
ses Anges la Loi et tout ce qui était nécessaire,
mais après avoir vu Benjamin il envoya tous
les dons. Les Apôtres l'avaient vu monter au
Ciel, mais ils demeurèrent timides jusqu'à la
venue de l'Esprit-Saint; alors leur esprit se
ranima, etc.
Mais comment vint l'Esprit-Saint? En
changeant non pas de lieu, mais d'opération. Je
descendrai. Et elle descendit avec lui dans la
fosse. Venez, Seigneur, et ne tardez plus.
Vraiment ce lieu est saint, etc. [121]
Qu'opéra-t-il de nouveau dans les
Apôtres, car ceux-ci avaient déjà reçu l'Esprit-
766 Cant., ult., v. ult.
767 §9.
768 Ibid.
769 Matt., XVII, 4.
770 Joan., XX, 17.
771 Ibid., XIV, 16.
772 Gen., XLII, 25, 33, XLV, 21-23.
773 Ibid., XLV, 27.
774 Cf. S. Chrysost., Expos. in Ps. IX, 16.
775 Genes., XVIII, 21, XLVI, 4.
776 Sap., X, 13.
777 Vide pag.præced.
778 Gen., XXVIII, 16, 17; Exod., III, 5.
779 Joan., XX, 22.
103/342

11.4 Page 104

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Sed velletis recipere Spiritum
Sanctum? Sedentes780; humiliter, vasa vacua
non pauca781; unanimiter, amor proximi; in
oratione782. [122]
Saint: Recevez le Saint-Esprit. Ils avaient déjà
reçu la juridiction, mais ils n'avaient pas été
établis dans la possession actuelle; ils ouvrent
la voile aux vents.
Vous voudriez recevoir l'Esprit-Saint?
Soyez assis; humblement, vases vides,
nombreux; unanimement, amour du prochain;
dans la prière. [122]
780 Act., II, 2.
781 IV Reg., IV, 3.
782 Act., I, 14.
104/342

11.5 Page 105

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XCIV. Exorde d'un sermon pour le troisième Dimanche de
l'Avent
15 décembre 1613
(INÉDIT)
783AD DOMINICAM 3 ADVENTUS.
ANNESSII, 1613
POUR LE TROISIÈME DIMANCHE DE
L'AVENT. ANNECY, 1613
Pro exordio dicatur Evangelium784;
cum autem perveneris ad locum: Non sum
dignus corrigiam calceamenti solvere, affer
interpretationem Cyrilli785 et Hylarii786, folio
sequenti787, pagina versa, positam: Corrigiam
calceamenti solvere est Evangelium Lege
contentum enucleare. Et ego dico, ad istorum
Patrum imitationem, corrigiam calceamenti
solvere est sensum Scripturæ reserare. Ergo
non sum dignus, nescio loqui788; at tu, Mater
Verbi, per quam nobis Verbum apparuit, solve,
vel solvere me fac, per tuas preces. Ave Maria.
………………………………………….[123]
Comme exorde, faire le récit de
l'Evangile; puis, arrivé au passage: Je ne suis
pas digne de délier la courroie de sa
chaussure, donner l'interprétation de saint
Cyrille et de saint Hilaire, insérée au verso de
la page suivante: Délier la courroie de la
chaussure, c'est éclaircir le sens de l'Evangile
contenu dans la Loi. Et moi, à l'imitation de ces
Pères, je dis: Délier la courroie de la
chaussure, c'est ouvrir le sens de l'Ecriture. Je
ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais
vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe
nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce
sens, ou faites-le moi ouvrir. Ave Maria.
………………………………………….[123]
783 (Ms. p. 21, recto, V)
784 Joan., I, 19-28; cf. Lucæ, III, 16.
785 Cyr. Alex., Comm. in Joan., ad c. I, 27 (?)
786 Comm. in Matt., cap. II, § 4.
787 Le folio mentionné ici ne nous est pas parvenu.
788 Jerem., I, 6.
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11.6 Page 106

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XCV. Plan d'un sermon pour la veille de Noël
24 décembre 1613
(INÉDIT)
7891613. IN VIGILIA NATIVITATIS AD 1613. LA VEILLE DE NOEL, AUX SŒURS
SORORES VISITATIONIS
DE LA VISITATION
Ecclesia omnia movet ut
magnitudinem festi futuri prædicet; ut constat
ex officio Adventus. Sed inter alia, in Missae
introitu, utitur verbis paululum inflexis quibus
Moyses nuntiavit mannæ pluviam Israelitis;
Ex. 16790. «Hodie,» inquit, «scietis quia veniet
Dominus, et mane videbitis gloriam ejus.» Dic
historiam usque ad verba Moysi (et nota obiter
murmur filiorum Israel791, qui libenter egressi
sunt de Ægipto, ut plerique religiosi ex mundo,
sed ubi tantisper sunt in deserto, id est,
deseruntur, murmurant et recordantur carnium
mundi): Vespere scietis quia Dominus eduxit
vos de [124] terra Ægipti, et mane videbitis
gloriam Domini. Ouibus verbis Ecclesia
significat Christum similem esse mannæ; et ita
est: 1°. quoad generationem, 2°. quoad
saporem. Unde duo dicam: explicabo breviter
misterium Incarnationis; secundo, quomodo
gustare debeamus omnes hoc misterium,
maxime autem vos Sorores.
Quoad primum, tria tantum observo.
1°. Num. II792, manna invisibiliter, nocte,
descendebat de cælo. Sic Christus hodie
nascetur nocte, invisibiliter, modo humanis
mentibus incomprehensibili; totus e Cælo,
etiam corpus, nam etsi materia ex Virgine
sumpta est, tamen virtute Altissimi
obumbrante et Spiritu Sancto superveniente793
formata est, et modo cælesti nascitur, eo modo
quo lux de cælo, quo etiam Verbum a Patre.
Istudque misterium ut manna lumini solis
liquefit794, ignis obduratur: qui lumine cælesti
vult penetrari, liquidus est, qui naturali
curiositate, obdurescit.
L'Eglise met tout en œuvre pour
annoncer la grandeur de la fête prochaine,
comme on le voit par l'office de l'Avent, et
surtout par l'introït de la Messe de ce jour. On
y lit à peu près les paroles dont se servit Moïse
pour annoncer aux Israélites la pluie de la
manne: «Aujourd'hui,» dit-il, «vous saurez que
le Seigneur viendra, et, au matin, vous verrez
sa gloire.» Rappeler l'historique du fait
jusqu'aux paroles de Moïse. (Signaler, en
passant, les murmures des enfants d'Israël:
librement sortis de l'Egypte, comme sortent du
monde la plupart des religieux, ils sont à peine
au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils
murmurent et se ressouviennent des plaisirs du
monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur
vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et,
au [124] matin, vous verrez la gloire du
Seigneur. L'Eglise, par ces paroles, nous donne
à entendre que le Christ est semblable à la
manne; et il en est ainsi au double point de vue,
1. de la génération, 2. de la saveur. Je traiterai
donc ces deux points: j'exposerai brièvement le
mystère de l'Incarnation; en second lieu, je
dirai comment nous devons tous, mais vous
surtout, mes Sœurs, goûter ce mystère.
Quant au premier point, je remarque
seulement trois choses, 1. La manne descendait
du ciel d'une manière invisible, pendant la
nuit. Ainsi le Christ naîtra aujourd'hui, pendant
la nuit, d'une manière incompréhensible aux
esprits humains; il descendra du Ciel tout
entier, y compris son corps, car, s'il en a pris la
substance dans le sein de la Vierge, c'est par la
vertu du Très-Haut couvrant Marie de son
ombre, et par l'intervention du Saint-Esprit que
cette substance a été formée et qu'elle paraît au
789 (Ms. p. 2, recto, B)
790 Vers. 6, 7.
791 Vers. 2, 3.
792 Vers. 9.
793 Lucæ, I, 35.
794 Exod., XVI, 21.
106/342

11.7 Page 107

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2°. Manna duplicem substantiam
habere videbatur: panis oleati795, qui e terra, et
mellis796, quod e cælo. Rorate cæli desuper et
nubes pluant Justum; aperiatur terra et
germinet Salvatorem797. Et divinitate [125] et
humanitate componitur, ita ut sit unus
Christus, unum manna.
3°. Manna venit in cibum hominum, ita
Christus; unde, in Bethleem, Domo panis.
Cibus est in Eucharistia, et cibus etiam
mysticus cordis omnium hominum. Hinc
Agnus, hinc mel.
Verum ut ad secundum punctum
veniamus: ista Christi nativitas, vel Christus
puellulus, omnibus sapit qui velint: sapit
pastoribus quia Pastor, sapit regibus quia Rex,
sapit Symeoni quia Sacerdos, sapit Annæ
prophetissæ quia Propheta, sapit sane
omnibus. Verum maxime sapit devotis,
religiosis, oblatis, quia ipse devotissimus,
religiosus, oblatus. Unde tres potissimum
religiosorum omnium Patres huic misterio
devotissimi: Augustinus: «Hinc lactor ab
ubere798;» Bernardus, qui hanc Nativitatem
vidit799; Franciscus, ut omnes norunt.
Videamus qualis sit iste religiosus
Parvulus. 1°. De castitate nulla dubitatio:
Pascitur inter lilia800. Et vero, quamvis votum
non fecerit, tamen oblationes fecit801. [126]
2°. De paupertate. En videte, quæso,
quam pauper. Paupertas hospitii, paupertas
vestium, paupertas cibi:
« Parvoque lacte pastus est, per
quem nec ales esurit802
nihil habet prorsus suum. Paupertas
abjectissima. Urge diligentissime hanc
meditationem: en nudus super terram natus est,
ut ait Beata Brigitta803.
3°. De obedientia. En ipse habet usum
rationis et sapientiam infinitam; tamen
permittit se fasciis obstringi, circumligari,
jour d'une manière toute céleste, comme la
lumière vient du ciel et le Verbe émane du
Père. La manne se liquéfiait aux rayons du
soleil et se durcissait au feu. Il en est de même
de ce mystère: il devient transparent pour qui
veut l'approfondir à la lumière céleste, mais il
est impénétrable à qui veut l'étudier avec une
curiosité toute naturelle.
2. La manne paraissait être composée
d'une double substance: de pain fait a l'huile,
produit de la terre, et de miel, produit du ciel.
Cieux, versez votre rosée d'en-haut et que les
nuées pleuvent le Juste; que la terre s'ouvre et
qu'elle [125] germe le Sauveur. Composé de
divinité et d'humanité, le Christ est un, comme
une est la manne.
3. La manne devait servir de nourriture
aux hommes; ainsi en est-il du Christ, c'est
pourquoi il naît à Bethléem, la Maison de pain.
Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus
l'aliment mystique des cœurs de tous les
hommes. Aussi il est appelé Agneau, il est
appelé miel.
Mais venons-en au second point. La
naissance de Jésus-Christ, ou plutôt le tout
petit Jésus a une saveur spéciale pour tous ceux
qui le veulent goûter: pour les pasteurs, parce
qu'il est Pasteur; pour les rois, parce qu'il est
Roi; pour Siméon, parce qu'il est Prêtre; pour
Anne la prophétesse, parce qu'il est Prophète;
pour tous enfin, mais surtout pour les âmes
dévotes, pour les religieux et pour les oblats,
parce que lui-même est excellemment dévot,
religieux et oblat. Aussi, parmi les Pères les
plus pieux, trois surtout professèrent envers ce
mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce
mystère est le sein qui m'allaite;» saint
Bernard, qui dans une vision contempla cette
naissance; saint François, comme chacun le
sait.
Voyons dans cet Enfant les qualités du
religieux. 1. Sa chasteté est évidente: Il se
repaît parmi les lis ; et bien qu'il n'ait pas émis
de vœu, il a néanmoins fait ses oblations. [126]
795 Num., XI, 8.
796 Exod., XVI, 31.
797 Is., XLV, 8.
798 Vide t. VII hujus Edit., p. 175, (1340).
799 Vide Tr. de l'Am. de Dieu, l. III, c. XII.
800 Cant., II, 16.
801 Is., LIII, 7; Ephes., V, 2; Heb., X, 10, 14.
802 Hymn. ad Laudes festi Nativit.
803 Revel., 1. VII, c. XXI.
107/342

11.8 Page 108

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ponique ubicumque vult Mater Paterve. Posset
ire ipse, manet in presepio804.
4. Silentium mirum; nam alii infantes
non loquuntur quia nesciunt, iste quia non est
tempus loquendi sed silentii.
5. Abjectionis amor. Est inter animalia,
et ipse suavissime excipit eorum flatum et
etiam stupiditatem. Cæterum sunt animalia
quæ amat; quia unum jugale est805, aliud
onerosum; unum laboriosum, aliud oneratum.
Unde: Venite ad me qui laboratis et onerati
estis, et ego reficiam vos806.
6. Videte dulcedinem hujus Pueri:
fortior Samsone, [127] tamen circumligari
vult; manet suavissime cum insuavissimis
animalibus; mihique videre videor benignis
oculis Matrem charissimam, Patremque ac
pastores aspicientem, bascia (sic) et suavia
Matri dantem, juxta illud: Osculetur me807, et
lac capientem.
7. Videte ejus mortificationem: quam
frigide excipitur, in fceno jacet, etc., in antro,
etc.
8. Plangit: Similem omnibus vocem
emisi plorans808. Cur pueri plorent, naturalis
ratio est quia primo sentiunt frigus, lumen, et
inusitatum aerem post teporem et somnum in
utero materno; mystica, quia veniunt morituri
et multa passuri. Unde observatum est a
plerisque, masculos a, fœminas he primas
voces edere, quæ litteræ sunt initiales Adami
et Evæ, per quos tot miseriis afficimur.
Cæterum, apud Aristotelem809, infantes ante
40 diem non rident; nisi portentose, ut
Zoroaster810, «infœlix homo qui nascens risit.»
Sic religiosi incipiunt a purgatione per
pœnitentiam; 40 autem numerus completæ
pœnitentiæ est, quo exacto rident, id est,
consolantur.
Porro, in Canticis811, Sponsus ait:
Favus distillans labia tua. Ergo Sponsa apicula
est quæ mel ore facit, [128] et ita est. Apes
autem Oblatæ812 sunt. Egrediuntur et
2. Sa pauvreté. Mais voyez, je vous
prie, comme il est pauvre! Pauvreté d'asile,
pauvreté de langes, pauvreté de nourriture:
« Celui qui donne aux oiseaux
leur pâture, est nourri d'un peu de lait;»
il ne possède absolument rien. Pauvreté la plus
abjecte. Presser avec beaucoup d'insistance
cette considération: le voilà nu sur la terre à sa
naissance, comme le raconte sainte Brigitte.
3. Son obéissance. Il a l'usage de la
raison et une sagesse infinie; il se laisse
pourtant emmaillotter, entourer de bandes,
poser partout où le veulent sa Mère ou son
Père. Il pourrait marcher seul, et cependant il
reste dans la crêche.
4. Son silence est admirable; car les
autres enfants se taisent parce qu'ils ne savent
pas parler; lui, parce que ce n'est pas le temps
de parler mais de se taire.
5. Son amour de l'abjection. Placé entre
des animaux, il accueille avec douceur leur
haleine et même leur stupidité. Du reste, ce
sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un
porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est
laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à
moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et
je vous soulagerai.
6. Voyez la douceur de cet Enfant: plus
fort que Samson, il veut pourtant [127] être
emmaillotté; il se montre aimable au milieu
d'animaux qui le sont si peu. Il me semble le
voir fixer son doux regard sur sa très chère
Mère, son Père, les bergers; donner à sa Mère
de suaves baisers, selon qu'il est écrit: Qu'il me
baise, et puis, se nourrir de son lait.
7. Voyez sa mortification: il fait bien
froid à sa naissance; il repose sur la paille, etc.,
dans une grotte, etc.
8. Il pleure: J'ai élevé la voix en
pleurant, comme tous les autres. La cause des
pleurs des enfants, c'est premièrement une
raison naturelle: ils sentent pour la première
fois le froid, la lumière, un air nouveau après
804 Lucæ, II, 7, 16.
805 Cf. Matt., XXI, 5.
806 Matt., XI, 38.
807 Cant., I, 1.
808 Sap., VII, 3.
809 De Hist. Animal., 1. VII, c. X.
810 Plin., Hist. nat., 1. VII, c. XVI (al. XV).
811 Cap. IV, 11.
812 C'est sous cette dénomination que les Filles de la Visitation étaient connues dans les premières années de leur
établissement.
108/342

11.9 Page 109

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regrediuntur in domo Visitationis; nihil habent
proprium. Sunt virgines, neque pariunt, sed
advehunt fœtum e Cælo, ut nos per
inspirationes multiplicamur813. Obediunt, nam
et canit una ut veniant; mane surgunt ad
sonitum campanæ, omnes eadem hora; habent
præfectas. En, ergo, carissimæ apes estis; sed
habetisne regem? Ecce parvulum Dominum,
verum apum Regem; illum circumstate, illum
considerate, illum imitamini, et estote
probatissimae Oblatæ. 814Videte Matrem,
apiculum (sic), videte Patrem. Novum hunc
Regem sequimini. Ipse sit manna vestrum, ipse
mel vestrum, ipse Rex qui regat corda et
corpora vestra donec inducat vos in alveria
Cæli, in quibus aliud mel longe suavius
efficiatis, etc.
Posset fieri pulcherrima imago totius
habitus religiosi in Parvulo; nam infantes
vestiti sunt, ut monachi, caputio, etc., pedibus
nudis, etc. [129]
l'air tiède et le sommeil dans le sein maternel.
La raison mystique est qu'ils naissent pour
mourir et pour souffrir beaucoup; aussi
plusieurs ont observé que le premier
vagissement des garçons est a, celui des filles
, premières lettres des noms d'Adam et
d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous
accablent. Aussi bien, d'après Aristote, les
enfants ne rient-ils avant le quarantième jour
que par prodige, comme il est arrivé pour
Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.»
De même les religieux commencent à se
purifier par la pénitence; or, quarante est le
nombre de la pénitence parfaite; cette durée
atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés.
Il y a plus. Dans les Cantiques, l'Epoux
dit: Tes lèvres sont un rayon qui distille le miel.
L'Epouse est donc une petite abeille qui de sa
bouche fait le [128] miel, et il en est ainsi. Les
Oblates sont des abeilles. Elles sortent de la
maison de la Visitation et y rentrent; elles n'ont
rien en propre. Elles sont vierges, n'enfantent
point, mais tirent leur fruit du Ciel, comme nos
vertus sont multipliées par notre
correspondance aux inspirations divines. Elles
obéissent, car à l'appel de l'une d'entre elles,
toutes accourent; le matin, toutes à la même
heure, se lèvent au son de la cloche ; elles ont
des supérieures. Ainsi donc vous êtes des
abeilles bien-aimées; mais, n'avez-vous pas un
roi? Voici votre petit Souverain, vrai Roi des
abeilles; entourez-le, considérez-le, imitez-le
et soyez des Oblates de probation parfaite.
Contemplez la Mère, contemplez le petit Roi
des abeilles, contemplez le Père. Suivez ce
nouveau Roi. Qu'il soit votre manne, votre
miel, ce Roi, et qu'il régisse vos cœurs et vos
corps jusqu'à ce rucher des cieux, où vous ferez
un miel bien plus savoureux, etc.
Cet Enfant pourrait nous offrir une très
belle image de tout le vêtement religieux; les
enfants, en effet, sont revêtus comme les
moines, du capuchon, etc., ils ont les pieds nus,
etc. [129]
813 Cf. Ps. CXXXVII, 3; I Thess., III, 12.
814 (Ms. p. 2, verso)
109/342

11.10 Page 110

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XCVI. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph
19 mars 1614
(INÉDIT)
8151614. AD FESTUM SANCTI JOSEPH 1614. POUR LA FETE DE SAINT JOSEPH
Dilectus Deo et hominibus, cujus
memoria in benedictione est.
[ECCLI., XI.V, 1.]
Ecce inter multa Beati Joseph memoria
occurrit; vestra enim devotio et mea. Sed
antequam ordiamur, prions la plus aymable, la
plus aymee et la plus aymante Espouse, affin
que nous puissions parler du plus aymable, du
plus ayme et du plus aymant Espoux.
Tria nomina dantur Sancto Joseph in
Evangelio; nam vocatur, Vir Mariæ816, Pater
Christi a Beata Virgine: Pater tuus et ego
dolentes quærebamus te817, [130] et Vir
justus818. Secundum oritur a primo, et tertium
a primo et secundo nomine.
De primo. Faciamus ei adjutorium
simile sibi819. Ut matrimonium honoraret, et
Virginis pudicitiæ sive pudori consuleret, dum
de maritata nascitur, et virginitatem sub foliis
matrimonii absconderet vera alioqui uxor
conjugata. Ut palma fœmina sub palmas
umbra820; ut ovum struthionis. Similis (sic)
Plutarchi821: Ut speculum gemmis ornatum si
non faciem representet, etc. Sol et luna. Vide
locum de uxore822. Qui ministrant elephantis
non lucidam vestem accipiunt; nam igne
provocatur, ut taurus purpura. Tygrides
tympana fugiunt. Mulier abstineat ab iis quæ
maritum lacessere possunt.
2. Pater Christi. Habeo, inquit, Balam
servam meam; ingredere ad eam ut pariat
Il fut chéri de Dieu et des hommes, et
sa mémoire est en bénédiction.
Voici que parmi bien des sujets se
présente la mémoire du bienheureux Joseph,
objet de dévotion pour vous et pour moi. Mais
avant de commencer...
Trois noms sont donnés à saint Joseph
dans l'Evangile, car il est appelé Epoux de
Marie, Père du Christ (c'est le nom que lui
donne la Bienheureuse Vierge: Votre père et
moi vous cherchions tout affligés), et homme
[130] juste. Le deuxième nom vient du
premier; le troisième, du premier et du
deuxième.
Premier nom. Faisons-lui une aide
semblable à lui. Pour honorer le mariage et
sauvegarder la modestie ou la pudeur de la
Vierge en naissant d'une personne mariée, et
pour que, tout en étant vraiment épouse, elle
cachât sa virginité sous les feuilles du mariage.
Elle était comme une palme femelle à l'ombre
d'un palmier ; comme l'œuf de l'autruche.
Comparaison de Plutarque: Comme un miroir
orné de pierreries, s'il ne réfléchit le visage,
etc. Soleil et lune. Voir le passage touchant
l'épouse. Ceux qui soignent les éléphants ne
mettent jamais d'habits de couleur éclatante,
parce que ces animaux sont excités par le feu,
comme le taureau par la pourpre. Les cymbales
mettent les tigres en fuite. Que l'épouse
s'abstienne de ce qui peut irriter l'époux.
2. Père du Christ. J'ai, dit Rachel, ma
servante Bala; prends-la, afin qu'elle enfante
815 (Ms. p. 88, verso)
816 Matt., I, 16, 19.
817 Lucæ, II, 48.
818 Matt., I, 19.
819 Gen., II, 18.
820 La comparaison indiquée ici est développée dans l'Entretien XIXe, Des Vertus de saint Joseph (voir tome VI de
notre Edition, pp. 353-355). Elle se retrouve encore dans un sermon inédit prêché à Lyon dans l'église du Noviciat des
Pères Jésuites, le 19 mars 1621. Ce sermon sera donné plus loin.
821 In opusc. De Legibus matrim., circa med.
822 Ibid.
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12 Pages 111-120

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12.1 Page 111

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super genua mea, et habeam ex illa filios823.
Christus ex sanguine Joseph. Hoc nunc os ex
ossibus meis et caro de carne mea824. I. Cor.
7825: Mulier sui corporis potestatem non habet,
sed vir; similiter autem et vir sui corporis
[131] potestatem non habet, sed mulier. Ephes.
5826: Qui suam uxorem diligit, seipsum diligit;
nemo enim carnem suam odio habuit.
Relinquet homo patrem suum et matrem suam
et adhærebit uxori suæ, et erunt duo in carne
una. Pater tuus et ego dolentes
quærebamus827. Filius naturali jure, non
naturali via.
[3.] Justus; id est, omni virtutum
genere illustris, ut antiquus Joseph. Hinc vidit
lunam et solem et stellas eum adorantes828:
universam multitudinem hominum (numero
denario comprehensam) et angelicam naturam
unius nomine, et Beatam Virginem et
Dominum. Ut Joseph vestitus veste
polymita829. Justus ut palma florebit830.
Una virtus fuit summus Dei timor,
quod videre est Mat. 1831. Adultera et adulter
Mosis lege morti adjudicabantur, Deut. 22832,
Levit. 20833, non lapidationis. Et quidem
sponsa quae virum decepisset, vel quæ sponsa
in civitate ab alio quam a viro corrupta esset.
At lapidabatur ex traditione, sic enim senes834.
Quare? Quia peccatum est in rempublicam, et
Deus peccata carnis, etc. Gen. 12835: Pharao
cum omni curia castigatur, teste [132]
Josepho836, pestilentia, et c. 20. in Geraris,
Abimelech. Thales Milesius juveni sciscitanti
an abjuraturus esset adulterium: «Non est,»
inquit, «perjurium adulterio pejus837838 [133]
sur mes genoux, et que j'aie par elle des fils.
Le Christ était de la même lignée que saint
Joseph. Voila maintenant Vos de mes os et la
chair de [131] ma chair. La femme n'a pas
puissance sur son corps, c'est le mari; de
même, le mari n'a pas puissance sur son corps,
c'est la femme. Celui qui aime sa femme s'aime
lui-meme; car personne n'a jamais haï sa
chair. L'homme quittera son père et sa mère et
s'attachera, à sa femme, et ils seront deux dans
une même chair. Voire père et moi vous
cherchions tout affligés. Fils de droit naturel,
non par voie naturelle.
[3.] Juste, c'est-à-dire, orné de toutes
sortes de vertus, comme l'ancien Joseph. Aussi
vit-il la lune, le soleil et les étoiles l'adorer:
l'immense multitude des hommes (comprise
dans le nombre dix) et la nature angélique sous
un seul nom, la très sainte Vierge et le
Seigneur. Comme Joseph, il fut revêtu d'une
robe de couleurs variées. Le juste fleurira
comme le palmier.
Sa vertu dominante fut une crainte
souveraine de Dieu, comme on peut le voir en
saint Matthieu, chap. I. L'homme et la femme
adultères étaient, par la loi de Moïse,
condamnés à mourir, non explicitement à être
lapidés. Il en était ainsi pour l'épouse qui avait
trompé son mari, ou celle qui, dans la ville,
s'était laissée surprendre par un autre que par
son mari. Mais c'est par tradition qu'on les
lapidait, comme on fit les vieillards. Pourquoi?
Parce que c'était un péché contre la chose
publique; et Dieu punit les péchés de la chair,
etc. Pharaon et toute sa cour sont punis par la
823 Gen., XXX, 3.
824 Ibid., II, 23.
825 Vers. 4.
826 Vers. 28, 29, 31.
827 Vide supra, p. 130.
828 Gen., XXXVII, 9.
829 Ibid., v. 3.
830 Ps. XCI, 13.
831 Vers. 19.
832 Vers. 22.
833 Vers. 10.
834 Dan., XIII, 62.
835 Vers. 17.
836 Antiq. Jud., 1. I, c. VIII.
Vide fol. 150.
837 Diogen. Laertius, De Vit. et Dogm. Phil., Thales.
838 Le folio mentionné en marge ne nous est pas parvenu. Au bas de l'Autographe, les citations suivantes sont ajoutées
de la main de Mgr Jean-François de Sales, frère de notre Saint:
«Chrysost.: Ideo fabro lignario Maria desponsata erat, quoniam Christus, Ecclesiœ Sponsus, omnium salutem
hominum operaturus erat per Crucis lignum. Chrysost.: Antequam convertirent, ut non ex passione carnis et sanguinis
111/342

12.2 Page 112

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peste, au témoignage de [132] Josèphe, et en
Gérara, Abimélech. Un jeune homme accusé
d'adultère, demanda à Thalès de Milet s'il lui
était permis de se disculper au moyen d'un
parjure: «Il n'y a pas,» répondit le philosophe,
«de parjure pire que l'adultère.» [133]
nasceretur, qui ideo natus est ut carnis et sanguinis solveret passionem. August.: Regnum tenuit virginitatis quœ
Regem genuit castitatis. Qui scripsit lapideas tabulas sine stilo ferreo, ipse gravidavit Mariam Spiritu Sancto; unde
inventa
«Saint Chrysostôme: Marie a été donnée en mariage à un menuisier, parce que le Christ, l'Epoux de l'Eglise,
devait opérer le salut de tous les hommes par le bois de la Croix. Saint Chrysostôme: Avant qu'ils eussent été ensemble,
afin qu'il ne naquit pas de la passion de la chair et du sang, Celui qui devait détruire la passion de la chair et du sang.
Saint Augustin: Elle conquit le royaume de la virginité, Celle qui enfanta le Roi de chasteté. Celui qui écrivit sur les
tables de pierre sans le secours d'un stylet de fer, remplit Marie du Saint-Esprit; c'est pourquoi elle fut trouvée, etc.»
112/342

12.3 Page 113

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XCVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la
Sainte Vierge839
15 août 1614
(INÉDIT)
840ANNESSII, AD FESTUM
ASSUMPTIONIS. 1614
ANNECY, POUR LA FETE DE
L'ASSOMPTION. 1614
Quæ est ista quæ ascendit de deserto,
deliciis affluens, innixa super Dilectiim
suum?
[CANT., ult., 5.]
Que de raysons d'allegresse entre les
Juifs quand la belle et chaste Hester fut receue
au palais, a la chambre, au lit et en la societé
royale d'Assuerus; quell'asseurance pour leur
nation, quel honneur, et quelz contentemens.
Et tout cela fut monstré premierement en songe
au bon Mardochee, car il vid parvus fons, qui
crevit in fluvium, et in lucem solemque
conversus est, et in aquas plurimas redundavit;
Esth. X. v. 6.
Ce fut un songe, mais, o mon cher
peuple, ce n'est pas en songe, c'est en la sainte
veille de ma consideration, [134] que
contemplant l'histoire de la vie et de
l'Assomption de la Vierge, video fontem
parvum, Virginem humilem, qui crevit in
fluvium (Fluminis impetus lætificat civitatem
Dei841; Aquæ multæ842; Si quis sitit, veniat ad
me et bibat843), in fluvium passionum et
afflictionum, et in lucem solemque conversus
est, hodie in Assumptione: Quæ est ista quæ
progreditur quasi aurora consurgens, pulcra
ut luna, electa ut sol844? Et quod mirabilius, lux
ista et iste sol in aquas plurimas redundavit;
quia ubi Virgo ascendit, plurimæ per ejus
præces gratiæ nobis factæ sunt.
Et hæc quidem hujus sermonis materia.
Ex se et sui opinione fons parvus: Ecce ancilla
Domini845; Quia respexit humilitatem ancillæ
Quelle est celle-ci qui monte du désert
comblée de délices, appuyée sur son Bien-
Aimé?
Une petite source qui devint grande
comme un fleuve, puis se changea en lumière
et en soleil, et se répandit en eaux très
abondantes. [134]
Je vois une petite source, une humble
Vierge, qui devint grande comme un fleuve (Le
fleuve, par son impétuosité, réjouit la cité de
Dieu. Les grandes eaux. Si quelqu'un a soif,
qu'il vienne à moi et qu'il boive), comme un
fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se
changea en lumière et en soleil au jour de son
Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance
comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle
comme la lune, choisie comme le soleil? Et,
chose plus admirable encore, cette lumière, ce
soleil se répandit en eaux très abondantes;
c'est-à-dire que depuis son Assomption, la
Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très
nombreuses grâces.
Et c'est précisément le sujet de ce
sermon. Par elle-même et dans sa pensée, la
Sainte Vierge était une petite source: Voici la
servante du Seigneur. Parce qu'il a regardé
l'humilité de sa servante. J'ai vu une petite
source. Elle devint pourtant grande comme un
fleuve, car «Marie, Mère de grâce,» produisit
la grâce des grâces. Bientôt ce fleuve se
changea en lumière et en soleil; ce fut en ce
jour où toute resplendissante, elle fut
introuisée dans le Ciel: Les justes brilleront
839 Voir le fac-simile placé en tête de ce volume.
840 (Ms. p. 123, verso)
841 Ps. XLV, 5.
842 Cant., ult., 7.
843 Joan., VII, 37.
844 Cant., VI, 9.
845 Lucæ, I, 38.
113/342

12.4 Page 114

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suæ846. Vidi fontem parvum. Crevit tamen in
fluvium; quia gratiam gratiarum protulit
«Maria, Mater gratiæ847.» Mox in lucem et
solem conversus est, hodie quando lucidissima
in Cælo constituta: Fulgebunt justi sicut sol848.
Deinde versa est in aquas plurimas.
Sed primo dicam de ejus transitu, sive
dormitione,
sive
Assumptione.
Antidicomarianitæ et Nestorius Beatam
Virginem carne corruptam nihilque in ea
peculiare [135] asserebant; Collyridiani autem
eam ut deam immortalem faciebant. Ecclesia
medio et regio itinere, nec immortalem fuisse
sed mortuam, et tamen peculiare privilegium
habuisse confitetur. Cynamologue entre les
hæretiques849, c'est la tressainte Vierge.
Ergo mortua est, sed quo tempore non
constat omnino ut nec certo de Christi morte.
Probabile 63, probabilius 72, ob ea quæ dicit
Dionysius, De Div. Nom., c. 3850; nam ipse
conversus est anno tantum 52 Domini, ut notat
Baronius851. Sed quo genere mortis? Amore
sane mortuam esse nemo negaverit;
nobilissima vita vixit et nobilissima morte
mortua est. Adjuro vos per capreas cervosque
camporum, si inveneritis Dilectum meum
renunciate ei quia amore langueo852. Sed sine
dolore, ut Moyses, Deut. 34853: Non caligavit
oculus ejus, nec dentes ejus moti sunt.
Hebraice: Non fugit vigor ejus; Septuaginta:
Non sunt corrupta labia ejus; Chaldaica: Nec
mutatus est splendor vultus ejus.
Gebennenses854 ita etiam interpretantur. Vide
Sa855. Sic Paulus hæremita primus, Sanctus
Homo Bonus, Beda, Basilius, Eusebia
hospita856.
Corpus ejus in Cælo etiam: Non dabis
Sanctum [136] tuum videre corruptionem857.
Halcions858. David: Quid dabitur? Divitiis
comme le soleil. Puis elle laissa déborder des
eaux très abondantes.
Mais je parlerai d'abord de son trépas,
c'est-à-dire de son sommeil ou Assomption.
Les Antidicomarianites et Nestorius
affirmaient que la chair de la Bienheureuse
Vierge avait subi la décomposition du
tombeau, et qu'elle [135] n'avait été l'objet
d'aucun privilège; les Collydiriens au
contraire, faisaient de Marie une déesse
immortelle. L'Eglise tient le chemin royal du
milieu; elle professe que Marie ne fut pas
immortelle, mais qu'elle mourut, et pourtant
qu'elle jouit d'un privilège spécial...
Elle est donc morte; mais à quel âge?
on ne le sait pas au juste; il en est ainsi de la
mort du Christ. Probablement à 63 ans, plus
probablement à 72, d'après ce que dit saint
Denis, Des Noms Divins, chap. III; car saint
Denis ne se convertit qu'en l'an 52 du Seigneur,
comme le remarque Baronius. Mais de quel
genre de mort mourut la Sainte Vierge?
Personne ne saurait nier qu'elle ne mourût
d'amour. Elle vécut de la plus noble vie, et
mourut de la plus noble mort. Je vous adjure
par les chevreuils et les cerfs des champs, si
vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que
je languis d'amour. Mais elle mourut sans
douleur, comme Moïse: Son œil ne se voila pas
et ses dents ne furent pas ébranlées. En hébreu:
Sa force ne le quitta pas. D'après les Septante:
Ses lèvres ne se décomposèrent pas. En
chaldaïque: La splendeur de son visage ne fut
point obscurcie. Les pasteurs de Genève
l'interprètent de la même manière. Voir Sa. De
même, saint Paul premier ermite, saint
Hommebon, saint Bède, saint Basile, sainte
Eusèbe l'étrangère.
Son corps est aussi au Ciel: Vous ne
permettrez point que votre Saint voie [136] la
846 Ibid., v. 48.
847 Hymn. in Offic. parvo B. M. V.
848 Matt., XIII, 43.
849 Vide Plin., Hist. nat., 1. X, c. XXXIII (al. L).
850 § 11.
851 Ad hunc annum.
852 Cant., II, 7, V, 8.
853 Vers. 7.
854 Vide supra, p. 116.
855 Annotat., in loc.
856 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. VII, cc. IX, XI.
857 Ps. XV, 10.
858 Plut., in opusc. Quænam animant. sunt magis solertia, etc.; Plin., Histor. nat., 1. X, c. XXXIII (al. XLIX).
114/342

12.5 Page 115

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multis ditabit eum rex, et filiam suam dabit ei
et domum patris ejus faciet absque tributo in
Israel; I. Reg. 17859. Et quidem statutum est
hominibus semel mori860. Nusquam reliquias.
Cygoignes rendent la pareille. Aymant tire le
fer, sil n'est point rouille, sil n'est point gras, sil
ny a point de diamant entre deux, sil n'est frotte
d'aux861.
Sic Joseph va au devant de son pere, le
va prendre862, envoye ses chariotz863. O Dieu
quelle gloire. Pharao: Pater tuus et fratres tui
venerunt ad te. Terra Ægipti in conspectu tuo
est, in optimo loco fac eos habitare; Gen. 47864.
Gen. 45. v. 15865: Tollite patrem vestrum et
venite ad me, et ego dabo vobis omnia bona
Ægipti et medullam terræ comedatis. (Jacob
videns filium: Jam lætus moriar, quia vidi
faciem tuam et superstitem te relinquo866.) Et
osculatus est. Osculetur me osculo oris sui867.
Et il est vray. Dedit illis omnia bona Ægipti868.
Quæ devotio.
Tunc, supra quam dici potest
gaudens,869 fecit primo ut Jacob qui benedixit
regi: Et benedicto rege, etc.; c. 47, v. 10; ut
Hester, videns regem Assuerum870. Nam [137]
sentiens omnes Angelos cantantes Ave Maria
(nam cum Gabriele facta est multitudo militiæ
cælestis871), ipsa: Ecce, inquit, ancilla
Domini872, et adoravit Regem Filium, ut Jacob
(nam somnia Joseph hoc asseverant: Vidi
solem adorare me873). Nec hæc de Angelis
fictio est, nam et Christus animam Lazari
comitatam Angelis ait874; quanto magis anima
corpusque Virginis? Deinde cantavit suum
Magnificat.
Et ita constituta est ad intercedendum
pro nobis, ut omnes omnino Sancti aiunt (non
corruption... David: Que lui sera-t-il donné?
Le roi Venrichira de grandes richesses, il lui
donnera sa fille et il rendra la maison de son
père exempte du tribut en Israël. Et il est vrai
qu'il est statué que les hommes doivent mourir
une fois. Nulle part on ne trouve de ses
reliques. [Reprendre au texte, lig. 6.]
Pharaon: Ton père et tes frères sont venus a
toi; la terre d'Egypte est devant toi, fais-les
habiter dans la meilleure région. Amenez votre
père et venez a moi, et je vous donnerai tous
les biens de l'Egypte, afin que vous vous
nourrissiez de la moëlle de la terre. (Jacob
voyant son fils: Maintenant je mourrai joyeux,
puisque j'ai vu ta face et que je te laisse vivant
après moi.) Et il baisa, etc. Qu'il me baise d'un
baiser de sa bouche... Il leur donna tous les
biens de l'Egypte. Quel dévoûment!
Alors, se réjouissant au delà de tout ce
qui se peut dire, [la Sainte Vierge] fit en
premier lieu comme Jacob qui bénit le roi: Et
ayant béni le roi, etc.; comme Esther voyant le
roi Assuérus. Entendant tous les Anges
chanter: [137] Je vous salue, Marie (car une
multitude de la milice céleste se joignit a
Gabriel), Voici, dit-elle, la servante du
Seigneur, et elle adora le Roi son Fils comme
Jacob (les songes de Joseph en font foi: J'ai vu
le soleil m'adorer). Et ce cortège d'Anges n'est
point une fiction, car le Christ dit lui-même
que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges;
à combien plus forte raison l'âme et le corps de
la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat.
C'est ainsi qu'elle fut établie pour
intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans
exception, l'affirment (non pas assurément
qu'elle demande de la même manière que son
859 Vers. 26, 25.
860 Heb., IX, 27.
861 Vide supra, p. 25
862 Gen., XLVI, 29.
863 Ibid., XLV, 19.
864 Vers. 5, 6.
865 Et vers. 18.
866 Gen., XLVI, 30.
867 Cant., I, 1.
868 Genes., XLV, 18, XLVII, 11.
869 Ici sont insérés dans l'Autographe les mots suivants, que le Saint a biffés ensuite: «incæpit iterum Magnificat, fecit
ut regina Saba...» «elle recommença le Magnificat, elle fit comme la reine de Saba...»
870 Esther, XV, 16, 17.
871 Lucæ, II, 13.
872 Ibid., I, 38.
873 Gen., XXXVII, 9.
874 Lucæ, XVI, 22.
115/342

12.6 Page 116

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sane eo modo que Filius, qui intercedit seipso);
et multa in ejus favorem conceduntur, ut
testatur universa Ecclesia. Ecce enim ex hoc
beatam me dicent omnes generationes875. Si
«Angeli gaudent876,» cur non ista Regina
Angelorum? Hinc tot templa.
Sed videte, Christiani, quam fœlices
simus dummodo vere devoti. Sed dicunt
quidam: Ipsa est refugium peccatorum. Ita est;
sed refugium est ad eam confugientium, non
confugit autem peccator obstinatus et
pervicax. Amabat Sara Ismaelem ut suum
donec vidit ludentem, id est, irridentem, ait
Sa877, cum filio suo878; tunc noluit eum amplius
amare. Vous vous moques de Nostre [138]
Seigneur, et de son nom et de ses volontes; et
puis vous dites que vous estes devotz de la
Mere. O Dieu, Agrippine! «Occidat dum
imperet879.» Nostre Dame voudroit mourir
pour la gloire de son Filz. Vide insigne
exemplum Anatolii, apud Evagrium, I. 5. c.
XVII et XVIII, de imagine eum aversante.
O, est Mater misericordiæ, id est,
Salvatoris, a quo misericordia omnis
promanat. Et ita est, sed audite eam: Et
misericordia, inquit880, ejus a progenie in
progenies. Ita sane, sed vide quid sequatur:
Timentibus eum. Historia pulcra de Musa
puella, apud Gregorium881. Vide Canis.882, fol.
103. [139]
Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup
de grâces nous sont accordées par sa faveur,
comme l'atteste l'Eglise entière. Et voici que
désormais toutes les générations m'appelleront
bienheureuse. Si «les Anges se réjouissent,»
pourquoi cette Reine des Anges ne se
réjouirait-elle pas? Voilà pourquoi tant
d'églises en son honneur.
Voyez donc, Chrétiens, combien nous
sommes heureux si nous lui sommes vraiment
dévots. Quelques-uns disent: Elle est le refuge
des pécheurs. C'est la vérité; mais elle est
refuge pour ceux qui se réfugient en elle; or le
pécheur obstiné, opiniâtre, ne cherche pas ce
refuge. Sara aima Ismaël comme son enfant,
jusqu'au jour où elle le vit jouer avec son fils,
c'est-à-dire, d'après Sa, se moquer de lui; dès
lors, elle ne voulut plus l'aimer. [Reprendre au
texte, lig. 22.] [138]
«Qu'il me tue, pourvu qu'il règne!»
Notre-Dame voudrait mourir pour la gloire de
son Fils. Voir dans Evagrius, liv. V, chap.
XVII, XVIII, le remarquable exemple
d'Anatole à qui la statue [de la Sainte Vierge]
tourna le dos.
Oh, elle est Mère de la miséricorde,
c'est-à-dire du Sauveur, dont émane toute
miséricorde. C'est vrai; mais écoutez-la: Sa
miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en
génération. Assurément, mais voyez ce qui
suit: Sur ceux qui le craignent. Belle histoire
de la jeune Musa, dans saint Grégoire. Voir
Canisius, folio 103. [139]
875 Lucæ, I, 48.
876 Antiph. festi Assumpt.
877 Annotat., in loc.
878 Gen., XXI, 9.
879 Vide locum supra, p. II.
880 Lucæ, I, 50.
881 S. Gregor. Mag. Dial., 1. IV, c. XVII.
882 Catech.B.Canisii opera Busæi, c. III, de Imag. SS., edit 1577.
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12.7 Page 117

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XCVIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Nativité de la Sainte
Vierge
8 septembre 1614
(INÉDIT)
8831614
Liber generationis Jesu Christi. Jacob
autem genuit Joseph, virum Mariæ,
de qua natus est Jesus, qui vocatur
Christus.
[MATT., 1, I, 16.]
1. De miseria nativitatis hominum:
Homo natus de muliere, brevi vivens tempore,
etc.; c. 14884, Job. Et ipse: Pereat, inquit, dies
in qua natus sum, et nox in qua dictum est:
Natus est homo; c. 3. v. 2. Maledixit885, id est,
malum diem et miserum esse dixit; Sa886.
Gregorius887: Job peccatoris sustinere
personam. Vide Lyranum888. Exprimit
miserias hujus vitæ ex hipothesi; ut Christus:
Si possibile est, transeat a me calix iste889.
Eccls. 7890: Melior est dies mortis die
nativitatis. Solum planctum novit homo
natura; ex Plinio891. Primam similem omnibus
vocem emisi plorans892. Ante 40 diem [140]
non solent ridere893, et tunc solum incipiunt
matrem cognoscere:
«Incipe, parve puer, risu
cognoscere matrem894
Augustinus ait pueros flendo prophetas esse
suæ futuræ miseriæ895.
Pharao, Gen. 40896, fecit convivium in
die nativitatis, et Herodes897; uterque
Livre de la généalogie de Jésus-Christ.
Et Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de
laquelle est né Jésus qui est appelé Christ.
1. Misère de la naissance des hommes:
L'homme né de la femme vit peu de temps, etc.;
Job, chap. XIV. Job dit de lui-même chap. III:
Périssent le jour où je suis né et la nuit où l'on
a dit: Un homme est né. Il maudit, c'est-à-dire
il affirme que ce jour a été mauvais et plein de
misères; Sa. Selon saint Grégoire, Job
personnifie le pécheur. Voir Lyranus. Il
exprime les misères de cette vie d'après une
certaine hypothèse; comme le Christ: S'il est
possible, que ce calice s'éloigne de moi... Le
jour de la mort est préférable au jour de la
naissance. L'homme, d'après Pline, ne connaît
par nature que les gémissements. J'ai élevé
[140] d'abord la voix en pleurant comme tous
les autres. Les enfants ne rient pas avant
quarante jours, et alors seulement ils
commencent à connaître leur mère:
«Par un sourire, petit enfant,
commence à connaître ta mère.»
Saint Augustin dit que par leurs pleurs, les
enfants prophétisent les misères qui les
attendent.
883 (Ms. p. 124, verso)
884 Vers. 1.
885 Job, III, 1.
886 Annotat., in loc.
887 Moral., l. IV, initio.
888 Bibl. cum Glossis, in locum.
889 Matt., XXVI, 39.
890 Vers. 2.
891 Hist. nat., 1. VII, c. 1.
892 Sap., VII, 3.
893 Vide supra, p. 128.
894 Virgil., Eclog. IV, 60.
895 De Civit. Dei, 1. XXI, c. XIV.
896 Vers. 20-22.
897 Marc., VI, 21, 27.
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12.8 Page 118

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crudelitate convivium maculans: nam ille
magistrum pistorum suspendi jussit, gratia
data magistro pincernarum; hic caput amputat
Joannis Baptistæ. Hierem. 20898: Hieremias
maudit le jour de sa naissance, id est, il dit mal,
il blasme le jour de sa naissance pour la
multitude des maux quil devoit voir.
Primus et solus omnium mortalium,
statim natus risit Zoroaster, insignis magus et
magiæ author, apud Plinium899. Risusque ille
fuit portentum, et presagium malitiæ hominis
et infortunii; ipse enim Zoroastres
Bactrianorum rex post multas clades a rege
Assiriorum, Nino, fractus, captus et occisus
est, quamvis ab astrologia judiciaria et magia
præsidium habere se existimaret900. At
Antipater, poeta Sidonius, apud eumdem
Plinium901, quotannis anniversario nativitatis
die febre laborabat, et tandem eodem die,
eadem febre, mortuus est. Sic nos [141] sane
febrem quotannis habere deberemus in die
nativitatis: febrem timoris, ne hæc vita sit
nobis præludium ad mortem æternam ob
abusum dierum. Itaque Christiani non
nativitatis, sed Baptismi diem celebrabant,
teste Gregorio Nazianzeno902. Et Sanctus
Ludovicus se Ludovicum de Poissy appellabat.
Hinc nomen imponitur in Baptismate, quia
antea homo nihil et nullus est.
2. At tres nativitates celebrat: Christi,
cujus nativitas æterna gaudium est æternum
Beatorum, et temporalis, gaudium hominum et
Angelorum; Joannis Baptistæ, et Beatæ
Virginis Mariæ. Et quidem Hierem. I903,
videtur sanctificatus in utero; quod Lyranus
credit904 at Sa de sanctificatione
prædestinationis intelligit905, ut conforme sit
Paulo906: Qui segregavit me ab utero matris in
Evangelium, etc. De Jacob autem vide
Pereira907, ad illa verba: Major serviet
minori908. Sane, infirma est collectio ex verbis
Pharaon fit un festin à l'anniversaire de
sa naissance, Hérode aussi; tous deux
avilissent ce festin par leur cruauté: car celui-
là ordonne de pendre le grand pannetier après
avoir grâcié le grand échanson; celui-ci fait
décapiter Jean-Baptiste. [Reprendre au texte,
lig. 10.]
Le premier et le seul de tous les mortels
qui se prit à rire aussitôt après sa naissance fut,
dit Pline, Zoroastre, grand magicien et auteur
de la magie. Ce rire fut un prodige qui
présageait la méchanceté de cet homme et ses
infortunes. En effet, Zoroastre, roi des
Bactriens, après avoir été plusieurs fois vaincu
par Ninus, roi d'Assyrie, fut détrôné, fait captif
et tué, malgré la protection qu'il attendait de
l'astrologie judiciaire et de la magie. Par
contre, Antipater, poète de Sidon, nous dit le
même Pline, était atteint de la fièvre à chaque
anniversaire de sa naissance, et il mourut enfin
le même jour, de la même fièvre. Nous
devrions certes, nous aussi, avoir la fièvre à
chaque anniversaire de notre naissance: une
fièvre causée par la crainte que notre [141] vie
ne soit le prélude de la mort éternelle, à cause
de l'abus que nous avons fait du temps. Aussi,
les Chrétiens, au témoignage de saint Grégoire
de Nazianze, célébraient-ils non pas le jour de
leur naissance, mais celui de leur Baptême. Et
saint Louis se nommait Louis de Poissy. On
impose un nom au Baptême, parce
qu'auparavant l'homme n'est rien; il est comme
s'il n'était pas.
2. Toutefois, l'Eglise célèbre trois
naissances: celle du Christ, dont la naissance
éternelle est l'éternelle joie des Bienheureux et
dont la naissance temporelle fait la joie des
hommes et des Anges; celle de Jean-Baptiste
et celle de la Bienheureuse Vierge Marie. En
vérité, Jérémie (chap. I) paraît avoir été
sanctifié dans le sein de sa mère; Lyranus le
croit, mais Sa explique ce passage de la
898 Vers. 14.
899 Hist., nat., l. XXX, c. II, et ubi supra, p. 128.
900 S. Aug., ubi supra.
901 Hist. nat., 1. VII, c. LII (al. LI).
902 Orat. XL, initio.
903 Vers. 5.
904 Bibl. cum Gloss., in locum.
905 Annotat., in loc.
906 Galat., I, 15; Rom., I, 1.
907 Conim. in Gen.
908 Gen., XXV, 23.
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12.9 Page 119

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Pauli909: Jacob dilexi, etc.; nam ibi Jacob
patronimice, et etiam de temporali
benedictione, non de spiritali. Verum de
Beatissima Deipara æquum omnino est ita
sentire; itaque sentit Ecclesia, ex regula
Augustini910: Quicquid de aliis Sanctis
honorificum, etc. Sed et ista est ratio. [142]
Liber generationis Jesus Christi. Ista
est scala Jacob inversa; nam ille vidit Deum in
summitate scalæ911, nos in imo. Et vide: Ab
initio et ante secula creata sum912 (id est,
destinata ad assumendam humanam naturam
creatam: Dominus possedit me in initio viarum
suarum913); et apres plusieurs paroles914: Et sic
in Syon firmata sum, et in civitate sancta
similiter requievi, et in Hierusalem potestas
mea; et in parte Dei mei hæreditas illius, et in
plenitudine sanctorum detentio mea. Ut apes,
etc. Et Canticorum, 3. v. 9, [10]: Ferculum
fecit sibi rex Salomon de lignis Libani;
columnas ejus fecit argenteas, reclinatorium
ejus aureum, ascensum ejus purpureum.
Media, id est, partes medias reclinatorii (est
enim plurale substantivum), charitate, seipso,
qui amor et deliciæ Sponsæ et animarum,
constravit propter filias Hierusalem.
Ferculum a ferendo; thronus portabilis,
currus triumphalis et pompaticus. Hic est
Beata Virgo. Unde, ipsemet, Cant. 1915:
Equitatui meo assimilavi te, amica mea, in
curribus Pharaonis. Qui ascendes super equos
tuos, et quadrigæ tuæ salvatio; Abacuch, 3,
[v.] 8. Or, en ce char triomphal, 1. tout estoit
de cedre, de cypres, de sethim, du Liban, car il
ny avoit guere [143] d'autres bois, bois
aromatiques et incorruptibles. Tout est saint en
cette Vierge, et ni a rien que d'admirable, de
pur, de net, de blanc, que Libanus, id est, albus;
et etiam tota hæc genealogia in populo
honorificato916. Verum occurrit, quia Thamar,
Raab, Ruth, Betsabee917; sed expresse
nominantur istæ quatuor, ait Hieronymus918,
sanctification de prédestination, l'assimilant
ainsi à saint Paul, lequel parlant de lui-même:
[Celui] qui m'a choisi, dit-il, dès le sein de ma
mère, pour prêcher l'Evangile, etc. Quant à
Jacob, voir Péreira sur ces mots: L'aîné servira
le plus jeune. Assurément, la conclusion tirée
de ces mots de saint Paul: J'ai aimé Jacob, etc.,
est faible, car ici Jacob est un nom
patronymique, et de plus il est question de la
bénédiction temporelle, non de la spirituelle.
Néanmoins, dès qu'il s'agit de la Bienheureuse
Mère de Dieu, il est absolument juste de croire
à ce privilège. Aussi l'Eglise y croit-elle,
d'après la règle posée par saint Augustin:
Quelque privilège qui puisse s'attribuer aux
autres Saints, etc. Et c'est la vraie raison [de
célébrer sa Nativité.] [142]
Livre de la généalogie de Jésus-Christ.
Cette généalogie est l'inverse de l'échelle de
Jacob. Jacob vit Dieu au sommet de l'échelle,
nous le voyons au bas. Et remarquez: Dès le
commencement et avant les siècles je fus créée
(c'est-à-dire de stinée à prendre la
naturehumaine créée: Le Seigneur m'a
possédée au commencement de ses voies); et
après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi
affermie dans Sion, et je me suis reposée dans
la cité sainte, et ma puissance a été dans
Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et
j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints.
Comme les abeilles, etc. Et ce passage du
Cantique! Le roi Salomon s'est fait une litière
en bois du Liban; il en a fait les colonnes
d'argent, le dossier d'or, le dôme de pourpre.
Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du
dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a
orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour
et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela
en faveur des filles de Jérusalem.
Le mot ferculum (litière) employé par
Salomon, vient de ferendo, porter; trône
portatif, char pompeux et triomphal. C'est la
Bienheureuse Vierge. Aussi dit-il lui-même:
909 Rom., IX, 13.
910 Vide serm. de Assumpt. B. M. V., CCVIII in Append.
911 Gen., XXVIII, 12, 13.
912 Eccli., XXIV, 14.
913 Prov., VIII, 22.
914 Eccli., XXIV, 15, 16.
915 Vers. 8.
916 Eccli., XXIV, 16.
917 Matt., I, 3, 5, 6.
918 Comm. in Matt., ad c. I, 3.
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12.10 Page 120

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Chrisostomus919 et alii, ut Christus, «qui
venerat pro peccatoribus920,» etc. Quæ
pœnitentes fuerunt. At, e contra, Ochoziam,
Joam et Amasiam prætermisit, quia idolatræ et
impœnitentes et pessime mortui.
Notate, charissimi peccatores, si
pœnitentes estis, quamvis peccatores fueritis,
poteritis esse filii Virginis quæ et matres etiam
habuit peccatrices. At si impœnites, eritis
quidem filii nativitate spiritali, sed in libro
filiorum non eritis in Cælo, non eritis de libro
generationis ejus.
2. Reclinatorium aureum, id est,
corpus, ob miram et amore dignam
virginitatem. Ascensum, animam, purpureum,
omnino tinctam amore Crucis; nam purpura ex
sanguine piscis, at Christus piscis, icthus921,
est. Columnæ argenteæ, dona Spiritu Sancti,
quibus corpus adhæret animæ non per affectus
naturales. In medio Christus, quia et anima et
corpore portat: Beatus venter; quinimo, beati
qui audiunt922. [144]
923Vel, si velis, currus iste Beata Virgo,
ex lignis candoris et incorruptionis; virginitas
insignis,
virginitas
virginitatum.
Reclinatorium inferius, humilitas amans: Quia
respexit humilitatem ancillæ suæ924. Ascensus,
le dais, le ciel, le pavillon: amor humilis, totus
tinctus sanguine Christi. Columnæ argenteæ,
septem dona Spiritus Sancti: sapientiæ, qua
gustavit divina et nausea sprevit terrena;
intellectus, quo penetravit misteria; consilium
(sic), quo omnes vias perfectionis secuta;
fortitudinis, in tantis adversitatibus; scientiæ,
ad directionem cum proximo de virtutibus
omnibus moralibus; pietatis, ob ingentem
amorem in Filium, et timoris et reverentiæ
Domini. Ista autem omnia dona innituntur
humilitati amanti et aureæ (aurum omnibus
metallis ponderosius et prætiosius), et illis
sustinetur vera charitas, purpura regis925
vestisque nuptialis. In medio ergo vide
Christum, amorem nostrum. Sic dignum
ferculum deferendo Salomoni. Sed qui sunt
equi, trahentes hunc currum? Quatuor genera
Je t'ai comparée, mon amie, à l'attelage des
chars de Pharaon. Vous qui montez sur vos
chevaux et trouvez votre salut dans vos
quadriges. [Reprendre au texte, lig. 22.] [143]
Liban, c'est-à-dire blanc; et même tonte
cette généalogie est dans un peuple honorable.
Toutefois, voici quatre femmes qui font
exception: Thamar, Raab, Ruth, Bethsabée;
mais ces femmes sont expressément nommées,
disent saint Jérôme, saint Chrysostôme et
autres, parce que le Christ, «qui venait pour les
pécheurs,» etc. Elles furent pénitentes. Au
contraire, Ochosias, Joas, Amasias sont omis,
parce que, idolâtres et impénitents, ils firent la
pire des morts.
Remarquez, très chers pécheurs, que si
vous vous repentez, quels qu'aient été vos
péchés, vous pourrez être fils de la Vierge qui
dans sa généalogie compte plusieurs
pécheresses. Mais si vous ne vous repentez,
vous serez à la vérité ses fils par votre
naissance spirituelle, mais vous ne figurerez
pas dans sa postérité pour le Ciel, vous ne serez
pas dans le livre de sa génération.
2. Le dossier d'or, c'est-à-dire son
corps, à cause de son admirable virginité si
digne d'amour. Le dôme, son âme, de pourpre,
toute teinte de l'amour de la Croix; la pourpre,
en effet, est le sang du poisson; or, le Christ est
appelé poisson, icthus. Les colonnes d'argent,
les dons de l'Esprit-Saint par lesquels le corps
adhère à son âme sans affections naturelles. Au
milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en
corps et en âme: Heureuses les entrailles [qui
vous ont porté]; heureux plutôt ceux qui
entendent, [etc.] [144]
Ou, si vous voulez, ce char est la
Bienheureuse Vierge; il est composé du bois
de la blancheur et de l'incorruptibilité; virginité
insigne, virginité des virginités. La partie
inférieure du dossier, humilité amoureuse:
Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante.
Le dôme, le dais, le ciel, le pavillon: amour
humble, tout teint du sang du Christ. Les
colonnes d'argent, les sept dons du Saint-
919 Homilia III in Matt., § 4.
920 Matt., IX, 13.
921 Vide supra, p. 5.
922 Lucæ, XI, 57, 28.
923 (Ms. p. 125, recto)
924 Lucæ, I, 48.
925 Cant., VII, 5.
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13 Pages 121-130

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13.1 Page 121

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hominum: Patriarchæ, ut Abraham, Isaac,
Jacob, Juda; Reges, Prophetæ et Sacerdotes.
Quis auriga? Heu! noster Joseph.
Sed jam recens natam honoremus
ejusque cunas [145] celebremus, ut solent
celebrari cunæ magnorum, quæ consperguntur
floribus pour souhait et presage d'une vie
fleurissante. Sic et nos qui præsumus
afferamus rosas, quæ simbolum sunt
authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine
spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt
quam multitudo foliorum rubicundorum quæ
cordis figuram habent, in uno caule unitorum
eique affixorum, et præterea quæ excelsiores
sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in
arbusto crescunt; car qui void une rose, void
une multitude de feuilles rouges atachees a un
bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un
arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les
autres simples fleurs croissent en des tiges
herbeux. Et representent le prince ou prælat,
auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et
un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz
n'est autre chose qu'un bouton de rose
despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de
dignite, mais non pas la grace. Virginitati et
castitati dicatte mentes, afferte lilia; maritati,
afferte le souci; viduæ, afferte violas. Et omnes
simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des
oeillades interieures de la meditation; afferte
des pensees sans nombre, et voyes que cette
fille est nee pour nostre bonheur, voyes
qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere
Dame, les delices des Anges, et la dilection du
Pere, du Filz et du Saint Esprit. [146]
Esprit: la sagesse, qui lui a fait savourer les
choses divines et rejeter avec dégoût les biens
de la terre; l'intelligence, par laquelle elle a
pénétré les mystères; le conseil, grâce auquel
elle a suivi toutes les voies de la perfection; la
force, au milieu de tant d'adversités; la science,
pour régler ses rapports avec le prochain dans
la pratique de toutes les vertus morales; la
piété, dans son immense amour envers son
Fils, et la crainte et révérence pour le Seigneur.
Tous ces dons reposent sur l'or d'une humilité
amoureuse (l'or est de tous les métaux le plus
lourd et le plus précieux), et sur eux est fondée
la vraie charité, pourpre du roi et robe nuptiale.
Au milieu, considérez donc le Christ, notre
amour. Ainsi cette litière est digne de porter
Salomon. Mais quels sont les chevaux qui
traînent ce char? Ils sont représentés par quatre
classes d'hommes: les Patriarches, comme
Abraham, Isaac, Jacob, Juda; les Rois, les
Prophètes et les Prêtres. Quel est le
conducteur? Eh! n'est-ce pas notre Joseph?
Mais maintenant honorons donc Celle
qui vient de naître, fêtons son [145] berceau,
comme on a coutume de fêter le berceau des
grands ; on le couvre de fleurs pour souhait et
présage d'une vie florissante. De même, nous
qui sommes préposés à la direction d'autrui,
apportons les roses, symbole de l'autorité et de
la dignité, roses qui ne sont jamais sans les
épines des sollicitudes. Les roses ne sont autre
chose qu'une multitude de feuilles rouges
ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une
même tige; elles surpassent, de plus, toutes les
autres fleurs, les simples fleurs qui croissent
sur des arbustes. [Reprendre au texte, lig. 9.]
Ames vouées à la virginité et à la
chasteté, apportez les lis; mariés, apportez le
souci; veuves, apportez les violettes. Et tous
ensemble apportez... [Reprendre au texte, lig.
20.] [146]
121/342

13.2 Page 122

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XCIX. Plan d'un sermon pour le vingt-et-unième Dimanche
après la Pentecôte
12 octobre 1614
(INÉDIT)
926DOMINICA 21 POST PENTECOSTEN.
ANNESSII, 1614
XXIE DIMANCHE APRÈS LA
PENTECÔTE. ANNECY, 1614
Decem millia c'est six millions, car le
talent valoit six cens escus. Centum denarios
c'est environ huit escus; car le denier valoit
environ cinq solz françois. Quamvis
Calepinus927 et Maldonatus928 tantisper
invicem dissentiant, et alii etiam authores
aliter; parum tamen refert, quia utraque summa
pro maxima et minima posita est.
Suffocabat929, strangulabat.
In proemio dicatur summa
Evangelii930. Pro principio [147] concionis:
Multifariam multisque modis931, commendavit
nobis Deus charitatem proximi. Matth. 22932:
Secundum autem simile huic. Homo creatus est
ad similitudinem Dei933; eo ergo dilectio
proximi tendit ut diligamus in eo similitudinem
et imaginem Dei, ut ista scilicet imago et
similitudo magis ac magis perficiatur. Plinius,
[Histor. natur.,] 1. 7. c. 12, des deux jumeaux.
Toranius, maquignon d'esclaves, deux beaux a
Marc Anthoine, deux cens sesterces, a 25 escus
le sesterce; c'estoyent cinq mille escus; et la
replique de Toranius. C'est merveilles de
treuver deux amours jumeaux, l'un regardant le
Createur et l'autre la creature. Ceux ci sont
jumeaux, mais toutefois naïs bien loin l'un de
l'autre quant a leur object immediat. II faut user
de cet'histoire tout au rebours: car ces deux
commandemens sont jumeaux, ce n'est pas
merveille silz se ressemblent. L'amour de Dieu
engendre l'amour du prochain. Et comme
quand les vignes fleurissent les vins
Dix mille talents... Cent deniers.
Bien que Calepin et Maldonat diffèrent
un peu d'opinion entre eux et avec d'autres
auteurs, il n'importe, car la différence des deux
expressions ne porte que sur le plus et sur le
moins. Il l'étouffait, il l'étranglait.
En premier lieu, rappeler
sommairement l'Evangile. Et au
commencement [147] du sermon: Dieu nous a
recommandé en diverses occasions et en bien
des manières la charité envers le prochain. Et
le second est semblable à celui-ci. L'homme a
été créé à la ressemblance de Dieu; donc,
l'amour du prochain tend à ce que nous aimions
en lui la ressemblance et l'image de Dieu,
c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre
cette image et cette ressemblance de plus en
plus parfaite. [Reprendre au texte, lig. 7.]
Jésus l'appela commandement
nouveau, en saint Jean, XIII: Un
commandement nouveau; nouveau, c'est-à-
dire excellent, réintégré (nouveaux cieux,
nouvelle terre); car par son exemple, le Christ
nous presse d'une manière admirable. Ta
jeunesse sera renouvelée comme celle de
l'aigle. C'est ainsi qu'il le nomme sien, comme
Jacob appelait Joseph son fils, disant: C'est la
tunique de mon fils. Le sien, celui que lui-
même avait souverainement observé. La [148]
plupart des interprètes unissent les deux mots
nouveau et sien, parce qu'il était dit dans
l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain
comme toi-même, mais dans la nouvelle:
926 (Ms. p. 125, verso)
927 Lexicon, Talent., Denar.
928 Comm. in Matt., ad cap. XVIII, 24, 28.
929 Matt., XVIII, 24, 28.
930 Ibid., XVIII, 23-35.
931 Heb., I, 1.
932 Vers. 39.
933 Gen., I, 26.
122/342

13.3 Page 123

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fleurissent, ainsy par tout ou l'amour de Dieu
fleurit, l'amour du prochain fleurit.
Mandatum appellavit novum, Jo. 13934:
Mandatum novum; novum, id est, egregium,
redintegratum (novi cæli, nova terra935); nam
exemplo suo Christus mirum in modum urget.
Renovabitur ut aquilæ juventus tua936. Sic
suum937; ut Jacob filium suum Joseph
appellabat, id est, Tunica filii mei est938. Suum,
quem [148] ipse omnium maxime servaverat.
Plerique omnes interpretes novum et suum,
quia in antiqua Lege dictum: Diliges proximum
tuum sicut teipsum939, at in nova: sicut dilexi
vos940, id est, supra seipsum. Toletus941, suum,
id est, amorem precipuum inter Christianos
qua Christiani. Ut Joseph dilexit sufficienter
alios fratres, at Benjamin unice; sic debemus
omnes diligere, at Christianos unice, sicut
Christus eos diligit.
Quia ergo tanti momenti est haec
dilectio, nihil non facit ut eam urgeat et omnia
impedimenta tollat. Maximum autem
impedimentum est injuria et odium. Ergo istud
omnino aufert parabola nostri Evangelii.
1a consideratio. Debitores sumus Deo
in immensum, propter peccata nostra. Quid
habes quod non accepisti942? Sed jam, quid
habes quod non furatus es? Debemus Christo
gratias et Sacramenta et sanguinem ejus, quæ
omnia nobis donavit.
2. Quam parvæ sunt injuriae acceptæ!
sunt ut plurimum somnia. «Nemo læditur nisi
a seipso943.» Si equus te calce percussisset,
rationabiliterne ageres volens eum resarcire?
Tamen in effectu magis nocuit quam qui
alapam impegit. Item utiles sunt inimici, ut
ficus [149] agrestes et cultæ944, ut allia rosis.
Nealces, avec son cheval, ou Protogenes avec
son chien de Datylus945.
3. Boni illi sunt servi qui indignati sunt.
Solon. Quam minimum injuriarum existeret
comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que
soi-même. Tolet entend par le mot sien cet
amour spécial qui doit régner entre les
Chrétiens en tant que Chrétiens. Comme
Joseph, tout en aimant suffisamment ses autres
frères, était particulièrement uni à Benjamin,
de même, nous devons aimer tout le monde,
mais être spécialement unis aux Chrétiens, les
aimant comme Jésus les aime.
Cet amour donc ayant tant de prix,
Jésus ne néglige rien pour l'enflammer en nous
et détruire ce qui s'y oppose. Or, le principal
obstacle c'est le défaut d'équité et la haine.
Voilà pourquoi la parabole de notre Evangile
l'anéantit.
1re considération. A cause de nos
péchés, notre dette envers Dieu est immense.
Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Il y a plus: Qu'as-
tu que tu n'aies dérobé? Nous sommes
redevables au Christ de ses grâces, de ses
Sacrements, de son sang: il nous a tout donné.
2. Combien les injustices qui nous sont
faites sont légères! Ce sont des songes pour la
plupart. «On n'est blessé que par soi-même.»
Si un cheval t'avait donné un coup de pied,
serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre?
En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme
qui t'aurait donné un soufflet. [149] D'ailleurs,
les ennemis sont utiles, comme les figuiers
sauvages le sont aux figuiers cultivés, et les
aulx aux roses...
3. Les bons serviteurs sont ceux qui
s'indignèrent. Solon. Comme les injures
seraient bientôt réduites à rien «si ceux qu'elles
ne touchent pas s'en plaignaient autant que
ceux à qui elles s'attaquent!» Et ceux-ci: «O
homme, ne tue pas Crésus.» [150]
934 Vers. 34.
935 Is., ult., 22; Apoc., XXI, 1.
936 Ps. CII, 5.
937 Joan., XV, 12.
938 Gen., XXXVII, 33.
939 Levit., XIX, 18; Matt., V, 43.
940 Joan., loc. quo sup.
941 Comm. in Joan. ad eund. loc.
942 I Cor., IV, 7.
943 Vide supra, p, 94.
944 Plin., Hist. nat., 1. XV, c. XIX (al. XXI).
945 Ibid., 1. XXXV, c. X (al. XXXVI). Citatur tamen juxta text. corrupt. Cf. Plut. (Vitæ, Demetrius) et alios.
123/342

13.4 Page 124

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«si qui injuriam non patiuntur seque doleant
atque ii qui affecti sunt946.» At hi: «O homo, ne
Crœsum occidas947.» [150]
946 Plut.,Vitæ, Solon, post med.
947 Herodot., Hist., 1. I, ante med.
124/342

13.5 Page 125

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C. Plan d'un sermon pour le vingt-troisième Dimanche après la
Pentecôte
26 octobre 1614
(INÉDIT)
948DOMINICA 23. 1614, ANNESSII
DE TALITHA ARCHISINAGOGI, ET
MULIERE HEMORROISSA
VEL SANGUINIS PROFLUVIO
LABORANTE
XXIIIE DIMANCHE, 1614, ANNECY
SUR TALITHE FILLE DU CHEF DE LA
SYNAGOGUE, ET SUR L'HEMORROISSE
OU LA FEMME QUI SOUFFRAIT DU
FLUX DE SANG
[1.]
Princeps
sinagogæ,
archisinagogus, Jaïrus nomine949. Cum
loqueretur Dominus ad turbas in Capharnaum,
post conversionem Mathei et responsa facta
Judeis, Scribis et Pharisæis; et videtur prope
domum, vel ante domum Mathasi iste
archisinagogus venisse. O quam bona est
afflictio; nam ad Christum adducit et divites et
pauperes. Si sinagogus iste filiam sanam
habuisset, erat autem unica (Luc. 8950), il l'eut
dorlotte avec sa mere. Ad Dominum cum
tribularer clamavi951. [151] Cum invocarem;
in tribulatione952. Tribulationem et dolorem
inveni953. Plinius954, de ingratitudine Arabum:
«Cælo gratias habent de iis quæ ab inferis
accipiunt.» Vide hoc Manuscript., fol. 324955.
Sic homines bona accepta a Deo hominibus,
naturæ, referunt, neque de acceptis gratias
agunt; unde affliguntur. Les Æthiopiens
allument le fœu a leurs rubis par le vinaigre956.
2. Et deprecabatur eum multum957.
Clamavi in toto corde958. Desiderium,
expositio desiderii, petitio. L'orayson impetre.
Idem ac si dicas: labor ditat, ergo labor unius
horæ; panis satiat, ergo mica; vinum
lætificat959, ergo gutta. Scio esse des
[1.] Un prince, un chef de la
synagogue, nommé Jaïre. Le Seigneur parlait
alors aux foules. Ce fut à Capharnaüm, après
la conversion de Matthieu et la réponse faite
aux Juifs, aux Scribes et aux Pharisiens; et il
paraît qu'il était tout proche ou même devant la
maison de Matthieu, quand ce chef de la
synagogue se présenta. Oh! que l'affliction est
bonne, puisqu'elle amène au Christ et les riches
et les pauvres! Si ce chef de la synagogue avait
eu sa fille en pleine santé, comme c'était sa fille
unique, il l'eût dorlottée avec sa mère. J'ai crié
vers le Seigneur lorsque j'étais dtms la
tribulation. Lorsque je [151] l'invoquais; dans
la tribulation. J'ai trouvé la tribulation et la
douleur. Pline dit au sujet de l'ingratitude des
Arabes: «Ils rendent grâces au Ciel de ce qu'ils
reçoivent des enfers.» Voir ce Manuscrit, folio
324. Ainsi les hommes attribuent aux hommes
et à la nature les biens qu'ils ont reçus de Dieu,
et ils ne lui en rendent pas grâces; voilà
pourquoi ils sont affligés...
2. Et il le suppliait instamment. J'ai crié
de tout mon cœur. Mais il faut distinguer le
désir, l'expression du désir, la demande.
L'oraison impètre. C'est comme si l'on disait:
948 (Ms. p. 126, recto)
949 Matt., IX, 18; Marc., V, 23; Lucæ, VIII, 41.
950 Vers. 42.
951 Ps. CXIX, 1.
952 Ps. IV, 1.
953 Ps. CXIV, 3.
954 Hist. nat., 1. XII, c. XVIII (al. XLI).
955 Ce renvoi a trait à un recueil de comparaisons, réunies à la fin du grand Manuscrit des sermons. La page mentionnée
ici sera publiée parmi les Opuscules, avec tout ce qui a pu être recouvré de ce recueil.
956 Plin., Hist. nat., 1. XXXVII, c. VII (al. XXVI).
957 Marc., V, 23.
958 Ps. CXVIII, 145.
959 Judic., IX, 13; Ps. CIII, 15.
125/342

13.6 Page 126

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quint'essences desquelles fort peu fait
grand'operation; sed raræ, sed prætiosæ: sic
latro in cruce960. Sed via ordinaria multum
orandum est. Item orandum vere; nam nostræ
orationes sunt potius imagines orationis, quam
orationes. Si quis princeps dicat: Qui mihi
adamantem attulerit, etc., et tu pro adamante
cristallum simplex, non dabit pecuniam
princeps, nam neque tu adamantem.
3. Quoniam, Domine, filia mea in
extremis est; [152] Marcus961. Lucas962:
Moriebatur. Matheus963: Modo defuncta est.
Concordantia triplex. Chrisostom.964: Auget
miseriam et exaggerat; «qui enim petunt solent
amplificare,» qui dolent dolor verba ministrat.
Amor proprius auget bona pariter et mala;
comme le vin auget humores et inclinationes,
acuit venenum cicutæ, acuit et vim nutriendi
cibo. Augs965: Intentionem exprimit Matheus;
nam mortuam existimans quam morientem
reliquerat, ejus vitam poscit. Voluntas in verbis
semper inspicienda. Tertio, utrumque dixisse:
primo quod ponit Marcus, tandem, post
nuncium acceptum, quod dicit Mathæus.
4. Et surgens sequebatur eum966.
Quelle douce condescendence! L'aymant tire
le fer, mais l'amphitane, alias chrisocolla, tire
l'or; [Plin., Hist. nat.,] 1. 37. c. X. post nu. 30.
Christus trahit corda hominum benefactis,
homines cor Christi humilitate. Remigius967:
Inferiores pariter et superiores docentur; illi
quidem obedire, isti juvare animo prompto.
5. Et ecce mulier quæ fluxum sanguinis
patiebatur annis duodecim, omnem
substantiam erogaverat968, et fuerat, ait
Marcus969, multa perpessa a compluribus
medicis. [153]
le travail enrichit, donc une heure de travail
enrichit; le pain rassasie, donc une miette
rassasie; le vin réjouit, donc une goutte réjouit.
Il y a, je sais, des quintessences desquelles fort
peu fait grande opération; mais elles sont rares,
précieuses: c'est le cas du larron en croix. Mais
d'ordinaire, il faut beaucoup prier. Il faut de
plus véritablement prier; or, nos prières sont
plutôt des simulacres de prières que des
prières. Un prince te dit: Celui qui m'apportera
un diamant, etc., et pour un diamant tu lui
apportes du simple cristal; le prince ne donnera
pas d'argent, parce que tu n'as pas apporté de
diamant.
3. Parce que, Seigneur, ma fille est a
l'extrémité; saint Marc. Saint Luc: [152] Se
mourait. Saint Matthieu: Vient de mourir.
Trois explications pour la concordance de ces
textes. Saint Chrysostôme: Il augmente,
exagère son malheur; «car celui qui demande a
coutume d'amplifier,» et la douleur suggère
des paroles à ceux qui souffrent. L'amour-
propre augmente également les biens et les
maux, comme le vin fortifie les humeurs et les
inclinations, rend plus violent le poison de la
ciguë et donne aux mets plus de force nutritive.
Saint Augustin: Saint Matthieu exprime le
sentiment du père, qui croyant morte celle qu'il
avait laissée mourante, demande qu'elle vive.
Il faut toujours dans les paroles, regarder
l'intention. En troisième lieu, ce chef a pu
employer ces deux expressions: d'abord, celle
que donne saint Marc; ensuite, après l'arrivée
d'un nouveau messager, celle de saint
Matthieu.
4. Et se levant, il le suivit. Quelle douce
condescendance! L'aimant tire le fer, mais
l'amphitane ou chrysocolle tire l'or. Le Christ
attire le cœur des hommes par des bienfaits, les
hommes attirent le cœur du Christ par
l'humilité. Remi: Inférieurs et supérieurs
reçoivent une égale leçon: ceux-là
960 Lucæ, XXIII, 42, 43.
961 Cap. V, 23.
962 Cap. VIII, 42.
963 Cap. IX, 18.
964 Homil. XXXI (al. XXXII) in Matt., § 1.
965 De consensu Evang., 1. II, c. XXVIII.
966 Matt., IX, 19.
967 Catena, in locum.
968 Matt., IX, 20; Lucæ, VIII, 43.
969 Cap. V, 26.
126/342

13.7 Page 127

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d'obéissance, ceux-ci de promptitude à porter
secours.
5. Et voilà qu'une femme affligée
depuis douze ans d'un flux de sang, laquelle
avait dépensé tout son bien et, ajoute saint
Marc, avait beaucoup souffert entre les mains
de plusieurs médecins. [153]
127/342

13.8 Page 128

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CI. Sommaire d'un panégyrique de saint Charles Borromée
4 novembre 1614970
(INÉDIT)
Qui fecerit et docuerit, hic magnus
Celui qui fera, et enseignera, celui-là
vocabitur. Vos estis lux mundi. sera appelé grand. Vous êtes la lumière du
MAT. 5, vv. 19, 14. monde.
Præparatio
Préparation
Greg. Naz., Apol. 1971: «A juvenili
ætate accersitus fui, atque in Deum a vulva
projectus sum972, maternaque pollicitatione in
munus oblatus.»
Lumen supra cubiculum duobus horis
ante ejus nativitatem, vel circa ejus
nativitatem; signum eum debere esse lumen in
nocte: Lux in tenebris lucet973. Mundus mille
erroribus in fide et in moribus. Candelabra.
[154] Lucerna maris974. Nemo accendit
lucernam et ponit sub modio, sed super
candelabrum975. Simon: Quasi stella matutina
in medio nebulæ; sacerdos magnus, qui in vita
sua suffulsit domum, et in diebus suis
corroboravit templum; quasi stella matutina in
medio nebulæ, et quasi luna plena in diebus
suis, quasi sol refulgens, sic ille effulsit in
templo Dei976.
Episcopus ergo factus est et Cardinalis.
Policleti norma977. Concilium Tridentinum.
Greg. Naz.978: Episcopi sunt pictores virtutis,
rei præclarissimæ.
Expressit
omnes.
Abneget
semetipsum979; ut statuarius. De abdicatione
rerum temporalium, voluptatum omnium,
Saint Grégoire de Nazianze, 1re
Apologie: «J'ai été appelé dès ma jeunesse, et
dès le sein de ma mèr a j'ai été jeté en Dieu, et
je lui ai été offert d'après la promesse
maternelle.»
Une lumière brilla pendant deux heures
au-dessus de la chambre, avant sa naissance,
ou vers le moment de sa naissance, comme
signe qu'il devait être une lumière dans la nuit:
La lumière luit dans les ténèbres. Il y avait
dans le monde mille erreurs touchant la foi et
les mœurs. Chandeliers. Lanterne de [154]
mer. Personne n'allume une lampe pour la
mettre sous le boisseau, mais sur un
chandelier. Simon: Comme l'étoile du matin au
milieu d'un nuage; grand prêtre, qui dans sa
vie a soutenu la maison du Seigneur, et en ses
jours a fortifié le temple; comme l'étoile du
matin au milieu d'un nuage, et comme la lune
luit dans les jours de son plein, comme le soleil
resplendissant, ainsi a-t-il brillé dans le temple
de Dieu.
Il fut donc fait Evêque et Cardinal.
Règle de Polyclète. Concile de Trente. Saint
Grégoire de Nazianze: Les évêques sont les
peintres de la vertu, sujet le plus excellent de
tous.
970 A partir de l'installation des Barnabites à Annecy (5 juillet 1614), notre Saint, affirment des témoignages
contemporains, prêchait chaque année dans leur église le panégyrique de saint Charles. Si l'on en juge d'après l'écriture,
celui-ci est le premier qu'il dut prononcer.
971 Orat. II, § LXXVII.
972 Ps. XXI, II.
973 Joan., I, 5.
974 Plin., Hist. nat., 1. IX, c. XLIII (al. XXVII) . Vide Tr. de l'Am. de Dieu, 1. IX, c. V.
975 Matt., V, 15; Lucæ, VIII, 16.
976 Eccli., L, 1, 6, 7.
977 Plin., Hist. nat., 1. XXXIV, c. VIII (al. XIX).
978 Orat. II, § XIII.
979 Matt., XVI, 24.
128/342

13.9 Page 129

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perfectissima. Beati pauperes980. Amas me?
ter981. Dictum Panigarolæ982. Halietus983.
Parallellum Caroli magni qui armis et
Caroli parvi qui sanctitate.
Deinde, addidit omnia charitatis opera.
Nazianzenus984 et Chrisostomus985: ut rex
omni virtutum splendore ornatus. Unde
Pontifex antiquus tam ornatus procedebat; et
campanulæ granatis986. In pectore: Filioli,
quos iterum parturio987. [155]
Tum vero, zelus erga proximum: in
peste, in omnibus. Libentissime impendam et
superimpendar ipse pro animabus vestris988.
Martirium continuum prælatorum,
unde Anselmus, choüettes: Factus sum sicut
nicticorax989. [156]
Il reproduisit toutes les vertus. Qu'il se
renonce lui-même; comme le sculpteur.
Signaler son très parfait renoncement aux
biens temporels, à tous les plaisirs.
Bienheureux les pauvres. M'aimes-tu? trois
fois. Mot de Panigarole. Haliétus.
Parallèle entre Charlemagne, grand par
les armes, et Charles le petit, grand par la
sainteté.
Puis il ajouta toutes les oeuvres de
charité. Saint Grégoire de Nazianze et saint
Chrysostôme: orné comme le roi de toute la
splendeur des vertus. C'est pourquoi l'ancien
Pontife revêtait de si magnifiques ornements;
les clochettes jointes aux grenades. Dans sa
poitrine: Mes petits enfants, pour qui je ressens
de nouveau les douleurs de l'enfantement.
[155]
Enfin, vrai zèle pour le prochain: dans
la peste, en toutes choses. Je sacrifierai tout
volontiers et je me sacrifierai encore moi-
même pour vos âmes.
Martyre continuel des prélats; c'est
pourquoi Anselme les appelle chouettes: J'ai
été fait comme le hibou. [156]
980 Matt., V, 3.
981 Joan., ult., 15-17.
982 Vide Tr. de l'Am. de Dieu, l. VI, c. XV.
983 Vide supra, p. 8, Aquila aquatica.
984 Orat. supra cit.; alibi.
985 De Sacerd., 1. III.
986 Exod., XXXIX, 1-24.
987 Galat., IV, 19.
988 II Cor., XII, 15.
989 Ps. CI, 7.
129/342

13.10 Page 130

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CII. Plan d'un sermon pour la veille de Noël
24 décembre 1614
(INÉDIT)
990AD VIGILIAM NATIVITATIS DOMINI.
1614.
PRO CONGREGATIONE OBLATARUM
VISITATIONIS991
VEILLE DE LA NATIVITÉ DU
SEIGNEUR, 1614
POUR LA CONGRÉGATION DES
OBLATES DE LA VISITATION
Ecclesia hanc vigiliam expectationem
Redemptionis et Redemptoris in oratione
appellat: «Deus qui nos annua Redemptionis
nostræ expectatione lætificas.» Et jam Jacob
prædixerat eum fore expectationem
gentium992. Et Ecclesia993: «O Emmanuel, Rex
et Legifer noster, expectatio gentium et
desideratus earum, veni ad salvandum,
Domine Deus noster.» Et Jacob iterum, in
benedictione Joseph994: Benedictiones patris
tui confortatæ sunt benedictionibus patrum
suorum, donec veniret desiderium collium
æternorum; id est, [157] Christus. Colles
æterni, Patres: eminentiores cæteris; ego,
Angelos.
Et sane expectatus fuit ab omnibus,
quia omnibus salus futurus, sed præcipue in
hac nocte. Mira expectatio Virginis: Quis mihi
det te fratrem meum, sugentem ubera matris
meæ, ut inveniam te foris et deosculer te, et
jam me nemo despiciat995? At ergo præparate
corda vestra Domino996.
1°. Intellectum, fide de duobus
misteriis. Primum erit de Incarnatione.
Christus duplicem habet naturam, divinam et
humanam, illa incarnata hæc assumpta, nec
una alteram extinguit aut consumit. Ut rubus
ardens et virens997. Butyrum et mel comedet998.
Butyrum e terra et ipsius pinguedo; mel e cælo
et ipsius chrisma. Figurata Incarnatio tot
Angelis humana specie apparentibus; ut solent
L'Eglise, dans l'oraison de la Messe
d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la
Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui
nous réjouissez chaque année par l'attente de
notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit
que le Sauveur serait l'attente des nations. De
même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et
Législateur, attente des nations et objet de leur
désir, venez nous sauver, Seigneur notre
Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant
Joseph: Les bénédictions de ton père ont été
corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à
ce que vienne le désir des collines éternelles,
c'est-à-dire le Christ. [157] Collines éternelles;
les Pères l'entendent des Patriarches et autres
Saints éminents entre tous; à mon avis, ce sont
les Anges.
Certes, comme il devait être le salut de
tous, il fut attendu par tous, surtout en cette
nuit. Admirable attente de la Vierge: Qui me
donnera de vous avoir pour frère, allaité au
sein de ma mère, afin que je vous trouve
dehors, que je vous baise et. que désormais
personne ne me méprise? Préparez donc vos
cœurs au Seigneur.
1. Votre intelligence, par la foi à un
double mystère. Le premier est celui de
l'Incarnation. Le Christ a deux natures, la
divine et l'humaine; celle-là incarnée, celle-ci
empruntée, sans que l'une éclipse ni détruise
l'autre. Tel le buisson ardent et verdoyant. Il
990 (Ms. p. 126, verso)
991 Voir note (812), p. 129.
992 Gen., XLIX, 10; cf. Agg., II, 8.
993 Ant. ad Mag., die 23 Dec.
994 Gen., XLIX, 26.
995 Cant., ult., 1.
996 I Reg., VII, 3.
997 Exod., III, 2.
998 Is., VII, 15.
130/342

14 Pages 131-140

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14.1 Page 131

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principes colore sponsæ vestire adolescentes.
Secundum, virginitatis. Multa hactenus dixi,
nunc etiam occurrit mirra; nam et Maria mirra
maris est dicta, at mirra virginaliter parit
stactem et mirram primam (Fasciculus mirrhæ
Dilectus meus mihi999), nam intacta, sudoris
instar, stillat. Sic lilium guttas grani [158]
instar fundit. Apes e cælo advehunt in favum
semen, sic Spiritus Sanctus in uterum Virginis.
Mira fœcunditas quæ virginitate non
impeditur, mira virginitas quae fœcunditate
sanctificatur1000.
2°. Voluntatem, piis affectibus.
Quatuor genera hominum. Aliqui nolunt
venire: hæretici et infideles. Alii veniunt aliud
agentes, ut mali Christiani. Alii veniunt
adoraturi, ut pastores et reges. Alii mansuri, ut
Beata Virgo et Sanctus Joseph. Alii ut Angeli,
qui discedentes non discedunt, ut optimi
prædicatores; adoraverunt enim Dominum
juxta illud1001: Et adorent eum omnes Angeli
ejus, et etiam aliis prædicaturi discedunt, non
tamen discedentes, quia spiritu remanent.
Religio oblatorum est hæc spelunca
Bethleem; unde et Beata Paula ibi religionem
fundavit. Mira religio! Notate quædam
stupenda:
Votum castitatis: Pascitur inter
lilia1002. Indica mihi ubi pascas, ubi cubes in
meridie1003. Vide Gisler1004. Et quidem magna
fœcunditas: Venter tuus sicut acervus tritici,
vallatus liliis1005. Adducentur Regi virgines
post eam1006. [159]
Obedientia mira. Superior in ista
religione omnium minimus, Joseph; Angelus
tamen eum semper alloquitur. Et iste superior
parum quidem providus videri potuit, qui
imparato hospitio venit; tamen, nemo
murmurat.
Paupertas maxima. Nemo quicquam
habet meum et tuum; si enim habere
debuissent, maxime Maria Puerum, nam erat
vere suus Filius: non habet tamen, sed, Pater
mangera le beurre et le miel. Le beurre vient
de la terre, il en est la graisse; le miel, du ciel
dont il est le chrême. L'Incarnation figurée par
un si grand nombre d'Anges apparaissant sous
la forme humaine; ainsi les princes ont
coutume d'habiller leurs pages aux couleurs de
leur épouse. Le second [mystère], celui de la
virginité. Nous avons déjà donné bien des
comparaisons à ce sujet, et voici maintenant
celle de la myrrhe; car Marie est aussi appelée
myrrhe de la mer; or la myrrhe produit comme
virginalement sa goutte et la myrrhe première
(Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe),
car elle perle comme une sueur sans qu'on la
presse. Tel le lis qui verse des gouttes
semblables à une graine. Les abeilles apportent
du ciel un [158] germe dans le rayon, ainsi
l'Esprit-Saint dans le sein de la Vierge.
Admirable fécondité qui n'empêche pas la
virginité, admirable virginité que sanctifie la
fécondité.
2. Votre volonté, par de pieux
sentiments. Quatre sortes d'hommes. Les uns
ne veulent pas venir, ce sont les hérétiques et
les infidèles. D'autres viennent en cherchant
autre chose, ce sont les mauvais Chrétiens.
D'autres pour adorer, comme les bergers et les
rois. D'autres pour demeurer, comme la
Bienheureuse Vierge et saint Joseph. D'autres
enfin comme les Anges, qui en s'éloignant ne
s'éloignent pas, semblables aux excellents
prédicateurs (car ils adorèrent le Seigneur,
d'après ce qui est dit: Et que tous ses Anges
l'adorent), ils se retirent pour prêcher à
d'autres, sans toutefois s'éloigner parce qu'ils
demeurent en esprit.
Cette grotte de Bethléem est une
congrégation d'oblats; c'est pourquoi la
bienheureuse Paule y fonda aussi une
communauté. Admirable forme de vie
religieuse! Remarquez-en certaines
merveilles:
Le vœu de chasteté: Il se repaît parmi
les lis. Indiquez-moi où vous paissez, où vous
reposez au midi. Voir Ghisler. Et en même
999 Cant., I, 12.
1000 Cf. S. Bern., hom. I super Missus est, §9.
1001 Heb., I, 6; Psalm. XCVI, 7.
1002 Cant., II, 16, VI, 2.
1003 Ibid., I, 6.
1004 Comm. in Cant., ad locum.
1005 Cant., VII, 2.
1006 Ps. XLIV, 15.
131/342

14.2 Page 132

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tuus, inquit, et ego dolentes qucerebamus
te1007.
Porro, ex tribus membris religionis
constabat: superiore, Josepho; professa, Maria;
et Christo novitio. Infirmaria, Maria, quæ
collyria lactea infirmo Puellulo dabat. Non
habebant portinariam, quia sub dio.1008
Incipiebat antiphonas lugubres sed amabiles
Puer. Maria plurima obibat officia: infirmaria,
vestiaria, etc.
Sed videamus novitium istum, quam
pulcre abnegat seipsum. Nam est sicut rex
apum, nascitur alatus; et tamen mira
simplicitate observat silentium. Recte loqui
norat, et infans est, etc. [160]
temps une grande fécondité: Ton sein est
comme un monceau de froment entouré de lis.
Des vierges seront, à sa suite, amenées au Roi.
[159]
Obéissance admirable. Le supérieur
dans cette religion est le moindre de tous,
Joseph ; l'Ange cependant s'adresse toujours à
lui. Et ce supérieur pouvait paraître bien peu
prévoyant, puisqu'il vient à un asile qui n'était
pas préparé; néanmoins, personne ne
murmure.
Extrême pauvreté. Personne n'a du
mien ou du tien; si quelqu'un avait dû posséder
quelque chose en propre, c'eût été sans doute
Marie qui aurait eu le divin Enfant, car il était
son vrai Fils : cependant, elle ne se le réserve
pas; mais: Votre père, dit-elle, et moi vous
cherchions tout affligés.
Dans cette famille sont représentées les
trois classes de personnes qui composent une
communauté: supérieur, Joseph; professe,
Marie; novice, le Christ. Infirmière, Marie, qui
donnait son lait au faible petit Enfant, comme
un tonique bienfaisant. Il n'y avait pas de
portière parce qu'on était en plein air. L'Enfant
entonnait de tristes mais aimables antiennes.
Marie exerçait quantité d'offices: infirmière,
robière, etc.
Mais voyons ce novice, comme il se
renonce bien lui-même. Il est comme le roi des
abeilles, il naît avec des ailes; et pourtant il
observe le silence dans une merveilleuse
simplicité. Il savait bien parler, et le voilà
enfant, etc. [160]
1007 Lucæ, II, 48.
1008 Le Saint a écrit et biffé ensuite ici dans l'Autographe les trois mots suivants «Magister chori, Christus.»
132/342

14.3 Page 133

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CIII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie
6 janvier 1615
(INÉDIT)
1009AD FESTUM EPIPHANIÆ, AD
SORORES VISITATIONIS, 1615
DE ADORATIONE CHRISTI A MAGIS
De Christi adoratione antiquissimum
omnium est præceptum, et de non adorando
Christo antiquissima hæresis. Jam Angelis
factum fuit hoc præceptum1010, et ex illius
prævaricatione ceciderunt. Unde et Angeli
omnium primi Christum adorant: Gloria in
altissimis Deo1011. Unde in scala Jacob Angeli
ascendunt et descendunt1012, unde Angeli in
corporibus humanis libentissime cum
hominibus conversati sunt. Deinde a
pastoribus1013 tanquam a fidelibus. Nunc
autem a paganis. Hujus autem ultimæ
adorationis1014 Ecclesia festum celeberrimum
agit, quia in primitiis Gentilium ipsa adoravit
Dominum. [161]
Hæc autem celeberrima est adoratio.
Quod a Magis: Non inveni tantam fidem in
Israel1015. Virga Aaronis florida est1016, et
magnum miraculum videre e silice aquam1017.
Antracite en l'eau et en l'huile1018.
Quod in infantia, mirum. Joseph infans
vidit se adorandum, et propterea
persecutionem passus1019. Rex noster Rex est
in nativitate, Rex in morte et moriens. David,
Abiathar1020, Bersellii1021. Rubis d'Ægipte1022.
Sed quomodo cognoverunt et non dubitarunt?
Apelles, Parrasius1023.
POUR LA FÊTE DE L'ÉPIPHANIE, AUX
SŒURS DE LA VISITATION, 1615
DE L'ADORATION DU CHRIST PAR LES
MAGES
Adorer le Christ est le plus ancien des
preceptes; lui refuser l'adoration, la plus
ancienne des heresies. Deja ce commandement
avait ete fait aux Auges, sa violation fut cause
de leur chute. Aussi, les Anges sont-ils les
premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au
plus haut des cieux. De meme, les Anges
montent et descendent l'echelle de Jacob, et,
sous une fonne humaine, ils conversent tres
volontiers avec les hommes. Eusuite, viennent
les bergers qui representent les fidMes.
Maintenant, c'est le tour des payens. L'Eglise
celebre cette derniere adoration par une fête
des plus solennelles, car dans ces premices de
la gentilite, elle-même adora le Seigneur. [161]
Cette adoration a une immense portée.
Ce sont des Mages qui adorent: Je n'ai pas
trouvé une si grande foi dans Israël. La verge
d'Aaron a fleuri, et c'est un grand miracle que
de voir l'eau jaillir du rocher...
C'est merveilleux qu'ils adorent un
enfant. Joseph enfant prévit qu'on devait
l'adorer, il en souffrit persécution. Notre Roi
est roi dans sa naissance, roi dans sa mort et en
mourant. David, Abiathar, Berzellaï... Mais
1009 (Ms. p. 31, recto)
1010 Ps. XCVI, 7; Heb., I, 6.
1011 Lucæ, II, 14.
1012 Gen., XXVIII, 12.
1013 Lucæ, II, 15, 16, 20.
1014 Sans biffer le mot apparitionis écrit en premier lieu, le Saint a ajouté dans l'interligne adorationis qui semble
representer l'idee à laquelle il s'est definitivement arrêté.
1015 Matt., VIII, 10.
1016 Num., XVII, 8.
1017 Exod., XVII, 6; Num., XX, 11.
1018 Plin., Hist. nat., 1. XXXVII, c. VII (al. XXVII); sed aliter.
1019 Gen., XXXVII, 7-11.
1020 II Reg., XV, 29.
1021 Ibid., XVII, 27-29.
1022 Plin., Hist. nat., 1. XXXVII, c. VII (al. XXX).
1023 Ibid., l. XXXV, c. X (al. XXXV).
133/342

14.4 Page 134

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Quod e longinquo. Regina Saba.
Attractio amoris.
Quod munera prætiosa, aurum, thus,
mirram1024. Ut in concione 16091025; paulo
tamen aliter, ut nova videri possit conceptio.
Specie tua et pulchritudine tua1026.
Adhortatio de stella vocante et gratia
excitante; ad illa verba: Oleum effusum; ideo
adolescentulæ; indica mihi1027. [162]
comment le reconnurent-ils sans hésitation?
Apelles, Parrhasius.
Ils viennent de loin. La reine de Saba.
Attraction de l'amour.
Ils offrent des dons précieux, de l'or, de
l'encens, de la myrrhe. Voir le sermon de 1609;
y faire cependant quelques légers
changements, afin que l'idée puisse paraître
nouvelle. Dans votre dignité et votre beauté.
Exhortation au sujet de l'étoile qui
appelle et de la grâce prévenante; à ces mots:
Une huile répandue; aussi les jeunes filles;
montrez-moi, etc. [162]
1024 Matt., II, 11.
1025 Vide supra, p. 38.
1026 Ps. XLIV, 5.
1027 Cant., I, 2, 6.
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14.5 Page 135

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CIV. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le deuxième
Dimanche de Carême
20 mars 16151028
(INEDIT)
3 DIE VENERIS, IN VIGILIA DIEI
SANCTI BENEDICTI ET BEATI AMEDEI
Alexander Magnus pœnitentiam egit
quia occiderat Clytum, sed potius debuerat
pœnitere de ebrietate. Verum abscondit idolum
sub veste, nam tous les courtisans l'excuserent.
Vide Calepinum1029 in verbo Clytus.
Duplex conditio veræ attritionis: 1a, ut
se extendat ad omnia peccata. Toute la ville de
Hierico est anatheme; Achan retient une
langue ou verge d'or, une [163] manteline
babilonienne et deux cens sicles1030. Sic
plerumque nostri confitentes et pœnitentes:
habent linguam auream, sed retinent suam
serpentinam; habent vestem babilonicam qua
operiunt malos habitus suos; habent ducentos
siclos argenti, sed retinent alienos. Unde hæc
lingua, vestis et summa non offertur Domino,
sed aufertur; ham deberent hæc omnino
inservire veritati, non vanitati.
Effunde sicut aquam cor tuum ante
conspectum Domini1031: reliqui humores
relinquunt vel saporem vel pinguedinem, etc.;
at aqua effusa nihil. Jacob, Gen. 351032: Auferte
deos alienos de medio vestri, et mundamini ac
mutate vestimenta vestra. Dederuntque ei
omnes deos alienos quos habebant, et inaures;
at ille infodit ea subter therebinthum. Gen.
271033: Cumque ejulatu magno fleret, motus
Isaac, etc. Non invenit pœnitentiæ locum,
quamvis cum lacrimis inquisisset eam; Heb.
121034. Sed petis utrum omnium peccatorum
IIIE VENDREDI, VEILLE DE SAINT
BENOIT ET DU BIENHEUREUX
AMÉDÉE
Alexandre le Grand se repentit d'avoir
tué Clitus; il aurait dû plutôt se repentir de son
ivresse. Mais il cacha l'idole sous son habit, car
tous les courtisans l'excusèrent. Voir Calepin,
au mot Clitus.
Double condition de la véritable
attrition: 1re, qu'elle s'étende à tous les péchés.
[Reprendre au texte, lig. 6.] [163]
Il en va souvent de même de nos
pénitents quand ils se confessent: ils ont une
langue d'or, mais ils retiennent leur langue de
serpent; ils ont un vêtement babylonien pour
couvrir leurs mauvaises habitudes; ils ont deux
cents sicles d'argent, mais ils retiennent
l'argent des autres. C'est pourquoi cette langue,
ce vêtement, cet argent ne sont pas offerts,
mais ravis au Seigneur, car tout cela devrait
servir à la vérité, non à la vanité.
Répands ton cœur comme de l'eau en
présence du Seigneur: les autres liquides
laissent après eux quelque saveur ou de la
graisse, etc.; mais l'eau répandue ne laisse rien.
Jacob: Emportez les dieux étrangers qui sont
au milieu de vous, purifiez-vous et changez vos
vêtements. Et ils lui donnèrent tous les dieux
étrangers qu'ils avaient, et les pendants
d'oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe...
Comme il pleurait en jetant de grands cris,
Isaac ému, etc. Il ne trouva pas lieu au
1028 La date de ce sermon est déterminée par la coïncidence de la férié avec la vigile indiquée dans le titre. La même
coïncidence, il est vrai, se renouvela en 1620; mais ce qui autorise à penser que ce sermon appartient plutôt au Carême
de 1615, c'est que, en cette dernière année, le Saint paraît avoir prêché une série d'instructions sur la pénitence, ainsi
que le prouve le discours CVI. La pagination du Ms. ne peut venir en aide à nos conjectures, car le haut de la page a
été coupé. L'Auteur a laissé ce fragment inachevé.
1029 Lexicon.
1030 Josue, VII, 1-21.
1031 Thren., II, 19.
1032 Vers. 2, 4.
1033 Vers. 38, 39.
1034 Vers. 17.
135/342

14.6 Page 136

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sequaliter. Minime: Libera me de sanguinibus,
Deus, Deus1035, etc. Moses, manum suam in
sinum, et facta est leprosa1036; mitte manum
tuam in cor tuum, in sinum tuum; et fiat
commotio. Ramesses, prima statio
Hebræorum1037, Hieron.1038: commotio tineæ.
[164]
2a conditio; ut procedat a motivo
Christiano. Timui eo quod nudus essem. Deus:
Quis indicavit tibi1039? etc. Virga Mosis,
apprehensa cauda1040. Exitus peccati mors1041;
delectatio parit infinitam poenam. Sed quæres:
Num sufficiat? Non sufficit. Cumque ejulatu;
supra. Baculus Helisæi1042. Judas.
………………………………………….[165]
repentir, bien qu'il l'eût sollicité avec larmes.
Mais tu demandes s'il faut avoir un égal
repentir pour tous les péchés. Assurément non.
Délivrez-moi du sang versé, ô Dieu, Dieu, etc.
Moïse met sa main dans son sein, et elle se
couvre de lèpre; mets ta main dans ton cœur,
dans ton sein, et la commotion se fera.
Ramessès, première étape des Hébreux,
signifie selon saint Jérôme, commotion de la
teigne. [164]
2me condition; qu'elle procède d'un
motif chrétien: J'ai craint parce que j'étais nu.
Dieu: Qui t'a appris que, etc. La verge de
Moïse saisie par l'extrémité. L'effet du péché
est la mort; la délectation produit une peine
éternelle. Mais, demanderas-tu, suffit-il que le
motif de l'attrition soit chrétien? Cela ne suffit
pas. En jetant des cris; voir plus haut. Bâton
d'Elisée. Judas.
………………………………………….[165]
1035 Ps. I, 16.
1036 Exod., IV, 6, 7.
1037 Ibid., XII, 37.
1038 Ep. LXXVIII, ad Fabiol., circa init.
1039 Gen., III, 10, 11.
1040 Exod., IV, 4.
1041 Cf. I Cor., XV, 55, 56.
1042 IV Reg., IV, 29, 31.
136/342

14.7 Page 137

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CV. Fragment d'un sermon pour le troisième Dimanche de
Carême
22 mars 1615
(INÉDIT)
1043DE ORATIONE. AD SORORES
VISITATIONIS
DOMINICA 3 QUADRAGESIMÆ, 1615.
LECT. 1
SUR LA PRIÈRE. AUX SŒURS DE LA
VISITATION
IIIE DIMANCHE DE CARÊME, 1615. 1RE
LEÇON
Philo Judæus, ut scribit Eusebius1044,
scripsit librum de Vita contemplativa seu de
Vita supplicum, quos et therapeutas (id est,
medicos, curatores) seu cultores interprætatur.
Vide Divum Dionisium, c. 61045. Hier.
Ecclesiast.; cultores ibi appellat etiam
monachos. Itaque monachi, cultores et
supplices idem, oratores, oratio.
Hujus necessitatem non dicam.
Opportet semper orare et nunquam deficere;
Luc. 181046. Luc. 211047: Vigilate itaque, omni
tempore orantes. 1. ad Thess. 51048: Sine
intermissione orate, etc. Dominus docuit [166]
orare1049. Duo hæretici: Euchitæ, Messaliani,
qui omnia oratione confici nihilque aliud
necessarium;
Pelagiani
auferebant
necessitatem orationis. Wiclef Joannes.
Quid est oratio? Dupliciter accipitur:
[1.] stricte pro petitione, et est petitio facta Deo
eorum quæ ab ipso cupimus; et petimus
tripliciter, ut in Inventario virtutum1050. 2.
Communiter: unde Sanctus Bonaventura1051:
«Oratio comprehendit omnes actus
contemplativæ.» Et sic Gregorius
[Nyssenus]1052: «Est conversatio cum Deo.»
Le juif Philon, au rapport d'Eusèbe,
écrivit un livre sur la Vie contemplative ou Vie
des suppliants, qu'il appelle thérapeutes (c'est-
à-dire médecins, guérisseurs), ou adorateurs.
Voir saint Denis qui, dans sa Hiérarchie
Ecclésiastique, chap. VI, appelle aussi ces
adorateurs, moines. Donc ces termes: moines,
adorateurs, suppliants ont la même
signification: ils éveillent l'idée de prieurs, de
prière.
Je ne parlerai pas de la nécessité de la
prière. Il faut toujours prier et ne jamais se
lasser. Veillez donc et priez en tout temps.
Priez sans interruption, etc. Le Seigneur a
enseigné à prier. Deux sortes d'hérétiques: les
[166] Euchites et Messaliens qui prétendaient
que la prière est tout, et qu'elle seule est
nécessaire, et les Pélagiens qui, au contraire, en
niaient la nécessité. Jean Wiclef.
Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux
acceptions: [1.] il est employé dans le sens
strict et signifie alors demande; c'est la
demande faite à Dieu de tout ce que nous
désirons de lui; or, nous demandons de trois
manières (voir l'Inventaire des vertus). 2. On
l'emploie dans un sens général, et c'est
1043 (Ms. p. 133, recto)
1044 Hist., 1. II, c. XVII.
1045 § 1, 3.
1046 Vers. 1
1047 Vers. 36.
1048 Vers. 17.
1049 Matt., VI, 9; Lucæ, XI, 1.
1050 Il est fait allusion ici à une dissertation sur les Vertus cardinales, qui déjà a été mentionnée dans le Traitté de
l'Amour de Dieu (voir tome V de notre Edition, note (1540), p. 483). Le Saint s'exprime ainsi: «Nous pouvons
demander une chose diversement, car nous la pouvons demander par droit de justice, comm'une debte; ou par droit
d'authorité, comm'un devoir; ou comm'une grâce et faveur, par le seul droit de libéralité, de courtoysie et de
bienveuillance.»
1051 In IV Sent., Dist. XV, Pars II, art. II, qu. IV; Centiloq., Pars III, sectio XLVI.
1052 Orat. I de Orat. Domin., circa init.
137/342

14.8 Page 138

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Sanctus Chrisostomus1053: «Est colloquium
cum Deo.» Damascenus1054: «Ascensio mentis
in Deum.» Augustinus1055: Ascensio mentis de
terrestribus ad cælestia. Hieronymus ad
Eustochium1056: «Oras, loqueris ad Sponsum;
legis, ille tibi loquitur;» De custodia
Virginitatis. Bernardus1057: «Verbum,
exemplum, oratio; major autem horum est
oratio1058.» Ista oratio est theologia
mystica1059.
Notate hos actus: cogitatio, studium,
meditatio, [167] contemplatio. Cogitatio
similis muscis, studium aux hanethons,
meditatio apibus, contemplatio, regi apum.
Duo primi nihil ad nos, tertius et quartus ad
orationem spectant, sed medium est inter hos
duos, petitio.
Finis orationis est unio cum Deo, nam
alioqui Deus non eget oratione; transfiguratio,
nam est ea quæ remanet in Cælo.1060 [168]
l'acception que lui attribue saint Bonaventure
quand il dit: «L'oraison comprend tous les
actes de la vie contemplative.» D'après saint
Grégoire de Nysse, «c'est une conversation
avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est
un colloque avec Dieu.» Saint Damascène:
«Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint
Augustin: Une ascension de l'âme qui monte
des choses terrestres aux choses célestes. Saint
Jérôme à Eustochium: «Quand tu pries, tu
parles à l'Epoux; quand tu lis, c'est lui qui te
parle.» (De la garde de la Virginité.) Saint
Bernard: «La parole, l'exemple, la prière, mais
la plus grande de ces trois choses c'est la
prière.» Cette prière est la théologie mystique.
Remarquez ces actes: pensée, étude,
méditation, contemplation. La pensée [167] est
une opération de l'intelligence qui ressemble
aux évolutions des mouches; l'étude aux travail
des hannetons; la méditation à celui des
abeilles; la contemplation au vol du roi des
abeilles. Les deux premiers actes nous
importent peu, le troisième et le quatrième
concernent l'oraison. Or, l'irnpétration se
trouve entre ces deux derniers.
La fin de l'oraison est l'union avec
Dieu, car du reste, Dieu n'a pas besoin de nos
prières ; c'est la transfiguration de l'âme, car cet
acte persévérera au Ciel. [168]
1053 Orationes I et II De Precatione.
1054 De Fide Orthod., 1. III, C. XXIV.
1055 Liber de Spiritu et Anima (hodie in Append.), c. L.
1056 Ep. XXII, § 25.
1057 Ep. CCI, ad Bald.,§ 3.
1058 Cf. I Cor., XIII, 13.
1059 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. VI, cc. I, II.
1060 A la fin de ce fragment on lit: «Ita reliqui sermonem imperfectum;» «J'ai laissé ainsi ce sermon incomplet.» Ces
mots semblent avoir été ajoutés plus tard, probablement en 1622, si on en juge par la manière dont ils se rattachent à
cette note placée en tète du sermon qui suit sans nul intervalle: «Anno vero 1622, die prima maii... ita sermonem
scripsi.» Il sera donné en son lieu.
138/342

14.9 Page 139

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CVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le Dimanche de la
Passion
10 avril 1615
(INÉDIT)
1061DE PŒNITENTIA. PRO 6 DIE
VENERIS, 1615
DU LA PÉNITENCE. POUR LE VIE
VENDREDI, 1615
Baruch, 4. v. 28: Sicut fuit sensus vester
ut erraretis a Deo, decies tantum iterum
requiretis eum.
1. Superest ut aliquid dicamus de
confessione generali. Ea tribus casibus
necessaria: cum nulla fuit ex defectu
contritionis, ex defectu confessionis, ex
defectu satisfactionis, id est, voluntatis
satisfaciendi. Duobus temporibus: in articulo
mortis, et cum renovare volumus vitam1062.
Recogitabo tibi omnes annos meos [169] in
amaritudine animæ meæ1063. Exemplum de
confessione, apud Bus., verbo Confessio, ex
Sancto Joanne Climaco1064.
2. Satisfactio est punitio criminum
sponte suscepta. Duplex satisfactio: ad
rigorem, hanc non facimus; ad congruum, ut
cessio bonorum, se addicere, etc.
3. Num cognoscere possumus nos rite
pœnitentiam obiisse? Non possumus esse certi,
sed confidentes. 1.Signum ex Sancto. Basilio,
Regul. brevioribus1065: si ex animo possimus
dicere cum regio pœnitente: Iniquitatem odio
habui et abominatus sum, legem autem tuam
dilexi; [Ps.] 1181066. 2. Non adhæsit mihi cor
pravum1067. 3. Vidi prævaricantes et
tabescebam1068. Quis infirmatur et ego non
infirmor1069? D. Bernardus1070. Surge, tolle
lectum tuum et ambula1071: 1. Desiderium
Comme votre esprit vous a portés à
errer loin de Dieu, vous le rechercherez de
nouveau avec dix fois plus d'ardeur.
1. Il nous reste à dire quelque chose de
la confession générale. Elle est nécessaire dans
trois cas: quand les confessions précédentes
ont été nulles par défaut de contrition, par
défaut [d'intégrité] dans l'accusation, par
défaut de satisfaction, c'est-à-dire de volonté
de satisfaire. Elle est nécessaire en deux
circonstances: à l'article de la mort, et quand
nous voulons renouveler notre vie. Je
repasserai devant vous toutes mes années dans
l'amertume de mon [169] âme. Exemple de la
confession, d'après Bus., sous le titre
Confession, tiré de saint Jean Climaque.
2. La satisfaction est le châtiment du
péché, volontairement accepté. Il y a deux
sortes de satisfaction: l'une stricte, et celle-là
nous ne la faisons pas; l'autre qui a un certain
rapport avec la faute commise, comme
abandonner ses biens ou se livrer soi-même,
etc.
3. Pouvons-nous savoir si nous avons
fait une véritable pénitence? Nous ne pouvons
en avoir la certitude, mais bien la confiance.
Un premier signe, d'après saint Basile, Règles
abrégées, est si nous pouvons de tout notre
cœur dire avec le Roi pénitent: J'ai haï
1061 (Ms. p. 201, verso)
1062 En ces deux circonstances, la confession générale est, d'après notre Saint, d'une nécessité de convenance et non
pas d'une nécessité absolue. Pour saisir sa pensée à ce sujet, il suffit de consulter l'Introduction à la Vie devote, Ire
Partie, chap. VI, et une lettre qu'il écrivit à sainte Jeanne-Françoise de Chantal, en date du 14 octobre 1604.
1063 Is., XXXVIII, 15.
1064 Scala Parad., Gradus IV, initio.
1065 Respons. XII.
1066 Vers. 163.
1067 Ps. C, 3.
1068 Ps. CXVIII, 158.
1069 II Cor., XI, 29.
1070 Cf. Serm. CVI de Divers.; De Hum. Condit., c. IV.
1071 Matt., IX, 5, 6; Lucæ, V, 23, 24.
139/342

14.10 Page 140

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supernorum; 2. dominari carni et sensibus; 3.
ambulare, desiderium proficiendi.
4. Unicum certissimum est emendatio
vitæ. Magdalena, David. Propter David1072,
etc., Abiam dedit filium Asa, eo quod fecisset
rectum David in oculis Domini, et non
declinavit ab omnibus quæ præceperat [170]
ei, excepto sermone Uriæ Hetæi. Sed attendite,
non dico non posse vere pœnitentes non (sic)
iterum cadere, sed signum optimum esse non
cadere.
5. Hæc præcepta ad vitandam
recidivam. Bonam pœnitentiam facere; omnis
autem veram facit qui vere facit. Ab omni via
mala prohibui pedes meos, ut custodiam
mandata tua. A mandatis tuis intellexi:
propterea odivi omnem viam iniquitatis1073. E
contrario Job, 211074: Dixerunt Deo: Recede a
nobis, scientiam viarum tuarum nolumus. 4
Reg. 101075; Jehu ad Jonadab, filium Recab: Da
mihi manum, veni mecum. Avoir une
resolution absolue. Malade veut il sante?
Omnes volunt, sed vult et non vult piger1076.
Trop peu de tems on prend; on
n'examine pas bien son mal. Il y a difference
entre faire la confession pour changer sa
conscience, et pour changer toute sa vie. [171]
l'iniquité et je l'ai eue en abomination, et j'ai
aimé votre loi. 2. Le cœur pervers ne s'est pas
attaché a moi. 3. J'ai vu les prévaricateurs et
j'ai séché de douleur. Qui est infirme sans que
je sois infirme? Saint Bernard. Lève-toi, prends
ton lit et marche: 1. Excite en toi le désir des
biens célestes; 2. soumets ta chair et tes sens;
3. aie le désir d'avancer [dans la vertu].
4. Mais le signe le meilleur et le plus
certain, c'est l'amendement de la vie.
Madeleine, David. A cause de David, etc.,
Dieu donna à Abiam un fils, Asa, parce que
David avait fait ce qui était droit aux yeux du
Seigneur et qu'il ne s'était point détourné de
tout ce qu'il lui avait commandé, excepté en ce
qui concernait Urie l'Héthéen. Mais
remarquez que je ne dis pas que le vrai [170]
pénitent ne puisse pas retomber; je dis
seulement que ne pas retomber est un signe
excellent de conversion.
5. Voici des règles pour éviter la
rechute. Il faut faire une bonne pénitence. Or,
tous ceux-là font une vraie pénitence qui font
véritablement pénitence. J'ai détourné mes
pieds de toute voie mauvaise, afin de garder
vos commandements. Par vos commandements
j'ai acquis l'intelligence; c'est pourquoi j'ai haï
toute voie d'iniquité. Au contraire, selon Job,
[les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de
nous, nous ne voulons point de la science de
vos voies. Jéhu à Jonadab, fils de Réchab:
Donne-moi la main, viens avec moi. Avoir une
résolution absolue. Malade veut-il santé? Tous
veulent, mais le paresseux veut et ne veut pas.
[Reprendre au texte, lig. 14.] [171]
1072 III Reg., XV, 4, 5.
1073 Ps. CXVIII, 101, 104.
1074 Vers. 14.
1075 Vers. 15, 16.
1076 Prov., XIII, 4.
140/342

15 Pages 141-150

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15.1 Page 141

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CVII. Fragment d'un sermon à l'occasion de prières publiques
Mai 16151077
(INÉDIT)
10781615. CUM NOSTRI CUM HISPANIS
CONSERERENT MANUS IN
SUPPLICATIONE PUBLICA
1. Historia de somnio Judæ Macabæi, 2
Mac. 151079, cui Hieremias dedit aureum
gladium dicens: Accipe sanctum gladium,
munus a Deo, in quo dejicies adversarios
populi mei. Nicanor, dux Demetrii. Erat autem
pro uxoribus, etc.; maximus vero pro
sanctitate erat timor Templi. Nicanor cum
canticis et [172] tubis; Judas vero et Judæi,
manu pugnantes, sed Dominum cordibus
orantes1080; v. 19: Sed et eos qui in civitate
remanserunt non minima sollicitudo, etc.
2. De Heliseo moribundo et Joas rege
Israel. Manus Helisei super manibus regis:
Sagitta salutis, sagitta Domini; 4. Reg.
XIII1081. Iste Joas malus erat et hæreticus.
………………………………………….[173]
1615. PENDANT QUE NOS SOLDATS
LIVRAIENT BATAILLE AUX
ESPAGNOLS POUR UNE SUPPLICATION
PUBLIQUE
1. Histoire du songe de Judas
Machabée, à qui Jérémie donna un glaive d'or,
lui disant: Prends ce saint glaive, don de Dieu,
avec lequel tu extermineras les adversaires de
mon peuple. Nicanor, chef [de l'armée] de
Démétrius. Or, [leur moindre sollicitude] était
pour leurs femmes, etc.; mais leur plus grande
crainte était pour la sainteté du Temple.
Nicanor au milieu du bruit des [172] voix et
des trompettes; mais Judas et les Juifs
combattant des mains, et priant le Seigneur
dans leurs cœurs... Or ceux-là même qui
étaient restés dans la cité n'avaient pas une
moindre sollicitude, etc.
2. Elisée mourant et Joas roi d'Israël.
Les mains d'Elisée sur les mains du roi: Flèche
du salut, flèche du Seigneur. Ce Joas était
méchant et hérétique.
………………………………………….[173]
1077 D'après Guichenon (Histoire généalogique de la Savoie, chap. XXXVII), bien que la déclaration de guerre entre
l'Espagne et la Savoie eût été faite dès le mois de septembre 1614, les hostilités ne commencèrent sérieusement qu'au
printemps suivant. Vers le milieu de mai, les armées belligérantes étaient en présence devant la ville d'Asti. Ces
données permettent de supposer que ce fragment remonte à la même époque.
Il est écrit au haut d'une page, dont le reste est demeuré en blanc.
1078 (Ms. p. 105, recto)
1079 Vers. 12-16.
1080 Vers. 18, 25, 26.
1081 Vers. 14-17.
141/342

15.2 Page 142

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CVIII. Sommaire d'un sermon sur la Pénitence
5 juillet 16151082
Sermonem hunc generalem de qua re
melius instituam quam de hac pœnitentia, a
qua, per quam et ad quam omne Evangelium?
Nam, et ad hoc me movet Sanctus Joannis in
cujus ecclesia, Evangelium secundum
Ecclesiam Lugdunensem, Evangelium
secundum Romanam Ecclesiam: Nam ex hoc
eris homines capiens1083, et altaris majoris
consecratio. Nam et ipsum altare mistice
repræsentat cor: Sacrificium autem spiritus
contribulatus1084. Eia, audite me,
Lugdunenses, dicentem alacriter. [174] Sed in
hoc sermone generali de materia tam generali,
generalem Advocatam Christianorum
invocemus.
Nonne quos odisti, Domine,
oderam1085? Iniquos odio1086; Tabescere me
fecit1087; Declinate a me maligni1088. Heu! quot
mala peccatum inducit! Obstupescite1089, etc.
Lacus Asphaltites, Mare Mortuum. Peccatum
omnia mortua reddit aut mortificata. Unde
Sancti: Tabescere me fecit zelus meus1090.
Sanctus Franciscus, Christus [ipse], Sancta
Catharina Genuensis. Quare si Angeli essent
capaces tristitiæ, imo ipse Deus, morerentur, ut
cum esset mortalis ipse sane mortuus est.
Sed si ita est, quomodo Christus cum
peccatoribus et publicanis1091? Ut medicus;
non amore morborum, sed odio potius
morborum et amore infirmorum. Sic
Psaltes1092: Accingere gladio tuo, sagittæ tuæ
Dans cette prédication générale, de
quoi parlerai-je avec plus de convenance que
de la pénitence, sujet par lequel commence,
duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile?
Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y
invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit
aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le
romain; on y trouve ces mots: Désormais tu
prendras les hommes; et j'y suis encore invité
par la consécration de ce maître-autel, car
l'autel lui-même, au sens mystique, représente
le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit
affligé. Sus donc, Lyonnais, entendez celui qui
vous parle avec bonheur. Mais [174] pour un
entretien général qui doit être d'une générale
utilité, invoquons l'Avocate universelle des
Chrétiens.
Ceux que vous avez haïs, Seigneur, ne
les haïssais-j'e pas? J'ai haï les hommes
iniques. [Mon zèle] m'a fait sécher. Eloignez-
vous de moi, méchants. Hélas! que de maux a
attirés le péché ! Soyez frappés de stupeur, etc.
Le lac Asphaltite, mer Morte. Par le péché, tout
meurt ou est près de mourir. Aussi les Saints
disent-ils: Mon zèle m'a fait sécher. Saint
François, le Christ lui-même, sainte Catherine
de Gênes. C'est pourquoi si les Anges, si Dieu
lui-même pouvait s'attrister, il mourrait; Dieu,
du reste, quand il était mortel, en mourut.
Mais s'il en est ainsi, comment le Christ
fréquentait-il les pêcheurs et les publicains?
Comme médecin; non par amour du mal, mais
1082 Ce sermon est écrit sur un feuillet indépendant du grand Manuscrit de Turin, et ne porte aucune date. Celle-ci est
d'autant plus difficile à déterminer que des recherches très actives ont eu pour seul résultat de prouver que la
consécration du maître-autel de l'église Saint-Jean à Lyon a eu lieu le 9 juillet 1582; mais on sait que cette cérémonie
doit être renouvelée toutes les fois que l'autel consacré a subi des restaurations considérables. Il est donc assez
vraisemblable que ce cas s'est présenté en 1615 pour le grand autel de la Primatiale; car c'est la seule année de sa vie
apostolique où notre Saint se soit trouvé à Lyon le quatrième Dimanche après la Pentecôte, jour auquel ce sermon a
été prêché, comme on peut en juger par les allusions faites à l'Evangile de ce Dimanche.
1083 Lucæ, V, 10.
1084 Ps. L, 19.
1085 Ps. CXXXVIII, 21.
1086 Ps. CXVIII, 113.
1087 Ibid., v. 139.
1088 Ibid., v. 115.
1089 Jerem., II, 13.
1090 Supra.
1091 Matt., IX, 11.
1092 Ps. XLIV, 4, 6.
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15.3 Page 143

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acutæ, populi sub te cadent. Christus ut leo in
medio viarum, neminem timens1093; ut Marses
et Psilliens1094; id ita ipse significat. Ut
lætificet Angelos1095. Sed quomodo tam læta
esse possit pœnitentia? Virga Aaronis1096.
Folia ficus1097. Ut simiæ nuces aut castaneas
relinquunt, peccator dolet et de dolore gaudet.
Clytus; Alcibiades1098. [175]
Consecration de l'autel par eau, huile,
feu, reliques, croix, encens. Habemus altare;
Heb. 131099. Mat. 51100: Si offers munus tuum
ad altare, et ibi recordatus fueris quia.
Macc.1101, ignis Nehemias. Fixa manet
sententia: aut pœnitendum aut urendum. Stellæ
non lucent presente sole. Esd. 1. 3. Mal. 11102:
In omni loco sacrificatur, et offertur nomini
meo oblatio munda, quia magnum est nomen
meum in gentibus, dicit Dominus. 1. Mac.
41103: Ædificaverunt altare novum et
dedicaverunt. 2. Mac. 11104: Diem ignis. Joan.
101105. Anthonius Magnus1106. [176]
plutôt par haine du mal et par amour pour les
malades. C'est ainsi que chante le Psalmiste:
Ceignez votre glaive; vos flèches sont acérées,
les peuples tomberont a vos pieds. Le Christ
est comme le lion sur la route, il ne craint
personne; comme les Marses et les Psylliens.
Lui-même nous le donne à entendre. Pour
réjouir les Anges. Mais comment la pénitence
peut-elle être si réjouissante? Verge d'Aaron.
Feuilles de figuier. Comme les singes qui
abandonnent des noix ou des châtaignes, le
pécheur s'attriste et se réjouit de sa tristesse.
Clitus; Alcibiade. [175]
Nous avons un autel. Si tu présentes ton
offrande a l'autel et que là tu te souviennes
que, etc. Feu de Néhémie. La sentence est
irrévocable: ou se repentir ou brûler. Les
étoiles ne brillent pas en présence du soleil. En
tout lieu on sacrifie, et une oblation pure est
offerte a mon nom, parce que mon nom est
grand parmi les nations, dit le Seigneur. Ils
bâtirent un autel nouveau et le consacrèrent.
La fête du feu. Saint Antoine le grand. [176]
1093 Prov., XXVIII, 1.
1094 Plin., Hist. nat., 1. II, c. 11.
1095 Lucæ, XV, 7.
1096 Num., XVII, 8.
1097 Plutarch., Colloq. mensal., 1. VI, c. X.
1098 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. II, c. XVIII. Vide supra, p. 163.
1099 Vers. 10.
1100 Vers. 23.
1101 II, cap. X, 20-22.
1102 Vers. 11.
1103 Vers. 47-57.
1104 Vers. 18.
1105 Vers. 22.
1106 Vide S. Hier., in Vita S. Pauli Erem., sub finem.
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15.4 Page 144

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CIX. Sommaire d'un sermon pour la fête de la Purication
2 février 1616
(INÉDIT)
11071616. IN EODEM DIE1108, ANNESSII
OBLATIONIS CHRISTI ET
PURIFICATIONIS FESTUM COLIMUS
Historia Josephi nolentis videre fratres
nisi adducerent Benjamin1109. Sane, Deus
iratus nunquam placari poterat nisi ob
Christum venturum. Psal. 391110: Sacrificium
et oblationem noluisti, aures autem perfecisti
mihi. Heb. 10. v. 5: Corpus aptasti.
Holocaustum et pro peccato non postulasti;
tunc dixi: Ecce venio. Sane Caim obtulit de
frugibus terræ1111, tacet Scriptura fuisse
primitias. Ambrosius negat1112 nam impius
[177] pejora offerebat. At Abel, Heb. 111113:
Fide plurimam hostiam obtulit Abel quam
Cain Deo, id est, de primogenitis et adipibus.
Respexit ad Abel1114. Obtulit agnum, Christum
representantem, obtulit fide in Christum
venturum, obtulit primogenitum. Sic si eum
nobiscum ducamus, omnia in isto holocausto
impetramus; unde, cum inducerent Puerum
parentes: Nunc dimittis servum tuum,
Domine1115.
Sed quomodo offerri debet? Postquam
impleti sunt dies purgationis1116. Heliseus
jussit lavari septies1117. Septenarius hanc vitam
includit. Laventur pedes vestri1118; lavate
etiam Angeli si in carne vivant; unde Christus:
Qui lotus est, non indiget nisi ut pedes
lavet1119. Similitudo de caracteribus herbis in
hortis effigiatis quos opportet tondere.
1616. LE MÊME JOUR, ANNECY
NOUS CELEBRONS LA FÊTE DE
L'OBLATION DU CHRIST ET DE LA
PURIFICATION
Histoire de Joseph refusant de voir ses
frères à moins qu'ils ne lui amenassent
Benjamin. Assurément, un Dieu irrité ne
pouvait être apaisé que par le Christ à venir.
Vous n'avez pas voulu de sacrifice ni
d'offrande, mais vous m'avez rendu
parfaitement attentif a vos paroles. Vous
m'avez adapté un corps. Vous n'avez pas
demandé d'holocauste pour le péché; alors j'ai
dit: Me voici. Il est hors de doute que Caïn
offrit au Seigneur les fruits de la terre; mais
l'Ecriture ne dit pas que ce fussent les
prémices. Saint Ambroise le nie; car [177] cet
impie offrait [au Seigneur] des dons de
moindre valeur. Et d'Abel il est écrit dans
l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel
offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de
Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce
qu'il y avait de plus gras [dans son troupeau].
Dieu regarda Abel. Il offrit un agneau
représentant le Christ, il l'offrit avec la foi au
Christ à venir, il offrit un premier-né. Si nous
portons ainsi le Christ avec nous, il n'est rien
que nous n'obtenions par un tel holocauste.
C'est pourquoi, comme les parents de l'Enfant
le portaient [au Temple]: C'est maintenant,
1107 (Ms. p. 34, verso)
1108 Les mots In eodem die ont trait au sermon pour la fête de la Purification 1613 (voir p. 112), le fragment donné ici
étant écrit au verso du même feuillet.
1109 Gen., XLIII, 5.Vers. 7, 8.
1110 Vers. 7, 8.
1111 Gen., IV, 3.
1112 De Cain et Abel., 1. I, c. ult.
1113 Vers. 4.
1114 Gen., IV, 4.
1115 Lucæ, II, 27, 29.
1116 Ibid., v. 22.
1117 IV Reg., V, 10.
1118 Gen., XVIII, 4; juxta Septuag. et Vulgatam antiquam.
1119 Joan., XIII, 10.
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15.5 Page 145

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Alienigena unguibus pilisque1120, etc. Eva
excusat peccatum quod fecit, Maria purgat
quod non fecit. Simeon, ut cygnus1121 103
annorum, cum timore antea siluisset, nunc
cordis suavitate tactus vocem facit. Simeon,
obediens; Anna, gratia. Simeon obedit et portat
Christum a quo in æternitate portatur. [178]
Seigneur, que vous laisserez aller votre
serviteur.
Mais comment doit-il être offert? Après
que les jours de la purification sont accomplis.
Elisée ordonna [à Naaman] de se laver sept
fois. Le nombre sept représente le terme de
cette vie. Que vos pieds soient lavés. Aux
Anges mêmes, s'ils vivaient dans la chair, on
devrait dire: lavez vos pieds. C'est pourquoi le
Christ dit: Celui qui est pur n'a besoin que de
se laver les pieds. Similitude tirée des
caractères imprimés aux plantes dans les
jardins, caractères qu'il faut extirper. [On
devait couper] les ongles et les cheveux de
l'étrangère. Eve excuse le péché qu'elle a
commis; Marie se purifie de celui qu'elle n'a
pas commis. Siméon est semblable au cygne:
il s'était tu par crainte jusqu'à l'âge de cent trois
ans, maintenant son cœur étant doucement
touché, il fait entendre sa voix. Siméon signifie
obéissant; Anne, grâce. Siméon obéit et porte
le Christ par lequel il est éternellement porté.
[178]
1120 Deut., XXI, 12.
1121 Vide Plato., Phæd., ante med.; Cicer., Tuscul. 1. I, c. XXX.
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15.6 Page 146

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CX. Paraphrase du Psaume CXXIV
Juillet 16161122
(INÉDITE)
1123Vers. 3: Quia non relinquet
Dominus virgam peccatorum super sortem
justorum, ut non extendant justi ad
iniquitatem manus suas.
Post paraphrasim prsecedentium
versuum.
1°. Nota virgam peccatorum
tripliciter intelligi posse. 1. Virga
peccatorum, id est, virga qua peccatores
affliguntur; juxta illud1124: Multa flagella
peccatoris, [179] sperantem autem in
Domino misericordia circumdabit. Quo
loco vide Toletum1125, de differentia
flagellorum peccatorum et justorum. Hanc
interpretationem habet Titelmann1126. 2.
Virga, id est, sceptrum, dominatio; ita
communiter. 3. Virga, id est, persecutio,
flagellum quo peccator aflicit justum.
2o. Jam quaeritur quomodo hoc
verum sit. Nam plerumque videmus impios
et scelestos regnare, et obtinere potestatem
in justos. Verbi gratia: Joseph Putiphari,
Jacob Labano, Israelitæ Pharaoni
quadringentis annis, Achab vineam Naboth
obtinuit. Unde David, [Ps.] 721127: Mei
autem pene moti sunt pedes, quia zelavi
super iniquos, pacem peccatorum videns. In
labore hominum non sunt, et cum
hominibus non flagellabuntur. Ideo tenuit
eos superbia; operti sunt iniquitate et
Car le Seigneur ne laissera pas la verge
des pécheurs sur l'héritage des justes, de peur que
les justes n'étendent leurs mains vers l'iniquité.
Après la paraphrase des versets
précédents.
1. Notons qu'on peut entendre de trois
manières cette verge des pécheurs. 1. Verge des
pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après
cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent
le pêcheur, mais la miséricorde environne celui
qui espère dans le Seigneur. Voir sur ce point la
différence qu'établit Tolet entre les maux qui
frappent les pécheurs et ceux qui atteignent les
justes. Cette interprétation est celle de Titelmann.
2. Verge, c'est-à-dire sceptre, domination; et c'est
l'interprétation commune. 3. Verge, c'est-à-dire
persécution, mauvais traitement infligé au juste
par le pécheur.
2. Cherchons maintenant comment cette
parole se vérifie. Souvent nous voyons les impies,
les criminels régner et prévaloir sur les justes. Par
exemple, Joseph est soumis à Putiphar, Jacob à
Laban, et, pendant quatre cents ans, les Israélites
sont opprimés par Pharaon; Achab s'empare de la
vigne de Naboth. Aussi David dit-il: Mes pieds
ont presque chancelé parce que j'ai été ému de
zele contre les méchants, voyant la paix des
pécheurs. Ils ne participent point aux travaux des
hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres
hommes. C'est pourquoi ils sont devenus
1122 Nous lisons dans le Procès de Canonisation de saint François de Sales: «En l'annee mil six centz et seize, et environ
le moys de julliet, les habitantz d'Annessy, espouventés de la nouvelle qu'on leur donnoit que les ennemis de l'Estat y
vouloyent aborder du cousté de la Bourgongne, estoyent comme a demy mortz et esperdus; sur quoy ledict
Bienheureux, revenant de dehors, ayant faict appeller le peuple en l'esglise de Sainct François, il fit la predication
commençant par le Pseaulme: Qui confidunt in Domino, et remettant et disposant le peuple a la providence de Dieu,
il le rendit tellement consollé que tous unanimement estant reduicts hors de crainte et d'apprehention disoyent: Nous
avions peur en ceste ville parce que Monseigneur de Geneve n'y estoit pas. Apres que l'exhortation fut faicte, il fit luy
mesme la station et la bénédiction du saint Sacrement.» (Extrait de la déposition de Claude de la Frasse, Process.
remiss. Gebenn. (I), ad art. 33.)
Le Saint ordonna probablement en cette circonstance les prières des Quarante-Heures, pendant lesquelles il
aurait prêché plusieurs fois; car l'étendue de cette paraphrase, dont le commencement ne nous est pas parvenu, ne
permet pas de croire qu'elle ait été développée en an seul discours.
1123 (Ms. p. 200, recto)
1124 Ps. XXXI, 10.
1125 Sermo XII super Ps. XXXI.
1126 Elucid. in Ps., ad Pss. CXXIV, 3, XXXI, 10.
1127 Vers. 2, 3, 5, 6, 11-13.
146/342

15.7 Page 147

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impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit
Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi
peccatores et abundantes in seculo
obtinuerunt divitias. Et dixi: Ergo sine
causa justificavi cor meum. Hierem. 121128:
Quare via impiorum prosperatur?
1a responsio est Augustini in hunc
locum1129, expendentis non relinquet. Quia
in judicio, tunc dominantes [180] injuriose
privabuntur, et commutabit manus
Dominus (secernet oves ab hædis1130), et
Ephrahim præferetur Manasse, licet
Manasses sit senior1131. Tunc Joseph
præferetur fratribus. Gregorius1132.
Quomodo major esset1133 si malis male, et
bonis bene?
2a responsio. Non relinquet:
permittit quidem impios regnare, sed
expectans expectavi et intendit mihi1134.
Vidi impium exaltatum sicut cedros
Libani1135. Sic Israelitæ exeunt; sic Job, sic
Jacob, sic Joseph. Sic Jesabel1136 et omnes.
3a responsio est. Interdum
existimamus esse virgam peccatorum et est
virga Dei Patris. Virga tua et baculus tuus,
ipsa me consolata sunt; [Ps.] 221137. Sic
virga Aaron floruit1138; sic virga Mosis
accepta1139. Itaque non est virga
peccatorum, sed justorum, quia coluber
vertitur in virgam1140.
Benefac, Domine, bonis et
rectis corde.
Oratio hæc non videtur exaudita;
nam malis interdum, imo ut plurimum,
bene, bonis male cedit. Videte Job bonum et
justum, vide amicos ejus malos et injustos;
ille putrescit in sterquilinio, isti rident et
irrident coram [181] eo. Videte Abel et
Caim. Ille justus occiditur, iste vivit et
dominatur. Videte Apostolos et tirannos.
superbes; ils se sont couverts de leur iniquité et
de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le
sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance?
Voilà que ces pêcheurs eux-mêmes vivant dans
l'abondance, ont acquis des richesses. Et j'ai dit:
C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur...
Pourquoi la voie des impies est-elle prospère?
La première réponse est de saint Augustin
qui, traitant de ce passage, [180] explique les
mots: ne laissera pas. Au jugement, dit-il, ceux
dont la domination est injuste seront déchus, et le
Seigneur changera de main (il distinguera les
brebis des boucs), il préférera Ephraïm à
Manassès, bien que celui-ci soit l'aîné. Alors,
Joseph sera préféré à ses frères. Saint Grégoire.
S'il arrivait du mal aux mauvais, du bien aux bons,
où serait le plus grand?
Deuxième réponse. Ne laissera pas: il
permet, il est vrai, que les impies régnent, mais en
attendant j'ai attendu, et il m'a écouté. J'ai vu
l'impie élevé comme les cèdres du Liban. Ainsi les
Israélites sortent [de l'Egypte]; ainsi Job, Jacob,
Joseph [sont délivrés]. Ainsi Jézabel et tous les
autres [sont enfin punis].
Troisième reponse. Nous appelons
quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge
de Dieu notre Père. Votre verge et votre bâton
m'ont consolé. Ainsi la verge d'Aaron a fleuri, et
celle de Moïse a été agréée de Dieu. Elle n'est
donc pas la verge des pécheurs, mais celle des
justes, car le serpent s'est changé en verge.
Faites du bien, Seigneur, aux bons
et a ceux qui ont le cœur droit.
Cette prière paraît n'être pas exaucée; car
quelquefois, et même le plus souvent, les
méchants sont heureux et les bons malheureux.
Voyez Job, bon et juste; ses amis, méchants et
injustes: celui-là tombe en putréfaction sur [181]
un fumier, ceux-ci rient et se moquent de lui en sa
présence. Voyez Abel et Caïn. Celui-là, juste, est
1128 Vers. 1.
1129 Psalmi CXXIV.
1130 Matt., XXV, 32.
1131 Gen., XLVIII, 13-20.
1132 S. Gregor. Mag., Epist., l. XI, ep. XLV, et ubi infra, p. 184.
1133 Gen., XXV, 23.
1134 Ps. XXXIX, 1.
1135 Ps. XXXVI, 35.
1136 IV Reg., IX, 36.
1137 Vers. 5.
1138 Num., XVII, 8.
1139 Exod., IV, 2-4.
1140 Ibid., v. 4.
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15.8 Page 148

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Vide hæreticos et Catholicos; isti videntur
florere, occupant bona ecclesiastica, sunt
potentes, etc. In labore hominum non sunt
et cum hominibtis non flagellabuntur. Ideo
tenuit eos superbia; operti sunt iniquitate et
impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit
Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi
abundantes in seculo, obtinuerunt divitias.
Et dixi: Ergo sine causa justificavi cor
meum et lavi inter innocentes manus meas,
et fui flagellatus tota die et castigatio mea
in matutinis. Si dicebam: Narrabo sic, ecce
nationem filiorum tuorum reprobavi.
Existimavi ut cognoscerem hoc; labor est
ante me, donec intrem in sanctuarium Dei
et intelligam in novissimis eorum; Psal.
721141. Vide Ps. 36.
Videte Sanctissimum Joseph et
Beatissimam Virginem, lilia puritatis,
innocentiæ specula; quomodo ab Hærode
torquentur, in profectione Ægiptiaca
laborant, etc. Videte Justum justorum,
Christum Dominum.
1142Responsum. Beatus vir qui timet
Dominum, etc.; potens; gloria et divitiæ1143,
etc. Cum bono bonus eris, [182] cum sancto
sanctus eris, cum innocente innocens
eris1144. Gloriamini omnes recti corde1145.
Iis qui recto sunt corde1146.
Ad argumentum. 1. Ex Augustino,
passim super Psal.1147 ubi de rectis corde
agit. Rectum cor est quod concordat cum
Deo qui ipse rectitudo est et sequitas; itaque
quEecumque Deus vult illi grata sunt, etiam
tribulationes et afflictiones, et loco beneficii
ea accipit. Justus es, Domine, ait, et rectum
judicium tuum1148. Major serviet minori1149;
persequendo non obediendo. Sic medici et
chirurgi benefaciunt ægrotis illis male
faciendo. Non tam ad voluptatem quam ad
utilitatem respiciendum.1150
tué, celui-ci vit et prévaut. Voyez les Apôtres et
les tyrans. Voyez les hérétiques et les
Catholiques; les premiers sont florissants,
s'emparent des biens ecclésiastiques, sont
puissants, etc. Ils ne participent point aux travaux
des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les
autres hommes. C'est pourquoi ils sont devenus
superbes ; ils se couvrent de leur iniquité et de
leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-
il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voila
que [ces pécheurs] eux-mêmes vivant dans
l'abondance, ont obtenu des richesses. Et j'ai dit:
C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur
et que j'ai lavé mes mains parmi les innocents,
puisque j'ai été affligé tout le jour et châtié dès le
matin. Si je disais: Je parlerai ainsi, voilà que je
réprouverais la race de vos enfants. J'ai pensé
pénétrer ce mystère, mais un grand travail s'offre
à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de
Dieu et que je comprenne leur fin dernière... Voir
le Psaume XXXVI.
Voyez le très saint Joseph et la
Bienheureuse Vierge, ces lis de pureté, ces
miroirs d'innocence: Hérode les persécute, ils
souffrent dans la fuite en Egypte, etc. Voyez le
Juste des justes, le Christ Notre-Seigneur.
Réponse. Bienheureux l'homme qui craint
le Seigneur, etc.; [sa postérité sera] puissante; la
gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec
celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le
saint, vous serez innocent avec l'innocent.
Glorifiez-vous, vous tous qui avez le cœur droit.
A ceux qui ont le cœur droit.
Considérons la raison alléguée, 1. Je
répète ce que dit saint Augustin dans tous les
endroits de son Commentaire sur les Psaumes
il parle des cœurs droits. Le coeur droit est celui
qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice
même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est
agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et
des afflictions, et il les reçoit comme des
1141 Vers. 5, 6, 11-17.
1142 (Ms. p. 200, verso)
1143 Ps, CXI, 1-3.
1144 Ps. XVII, 26.
1145 Ps. XXXI, ult.
1146 Ps. LXXII, 1.
1147 Cf. Serm. XIII Append., §§ 3, 4.
1148 Ps. CXVIII, 137.
1149 Gen., XXV, 23.
1150 On remarque en plusieurs endroits de l'Autographe divers passages des saints. Pères intercalés dans les interlignes
par Mgr Jean-François de Sales. Les plus intéressants seront donnés sous forme de notes; tel le suivant:
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15.9 Page 149

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2. Vere tribulationes bonæ sunt, eas
propterea dilexit Dominus. Si tempestates
fierent ex margaritis, plerique eas
desiderarent in campis suis. At tribulatio
patientiam
operatur,
patientia
probationem, probatio [183] vero spem,
spes autem non confundit1151. Fasciculus
mirrhæ dilectus meus mihi1152. Omnia
cooperantur in bonum1153. Dicite justo
quoniam bene1154. Apprehende caudam
ejus; et vertebatur in virgam1155.
3.
Augustinus
solvit1156:
Existimabam ut cognoscerem hoc; labor est
ante me, donec intrem in sanctuarium
Dei1157. Videbimus tunc quare malis bona et
bonis mala. Cum bonis mala, ideo fit ut si
quid deliquerint hic puniantur, non in
æternum; cum malis bona, ut hic mercedem
accipiant qui æterna digni non sunt. Vide
quæstionem apud Gregorium, 1. 5. Moral.,
c. 1, et Gretserum, 1. [V, c.] 4. De Cruce.
Nunc autem non est cur quæramus
cur bonis mala. Ideo Psaltes recte ait:
Benefac, Domine, bonis et rectis corde; non
eo modo quo judicamus nos, sed fac bene
secundum tuam voluntatem et secundum ea
quæ apud te bona sunt etiam in hoc seculo,
ut cruces, tribulationes, etc., et in futuro in
quo vere est bonum: Ingredere in requiem
tuam, quia Dominus benefecit tibi11581159
[184]
Cæterum boni sunt ii quos Deus
bonus facit bonos. Sed nonne idem est
bonus et rectus corde? Sane bonitas est
quædam naturalis: Sortitus sum animam
bienfaits. Vous êtes juste, Seigneur, dit-il, et votre
jugement est droit. Le plus grand servira le plus
petit; en l'éprouvant, non en lui obéissant. Ainsi,
en faisant souffrir les malades, les chirurgiens et
les médecins leur font du bien. Il faut moins
regarder au plaisir qu'à l'avantage.
2. Les tribulations sont vraiment un bien,
et c'est pour cela que le Seigneur les a aimées. Si
la tempête faisait pleuvoir des perles, la plupart la
désireraient pour leurs champs. Or, la tribulation
produit la patience, la patience l'épreuve, [183] et
l'épreuve l'espérance; or l'espérance ne confond
point. Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de
myrrhe. Tout coopère au bien. Dites au juste que
tout est bien. Prends-le par la queue; et il se
changeait en verge.
3. Saint Augustin résout ainsi la difficulté:
J'ai pensé pénétrer ce mystère; mais un grand
travail s'offre à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le
sanctuaire de Dieu. Nous verrons alors pourquoi
les méchants ont été heureux et les bons
malheureux. Les bons souffrent pour expier en ce
monde et non dans l'éternité les fautes qu'ils
auraient commises; les mauvais sont heureux et
reçoivent ainsi une récompense temporelle, eux
qui ne sont pas dignes de l'éternelle. Voir cette
question dans saint Grégoire, liv. V de ses
Morales, chap. I, et Gretser, liv. V, chap. IV De
la Croix.
Il est donc désormais inutile de demander
pourquoi des malheurs arrivent aux bons. Aussi
c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du
bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur
droit; faites ce bien non pas de la manière que
nous jugeons, mais selon votre volonté et selon
«Chrysost.: Munus majus est pro Christo pati quam mortuos suscitare et miracula facere; nam illic debitor
sum; hic vero debitorem habeo Christum. Hom. 6. De Cruce
«C'est une plus grande grâce de souffrir pour le Christ que de ressusciter les morts et de faire des miracles;
car dans le premier cas je suis le débiteur du Christ, mais dans le second, le Christ lui-même devient mon débiteur.»
1151 Rom., V, 3-5.
1152 Cant., I, 12.
1153 Rom., VIII, 28.
1154 Is., III, 10.
1155 Exod., IV, 4.
1156 Enarrat. in Ps., in locum seq.
1157 Ps. LXXII, 16, 17.
1158 Ps. CXIV, 7.
1159 Addition de Mgr Jean-François de Sales. «Sanctus Franciscus: Accause des biens que j'attens, les travauls me
sont passetems; mes piedz, vous foulleres les estoylles. Momentaneum hoc et leve tribulationis nostræ, æternæ pondus
gloriæ operatur in nobis. D. Hieron. de Sancto Ignatio: Ignis, crux, bestiæ, contritio ossium, separatio membrorum,
totius corporis confractio, etiam omnia tormenta diaboli in me veniant, tantum Christo fruar. Ibant Apostoli
«Notre tribulation présente, momentanée et légère opère en nous le poids d'une éternelle gloire. Saint Ignace
s'écriait, au témoignage de saint Jérôme: Que le feu, la croix, les bêtes féroces, la fracture des os, la séparation des
membres, le brisement de tout le corps, et même les tourments provenant de la rage du démon m'accablent à l'envi,
pourvu que je jouisse du Christ. Les Apôtres s'en allaient
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15.10 Page 150

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bonam, Sap. 8, d1160, et cum magis essem
bonus, veni ad corpus incoinquinatum.
Neque memini me legisse in Scripturis
quemquam hominum bonum vocari ea
bonitate quæ supernaturalis est, quamvis
bonæ voluntatis1161 invenerim. Nemo bonus
nisi solus Deus1162, quia scilicet bonitas est
proprietas enti intrinseca et absoluta. Ergo
addidit et rectis corde, explicationis gratia.
Dedinantes autem in obligationes adducet
Dominus cum operantibus iniquitatem: pax
super Israël.
Declinant qui non sunt recti corde;
declinant a via, errant a semita veritatis1163.
1. In obligationes. Sa1164, in vincula;
Geneb.1165, in colligationes; ilz
s'entortillent. [185] In laqueos incidunt,
telas aranearum texuerunt. Ut vermicum
bombices qui se suis operibus irretire non
cessant, cor pravis affectibus irretitur. Ilz
s'embarassent en leurs chemins comm'en
des labyrintes. 2. Hieronimus1166: in
pravitates, chemins tortus; erunt prava in
directa1167. Primus peccator, diabolus,
similitudinem serpentis assumpsit1168; quia
peccatores more serpentum inflectunt sese
nec recte procedunt, modo caput in dextram
modo in sinistram obliquant. 3. Caldaica:
obliquitates. Idem est. Non declinabitis ad
dextram et sinistram1169, claudicare in
utramque partem1170; ad dextram operando,
nam dextra est operatoria, ad sinistram
omittendo, nam ipsa est iners et inefficax.
Vel obliquant, modo bene modo male; ut illi
qui jurabant in Domino et jurant in
Melchon1171.
Adducet cum operantibus
iniquitatem. 1. Cum iis qui ex professo
peccatricem vitam agunt; vel, 2. cum
diabolis (qui paratus est diabolo1172).
qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce
monde, fût-ce en nous donnant des croix, des
tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve
le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le
Seigneur t'a comblé de bienfaits. [184]
Du reste, ceux-là sont bons que le Dieu
bon fait bons. Mais n'est-ce pas une même chose
être bon et avoir le cœur droit? Il existe certes une
bonté naturelle: J'avais reçu en partage une
bonne âme, et devenant bon de plus en plus, je
suis parvenu a conserver un corps sans souillure.
Et je ne me souviens pas d'avoir lu dans l'Ecriture
qu'un homme soit appelé bon de la bonté
surnaturelle, bien que j'aie trouvé le mot de bonne
volonté. Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul, c'est-
à-dire que la bonté est une propriété absolue et
intrinsèque à l'être. Aussi le Psalmiste ajoute-t-il
comme explication: et à ceux qui ont le cœur
droit.
Mais pour ceux qui se détournent dans les voies
obliques, le Seigneur les joindra a ceux qui
commettent l'iniquité: que la paix soit sur Israël.
Ceux-là se détournent qui n'ont pas le
cœur droit; ils se détournent de la voie, ils errent
loin du sentier de la vérité, 1. Dans les voies
obliques. Sa, dans les chaînes; Génébrard, dans
les liens; ils s'entortillent. Ils tombent dans les
[185] filets, ils ont tissé des toiles d'araignées.
Comme les vers à soie qui ne cessent de s'enlacer
dans leur propre travail, le cœur s'enlace dans les
mauvaises affections... 2. Saint Jérôme: dans la
perversité, chemins tortus; les voies détournées
deviendront droites. Le premier pécheur, le
diable, prit la forme d'un serpent, parce que les
pécheurs, comme les serpents, se replient sur eux-
mêmes, ne s'avancent pas directement, et
détournent leur tête tantôt à droite, tantôt à
gauche. 3. Chaldaïque: les voies obliques. Même
sens. Vous ne vous détournerez pas à droite et à
gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par
1160 Scilicet, antiqua divis. quarta capit. (Vers. 19, 20.)
1161 Luc., II, 14; Ephes., VI, 7.
1162 Marc., X, 18; Lucæ, XVIII, 19.
1163 Sap., V, 6; Baruch, IV, 12, 13.
1164 Annotat., in loc.
1165 Comm. in Psalm.
1166 Divina Biblioth., Liber Psalm.
1167 Is., XL, 4; Lucæ, III, 5.
1168 Gen., III, 1.
1169 Deut., V, 32.
1170 III Reg., XVIII, 21.
1171 Soph., I, 5. (Ms. p. 201, recto)
1172 Matt., XXV, 41.
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16 Pages 151-160

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16.1 Page 151

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Diabolus enim artifex est et operarius
architectonicus iniquitatis.
Pax super Israel. Historia Genes.
XXXII1173: luctatur cum Deo, inde nomen
accepit prævalentis ad Deum, vel principis
cum Deo; quod idem est, nam qui cum Deo
agit ut princeps, ipse pugnat faciendo Deum
sibi [186] subditum. Hinc Pereira1174,
Viegas1175, Cornelius1176 aiunt cum
Hieronymo1177 Israel idem esse quod
princeps cum Deo vel Dei. Versio vero
verborum ad finem omnium Bibliorum:
prævalens Deo.1178
l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par
l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien.
Ou bien, on marche d'une manière oblique en
faisant tantôt bien, tantôt mal; comme ceux qui
juraient par Dieu et jurent par Melchom.
Les joindra a ceux qui commettent
l'iniquité. 1. A ceux qui ouvertement mènent une
vie de péché; ou bien, 2. avec les démons (qui est
préparé pour le diable). Le diable est l'artisan,
l'architecte de l'iniquité.
Que la paix soit sur Israël. Voir l'histoire
rapportée dans la Genèse: Jacob lutta avec Dieu,
d'où son nom de puissant contre Dieu, ou de
prince avec Dieu, ce qui revient au même; car
celui qui agit en prince avec Dieu, dans [186] le
combat le rend son sujet. C'est pour cela que
Pereira, Viegas, Corneille disent avec saint
Jerome qu'Israël signifie prince avec Dieu ou de
Dieu. Mais à la fin de toutes les Bibles, ces mots
sont traduits par: puissant contre Dieu. [187]
1173 Vers. 24-28.
1174 Comm. in Gen., ad locum.
1175 Comm. in Apoc., ad cap. III, 9.
1176 Comm. in Gen., ad locum supra.
1177 Hebraic. Quæst. in Gen., ad locum.
1178 Addition de Mgr Jean-François de Sales. «Aug.,lib. de Prædestinatione Sanctorum, cap. 15: Prædestinata est
ista naturæ humanæ tanta et tam excelsa et summa subvectio, in quo attolleretur altius non habens; sicut pro nobis
ipsa Divinitas quousque se deponeret humilius non habuit quani suscepta natura hominis, cum infirmitate carnis usque
ad mortem crucis. Aug., lib. 15 de Trinitate, cap. 28: Multa dicimus et non pervenimus, et consummatio sermonum
universa tu es ipse. Cum pervenerimus ad te cessabunt multa illa quæ dicimus et non pervenimus; et manebis unus
omnia in omnibus, et sine fine dicemus unum laudantes te in unum, et in te facti etiam nos in unum.»
«Saint Augustin, livre de la Prédestination des Saints, chap. XV: Dieu avait predestine la nature humaine a
une elevation si grande, si magnifique, si sublime qu'il n'eût pu l'elever plus haut; comme la Divinite elle-meme ne
pouvait, en notre faveur, s'humilier plus qu'elle n'a fait en prenant la nature humaine avec la faiblesse de la chair, et
jusqu’a la mort de la croix. Saint Augustin, liv. XV de la Trinité, chap. XXVIII: Nous disons beaucoup de choses, et
nous ne parvenons pas [à exprimer la réalité], et vous etes vous-même la conclusion de tous nos discours. Lorsque
nous serons arrivés à vous qui etes notre fin, alors cesseront ces discours interminables. Vous seul resterez tout en
toutes choses, et sans fin nous vous proclamerons l'unique, et nous vous louerons dans 1'unité, car vous nous aurez
faits nous aussi un avec vous.»
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16.2 Page 152

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CXI. Fragment d'une homélie sur l'histoire de Jacob
16161179
(INÉDIT)
LECT. 10 AD VITAM PATRIARCHÆ
JACOB
LEÇON X SUR LA VIE DU PATRIARCHE
JACOB
Benedicens ergo illi, ait: Tu es filius
meus Esau? Respondit: Ego sum. At ille: Affer
inihi, inquit, cibos de venatione tua, fili mi, ut
benedicat tibi anima mea. Quos cum oblatos
comedisset, attulit ei etiam vinum; quo hausto,
dixit ad eum: Accede ad me, et da mihi
osculum, fili mi. Accessit, et osculatus est eum.
Statimque ut sensit vestimentorum illius [188]
fragrantiam, benedicens illi, ait: Ecce odor
filii mei sicut odor agri pleni cui benedixit
Dominus1180.
Explicatum est in aliis lectionibus, [1.]
cur venationem expetiverit Isaac, nempe quia
non inerti filio danda benedictio sed servienti.
2. Quid significet cibus ille et potus, nempe
Eucharistiam et bona opera, maxime
eleemosinam. 3. Quomodo non sit mentitus
Jacob dicendo se esse Esau. Hæc enim in
superioribus jam obviam habuimus; quæ
autem hujus textus propria sunt dicenda juxta
quadruplicem sensum.
1. Benedicens, id est, benedicere
volens. 2. Ut benedicat tibi anima mea.
Hebraismus, Pereira1181: ex animo, vel anima
pro homine, ut ego benedicam. Rebecca
referens eam sententiam ait: ut benedicam tibi
coram Domino1182; Pereira1183: id est, annuente
C'est pourquoi le bénissant, il dit: Es-
tu mon fils Esaü? Il répondit: Je le suis. Alors
Isaac lui dit: Apporte-moi de ta chasse, o mon
fils, afin que mon âme te bénisse. Lorsqu'il en
eut mangé, Jacob lui offrit aussi du vin; l'ayant
bu, Isaac lui dit: Approche-toi de moi, et
donne-moi un baiser, mon fils. Il s'approcha et
le baisa. Dès qu'Isaac eut senti le parfum de
ses vêtements, [188] il dit en le bénissant:
Voici que l'odeur de mon fils est comme l'odeur
d'un champ fertile que le Seigneur a béni.
Il a été expliqué dans les autres leçons,
[1.] pourquoi Isaac demanda de la venaison;
c'est qu'il voulait donner sa bénédiction à un
fils dévoué et non à un paresseux. 2. Ce que
signifient cette nourriture et ce breuvage, c'est-
à-dire l'Eucharistie et les bonnes œuvres,
surtout l'aumône. 3. Comment Jacob n'a pas
menti en déclarant qu'il était Esati. Nous avons
déjà touché ces points plus haut; mais ce qui
concerne proprement ce texte, nous
l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut
présenter.
1. Bénissant, c'est-à-dire, voulant bénir.
2. Afin que mon âme te bénisse. D'après Péreira
ce serait un hébraïsme qui signifie de tout
cœur, ou bien l'âme est prise pour l'homme:
afin que je te bénisse. Rébecca rapportant cette
parole dit: afin que je te bénisse devant le
1179 Nous lisons dans le Procès de Canonisation de saint François de Sales: «Il prescha une année entiere les festes et
Dimenches sans intervalle; et tous ses sermons estoient sur le subject de Jacob, recognoissant que cette matiere estoit
necessaire pour l'instruction de son peuple et pour leur enseigner ce qui estoit de la foy.» (Déposition de François
Favre, Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 35.)
Bien qu'il soit difficile de préciser d'une manière absolument certaine quelle est l'année de son épiscopat que
notre Saint a consacrée à traiter ce sujet, on peut indiquer avec assez de vraisemblance l'année 1616 qu'il passa presque
tout entière à Annecy; car, en dehors des deux sermons qui précèdent, rien ne nous a été conservé de cette période.
D'autre part, dans un discours prêché à Grenoble le premier vendredi de Carême 1617, le Saint fait allusion à ses
prédications sur Jacob, et d'après l'écriture et la pagination du Ms. elles ne peuvent être de beaucoup antérieures à
cette station. La plupart des discours de cette série ne nous sont pas parvenus.
1180 Gen., XXVII, 23-27.
1181 Comm. in Gen., ad locum.
1182 Gen., XXVII, 7.
1183 Ubi supra.
152/342

16.3 Page 153

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et favente Domino. Gen. 61184: Corrupta est
terra coram Domino. [Ibid.,] 131185: Sodomitæ
pessimi erant coram Domino nimis. (Coram
Domino in bonis, id est, de la part de Dieu et in
ejus nomine; in malam partem, id est, contra
Dominum. Ut Num.1186, coram sole esse est
illuminari; et si peccaverit in te1187 (id est,
coram te), contra vos; id est, in aspectum, et
vicissim in aspectu, id est, contra. Sic [189]
namque dicendum in iis quae contraria sunt ut
in iis quæ consona: coram esse, id est,
excipere.)
[3.] Ecce; Hebraice, vide odorem;
Gallice propriissime, voyci. Oleaster1188:
videre ad omnes sensus spectat, ut: Quia vidisti
me, cætera itaque vide, id est, olfac. Sic
Gallice: II faut voir sil est chaud.
4. Agri pleni (pleni additum a
Septuaginta). Notandum debere populos
alimenta iis qui eos alunt spiritali cibo. Id tam
apertum est ut in lege naturæ observatum sit.
Abraham, Gen., XIIII1189: Dedit ei
(Melchisedech) decimas omnium; et apud
Gentiles, ut testatur Plinius, [Hist. nat.,] 1.12.
c. 14, de thuris decima data Sabin Deo. Et
Jacob noster, [Gen.,] c. 281190: Decimasque
omnium quæ dederis mihi offeram tibi. Divus
vero Thomas, 2a 2æ1191, id clarissime ostendit;
dicens in lege naturæ fuisse primogenitos
sacerdotes, illisque ob id duplo majorem
portionem datam, ut videre est in Joseph et
Jacob.
In Lege veteri clarum est: Decimas do
omnium quæ possideo1192. Mat. 231193:
vobis, hipocritæ, qui decimatis mentham et
anethum et cyminum, et graviora legis
reliquistis, misericordiam et judicium et fidem;
hæc opportuit facere, et illa non omittere.
[190]
In Lege nova centum locis Apostolicis,
secl unicus sufficit, I. Cor. 91194, inter alia illud:
Seigneur; c'est-à-dire, selon Péreira, du
consentement et par la grâce du Seigneur. La
terre fut corrompue devant le Seigneur. Les
habitants de Sodome étaient extrêmement
méchants devant le Seigneur. (Devant le
Seigneur étant pris en bonne part, signifie de la
part de Dieu et en son nom ; en mauvaise part,
il signifie contre le Seigneur. De même, être
devant le soleil, c'est être éclairé; et s'il pèche
envers toi, devant toi, a le même sens que
contre vous; en votre présence équivaut à
devant [189] vous, et pareillement signifie
[quelquefois] contre vous. Car on peut
employer cette locution pour les choses
contraires comme pour les choses favorables:
être devant, c'est-à-dire [être prêt] à recevoir.)
[3.] Voici; en hébreu: vois l’odeur; en
français, très correctement, voici. Oleaster dit
que voir se rapporte à tous les sens, comme: Tu
m'as vu, vois aussi le reste, c'est-à-dire, sens-
le. C'est ainsi qu'on dit en français: Il faut voir
s'il est chaud.
4. D'un champ fertile (fertile a été
ajouté par les Septante). Faire remarquer que
les peuples doivent nourrir ceux qui leur
donnent la nourriture spirituelle. Ce devoir est
si évident qu'il a été observé dans la loi
naturelle: Abraham, Gen., XIV: Il lui donna
Melchisédech) la dîme de tout. Il en était de
même des Gentils, comme le témoigne Pline,
parlant de la dîme de l'encens donnée au dieu
Sabin. Et notre Jacob dit au chap. XXVIII: La
dîme de tout ce que vous me donnerez, je vous
l'offrirai. Saint Thomas démontre très
clairement ce fait en disant que dans la loi de
nature les prêtres étaient les aînés, et que par
suite, ils recevaient une part d'héritage deux
fois plus grande, comme on peut le constater
pour Joseph et Jacob.
L'existence de ce précepte dans
l'ancienne Loi est évidente: Je donne la dîme
de tout ce que je possède. Malheur à vous,
1184 Vers. 11.
1185 Vers. 13.
1186 Cap. XXV, 4, juxta Hebr.
1187 Matt., XVIII, 15.
1188 Comm.in Pentat., ad locum.
1189 Vers. 20. Vide ad Heb. 7, [v. 2.]
1190 Vers. ult.
1191 Quæstio LXXXVII, art. 1.
1192 Lucæ, XVIII, 12.
1193 Vers. 23.
1194 Vers. 9-14.
153/342

16.4 Page 154

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Non alligabis os bovi trituranti, Deut. 251195,
non ut detur illi triticum sed fenum. Sic enim
plerique vellent dare sacerdotibus Evangelium
(Non in solo pane vivit homo1196), at non, sed
paleas, sed fenum, id est, temporalia. Sic terra
cælo dat nubes, a quo accipit vim generandi.
Quota quidem sumptuum non est juris divini,
sed propemodum est, ut videtur ex iis qui in
lege naturali jam dabant1197. Ratio est quia, ut
ait Sanctus Thomas1198, decimus numerus
perfectio numeri est, sin velis progredi iterum
incipiendum. Exaggerandum furtum
decimarum, nam valde est frequens in
Sabaudia.
2. Da mihi osculum. Osculum signum
benevolentiæ et perfecti amoris. Salutate
fratres in osculo sancto; 1. Cor. 161199, 2. Cor.
131200…………………………………………
………………………………………………..
A peyne Isaac avoit acheve son propos
et Jacob estant sorti, voyci Esau arrive, et
apporte des viandes de sa chasse apprestees a
son pere, disant: Levés vous, mon pere, et
manges de la chasse de vostre filz, affin que
vostr'ame me benisse1201……………………..
………………………………………………..
[191]
hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de
l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses
les plus graves de la loi, la miséricorde, la
justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas
omettre cela, [190]
Dans la Loi nouvelle les Apôtres en
parlent dans cent endroits de leurs écrits, mais
un seul témoignage suffît, entre autres celui-ci:
Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui broie,
afin qu'il puisse manger non pas le grain, mais
le foin. Ainsi plusieurs veulent bien
abandonner au prêtre l'Evangile (L'homme ne
vit pas seulement de pain), mais cela ne suffit
pas, il faut lui donner aussi la paille et le foin,
c'est-à-dire les ressources matérielles. Ainsi la
terre donne les nuées au ciel qui lui
communique la force de la génération. Il est
vrai que le droit divin n'indique pas dans quelle
proportion on doit subvenir aux besoins du
prêtre, mais l'exemple de ceux qui suivaient la
loi naturelle le détermine à peu près. La raison
en est, comme dit saint Thomas, que le nombre
dix est un nombre parfait, et qu'aller au-delà
c'est recommencer. Exagérer le vol des dîmes,
car il est très commun en Savoie.
2. Donne-moi un baiser. Le baiser est
le signe de la bienveillance et de l'amour
parfait. Saluez les frères dans le saint
baiser………………………………………...
[Reprendre au texte, lig. 17.] [191]
1195 Vers. 4.
1196 Matt., IV, 4.
1197 Vide supra.
1198 Loco quo supra.
1199 Vers. 20.
1200 Vers. 12.
1201 Gen., XXVII, 30, 31.
154/342

16.5 Page 155

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CXII. Seconde homélie sur le même sujet
1616
(INÉDITE)
1202AD VERS. 9. 10. 12.
POUR LES VERSETS 9, 10, 12.
Adhuc loqnebantur, et ecce Rachel, etc.
[GEN., XXIX, 9.]
Ad litteram. Nota 1. quæ in alia
lectione relicta sunt, pro explicatione
eorum quæ ad veri pastoris imaginem
spectant. 1. Rachel veniebat cum ovibus
patris sui; nam et gregem ipsa pascebat.
Consideremus, fratres et coadjutores mei,
oves nostras esse oves Patris; hoc nobis
inculcat Christus in persona Principis
pastorum: Diligis me? Pasce oves
meas1203. Meas dixit, non tuas; nam meo
nomine, mihi, de meo corpore et sanguine
pascis. 2. Consideremus Rachelem esse
cum ovibus patris; debemus et nos esse
cum ovibus, amore, benevolentia, animo
et corde: Anima est ubi amat1204. Ecce
quam [192] bonum habitare in unum1205,
id est, concorditer. Cum ovibus, etiam
pæsentia corporali, ob residentiam;
secundum quam Episcopi sunt omnibus
presentes dum in diocæsi, curati dum in
parrochia. 3. Non satis est presentem esse
ovibus ni pascas; nam gregem ipsa ipsa
pascebat. Quam multi sunt similes
Nabalo, qui intererat tondendis pecoribus,
non autem pascendis1206. 4. Ovis est
Rachel Hebraice: qui recte vult pascere
ovis esse debet, non lupus, non hæreticus,
non capra; non debet dissimilis esse
ovibus; nec sibi sapere, sed Christo. At
hæretici non sunt similes ovibus cæteris,
sed alterius opinionis: solus erat Luther,
solus Calvinus, etc. Debet esse ovis, ex
forma factus gregis (non dominantes in
Ils parlaient encore, quand Rachel, etc.
Sens littéral. Noter d'abord ce que j'ai omis
dans une autre leçon pour tracer le portrait du vrai
pasteur, 1. Rachel venait avec les brebis de son
père; car elle-même paissait le troupeau.
Considérons, mes frères et mes coopérateurs, que
nos brebis sont celles de notre Père. Le Christ nous
l'enseigne en s'adressant au Prince des pasteurs:
M'aimes-tu? Pais mes brebis. Il dit les miennes,
non les tiennes; car tu les pais en mon nom, pour
moi, de mon corps et de mon sang. 2. Remarquons
que Rachel est avec les brebis de son père; nous
aussi nous devons être avec les brebis, par amour et
bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où
elle aime. Voyez combien il est bon [192] d'habiter
ensemble, c'est-à-dire, en toute concorde. Avec les
brebis, même par la présence corporelle, par la
résidence. Ainsi les Evêques sont présents à tous
lorsqu'ils sont dans leur diocèse, les curés,
lorsqu'ils sont dans leur paroisse. 3. Il ne suffit pas
d'être auprès des brebis, si on ne les nourrit. Rachel
elle-même paissait son troupeau. Qu'ils sont
nombreux ceux qui, semblables à Nabal, sont
présents au milieu de leur troupeau seulement pour
le tondre et non pour le paître! 4. En hébreu, le nom
de Rachel signifie brebis: celui qui veut être bon
pasteur doit être brebis, et non loup, hérétique,
chèvre; il doit ressembler aux brebis; suivre non
son propre sens, mais celui du Christ. Or, les
hérétiques ne ressemblent pas aux autres brebis, ils
pensent différemment: Luther était seul, Calvin
seul, etc. Le bon pasteur doit être brebis, fait sur le
modèle du troupeau (ne dominant pas le clergé);
quand une brebis paît des brebis, elle-même paît
parmi ces brebis.
Noter en second lieu que Jacob nous donne
la première signification du mariage qu'il devait
1202 (Ms. p. 212, recto)
1203 Joan., ult., 15-17.
1204 .Bern., De Præc. et Dispens., c. XX.
1205 Ps. CXXXII, 1.
1206 I Reg., XXV, 2.
155/342

16.6 Page 156

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cleris1207); et quando ovis pascit oves, ipsa
quoque inter oves pascit.
Nota 2. Jacob primam dedisse
significationem futuri matrimonii cum
Rachele dum ipsa suis pascendis ovibus
insistit, et prope fontem ad quem ipsa
venire solebat. Origenes, hom. 101208,
citatus a Glossa ad c. 24 Genes.: «Rebecca
quotidie veniebat ad puteum, quotidie
hauriebat aquam,» et cætera, ibi ab Eliezer
eligitur. Hæc hic transferri possunt; nam
credendum cum ex puteo [193]
adaquarentur greges, etiam haustu id
factitatum, cum maxime non modo in
eadem regione, in eodem solo, et forsan in
eodem puteo in quo Rebecca desponsata
est hoc factum sit. Ergo quotidie pascit
oves, quotidie haurit aquam Rachel, et ibi
a Domino desponsatur. Vis Deo placere?
Si non elegisti modum vivendi, elige;
elegisti, insiste operi: Deum ibi invenies,
Deus tui sollicitus erit1209. Sed pulchre
Origenes ad tropologiam.
3. Nota discrimen inter occursum
Rebeccæ1210 et Rachelis; nam Rebecca
adaquat camelos servi, e contrario Rachel
oves adaquantur a Jacob. Eliezer erat
servus, at Jacob ipsemet sponsus. Nos
confessarii et pastores servi non ante vobis
damus inaures verborum absolutionis, nec
ablutionis (quæ sunt auditui nostro
gaudium et lætitia, unde: exultant ossa
humiliata1211), quam vos nobis exhibeatis
signa compunctionis, et adaquetis nos
sensusque nostros testimonio contritionis.
At Christus, qui est Dominus ipse, dat
antequam petamus, non enim peteremus
nisi petere doceret interius: Prævenisti
eum in benedictionibus dulcedinis1212.
[194]
4. Nota benevolentiam et
beneficentiam Jacob, prompte exhibitam
pecoribus; quia nimirum, ait Scriptura1213,
sciret esse oves Laban avunculi sui. Qui
recipit prophetam in nomine prophetæ,
contracter avec Rachel, en la choisissant pendant
qu'elle s'attachait à paître ses troupeaux, et auprès
de la fontaine où elle avait coutume de venir.
Origène dit dans sa Xe homélie sur la Genèse, citée
par la Glose sur le chap. XXIV du même livre:
«Rébecca venait chaque jour au puits, chaque jour
elle en tirait de l'eau,» etc., et c'est là qu'Eliézer la
choisit. Ces [193] circonstances peuvent être
appliquées ici. Comme, en effet, Rachel abreuvait
ses troupeaux au puits, on peut croire qu'elle tirait
elle-même l'eau qui leur était nécessaire, parce,
surtout, que ce fait eut lieu non seulement dans le
même pays, sur le même sol, mais aussi peut-être
au puits même auprès duquel Rébecca fut promise.
Rachel donc paît chaque jour ses brebis, elle tire de
l'eau du puits chaque jour, ét auprès de ce puits, elle
est promise en mariage par le Seigneur. Veux-tu
plaire à Dieu? Si tu n'as pas choisi un genre de vie,
choisis-le; si tu l'as choisi, applique-toi au devoir
de ton état: tu y trouveras Dieu, Dieu prendra soin
de toi. Voir le beau passage d'Origène pour le sens
tropologique.
Noter en troisième lieu qu'il y a une
différence entre la rencontre de Rébecca et celle de
Rachel. Rébecca abreuve les chameaux du
serviteur, et c'est Jacob au contraire qui abreuve les
brebis de Rachel. Eliézer était un serviteur, Jacob
était lui-même l'époux. Nous, confesseurs et
pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous
donnons les pendants d'oreilles des paroles de
l'absolution ou de la purification (source de joie et
d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le
texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous
nous avez donné des signes de componction, que
vous nous avez sensiblement abreuvés du
témoignage de votre contrition. Mais le Christ, qui
est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne
demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne
nous enseignait intérieurement à demander: Vous
l'avez prévenu des bénédictions de douceur. [194]
Noter en quatrième lieu l'intérêt et le
dévouement que Jacob témoigne aussitôt pour le
troupeau; c'est que, dit l'Ecriture, il savait que ces
brebis étaient celles de son oncle Laban. Qui reçoit
un prophète au nom d'un prophète, reçoit la
1207 I Petri, ult., 3.
1208 In Genesim, § 2.
1209 Ps. XXXIX, 18.
1210 Gen., XXIV, 20.
1211 Ps. L, 10.
1212 Ps. XX, 4.
1213 In loco, v. 10.
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16.7 Page 157

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mercedem prophetæ accipit. Vide
locum1214. Hinc amor analogicus, honor
analogicus, pro rebus quæ ad Deum
spectant. Rebecca idem fecit etiam
camelis; nihil spernit charitas. Exemplum
mirabile de D. Hieronimo, lavante pedes
peregrinorum et etiam camelorum et
equorum in domo Bethleemitica1215.
Tantus vir, mundo tam celebris, ætate
provectus. Scioli, id est, doctores hujus
temporis et prelati, dixissent eum male
tempus trivisse et non servasse decorum.
At non terit tempus qui humilitati
acquirendæ insumit.
1216Nota 5. Dubium esse, apud D.
Augustinum et posteriores, quomodo
Jacob osculatus sit Rachelem, vel potius
quomodo Rachel permiserit se osculo peti
a Jacob. Dupliciter respondet
Augustinus1217: 1. Jacob antequam
oscularetur Rachel indicasse ei se
consobrinum suum esse, licet id per
recapitulationem postea tantum dictum sit;
2. Jacob, conscium Rachelem sibi
consobrinam, in ejus osculum, non
expectato ejus consensu, irruisse. At vero,
ut dicam libere quid mihi videatur, et
quando ibi [195] datur occasio nec tempus
est dissonum, facio duas differentias
osculorum; nam osculum aliud malum est,
aliud bonum. Malum contingit esse
tripliciter. A fine; ut osculum Judæ1218, et
illius meretricis, Proverb. 7. (Venenum
aspidum sub labiis earum1219.) Ab eventu:
ut sunt oscula frequentia inter juvenes;
nam etsi initio fiant sine omnino malo
fine, tamen propter imbecillitatem
hominum in detrimentum vergunt
pudicitiæ; nam mirum quomodo velociter
ignis accendatur. Duplex similitudo: trahis
funem alligatum portæ monasterii
exterius, et campana pulsat interius; tangis
os exterius, concupiscentia pulsat interius;
nam est quædam colligatio inter sensus
internos et externos. Item admoves ignem
catapultæ exterius, et statim accenditur
récompense du prophète. Voir ce passage. Nous
devons porter à tout ce qui concerne Dieu un amour
et un honneur analogues à celui que nous avons
pour Dieu lui-même. Rébecca agit d'après ce
principe même envers des chameaux; la charité ne
méprise rien. Admirable exemple de saint Jérôme
qui lavait les pieds des pèlerins, et même ceux des
chameaux et des chevaux dans sa maison de
Bethléem. Un si grand homme, si célèbre dans le
monde, avancé en âge! Les demi-savants, c'est-à-
dire les docteurs et les prélats de notre époque,
eussent dit qu'il employait mal son temps, qu'il ne
conservait pas sa dignité. Ah! celui-là ne perd pas
son temps qui l'emploie à acquérir l'humilité.
Noter en cinquième lieu. Saint Augustin et
ceux qui l'ont suivi se demandent comment Jacob a
osé baiser Rachel, ou plutôt comment Rachel a
permis à Jacob de la baiser. Saint Augustin donne
deux réponses: 1. Avant d'embrasser Rachel, Jacob
lui avait déclaré qu'il était son cousin, bien que cela
ne soit dit qu'ensuite, par récapitulation; 2. Jacob,
sachant que Rachel était sa cousine, se précipita
pour l'embrasser sans attendre son consentement.
Toutefois, pour dire librement mon opinion, et
puisque l'occasion et le temps [195] le permettent,
je distinguerai deux sortes de baisers: l'un est
mauvais, l'autre bon. Un baiser peut être mauvais
de trois manières. Par la fin qu'on se propose,
comme celui de Judas et celui de cette pécheresse
dont il est parlé dans les Proverbes. (Le venin de
l'aspic est sous leurs lèvres.) Par ses conséquences:
tels sont les baisers fréquents entre jeunes gens;
parce que, bien qu'au début ils se donnent sans
dessein tout à fait mauvais, toutefois, par suite de
la fragilité humaine, ils tournent au détriment de la
pudeur; car il est étonnant combien ce feu s'allume
vite. Voici deux comparaisons: vous tirez le cordon
fixé extérieurement à la porte d'un monastère, et la
clochette sonne à l'intérieur; vous touchez la
bouche à l'extérieur, et la concupiscence frappe à
l'intérieur, car il existe un certain lien entre les sens
intérieurs et les extérieurs. Ainsi, vous approchez
le feu à l'extérieur d'un canon, et il s'allume
instantanément à l'intérieur. Vous vous mettez du
poivre sur les lèvres, il ne brûle pas, mais peu après
il brûlera. Par les circonstances...
1214 Matt., X, 41.
1215 Apol. III contra Rufin., § 17; Ribaden., Vita S. Hier., circa med.
1216 (Ms. p. 212, verso)
1217 Quæst. in Heptat., 1. I, qu. LXXXVII.
1218 Matt., XXVI, 49.
1219 Ps. XIII, 3.
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16.8 Page 158

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interius. Mittis piper inter labia, non urit;
paulo post uret. A circumstantiis: nam
meretricias mulieres osculari viris,
lenones mulieribus, semper fuit et erit
scandalo.
Bonum osculum item tripliciter
esse contingit. Urbanitatis; ut est mos
etiam inter gnotos in Gallia, et fuit olim
inter Romanos, et Hebræos teste
Domino1220: Osculum mihi non dedisti.
Amicitiæ, sive sanctæ sive moralis, ut hic
et inter primos Christianos. Et reverentiæ;
at hoc [196] fiebat etiam ad pedes, sed et
ad genas quoque aut os. Osculamini
Filium1221. Amicitiæ autem ideo est
simbolum quia os est aquæductus totius
animæ et cordis.
At jam dices: Si inter antiquos
Christianos oscula erant adeo crebra, cur
nunc non sunt? Peto a vobis: Cur tempore
sanitatis omnes tangant invicem, halitum
alterius, sive vestes, nemo fugiat; tempore
pestis omnes invicem fugiant? Quia,
inquies, tempore pestis periculum est ex
contactu. Vere Deus! olim omnes
Christiani erant sancti et sani, propterea
nemo contactum labiorum, nemo halitum
incorruptum fugiebat; at nunc:
«Frigidus, o pueri, fugite
hinc, latet anguis in herba1222
Tunc erant oves, nunc hædi halitu fœtido:
Sepulchrum patens guttur eorum1223. Sic
antiquitus vigiliæ, quia Christiani erant lux
in Domino1224; nunc minime, ne tenebræ
nos comprehendant1225.
«Quantum mutatus ab illo
Hectore qui redit induvias indutus
Achillis1226
Sed de iis satis. [197]
Noster ergo Jacob innocentissime
suam Rachelem osculatur; Rachel urbane
et amice ab homine bonæ indolis et vultus
ingenui osculum excipit. O date mihi
innocentiam Jacob et Rachel, et per me
liceat osculentur. Qui vellet posset hic
De même, un baiser peut être bon de trois
manières. Quand il est donné par politesse, et c'est
en France la coutume, même entre de simples
connaissances, comme autrefois chez les Romains,
et pareillement chez les Hébreux, témoin le
Seigneur: Tu ne m'as pas donné de baiser. Quand
c'est un témoignage d'amitié ou sainte ou purement
morale, comme dans le cas dont nous traitons et
comme [196] on en usait entre les premiers
Chrétiens. Quand c'est un signe de respect; mais ce
baiser se donnait aussi sur les pieds comme sur les
joues ou sur la bouche. Baisez le Fils. Le baiser est
un symbole d'amitié parce que la bouche est le
canal par lequel se déversent toute l'âme et tout le
cœur.
Mais vous direz peut-être: Si les baisers
étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens,
pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous
demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous
se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit
l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de
peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres?
Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout
contact est dangereux. Vrai Dieu! jadis tous les
Chrétiens étaient saints et sains, nul donc ne
craignait le contact des lèvres, personne n'évitait
une haleine pure; mais aujourd'hui:
«Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid
serpent est caché sous l'herbe.«
Il n'y avait alors que des brebis, il y a
aujourd'hui des boucs à l'haleine fétide: Leur gorge
est un sépulcre ouvert. De même, anciennement
avaient lieu des veilles parce que les Chrétiens
étaient lumière dans le Seigneur; on les a
supprimées aujourd'hui de peur que les ténèbres ne
nous surprennent.
«Qu'il différait de cet Hector
Qui revenait couvert des dépouilles
d'Achille!»
Mais c'est assez sur ce point. [197]
Notre Jacob embrasse donc très
innocemment sa Rachel; Rachel accepte ce baiser
de courtoisie et d'amitié de la part de cet homme au
caractère bon et au franc visage. Oh! donnez-moi
des personnes qui aient l'innocence de Jacob et de
1220 Lucæ, VII, 45.
1221 Psalm. II, 12; juxta Hebr.
1222 Vide supra, p. 84.
1223 Ps. V, 11, XIII, 3.
1224 Ephes., V, 8.
1225 Joan., XII, 35.
1226 Æneis, 1. II, 274, 275.
158/342

16.9 Page 159

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afferre quæ de Sancto Lupo refert
Marulus1227, in cap. de vitando temerario
judicio.
Nota 6. Quare flevit Jacob?
Hebræi, apud Lyranum1228, ob inopiam et
mauvais equippage, ut supra de historia
Eliphaz. At minime probabile, quamvis
historia probabilis. Ergo ex teneritudine,
videns se impegisse feliciter in eam quam
sibi uxorem fore tacito instinctu sperabat,
et se jam iter propemodum confecisse,
recte appulisse. Virginem gratam sibi
amœnitate vultus suavitatem ingerentem
videre.
Nota 7. Rachelem statim
cucurrisse et nunciasse Labam1229.
Prudens puella, utinam sic facerent
omnes. Vobis blanditur aliquis, statim
renunciate patri aut matri ne decipiamini.
Hoc modo, ut libere dicam, non tot
deciperentur; sed non renunciant donec
intumescens venter denunciet. [198]
1230Allegoria
Ex Augustino1231 et Ruperto1232.
Quare Rebecca, Rachel, Sephora, trium
insignum Patriarcharum uxores, ad aquas
reperiuntur? Quia ad aquas Baptismi
Ecclesia Christo desponsanda; nam
Rachel Ecclesiam Catholicam perpetuo
signat allegorice, Jacob Christum. Sed
osculum pacis ubi datur a Christo fideli
animæ? Flens in cruce, nam ibi puteus
aquarum meritorum. Divus Ambrosius
mirifice1233: Mezopotamia Ecclesia,
Rachel Christianus. Ecclesia inter duos
fluvios, Tigrim et Euphraten: Pœnitentia
pro peccatis actualibus, Baptismum (sic)
pro originali. Puteus est doctrina
Christiana, quæ inter hæc duo Sacramenta
nos conducit ad vitam æternam; nam
semper pœnitendum baptisatis. Baptismo
desponsamur, non nuptias facimus; quia
Rachel et je leur permets de se baiser. Si on le
voulait, on pourrait rapporter ici le trait que
Marulus cite de saint Loup, dans le chapitre de la
fuite du jugement téméraire.
Noter en sixième Heu: Pourquoi Jacob
pleura-t-il? Les Hébreux, d'après Lyranus, disent
que ce fut à cause de sa pauvreté et de son mauvais
équipage, comme il est dit plus haut dans l'histoire
d'Eliphaz. Mais il est peu probable que ce fût pour
cette raison, quoique le récit de Lyranus soit
probable. Il pleura donc de tendresse, en voyant
qu'il avait heureusement rencontré cette personne
qu'un secret instinct lui faisait espérer d'obtenir
pour épouse, et parce qu'il avait à peu près achevé
son voyage et arrivait au terme. Il pleurait
d'attendrissement en voyant une vierge qui lui
plaisait et qui le charmait par les grâces de son
visage.
Noter en septième lieu que Rachel courut
aussitôt annoncer cette rencontre à Laban. O
prudente jeune fille, plût à Dieu que toutes vous
imitassent! Quelqu'un vous caresse, pour ne pas
être déçues allez aussitôt le dire à votre père ou à
votre mère. S'il en était ainsi, pour parler
franchement, il n'y aurait pas tant de filles
trompées; mais voilà, elles ne parlent que lorsqu'il
n'en est plus temps. [198]
Sens allégorique
D'après saint Augustin et Rupert. Pourquoi
Rébecca, Rachel, Séphora, épouses de trois
illustres Patriarches, ont-elles été rencontrées au
bord de l'eau? Parce que l'Eglise doit épouser le
Christ dans les eaux du Baptême. Rachel, en effet,
représente toujours allégoriquement l'Eglise
Catholique, et Jacob, le Christ. Mais où donc le
Christ donne-t-il le baiser de paix à l'âme fidèle?
En pleurant sur la croix, car là est le puits des eaux
de ses mérites. Saint Ambroise dit admirablement:
La Mésopotamie, c'est l'Eglise, et Rachel, le
Chrétien. L'Eglise est entre deux fleuves, le Tigre
et l'Euphrate: la Pénitence pour les péchés actuels,
le Baptême pour le péché originel. Le puits est la
doctrine chrétienne qui, entre ces deux Sacrements,
1227 In lib. de religiose pieque vivendi institut., per exempla, etc., 1. V, c. I.
1228 Bibl. cum Glossis, in locum.
1229 In loco, v. 12.
1230 (Ms. p. 213, recto)
1231 Contra Faust., 1. XXII, cc. XLVII-LVIII.
1232 De Trin. et Opera ejus, Comm. in Gen., 1. VII, cc. XXVI-XXX; in Matt., 1. II, ante med.
1233 Ep. XIX, ad Vigil., § 2.
159/342

16.10 Page 160

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nuptiæ fiunt tantum in Cælo, ubi
inseparabiliter inhæremus.
Tropologice
Deinceps Jacob erit homo per
pœnitentiam justificatus de terra Canaam
egressus1234; Rachel, vita [199]
contemplativa, juxta D. Gregorium1235.
Qui vult progredi post pœnitentiam,
contempletur
æterna.
Osculari
contemplativam est meditari; meditamur
autem adaquato grege Rachelis, ob
desiderium virtutum quæ comitantur
contemplationem. At Rachel continuo
renunciat matri, quia meditatio continuo
nos promovet erga charitatem.
Anagogice
nous conduit à la vie éternelle; car un baptisé doit
toujours faire pénitence. Par le Baptême nous
sommes fiancés et non encore épousés, les noces ne
se font qu'au Ciel où nous serons inséparablement
unis [au Christ].
Sens tropologique
Ensuite Jacob sera l'homme justifié par la
pénitence, sorti de la terre de Chanaan; Rachel,
d'après saint Grégoire, représentera la vie
contemplative. [199] Après la pénitence, celui qui
veut progresser doit contempler les choses
éternelles. Embrasser la vie contemplative, c'est
méditer; or nous méditons en abreuvant le
troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les
vertus qui accompagnent la contemplation. Rachel
annonce aussitôt la nouvelle à sa mère: la
méditation nous porte aussitôt vers la charité.
Jacob, spiritus in gloria, osculatur
carnem per resurrectionem, ejusque
adaquat gregem sensuum summa
voluptate, et flet præ gaudio. Non est
luctus1236, sed fletus gaudentium; ut
Joseph, cum vidit suum Benjamin1237;
nam tunc corpus videt suum fratrem
uterinum Christum. Et caro renunciat
matri, id est, misericordiæ Dei, vel
Hierusalem cælesti. [200]
Sens anagogique
Jacob, c'est l'esprit dans la gloire, qui baise
la chair au jour de la résurrection, abreuve le
troupeau de ses sens d'une souveraine volupté et
pleure de joie. Les larmes de deuil feront place aux
larmes de joie. Tel Joseph lorsqu'il vit son
Benjamin; car alors le corps verra son propre frère,
le Christ, et notre chair l'annoncera à sa mère, c'est-
à-dire à la miséricorde divine ou à la Jérusalem
céleste. [200]
1234 Gen., XXVIII, 1.
1235 Moral., 1. VI, sub finem.
1236 Apoc., XXI, 4.
1237 Gen., XLIII, 30.
160/342

17 Pages 161-170

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17.1 Page 161

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CXIII. Fragment d'une autre homélie sur le même sujet
1616
(INÉDIT)
1238AD VERS. 30
SUR LE VERSET 30
Jam septem annis servierat Jacob pro
Rachel, antequam eam haberet1239. Postea item
aliis septem annis servit. Et quia Rachel
unionem cum Deo, perfectam charitatem, et
vitam contemplativam designat, mihi videor
observare mistice septem gradibus nos ad
perfectionem evehi, septemque virtutibus nos
perfectioni servire; et hi septem gradus sunt
septem dona Spiritus Sancti.1240
………………………………………………..
[201]
Sept ans déjà Jacob avait servi pour
Rachel qu'il n'avait pas encore obtenue. Après
cela, il servit encore sept autres années.
Comme Rachel représente l'union avec Dieu,
la charité parfaite et la vie contemplative, il me
semble voir en ce fait un sens mystique: sept
degrés nous élèvent à la perfection et nous
nous maintenons dans la perfection par sept
vertus; ces sept degrés sont les sept dons du
Saint-Esprit.
………………………………………………..
[201]
1238 (Ms. p. 217, recto)
1239 Gen., XXIX, 20, 27.
1240 Ces lignes sont écrites au haut d'une page dont le surplus est demeuré en blanc.
161/342

17.2 Page 162

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CXIV. Sermon préliminaire sur le Benedictus pour le premier
dimanche de l'Avent
27 novembre 16161241
(INÉDIT)
1242SERMONUM IN CANTICUM
ZACHARIÆ
AD GRATIANOPOLITANOS MATERIES.
l6l6. IN ADVENTU
SUJETS DES SERMONS SUR LE
CANTIQUE DE ZACHARIE ADRESSÉS
AUX GRENOBLOIS PENDANT L'AVENT
DE 1616
Canticum Zachariæ
Cantique de Zacharie
Et Zacharias repletus est Spiritu Sancto, et
prophetavit, dicens: Benedictus1243
Et Zacharie fut rempli de l'Esprit-Saint, et
prophétisa, disant: Béni soit.
Exordium faciendum ex granatis et
tintinnabulis1244, ut extat fol. 151245; hoc
tantum addito, quod, quamvis unicuique
granato suum tintinnabulum additum est, [202]
tamen interdum cum ob motum gressus,
complicaretur ora vestis vel fimbriæ,
tintinnabulum adjacens uni granato aliud
tangebat, et juxta illud sonabat. Et charitas,
quæ motus est summi nostri Pontificis,
interdum complicat nos, et nunc me,
tintinnabulum alterius granati, vobis applicat
pro tempore, quamvis aliud excellentius
habeatis; et ecce tinnitus et sonus vocis meæ in
auribus vestris, etc.
Ayant donques a traitter avec vous, mes
treschers auditeurs, des choses divines qui
regardent le salut æternel de vos ames, j'ay
choisi pour sujet le divin cantique de Zacharie,
parce qu'a mon advis, il vous sera extremement
aggreable, estant un cantique de louange, un
cantique de joye et cantique d'encouragement
a bien recevoir le Filz eternel du Pere celeste,
qui vient visiter et faire la redemption de son
Tirer l'exorde des grenades et des
sonnettes, comme il est dit folio 15, en ajoutant
simplement ceci: quoique chaque grenade fût
accompagnée de sa sonnette, toutefois, de
temps à autre, par suite du mouvement
imprimé par la [202] marche, le bord du
vêtement ou de la frange se repliait, et une
sonnette voisine d'une grenade en touchait une
autre et sonnait près d'elle. Or la charité, qui est
le mouvement de notre souverain Pontife,
replie parfois notre vie, et présentement
m'applique à vous pour un temps, moi sonnette
d'une autre grenade, quoique vous ayez une
sonnette bien supérieure; et voici donc que
retentit à vos oreilles ma sonnerie et le son de
ma voix, etc.
[Reprendre au texte, lig. 9.]
Avant de rien créer, Dieu, de toute
éternité, jouissait de tous les biens réunis et ne
manquait de rien. Pourquoi donc a-t-il créé le
monde? Ecoutez la réponse du plus sage des
hommes: Le Seigneur a tout fait pour lui, et
l’impie même [qui doit servir à sa gloire] au
jour mauvais. C'est-à-dire: Dieu a tellement
tout fait pour sa gloire, qu'il fait servir à cette
gloire l'impie [203] lui-même, ce qu'on n'aurait
1241 La mention qui est faite de l'office du jour, à la fin de ce sermon, prouve qu'il a été prononcé le premier Dimanche
de l'Avent.
1242 (Ms. p. 152, recto)
1243 Lucæ, I, 67, 68.
1244 Exod., XXXIX, 23, 24.
1245 Ce feuillet doit contenir en majeure partie le sermon pour le premier Dimanche de l'Avent 1608 (voir ci-devant,
note (198), page 26). Il ne nous est malheureusement pas parvenu, non plus que les autres feuillets auxquels il est fait
allusion dans ces discours.
162/342

17.3 Page 163

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peuple1246. Et que pouvois-je rencontrer de
plus desirable?
Car premierement, aves vous jamais
pense, voyant cet univers, pourquoy il avoit
este cree? Deus, antequam quicquam faceret,
ab æternitate omnium bonorum aggregatione
fruebatur, neque aliquo indigebat. Cur ergo
mundum creavit? Audite sapientissimum
hominum respondentem, Prov. 16. v. 4: Omnia
propter semetipsum fecit Dominus; impium
quoque ad diem malam; id est, adeo omnia
fecit Deus propter gloriam suam ut impium
quoque, de quo minime videbatur, quia ad
[203] diem malam, id est, calamitosam et
perditionis, ruit, ad gloriam suam trahat. Cum
enim gloria Dei constet misericordia et justitia,
vel uno vel alio modo omnia in ejus gloriam
referuntur.
Verum gloria Dei duplex est:
essentialis una, et propter hanc nihil fecit; sed
tantum Pater genuit Filium et cum eo spiravit
Spiritum Sanctum, ut suam perfectionem
unico illo Verbo exprimeret et unico illo
suspirio amaret. Dixi Domino, Deus meus es
tu, quoniam bonorum meorum non eges1247;
non ex indigentia creavit, ut homo generat, sed
ex abundantia bonitatis suæ quæ
communicabilis est. Ergo gloria alia est
extrinseca; et propter hanc omnia fecit: Ut
ostenderet divitias gloriæ regni sui, ac
magnitudinem potentiæ suæ, ut dicitur de
convivio Assueri, Est. I1248. Psal. 491249:
Nunquid manducabo cames taurorum? etc. Si
esuriero non dicam tibi. Immola Deo
sacrificium laudis, etc. Sacrificium laudis
honorificabit me, et illic in laude iter per quod
pervenitur ad videndum salutare Dei.
Genebrardus1250. 1. Cor. 3. v. ult.: Omnia enim
vestra sunt, sive Paulus, sive Cephas; videndus
locus mirabilis, et tandem: Vos autem Christi,
Christus autem Dei. Omnia in Deum
referenda, id est, in [204] gloriam Dei, quem
universus mundus laudat per hominem
tanquam per procuratorem, homo per
Christum tanquam per mediatorem, Christus
autem per Deum laudat Deum, tanquam per
supremum motorem et inspiratorem.
pas même soupponne, car celui-ci se precipite
vers le jour mauvais, le jour de calamite et de
perdition. La gloire de Dieu, en effet, consiste
dans sa misericorde et sa justice; tout donc, par
l'un ou l'autre de ces attributs, contribue à sa
gloire.
Mais il y a en Dieu deux sortes de
gloire: l'une essentielle, et pour cette gloire, il
n'a rien créé; le Pére a seulement engendré le
Fils et avec lui exhale l'Esprit-Saint, afin
d'exprimer sa perfection par ce seul Verbe et
de l'aimer par ce seul soupir. J'ai dit au
Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous
n'avez pas besoin de mes biens; l'homme
engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par
ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui
est communicative. Dieu a donc une autre
gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour
celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les
richesses de la gloire de son royaume et la
grandeur de sa puissance, comme il est dit du
festin d'Assuerus. Mangerai-je la chair des
taureaux? etc. Si j'ai faim, je ne te le dirai pas.
Immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Le
sacrifice de louange m'honorera, et c'est là,
dans cette louange, que se trouve le chemin qui
conduit à la vue du salut de Dieu. Génébrard.
Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas; voir ce
merveilleux passage, et enfin: Mais vous, vous
êtes au Christ, et le Christ à [204] Dieu. Il faut
tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de
Dieu: le monde entier le loue par l'organe de
l'homme qui lui sert de procureur; l'homme,
par le Christ qui lui sert de médiateur, et le
Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme
par Celui qui donne le mouvement et
l'inspiration suprêmes.
De même dans l'Apocalypse: Je suis
l'Alpha et l'Oméga. Dieu, d'après de Valentia,
sur la première Partie de saint Thomas, n'est
pas sa propre fin. Il n'a donc pas tout fait pour
lui-même en ce sens qu'il soit la fin de son
action, mais il a fait toutes choses pour lui-
même parce qu'il est la fin de tout ce qui existe;
tout donc a été fait pour la louange de Dieu, la
louange de Dieu est donc la fin de tout
l'univers. C'est pourquoi, invitant toute
1246 Lucæ, I, 68.
1247 Ps. XV, 1.
1248 Vers. 4.
1249 Vers. 12-14, ult.
1250 Comm. in Psalm., in locum Ps.
163/342

17.4 Page 164

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Sic Apoc. 11251 et 221252: Ego sum
Alpha et Omega. Deus, ex Valentiano, in
primam Partem Sancti Thomæ1253, non est
finis sui ipsius, unde non fecit universa propter
semetipsum1254 quasi ipse sibi ipsi sit finis
agendi, sed fecit universa propter semetipsum
quia finis est universorum; universa ergo
propter laudem Dei facta sunt, ergo laus Dei
finis est totius universi. Unde David1255:
Laudate Dominum de cælis, etc., et Pueri1256:
Benedicite, Confitemini, omnia excitant ad Dei
laudem. Homo est in mundo ut philomela in
domo quæ alitur, ut cantu suo recreet
Dominum mundi. Pline, [Hist. nat.,] 1. 10. c.
29, dit qu'un rossignol blanc fut achete 6
sesterces, c'est a dire 600 escus, pour estre
presente a Aggripina, femme de l'empereur
Claudius.
1257Et Cant. VII. v. 1: Quid videbitis in
Sulamite, nisi choros castrorum? Bellum istud
pacificum; pace vincit: in pace animæ victoria
pugnas cum dæmone, et inquietudo animæ
victoria dæmonis. Sulamitis, pacifica, [205]
habet castra, et ista castra pugnant choris;
chorus autem multitudo est canentium: Facta
est multitudo militiæ cælestis cantantium et
dicentium: Gloria in excelsis1258, etc. Sic
David vincebat et vinciebat dæmonem
cantu1259. Ista militia cantat. Hinc Ecclesia
habet suos cantores et laudatores continuos.
Nolite quærere quare tot Ecclesiæ collegiatæ,
tot monachi et monachæ: chori sunt
castrorum. Id agunt propter quod omnia fecit
Dominus. O quam deliciosum ergo canere et
psallere nomini Dei Altissimi1260.
At vero, sunt cantica omnino aliis
suaviora; cantica enim alia sunt vetera, alia
nova. Ut David videtur sensisse cum: Cantate
Domino canticum novum1261. Vetus est illud
Mosaicum pro liberatione temporali:
Cantemus Domino, gloriose enim
créature à la louange de Dieu, David dit: Louez
le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois
Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le,
rendez-lui grâces. Comme une philomèle qui
serait nourrie dans une maison, ainsi l'homme
est dans le monde pour récréer par son chant le
Maître du monde...
Et au Cantique: Que verrez-vous dans
la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais
cette guerre est pacifique, la paix triomphe:
c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la
victoire sur le démon, et dans le trouble de
l'âme [205] le démon triomphe. La Sulamite, la
pacifique, possède des camps, et ces camps
combattent rangés en chœurs; or le chœur est
composé d'une multitude de chanteurs: Une
multitude de la milice céleste se réunit,
chantant et disant: Gloire au plus haut des
cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et
l'enchaînait par son chant. Cette milice chante.
Aussi l'Eglise a-t-elle ses chantres qui
continuellement donnent des louanges à Dieu.
Oh! ne demandez pas pourquoi taut de
collégiales, de moines, de moniales! Ce sont
les chœurs des camps. Ils réalisent l'intention
dans laquelle le Seigneur a tout créé. Qu'il est
donc délicieux de chanter et d'entonner des
cantiques au nom du Dieu Très-Haut !
Mais il y a des cantiques qui surpassent les
autres en suavité; il y eu a d'anciens, il y en a
de nouveaux. David semble l'avoir en vue
lorsqu'il dit: Chantez au Seigneur un cantique
nouveau. Ancien est ce cantique qu'entonnait
Moïse pour une délivrance temporelle:
Chantons le Seigneur, car il s'est
glorieusement signalé. Il en est ainsi de tous
les cantiques qui ont le même but, comme ceux
de Débora et d'Anne, mère de Samuel. Le
cantique nouveau est celui qui a pour objet la
Rédemption. L'Ancien Testament était celui
qui donnait la terre promise, et en vertu duquel
on la possédait; le Nouveau est celui en vertu
1251 Vers. 8.
1252 Vers. 13.
1253 Disput. III, qu. I, punct. III.
1254 Vide supra.
1255 Ps. CXLVIII.
1256 Dan., III, 57-90.
1257 (Ms. p. 152, verso)
1258 Lucæ, II, 13, 14.
1259 I Reg., XVI, ult.
1260 Ps. XCI, 1.
1261 Ps. CXLIX, 1.
164/342

17.5 Page 165

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magnificatus est1262, et omnia cantica eo
tendentia, ut Deboræ1263, Annæ1264, matris
Samuelis. Canticum novum est quod pro
Redemptione. Ut Testamentum Antiquum quo
terra promissionis dabatur, et virtute cujus
possidebatur; Novum Testamentum quo gratia
et Ecclesia possidetur, et corpus ipsum Christi
quod terra est promissionis. Sic nomen [206]
novum quod os Domini locutum est; Isa. 62,
initio. Vide supra, fol. 60, verso1265.
Jam inter cantica nova quinque
reperiuntur excellentissima. Primum fuit
Virgineum, Magnificat1266; 2m, Angelicum,
Gloria in excelsis1267; 3m, Nunc dimittis1268; 4m,
Benedictus; 5m, hymno dicto1269 (et Græce
hymno cantato). Hymnus est pro rebus gestis
prolixior laudatio, cantata tamen, unde species
est cantici. Quemnam autem hymnum dixerit
nescitur. Aliqui existimant dixisse: Confitebor
tibi in toto corde meo, in concilio justorum et
congregatione1270, qui Psalmus de Eucharistia
et Redemptione; alii: Laudate Dominum
omnes gentes1271; alii, novum. Inter istos ergo
præferendus iste, ob Authorem; deinde,
Magnificat; tertio, Gloria in excelsis; quarto,
Nunc dimittis, ob presentem Christum; quinto,
Zachariæ.
Verum se habent ut excedentia et
excessa; nam quatuor genera canticorum: [1°.]
Phrigium et bellicosum, ut tubarum in
obsidione Hiericho1272 et contra Madian1273; et
talis videtur fuisse canticum sive hymnus
dictus a Christo post coenam. 2o. Lydium, ad
pacandos animos (pagina sequenti1274), et talis
fuit: Lætatus sum [207] in his quæ dicta sunt
mihi1275; et Nunc dimittis, ad animum suum,
diuturna expectatione fatigatum, recreandum;
et canticum Puerorum in fornace ad seipsos
solandos; et canticum Annæ matris Samuelis;
et hoc etiam utebantur post victorias, ut
duquel nous possédons la grâce, l'Eglise et le
corps même [206] du Christ qui est la
[veritable] terre de promission. Ainsi en est-il
de ce nom nouveau prononce par la bouche du
Seigneur. Voir plus haut, folio 60, verso.
Or, parmi les cantiques nouveaux il s'en
trouve cinq qui surpassent tous les autres en
excellence. Le premier est celui de la Sainte
Vierge, Magnificat; le deuxieme, celui des
Anges, Gloria in excelsis; le troisieme, Nunc
dimittis; le quatrieme, Benedictus; le
cinquieme, l'hymne dite (au grec, l'hymne
chantée). On appelle hymne l'eloge prolonge
des hauts faits accomplis; comme elle est
chantee, c'est une espece de cantique. Mais
quelle hymne a dite le Christ? On ne sait.
Quelques-uns pensent qu'il a dit: Confitebor
tibi in toto corde meo, in concilio justorum,
etc., car c'est le Psaume de l'Eucharistie et de
la Redemption; d'autres: Laudate Dominum
omnes gentes; d'autres enfin, un cantique
nouveau. Parmi ces cantiques donc, il faut
preferer le dernier a cause de son Auteur;
ensuite, le Magnificat; en troisieme lieu, le
Gloria in excelsis; quatriemement, le Nunc
dimittis, parce que le Christ etait present;
cinquie mement, le cantique de Zacharie.
Cependant, l'objet de ces cantiques a
plus ou moins d'etendue; car il y a quatre
espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux;
semblable au son des trompettes qui retentirent
au siege de Jericho et contre Madian: de cette
sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne
dite par le Christ apres la cene. 2. Le [207]
Lydien, pour apaiser les esprits (voir à la page
suivante); tel est le Psaume: Lætatus sum in his
quæ dicta sunt milii; le Nunc dimittis, chanté
par Siméon pour reposer son esprit, fatigué par
une longue attente; le cantique que les Enfants
chantaient dans la fournaise pour se
1262 Exod., XV, 1-19.
1263 Judic., V.
1264 I Reg., II, 1-10.
1265 Vide not. (1245), p. 202.
1266 Lucæ, I, 46-55.
1267 Ibid., II, 14.
1268 Ibid., vv. 29-32.
1269 Matt., XXVI, 30.
1270 Ps. CX.
1271 Ps. CXVI.
1272 Josue, VI, 13-16.
1273 Judic., VII, 19-22.
1274 Vide not. (1245), p. 202.
1275 Ps. CXXI.
165/342

17.6 Page 166

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Cantemus Domino, gloriose1276, etc. 30.
Dorien, quod ad animos ligandos, conciliandos
et persuadendos tendit; tales Psalmi morales,
ut Beatus vir qui timet Dominum1277, Beati
immaculati1278, etc., Nisi Dominus ædificaverit
domum1279; talis fuit Magnificat, et Gloria in
excelsis. Quartum Myssolydium, lugubre; tale
fuit Hieremiæ, in Threnis, et forsitan Christi,
dum diceret: Deus, Deus meus, ut quid
dereliquisti me1280? At canticum Zachariæ
omnia complectitur. Nam adhortatur ad
victoriam spe auxilii salutaris; mulcet:
Benedictus, et: Tu, puer, Propheta; ligat: In
justitia et sanctitate. Non tamen plangit.
Item, sunt cantica prophetica, ut
canticum Deus, Deus, respice in me1281; sunt
cantica didascalica, ut Nisi Dominus
ædificaverit domum; sunt cantica laudis, ut
Magnificat et Gloria in excelsis; et sunt cantica
adhortatoria, ut Beati. Istud canticum omnia
complectitur. [208]
Propter hæc ego illud selegi, sed
maxime quia de adventu, id est, Christi, ad
quem ut paremus viam1282 nos adhortatur. Nam
præparatio necessaria est; et quia nos Ecclesia
vult paratos esse agit tripliciter. Primo, in
introitu Missæ: Ad te levavi animam meam,
Dens meus, in te confido1283, cantico Lydio;
mox1284: Nox præcessit1285, cantu Phrigio;
deinde1286: Erunt signa1287, cantu Myssolydio.
Et demum: ecce dies veniunt1288, etc., cantu
Dorico. Levate animas vestras ad Deum; dies
appropinquavit1289, nam ecce dies veniunt. Et
tandem, erunt signa; tunc Myssolydius cantus,
in cælis qui cum enarraverunt gloriam et
misericordiam1290 enarrabunt justitiam et iram:
invertentur. Vide conciones super
Evangelio1291. [209]
réconforter, et celui d'Anne, mère de Samuel.
On chantait aussi, après les victoires, des
cantiques de ce genre, comme le Cantemus
Domino, gloriose, etc. 3. Le Dorien, dont le but
est de captiver, de concilier, de persuader les
esprits; tels sont les Psaumes moraux, comme
ceux-ci: Beatus vir qui timct Dominum, Beati
immaculati, etc., Nisi Dominas œdificaverit
domum; tels furent le Magnificat et le Gloria
in excelsis. 4. Le Myssolydien, au ton lugubre;
c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et
peut-être aussi du Christ quand il disait: O
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous
abandonné? Or le cantique de Zacharie
comprend tous ces genres. Il excite à la victoire
par l'espérance d'un secours libérateur; il
apaise: Béni soit, et: Toi, enfant, Prophète; il
captive: Dans la justice et la sainteté.
Toutefois, il ne gémit pas.
De plus, il y a des cantiques
prophétiques, comme celui-ci: Deus, Deus,
respice in me; des cantiques didactiques: Nisi
Dominus œdificaverit domum; des cantiques
laudatifs: Magnificat, Gloria in excelsis; des
cantiques d'exhortation: Beati. Celui de
Zacharie les embrasse tous. [208]
C'est ce motif qui me l'a fait choisir,
surtout parce qu'il parle de la venue du Christ
dont il nous exhorte à préparer les voies. Une
préparation est en effet nécessaire; et comme
l'Eglise veut que nous soyons prêts, elle exerce
sur nous une triple action. Premièrement, à
l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai
élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en
vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après:
La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y
aura des signes, chant Myssolydien. Puis:
Voici venir les jours, etc., chant Dorien. Levez
1276 Vide pag. 206.
1277 Ps. CXI.
1278 Ps. CXVIII.
1279 Ps. CXXVI.
1280 Ps. XXI, 1; Matt., XXVII, 46.
1281 Ps. XXI.
1282 Lucæ, I, 76.
1283 Ps. XXIV, 1, 2.
1284 In Epistola.
1285 Rom., XIII, 12.
1286 In Evangelio.
1287 Lucæ, XXI, 25.
1288 Ibid., XIX, 43.
1289 Rom., XIII, 12.
1290 Ps. XVIII, 1.
1291 Supra, pp. 26, 62, 68.
166/342

17.7 Page 167

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vos âmes vers Dieu; le jour approche, car voici
venir les jours. Et enfin: Il y aura des signes.
Le chant Myssolydien s'exécutera dans les
cieux, qui, après avoir raconté la gloire et la
miséricorde, raconteront la justice et la colère:
leur rôle sera interverti. Voir les sermons sur
cet Evangile. [209]
167/342

17.8 Page 168

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CXV. Sommaire d'un sermon sur le premier verset du
Benedictus, pour le deuxième Dimanche de l'Avent
4 décembre 1616
(INÉDIT)
1292SERMO 7. DOMINICA SECUNDA
ADVENTUS
SEPTIÈME SERMON. DEUXIÈME
DIMANCHE DE L'AVENT
Plebis suæ
De son peuple
Ad illa verba Deus Israel, dixi Deum
esse Deum Israelis religione. At quare hic
fecisse redemptionem plebis suæ? An quia
Deus est plebis, an quia plebs Israel est Dei?
Israel est plebs peculiaris Dei, quia
Deus selegerat et redemerat ex Ægipto
Israelem; sed secundo, ob causam fol. 154
verso allatam1293. Cui addendum: Deum,
tertio, esse Israelis quia illi toties promissus
fuerat, et arrabonem sui adventus dedisse cum
Jacob benedixit1294; unde venturus appellatur.
Percurrendum Evangelium1295: Tu es qui
venturus es, an alium expectamus? [210]
A ces mots: Dieu d'Israël, j'ai montré
que le vrai Dieu était l'objet du culte d'Israël.
Mais pourquoi est-il dit ici qu'il a opéré la
rédemption de son peuple? Est-ce parce qu'il
était Dieu du peuple d'Israël, ou parce qu'Israël
était le peuple de Dieu?
Israël était le peuple spécial de Dieu
parce que Dieu avait choisi Israël et l'avait
radieté de la servitude d'Egypte; secondement,
pour la cause relatée au verso du folio 154. Il
faut ajouter en troisième lieu qu'il était le Dieu
d'Israël parce qu'il avait été très souvent
promis à ce peuple et qu'il lui avait donné des
gages de son arrivée dans la bénédiction de
Jacob; aussi l'appelait-on Celui qui doit venir.
Parcourir l'Evangile: Etes-vous Celui qui doit
venir, ou devons-nous en attendre un autre?
[210]
1292 (Ms. p.163, recto)
1293 Vide not. (1245), p. 202.
1294 Gen., XLIX, 10.
1295 Matt., XI, 2-10.(Cf. supra, pp. 64, 72.)
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CXVI. Sermon sur le deuxième verset du Benedictus
5 décembre 16161296
(INÉDIT)
SERMO 8
HUITIÈME SERMON
Et erexit comu salutis nobis
Et nous a suscité une corne de salut
1297Non est dubium cornu istud
salutis esse potentiam regiam, salutarem,
Christi Domini, de qua Psal. 1311298: Illuc
producam cornu David, paravi lucernam
Christo meo. Verum cur Christi regnum,
sive regia majestas, sive imperium, vocetur
cornu, varia dicunt [211] antiqui et
moderni, ex quibus multa sane optima
eliciuntur. Et quidem, inter veteres
ethnicos1299, dicunt capram, nomine
Amalthasam, cornu terram fodisse et
thesaurum ingentem detexisse quo ditatus
fuit caprarius, ut in cornu Amalthese
proverbium de felicitate rerum
temporalium. (Est quidem alia fabula, de
cornu capræ quæ nutrivit Jovem; sed
fabula.) At hoc cornu de quo Propheta,
erexit cornu, si recte eo utamur, inveniemus
ingentes thesauros documentorum.
1. Excipiendum pro initio quod et,
comparatione rerum, dicitur initio sermonis
de Rosario, fol. 121300. Deinde
subjungendum: ita cornu in malam et in
bonam partem accipi, ut est bona et mala
gloria. Hinc: Dixi iniquis: Nolite inique
agere, et delinquentibus: Nolite exaltare
cornu; nolite tollere in altum cornu
vestrum, nolite loqui adversus Deum
Nul doute que cette corne de salut ne soit
la puissance royale et rédemptrice du Christ
Notre-Seigneur, dont il est parlé au Psaume
CXXXI: C'est là que je ferai paraître la corne de
David, j'ai préparé une lampe à mon Christ. Mais
pourquoi le royaume du Christ ou sa majesté
royale ou son empire [211] est-il appelé corne?
Les auteurs anciens et modernes en donnent
diverses raisons dont plusieurs sont utiles à
considérer. On disait parmi les anciens payens
qu'une chèvre appelée Amalthée, ayant creusé la
terre avec sa corne, découvrit un immense trésor
dont fut enrichi le chevrier, si bien que la corne
d'Amalthée devint proverbiale pour désigner
l'abondance des biens temporels. (Il existe bien un
autre récit sur la corne de la chèvre qui nourrit
Jupiter, mais c'est une fable.) Si nous usons bien
de cette corne dont parle le Prophète lorsqu'il dit:
Il a suscité une corne, nous y trouverons une mine
inépuisable d'enseignements.
1. Prendre pour le commencement, en y
introduisant les variantes nécessaires, ce qui est
dit dans l'exorde du sermon sur le Rosaire, folio
12. Ajouter ensuite: le mot corne se prend en
bonne et en mauvaise part, comme il y a une
bonne et une mauvaise gloire. De là: J'ai dit aux
hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et
aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez
pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre
Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te
1296 Le classement des serinons et la pagination du Ms. autorisent à croire que le saint Evèque prêcha six fois la semaine
pendant cette station. Le sermon précédent étant du second Dimanche de l'Avent, celui-ci doit être du lundi; il est vrai
qu'il contient une allusion à l'Evangile de la veille (voir p. 219), mais il faut remarquer que, pendant l'Avent, on doit
dans les églises cathédrales et collégiales dire la Messe du Dimanche chacun des jours de la semaine suivante.
Par distraction probablement, l'Auteur a répété au titre de cette pièce le numéro 7 déjà attribué au sommaire
précédent, qui, dans sa brièveté, doit être complet, puisqu'il occupe le haut d'une page dont tout le surplus est resté en
blanc. Les éditeurs se sont cru permis de restituer à ce Sermon le numéro 8 qui lui appartient.
1297 (Ms. p. 164, recto)
1298 Vers. 17.
1299 Alii aliter.
1300 Vide not. (1245), p. 202.
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iniquitatem1301. Quod perinde est ac dicat:
Quid gloriaris in malitia, qui potens es in
iniquitate? Tota die injustitiam cogitavit
lingua tua, sicut novacula acuta fecisti
dolum1302. Sed satis erit locus hic: Et omnia
cornua peccatorum confringam et
exaltabuntur cornua justi1303. [212]
2. Hic vero in optimam partem
accipitur. Et quidem in mentem venit
Samuelem, I. Reg. 16. v. 13, tulisse cornu
olei, et unxisse Davidem in medio fratrum
suorum. Et initio capitis, v. 1 et 2, Dominus
dixerat: Imple cornu tuum oleo, et veni. Et
3. Reg. c. I. v. 39: Sumpsitque Sadoc
sacerdos cornu olei de tabernaculo. Utrum
autem cornu nativum esset, an cornu
aureum argenteumve, non convenit inter
authores; et Pineda quidem aureum, cum
Lyrano1304 et Abulensi1305, fuisse existimat;
c. 6. I. 2, Salomonis Prævii1306. At mihi sane
verius videtur fuisse nativum; quia
conjectura illa qua utitur, asservatum esse
oleum sanctum in cornu aureo, nullo nititur
fundamento pro Davidis inauguratione, ubi
expresse Scriptura Samueli Dominum
precepisse ait: Tolle cornu tuum et imple
oleo. Neque vero aspernanda est observatio
Rabani1307, Hugonis1308, Comestoris1309,
Ruperti1310: Saul unctum ex lenticula1311,
vase fragili, David autem cornu, vase
firmissimo, quod regnum Saul fragile,
David stabile, futurum; nam quamquam
Abulensis et Pineda1312 existiment
lenticulam fuisse ex auro, tamen Sa1313, et si
adducere licet pessimos authores,
Gebennenses1314, phialam esse existimant,
et [213] Lyra1315, quadratæ figuræ. Neque
obstat quod dicatur de David: Inveni David
servum meum, oleo sancto meo unxi eum,
glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en
iniquité? Tout le jour ta langue a médité
l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction
comme un rasoir affilé. Mais ce passage suffira:
Et je briserai toutes les cornes des pécheurs et les
cornes des justes seront exaltées. [212]
2. Ici, le mot corne est pris en très bonne
part. En effet, 1. il me revient en mémoire que
Samuel apporta une corne pleine d'huile et oignit
David au milieu de ses frères. Et au
commencement du chapitre, le Seigneur avait dit:
Remplis d'huile ta corne et viens... Et Sadoc le
prêtre prit la corne d'huile du tabernacle. Cette
corne était-elle naturelle, ou était-elle d'or ou
d'argent? Les auteurs ne sont pas d'accord sur ce
point. Pinéda, par exemple, ainsi que Lyranus et
Abulensis, estime qu'elle était d'or (chap. VI, liv.
II, Préliminaires de l'Histoire de Salomon). Mais
il me paraît plus vraisemblable qu'il s'agissait
d'une corne naturelle. Aussi l'opinion de Pinéda,
d'après laquelle l'huile sainte aurait été conservée
dans une corne d'or, n'a aucune valeur quant au
sacre de David. L'Ecriture, en effet, enseigne
expressément que le Seigneur dit à Samuel:
Prends ta corne et remplis-la d'huile. Néanmoins,
la remarque faite par Raban, Hugues, Rupert,
Comestor, n'est pas à dédaigner: Saül a été oint de
l'huile conservée dans un petit vase fragile, et
David, de l'huile conservée dans une corne, vase
très solide, ce qui augurait pour Saül un règne
éphémère et pour David un règne durable.
Quoique Abulensis et Pinéda pensent que le petit
vase était d'or, Sa toutefois, et, s'il m'est permis
d'alléguer les pires auteurs, les pasteurs de
Genève, déclarent qu'il s'agit d'une fiole, que
Lyranus prétend avoir été carrée. Et rien n'y
contredit dans ce [213] qui est dit de David: J'ai
trouvé David, mon serviteur, je l'ai oint de mon
huile sainte; il se peut en effet que Samuel, pour
1301 Ps. LXXIV, 5, 6.
1302 Ps. LI, 1, 2.
1303 Ps. LXXIV, ult.
1304 Bibl.cum Glossis, in I Reg., X, 1.
1305 Comm. in I Reg., ad eund. locum.
1306 Al. De Rebus Salomonis.
1307 In Gloss., ad I Reg., X, 1.
1308 Comm., in eund. locum.
1309 Hist. Scholast., in I Reg., cap. XI.
1310 De Trin., etc., in I Reg., cap. XXIII.
1311 I Reg., X, 1.
1312 Ubi supra.
1313 Annotat., in I Reg., X, 1.
1314 La Bible... de Geneve, in eund. loc.
1315 Ubi pag. præced.
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[Ps.] 881316; nam et forsan oleum sanctum
de tabernaculo sumpsit Samuel pro Davide,
ut Sadoc pro Salomone1317, tamen non in
cornu aliquo tabernaculi, sed in cornu suo,
quod habebat penes se; et forsan etiam, non
tulit de tabernaculo, sed sanctificatum et
sanctum factum dicitur oleum quod Dei
jussu fusum est, vel ab ipso Propheta
benedictum. At Salomon et Joas1318 uncti
sunt oleo sancto tabernaculi.
Utut sit, oleum sanctum unctionis
regum ostendit reges sanctos esse debere, et
addictissimos, sive conjugales et sodales,
sacerdotum; quippe qui eodem oleo
unguntur, ut ipsius sacerdotis appendices et
cooperatores. Sane opus erat dispensatione
ut oleum sacerdotale regibus ungendis
adhiberetur, ut ait Genebrardus1319 dicto
loco Psalmi. Nam Exod. 301320, præceptum
erat ne ungeretur caro hominis oleo sancto
sacerdotibus ungendis destinato. Verum ut
sacerdotes sunt angeli ad regimen spirituale
missi, ita et reges non mere homines, sed
etiam angeli ad regimen temporale deputati.
Et conspirare debent reges et sacerdotes, qui
eodem oleo [214] unguntur; ita tamen ut
sacerdotes semper primarii, quibus oleum
primo et per se deputatur, reges vero
coadjutores, quibus per dipensationem et
extensionem oleum applicatur. Cornu
autem Samuelis quale fuerit non facile
dixerim; sane cornibus utebantur antiqui et
ad potum (hinc crater, quasi χέρας) et ad
sonum, et ad salem et oleum utebantur. Qua
de re vide Viegas in Apocalipsim1321.
Pastoritium autem est vas quo unguntur
reges, ut ipsi pastores sint non vellicatores.
Neque vero legimus aliquem regum
in cornu olei unctum præter David et
Salomonem, quod observatione dignius
existimo. 4. Reg. 91322, ungitur Jehu, sed
oleo lenticulæ. Et 3. Reg. 191323, precipitur
Heliæ ut ungat Hazael roy de Syrie et Jehu
sur Israel, mais il n'est point dit qu'accipiat
cornu. Et David fuit unctus ter: semel in
sacrer David, ait pris l'huile sainte du Tabernacle,
comme Sadoc le fit pour Salomon, sans
cependant qu'il ait employé une corne du
tabernacle, car il a pu se servir d'une corne qui
était à son usage. Peut-être aussi n'a-t-il pas pris
de l'huile du tabernacle, mais on appelait
sanctifiée et sainte l'huile que Dieu avait ordonné
de répandre ou que le Prophète avait bénite. Il est
certain toutefois que Salomon et Joas ont été oints
de l'huile sainte du tabernacle.
Quoi qu'il en soit, l'huile sainte employée
pour le sacre des rois démontre que les rois
doivent être saints et qu'ils sont adjoints aux
prêtres, qu'ils sont leurs collaborateurs et leurs
associés. Ils sont, en effet, oints de la même huile,
comme auxiliaires du prêtre et ses coopérateurs.
Evidemment, il fallait une dispense, comme dit
Génébrard sur ce passage du Psaume, pour faire
servir l'huile sacerdotale à l'onction des rois, car il
était défendu d'oindre toute chair d'homme de
cette huile sainte destinée au sacre des prêtres.
Mais tout ainsi que les prêtres sont des anges
préposés au gouvernement spirituel, ainsi les rois
sont moins des hommes que des anges délégués
au gouvernement temporel. Oints de la même
huile, rois et prêtres doivent marcher de concert,
de telle sorte néanmoins que les prêtres gardent
toujours le premier rang, [214] car l'huile leur a
été d'abord immédiatement destinée, et que les
rois soient leurs auxiliaires, puisque l'huile ne leur
est appliquée que par dispense et par extension.
Quant à la corne de Samuel, il me serait difficile
de dire de quelle nature elle était. Les anciens se
servaient certainement de cornes pour boire (de,
là le mot crater, coupe, comme χέρας, corne) et
pour contenir le sel et l'huile; ils en usaient aussi
à guise d'instruments de musique. Voir sur ce
point Viégas, Commentaires de l'Apocalypse. On
emploie un vase pastoral pour oindre les rois, afin
[de leur signifier qu'ils doivent être] de vrais
pasteurs et non des tondeurs.
Au reste, nous ne lisons pas qu'aucun roi,
sauf David et Salomon, ait été oint avec la corne
d'huile, ce que je crois fort digne d'être observé.
Jéhu est oint, mais avec l'huile du petit vase. Elie
1316 Vers. 21.
1317 Vide supra.
1318 IV Reg., XI, 12.
1319 Comm. in Psalm.
1320 Vers. 32.
1321 Ad cap. V, 6.
1322 Vers. 3, 6.
1323 Vers. 15, 16.
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Betleem a Samuele1324; secundo in Hebron,
2. Reg. 21325, a tribu Juda; et, 2. Reg. 51326,
iterum in Hebron, ab universo Israel. Prima
unctione, jus ad regnum; secunda,
possessionem Juda; tertia, Israel. Prima, cor
mundum; secunda, spiritum rectum; tertia,
spiritum principalem1327. Et Joas, 4. Reg.
XI1328. [215]
Hinc primus sensus consurgit. Et
erexit cornu salutis nobis, id est, regnum
salutis; nam quia rex David unctus oleo
cornu, rite regnum per cornu exprimitur,
regnum salutis: quod vero ad id alludat
Propheta, facile est existimare, cum addit:
in domo David pueri sui. Cum enim in
domo David regnum cornu stabilitum sit, in
ejus et Salomonis unctione, per comu
salutis in ejus domo regnum salutis
exprimit. Hinc illic producam cornu
David1329; et forsan idem est sensus.
Isaiae, 5. v. 1 et 2: 1330Vinea facta est
dilecto meo in cornu filio olei, id est,
regnum Israel stabilitum est in cornu oleo
pleno: Imple cornu tuum oleo1331. Et sensu
prophetico, Ecclesia vinea Dei facta est in
regno Christi, vel in Christo, qui per cornu
quod continebat oleum representabatur.
Illic producam cornu David; filio olei,
unguento pleno: Oleum effusum nomen1332;
et, Unxit te Deus præ participibus tuis1333,
ut a te tanquam a cornu primario omnes
reges ungerentur, ut dicereris Rex regum et
Dominus dominantium1334, et de tua
plenitudine omnes reges acciperent1335, ut
[216] prædixeras: Per me reges regnant1336,
etc. Cornu autem dicitur Christus filius olei,
id est repletus oleo, ut filius iniquitatis,
filius peccati, id est, plenus iniquitate. Hinc:
Protector meus et cornu salutis meæ1337,
cornu plenum salute, salutare, protegens.
reçoit l'ordre d'oindre Hazaël roi de Syrie et Jéhu
sur Israël, mais il n'est point dit qu'il doive se
servir de la corne. David fut oint trois fois: une
première fois à Bethléem par Samuel; une
seconde fois à Hébron par la tribu de Juda, et de
nouveau à Hébron par tout Israël. La première
onction lui conféra le droit au royaume; la
seconde, la possession de Juda; la troisième, celle
d'Israël. La première lui donna un cœur pur; la
deuxième, un esprit droit; la troisième, un esprit
parfait. Et Joas. [215]
De ce qui précède ressort un premier sens.
Et nous a suscité une corne de salut, c'est-à-dire,
le royaume du salut; car puisque le roi David a été
oint de l'huile de la corne, c'est avec raison que le
royaume est désigné par la corne, royaume de
salut. Et que le Prophète fasse allusion à ce règne,
il est facile de le conclure de ce qu'il ajoute: dans
la maison de David son serviteur. Comme dans
l'onction de David et de Salomon, c'est par la
corne que le royaume a été fondé dans la maison
de David, ainsi, par le mot corne de salut, le
Prophète indique que c'est dans la maison de
David qu'a été fondé le royaume du salut. De là
viennent ces mots: C'est là que je ferai paraître la
corne de David, mots qui ont peut-être le même
sens.
Isaïe: Mon bien-aime a acquis une vigne
dans la corne du fils de l'huile; c'est-à-dire, le
royaume d'Israël a été fond' sur une corne pleine
d'huile: Remplis d'huile ta corne. Au sens
prophétique, Dieu a planté sa vigne, l'Eglise, dans
le royaume du Christ, ou dans le Christ représenté
par la corne qui contenait l'huile. C'est là que je
ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou
riche en parfums: Votre nom est une huile
répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus
excellente que ceux qui participeront à votre
gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur
onction en vous, comme en une corne première,
1324 Vide supra, p. 213.
1325 Vers. 4.
1326 Vers. 3.
1327 Ps. I, 12, 14.
1328 Vers. 12.
1329 Ubi supra, p. 211.
1330 (Ms. p. 164, verso)
1331 Ubi supra, p. 213.
1332 Cant., I, 2.
1333 Ps. XLIV, 8; Heb., I, 9.
1334 I Tim., ult., 15; Apoc., XIX, 16.
1335 Joan., I, 16.
1336 Prov., VIII, 15.
1337 Ps. XVII, 3.
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Maldonatus hic1338 ait regem dici cornu,
quia gloria et protectio est reipublicæ, sicut
cornu vis, robur ac gloria animalium
cornutorum; vide eum in Psalm. 88, v. 21.
Porro locum Isaiæ, 5, de Christo intelligunt
Origenes1339, cujus vide testimonium in
Catena aurea1340, Rupertus1341, Aymo1342,
Theophilactus1343, Eusebius, I. 4.
Demonstr., c. 15, apud Rio1344, Adag. 691,
Iæ Partis. Dicunt autem cornu esse
Christum, et esse simul filium olei, quia
unxit eum Deus oleo lætitiæ1345, et quia
Christus unctus, et unguentum effusum
nomen ejus1346.
2. Notandum cornu arietino
jubileum olim solere intimari, ut plerique
doctissimi viri existimant, quamvis Ribera,
I. 5. de Templo, c. XXIIII. num. 9. et seq.,
existimet esse bubulinas. Arietinas tamen
fuisse eas quibus clangebant in festo
tubarum nemo negat (et vide eumdem,
eodem [libro,] cc. 9. et 10); quod [217]
celebrabatur prima die mensis septimi, ut
habetur Num. 101347, Levit. 231348, et Num.
291349. Solemnitas enim illa celebrabatur in
memoriam liberati Isaac a morte per
visionem arietis, sive vices ejus in subeunda
morte gerente ariete, hærente cornibus inter
vepres1350. Jubileum autem ab obel derivari,
id est, cornu arietino. Vide Toletus, in cap.
7. Joannis, ubi de festis Judeorum; ubi
tanquam probabilem recitat causam eam
liberati Isaac, quamvis probabiliorem
existimet esse quod clangor audiretur dum
Lex daretur in monte Synai1351. Sed idem
Toletus ait, lib. 6. Summæ suæ, c. 24. in
jubileo sonitum tubæ arietinæ fieri
consuevisse, et inde jobileum ab obel
dictum. Toletus item, eodem loco, et
que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur
des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de
votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par
moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est
le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire
qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité,
fils de péché, signifie plein d'iniquité. De même:
Mon protecteur et la corne de mon salut équivaut
à corne pleine de salut, salutaire, protectrice. A ce
passage, Maldonat dit que le roi est appelé corne
parce qu'il est la gloire et le défenseur de l'Etat,
comme la corne est la force, la puissance,
l'ornement des animaux qui la portent. Voir cet
auteur, sur le Psaume LXXXVIII, 21. Origène
(voir son témoignage dans la Chaîne d'or),
Rupert, Haimon, Théophylacte, Eusèbe (liv. IV
des Démonstrations, chap. XV), d'après Rio
(Adage DCXCI de la Ire Partie), appliquent au
Christ ce passage d'Isaïe, et disent que le Christ
est à la fois la corne et le fils de l'huile, parce que
Dieu l'a oint de l'huile de la joie, que le Christ est
oint et que son nom est un parfum répandu.
2. Il faut remarquer que les trompettes au
son desquelles on annonçait le jubilé étaient de
cornes de bélier; c'est l'opinion de la plupart des
hommes savants, bien que Ribéra (liv. V sur le
Temple, chap. XXIV, n° 9 et suivants) pense
qu'elles étaient de cornes de taureau. C'étaient des
cornes de bélier qu'on faisait résonner à la fête des
trompettes, nul ne le nie (et voir le même auteur,
au même [livre,] chap. IX et X). Cette fête se
célébrait le premier jour du [217] septième mois,
comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num.,
XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en
mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort
à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les
cornes dans un buisson, fut immolé à la place
d'Isaac. Le mot de jubilé dérive d'obel qui signifie
corne de bélier. Voir Tolet sur le chap. VII de
saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les
1338 Scil. in Luc., I, 69.
1339 Hom. X in Lucam.
1340 Ad Lucæ I, 69.
1341 De Trin., etc. In Isaiam, 1. I, c. XVI.
1342 Comm. in Is., 1. I, c. V.
1343 Comm. in Luc., ad cap. I, 69.
1344 Adagialia sacra V et. et Novi Test.
1345 Ps. XLIV, 8.
1346 Cant., I, 2.
1347 Vers. 10.
1348 Vers. 24.
1349 Vers. 1.
1350 Gen., XXII, 13.
1351 Exod., XIX, 16, 19.
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18.4 Page 174

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Belarminus, in Psal. 80, existimant
versiculum illum1352: Buccinate in
neomenia tuba, restringi ad festum
tubarum, quia aliæ neomeniæ non erant
insignes, neque sabbatizabatur, sed tantum
in neomenia Septembri, in qua occurrebat
festum tubarum. Mihi videntur rationes
Riberæ leves quas contra cornu arietinum
affert1353.
Jam secundus aperitur sensus. Quid
enim est erigere cornu salutis, quam tubam,
id est, prædicationem, salutis extollere;
juxta illud: Quasi tuba exalta vocem [218]
tuam1354? Ecce enim verus jubileus, tempus
remissionis, per redemptionem omnium1355:
Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc
dies salutis1356. Clangimus autem tuba
cornea, et arietina, id est, in virtute Christi
nunc cantamus, ut Psalm. 971357 dicitur:
Psallite Domino in citara, in citara et voce
psalmi, in tubis ductilibus et argenteis, et
voce tubæ corneæ. Quo loco Belarminus1358
per quatuor instrumenta quatuor virtutes
cardinales intelligit: cithara, prudentiam;
psalterium decem chordarum1359, justitiam
mandatorum; tubæ, ductiles ictibus
malleatorum effectæ, fortitudinem; tuba
cornea, temperantiam. Dici posset cytaram
esse fidem; psalterium, spem; tubas
ductiles, pœnitentiam; cornea porro,
charitatem, in qua jubileum et quia cornu
vis, robur, gloria animalis.
Sic autem Evangelicæ tubæ,
Apostoli,
muros
Hierichuntinos
destruunt1360: In omnem terram exivit sonus
eorum1361. At ante omnes tubas ecce
Joannes præcurrit omnes, missus a Patre
ante Filium, vel coram Filio, et vox
clamantis in deserto1362, etc. Jam
veniendum est ad Evangelium
Dominicæ1363, hoc modo: Verum ut [219]
Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme
cause probable de l'institution de cette fête,
quoiqu'il admette comme une cause plus probable
encore le son des trompettes qui retentissaient
lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï. Mais
le même Tolet dit, liv. VI de sa Somme, chap.
XXIV, qu'on avait coutume au jubilé de faire
résonner les cornes de bélier et que d’obel on fit
le mot jubilé. De plus, Tolet, au même endroit, et
Bellarmin, sur le Psaume LXXX, pensent que ce
verset: Sonnez de la trompette en ce premier jour
du mois, ne s'applique qu'à la fête des trompettes,
parce que les autre néoménies n'avaient rien de
très solennel et que l'on n'observait le repos
sabbatique qu'à la seule néoménie de septembre
où se rencontrait la fête des trompettes. Les
raisons qu'apporte Ribéra contre les cornes de
bélier me paraissent faibles.
Mais voici un second sens. Qu'est-ce que
susciter la corne du salut, sinon faire retentir la
trompette ou la prédication du salut, suivant cette
parole: Elève ta [218] voix comme la trompette?
Voici, en effet, le vrai jubilé, le temps de la
rémission par la rédemption universelle: Voici
maintenant le temps favorable, voici maintenant
les jours de salut. Maintenant nous faisons
résonner notre trompette de corne et de corne de
bélier, c'est-à-dire, nous chantons maintenant
dans la puissance du Christ, comme il est dit au
Psaume XCVII: Chantez sur la harpe des
cantiques au Seigneur, sur la harpe et sur
l'instrument à dix cordes, au son des trompettes
de métal battu au marteau, et des trompettes
d'argent, au son de la trompette de corne. En cet
endroit, Bellarmin reconnaît dans les quatre
instruments [le symbole] des quatre vertus
cardinales: la harpe représente la prudence; le
psaltérion a dix cordes, la justice des
commandements; les trompettes battues au
marteau, la force; la trompette de corne, la
tempérance. On pourrait dire que la harpe est la
1352 Vers. 4.
1353 Ubi pag. præced., linea 18.
1354 Is., LVIII, 1.
1355 Levit., XXV, 10.
1356 II Cor., VI, 2.
1357 Vers. 5, 6.
1358 Explan. in Psalm.
1359 Ps. XXXII, 2.
1360 Josue, VI, 13-17.
1361 Ps. XVIII, 5.
1362 Is., XL, 3; Matt., XI, 10; Joan., I, 6, 23.
1363 Matt., XI, 2-10.(Vide not. (1296), p. 211.)
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etiam aliquid de Evangelio, et hac insigni
tuba, dicamus, mirum est eum ignorare
videri Christum esse cornu illud quod
erexit, etc.
13643. Job, 16. v. 16: Saccum consui
super cutem meam, et operui cinere carnem
meam. Hebraice: abjeci in pulvere cornu
meum; vide Biblia magna1365, in margine,
ad signum stellæ, et Hebræam. Ezech. 29. v.
ult.: In die illo pullulabit cornu domui
Israel, et tibi dabo apertum os in medio
eorum, et scient quia ego Dominus. In
Psalm.1366, ubi habemus: Illic producam
cornu David, Hebraice: germinare faciam;
vide Genebrardum et Belarminum1367.
Et ecce tertius sensus; similitudine
ducta a cervo qui quotannis menso
Februario et Martio cornua abjicit quæ
reciperat; mense Martio desinente et Aprile
incipiente, ilz commencent a jetter leurs
bosses. Abjectis cornibus abscondunt se; ilz
se recelent dans leurs fortz et buissons, etc.
Heu! abscondit se Adam1368, quia gratiam et
cornua perdiderat; fugit Jonas1369; et
David1370: Averte faciem tuam a peccatis
meis, etc.; donec veniret desiderium collium
æternorum1371. Et Job, 71372: Sicut cervus
desiderat umbram, et sicut mercenarius
[220] præstolatur finem operis suis, sic ego
habui menses vacuos, et noctes laboriosas
enumeravi mihi: sed jam aliter legendum,
servus. Psal. 21 in titulo, plerique, pro eo
quod habet Editio nostra: Pro susceptione
matutina, legunt cum Hieronimo1373: Pro
cervo matutino, vel, Pro cerva matutina. Et
hoc corroboraret similitudinem nostram;
nam ibi Christus, sicut cervus cujus
incipiunt cornua erumpere, habet ea
sanguine madida et tenera ut non audeat in
publicum venire, sic Christus tempore
Passionis habebat gloriam sanguine tinctam
et teneram.
foi; le psaltérion, l'espérance; la trompette battue
au marteau, la pénitence; celle de corne, la
charité, qui contient la jubilation, et aussi parce
que la corne est la force, la défense, la gloire de
l'animal.
C'est ainsi que les trompettes
évangéliques, les Apôtres, renversent les murs de
Jéricho: Leur bruit s'est répandu dans toute la
terre. Cependant, avant toutes les trompettes,
voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par
le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est
la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver
par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219]
commencer de cette manière: Pour dire aussi un
mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il
est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître
dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc.
3. J'ai étendu un sac sur ma peau et j'ai
couvert ma chair de cendres. En hébreu: J'ai
humilié ma corne dans la poussière; voir la
grande Bible, en marge, à l'astérisque, et l'hébreu:
En ce jour-la, je ferai repousser la corne de la
maison d'Israël, et je t'ouvrirai la bouche au
milieu d'eux, et ils sauront que c'est moi qui suis
le Seigneur. Au Psaume où nous avons: C'est là
que je ferai paraître la corne de David, l'hébreu
porte: Je ferai pousser. Voir Génébrard et
Bellarmin.
Voici le troisième sens. C'est uue
comparaison tirée du cerf qui chaque année, au
mois de février ou de mars, dépose les bois qui lui
avaient poussé [l'année précédente]; à la fin de
mars et au commencement d'avril, ils
commencent à jeter leurs bosses. Après avoir
déposé leurs bois, les cerfs se cachent; ils se
recèlent dans leurs forts et buissons, etc. Hélas!
Adam se cacha parce qu'il avait perdu la grâce et
sa dignité; Jonas s'enfuit, et David s'écrie:
Détournez votre face de mes péchés, etc.; jusqu'à
ce que vienne le Désiré des collines éternelles. Et
Job: Comme le cerf souhaite l'ombre, et comme le
mercenaire [220] attend la fin de son travail,
ainsi j'ai eu des mois vides et des nuits
1364 (Ms. p. 165, recto)
1365 Aliter Biblia cum Glossa ordinaria.
1366 Vide supra, p. 211.
1367 In loc. Ps. CXXXI.
1368 Gen., III, 8.
1369 Jonæ, I, 3.
1370 Ps. L, 11.
1371 Gen., XLIX, 26.
1372 Vers. 2, 3.
1373 Comm. in Osee, 1. II, ad cap. VI, 3.
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Cornu est gloria ac potentia. Dixi
iniquis: Nolite inique agere, et
delinquentibus: Nolite exaltare [cornu];
nolite extollere in altum comu vestrum,
nolite loqui adversus Deum iniquitatem.
Omnia cornua peccatorum confringam, et
exaltabuntur cornua justi1374. Confringam,
retundam. Sic Mosis cornuta erat facies, ita
ut non possent intendere filii Israel in
faciem ejus; Exod. 341375. Cornuta,
Hebraice, radians; Septuaginta, glorificata.
[Psalm.] 911376: Et exaltabitur sicut
unicornis cornu meum, et senectus mea in
misericordia uberi. Et despexit oculus meus
super inimicos meos, et in insurgentibus in
me [221] malignantibus audiet auris tua.
Justus ut palma florebit, etc.
Vox Dilecti mei; ecce iste venit
saliens in montibus, transiliens colles.
Similis est Dilectus meus capreæ
hinnuloque cervorum; en ipse stat post
parietem nostrum, respiciens per cancellos,
prospiciens per fenestras. Adjuro vos per
capreas cervosque camporum (capreæ,
dorcas, chevreul, acutissimi visus; ut notat
Nissenus1377 apud Rio1378, et cervus
acutissimi auditus); Cant. 21379. Et eodem
cap.1380: Dilectus meus mihi, et ego illi.
Similis esto, Dilecte mi, capreæ hinnuloque
cervorum super montes Bether, præruptos,
cavitatibus præfractos. Et cap. 81381: Fuge,
Dilecte mi, et assimilare capreæ hinnuloque
cervorum super montes aromatum. Adjuro
vos, filiæ Hierusalem, per capreas
hinnulosque cervorum, ne suscitetis neque
evigilare faciatis dilectam quoadusque ipsa
velit1382.
Job, ultimo1383: Fuerunt ei septem
filii, dona Spiritus Sancti, et tres filiæ: unam
vocavit Diem, secundam Cassiam, tertiam
Cornustibii (Septuaginta: Cornu
Amaltheæ). Mistice: fidem Catholicam,
quæ dies respectu fidei Patrum: Nox
laborieuses. Mais au lieu de cerf, on peut lire
serviteur. Psaume XXI, au lieu du texte de notre
Edition: Pour l'accueil du matin, plusieurs lisent
au titre avec saint Jérôme: Pour le cerf matinal,
ou bien: Pour la biche matinale, ce qui
confirmerait notre comparaison; car, dans ce
passage, le Christ, comme un cerf dont les bois
commencent à poindre, a les siens tout tendres et
humides de sang au point qu'il n'ose paraître en
public. Tel était le Christ au temps de sa Passion:
sa gloire était encore toute teinte de sang et
paraissait à peine.
La corne est gloire et puissance. J'ai dit
aux hommes iniques: Ne commettez plus
l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre
corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas
iniquement contre Dieu. Je briserai toutes les
cornes des pêcheurs, et les cornes des justes
seront exaltées. Je briserai, j'émousserai. Ainsi le
visage de Moïse était entouré de rayons de
lumière semblables à des cornes, afin que les
enfants d'Israël ne pussent regarder sur sa face.
Cornuta, selon l'hébreu, radieuse; d'après les
Septante, glorifiée. Et ma corne sera élevée
comme celle d'une licorne, et ma vieillesse,
comblée d'une miséricorde abondante. Mon œil a
regardé avec mépris mes ennemis, et ton [221]
oreille entendra avec complaisance [l'annonce
de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre
moi. Le juste fleurira comme le palmier.
J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le
voici qui vient sautant sur les montagnes,
franchissant les collines. Mon Bien-Aimé est
semblable au chevreuil et au faon des biches; le
voici qui se tient derrière notre muraille,
regardant a travers les barreaux, observant par
les fenêtres. Je vous adjure par les chevreuils et
les cerfs des champs. (La biche et le chevreuil ont
la vue très perçante, comme le remarque saint
Grégoire de Nysse, d'après Rio, et le cerf a l'ouïe
très fine.) Et clans le même chapitre: Mon Bien-
Aimé est à moi et moi je suis à lui. Soyez
semblable, mon Bien-Aimé, au chevreuil et au
1374 Ps. LXXIV, 5, 6, Ult.
1375 Vers. 29, 30; II Cor., III, 7, 13.
1376 Vers. 11-13.
1377 Hom. V in Cant., circa initium.
1378 Comm. et Catena in Cant., in loca.
1379 Vers. 8, 9, 7.
1380 Vers. 16, 17.
1381 Vers. ult.
1382 Cant., II, 7.
1383 Vers. 13, 14.
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præcessit, dies autem appropinquavit1384.
[222] Spem odoratissimam; ut canes
venatici odorantur; ut Alexander Magnus,
navigans in Arabiam fœlicem, e Sinu
Persico, odore1385. Cornustibii, vel cornu
Amaltheæ, stibio fucare: abondance
d'embellissemens ou de grace, ou
abondance de richesses et de biens.
Canticum Habacuc, 31386: Domine,
audivi auditionem tuam et timui. Obstupui,
ut Angeli tremunt, non metu mali sed
reverentia et religione; horrendum
sacrificium. Domine, opus tuum, in medio
annorum vivifica illud. Opus tuum, genus
humanum, nam opus videtur Dei: Formavit
ex limo terræ et vivificavit, inspiravit
spiraculum vitæ1387, in initio annorum, jam
vero in medio annorum, vivifica illud, nam
mortuum erat. In medio annorum notum
facies; cum iratus fueris misericordiæ
recordaberis. Deus ab austro veniet, et
Sanctus de monte Pharan; en Seir et monte
Pharan1388, montaignes esquelles passerent
les enfans d’Israel, et vindrent en la terre de
promission. Id est: Dominus qui in monte
Seir et Pharan affuit, veniet; operuit caelos
gloria ejus et laudis ejus plena est terra.
Splendor ejus ut lux erit, cornua in manibus
ejus: magno consensu de Cruce. Ibi
abscondita est [223] fortitudo ejus. Ante
faciem ejus ibit mors, id est, abibit, et
egredietur diabolus ante pedes ejus. Stetit et
mensus est terram.
Ad Gal. 61389: Mihi autem absit
gloriari nisi in Cruce Domini nostri Jesu
Christi, per quem mihi mundus crucifixus
est, et ego mundo. De cætero, nemo mihi
molestus sit, ego enim stigmata Domini
Jesu in corpore meo porto. Gratia Domini
nostri Jesu Christi cum spiritu vestro.
Amen.
De Martiribus, vide fol. 671390. [224]
faon des biches sur les montagnes de Béther,
taillées à pic, sillonnées de cavernes profondes. Et
chap. VIII: Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez
semblable au chevreuil et au faon des biches, sur
les montagnes des aromates. Je vous adjure, filles
de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des
biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma
bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille.
Il est dit de Job au dernier chapitre de son
livre qu'il eut sept fils, qui représentent les sept
dons du Saint-Esprit, et trois filles: il nomma la
première Jour, la seconde, Cassie, la troisième,
Cornustibie (selon les Septante: Corne
d'Amalthée). Au sens mystique, [la première
représente] la foi catholique, [222] qui est le plein
jour, si on la compare à la foi des Patriarches: La
nuit passe, et le jour approche. [La seconde,]
l'espérance avec son parfum exquis. Ainsi les
chiens de chasse sentent le gibier; ainsi Alexandre
le Grand voguant vers l'Arabie heureuse en sentit
les parfums, étant dans le golfe Persique.
Cornustibie ou corne d'Amalthée; se farder avec
de l'antimoine: abondance d'embellissements ou
de grâce, ou abondance de richesses et de biens.
Cantique d'Habacuc: Seigneur, j'ai
entendu votre parole et j'ai craint. J'ai été
stupéfait en voyant comme les Anges tremblent,
non de crainte, mais de respect et de religion
(redoutable sacrifice). Seigneur, c'est votre
œuvre, vivifiez-la au milieu des années. Votre
œuvre, le genre humain, qui semble avoir coûté
un travail à Dieu: Il forma [l'homme] du limon de
la terre et le vivifia, il lui inspira un souffle de vie
au commencement des années; mais maintenant,
au milieu des années, vivifiez-le, car il était mort.
Au milieu des années vous ferez connaître votre
œuvre; lorsque vous serez irrité, vous vous
souviendrez de la miséricorde. Dieu viendra du
midi, et le Saint, de la montagne de Pharan; de
Séïr et de la montagne de Pharan, montagnes par
lesquelles passèrent les enfants d'Israël pour
arriver en la terre de promission. C'est-à-dire: Le
Seigneur qui a été présent sur la montagne de Séïr
et de Pharan, viendra; sa gloire a couvert les
cieux et la terre est remplie de sa louange. Sa
1384 Rom., XIII, 12.
1385 Plin., Hist. nat. 1. XII, c. XIX (al. XLII).
1386 Vers. 1-6.
1387 Gen., II, 7.
1388 Deut., XXXIII, 2.
1389 Vers. 14, 17, 18.
1390 Vide not. (1245), p. 202.
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splendeur brillera comme la [223] lumière, les
cornes sont dans ses mains. C'est avec beaucoup
d'unanimité que les commentateurs appliquent ce
passage à la Croix. Là, sa force a été cachée. La
mort ira devant sa face, c'est-à-dire s'en ira, et le
diable sortira devant ses pieds. Il s'est arrêté, et
il a mesuré la terre.
Pour moi, a Dieu ne plaise que je me
glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est
crucifié, et moi, au monde. Au reste, que personne
ne m'importune plus, car je porte en mon corps
les stigmates du Seigneur Jésus. Que la grâce de
Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec votre
esprit. Amen.
Sur les Martyrs, voir folio 67. [224]
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CXVII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du
Benedictus
Avent 1616
1391In domo David pueri sui
(INÉDIT)
Dans la maison de David son serviteur
Quæstio est cur potius domus David
quam Salomonis, vel Roboam, vel Ezechiæ,
vel Josaphat, vel Josiæ. Respondetur quia
regnum David fuit illustrissimum.
1°. In Davide origo regni; fuit enim
ipse primus regum in ejus familia, et gratis
electus de post fœtantes1392, et fuit Propheta; et
fuit ter unctus1393, qua in re Christum expressit.
In prima unctione accepit cor mundum et
spiritum rectum1394 (Dilexisti justitiam et odisti
iniquitatem1395); in secunda, spiritum sanctum
prophetiæ; in tertia, spiritum principalem1396,
et, quemadmodum Christus, fuit unctus præ
participibus suis1397. Sic humanitas Christi
accepit cor mundum et rectum in unione, gratia
unionis; Spiritum Sanctum, ob gratiam [225]
sacerdotalem et propheticam (in baptismo
Spiritus Sanctus visus est: Hic est Filius meus
dilectus1398); et spiritum principalem, seu
regium. Spiritus Domini super me, eo quod
unxerit me1399. Unde: Unguentum effusum
nomen tuum1400. Inveni David servum meum,
oleo sancto meo unxi eum1401. Prima unctio
David facta est in domo patris1402; sic prima
Christi in utero Matris. Oleum effusum;
Diffusa est gratia in labiis tuis, propterea
benedixit te Deus in æternum1403; oleum
effusum doctrinæ. Sicut oliva speciosa in
campis1404; et mira virtus olivæ, quæ plantata a
La question est: pourquoi plutôt la
maison de David que celle de Salomon, ou de
Roboam, d'Ezéchias, de Josaphat, de Josias?
Nous répondons que le règne de David fut le
plus illustre.
1. Le royaume prit commencement en
David, qui fut le premier roi de sa famille,
choisi sans mérite de sa part quand il
conduisait ses troupeaux. David fut Prophète
et fut trois fois oint; il devint en cela la figure
du Christ. Dans la première onction il reçut un
cœur pur et un esprit droit (Vous avez aimé la
justice et haï l'iniquité); dans la seconde, le
saint esprit de prophétie; dans la troisième,
l'esprit parfait; et comme le Christ, il a été oint
d'une manière plus excellente que ceux qui
devaient participer a sa gloire. Ainsi
l'humanité du Christ en s'unissant à la Divinité,
a reçu en vertu de cette union un cœur pur et
droit; l'Esprit-Saint, par la grâce du sacerdoce
et le don de prophétie (à son [225] baptême on
vit l'Esprit-Saint: Voici mon Fils bien-aimé); et
l'esprit parfait ou royal. L'Esprit du Seigneur
est sur moi, parce qu'il m'a oint. De là ces
textes: Votre nom est un parfum répandu. J'ai
trouvé David mon serviteur, et je l'ai oint de
mon huile sainte. David reçut la première
onction dans la maison de son père; ainsi le
Christ reçut-il la première dans le sein de sa
1391 (Ms. p. 165, verso)
1392 Ps. LXXVII, 70.
1393 Vide supra, p. 215.
1394 Ps. L, 12.
1395 Ps. XLIV, 8.
1396 Ps. L, 13, 14.
1397 Ps. XLIV, 8; Heb., I, 9.
1398 Matt., III, 16, 17; Lucæ, III, 22.
1399 Is., LXI, 1; Lucæ, IV, 18.
1400 Cant., I, 2.
1401 Ps. LXXXVIII, 21.
1402 I Reg., XVI, 13.
1403 Ps. XLIV, 3.
1404 Eccli., XXIV, 19.
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18.10 Page 180

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virginibus crescit cumulatius1405. Diffusa est
gratia; allusio ad Beati Ambrosii examen apum
mellificium1406.
2°. David abstulit opprobrium ex Israel
et vicit Goliath1407; ut Christus: Nunc judicium
est mundi, nunc princeps hujus mundi ejicietur
foras1408. Sed etiam in modo; nam non indutus
regiis armis sed pastoritiis: Non enim habeo
consuetudinem1409. Venit cum baculo, ut cum
cane1410; sic Christus, «ut qui in ligno
vincebat1411.» Solet Deus per infirma
confundere fortia1412; ibi abscondita est
fortitudo ejus1413. Sic hamus apud Gregor.1414,
Rupert.1415 Sic icneumon contra
crocodilum1416. Libera me de ore leonis, et a
cornibus [226] unicornium humilitatem meam
(Psal. 211417); Christus in cruce. Hieron.1418:
Pro cervo matutino, pro susceptione matutina,
pro cerva matutina. (Rinocerotem.)
3°. David mitissimus, et rex afflictorum
et cere alieno oppressorum1419. Quia cum
inimici essemus1420. Bernardus1421: Majorem
charitatem qui et pro inimicis.
4°. David pœnitens, et parans omnia
quæ ad Templi ædificationem. Et peccavit, sed
pœnitentiam celeberrimam egit; unde, solium
David, domus David. Ambrosius ad
Theodosium1422. Et exaltabitur sicut unicornis
cornu meum, et senectus mea in misericordia
uberi. Et despexit oculus meus super inimicos
meos, et in insurgentibus in me malignantibus
audiet auris mea. Justus ut palma florebit;
sicut cedrus Libani agitatus a vento
multiplicabitur; [Ps.] 911423. Non veni vocare
Mère. Huile répandue. La grâce a été
répandue sur vos lèvres, c'est pourquoi Dieu
vous a béni pour l'éternité; l'huile répandue de
la doctrine. Comme un bel olivier dans la
campagne; l'olivier a une admirable propriété:
planté par des vierges, il croît plus touffu. La
grâce a été répandue; faire allusion à l'essaim
de mouches à miel [qui se plaça sur les lèvres]
de saint Ambroise.
2. David effaça l'opprobre d'Israël en
terrassant Goliath; il en fut de même du Christ:
C'est maintenant le jugement du monde,
maintenant le prince de ce monde sera jeté
dehors. Autre figure dans le mode d'action.
David était armé non en roi mais en berger: Je
ne suis pas accoutumé. Il vint avec un bâton,
comme s'il avait à se défendre d'un chien; ainsi
vint le Christ, «comme étant Celui qui devait
vaincre par le bois. » Dieu a coutume de
confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus
faible; la, sa force a été cachée. Ainsi
l'hameçon, dans saint Grégoire et Rupert.
Ainsi l'ichneumon contre le crocodile.
Délivrez-moi [226] de la gueule du lion et de
la corne des licornes dans l'état d'humiliation
où je suis (Psaume XXI); le Christ en croix.
Saint Jérôme: Pour le cerf matinal, pour
l'accueil matinal, pour la biche matinale.
(Rhinocéros.)
3. David était très doux, le roi des
affligés et des gens accablés de dettes. Car
lorsque nous étions ennemis, [etc.] Saint
Bernard: [Le Christ a eu] une charité plus
grande, puisqu'il est mort même pour ses
ennemis.
1405 Pierius, Hieroglyph. LIII, c. XVI. Cf. Corn. a Lap., in Eccli., XXIV, 19.
1406 Paulin., in Vita S. Ambr., § 3.
1407 I Reg., XVII, 26, 49-51; Eccli., XLVII, 4-6.
1408 Joan., XII, 31.
1409 I Reg., XVII, 39.
1410 Ibid., v. 43.
1411 Præfat. de Cruce.
1412 I Cor., I, 27.
1413 Habacuc, III, 4.
1414 Moral., in Job, 1. XXXIII, in cap. XL, 19 seq.
1415 Comm. in Job, in eundem locum.
1416 Plin., Hist. nat., 1. VIII, c. XXIV (al. XXXVI).
1417 Vers. 22.
1418 Vide supra, p. 221.
1419 I Reg., XXII, 2.
1420 Rom., V, 10.
1421 De Dilig. Deo, c. I.
1422 Paulin., in Vita S. Ambr., § 24.
1423 Vers. 11-13.
180/342

19 Pages 181-190

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19.1 Page 181

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justos1424. Fidelis sermo et omni acceptione
dignus; quia venit1425.
Rectum, mundum1426: Dilexisti
justitiam et odisti iniquitatem, propterea unxit
te Deus, Deus tuus, oleo lætitiæ1427. Petrus,
Act. 101428, Petrus praedicans: Vos scitis
quomodo unxit eum Deus Spiritu Sancto et
virtute. [227]
4. David fut pénitent et prépara tout ce
qui était nécessaire pour la construction du
Temple. Il pécha, mais fit ensuite la plus
célèbre pénitence; voilà pourquoi on parle du
trône de David, de la maison de David. Saint
Ambroise à Théodose. Et ma corne sera élevée
comme celle d'une licorne, et ma vieillesse,
comblée d'une miséricorde abondante. Mon
œil a regardé avec mépris mes ennemis, et mon
oreille entendra avec complaisance [l'annonce
de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre
moi. Le juste fleurira comme le palmier; il sera
multiplié comme le cèdre du Liban agité par le
vent. Je ne suis pas venu appeler les justes.
C'est une vérité certaine et digne d'être
entièrement reçue, qu'il est venu, [etc.]
Droit, pur: Vous avez aimé la justice et
haï l'iniquité, c'est pourquoi Dieu, votre Dieu,
vous a oint d'une huile d'allégresse. Saint
Pierre prêchant: Vous savez comment Dieu l'a
oint de l'Esprit-Saint et de la puissance. [227]
1424 Matt., IX, 13.
1425 I Timot., I, 15.
1426 Ps. I, 12.
1427 Ps. XLIV, 8.
1428 Vers. 37, 38.
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CXVIII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du
Benedictus
Avent 1616
(INÉDIT)
1429Salutem ex inimicis. Ad faciendam
misericordiam
Pour nous sauver de nos ennemis. Pour
accomplir ses miséricordes
Antiquis etiam Christus fecit
redemptionem : Erexit cornu salutis ; salutem
ex inimicis1430. Tamen Christianis majores
vires contulit et majora auxilia. Unde, vae
nobis si non recte pugnaverimus.
Saepe exaggero vobis, nec unquam
satis possum, haereticorum antiquorum
acrisiam et spiritum contentionis, bigearre.
Pelagiani Christum non salvasse antiquos
Patres dicebant, quia non eos docuit. Vide
supra, ser. 41431. At contra noster Propheta :
Venit, visitavit, redemptionem1432, etc., ad
faciendam misericordiam cum patribus
nostris. Paulus, Heb. 91433, Rom. 31434: Ideo
novi testamenti mediator est, in redemptionem
[228] earum prævaricationum quæ erant in
precedenti testamento. Redemptio enim
operata est antequam facta esset per
prævisionem. Gallus sentit solem. Job, 381435,
Deus alloquitur: Quis dedit gallo
intelligentiam? Præparantur monilia et vestes
pro sponsa Isaac antequam cognoscatur1436.
Sic Agnus dicitur occisus ab origine mundi;
Apoc. 131437. Hinc Paulus, 1. Cor. X1438:
Omnes eumdem potum spiritalem biberunt;
bibebant autem de spiritali consequente eos
petra; petra autem erat Christus.
Attamen nobis Christianis salus ista ex
inimicis nostris amplior est; nam non frustra
Le Christ a également racheté ceux qui
l'ont précédé : Il a suscité une corne de salut ;
pour nous sauver de nos ennemis. Toutefois, il
a apporté aux Chrétiens de plus grandes forces,
de plus puissants secours. Aussi, malheur à
nous si nous ne combattons pas bien.
Je vous dénonce souvent, et je ne le
puis trop faire, ce manque de rectitude, cet
esprit de contention, bizarre, qui caractérisent
les anciens hérétiques. Le Christ, disaient les
Pélagiens, n'a pas sauvé les Patriarches, parce
qu'il ne les a pas instruits. Voir plus haut,
sermon IV. Notre Prophète dit au contraire : Il
est venu, il a visité, racheté, etc., pour
accomplir ses miséricordes envers nos pères.
Et saint Paul : C'est pourquoi il est le
médiateur du nouveau testament, pour la
rédemption des prévarications qui existaient
sous le testament [228] précédent. La
rédemption s'opérait par prévision avant
qu'elle fût accomplie. Le coq pressent le lever
du soleil. Dieu dit à Job: Qui a donné
l'intelligence au coq? On prépare des bijoux et
des vêtements pour l'épouse d'Isaac avant
qu'elle soit connue. Aussi est-il écrit que
l'Agneau a été immolé dès l'origine du monde.
Et saint Paul: Tous ont bu le même breuvage
spirituel; or, ils buvaient l'eau de la pierre
spirituelle qui les suivait; et cette pierre était
le Christ.
1429 (Ms. p. 170, recto)
1430 Vers. 69, 72.
1431 Vide not. (1245), p. 202.
1432 Lucae, I, 68.
1433 Vers. 15.
1434 Vers. 23, 24.
1435 Vers. 36.
1436 Gen., XXIV, 22, 53.
1437 Vers. 8.
1438 Vers. 4.
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19.3 Page 183

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Ecclesia dicitur Sponsa Agni1439, et plenitudo
temporis1440, tempus Evangelicum. Et non
frustra Paulus clamat: Ecce nunc tempus
acceptabile, ecce nunc dies salutis1441; et:
Apparuit benignitas et humanitas Salvatoris
nostri Dei1442; et ad Heb. 131443: Habemus
altare de quo edere non valent qui tabemaculo
deserviunt.
Hinc arma spiritalia ex Sacramentis
longe potiora antiquis. Psal. 881444: Sicut juravi
David in veritate mea: semen ejus in æternum
manebit, et thronus ejus sicut sol, et sicut luna
perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis.
Antiquus thronus erat sicut stella [229]
matutina, et crepusculum, et sicut luna
crescens, et sicut nebula in die et columna ignis
in nocte1445. At thronus iste sicut sol, sicut luna
plena; sub luna enim plena arbores et conchilia
plena sunt1446, pleins de suc et de mouelle. Et
ita Sacramenta longe potentius adjuvant.
Heu, quanta hominum miseria!
Messaliani et Euchitæ omnium
Sacramentorum efficaciam tollebant propter
præces. Gaiani, apud Tertullianum1447, et
Manichei, teste Augustino1448, Baptisma.
Novatiani, Pœnitentiam; teste Augustino1449.
Pepuzitæ, teste Epiphanio1450, Ordines
mulieribus dabant. Aeriani, teste
Augustino1451, præcipuum Ordinem cum
secundo confundebant. Teste Augustino1452,
Matrimonium, Manichei. Novatiani,
Confirmationem1453. Æliani historia de pictore
duas statuas exhibente1454. Depositum
custodi1455.
Stratagema
Bethuliam
obsidentium1456.
Toutefois, pour nous Chrétiens, c'est
d'une manière beaucoup plus absolue que nous
sommes délivrés de nos ennemis. Ce n'est pas
en vain que l'Eglise est appelée Epouse de
l'Agneau, et le temps évangélique, la plénitude
des temps. Ce n'est pas en vain que saint Paul
s'écrie: Voici maintenant le temps favorable,
voici maintenant les jours de salut; et encore:
La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur
est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un
autel dont ceux qui servent dans le tabernacle
n'ont pas le droit de manger.
De même, les armes spirituelles que
nous fournissent les Sacrements l'emportent de
beaucoup sur les anciennes. Comme je l'ai juré
à David par ma vérité: sa race demeurera
éternellement, et son trône sera comme le
soleil et comme la pleine lune, éternellement,
et comme le témoin fidèle dans le ciel. Le [229]
trône antique était comme l'étoile du matin, le
crépuscule, la lune croissante; comme la nuée
dans le jour et la colonne de feu dans la nuit.
Mais ce trône-ci est comme le soleil, comme la
pleine lune; sous la pleine lune, en effet, les
arbres et les testacés sont pleins, pleins de suc
et de moelle. Et ainsi les Sacrements nous
offrent un secours bien plus puissant.
Hélas! quelle n'est pas la misère des
hommes! Les Messaliens et les Euchites
contestaient toute efficacité aux Sacrements
afin d'en attribuer davantage à la prière. Les
Gaïens, d'après Tertullien, les Manichéens,
d'après saint Augustin, niaient le Baptême. Les
Novatiens, au rapport de saint Augustin,
niaient la Pénitence. D'après saint Epiphane,
les Péputiens conféraient les Ordres aux
1439 Apoc., XXI, 9, 10, XXII, 17.
1440 Gal., IV, 4; Ephes., I, 10.
1441 II Cor., VI, 2.
1442 Tit., III, 4.
1443 Vers. 10.
1444 Vers. 36-38, 50.
1445 Exod., XIII, 31.
1446 Plin., Hist. nat., 1. II, c. XCIX (al. CII.)
1447 De Bapt., c. I.
1448 De Hæres., § XLVI.
1449 Ibid., § XXXVIII.
1450 Hær. XXIX, al. XLIX.
1451 De Hæres., § LIII.
1452 Ibid., § XLVI.
1453 S. Cornel., ep. IX, ad Fab., § 4.
1454 Variæ Historiæ, 1. XIV, c. VIII.
1455 I Tim., ult., 30.
1456 Judith, VII, 9-11.
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Baptisma: Ego baptizo vos in aqua, ille
vos baptizabit in aqua et Spiritu Sancto1457; et
Ephes. 51458: Christus dilexit Ecclesiam, et
tradidit semetipsum pro ea, mundans eam
lavacro aquæ in verbo vitæ. Explica: in aqua
et Spiritu Sancto et verbo vitæ. Verba quæ ego
loquor spiritus et vita sunt1459. Spiraculum
[230] vitæ1460, spiritum vitæ1461, Spiritus
vivificans1462. Deinde perge de aliis
Sacramentis. Confirmatio, Act. 81463: Et
accipiebant Spiritum Sanctum. Quorum
remiseritis1464. Qui manducat me et ipse vivet
propter me1465. Et si in peccatis fuerit
remittentur ei1466. Ut sciat unusquisque vas
suum possidere in sanctificatione; Thess. I. c.
41467. Quod Deus conjunxit, homo non
separet1468. Resuscita gratiam quæ data est tibi
per impositionem manum mearum1469.
Hierem. 81470: Nunquid non est resina
in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare
ergo non est obducta cicatrix populi mei?
[231]
femmes. Les Aériens, dit saint Augustin,
confondaient le premier Ordre [de la hiérarchie
ecclésiastique] avec le second. Les
Manichéens, d'après saint Augustin, rejetaient
le Mariage. Les Novatiens n'admettaient pas la
Confirmation. Histoire d'Elien au sujet du
peintre qui exposait deux statues. Garde le
dépôt. Stratagème de ceux qui assiégeaient
Béthulie.
Le Baptême: Je vous baptise dans
l'eau, il vous baptisera dans l'eau et l'Esprit-
Saint; et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ
a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle,
la purifiant par le baptême d'eau dans la
parole de vie. Expliquer ces textes: dans l'eau
et l'Esprit-Saint et parole de vie. Les paroles
[230] que je vous dis sont esprit et vie. Souffle
de vie, esprit de vie, esprit vivificateur. Parler
ensuite des autres Sacrements. La
Confirmation: Et ils recevaient l'Esprit-Saint.
Ceux à qui vous remettrez [les péchés, etc.]
Celui qui me mange vivra lui-même par moi.
Et s'il était coupable de péchés, ils lui seront
remis. Que chacun sache posséder saintement
son corps. Que l'homme ne sépare point ce que
Dieu a uni. Ranime la grâce qui t'a été donnée
par l'imposition de mes mains.
N'y a-t-il point de baume en Galaad, ou
n'y a-t-ilpas là de médecin? Pourquoi donc la
blessure de mon peuple n'a-t-elle pas été
fermée? [231]
1457 Matt., III, 11.
1458 Vers. 25, 26.
1459 Joan., VI, 64.
1460 Gen., II, 7.
1461 Rom., VIII, 2.
1462 I Cor., XV, 45.
1463 Vers. 17.
1464 Joan., XX, 23.
1465 Ibid., VI, 58.
1466 Jacobi, ult., 15.
1467 Matt., XIX, 6.
1468 Vers. 4.
1469 II Tim., I, 6.
1470 Vers. ult.
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CXIX. Plan d'un sermon sur le cinquième verset du Benedictus
Avent 1616
(INÉDIT)
1471Ad faciendam misericordiam cum patribus
nostris et memorari testamenti sui sancti
Quale fuerit testamentum Dei,
quomodo ejus recordetur, quid sit facere
misericordiam cum patribus nostris.
Testamentum vox est quam interpres
noster Latinus et Septuaginta dilexerunt,
quamvis vox Hebraica berith, proprie, fœdus
significet. Augustinus, 1. I. Locutionum de
Genes., c. 941472: «Amant Scripturæ pro pacto
ponere testamentum;» Septuaginta, διαθήχην.
Sed quare? Quia in fœdere Dei cum
hominibus, præcipua bona quæ promittuntur
non nisi morte testatoris dabuntur, et hæc Dei
voluntas omnem suam vim et effectum [232]
sortitur a morte1473. Pactum est quia sub
conditione non fore ingratos; testamentum est
quia post mortem vim habet. Ingratitudine et
perfidia rumpitur testamentum. Sic ex filiis
Israel duo tantum intraverunt terram
promissionis1474: Quadraginta annis proximus
fui generationi huic, etc., si introibunt in
requiem1475. Et Paulus1476: Omnes eamdem
escam spiritalem et potum; sed non in pluribus
eorum beneplacitum est Deo, nam prostrati
sunt in deserto. Nolo enim vos ignorare,
fratres, quoniam patres nostri omnes sub nube
fuerunt et omnes mare transierunt, et omnes in
Moyse baptizati sunt in nube et in mari, et
omnes eamdem escam. Hæc autem in figura
facta sunt nostri, ut non simus concupiscentes
malorum, sicut et illi concupierunt. Et
tandem1477: Itaque qui se existimat stare videat
ne cadat. Nota: Neque idololatræ, sicut
quidam ex illis; neque fornicemur; neque
murmuraveritis, etc. Fornicati sunt, et
Pour accomplir ses miséricordes envers nos
pères, et pour se souvenir de son saint
testament
Quel est ce testament de Dieu?
comment s'en souvient-il? que signifie:
accomplir ses miséricordes envers nos pères?
Ce mot testament est un mot aimé de
notre interprète latin et des Septante, bien que
le mot hébreu berith signifie proprement
alliance. Voir saint Augustin, liv. I Sur les
Expressions employées dans la Genèse, chap.
XCIV: «La Sainte Ecriture se plaît à user du
mot de testament au lieu de celui d'alliance
les Septante, διαθήχην. Et pourquoi? Parce que
dans l'alliance de Dieu avec les hommes, les
plus grands biens promis ne seront donnés qu'à
la mort du testateur et que cette volonté de
Dieu tire toute sa force et son effet de la [232]
mort. Ce testament est un contrat parce qu'il est
fait sous la condition que nous ne serons pas
ingrats; ce contrat est un testament parce qu'il
n'a sa force qu'après la mort. Un testament
s'annule par l'ingratitude et la perfidie. Ainsi,
des enfants d'Israël, deux seulement entrèrent
dans la terre promise: Pendant quarante ans
j'ai été irrité contre cette génération, etc.; [j'ai
juré] qu'ils n'entreraient point dans mon repos.
Et saint Paul: Tous mangeaient la même
nourriture spirituelle et buvaient le même
breuvage; cependant, la plupart d'entre eux ne
furent pas agréables a Dieu, et ils
succombèrent dans le désert. Car je ne veux
pas que vous ignoriez, mes frères, que nos
pères ont tous été sous la nuée et qu'ils ont tous
passé la mer, qu'ils ont tous été baptisés sous
Moïse dans la nuée et dans la mer, qu'ils ont
tous mangé la même nourriture. Or, toutes ces
1471 (Ms. p. 171, recto)
1472 In cc. XXI, 27, XXVI, 28 Genes.
1473 Heb., IX, 16, 17.
1474 Num., XIV, 22-24; Deut., I, 35-38.
1475 Ps. XCIV, 10, 11.
1476 I Cor., X, 1-6.
1477 Ibid., v. 12.
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19.6 Page 186

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ceciderunt 23 millia1478. Num., 251479 dicitur
24, sed Hebrei numerum non rumpunt. Pactum
autem istud toto libro Scripturæ continetur;
unde et Testamentum Novum et Vetus
appellatur. [233]
Memorari. Sane Deus non obliviscitur;
Malachiæ, 3. v. 6: Ego enim Dominus, et non
mutor. Jac. 11480: Apud quem non est
transmutatio nec vicissitudinis obumbratio. Tu
autem idem ipse es1481. Bonum supremum
mutari non potest, quia vel in melius vel in
malum. Colossus Rhodius; et naves, modo a
dextris modo a sinistris, omnes transibant sub
eo. Protogenes fit un colosse couche en petit
volume; et pour en signifier la grandeur il
peignit des petitz garçons qui avec des tiges
d'herbes mesuroyent son poulce1482.
Sic et ego, hodie, Providentiam
comparo, cum sit incomparabilis et menti
nostra inscrutabilis. Ejus instans omnia
attingit1483, ut centrum omnes lineas
circumferentiæ. Sed per anthropopathiam
loquimur. Dum in mora sumus le tems nous
dure: Ubi sunt misericordiæ tuæ antiquæ,
Domine? Sicut jurasti David in veritate tua.
Memor esto, Domine, opprobrii servorum
tuorum, quod continui in sinu meo, multarum
gentium; quod exprobraverunt inimici tui,
Domine,
quod
exprobraverunt
commutationem Christi tui. Benedictus
Dominus in ceternum, fiat fiat, amen, amen;
Psal. 881484. Commutationem, id est, quod
mutaveris sententiam de Christo tuo. Videtur
ergo oblivisci et tardare. [234]
Fecit misericordiam. Id est,
misericordiam promissam implevit, mittens
Christum; nam misericordia est in flore cum
est in promissis, est in fructu cum est in
effectu. Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri
omnibus hominibus, erudiens nos, etc.; Tit. 2.
[vv.] 11, [12]. Ad Tit. 3. v. 4, [5]: Apparuit
benignitas et humanitas Salvatoris nostri Dei,
non ex operibus justitiæ quæ fecimus nos, sed
secundum misericordiam suam salvos nos
choses ont été des figures de ce qui nous
regarde, afin que nous ne convoitions pas les
choses mauvaises comme ils les convoitèrent.
Et ensuite: Donc, que celui qui croit être
debout prenne garde de tomber. Noter: Et que
vous ne deveniez point idolâtres comme
quelques-uns d'entre eux; ne commettons point
la fornication; ne murmurez point, etc. Ils
commirent la fornication, et il en tomba vingt-
trois mille. Dans les Nombres il est dit vingt-
quatre mille, mais les Hébreux ne tiennent pas
compte des quantités intermédiaires. Or toute
l'Ecriture est remplie de ce pacte, et c'est pour
cela qu'on l'appelle l'Ancien et le Nouveau
Testament. [233]
Se souvenir. Assurément Dieu n'oublie
pas: Car je suis le Seigneur et je ne change pas.
En qui il n'y a ni changement ni ombre de
vicissitude. Quant à vous, vous êtes toujours le
même. Le souverain bien ne peut changer,
parce que tout changement est en mieux ou en
mal. Le colosse de Rhodes [s'élevait à l'entrée
du port de cette ville] et tous les navires, soit
qu'ils allassent à droite ou à gauche, devaient
passer sous lui. [Reprendre au texte, lig. 7.]
De même, aujourd'hui, je cherche à
m'expliquer la Providence, bien qu'elle soit
incompréhensible et inscrutable à notre esprit.
Son action atteint tout, comme au centre se
rapportent toutes les ligues de la circonférence.
Mais nous parlons d'une manière humaine.
Tant que nous sommes dans l'attente, le temps
nous dure: Où sont vos anciennes
miséricordes, ô Seigneur, telles que vous les
avez jurées à David dans votre vérité?
Souvenez-vous, Seigneur, de l'opprobre (que
j'ai gardé dans mon sein) que vos serviteurs
ont souffert de la part d'un grand nombre de
nations; de ce que nos ennemis ont reproché,
Seigneur, de ce qu'ils ont reproché le
changement de votre Christ. Béni soit le
Seigneur éternellement! Ainsi soit-il, ainsi
soit-il, amen, amen. Le changement, c'est-à-
dire que vous paraissez avoir changé de
1478 Ibid., vv. 7, 8, 10.
1479 Vers. 9.
1480 Vers, 17.
1481 Ps. CI, 28.
1482 Plin., Hist. nat., 1. XXXV, c. X (al. XXXV); de Timantho.
1483 Sap., VIII, 1.
1484 Vers. 50-53.
186/342

19.7 Page 187

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fecit. Humanitas, Græce, philanthropie.
Apparuit gratia Salvatoris nostri Dei.
Jungo finem principio: Fecit
misericordiam, nam seipsum dedit1485 nobis et
arrabonem omnia valentem. Itaque jam sumus
hæredes1486, sed tamen conditio durat. Armavit
nos. Tu autem in sanguine testamenti tui
emisisti vinctos de lacu in quo non est aqua1487.
[235]
dessein sur votre Christ. Dieu semble donc
oublier et s'attarder. [234]
Dieu a fait miséricorde. C'est-à-dire
qu'il a tenu sa promesse de faire miséricorde,
en envoyant le Christ; car la miséricorde est
dans les promesses comme dans sa fleur, et
dans son accomplissement comme dans son
fruit. La grâce de Dieu noire Sauveur est
apparue à tous les hommes, nous enseignant,
etc. [Lorsque] la bénignité et l'humanité de
Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point
par les œuvres de justice que nous avons faites,
qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.
Humanité, en grec, philanthropie. La grâce du
Sauveur notre Dieu est apparue.
Je rattache la fin au début: Dieu nous a
fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à
nous, comme un gage plus précieux que tout.
Nous sommes donc déjà héritiers, mais
l'épreuve dure encore. Il nous a armés. Vous
aussi, par le sang de votre alliance, vous avez
fait sortir les prisonniers du lac qui est sans
eau. [235]
1485 Galat., I, 4.
1486 Rom., VIII, 17.
1487 Zach., IX, 11.
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19.8 Page 188

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CXX. Recueil de notes pour le Carême de Grenoble
16171488
(INÉDIT)
1489SILVA PRO QUADRAGESIMA
RECUEIL POUR LE CARÊME
Pro Evangelio centurionis1490.
Domine, non sum dignus; aliud est non esse
dignum, et aliud esse indignum. Paulus
arcet indignos ab Eucharistia1491, et tamen
nemo accedit qui se non dignum non
fateatur. Duplex vero est dignitas: nimirum,
qua tollitur obex et peccatum mortale, et qui
istam dignitatem non habent, non solum
non sunt digni sed sunt indigni; alia dignitas
est comparationis ad tantum misterium, et
hanc neque [236] Angeli neque homines
habere possunt, quia in conspectu Domini
nemo justificatur1492; et de hac diceret etiam
Virgo Beatissima: Domine, non sum dignus.
Dicunt seniores: Domine, dignus est
cui illud prestes, nam et sinagogam ipse
nobis ædificavit1493; dignus est dignitate
congrui, secundum tuam misericordiam,
dignitate
quadam
proportionis,
disquiparantiæ (sic) non æqualitatis. Non
sum dignus ut intres. Postquam omnia
feceritis, dicite quia servi inutiles sumus1494.
Dominus, de Joanne1495: Prophetam, etiam
dico, plus quam Prophetam; at Joannes:
Non sum1496. Domina est Maria proprio
nomine, at ipsa se ancillam1497. Non sum
dignus, dignus est.
Maldonatus ait1498 seniores non
secutos mentem centurionis et contra fidem
Pour l'Evangile du centurion. Seigneur, je
ne suis pas digne; autre chose est de n'être pas
digne, autre chose d'être indigne. Saint Paul écarte
de l'Eucharistie les indignes, et néanmoins,
personne ne s'en approche sans avouer qu'il n'en
est pas digne. Mais il y a deux sortes de dignités:
l'une qui enlève l'obstacle ou le péché mortel, et
ceux qui n'ont pas cette dignité, non seulement ne
sont pas dignes, mais sont indignes; l'autre dignité
résulterait d'une sorte de proportion entre le
mérite du communiant et un si grand [236]
mystère; et cette dignité, ni les Anges ni les
hommes ne la peuvent avoir, parce que devant le
Seigneur personne n'est justifié, et en parlant de
cette dignité, la Bienheureuse Vierge elle-même
dirait: Seigneur, je ne suis pas digne.
Les anciens disent: Seigneur, il est digne
que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a
même construit une synagogue; cette dignité est
de convenance, elle est selon votre miséricorde,
dignité relative et non pas équivalente. Je ne suis
pas digne que vous entriez. Après que vous aurez
tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs
inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète,
oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean
répond: Je ne le suis pas. Par son nom même,
Marie est souveraine, elle s'appelle pourtant
servante. Je ne suis pas digne, et il est digne.
1488 Il n'est pas douteux que ce recueil ait été préparé pour le Carême prêché à Grenoble en 1617, car les sermons de
cette station ont été consacrés à l'explication de l'Evangile du jour, tandis que la chute et le repentir de saint Pierre ont
été le sujet principal des prédications de l'année suivante. La pagination des feuillets ne saurait contredire à cette
assertion; car on s'explique sans peine que le Saint ait utilisé pour ces notes n'importe quel espace demeuré libre dans
son Manuscrit.
1489 (Ms. p. 334, verso)
1490 Fer. V post Cineres. Matt., VIII, 5-13.
1491 I Cor., XI, 27-29.
1492 Ps. CXLII, 2; Galat. III, 11.
1493 Lucæ, VII, 5.
1494 Ibid., XVII, 10.
1495 Matt., XI, 9.
1496 Joan., I, 21.
1497 Lucæ, I, 38.
1498 Comm. in Matt. ad cap. VIII, 6-8.
188/342

19.9 Page 189

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legationis, adjecisse dignus est cui hoc
prestes, cum ipse diceret se non esse
dignum. Non sunt Christo alleganda nostra
merita, neque dignitate certandum sed
humilitate. Dixit quidem David, Psal. 71499:
Judica me, Domine, secundum justitiam
meam et secundum innocentiam meam
super me; sed loquitur de justitia causæ
respectu inimicorum suorum, non de justitia
personæ respectu Dei. Unde addit1500: [237]
Consumetur nequitia peccatorum et diriges
justum. Sic etiam Psal. 16. v. 2 et 3: Proba
me, Deus, etc.
Capharnaum, apud Capillia1501,
champ ou lieu de graisse. Je ne sçai ou il a
pris cette etimologie1502; nam in
interpretationibus Bibliis correctioribus
additis, Capharnaum ager pœnitentiæ,
hæreticis quoque, champ de pœnitence.
Hinc ad Gratianopolitanos sumam
exordium (nam in templo Sancti Andreæ
incipiunt sermones feria quinta): Ecce me in
Capharnaum, id est, campo pœnitentiæ, et
video peccatores paraliticos; et video
Christum, peccatoribus misericordem et
medicum; et video centurionem. En ego
ipse centurio sum, vel saltem vestri
centurionis, id est, Episcopi, locumtenens;
et pro vobis et ad vos, in hoc campo
pœnitentiæ, clamabo: Domine, puer meus,
populus meus non dominio sed affectu,
jacet in domo tua paraliticus, et male
torquetur, sed veni et cura eum1503. Sed non
curabis nisi fidem habuero; et ecce habeo,
nam fatemur: Non sumus digni ut intres sub
tectum cordis nostri, sed tantum dic verbo.
Ecce verbum Domini affero; sed tu,
Domine, dic, non ego. Dicam ego, jam non
ego, dicet vero in me Christus1504, et quia
non sum dignus [238] qui veniam ad eum,
mittam amicos1505, inter cæteros autem,
Beatissimam Virginem.
NOTA. Christi civitatem sæpe
dictam Capharnaum: Transfretavit et venit
in civitatem suam1506, id est, Capharnaum,
D'après Maldonat, les anciens ne suivirent
pas les intentions du centurion, et contre la fidélité
aux termes de l'ambassade, ils ajoutèrent: Il est
digne que vous lui accordiez cette grâce, tandis
qu'il affirmait n'en être pas digne. Il ne faut pas
alléguer nos mérites au Christ; nous devons
rivaliser avec lui non de dignité mais d'humilité.
David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma
justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il
parle de la justice de sa cause en face de ses
ennemis, et non de la justice de son âme par
rapport à [237] Dieu. Aussi ajoute-t-il: La malice
des pécheurs sera anéantie, et vous dirigerez le
juste. De même, Ps. XVI: Eprouvez-moi, ô Dieu,
etc.
Capharnaüm, d'après Capiglia, signifie
champ ou lieu de graisse. Je ne sais où il a pris
cette étymologie, car dans les interprétations
ajoutées aux Bibles corrigées, Capharnaüm
signifie champ de pénitence; il en est de même
dans les Bibles hérétiques. C'est de ce mot que je
tirerai mon exorde pour les Grenoblois (dans
l'église de Saint-André, les sermons commencent
le jeudi après les Cendres): Me voici dans
Capharnaüm, c'est-à-dire dans le champ de
pénitence. Je vois des pécheurs paralytiques; je
vois le Christ, médecin plein de miséricorde pour
les pécheurs; je vois le centurion. C'est moi qui
suis votre centurion, ou du moins, le lieutenant de
votre centurion, c'est-à-dire de votre Evêque. Et
pour vous et vers vous, dans ce champ de
pénitence, je m'écrierai: Seigneur, mon serviteur,
mon peuple, mien, non que j'aie autorité sur lui,
mais par l'affection que je lui porte, gît paralysé
dans votre maison, et il souffre extrêmement, mais
venez et guérissez-le. Cependant vous ne le
guérirez pas si je n'ai la foi; eh bien! je l'ai, car
nous avouons n'être pas dignes que vous entriez
sous le toit de notre cœur, mais dites seulement
une parole. Voici que je vous apporte la parole du
Seigneur; mais vous, Seigneur, parlez, et non pas
moi. Je parlerai non plus moi, mais le Christ
parlera en moi, et [238] comme je ne suis pas
digne d'aller à lui, j'y enverrai mes amis, et entre
autres la Bienheureuse Vierge.
1499 Vers. 9.
1500 Vers. 10.
1501 Medit. in Evang. Dom. et Fer. Quadrag., ad fer.V post Cin.
1502 Vide tamen infra, p. 239, linea 16.
1503 Matt., VIII, 6, 7.
1504 Cf. Galat., II, 20.
1505 Lucæ, VII, 3.
1506 Matt., IX, 1.
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quia ager pœnitentiæ; ut mons Moria1507
erat domus antiqua Dei. Qui seminat
pœnitentiam et venit vocare peccatores ad
pœnitentiam1508, suam civitatem dicit
agrum pœnitentiæ. «Augustinus
quidem1509, Strabus1510, Lyranus1511,
Hugo1512, Beda1513 existimant Capharnaum
dici civitatem Christi quia erat metropolis
Galileæ; ut Romanus dicitur, qui ditioni
Romanæ subditus est, vel ibi natus1514
Chrisostomus1515,
Euthymius1516,
Theophilactus1517, quia ibi frequentissime
habitaret; et consentiunt Gebennenses1518.
Ista vera causa est, sed misterium est eum
frequenter habitasse in agro pœnitentiæ.
Aymo1519, apud Sanctum Thomam1520, ait
Capharnaum
significare
villam
pinguedinis, vel agrum consolationis; sed
credendum est peritioribus.
Dic tantum verbo. Opus
imperfectum1521: Dic Angelis, servis
scilicet tuis et militibus; idem ait Beda1522.
Chrisostomus1523: Dic verbo Angelis qui
verba tua in [239] opus vertunt; et si Angeli
cessent, tamen infirmitates preceptis ejus
vivacibus expelluntur. Hæc est vera
sententia. Nec milites vocat Angelos, sed
infirmitates; unde de potentia verbi potest
fieri digressio.
Non solum verba, sed cogitationes Dei
operantur. Gen. 50. v. 20: Vos cogitastis de
me malum, sed Deus vertit illud in bonum;
Hebraice, apud Rio1524, est antithesis: sed
Deus cogitavit ut verteret in bonum. Vos
cogitastis et non successit, Deus cogitavit et
NOTA. Capharnaum est souvent appelée
cité du Christ: Il traversa la mer et vint dans sa
ville, c'est-à-dire à Capharnaum, le champ de
pénitence, comme le mont Moria, [dont le nom
signifie amertume,] était l'antique demeure de
Dieu. Celui qui sème la pénitence et vient appeler
les pécheurs a la pénitence, nomme sa ville le
champ de pénitence. Il est vrai que «saint
Augustin, Strabus, Lyranus, Hugues, Bède
estiment que Capharnaum est appelée cité du
Christ parce qu'elle était la capitale de la Galilée,
comme on appelle romain celui qui est soumis au
pouvoir de Rome ou qui est né dans cette ville.»
Saint Chrysostome, Euthymius, Théophylacte
disent qu'elle est ainsi appelée parce que le Christ
y habitait fréquemment; c'est aussi l'opinion des
pasteurs de Genève. C'est la vraie raison, mais le
mystère est que le Christ ait fréquemment habité
le champ de pénitence. Haimon, d'après saint
Thomas, dit que Capharnaum signifie campagne
de graisse ou champ de consolation; mais il faut
croire aux plus autorisés.
Dites seulement une parole. Le
commentaire intitulé L'Œuvre Imparfaite
explique ainsi ce texte: Dites aux Anges, c'est-à-
dire à vos serviteurs et aux soldats; c'est aussi la
version de Bède. Saint Chrysostome: Dites une
parole aux Anges qui réduisent en actes vos
paroles; et quand même les Anges feraient [239]
défaut, les infirmités disparaîtraient par son ordre
exprès. Voilà le véritable sens. Ce ne sont pas les
Anges, ce sont les infirmités qu'il appelle ses
soldats; aussi peut-on faire ici une digression sur
la puissance de la parole de Dieu.
Ce ne sont pas seulement les paroles, ce
sont les pensées mêmes de Dieu qui opèrent. Vous
1507 Vid. signific. (amaritudo) ad calcem Bibliorum.
1508 Lucæ, V, 32.
1509 De consensu Evang., 1. II, c. XXV.
1510 In Glossa, ad loc.
1511 Bibl. cum Gloss., in locum.
1512 Comm., in loc.
1513 Expos. in Matt., ad locum.
1514 Citaturex Mald., Comm. in Matt., ad cap. IX, 1.
1515 Hom. XXIX (al. XXX) in Matt., § 1.
1516 Comm. in loc.
1517 Enarrat. in Matt., in locum.
1518 Bible... de Geneve, in locum.
1519 Comm. in loc.
1520 Catena, in Matt., VIII, 5.
1521 Hom. XXII.
1522 Expos. in Matt., ad cap. VIII, 9.
1523 Hom. XXVI (al. XXVII), in Matt., §4.
1524 In Threnos, ad locum seq.
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factum est. Thren. 21525: Cogitavit Dominus
dissipare murum, etc. Hierem. 51. v. 12:
Quia cogitavit Dominus, et fecit
quæcumque locutus est. Tamen dicit Deus
verbo illico facienda, cogitat autem facere
quæ tandem et non illico facturus, sed per
progressus quosdam suæ Providentiæ
notos.
Servi omnes sumus Christi1526, et
servos nostros diligere debemus. Sæpe servi
domino præferuntur: Vitalis et Agricolæ;
Ecclesia dominum post servum. Servus fuit
Epictetus, serva fuit quæ Naaman Syrum
misit ad lepram curandam1527. Vide I. Reg.
cap. 301528, de servo Amalecitæ qui relictus
fuerat a domino suo, quia ægrotabat. Sed
vide maxime Onesimum, magni Pauli
viscera, [240] in Epistola ad
Philemonem1529, ubi vult haberi ut fratrem,
quia crediderat Domino1530. Lex servum,
religio fratrem fecerat. Philemon autem fuit
nobilis Rhodius, sive Collocensis1531, cui
(nescio qua de causa, furtine an
negligentiæ) Onesimus servus detrimentum
attulerat (vel forte quia cum fugeret ei
operam suam abstulerat); unde Paulus1532:
Si quid nocuit, mihi imputa. Quicquid sit,
fugiens Romam venit, et a Paulo captivo
susceptus est et Philemoni commendatus, et
postea factus est Episcopus Ephesinus,
succedens Thimoteo, et deinde lapidibus
obrutus Romæ, ubi se eum vidisse Ignatius
ad Ephesios scribit1533. Vide Annales
[Baronii], anno 62, num. XVII1534, et anno
110, num. 3o1535.
Paulus se stigmaticum servum
Christi ait1536. Plinius, [Hist. nat.,] 1. 18. c.
3. circa finem, ait suo tempore, Romæ, per
servos stigmaticos solere terram colere;
stigmata porro in fronte aut facie habebant.
Constantinus vero Magnus in facie stigmata
avez formé un mauvais dessein contre moi, mais
Dieu l'a changé en bien. L'hébreu, d'après Rio,
présente une antithèse: mais Dieu a pensé le
changer en bien. Vous avez pensé et vous n'avez
pas réussi, Dieu a pensé et sa pensée est devenue
acte. Le Seigneur a pensé de détruire le mur, etc.
Parce que le Seigneur pensa, et il accomplit tout
ce qu'il avait dit. Toutefois, Dieu parle pour ce qui
doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce
qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte
progressivement selon les vues de sa Providence.
Nous sommes tous les serviteurs du
Christ, et nous devons aimer nos serviteurs.
Souvent les serviteurs sont préférés au maître:
saint Vital et saint Agricole; l'Eglise place le
maître après le serviteur. Epictète était serviteur;
ce fut une servante qui envoya Naaman le Syrien
chercher la guérison de sa lèpre. Voir au Ier Livre
des Rois, chap. XXX, ce serviteur d'un Amalécite
qui, pour cause de maladie, avait été abandonné
de son maître. Voir surtout dans l'Epître à
Philémon, Onésime, entrailles du grand Paul, que
l'Apôtre veut [240] être considéré comme frère
parce qu'il avait cru dans le Seigneur. La loi en
avait fait un esclave, la religion en fit un frère.
Philémon était un noble Rhodien ou Colossien, à
qui son esclave, Onésime, avait causé quelque
dommage (je ne sais de quelle manière; était-ce
par vol, par négligence ou bien parce que en
s'évadant, il l'avait privé de ses services?) car saint
Paul dit: S'il t'a fait tort, impute-le-moi. Quoi qu'il
en soit, dans sa fuite, Onésime vint à Rome, fut
reçu par Paul captif, recommandé à Philémon,
succéda plus tard à Timothée comme Evêque
d'Ephèse, et fut ensuite lapidé à Rome, où saint
Ignace, dans sa lettre aux Ephésiens, déclare
l'avoir vu. Voir les Annales de Baronius, an 62,
numéro XVII, et an 110, numéro III.
Saint Paul se nomme lui-même l'esclave
stigmatisé du Christ. Pline dit que de son temps,
à Rome, la culture des champs était ordinairement
1525 Vers. 8.
1526 Ephes., ult., 6.
1527 IV Reg., V, 1-5.
1528 Vers. 11-13.
1529 Vers. II, 20.
1530 Vers. 16.
1531 Vide Tr. de l'Am. de Dieu, tom. V hujus Edit., p. 28.
1532 Ad Phil., vers. 18.
1533 Ep. ad Ephes., § I.
1534 Vide ad ann. 60, §§ XL, XLI.
1535 Al. num. X.
1536 Galat., ult., 17.
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imprimi vetuit, quia facies hominis imago
Dei videtur. Vide Annales, anni 315.
Valentinianus legem tulit1537 ne theatrales
servi baptizarentur nisi in extremo vitæ,
quia nimirum Christianis theatra erant
prohibita, et isti theatrales, sive scenici servi
ad populi lætitiam tanquam publici servi
[241] theatralibus ineptiis incumbebant. Et
nunc, proh pudor! les balladins et balladines
sont en honneur.
1538Servus pars est domini, sed
sejuncta, Arist., Polit.1539, id est, quasi
instrumento disjuncto utitur.
Pro dilectione inimicorum. Isaiæ,
59. v. 5: Ova aspidum ruperunt. Qui
existimant se damnum aspidi afferre ejus
ova rumpendo, sibi ipsis injuriam faciunt;
nam ovo rupto prodit aspicula, quæ iterum
mordet: vindicta vindicanti noxia.
Pro judicio. Bernardus, epistola
2921540, ad quemdam qui ausus est novitium
dehortari a proposito Religionis: «O utinam
saperes et intelligeres et novissima
provideres: saperes quæ Dei, intelligeres
quæ mundi sunt, provideres quæ inferni
sunt; inferna horreres, superna appeteres,
quæ sunt ad malum (mundi) contemneres.»
Ex Deut. 321541.
Dilectio fratrum, apud Franciscum
Fernandes Galvan1542, feria 5 post Cineres.
Constituite in porta judicium; Amos, 51543.
Ut urbem in qua opportet concorditer vivere
discordes minime intrarent; ut in porta hujus
vitae [242] judicium particulare futurum
presignarent; ut lites civibus indignæ
declararentur.
Hierem.
41544:
Quousque
morabuntur in te cogitationes noxiæ?
Interdum diabolus non vult opus peccati, ne
peccator deprehensus pœnitentiam agat; sed
vult cogitationes, desideria morosa, verba,
murmurationes.
réservée à des esclaves stigmatisés; ces caractères
étaient empreints sur le front ou sur le visage.
Constantin le Grand défendit de marquer le front
d'un stigmate, parce que le visage de l'homme est
considéré comme représentant l'image de Dieu.
Voir les Annales, an 315. Valentinien rendit une
loi par laquelle il défendait de baptiser les
histrions, sinon à leur dernière heure, parce que le
théâtre était interdit aux Chrétiens, et que ces
esclaves du théâtre ou de la scène amusaient [241]
le peuple, et comme des esclaves publics,
s'appliquaient aux inepties du théâtre. Et
aujourd'hui, ô honte! les baladins et baladines
sont en honneur.
L'esclave fait en quelque sorte partie du
maître, bien qu'il ne lui soit pas uni (Aristote,
Politiques), c'est-à-dire que le maître s'en sert
comme d'un instrument distinct de sa personne.
Pour l'amour des ennemis. Voir Isaïe: Ils
brisèrent les œufs de l'aspic. Ceux qui croient
nuire à l'aspic en brisant ses œufs, se portent
préjudice à eux-mêmes, car de l'œuf brisé sort un
petit aspic qui à son tour mordra: la vengeance
nuit à celui qui l'exerce.
Pour le jugement. Saint Bernard écrit,
épitre CCXCIIe, à un homme qui avait osé
détourner un novice de la vie religieuse: «Plût a
Dieu que tu eusses la sagesse et l'intelligence et
que tu prévisses tes fins dernières! Tu goûterais
les choses de Dieu, tu comprendrais les choses du
monde, tu prévoirais les supplices de l'enfer; tu
aurais horreur de l'enfer, tu aspirerais aux choses
d'en-haut, et tout ce qui regarde le mal du monde,
tu le mépriserais.»
Au sujet de la charité fraternelle, voir
François Fernandes Galvan, jeudi après les
Cendres. Etablissez le tribunal sur la porte. Pour
écarter absolument les hommes de discorde de la
ville où l'on doit vivre en parfaite union; pour
[242] signifier le jugement particulier qui aura
Heu au sortir de cette vie; pour déclarer que les
disputes sont indignes des citoyens.
Jusqu'à quand les pensées nuisibles
demeureront-elles en toi? Parfois le démon ne
veut pas l'acte du péché, de peur que le pécheur
1537 Vide Baron. Annal., ad ann. 371, § CXXVIII.
1538 (Ms. p. 335, recto)
1539 Lib. I, c. III.
1540 Circa finem.
1541 Vers. 29.
1542 Sermones Festorum, etc.
1543 Vers. 15.
1544 Vers. 14.
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Chrisostomus1545: Odium est
dæmon voluntarius, insania optata,
ludibrium diaboli.
Audistis quia dictum est antiquis1546.
Error iste affectatus in intellectu
periculosior est errore voluntatis. Non
parcere hominis est, dicere autem parcere
esse vilis animi hæreticum est.
Tertullianus1547: «Ovis illa, Luc. 151548, non
moriendo, sed errando, dragma non
pereundo, sed latendo perierunt.»
Intellectus errando, voluntas latendo perit;
non entium et non apparentium eadem est
ratio1549.
Ro. 61550: Non regnet peccatum in
mortali corpore vestro; cum regnat cudit
monetam et dat prætium nummis, et vitiis
dat prætium. Annoblit des vilains et
canailles: comme la haine, du tiltre de
courage, et la vengeance; la vanite, du tiltre
de bienseance, etc. Vidi servos ambulantes
in equis, et dominos eorum ambulantes
super terram1551. Tertullianus, Apol., c.
371552: [243] «Christianus nullius est
hostis.» Ut sitis filii Patris1553. O qualis
honor! Dat potum utcumque amarum, sed
craterem melle linit. Inclinavi cor meum ad
faciendas justificationes in æternum,
propter retributionem1554. Verumtamen
Deo subjecta esto anima mea, quoniam ab
ipso patientia mea1555; vult te pati injuriam,
et tibi ad patiendum paratus est dare
patientiam.
Chrisostomus hic1556: Præcipit
amari inimicum ne amor esset ociosus, nam
tam pauci sunt amici ut si non amemus nisi
amicos, paucissimos simus amaturi.
Marc. 3. v. 1 et 2, et 5: Et
circumspiciens eos cum ira, contristatus
super cæcitate eorum. Evangelista
prudenter notat iram non in homines, sed in
surpris en faute ne fasse pénitence; mais il veut
des pensées, des désirs longuement entretenus,
des omissions, des paroles, des murmures.
Saint Chrysostôme: La haine est un
démon volontaire, une manie voulue, un jouet du
diable.
Vous avez entendu qu'il a été dit aux
anciens. Cette erreur affectée de l'intelligence est
plus dangereuse que celle de la volonté. Ne pas
pardonner c'est faiblesse humaine; mais dire que
le pardon est pusillanimité, c'est être heretique.
Tertullien: «Cette brebis dont parle saint Luc, a
péri non en mourant, mais en s'égarant, comme la
dragme a été perdue non en cessant d'exister, mais
en restant cachée.» L'intelligence périt en errant,
la volonté en demeurant inactive: ne pas être et ne
pas paraître revient au même.
Que le péché ne règne point dans votre
corps mortel; lorsque le péché règne, il bat
monnaie et donne leur prix aux pièces d'argent; il
donne du prix aux vices. [Reprendre au texte, lig.
18.]
J'ai vu des esclaves aller à cheval, et leurs
maîtres aller a pied. [243] Tertullien,
Apologétique: «Le Chrétien n'est l'ennemi de
personne.» Afin que vous soyez les fils de votre
Père. Quel honneur! Il donne une boisson un peu
amère, mais il enduit de miel les bords de la
coupe. J'ai porté mon cœur à accomplir
éternellement vos ordonnances pleines de justice,
a cause de la récompense. Cependant, ô mon
âme, sois soumise à Dieu, puisque c'est de lui que
vient ma patience; il veut que tu souffres l'injure,
mais, pour la supporter, il est prêt à te donner la
patience.
Saint Chrysostôme dit à ce sujet: Dieu
nous ordonne d'aimer nos ennemis pour que
l'amour ne reste pas oisif, car les amis sont si peu
nombreux que si nous n'aimions que les amis,
nous aimerions un très petit nombre de personnes.
1545 Homil. XVIII in Matt., § 4.
1546 Matt., V, 31.
1547 De Pudicitia, c. VII.
1548 Vers. 4, 8.
1549 Cf. Aristot., Physica, 1. II, c. III.
1550 Vers. 13.
1551 Eccles., X, 7.
1552 Etad Scapul., c. II.
1553 Matt., V, 45.
1554 Ps. CXVIII, 112.
1555 Ps. LXI, 6.
1556 Opus Imp. (inter Op. S. Chrys.), hom. XIII, in Matt., V, 21.
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cascitatem culpabilem fuisse: ira repellit
malum si possit, si non possit, tunc ira
vertitur in tristitiam.
Injuria recens vix ferri potest; at
Christus recentissimum et flagrantissimum
odium tulit, et pro inimicis qui ejus
fundebant sanguinem orationem
misericordiæ fudit1557. [244]
Et Jésus les regardant avec indignation,
contristé qu'il était de leur aveuglement.
L'Evangéliste avertit prudemment que cette
colère tombe non sur les hommes, mais sur leur
coupable aveuglement; si elle le peut, la colère
repousse le mal, sinon, elle se change en tristesse.
On peut à peine supporter une injure
récente; mais le Christ a supporté la haine la plus
actuelle et la plus violente; et pour les ennemis qui
répandaient son sang, il a répandu la prière de la
miséricorde. [244]
1557 Lucæ, XXIII, 34.
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CXXI. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de
Carême
12 février 16171558
(INÉDIT)
1559DOMINICA PRIMA
PREMIER DIMANCHE
Ductus est Jesus in desertum a Spiritu.
Jésus fut conduit par l'Esprit dans le
MAT., 4. v. 1. désert.
Zeuxis fit une luite ou il print grand
playsir, et escrivit dessous «qu'elle seroit plus
tost enviee qu'imitee1560.» Et ecce Evangelistæ
nobis pugnam tanquam in tabula pingunt, quæ
ne doit point estre enviee ains aymee, parce
que son issue est heureuse pour nous; et non
seulement elle doit estre aymee, mais imitee.
Ante omnia distinguendæ tentationes:
[1.] alia interior, ut Adami et Evæ, et multorum
qui sibi ipsis [245] concupiscentiam movent.
Nemo cum tentatur dicat quia a Domino
tentatur: Deus enim intentator malorum est,
ipse autem neminem tentat; unusquisque vero
tentatur a propria concupiscentia abstractus et
illectus. Deinde concupiscentia cum
conceperit parit peccatum, peccatum vero cum
consummatum fuerit generat mortem; Jac. I. v.
13, [14, 15.]
2. Exterior tantum, ut Christi et Beatæ
Virginis et multorum Sanctorum; quo loco
doctrina Augustini, 1. de Quæst. Vet. et Novi
Testamenti1561 afferenda est, tomo 4; et citatur
a D. Thoma1562, in illa verba: Tuam ipsius
animam gladius pertransibit1563, ubi per
gladium intelligit tentationem et dubitationem
de Christi Divinitate tempore Passionis; quam
dubitationem ait fuisse transeuntem, non
inhaerentem: «Sicut,» inquit, «gladius
pertransiens juxta hominem timorem facit, non
percutit, sic dubitatio non sedit in animo
Or voici que les Evangélistes nous
peignent, comme dans un tableau, une lutte qui
Avant tout, distinguons les tentations:
[1.] il y en a qui sont intérieures, comme le fut
celle d'Adam et d'Eve, et comme le sont celles
de beaucoup [245] d'autres qui excitent en eux-
mêmes la concupiscence. Que nul, lorsqu'il est
tenté, ne dise que c'est le Seigneur qui le tente,
car Dieu ne tente point pour le mal. Or, il ne
tente lui-même personne; mais chacun est
tenté par sa propre concupiscence qui
l'entraîne et le séduit. Ensuite, quand la
concupiscence a conçu, elle enfante le péché,
et le péché étant consommé engendre la mort.
2. D'autres tentations sont seulement
extérieures; telles sont celles du Christ, de la
Bienheureuse Vierge et d'un grand nombre de
Saints. Alléguer sur ce point la doctrine de
saint Augustin, livre des Questions sur
l'Ancien et le Nouveau Testament, tome IV;
saint Thomas le cite à propos de ces paroles:
Un glaive transpercera ton âme. Par ce glaive,
l'auteur de ce livre entend une tentation de
doute au sujet de la divinité du Christ, au temps
de la Passion. Il dit que ce doute passa sans se
fixer: «Tel un glaive qu'on brandit devant un
homme le fait trembler sans le blesser, ainsi le
doute effleura seulement l'âme de la Vierge, et
passa comme une ombre.» Embellir cette
comparaison: attaquez à l'épée un homme
1558 Bien qu'aucun des vingt sermons qui composent la série suivante ne soit daté, on ne peut douter qu'ils remontent
au Carême prêché à Grenoble en 1617. En outre des preuves que fournirait la pagination du Manuscrit, la coïncidence
de la fête de saint Mathias avec le troisième vendredi de Carême (voir ci-après, Sermon CXXXII) suffirait à appuyer
notre assertion.
1559 (Ms. p. 228, recto)
1560 Plin., Hist. nat., 1. XXXV, c. X (al. XXXVI).
1561 Sect. LXXIII. (Hodie in Appendice.)
1562 In Catena.
1563 Lucæ, II, 35.
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Virginis, sed pertransiit velut per umbram.»
Exornanda similitudo: si homo impenetrabili
chalibe vel adamante armatus impetatur ense,
ictus in cassum fertur, non enim penetrat sed
elabitur circa thoracem, il coule, il glisse. Sic
magnus Antonius, etc., irridebat diabolum
illum de luxuria, etc., tentantem1564; sic
Martinus: «Discede a me, cruenta [246]
bestia1565.» Sic Tentyritae solo halitu
crocodylos domant et eis utuntur sicut equis;
Plin., [Hist. nat.,] lib. 8. c. 25.
3. Mixta, quæ partim extrinseca est
partim intrinseca. Ut Pauli1566: Datus est mihi
stimulus carnis meæ, angelus Satanæ, qui me
colaphizet; et scio varie intelligi, sed assentior
Patribus. Hinc Psaltes1567: Irascimini,
(Hebraice, contremiscite) et nolite peccare;
Tremousses par la saillie de l’ire, si vous
sentes les eslans de l'ire. Sic Hieronimus
fatetur1568 se sensisse carnis illecebras in
mediis desertis. Sic Catharina Senensis1569 et
Beata Angela1570.
Ergo Christus tentatione tantum
externa, habebat enim non passiones aut
perturbationes, sed propassiones; unde
victoriam intactus reportavit. 1571Et cum nihil
[247] timeret, tamen, ut nobis præiret et nos
quomodo contra tentationes pugnare
deberemus, ac, ante omnia, non suo nutu sed
ductu Spiritus Sancti, vadit in desertum.
1um. Locum sibi delegit aptissimum,
nimirum eremum. Nam in civitatibus diabolus
multos habet coadjutores, in eremo ipse solus.
In Paradiso habuit Evam coadjutricem, hic
Christus nihil præter bestias ferasque. Tamen,
revêtu d'une cuirasse d'impénétrable acier ou
dure comme du diamant, le coup porte à faux,
ne pénètre pas, mais tourne la poitrine, il coule,
il glisse. Ainsi, saint Antoine se moquait des
tentations de luxure, etc., que le diable lui
suggérait; saint Martin s'écriait: «Arrière,
[246] bête cruelle!» Ainsi, les Tentyrites
domptent par leur seule haleine les crocodiles
dont ils se servent comme de chevaux.
3. D'autres tentations sont mixtes,
partie extérieures, partie intérieures. Telle celle
de saint Paul: Il m'a été donné un aiguillon
dans ma chair, un ange de Satan pour me
souffleter. Ce texte, je le sais, s'interprète de
diverses manières, mais je m'en tiens aux
Pères. Le Psalmiste dit aussi: Mettez-vous en
colère (en hébreu: Tressaillez de crainte) et ne
pèchez pas. Trémoussez par la saillie de l'ire,
si vous sentez les élans de l'ire. C'est ainsi que
saint Jérôme déclare avoir ressenti les révoltes
de la chair au milieu du désert. Il en fut de
même de sainte Catherine de Sienne, de la
bienheureuse Angèle.
La tentation du Christ fut donc
purement extérieure, car il avait non pas des
passions ou des troubles intérieurs, mais des
propassions; aussi remporta-t-il une victoire
complète. Quoiqu'il n'eût rien à craindre,
toutefois, pour nous [247] montrer le chemin,
pour nous apprendre à combattre les tentations
et, avant tout, agissant non par son propre
mouvement, mais par celui de l'Esprit-Saint, il
se retira dans le désert.
1. Il choisit le lieu le plus convenable,
c'est-à-dire le désert. Dans les villes, en effet,
le diable a beaucoup d'auxiliaires ; au désert, il
est seul. Au paradis terrestre, Eve fut sa
collaboratrice; ici le Christ est seul, au milieu
1564 S. Athan., in Vita S. Ant., § 9.
1565 S. Sulp. Sev., ad Bassulam, in fine.
1566 II Cor., XII, 7.
1567 Ps. IV, 5.
1568 Ep. XXII, ad Eustoch., § 7.
1569 B. Raym. de Cap., in Vita ejus, c. XI.
1570 Arnaldus, in Vita ejus, c. XIX.
1571 Addition de Mgr Jean-François de Sales (voir ci-devant, note (1150), p. 183). «Hos motus suscepit humano
animo, sicut cum voluit factus est homo; Aug., lib. 14 de Civit. Dei, cap. 9, et contra Faustum. Infirmitas Christi fuit
ex potestate. Et S. Damascen., lib. 3, cap. 20: Naturalia in Christo non præcedebant voluntatem, sed doluit, timuit,
quando, quomodo, quantum et ubi voluit.»
«Comme il s'est fait homme quand il l'a voulu, ainsi en prenant une âme humaine, il a voulu ressentir toutes les
impressions de l'humanité; saint Augustin, liv. XIV de la Cité de Dieu, chap. IX, et contre Fauste. La faiblesse du
Christ était un effet de sa puissance. Et saint Jean Damascène, liv. III, chap. XX: Les mouvements naturels ne
prévenaient pas dans le Christ l'action de la volonté; mais il s'attristait, il craignait quand, comment, autant et où il
voulait.»
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ibi impetitur, ut sciamus omnia loca patere
tentationibus.1572
2°. Tempus. Postquam baptizatus est;
nam per Baptisma non quidem Christus, sed
nos, vires roburque acquirimus et per
Sacramenta. Hinc ut athletæ ungimur et contra
diabolum exorcismi fiunt; et ab Eucharistia
fortes eximus «tanquam leones ignem
spirantes,» ait Chrisostomus1573, unde, et cum
Psalte1574: Parasti in conspectu meo mensam.
Post Pœnitentiam fortiores sumus, ut equi a
lupi morsu læsi, ait Plinius1575: hinc
Magdalena omnium fortissima, Christum
sepultum quærit1576; et [248] Petrus post
nitentiam, et Paulus, et Augustinus. Ut
belette juxta serpillum nihil timet1577, sic nec
nos juxta Sacramenta.
3°. Armat se. Vigilate et orate1578;
Sobrii estote et vigilate1579. Jejunium armavit
Judith1580, et Joannem Baptistam1581; et Paulus
ait1582: Per arma justitiæ a dextris et a sinistris;
et David, Psal. 68. v. 11, [12, 13]: Zelus domus
tuæ comedit me et opprobria exprobrantium
tibi venerunt super me. Et operui in jejunio
animam meam et factum est in opprobrium
mihi; et posui vestimentum meum cilicium et
factus sum illis in parabolam. Adversum me
loquebantur qui sedebant in porta, et in me
psallebant qui bibebant vinum. Critiques,
juges, reformateurs et ivrognes.
Ergo videamus nunc pugnam. Accessit
hostis forma visibili, in speciem hominis
gravis vel eremitæ; nam nihil obest eum in
similitudinem Heliæ venisse. Neque urget
quod ait Barradas de tertia tentatione1583; nam
quia assumpserat et portaverat Dominum, etsi
eo esset habitu, tamen præsumebat Dominum
des bêtes sauvages. Pourtant, il y est tenté pour
nous apprendre qu'on peut l'être partout.
2. Le temps. Après son baptême; par le
Baptême, en effet, nous acquérons (ceci
néanmoins ne s'applique pas au Christ) des
forces et de la constance, comme par les autres
Sacrements. C'est pourquoi nous sommes oints
comme des athlètes et on fait sur nous des
exorcismes contre le démon; nous sortons de la
sainte Table forts «comme des lions au souffle
enflammé;» ce sont les expressions de saint
Chrysostôme; aussi disons-nous avec le
Psalmiste: Vous avez préparé une table devant
moi. La Pénitence nous rend plus forts, comme
des chevaux blessés par la dent du loup; voir
Pline. C'est pour cela [248] que Madeleine,
forte entre toutes, recherche le Christ
sépulture; et saint Pierre après sa pénitence, et
saint Paul, et saint Augustin. La belette ne
craint rien auprès du serpolet; il en est ainsi de
nous en présence des Sacrements.
3. Le Christ s'arme. Veillez et priez.
Soyez sobres et veillez. Judith et Jean-Baptiste
s'armèrent du jeûne. Saint Paul dit: Par les
armes de justice, a droite et a gauche; et
David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et
les outrages de ceux qui vous insultaient sont
tombés sur moi. Et j'ai abrité mon âme dans le
jeûne, et on m'en a fait un sujet d'opprobre; j'ai
pris pour vêtement un cilice et je suis devenu
le sujet de leurs railleries. Ceux qui étaient
assis a la porte parlaient contre moi, et ceux
qui buvaient du vin me prenaient pour le sujet
de leurs chansons...
Voyons donc maintenant la lutte.
L'ennemi s'approcha sous une forme visible,
sous l'extérieur d'un homme grave, d'un
ermite; car il n'est pas impossible qu'il se soit
1572 Autre addition de Mgr Jean-François de Sales. «Tentationes in omnibus hominibus veniunt præter rationem: in
malis contra rationem, in bonis moderantur a ratione; in Christo a ratione et secundum rationem.»
«Les tentations assaillent tous les hommes en dehors de la raison: les mauvais sont attaqués contre la raison,
les bons modèrent la tentation par la raison; mais tous les mouvements du Christ provenaient de la raison, étaient
conformes à la raison.»
1573 Homil. XLVI in Joan., § 3.
1574 Ps. XXII, 6.
1575 Vide Hist. natur., I. XXVIII, c. XIX (al. LXXVIII); cf. Plut., Colloq. Conviv., 1. II, qu. VIII.
1576 Matt., XXVIII, 1; Joan., XX, 1.
1577 Cf. Plin., Hist. nat., 1. Vlll, c. XXVII (al. XLI).
1578 Matt., XXVI, 41.
1579 I Petri, ult., 8.
1580 Judith, VIII, 6.
1581 Matt., III, 4.
1582 II Cor., VI, 7.
1583 Comm. in Concord. Evang., tom. II, 1. II, c. III.
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sibi forte crediturum; deinde desperati hostis
vices gerebat.
Primo vero loco agit philosophum,
chimistam et [249] medicum. Philosophos
hæreticorum patronos et magistros appellat
Tertullianus1584. Dic ut lapides isti panes
fiant1585. Incipit leniter, ut philosophi nostri
temporis: Ne jejunes. Tirannis est, ait
Calvinus1586: Ne confitearis peccata, ne
obedias pastoribus, ne ineas pœnitentiam.
Verum, ait Bernardus1587, non timebis a timore
nocturno1588. Craintes des petitz enfans: il ny a
rien de si grande consolation que l'observance
de la discipline ecclesiastique. Si une souris
fait du bruit, un'ombre, une clarte. Ne soyes
pas devotz, car, etc. Non in solo pane1589, etc.
2°. Agit hæreticum. Scripturas affert.
Omnes Patres observant hæreticorum esse
malo sensu bona verba proferre.
Lyrinensis1590, Tertullianus1591 et passim.
«Non in legendo sed in intelligendo
consistunt1592.» «Sensus, non sermo, fit
crimen1593.» «In omnibus viis1594, non
præcipitiis;» deinde truncat: Super
aspidem1595; Bernardus1596. Sic hæretici
semper sensum pervertunt, aut reticendo aut
secando, etc.1597
3°. Agit atheum. Hæc omnia; mihi
enim omnia tradita sunt, et do illa cui volo1598.
Nota Calvinum1599 irridere Catholicos
quod imitari velint [250] Christum cacozelia.
At imitatio puerorum non est irridenda:
alioqui, si quod non possint assequi matrum
linguam, nunquam incipiant loqui; si quia non
possunt passus æquales patri facere, nunquam
gradiantur. Sic infans quatuor passus facit ubi
pater unum; et Christianus quadraginta passus
ubi Christus unum.
présenté sous la figure d'Elie. Et ce que dit
Barradas de la troisième tentation ne s'y
oppose pas; car Satan avait pris et porté le
Seigneur, et bien qu'il eût emprunté cette
forme, il espérait que le Seigneur pourrait
croire en lui; de plus, il jouait le rôle d'un
ennemi désespéré.
Et en premier lieu, il simule le
philosophe, le chimiste, le médecin. Tertullien
[249] appelle les philosophes défenseurs et
maîtres des hérétiques. Dites à ces pierres
qu'elles deviennent des pains. Satan s'y prend
avec douceur, comme les philosophes de notre
temps: Ne jeûne pas. C'est une tyrannie, dit
Calvin: Ne confesse pas tes péchés, n'obéis pas
à tes pasteurs, n'entreprends pas de faire
pénitence. Mais, dit saint Bernard, tu ne seras
pas épouvanté par les craintes nocturnes.
[Reprendre au texte, lig. 7.]
L'homme ne vit pas seulement de pain,
etc.
2. Le tentateur se conduit à la façon des
hérétiques. Il cite l'Ecriture. Tous les Pères
observent que c'est le propre des hérétiques de
citer les bonnes paroles dans un mauvais sens.
Voir Vincent de Lérins, Tertullien et tous les
autres. «La science des Ecritures consiste non
pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute
est dans l'intention [de celui qui entend mal],
non dans le texte.» «Dans toutes tes voies, non
dans les précipices;» Satan en outre tronque le
texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard). Ainsi
font toujours les hérétiques, ils détournent le
sens par des réticences ou des suppressions de
mots, etc.
3. Satan parle comme un athée. Toutes
ces choses; car toutes choses m'ont été livrées
et je les donne à qui je veux.
1584 Apolog., c. XLVII; De Præscr., c. VII.
1585 Matt., IV, 3.
1586 Instit., l. IV, cc. X, § 14, XII, § 21.
1587 Sermo VI in Ps. XC, § 1.
1588 Ps. XC, 5.
1589 Matt., IV, 4.
1590 Commonit. I, c. XXV.
1591 De Præscr., passim; De Resur. carnis, c. XL.
1592 S. Hieron., Contra Lucif., § 28.
1593 S. Hilar. Pict., De Trin., 1. II, § 3.
1594 Ps. XC, 11.
1595 Ibid., v. 13.
1596 Sermo XIV in Ps. XC, § 8.
1597 Cf. Les Controverses, tom. I hujus Edit., pp. 190, 207.
1598 Matt., IV, 9; Lucæ, IV, 6.
1599 Instit., 1. IV, c. XII, § 20.
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O convivium Angelorum1600!
Benedictus Dominus Deus meus, qui docet
manus meas ad prælium et digitos meos ad
bellum1601. [251]
Noter que Calvin se moque des
Catholiques parce que, dans un zèle qu'il
appelle outré, ils veulent imiter le Christ. Mais
[la prétention qu'ont] les [250] enfants d'imiter
leurs parents n'a rien de ridicule; sans quoi ils
ne devraient jamais commencer à parler parce
qu'ils ne peuvent d'abord parler aussi vite que
leur mère; ni à marcher, parce qu'ils ne peuvent
faire des pas égaux à ceux de leur père. Comme
l'enfant fait quatre pas là où son père n'en fait
qu'un, de même le Chrétien en fait quarante où
le Christ n'en fait qu'un.
O festin des Anges! Que le Seigneur
mon Dieu soit béni, lui qui dresse mes mains
au combat et mes doigts à la guerre. [251]
1600 Matt., IV, 11.
1601 Ps. CXLIII, 1.
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CXXII. Plan d'un sermon pour le lundi après le premier
Dimanche de Carême
13 février 1617
(INÉDIT)
1602FERIA SECUNDA POST DOMINICAM LUNDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE.
PRIMAM DE DIE JUDICII1603
SUR LE JOUR DU JUGEMENT
O si quis mihi tribuat auditorem1604!
Ancienne leçon, mais mal entendue. Quis
credit auditui nostro, et brachium Domini cui
revelatum est1605? Quis novit potentias
Domini1606? Silete, auditores, attendite; et ante
omnia, mecum orate.
Deus creavit mundum ordine
pulcherrimo; unde et mundus dicitur, et
cosmos, et universum (unidiversum). Quarta
die creationis: Fiant luminaria in firmamento
cæli, et dividant diem ac noctem, et sint [252]
in signa et in tempora et dies et annos, et
illuminent terram1607. Terram: Etenim firmavit
orbem terræ qui non commovebitur1608. At in
extremo die, in fine temporum, tunc, ait Isaias,
341609, tabescet omnis militia cæli et
complicabuntur sicut liber cæli et desinet
omnis militia eorum; et Apoc. 61610: Cælum
recedet quasi liber involutus; sol factus est
niger sicut saccus cilicinus, et luna versa est in
sanguinem. Deüil, honte, confusion. Et en fin
tous ces signes seront suivis de l'embrasement
general, duquel il est dit, [Pss.] 961611, 491612:
Ignis ante ipsum præcedet; Ignis in conspectu
ejus exardescet. 2. Thess. 11613; 2. Pet. 31614.
Oh! qui me donnera, un auditeur!
Ancienne leçon, mais mal entendue. Qui croit
à notre parole, et a qui le bras du Seigneur a-
t-il été révêlé? Qui a connu les puissances du
Seigneur? Silence, mes auditeurs, prêtez
l'oreille; et avant tout, priez avec moi.
Dieu créa le monde dans le plus bel
ordre; de là son nom de mundus qui signifie
pur, et de cosmos, ordre, et d'univers (à la fois
un et divers). Au quatrième jour de la création
[Dieu dit]: Qu'il soit fait des luminaires dans
le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour
de la nuit, et soient des signes pour [252] les
temps, les jours et les années, et qu'ils éclairent
la terre. La terre: Car il a affermi le globe de
la terre, de sorte qu'il ne sera point ébranlé.
Mais au dernier jour, à la fin des temps, alors,
dit Isaïe, toute la milice des cieux s'anéantira,
et les cieux se rouleront comme un livre et
toute leur milice périra. Et dans l'Apocalypse:
Le ciel se retirera comme un livre roulé; le
soleil deviendra noir comme un sac de poils, et
la lune se changera en sang. [Reprendre au
texte, lig. 9.]
Le feu marchera devant lui; le feu
s'allumera en sa présence. «Il doit venir juger
les vivants et les morts, et le siècle par le feu.»
1602 (Ms. p. 229, recto)
1603 Il sera intéressant pour le lecteur de constater la ressemblance que ce sermon et le suivant présentent avec la
dernière pièce du volume précédent.
1604 Job, XXXI, 35.
1605Is., LIII, 1.
1606 Ps. CV, 2.
1607 Gen., I, 14, 15.
1608 Ps. XCII, 2.
1609 Vers. 4.
1610 Vers. 14, 12.
1611 Vers. 3.
1612 Vers. 3.
1613 Vers. 8.
1614 Vers. 7.
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«Venturus est judicare vivos et mortuos, et
seculum per ignem1615
His autem omnibus peractis, omnes
omnino morientur, partim timore arescentibus
hominibus1616, partim ignis vi. Ut ait
Barradas1617, quem malo sequi cum communi;
nam Heb. 91618: Statutum est hominibus semel
mori. Quis est homo qui vivet et non videbit
mortem? [Ps.] 881619. In omnes homines mors
pertransiit; Ro. 51620. Omnes resurgemus, 1.
Cor. 151621; ergo omnes moriemur.
Postea canet tuba, sic enim Christus
ipse1622: Et mittet Angelos suos cum tuba et
voce magna. 1. Thessal. 41623: Ipse Dominus in
jussu, in voce Archangeli, [253] in tuba Dei
descendet de cælo, et mortui qui in Christo
sunt resurgent primi. I. Cor. 151624: In
novissima tuba; canet enim tuba, et mortui
resurgent (verba pensanda). Ecce misterium
dico vobis: Omnes quidem resurgemus, sed
non omnes immutabimur1625. In momento, in
ictu oculi, in novissima tuba; canet enim tuba,
etc. Id autem fiet congruenter; nam in antiqua
Lege tubæ frequentes: in bello, ut Hiericho1626,
in congregatione, ad festa; in clangore tubæ
data sunt præcepta1627. Ergo tuba hæc
convocabit malos ad bellum, bonos ad festum.
Erunt enim plures, erunt sane: Angelos mittet
cum tuba, id est, singulos cum tuba; at
novissima tuba est quam sequitur vox
Archangeli. Quæ vox?
Vox: «Surgite mortui, et venite ad
judicium1628.» Quo loco ponderanda sunt
verba Domini, Jo. 51629, postquam locutus
fuisset de sua potestate judiciaria, et
resurrectionem faciendi: Nolite mirari hoc, ait,
quia venit hora in qua omnes qui in
monumentis sunt audient vocem Filii Dei; et
procedent qui bona egerunt in resurrectionem
Toutes ces choses étant accomplies,
tous les hommes sans exception mourront, les
uns desséchés de frayeur, les autres dévorés
par le feu. C'est l'opinion de Barradas que je
préfère suivre parce que c'est la plus commune.
Il est statué que les hommes doivent mourir
une fois. Quel est l'homme qui vivra et qui ne
verra pas la mort? La mort a passé dans tous
les hommes. Nous ressusciterons tous; donc,
nous mourrons tous.
Après, la trompette sonnera, car ainsi
le déclare le Christ lui-même: Et il enverra ses
Anges avec une trompette et une voix
éclatante. Aussitôt que le [253] signal aura été
donné par la voix de l'Archange et au son de la
trompette de Dieu, le Seigneur même
descendra du ciel, et ceux qui seront morts
dans le Christ ressusciteront les premiers. Au
son de la dernière trompette; car la trompette
sonnera, et les morts ressusciteront (peser les
paroles). Voici que je vais vous dire un
mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous,
mais nous ne serons pas tous changés. En un
moment, en un clin d'œil, au son de la dernière
trompette; car la trompette sonnera, etc. Et ce
sera juste; dans l'ancienne Loi, en effet, on
faisait un usage fréquent de la trompette: pour
la guerre, comme à Jéricho, pour convoquer le
peuple, pour les fêtes; c'est au son de la
trompette que furent promulgués les
commandements. Cette trompette appellera
donc les méchants à la guerre, les bons à la
fête. Les trompettes seront nombreuses
assurément: Il enverra ses Anges avec une
trompette, c'est-à-dire, chacun avec la sienne;
et la dernière trompette sera suivie de la voix
de l’Archange. Quelle est cette voix?
La voix: «Levez-vous, morts, et venez
au jugement.» Bien peser ici les paroles du
1615 Responsor. 2m in Matut. Defunct.
1616 Lucæ, XXI, 26.
1617 Comm. in Concord. Evang., tom. III, 1. IX, c. XI.
1618 Vers. 27.
1619 Vers. 49.
1620 Vers. 12.
1621 Vers. 51.
1622 Matt., XXIV, 31.
1623 Vers. 15.
1624 Vers. 52.
1625 Vers. 51.
1626 Josue, VI.
1627 Exod., XIX, 16; Heb., XII, 19.
1628 Verba S. Hieron. (ubi pag. seq.) communiter attributa. Cf. Corn. a Lap., in loca Joan. et I Thes.
1629 Vers. 25-29.
201/342

21.2 Page 202

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vitæ, qui vero mala, in resurrectionem judicii.
Vox «Surgite mortui» audietur mistice, [254]
quia corpora illico resurgent; vox «Venite ad
judicium» audietur realiter, nam jam
resurrectio facta erit. O vox terribilis! Sonet
vox ista in auribus meis1630; ut de Hieronymo
dicitur, et ut ipse dicit ad suos monachos1631,
apud Suaresium1632. O vox omnipotens, quæ
tot transsubstantiationes faciet, in momento, in
ictu oculi, et reperit ossa, cutem, sanguinem.
Articulus iste resurrectionis omnium
visus est difficillimus philosophis: a privatione
ad habitum; at Patres pro eo strenue
dimicarunt. Et Job, in lege naturæ1633: Credo
quod Redemptor meus vivit, et in carne mea,
etc. Martha credit1634. Et conformis est lumini
naturæ; nam anima sola non est operata, et
desiderat formam. Supererat ut inveniretur
quis hoc faceret; et ecce, Deus est.
Et ecce primus articulus judicii; nam in
resurrectione prima erit differentia bonorum et
malorum. Quid tu vides? Hierem. I1635: Virgam
vigilantem, oculatam, amigdalinam, floridam,
præcocem; ollam succensam. Corpora
Beatorum florida; damnatorum accensa ut olla,
spirantia ignem et tormenta, horrida, hispida,
teterrima; quæ illis palatia, nunc carceres, ut
Beatis, quæ illis [255] carceres, nunc palatia.
Jacob et Esau. Ex eadem fornace, aura
limpidius, lignum nigrum et carbones. Melas
et Cyphissus1636. Quis pudor! Heu, heu!
Hoc facto, parebit signum Filii
hominis1637. Image a double rapport: ut mali
oderunt justitiam, boni amant.
«O Crux, ave, spes unica1638
O Estendart ami! o terreur des
ennemis! [256]
Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir
de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne
vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous
ceux qui sont dans les sépulcres entendront la
voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le
bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux
qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur
condamnation. C'est d'une manière
mystérieuse [254] qu'on entendra ces paroles:
«Levez-vous, morts,» parce que les corps
ressusciteront sur-le-champ; mais ces autres:
«Venez au jugement,» seront entendues
réellement, parce que déjà la résurrection aura
eu lieu. O voix terrible! Que cette voix
retentisse à mes oreilles comme elle résonnait
à celles de saint Jérôme, ainsi qu'il le dit lui-
même à ses moines, d'après Suarez. O voix
toute-puissante qui transforme tant de
substances, en un moment; en un clin d'œil, et
fait reparaître les os, la peau, le sang !
Cet article de la résurrection a paru aux
philosophes le plus difficile à admettre: passer
du néant à l'être! Mais les Pères l'ont
énergiquement défendu. Déjà, dans la loi de
nature, Job disait: Je crois que mon
Rédempteur est vivant, et que dans ma chair,
etc. Marthe affirme la même foi, conforme
d'ailleurs aux lumières naturelles, car l'âme,
n'ayant pas travaillé seule, a droit de réclamer
son complément. Restait à trouver qui le lui
donnerait, et voici que c'est Dieu.
Et ce sera la première partie du
jugement; car la distinction qui doit s'opérer
entre les bons et les méchants commencera
avec la résurrection. Que vois-tu? Une verge
qui veille, pleine d'yeux, comme celle de
l'amandier, fleurie, précoce; une chaudière
bouillante. Les corps des Bienheureux
fleuriront; ceux des damnés seront comme une
chaudière bouillante, animés par le feu et les
tourments, [255] horribles, affreusement
hérissés; à leurs palais d'autrefois sont
maintenant substituées des prisons, comme les
prisons des Bienheureux font place à des
1630 Cant., II, 14.
1631 Regulas Monach., c. XXIII.
1632 In IIIam Partem S. Thomæ, qu. LVI, Disput. L, sect. IV; De Virt. et Statu Relig.,Tractat. IX, 1. II, c. V.
1633 Cap. XIX, 25, 26.
1634 Joan., XI, 27.
1635 Vers. 11, 13.
1636 Plin., Hist. nat., 1. II, c. CVI (al. CIII). Et vide infra, p. 264.
1637 Matt., XXIV, 30.
1638 Hymnus Vexilla Regis.
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palais. Jacob et Esaii. De la même fournaise
sortent une matière plus pure que la brise, et
des bois noirs et des charbons. Mêlas et
Céphisse. Quelle honte! Hélas! hélas!
La séparation faite, le signe du Fils de
l'homme apparaîtra... Les mauvais ont eu en
haine la justice, les bons l'aiment.
«Je te salue, o Croix, notre unique
espérance!»... [256]
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CXXIII. Plan d'un sermon pour le mardi après le premier
Dimanche de Carême
14 février 1617
(INÉDIT)
1639FERIA TERTIA DE JUDICIO
SEPARATIONIS ET DISCUSSIONIS
Collocato in aera signo Filii hominis,
congregabuntur circa eum omnes gentes1640;
mox separabuntur, et deinde omnes libri
aperientur1641, et examen ac discussio,
recherche, fiet.
Joel, 31642: Ecce in diebus illis, etc.,
congregabo omnes gentes et educam eas in
vallem Josaphat (vide Riberam1643, qui ad
litteram ait de judicio intelligi), et disceptabo
cum eis. Vallis Josaphat, ex communi
sententia, est inter Olivetum et Hierusalem.
Magister Sententiarum irridet1644, quia
Josaphat judicium Domini [257] significat; at
certa est sententia. Angeli: Quid hic statis?
etc.; hic Jesus qui assumptus est a vobis in
cælum1645, etc. Ubi Redemptionem,
ibijudicium. Deinde Judæi prius judicandi.
Ergo congregabuntur ante eum omnes gentes;
omnes omnino: ubi autem congregati fuerint,
veniet Filius hominis in nubibus, et omnes
Angeli ejus cum eo1646. Et tunc fiet separatio:
Separabunt, inquit1647, malos a bonis. Duo, ait
Dominus1648, erunt in agro, duo in lecto, duæ
ad molam; unus assumetur et alter relinquetur.
O separatio æterna! Agar et Ismael1649.
Deinde judicium fiet discussionis; de
qua discussione Dominus, Math. 121650: Amen
dico vobis, quoniam de omni verbo otioso. Et
MARDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE
SUR LE JUGEMENT: SEPARATION ET
EXAMEN
Le signe du Fils de l'homme fixé dans
les airs, toutes les nations seront rassemblées
autour de lui; elles seront bientôt séparées, et
ensuite tous les livres seront ouverts, et
l'examen, la discussion, la recherche
commencera.
Voilà qu'en ces jours-là, etc., je
rassemblerai tous les peuples, et je les
conduirai dans la vallée de Josaphat (voir
Ribéra qui applique littéralement ce passage au
jugement), et là j'entrerai en jugement avec
eux. La vallée de Josaphat, d'après l'opinion
commune, serait l'espace situé entre Jérusalem
et le mont des Oliviers. Le Maître des
Sentences se moque de cette interprétation
parce que le nom même de Josaphat signifie
jugement de Dieu; mais l'opinion [257]
énoncée ci-dessus n'en est pas moins certaine.
Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi
vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du
milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est
opérée la Rédemption, là se fera le jugement.
D'ailleurs, il faut que les Juifs soient jugés les
premiers. Toutes les nations seront donc
rassemblées devant lui; toutes, sans exception.
Dès qu'elles seront rassemblées, le Fils de
l'homme viendra sur les nuées et tous les Anges
avec lui. Alors se fera la séparation. Les Anges,
1639 (Ms. page 229 bis, recto)
1640 Matt., XXIV, 30, XXV, 32.
1641 Apoc., XX, 12.
1642 Vers. I, 2.
1643 Comm., in Lib. XII Prophet., in Joel, III, 2.
1644 Sent., 1. IV, Dist. XLVIII, § 4.
1645 Act., I, 11.
1646 Matt., XXV, 31; Apoc., I, 7.
1647 Matt., XIII, 49.
1648 Ibid., XXIV, 40, 41; Lucæ, XVII, 34, 35.
1649 Gen., XXI, 10, 14.
1650 Vers. 36.
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Apostolus, I. Cor. 41651: Mihi autem pro
minimo est ut a vobis judicer, etc.; itaque nolite
ante tempus judicare, quoadusque veniat
Dominus, qui et illuminabit abscondita
tenebrarum et manifestabit consilia cordium.
Apoc. 201652: Et vidi thronum magnum
candidum, et sedentem super eum, a cujus
conspectu fugit terra et cælum, et locus non est
inventus eis; et vidi mortuos, magnos et
pusillos, stantes in conspectu throni; et libri
aperti sunt, et alius liber apertus est qui est
[258] vitæ (id est, vita); et judicati sunt mortui
ex iis quæ scripta erant in libris, secundum
opera ipsorum. (Liber vitæ, in Apoc. 20, est
vita Christi.) Danielis, 71653: Aspiciebam donec
throni positi sunt, et Antiquus dierum sedit,
etc.; judicium sedit et libri aperti sunt: «Liber
scriptus proferetur1654
Soph. 11655: Et erit in die illa; scrutabor
in lucernis Hierusalem (Bernardus1656: Si sic
in Hierusalem, quis finis in Babilone?
Hierusalem, Sancti: videbuntur etiam peccata
Sanctorum, sed cum magna eorum
consolatione; et dicent: Misericordiæ Domini
quia non sumus consumpti1657); et visitabo
super viros defixos in fœcibus suis, qui dicunt
in cordibus suis: Non faciet bene Dominus,
non faciet male. Tres interpretationes, vide
Riberam1658, et fol. nostro 781659: 1a, litteralis,
de captivitate Caldaica; 2a, Josephi,
applicatoria1660; 3a, de die judicii. Lucerna
pedibus meis verbum tuum1661, 4a, homines
sancti. Et ita fiet judicium comparationis:
Surget regina austri, et viri Ninivitæ1662.
Historia Joseph, [Gen.,] 421663:
Invicem: Merito hæc [259] patimur, quia
peccavimus in fratrem nostrum, videntes
angustias animæ illius dum depræcaretur nos
et non audivimus; idcirco venit super nos ista
tribulatio. Et Ruben: Nunquid non dixi vobis:
d'après l'Ecriture, sépareront les méchants des
bons. Sur deux qui seront dans un champ, dit
le Seigneur, deux dans un lit, deux à la meule,
l'un sera pris, l'autre laissé. O éternelle
séparation! Agar et Ismael.
Ensuite aura lieu l'examen pour le
jugement. De cet examen le Seigneur affirme:
En vérité, je vous le dis, il portera sur toute
parole oiseuse. Et l'Apôtre: Pour moi, je me
mets fort peu en peine d'être jugé par vous,
etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le
temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui
éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et
qui manifestera les secrètes pensées des
cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et
quelqu'un assis dessus, en présence duquel la
terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se
trouva plus; et je vis les morts, grands et petits,
debout devant le trône; et les livres furent
ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui
est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la
vie); et les morts furent jugés sur ce qui était
écrit dans les livres selon leurs œuvres. (Le
livre de vie, dans l'Apocalypse, XX, c'est la vie
du Christ.) Je regardais jusqu'à ce que des
trônes fussent placés, et l'Ancien des jours
s'assit, etc.; le jugement se tint et les livres
furent ouverts: «Le livre écrit sera présenté.»
En ce jour-là je scruterai Jérusalem
avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est
ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de
Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints:
les péchés mêmes des Saints seront
découverts, mais à leur grande consolation; et
ils diront: C'est grâce aux miséricordes du
Seigneur que nous n'avons pas été consumés);
et je visiterai les hommes enfoncés dans leur
lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne
fera pas de bien, il ne fera pas de mal. Trois
interprétations (voir Ribéra et notre folio 78):
1651 Vers. 3-5.
1652 Vers. 11, 12.
1653 Vers. 9, 10.
1654 In Prosa Missffi Defunct.
1655 Vers. 10, 12.
1656 Sermo LV in Cant., § 2.
1657 Thren., III, 22
1658 Comm. quo supra, p. 257, in loc. Soph.
1659 Ce feuillet ne nous est pas parvenu. Cf. tome VII de cette Edition, p. 474.
1660 Vide S. Hieron., Comm. in Soph., ad locum.
1661 Ps. CXVIII, 105.
1662 Matt., XII, 42, 41.
1663 Vers. 31, 32.
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Nolite peccare in puerum? et non audistis me;
en sanguis ejus exquiritur.
Initium, 2. Timoth. 41664: Testificor
coram Deo et Christo. [260]
La première est littérale, et s'entend de la
captivité de Chaldée; la seconde, celle de
Josèphe qui l'applique [à la destruction de
Jérusalem]; la troisième a trait au jour du
jugement. Votre parole est une lampe qui
éclaire mes pieds; texte qui amène une
quatrième interprétation: des hommes saints.
Ainsi se fera le jugement par comparaison: La
reine du midi et les hommes de Ninive se
lèveront.
Histoire de Joseph: [Ils se dirent] les
uns aux autres: C'est justement que [259] nous
souffrons tout ceci, parce que nous avons
péché contre notre frère; voyant les angoisses
de son âme quand il nous suppliait, nous ne
l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette
tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de
répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas
contre cet enfant? et vous ne m'avez pas
écouté; voilà que son sang nous est
redemandé.
Pour le commencement [du sermon]:
Je t'en conjure devant Dieu et devant le Christ.
[260]
1664 Vers. I
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CXXIV. Plan d'un sermon pour le mercredi après le premier
Dimanche de Carême
15 février 1617
(INÉDIT)
1665FERIA QUARTA
Post resurrectionem, convocationem,
separationem et discussionem, nihil superest
nisi ut feratur sententia; de qua nunc mixtim
cum Evangelio hodierno1666, in quo adhuc
nonnulla de judicio comparationis.
Loquebatur Dominus, Mat. 121667, de
rigore discussionis, dicens: Dico autem vobis
quoniam de omni verbo otioso, etc. Tunc
responderunt ei quidam de Scribis et
Phariseis, dicentes: Magister, volumus a te
signum videre. Generatio prava et
adultera1668. Nihil magis incredibile quam
quod credere nolumus; judicii rigor omnibus
perversis odio est. Vel obliviscimur sponte, vel
in curiosa deducimus istius diei historiam.
[261] Generatio prava et adultera, quæ relicto
vero cultu amoribus alienis incumbit, signum
quærat, et signum non dabitur ei, nisi signum
Jonæ Prophætæ.
Quodnam signum? Existimant plerique
signum Jonæ esse resurrectionem.
Maldonatus, post Hilarium, nisi fallor1669,
interpretatur signum Jonæ, id est, nullum; nam
Jonas nullum dedit, sed tantum dixit: Adhuc 40
dies et Ninive subvertetur1670. Et signum
condemnationis: judicium comparationis
Ninivitarum. Trium dierum prædicatione
conversi sunt, et nos, etc.; quorum tamen
prædicatio major est ob Christi authoritatem,
qui loquitur in nobis1671. Regina austri,
sapientiam Salomonis; Sanctus Anthonius
audiens unum verbum Evangelii1672, Simeon
MERCREDI APRÈS LE PREMIER
DIMANCHE
Après la résurrection, l'appel, la
séparation et la discussion, il ne restera plus
qu'à porter la sentence. Nous allons en parler
eu expliquant l'Evangile du jour, où nous
trouverons encore quelques enseignements sur
le jugement par comparaison.
Le Seigneur parlait des rigueurs de
l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis
qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors
quelques-uns d'entre les Scribes et les
Pharisiens lui répondirent: Maître, nous
voulons voir un miracle de vous. Une
génération méchante et adultère. Rien de plus
incroyable que ce que nous ne voulons pas
croire; la rigueur du jugement excite la haine
de tout homme pervers, Nous l'oublions
volontairement, ou bien nous nous [261]
bornons à de vaines et subtiles conjectures sur
ce qui doit arriver en ce jour. Une génération
méchante et adultère qui abandonne le vrai
culte pour vouer son amour à l'étranger; elle
peut demander un miracle, mais il ne lui sera
point donné d'autre signe que celui du
Prophète Jonas.
Quel est ce signe? La plupart pensent
que le signe de Jonas est la résurrection.
Maldonat, après saint Hilaire, si je ne me
trompe, dit que ces mots signe de Jonas,
signifient absence de signe, car Jonas n'a fait
aucun prodige; il a seulement dit: Encore
quarante jours et Ninive sera détruite. Et le
signe de la condamnation: jugement par
comparaison avec les Ninivites. Trois jours de
1665 (Ms. page 229 bis, verso)
1666 Matt., XII, 38-50.
1667 Vers. 36.
1668 Matt., XII, 38, 39, XVI, 4; Deut., XXXII, 5.
1669 Vide supra, p. 3.
1670 Jonæ, III, 4.
1671 Matt., X, 20; II Cor., XIII, 3.
1672 S. Athan., in Vita S. Ant., §§ 2, 3.
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Stilites1673, cæteri. Homines fuerunt amicti
pelle et carne ut nos. Pelagia; Pacomius.
Quare, jure merito condemnabuntur
mali, neque quid objiciant habebunt sententiæ
justissimæ; sed antequam ipsam audiamus...
Ego in ejus meditatione mihi esse videor in illo
monte Cassio, Seleuciæ vicino, de quo Plinius
ait1674 videri utrumque hemispherium, unde
duabus horis post mediam noctem videtur ex
una parte [262] nox obscurissima, ex alia dies
lucidissimus. Nam ex una parte, post
discussionem, audio videoque Christum, radiis
benedictionis illucescentem: Venite, benedicti;
ex alia, noctem densissimam immittentem: Ite,
maledicti1675.
Vel potius, videre mihi videor in hoc
judicio quod visum est in Jordane cum exiret
Israel de Ægipto, Jos. 31676: intumescebant
aquæ superiores instar montis (unde in
Psal.1677: Montes exultastis sicut arietes,
nimirum montes undarum et fluctuum
videbantur saltare): inferiores aquæ
descendebant in Mare Solitudinis, id est,
Mortuum, Asphaltites (et belle, nam Jordanis
est fluvius judicii1678), et id in conspectu Arcæ:
A facie Domini mota est terra1679. Sic in
judicio dividet aquas ab aquis, «aquæ multæ
populi multi,» Apoc. 17. v. 151680: superiores
ascendunt obviam Christo in aera1681, Christo,
inquam, qui eos veluti deducturus
descendit1682, et exultabunt ut arietes1683;
inferiores descendent in Mare, mare Mortuum,
etc.
Joannes, Apoc. 11684, vidit Dominum in
majestate, vestitum podere et cinctum zona
aurea ad mammillas, etc. Audivi vocem ejus
tanquam vocem aquarum [263] multarum,
oculi ejus sicut flamma ignis, et ex ore ejus
gladius ex utraque parte acutus, et facies ejus
sicut sol in virtute sua. Et cum vidissem, cecidi
ad pedes ejus tanquam mortuus: septem tamen
prédication les ont convertis, et nous, etc.;
notre prédication pourtant est bien supérieure à
cause de l'autorité du Christ qui parle en nous.
La reine du midi devant la sagesse de
Salomon; saint Antoine entendant une seule
parole de l'Evangile, saint Siméon Stylite,
d'autres encore. Ces hommes pourtant étaient
comme nous composés de chair et d'os. Sainte
Pélagie, saint Pacônie.
C'est donc à bon droit que seront
condamnés les méchants, et ils n'auront rien à
objecter à une aussi juste sentence; mais avant
que nous l'entendions [je veux vous confier
une pensée qui m'est familière]. Quand je
médite sur le jugement, je me figure être sur le
mont Cassius voisin de Séleucie. De son
sommet, dit Pline, on peut contempler les deux
hémisphères, si bien qu'à [262] deux heures du
matin on y voit d'une part l'obscurité de la nuit
la plus profonde, de l'autre, le plein jour dans
tout son éclat. Ainsi, après la discussion,
j'entends, d'une part, et je vois le Christ
étincelant des rayons de bénédiction: Venez,
bénis; et faisant descendre de l'autre côté la
nuit la plus sombre, [je l'entends prononcer
cette sentence]: Allez, maudits.
Ou plutôt je me figure voir à ce
jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël
sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures
grossissaient et s'élevaient semblables à une
montagne (d'où le mot du Psaume :
Montagnes, vous avez bondi comme des
béliers; ce qui signifie que des montagnes de
flots s'agitaient et semblaient danser), tandis
que les eaux inférieures descendaient à la mer
du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac
Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain
est précisément le fleuve du jugement). Et ceci
se passait en présence de l'Arche: Devant la
face du Seigneur, la terre a été ébranlée. Ainsi,
au jugement, le Seigneur séparera les eaux des
1673 Vitæ Patrum, 1. I, Vita S. Sim. St., c. I.
1674 Hist. natur., 1. V, c. XXII (al. XVIII).
1675 Matt., XXV, 34, 41; juxta Grac. et antiquam lect. Lat.
1676 Vers. 14-17.
1677 Ps. CXIII, 1, 6.
1678 Vide ad calc.Bibl.
1679 Ps. CXIII, 7.
1680 Vide S. Bern., sermo I in Oct. Paschæ, § 5.
1681 I Thess., IV, 16.
1682 Ephes., IV, 9, 10.
1683 Ps. CXIII, 4, 6.
1684 Vers. 13-17.
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Episcopos tantum judicaturus erat. Vox
aquarum vitæ et mortis, Mare Mortuum.
Melas et Cephissus, en Bœocie, sortent d'un
mesme lac: qeluy la noircit les moutons, celuy
ci les blanchit1685. Oculi flamma ignis,
penetrant tout: 1686Probasti cor meum et
visitasti nocte, igne me examinasti et non est
inventa in me iniquitas1687. Ex ore gladius,
tranchant a gauche, ut perdat et occidat morte
æterna; a dextris, ut amputet omnia mala a
Beatis. Tempus putationis advenit; jam hiems
abiit, imber abiit et recessit; vox turturis.
Tempus putationis advenit1688, circumcisio
mistica, quæ fit octavo die1689. Et facies ejus
sicut sol, pro Beatis.
Sed audiamus tandem. Venite in
portum, venite in regnum, venite in sinum
misericordiæ meæ, venite ad cænam, venite ad
nuptias1690, venite ad solemnitatem; benedicti,
dilectissimi filii benedictionis; possidete
paratum vobis regnum a constitutione
mundi1691. O quale regnum! Sed de hoc
dicemus die Dominica1692. Esurivi enim1693.
(Quid dicitis malevoli? Ecce operibus [264]
misericordiæ redditur merces: Libri aperti
sunt, et judicati sunt ex libris secundum opera
eorum1694.) Ilz fondront de douceur a ces
paroles. Anima mea lique facta ut Dilectus
meus locutus est1695 per amorem gratiæ,
quanto magis per amorem gloriæ.
Discedite a me, maledicti1696; vox
abdicationis æternæ, exhæredationis,
abjectionis et mortis æternæ. O Agar, exiens e
domo Abraham1697. Maledicti, maledictione
æterna. In ignem, æterno. A quo discedunt? ad
quem recedunt? Irrugient, dicentes1698, etc. Et
ibunt hi in supplicium æternum, justi autem in
vitam æternam1699. Æternum, æternum.
eaux; «les grandes eaux sont des peuples
nombreux:» les eaux supérieures montent au-
devant du Christ, dans les airs, au-devant du
Christ, dis-je, descendu vers eux comme pour
les ramener, et ils bondiront comme des
béliers; les eaux inférieures descendent à la
mer, à la mer Morte, etc.
Saint Jean vit le Seigneur dans sa
majesté, vêtu d'une longue robe et ceint, au-
dessous des mamelles, d'une ceinture d'or, etc.
J'entendis sa voix comme la [263] voix des
grandes eaux, ses yeux étaient comme une
flamme de feu, et de sa bouche sortait un glaive
à deux tranchants, et sa face était comme le
soleil dans sa force. Et lorsque je l'eus vu, je
tombai a ses pieds comme mort: cependant, il
ne devait juger que les sept Evèques. La voix
des eaux de la vie et de la mort, mer Morte...
Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant
tout: 1700Vous avez sondé mon cœur et vous
l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez
éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé
d'iniquité en moi. De sa bouche sortait un
glaive, tranchant à gauche, afin de perdre et de
tuer par la mort éternelle; à droite, pour
supprimer tous les maux qui auraient pu
menacer les Bienheureux. Le temps de tailler
est venu; déjà l'hiver est passé, la pluie a cessé
et s'est retirée; la voix de la tourterelle. Le
temps de tailler est venu, circoncision
mystique qui doit se faire le huitième jour. Et
sa face comme le soleil, pour les Bienheureux.
Ecoutons enfin la sentence. Venez au
port, venez dans le royaume, venez dans le sein
de ma miséricorde, venez au festin, venez aux
noces, venez à la solennité; bénis, fils bien-
aimés de bénédiction; possédez le royaume qui
vous a été préparé dès l'origine du monde.
1685 Plin., ubi supra, p. 256.
1686 Videt peccata justorum, non in eorum conscientia, sed in eorum memoria.
1687 Ps. XVI, 3.
1688 Cant., II, 11, 12.
1689 Gen., XVII, 12; Lucæ, II, 21.
1690 Matt., XXII, 4.
1691 Ibid., XXV, 34.
1692 Vide pag. 276.
1693 Matt., XXV, 35.
1694 Apoc., XX, 13.
1695 Cant., V, 6.
1696 Matt., XXV, 41.
1697 Gen., XVI, 6, XXI, 10, 14.
1698 Sap., V, 3 seq.
1699 Matt., XXV, ult.
1700 Il voit les péchés des justes non dans leur conscience, mais dans leur mémoire.
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Ecce utraque æternitas patet nobis.
Heu, quam vultis eligere? Rectam electionem
facite; ex hoc forsan momento pendet vestra
æternitas. Et forsan nunquam vobis amplius
proponetur. O æternitas, æternitas! [265]
Quel beau royaume! Mais nous en parlerons
Dimanche. Car j'ai eu faim. (Que dites-vous,
hommes pervers? Voici qu'on récompense
[264] les œuvres de miséricorde: Les livres
furent ouverts et les morts furent jugés, d'après
ces livres, selon leurs œuvres.) Ils fondront de
douceur à ces paroles. Mon âme s'est liquéfiée
par l'amour de grâce, quand mon Bien-Aimé a
parlé; combien plus se liquéfiera-t-elle par
l'amour de gloire!
Retirez-vous de moi, maudits; parole
d'éternelle déchéance, d'exhérédation, de
répulsion et de mort éternelle. O Agar, sortant
de la maison d'Abraham! Maudits, d'une
éternelle malédiction. Au feu, pour l'éternité.
De qui s'éloignent-ils? où vont-ils? Ils rugiront
en disant, etc. Et ceux-là iront au supplice
éternel, et les justes, à la vie éternelle. Eternel,
éternel!
L'une et l'autre éternité s'ouvrent ainsi
devant nous. O Dieu! laquelle voulez-vous
choisir? Faites un bon choix. De ce moment
peut-être dépend votre éternité. Et peut-être ce
choix ne vous sera plus jamais proposé! O
éternité, éternité! [265]
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CXXV. Plan d'un sermon pour le jeudi après le premier
Dimanche de Carême
16 février 1617
(INÉDIT)
1701FERIA QUINTA DE CANANEA ET
ORATIONE
JEUDI APRES LE PREMIER DIMANCHE
SUR LA CHANANEENNE ET LA PRIERE
Ecce mulierem Cananeam1702, magnam
omnino fide, spe et charitate. Fide: O mulier,
etc.; spe, nam repulsa magis sperat; charitate,
nam pro filia, et adhæret Christo immobiliter.
Verum quia fidem, spem et charitatem oratione
demonstrat, nos de omnipotentia orationis
dicemus.
Cum versum primum Cantici Zachariæ
interpretaremur1703, diximus quare Deus
diceretur Deus Israel, [266] nimirum religione.
Verum nunc aliam causam adducimus qui
extat fol. 154, verso1704. Et hic sane Christus
vincitur a Cananea et ejus oratione, ut navis
remora1705 tenetur, ut Samson a Dalila1706.
O omnipotentia orationis! Circa hanc
autem fuerunt duæ hæreses: Euchitarum et
Messalianorum, quia orationem sufficere
aiebant; et Pelagianorum, quia nos ea non
indigere ut plurimum existimabant. At
Ecclesia, et orationem necessariam, et eam
solam non sufficere. Sed videamus
progressum.
Hæc mulier erat Cananea, et egressa a
finibus illis. Oratio quidam egressus est a
finibus nostris, nam est «elevatio mentis in
Deum,» ut ait Damascenus1707. Miserere mei,
Domine, quoniam ad te clamavi tota die;
lætifica animam servi tui, quoniam ad te,
Domine, animam meam levavi1708. Item1709: Ad
Voici une femme chananéenne vraime
nt grande par la foi, l'espérance et la charité. La
foi: O femme, etc.; l'espérance: on la repousse,
elle espère davantage; la charité: elle parle
pour sa fille et s'attache immuablement au
Christ. Mais puisque c'est par la prière qu'elle
nous montre sa foi, son espérance et sa charité,
nous choisirons pour sujet de notre discours la
toute-puissance de la prière.
Quand nous avons interprété le premier
verset du cantique de Zacharie, nous avons dit
pourquoi Dieu est appelé le Dieu d'Israël; c'est
à cause de la [266] religion de ce peuple. Mais
maintenant nous en donnons une autre cause
consignée folio 154, verso. Ici, en effet, le
Christ est vraiment enchaîné par la prière de la
Chananéenne, comme le navire est retenu par
le rémora, comme Samson fut lié par Dalila.
O toute-puissance de la prière! Deux
hérésies pourtant se sont élevées à ce sujet:
celle des Euchites et des Messaliens qui
disaient que la prière suffit; et celle des
Pélagiens, dont la plupart prétendaient que
nous n'avons pas besoin de prier. L'Eglise nous
enseigne que la prière est nécessaire et que,
seule, elle ne suffit pas. Mais voyons la suite.
Cette femme était chananéenne, elle
était sortie des confins de son pays. La prière
est en quelque sorte une sortie de nos confins,
car elle est «une élévation de l'âme vers Dieu,»
1701 (Ms. p. 230, recto)
1702 Matt., XV, 21-28.
1703 Cf. supra, p. 210.
1704 Ce folio 154 ne nous est pas parvenu; mais la manière dont il est mentionné p. 210 prouve qu'il contenait au verso
l'exposé de la seconde cause pour laquelle le Seigneur a voulu être appelé Dieu d'Israël. La suite de ce Sermon CXXV
laisse deviner quelque chose des explications que saint François de Sales dut donner à ce sujet. D'après lui, le Dieu
d'Israël est ainsi nommé parce qu'il s'était en quelque sorte livré à la merci de son peuple, en s engageant à exaucer
toutes les prières qu'il lui adresserait avec humilité et confiance.
1705 Plin., Hist. nat., l. IX, c. XXV (al. XLI).
1706 Judic., XVI.
1707 De Fide Ortliod., 1. III, c. XXIV.
1708 Ps. LXXXV, 4.
1709 Ps. XXIV, 1, 2.
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te levavi animam meam; Deus meus, in te
confido, [267] non erubescam. Et Cant.1710:
Quæ est ista quæ ascendit de deserto, sicut
virgula fumi, ex aromatibus mirræ et thuris?
Ista tamen elevatio est mentalis, non localis,
ratione objecti non loci; unde: «Sursum
corda1711.» Mira vel stupiditas, vel malignitas
Calvinistarum objicientium «Sursum corda,»
quasi «sursum» localiter intelligatur. Et illud
prier devant un'image localiter, confundunt
cum illud prier devant moraliter: ante
imaginem localiter orat qui habet imaginem
ante se, at moraliter qui imaginem ipsam
oraret. Ante Propitiatorium localiter, ante
Deum
Propitiatorio
representatum
moraliter1712.
Clamavit dicens (In toto corde
meo1713): Miserere mei, Domine, fili David;
filia mea male a dæmonio vexatur. Miseriam
primo ostendit, nam miseria attrahit
misericordiam. De profundis clamavi1714.
Miserere mei, Domine, quoniam infirmus
sum1715. Desiderium pauperum exaudivit
Dominus; præparationem cordis eorum
audivit auris tua1716. Filia mea male a
dæmonio vexatur. Bene aliquando a dæmonio
vexamur (male, tamen, ad litteram, id est,
vehementer), ut Job, Sanctus Anthonius,
Sancta Catharina Senensis, Sanctus [268]
Paulus, quia faciunt cum tentatione
proventum1717; at alii male vexantur. Bene
pungeris si compungeris.
Qui non respondit ei verbum. Heu, qui
plantavit aurem non audiet? aut qui finxit
oculum non considerat1718? O Verbum, non
respondes verbum? Interdum amor fingit se
surdum (Petre, amas me? Petre, amas me1719?)
ut fortius clamemus.
Hæc autem facta sunt in domo in qua
latebat1720: «et fugit ad salices1721.» Latere
volebat et nolebat; latere volebat, id est, facere
comme la définit saint Jean Damascène. Ayez
pitié de moi, Seigneur, parce que j'ai crié tout
le jour vers vous; réjouissez l'âme de votre
serviteur, parce que c'est vers vous, Seigneur,
que j'ai élevé mon âme. De même: C'est vers
vous que j'ai élevé mon âme; mon Dieu, je me
confie en vous, je ne [267] rougirai point. Et
dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte
du désert comme une colonne de fumée de
parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois,
cette élévation est mentale, non matérielle, elle
est relative à son objet, non au lieu; c'est
également ce que signifient ces mots: «En haut
les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou
méchanceté de la part des Calvinistes quand ils
nous objectent ces paroles: «En haut les
cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au
sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre
prier matériellement devant une image et prier
moralement devant cette image. On prie
matériellement devant une image quand on a
cette image devant soi, mais on prierait
moralement devant cette image si on invoquait
l'image même. [Le grand Prêtre priait]
localement devant le Propitiatoire, réellement
et moralement devant Dieu représenté par le
Propitiatoire.
Elle s'écria, disant (De tout mon cœur):
Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David; ma
fille est misérablement tourmentée par le
démon. Elle montre premièrement sa misère,
parce que la misère attire la miséricorde. Du
profond de l'abîme j'ai crié. Aye$ pitié de moi,
Seigneur, parce que je suis infirme. Le
Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre
oreille a entendu la préparation de leur cœur.
Ma fille est misérablement tourmentée par le
démon. Nous sommes parfois utilement tentés
par le démon (misérablement est pris ici à la
lettre, pour violemment), comme Job, saint
Antoine, sainte Catherine de Sienne, [268]
1710 Cap. III, 6.
1711 Ante Præfat. in Missa.
1712 Exod., XXX, 6, 10; Levit., XVI, 17, 18.
1713 Ps. CXVIII, 145.
1714 Ps. CXXIX, 1.
1715 Ps. VI, 5.
1716 Ps. IX, penult.
1717 I Cor., X, 13.
1718 Ps. XCIII, 9.
1719 Joan., ult., 15-17.
1720 Marc., VII, 24.
1721 Virgil., Eclog. III, 65.
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quod latentes faciunt. Trahe me, post te
curremus in odorem unguentorum tuorum1722.
Canis etiam latentem cervum invenit,
et statim il clabaude. Deinde ubi cervum e suo
loco, de son fort, de son buisson, emisit:
Clamat post nos; id est, invocat nos; id est, te
per nos. Non sum missus. O Domine,
reminiscere miserationum tuarum1723. O dura
benignitas, o misericors duritia, amans
severitas! Est un horvaris. At ista semper
sequitur: At illa venit et adoravit; orabat inter
discipulos; audiens venit ad ipsum: Domine,
adjuva. At ille, saltu se proripiens: Non est,
inquit, bonum sumere panem filiorum et [269]
mittere canibus. (Clamant pauperes post nos:
«Nostrum est quod consumitis, nobis
crudeliter eripitur quicquid inaniter
expenditur1724.») At mulier audiens: Etiam,
nam et catelli. Rubis d'Ætiopie1725, chiens
recreuz.
O mulier. Ecce victus est Angelus1726.
Ecce ex Cananea filia Israel facta est, et
Christus factus est præda ejus. Marc.1727:
Propter hunc sermonem vade; fiat tibi sicut
vis1728: il rend les abbois. [270]
saint Paul, car ces Saints tiraient profit de la
tentation; mais d'autres sont tentés pour leur
malheur. Vous serez utilement tourmenté, si
c'est le repentir qui vous tourmente.
Jésus ne lui répondit pas une parole.
Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra
pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère
pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas
une parole? Parfois, l'amour fait la sourde
oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-
tu?) afin que nous criions plus fort.
Or ceci se passait dans la maison où se
cachait Jésus, qui ci s'enfuit aux saules.» Il
voulait et ne voulait pas se cacher; il voulait se
cacher, c'est-à-dire [se faire chercher, comme]
font ceux qui se cachent. Tirez-moi; nous
courrons après vous à l'odeur de vos parfums.
Le chien trouve le cerf même quand il
se cache, et aussitôt il clabaude. Dès que [la
Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son
buisson: Elle crie après nous, [disent les
Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle
vous prie par notre entremise. Je ne suis pas
envoyé. O Seigneur, souvenez-vous de vos
miséricordes. O dure bénignité, ô
miséricordieuse dureté, aimante sévérité! C'est
un hourvari. Mais la Chananéenne les suit
toujours: Cependant, elle vint et adora; elle
priait parmi les disciples; elle entendit Jésus et
vint à lui: Seigneur, aidez-moi. Et Jésus,
s'avançant semblable au cerf qui bondit: Ce
n'est pas bien, dit-il, de prendre le pain des
enfants pour le jeter aux chiens. [269] (Les
pauvres crient après nous: «Ce que vous
dévorez nous appartient; toutes vos dépenses
inutiles sont un vol cruel que vous nous
faites.») Mais la femme répond: Oui, car les
petits chiens, etc.
O femme! Voici que l'Ange est vaincu.
De Chananéenne la voici fille d'Israël, et le
Christ est sa proie. A cause de cette parole, va,
qu'il te soit fait selon ce que tu veux: il rend les
abois. [270]
1722 Cant., I, 3.
1723 Ps. XXIV, 6.
1724 S. Bern., De Morib., et Offic. Episc., c. II, § 7.
1725 Plin., ubi supra, p. 152.
1726 Gen., XXXII, 26, 28.
1727 Cap. VII, 29.
1728 Matt., XV, 28.
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CXXVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le premier
Dimanche de Carême
17 février 1617
(INÉDIT)
1729FERIA SEXTA. DE PROBATICA
PISCINA
Communi Patrum consensu, piscina
hæc1730 Baptismum significat; paraliticus,
humanum genus, quod nisi Christo veniente
non sanabatur.
Piscina hæc probatica est, pecualis,
ovilis: probaton, ovis; probatichi, ovilis,
pecuaria; cur autem ita dicatur varie censent.
Communis sententia est antiquorum, quia ibi
oves offerendae in Templo lavarentur, saltem
intestina; et propterea Hieronimus, in libro De
Locis Hebr.1731, ait suo etiam tempore
piscinam illam rubentem quasi sanguine
tinctam. «Bethesda, domus effusionis, [271]
secundum exemplaria Græca; secundum
exemplar Syriacum, Betchesda, domus
misericordiæ;» apud Sa1732. Secundum
quosdam, ait Barradas1733, si Bethsaida
scribatur per sin, signat domum effusionis, si
per sade, domum venatorum. Bethsaida,
simpliciter, domus frugum. Omnia satis
congruunt.
[1.] Piscina autem ovium, id est,
omnium Christianorum, est Baptismus,
propter necessitatem; nam pueris est
necessaria necessitate medii: Nisi quis renatus
fuerit ex aqua et Spiritus Sancto; Jo. 31734.
Neque alio modo inseri possunt pueri Christo.
Hinc Baptismus puerorum; nam traditio illa de
puerorum Baptismate in hac necessitate
fundata est, neque ad Ecclesiam aliter spectare
possunt, qui natura nascuntur filii iræ; ad Eph.
21735. Ecce enim in iniquitatibus conceptus
VENDREDI APRÈS LE PREMIER
DIMANCHE SUR LA PISCINE
PROBATIQUE
Du consentement commun des Pères,
cette piscine figure le Baptême; le paralytique
représente le genre humain qui n'aurait pas été
guéri si le Christ ne fût venu.
Cette piscine est probatique, destinée
aux troupeaux, aux brebis: le sens du grec
probaton est brebis; probatichi, qui concerne
les brebis, les troupeaux; mais pourquoi cette
appellation? Les réponses varient. D'après
l'opinion commune des anciens, cette
appellation vient de ce que les brebis offertes
au Temple y étaient lavées, ou du moins on y
lavait leurs intestins; aussi, saint Jérôme, au
livre Des Lieux hébraïques, dit-il que de son
temps cette piscine était encore rougie et
comme teinte de sang. Bethesda, selon
l'exemplaire grec, [271] signifie maison
d'effusion; Betchesda, dans le texte syriaque,
maison de miséricorde» (voir Sa). D'autres,
d'après Barradas, disent que si Bethsaïda s'écrit
par un sin, il signifie maison d'effusion; si par
un sade, maison des chasseurs. Bethsaïda ainsi
écrit signifie maison des fruits. Tous ces sens
conviennent assez bien.
[1.] Or la piscine commune aux brebis,
c'est-à-dire à tous les Chrétiens, est le Baptême
à cause de sa nécessité; car il est nécessaire aux
enfants de nécessité de moyen: Si quelqu'un ne
renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint. Il n'y a pas
d'autre moyen de greffer les enfants sur le
Christ. C'est pour cela qu'on baptise les
enfants. La tradition de baptiser les enfants
repose sur cette nécessité, car ils ne peuvent
1729 (Ms. p. 230, verso)
1730 Joan., V, 1-8.
1731 Sub voce Bethesda.
1732 Annotat., in loc. Joannis.
1733 Comm. in Concordiam Evangel., tom. II, 1. II, c. XIX, 1. VI, c. I.
1734 Vers. 5.
1735 Vers. 3.
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sum1736. Adultis autem etiam: in voto,
necessitate medii; in re, necessitate præcepti.
Unde: Qui crediderit et baptizatus fuerit1737.
Nota, si crediderit et baptizatus non fuerit, etc.
Euntes docete omnes gentes1738. Petrus, Act.
21739: Poenitentiam agite et baptizetur
unusquisque vestrum.
2. Erat aqua; est materia necessaria. Ex
aqua, inquit1740, et Spiritu Sancto. Act. 81741:
Ecce aquam; [272] cuis me prohibet baptizari?
Contra Seleucianos qui ignem, et Flagellantes
qui sanguinem, materiam Baptismi esse
dicebant.
3. Angelus Christus est. Unde Joannes:
Ipse baptizat «Baptizet Petrus, baptizet Paulus,
ipse est qui baptizat1742;» Joan. I1743 Et Ephes.
51744: Christus dilexit Ecclesiam et tradidit
semetipsum pro ea, ut sanctificaret eam,
mundans eam lavacro aquæ in verbo vitæ.
4. Minister qui mittat. Sacerdos est
ordinarius minister; ut autem fatentur hæretici
(nam nos idololatras existimant et
antichristianos, et tamen a nobis baptizatos non
rebaptizant), extraordinarius est quicumque
homo, etiam infidelis, ut contra Cyprianum et
Cecilianum dixit Ecclesia in Concilio
Florentino1745. Et est mera traditio. Hæreticus
impellit, non attrahit. Ut enim Sara ex Agar
suscipit filios, etc., Gen. 161746.
5. Quinque porticus sunt in piscina1747;
quinque Libri Mosis: Genesis, Exodus,
Leviticus, Numeri, Deuteronomium. Vel
quinque ætates ante Christum: 1. ab Adam ad
Noe, diluvium; 2. a Noe ad Abraham,
circumcisio; 3. ab Abraham ad Moysem, Mare
Rubrum; 4. a Moyse ad Josue (nam egressio et
iter continet), fluvius Jordanis; [273] [5.] a
Josue ad Christum, baptismus Joannis et hæc
probatica piscina.
autrement faire partie de l'Eglise, ceux qui par
nature naissent enfants de colère. Voici que j'ai
été conçu dans l'iniquité. Le Baptême est
encore nécessaire aux adultes: en désir, il l'est
de nécessité de moyen; en fait, de nécessité de
précepte. De là ces mots: Celui qui croira et
sera baptisé, etc. Noter: Celui qui croira et ne
sera pas baptisé, etc. Allez, enseignez toutes
les nations. Et saint Pierre: Faites pénitence, et
que chacun de vous soit baptisé.
2. Il y avait l'eau; c'est la matière
nécessaire. De l'eau, dit Jésus-Christ, et de
l'Esprit-Saint. Voilà de l'eau; qui empêche que
je ne sois baptisé? Argument [272] contre les
Séleuciens, d'après lesquels la matière du
Baptême était le feu, et contre les Flagellants,
selon lesquels cette matière était le sang.
3. L'Ange, c'est le Christ. Aussi saint
Jean dit-il: C'est lui qui baptise. «Que Pierre
baptise, que Paul baptise, c'est le Christ lui-
même qui baptise.» Et [saint Paul] aux
Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est
livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier,
la purifiant par le baptême d'eau dans la
parole de vie.
4. Le serviteur qui plonge [dans l'eau
régénératrice], c'est le prêtre, ministre
ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les
hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car
tout en nous regardant comme idolâtres et
antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas
ceux que nous avons baptisés), tout homme,
fùt-il infidèle, peut en être le ministre
extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au
Concile de Florence, contre saint Cyprien et
Cécilien. C'est la pure tradition. L'hérétique
n'attire pas, il pousse. Comme Sara reçoit des
enfants d'Agar, etc.
5. La piscine a cinq portiques; ce sont
les cinq Livres de Moïse: la Genèse, l'Exode,
le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome; ou
1736 Ps. L, 7.
1737 Marc., ult., 16.
1738 Matt., ult., 19.
1739 Vers. 38.
1740 Joan., III, 5.
1741 Vers. 36.
1742 S. Aug., Tract. VI in Joan., § 7.
1743 Vers. 33; Matt., III, 11.
1744 Vers. 25, 26.
1745 Decret. pro Jacobinis.
1746 Vers. 2.
1747 Cf. supra, pp. 4, 5.
215/342

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6. Languentes: cæci quoad intellectum,
claudi quoad voluntatem, aridi quoad
appetitum sensibilem1748.
7. Qui prior descendebat, sanus fiebat:
«In remissionem peccatorum1749,» ex Concilio
Nyceno. Unum sanat Christus, quia solum
Christianum Catholicum.
8. Ibi sumus filii Dei1750. Perles. Icthis
Christus ex acrosticis Sybillæ1751. Piscatores
hominum Apostoli1752. Llinc Spiritus Sanctus
velut columba et Christus declaratus Filius
Dei: Hic est Filius meus1753. Sed homo ille
inveteratum morbum habebat: Inveteraverunt
omnia ossa mea1754. Quantum temporis habes
infirmitatis tuæ? Ego 20, ille 10, hic annum,
usuræ, luxuriæ, odii, etc.
Hunc cum vidisset, et cognovisset.
Plerique existimant interrogasse de causis et
tempore infirmitatis, et ægrotum confessum
peccata; unde ait: Noli amplius peccare1755.
Vis sanus fieri? Plerique enim nolunt,
vel ita volunt ut nolint: vellem, sed nolo;
vellem, sed non possum. [274]
Tolle grabatum1756. Spiridion et
Triphilius1757. Bernardus; tres notæ vitæ
spiritalis et sanitatis: Surge, ad Cælum intende
(qui terrena non sapiunt1758); tolle grabatum
tuum, dominari corpori; et ambulare in lege
Domini1759.
Piscina mixta sanguine Christi. Hinc
exivit sanguis et aqua1760 ex latere Christi.
Vide egregium locum in notis ad vitam
Jacob1761, ubi de osculo Jacob dato Racheli ad
puteum1762. [275]
encore, les cinq âges qui ont précédé le Christ,
[en chacun desquels on trouve une figure du
Baptême]: 1. d'Adam à Noé, le déluge; 2. de
Noé à Abraham, la circoncision; [273] 3.
d'Abraham à Moïse, la mer Rouge; 4. de Moïse
à Josué (car à la sortie d'Egypte se rattache
aussi le voyage), le fleuve Jourdain; [5.] de
Josué au Christ, le baptême de Jean et la
piscine probatique.
6. Les infirmes: ce sont les aveugles
d'esprit, les boiteux de volonté, les hommes
dépourvus de sens spirituel.
7. Celui qui descendait le premier était
guéri; d'après le Concile de Nicée, [le Baptême
est] «pour la rémission des péchés.» Le Christ
n'en guérit qu'un, il ne sauve que le seul
Chrétien Catholique.
8. Là, nous sommes enfants de Dieu...
Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les
vers de la Sybille. Les Apôtres sont des
pêcheurs d'hommes. C'est pourquoi l'Esprit-
Saiut apparaît sous forme de colombe et le
Christ est déclaré Fils de Dieu: Celui-ci est
mon Fils. Mais l'homme immergé souffrait
d'un mal invétéré. Tous mes os ont vieilli. De
quelle époque date ton infirmité? Moi je
compte vingt ans, celui-là dix ans, celui-ci une
année, d'usure, de luxure, de haine, etc.
Lorsque Jésus l'eut vu, et qu'il connut.
Plusieurs des commentateurs pensent que le
Christ interrogea le malade sur lès causes et la
durée de son infirmité, et que le malade
confessa ses péchés; c'est pour cela que Jésus
lui dit: Ne pèche plus désormais.
Veux-tu être guéri? Car beaucoup de
gens ne le veulent pas, ou veulent comme s'ils
ne voulaient pas: je voudrais bien, mais je ne
veux pas; je voudrais bien, mais je ne puis pas.
[274]
1748 Cf. II Cor., III, 14.
1749 Act., II, 38.
1750 Joan., I, 12; Rom., VIII, 14, 16.
1751 Vide S. Aug., ubi supra, p. 5.
1752 Matt., IV, 19.
1753 Ibid., III, 16, 17.
1754 Ps. XXXI, 3.
1755 Joan., V, 14.
1756 Joan., V, 8; Matt., IX, 5, 6.
1757 Apud Surium, die 12 Decembris.
1758 Philip., III, 19.
1759 Sermo XXV, de Diversis, §4. Cf. serm. in Feria IV Hebdorn. Sanctæ.
1760 Joan., XIX, 34.
1761 Supra, p. 199.
1762 Gen., XXIX, 11.
216/342

22.7 Page 217

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Prends ton grabat. Saint Spiridion et
Triphyllius. D'après saint Bernard, ces paroles
expriment les trois degrés de la vie et de la
santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel
(ceux qui ne goûtent plus les choses de la
terre); prends ton grabat, c'est asservir le
corps; marcher dans la loi du Seigneur.
L'eau de la piscine est mêlée avec le
sang du Christ. C'est pourquoi il sortit du sang
et de l'eau du côté du Christ. Voir un excellent
passage dans les notes sur la vie de Jacob, où
il est question du baiser que Jacob donna à
Rachel, auprès du puits. [275]
217/342

22.8 Page 218

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CXXVII. Plan d'un sermon pour le deuxième Dimanche de
Carême
19 février 1617
(INÉDIT)
1763DOMINICA SECUNDA DE
DEUXIÈME DIMANCHE SUR LA
TRANSFIGURATIONE ET BEATITUDINE TRANSFIGURATION ET LA BÉATITUDE
O si possem graphice de hac gloriosa
Transfiguratione loqui! Sane, vos cum Petro
velletis semper hic manere; at vero
delibabimus paucula quædam, eo maxime fine
ut Filium audiatis1764, id est, illius præcepta
servetis.
Gloria nobis præparata inenarrabilis
est. 1. Cor. 21765: Loquimur sapientiam in
mysterio, etc. Deinde1766, loquens de gloria
quæ per hanc sapientiam acquiritur, quam,
inquit, nemo principum hujus seculi cognovit;
[276] si enim cognovissent, nunquam
Dominum gloriæ crucifixissent. Sed sicut
scriptum est: Quod oculus non vidit, nec auris
audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ
præparavit Deus iis qui diligunt eum. Is. 64. v.
4: Oculus non vidit, Deus, absque te quæ
præparasti expectantibus te. Sic Moysis
faciem non poterant respicere filii Israel1767.
Sic regina Saba ultra non habebat spiritum1768.
Unde, Apoc. 21769, Angelo Pergami: Qui habet
aurem audiendi audiat quid Spiritus dicat
Ecclesiis: Vincenti dabo manna absconditum,
et dabo illi calculum candidum, et in calculo
nomen novum scriptum, quod nemo scit nisi
qui accipit.
Tamen aliquid ut sciremus expediebat
unde spem haberemus; unde in Evangelio
gustus quidam, essay, eschantillon, monstre.
Damascenus1770: Per rimam ostendit luminis
magnitudinem. Et Evangelium nostrum1771 est
Oh! que ne puis-je vous dépeindre au
vif par mes paroles cette glorieuse
Transfiguration! Assurément, vous voudriez
avec Pierre, établir votre demeure [sur le
Thabor]; mais du moins nous en esquisserons
quelque chose, afin surtout que vous entendiez
le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses
préceptes.
La gloire qui nous est préparée est
ineffable. Saint Paul aux Corinthiens: Nous
parlons de la sagesse dans le mystère, etc.
Ensuite, il traite de la gloire qui s'acquiert par
cette sagesse, laquelle, dit-il, aucun prince de
ce siècle n'a connue; car s'ils l'avaient connue,
jamais ils n'auraient crucifié le [276] Seigneur
de la gloire. Mais comme il est écrit: Que l'œil
n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu,
que le cœur de l'homme n'a point conçu ce que
Dieu a préparé a ceux qui l'aiment. Et Isaïe:
L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce
que vous avez préparé a ceux qui vous
attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne
pouvaient regarder le visage de Moïse. Ainsi la
reine de Saba n'avait plus son esprit. De là, ces
paroles à l'Ange de Pergame: Que celui qui a
des oreilles pour entendre, entende ce que
l'Esprit dit aux Eglises: Je donnerai au
vainqueur une manne cachée, et je lui
donnerai une pierre blanche, et un nom
nouveau écrit sur la pierre, lequel nul ne
connaît que celui qui le reçoit.
1763 (Ms. p. 231, recto)
1764 Matt., XVII, 5; II Petri, I, 17.
1765 Vers. 7.
1766 Vers. 8, 9.
1767 Exod., XXXIV, 30, 33; II Cor., III, 7.
1768 III Reg., X, 5.
1769 Vers. 17.
1770 Homil. in Transfig., § 2.
1771 Matt., XVII, 1-9.
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veluti mappamundi, in qua punctis et lineis
quibusdam ostenditur Regnum cælorum, vel
alter mundus. Et quemadmodum tantisper
intelligimus situm et ea quæ Americæ sunt per
descriptiones factas ab iis qui viderunt, sic et
gloriam descriptam hic a Domino gloriæ. [277]
1. Facies sicut sol. Faciem Dei videre
fundamentum totius beatitudinis est. Beatitudo
est «status omnium bonorum aggregatione
perfectus,» ex Boetio1772. Augustinus
autem1773: «Beatus est qui habet quicquid vult
et nihil mali vult.» Essentialis beatitudo est in
intellectu qui fruitur pulchro et voluntate quæ
fruitur bono.
Definitio Boetii non competit nisi Deo,
si absolute consideretur. Verum nobis
secundum modum nostrum competit; est enim
«status omnium bonorum» nobis
competentium «aggregatione perfectus;» unde
terminatur ista beatitudo nostra per terminos
capacitatis subjecti. Vel dicendum est: status
quo possidemus Deum, in quo est «omnium
bonorum aggregatio.»
Psal. 161774: Satiabor cum apparuerit
gloria tua; Hebr., apud Genebr.1775, in
evigilare similitudinem tuam, id est, cum
emerserit gloria tua, quæ hodie sopita est et
obscura; similitudinem autem dixit, quia non
plene comprehenditur gloria ob ejus
infinitatem. Ego ita intelligo: similitudo Dei
nunc dormit, cum videmus per speculum, in
ænigmate; at cum evigilaverit et ad vivum,
facie ad faciem, videbimus, tunc erimus beati.
Hominis dormientis faciem non videmus; nam
faciei [278] faciem, id est, oculos, non
videmus. I. Cor. 131776: Facie ad faciem;
videmus nunc per speculum, etc.; videbimus
eum sicuti est; 1. Jo. 31777. Gen. 151778: Ego ero
merces tua magna nimis. Animam Deo
capacem quicquid minus Deo est implere non
potest.
2. Tunc dicemus: Quam pulcher es,
Dilecte mi, quam pulcher es1779! hinc amor.
Facies, sicut sol, illuminat et calefacit, amore
intractivo et extractivo. Unde factum est dum
Toutefois, pour avoir l'espérance [du
Ciel], il fallait que nous en connussions
quelque chose, que nous en eussions dans
l'Evangile un avant-goût... Saint Jean
Damascène dit: Par cette ouverture, le Christ
nous montre la splendeur de la lumière. Notre
Evangile est comme une mappemonde où le
Royaume des cieux ou l'autre monde nous est
indiqué par certains points et certaines lignes.
Et de même que nous connaissons quelque peu
la configuration de l'Amérique et ce qui
concerne ce pays par les descriptions que nous
en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi
connaissons-nous cette gloire que nous révèle
ici le Seigneur de la gloire. [277]
1. Son visage devint comme le soleil.
Voir la face de Dieu est le fondement de toute
béatitude. Selon Boèce, la béatitude «est cet
état que rend parfait la réunion de tous les
biens.» Mais d'après saint Augustin, «l'homme
heureux est celui qui possède tout ce qu'il veut
et qui ne veut rien de mauvais.» La béatitude
essentielle est dans l'intelligence qui jouit du
beau et dans la volonté qui jouit du bien.
La définition de Boèce prise dans un
sens absolu ne s'applique qu'à Dieu. Mais,
prise d'une manière relative, elle s'applique
aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que
rend parfait la réunion de tous les biens» qui
nous conviennent. Cette béatitude est donc
bornée par les limites de la capacité de celui
qui en jouit. Ou bien on pourrait la définir:
l'état par lequel nous possédons Dieu,
«assemblage de tous les biens. »
Je serai rassasié lorsque votre gloire
m'aura apparu; l'hébreu, d'après Génébrard,
porte: à l'éveil de votre image, c'est-à-dire,
lorsque brillera votre gloire qui aujourd'hui est
assoupie, cachée. Cette gloire est appelée
image, parce qu'elle ne peut être pleinement
comprise à cause de son infinité. J'entends
ainsi ce passage: l'image de Dieu dort,
maintenant que nous la voyons comme par un
miroir, en énigme; mais lorsqu'elle s'éveillera,
que nous la verrons vivante, face à face, alors
1772 De Consol. Philos., 1. III, Prosa II.
1773 De Trin., 1. XIII, c. V.
1774 Vers. ult.
1775 Comm. in Ps., in locum.
1776 Vers. 12.
1777 Vers. 2.
1778 Vers. 1.
1779 Cant., I, 15, IV, 1.
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22.10 Page 220

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oraret1780, in contemplatione complacentiæ et
benevolentiæ, de quibus in libro de Amore
Dei1781.
3. Memoria: Loquebantur de
excessu1782.
4. Variæ mansiones1783. [279]
nous serons bienheureux. Nous ne voyons pas
le visage de l'homme qui dort, parce que nous
ne voyons pas le visage de ce [278] visage,
c'est-à-dire les yeux. Face à face; nous voyons
maintenant comme par un miroir, etc.; nous le
verrons tel qu'il est. Je serai ta très grande
récompense. Rien de ce qui est moins que Dieu
ne peut remplir une âme capable de posséder
Dieu.
2. Alors nous dirons: Que vous êtes
beau, mon Bien-Aimé, que vous êtes beau! de
là provient l'amour. Cette face semblable au
soleil illumine et réchauffe, par l'amour qui
attire au dedans et celui qui se répand au
dehors. C'est pourquoi Jésus fut transfiguré
pendant qu'il priait, en cette contemplation de
complaisance et de bienveillance dont nous
avons parlé dans le livre de l'Amour de Dieu.
3. La mémoire: Ils parlaient de l'excès.
4. Diverses demeures. [279]
1780 Lucæ, IX, 29.
1781 Libri V, cc. I-III, X, c. XVII.
1782 Lucæ, IX, 30, 31.
1783 Joan., XIV, 2.
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CXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième
Dimanche de Carême
20 février 1617
(INÉDIT)
1784FERIA SECUNDA POST SECUNDAM
DOMINICAM
LUNDI APRÈS LE DÈUXIEME
DIMANCHE
Quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Vous me chercherez, et vous mourrez
[JOAN., VIII, 31.] dans votre péché.
1785Horrenda et tremenda comminatio!
Sed quomodo Deus, adeo misericors, non se
præbebit quærentibus? Huic quæstioni
respondebimus si Deus animat. Ave.
Sensus litteralis Evangelii est: me,
verum Messiam, negligitis; ego vado ad
Patrem per mortem, et tunc, id est, post
mortem, quæretis alium Messiam et non
invenietis me; et ideo, in peccato vestro
moriemini1786. Ad verba illa, Principium qui et
loquor vobis1787, [280] Grece principium est in
accusativo: τήν άρχήν, tin archin; Ego sum qui
loquor vobis principium, id est, Deum et
Creatorem vestrum. Vide Maldonatum1788 et
Barradam1789, alios duos sensus probabiles
proferentes.
Nunquid voluntatis meæ est mors impii,
dicit Dominus, et non magis ut convertatur et
vivat? Convertimini, et agite pœnitentiam ab
omnibus iniquitatibus vestris, et non erit vobis
in ruinam iniquitas. Quare moriemini, domus
Israël? Quia nolo mortem morientis, dicit
Dominus Deus; revertimini et vivite; Ezech.
181790. Nunquid obliviscetur misereri Deus,
aut continebit in ira sua misericordias suas?
Psal. 761791. Semper in diluvio viret oliva.
[Ps.] 1441792: Miserationes ejus super
omnia opera ejus. Tripliciter intelligitur: [1.]
Terrible et redoutable menace! Mais
comment Dieu, si plein de miséricorde, ne se
présentera-t-il pas à ceux qui le cherchent?
Nous répondrons à cette question si Dieu veut
bien nous inspirer. Ave.
Le sens littéral de l'Evangile est celui-
ci: vous me laissez de côté, moi qui suis le vrai
Messie. Par la mort, je vais à mon Père; et
alors, c'est-à-dire après ma mort, vous
chercherez un autre Messie et vous ne me
trouverez pas; et partant, vous mourrez dans
votre péché. Dans ce texte: Le principe, c'est
moi qui vous l'annonce, la version grecque met
le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν
tin archin: C'est moi qui vous annonce le
principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur. Voir
Maldonat et Barradas qui donnent deux autres
sens probables.
Est-ce que je veux la mort de l'impie,
dit le Seigneur, et non plutôt qu'il se
convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et
faites pénitence de toutes vos iniquités, et
l'iniquité ne causera pas votre ruine. Pourquoi
mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux
point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur
Dieu; revenez et vivez. Dieu oubliera-t-il
d'avoir pitié, ou contiendra-t-il dans sa colère
ses miséricordes? L'olivier est toujours
verdoyant au milieu du déluge.
1784 (Ms. p. 231, verso)
1785 Cf. Serm. LXVIII, supra.
1786 Joan., VIII, 21, XIV, 12, VII, 34.
1787 Ibid., VIII, 25.
1788 Comm.in Evang., in locum.
1789 Comm. in Concord. Evang., tom. III, 1. I, c. XV.
1790 Vers. 23, 30-32.
1791 Vers. 8, 10.
1792 Vers. 9.
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23.2 Page 222

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superexcellunt omnia opera; nam opus
misericordiæ Incarnatio, quæ cum omnibus
inde sequentibus est superexcellens omnibus
operibus ejus. 2. Super, id est, in omnibus;
etiam in inferno, ubi punit citra condignum. 3.
Super omnia opera ejus, non tua; at peccatum
opus est tuum, non suum, propterea illud
irremissibiliter vult deleri. Baruch, 31793: Quid
est, Israel, quod in terra inimicorum es?
Inveterasti in terra aliena, coinquinatus es
cum mortuis, id est, [281] inter mortuos vixisti;
deputatus es cum descendentibus in infernum.
Gradatio: es, inveterasti, coinquinatus es cum
mortuis, deputatus es cum descendentibus in
infernum; mortuus et sepultus, obstinatio.
Dereliquisti fontem sapientiæ, nam si in via
Dei ambulasses, habitasses utique in pace
sempiterna.
Causæ autem cur in peccato nostro
moriamur. Quo ego vado vos non potestis
venire1794, id est: Ego vado ad Patrem per viam
asperam et pœnitentiam redemptivam (quæ
non rapui tunc exolvebam1795); et vos non
potestis venire, id est, vos non vultis, quia de
deorsum estis et de mundo1796. Porro, cur
homines mundani moriantur in peccatis suis
multæ sunt causæ; tres dicam.
1a est falsa pœnitentia, similis enim est
falsa veræ: Melas et Cyphissus1797; Stix undas
habet similes reliquis; cometa et planeta; cigue
et persil; miel d'Hæraclee et autre miel,
l'aconit1798. Non est ex toto corde:
Convertimini ad me in toto corde1799. In toto
corde meo exquisivi te, ne repellas me a
mandatis tuis1800. Statuam interdum efficit
Michol; I. Reg. 191801. Soph. 11802: Qui jurant
in Deo et jurant in Melchon. Dagon et Arca1803.
Isaiæ, 211804: Si quæritis, quærite;
convertimini, venite. [282] Continuatio: Ad
tempus credunt, et in tempore tentationis
Ses commisérations surpassent toutes
ses œuvres. On peut entendre ces paroles de
trois manières: [1.] elles surpassent en
excellence toutes ses œuvres; car l'Incarnation
est une œuvre de cette miséricorde, or ce
mystère et ses résultats surpassent toutes les
autres oeuvres de Dieu. 2. Elles sont sur, c'est-
à-dire en toutes ses œuvres, même dans les
tourments de l'enfer qui n'égalent pas la malice
du péché. 3. Sur toutes ses œuvres, non sur les
vôtres; et comme le péché est votre œuvre et
non la sienne, Dieu en réclame sans merci
l'expiation. D'où vient, Israël, que tu habites
dans la terre de tes ennemis? Tu as vieilli dans
une terre étrangère, tu t'es souillé avec les
morts, c'est-à-dire tu [281] as vécu parmi les
morts; tu es devenu semblable a ceux qui
descendent en enfer. Gradation: tu es, tu as
vieilli, tu t'es souillé avec les morts, tu es
devenu semblable a ceux qui descendent en
enfer: mort et enseveli, obstination. Tu as
abandonné la source de la sagesse, car si tu
avais marché dans la voie de Dieu, tu aurais
assurément habité dans une paix éternelle.
Mais venons aux causes pour lesquelles
nous mourons dans notre péché. Là où je vais,
vous ne pouvez venir, c'est-à-dire: Je vais a
mon Père par une voie dure et par une
pénitence rédemptrice (ce que je n'ai pas pris,
je l'ai pourtant payé); et vous ne pouvez venir,
c'est-à-dire vous ne voulez pas, parce que vous
êtes d'en-bas et du monde. Or, nombreuses
sont les causes pour lesquelles les hommes
mondains meurent dans leurs péchés; j'en
exposerai trois.
La première est la fausse pénitence, car
la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas
et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables
à celles des autres fleuves; comète et planète...
Cette pénitence n'est pas de tout cœur:
Convertissez-vous a moi de tout votre cœur. Je
1793 Vers. 10-13.
1794 Joan., VIII, 21.
1795 Ps. LXVIII, 5.
1796 Vers. 23.
1797 Vide supra, p. 264.
1798 Plin., Hist. nat., 1. XXI, c. XIII (al. XLIV); Mattioli, in Diosc., l. VI, c. VIII.
1799 Joel, II, 12.
1800 Ps. CXVIII, 10.
1801 Vers. 13.
1802 Vers. 5.
1803 I Reg., V, 2.
1804 Vers. 12.
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23.3 Page 223

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recedunt1805. Juravi et statui custodire judicia
justitiæ tuæ1806. Nolunt præscindi membrum
gangrena infectum.
2a causa: falsus timor de pœnitentiæ
asperitate. Simia nucem vel castaneas. Pueri
medicamenta refugiunt. Esau: En morior, quid
mihi proderunt primogenita1807? Remedium:
Gustate et videte1808. Qu'en sçaves vous?
Quare de loco vobis incognito male loquimini?
3a causa: falsa spes vivendi et faciendi
pœnitentiam in extremis. Hystoires
d'Arion1809. «Vivite bene, ne moriamini male;»
Augustinus, 24 de Sermone Domini1810. Ut
plurimum, sicuti viximus ita et morimur: sic
enim videmus mori in mari qui mare incolunt,
et in montibus qui montes. [283]
vous ai cherché de tout mon cœur, ne me
rejetez pas de la voie de vos commandements.
Cependant Michol fait une statue. Qui jurent
par Dieu et jurent par Melchom. Dagon et
l'Arche. Si vous cherchez, cherchez bien;
convertissez-vous, venez. [Il faut la] continuité:
[282] Ils croient pour un temps, et an temps de
la tentation, ils se retirent. J'ai juré et établi de
garder les jugements de votre justice. Ils ne
veulent pas se laisser amputer un membre
dévoré par la gangrène.
La deuxième cause est une fausse
crainte des rigueurs de la pénitence. Le singe
avec une noix ou des châtaignes. Les enfants
repoussent les remèdes. Esaü: Voici que je
meurs, a quoi me servira mon droit d'aînesse?
Remède: Goûtez et voyez. Qu'en savez-vous?
Pourquoi parler mal d'un lieu qui vous est
inconnu?
La troisième cause est une trompeuse
espérance de vivre et de faire pénitence à la fin
de sa vie... «Vivez bien, afin de ne pas mourir
mal;» saint Augustin, sermon XXIV sur les
Paroles du Seigneur. Le plus souvent, on
meurt comme on a vécu: ainsi voit-on mourir
sur mer ceux qui vivent sur mer, et sur les
montagnes ceux qui habitent les montagnes.
[283]
1805 Lucæ, VIII, 13.
1806 Ps. CXVIII, 106.
1807 Gen., XXV, 32.
1808 Ps. XXXIII, 9.
1809 Plin., Hist. nat., 1. IX, c. VIII.
1810 Sic, pro serm. XXIV de Verbis Domini (hodie serm. CII), cc. I, III).
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23.4 Page 224

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CXXIX. Plan d'un sermon pour le mardi après le deuxième
Dimanche de Carême
21 février 1617
(INÉDIT)
1811FERIA TERTIS POST DOMINICAM
SECUNDAM
Super cathedram Moysi sederunt Scribæ
et Pharisæi.1812
[MATT., XXIII, 2.]
Cathedram hic authoritatem
docendi significare clarum est, et super
cathedram sedere est munus docendi
habere. Ut super cathedram aut thronum
David1813 sedere est authoritatem regiam
habere; in cathedra pestilentiæ1814, id est,
irrisionis, est hæresim et falsam [284]
doctrinam promulgandi sibi munus
arrogare. Pharisæi et Scribæ munus non
quidem gubernandi, sed docendi
habebant; ut nostri monachi. Unde
Cyprianus, 1. 4. epist. 91815, notat
nunquam sacerdotes reprehendi sub iis
nominibus, quantumvis etiam ipsi pessimi
essent et ambitiosissimi.
Moysi autem dicitur cathedra, quia
doctrina Legis, sive potius Lex ipsa, data
est in manu Moysi, in Monte Sinai, et ipse
sacerdos sacerdotium in Aarone instituit
jussu Domini1816. At nunc cathedra est
Apostolica; in qua quoad munus docendi
ordinarium sedent Episcopi, quoad munus
extraordinarium omnes concionatores. Et
hæc cathedra dicitur Apostolica quia
doctrina et authoritas Apostolis data est in
Monte Syon die Pentecostes. Et dicitur
etiam Cathedra Petri, quia Petrus
Apostolorum caput, ut ejus successores
MARDI APRES LE DEUXIEME DIMANCHE
Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans
la chaire de Moïse.
Il est évident que le mot chaire signifie ici
l'autorité d'enseigner, et s'asseoir dans la chaire,
avoir mission d'enseigner. De même, être assis sur
le siège ou le trône de David, c'est exercer le
pouvoir royal; s'asseoir dans la chaire de
pestilence, c'est-à-dire de moquerie, c'est s'arroger
la mission de [284] promulguer une hérésie et une
fausse doctrine. Les Scribes et les Pharisiens
avaient mission non pas de gouverner, mais
d'enseigner, comme nos moines. Aussi, saint
Cyprien, liv. IV, épître IXe, fait-il remarquer que
les prêtres ne sont jamais réprimandés sous ces
noms de Scribes et de Pharisiens, pour pervers et
ambitieux qu'ils aient été.
Cette chaire est appelée chaire de Moïse,
parce que la doctrine contenue dans la Loi ou plutôt
la Loi elle-même a été donnée à Moïse sur le Sinaï,
et, prêtre lui-même, il a, par l'ordre du Seigneur,
institué le sacerdoce lévitique dans la personne
d'Aaron. Mais aujourd'hui cette chaire est la chaire
Apostolique, dans laquelle les Evêques ont mission
ordinaire de s'asseoir, et les prédicateurs, mission
extraordinaire. Et cette chaire est appelée
Apostolique parce que la doctrine et l'autorité ont
été conférées aux Apôtres sur le mont Sion, au jour
de la Pentecôte. Elle est nommée aussi Chaire de
Pierre, parce que Pierre était chef des Apôtres,
comme ses successeurs le sont des Evêques, «afin
qu'un chef étant établi, toute occasion de schisme
fût ôtée.» Ainsi la Loi ancienne n'avait qu'un seul
1811 (Ms. p. 232, recto)
1812 Entre le texte et le commencement du sermon, le Saint a écrit puis biffé les mots suivants, dont probablement il
prétendait tirer une comparaison relative au gouvernement de l'Eglise et aux deux parties dont elle est composée:
«Superiora inferioribus influunt; et partitur Dominus, divisitque «aquas ab aquis.» «Les choses supérieures influent
sur les inférieures; le «Seigneur partage, comme il divisa les eaux des eaux.»
1813 III Reg., 1, 24, 27; Jerem., XIII, 13.
1814 Ps. I, 1.
1815 Al. LXIX , ad Floreut., § 3.
1816 Exod., IV, 15, 16, XXVIII, 1.
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23.5 Page 225

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Episcoporum, «ut capite constituto
schismatis tollatur occasio1817
quemadmodum in antiqua Lege erat unus
Pontifex, et omnia in figuris contingebant
illis1818.
Omnia ergo quæcumque dixerint
vobis1819. Augustinus, 1. 4. de Doct.
Christiana, c. 27, et lib. 16. contra
Faustum, c. 29, ait, cogente cathedra, eos
in ea sedentes [285] et ex ea docentes
falsum proferre non potuisse; unde
particula illa ergo denotat causam, ac si
diceret, quia in ea sedent. Et ita est,
quicquid aliter interpretetur doctissimus et
utilissimus Barradas1820.
Hinc infallibilitas Ecclesiæ, in qua
Papa errare non potest ex cathedra docens.
Quando autem ex cathedra docere dicatur,
utrum in Concilio tantum Generali an vero
etiam aliter, quæstionis est quam enodare
neque possum ob temporis brevitatem,
neque volo quia inutilis est1821; cum et nos
Catholici satis audiamus Papam, etiam
sine Concilio, et hæretici neque Papam
neque Concilium audire velint.
Infallibilitas autem Ecclesiæ tribus
argumentis evidentissimis ostenditur: 1°.
ex Sinagogæ infallibilitate, in qua
nunquam erratum; et cum corruptissimi
essent mores, integra perseveravit
doctrina. In loco nativitatis
exquirendo1822, et in morte Christi
decernenda; nam Caiphas, mortalium
nequissimus, protulit sententiam [286]
sacratissimam: Expedit ut unus moriatur
homo pro populo, et non tota gens pereat.
Hoc autem a seipso non dixit, sed cum
esset Pontifex anni illius, prophetavit; Jo.
II1823. Unde Scribæ et Pharisei in cathedra
Moysi, id est, authoritate Moysis
cathedras, docentes, non errant. Ut nec
Lutherus et cæteri errassent si in cathedra
et authoritate Petri docuissent, sed cum ea
grand Prêtre, et aux Israélites, toutes choses
arrivaient en figures.
Donc, tout ce qu'ils vous diront. Saint
Augustin enseigne (liv. IV de la Doctrine
Chrétienne, chap. XXVII, et liv. XVI contre
Fauste, chap. XXIX) que par [285] la puissance
même de cette chaire, aucun de ceux qui venaient
s'y asseoir pour y enseigner ne pouvait prêcher
l'erreur. Le mot donc désigne par conséquent une
cause, c'est comme si le Christ avait dit, parce qu'ils
siègent dans cette chaire. Et c'est le vrai sens,
quelqu'autre interprétation qu'en donne le très docte
Barradas, si utile à consulter.
Telle est la cause de l'infaillibilité de
l'Eglise: le Pape, lorsqu'il enseigne ex cathedra, ne
peut pas se tromper. Mais quand peut-on dire qu'il
enseigne ex cathedra? Est-ce lorsqu'il parle dans un
Concile général seulement, ou encore en d'autres
cas? C'est une question que je ne puis résoudre
faute de temps, et que je ne veux pas résoudre parce
qu'elle est hors de propos. Nous Catholiques, en
effet, nous écoutons bien le Pape, même quand il
décrète par sa seule autorité et en dehors d'un
Concile, au lieu que les hérétiques ne veulent
entendre ni Pape ni Concile.
Quant à l'infaillibilité de l'Eglise, trois
arguments de toute évidence la démontrent: 1.
l'infaillibilité de la Synagogue qui ne tomba jamais
dans l'erreur; bien que les mœurs fussent
extrêmement corrompues, la doctrine demeura
toujours intacte. On le constate dans la recherche
du lieu où naîtrait le Christ, et dans la sentence de
mort prononcée contre lui. Caïphe, en effet, [286]
le plus méchant des hommes, porta un jugement
très sacré: Il est avantageux, qu'un seul homme
meure pour le peuple, afin que toute la nation ne
périsse pas. Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais
comme il était Pontife cette année-la, il prophétisa.
Ainsi donc les Scribes et les Pharisiens ne se
trompent pas quand ils enseignent dans la chaire
de Moïse, c'est-à-dire par son autorité. De même
que ni Luther ni les autres n'eussent erré s'ils
avaient enseigné dans la chaire et par l'autorité de
Pierre; mais dès qu'ils commencèrent à enseigner
1817 S. Hieron., Contra Jovin., 1. I, § 26.
1818 I Cor., X, 11.
1819 Matt., XXIII, 3.
1820 Comm. in Concord. Evang., tom. III, l. VIII, c. XXIV.
1821 Bien que notre Saint n'ait pas jugé à propos de traiter ici cette importante question, ce n'est pas qu'il n'eût une
opinion bien arrêtée sur l'infaillibilité pontificale; car il l'avait exposée déjà de la manière la plus catégorique dans Les
Controverses (tome Ier de cette Edition), Partie II, chap. VI, art. XIV, XV.
1822 Matt., I, 4-6.
1823 Vers. 50, 51.
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23.6 Page 226

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authoritate relicta docere cæperunt,
errarunt pessime.
2°. Math. 181824: Dic Ecclesiæ; si
quis Ecclesiam non audiverit. [Cap.]
161825: Portæ inferi non prævalebunt
adversus eam; portarum porro inferi
pessima est apostasia. I Timot. 31826:
Columna et firmamentum veritatis.
Videlocum1827: Hæc tibi scribo, sperans
me ad te venire cito; si autem tardavero, ut
scias quomodo opporteat te in clomo Dei
conversari, quæ est Ecclesia Dei vivi,
columna et firmamentum veritatis. Nota
antea1828 dixisse: Episcopum domui suæ
bene præpositum, at hic domum Dei
Ecclesiam dicit; ergo illi bene præpositus
est Deus, ut eam recte regat. Unde, Act.
151829: Visum Spiritui Sancto et nobis;
quasi Spiritus Sanctus esset invisibilis
Concilii totius Pontifex. [287]
3°. Necessitas; nam quale regnum
in quo nullus litium finis, in quo nullum
parlamentum, in quo nullum judicium?
Grandis dignitas ergo sacerdotium.
Quem dicunt homines esse Filium
hominis1830 («Vos qui homines non estis
sed dii1831»)? Qui vos audit me audit1832.
In quo vos posuit Spiritus Sanctus
Episcopos regere Ecclesiam Dei1833. Deut.
171834: Si quis superbierit, nolens obedire,
etc. Mal. 21835: Angelus enim Domini
exercituum est. Sic nos existimet homo ut
ministros Christi1836, etc.
Mays: hic jam quæritur inter
dispensatores1837, etc. Quatuor gradus. 1.
Neque faciunt, neque dicunt:
ignorantissimi et stupidi. Quales heu,
quam multos viderunt patres nostri, et
utinam non aliqui essent! 2. Dicunt et non
en dehors de cette autorité, ils tombèrent dans les
plus graves erreurs.
2. Dis-le a l'Eglise; si quelqu'un n'écoute
pas l'Eglise. Les portes de l'enfer ne prévaudront
point contre elle; or, par les portes de l'enfer est
signifiée la pire des apostasies. Colonne et
firmament de la vérité. Voir ce passage: Je t'écris
ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir,
afin que si je tarde, tu saches comment tu dois te
conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise
du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la
vérité. Notons que saint Paul avait dit auparavant:
Que l'Evêque gouverne bien sa maison; or ici, il
appelle l'Eglise, maison de Dieu; Dieu est donc
préposé sur sa propre maison qui est l'Eglise, afin
de la bien gouverner. Aussi est-il dit dans les Actes:
Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui
indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de
tout le Concile. [287]
3. L'infaillibilité est nécessaire; car quel est
le royaume où les procès n'aient jamais de fin, où il
n'y ait aucun parlement, où nul jugement ne se
rende?
Grande donc est la dignité du sacerdoce!
Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous
qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui
vous écoute m'écoute. Sur lequel l'Esprit-Saint
vous a établis Evêques pour gouverner l'Eglise de
Dieu. Si quelqu'un s'enorgueillit, ne voulant pas
obéir, etc. Car c'est l'Ange du Seigneur des armées.
Que les hommes nous regardent comme ministres
du Christ, etc.
Mais ce qu'on demande ici des
dispensateurs, etc. On en distingue quatre classes,
1. Il y en a qui n'agisseut ni ne parlent: ils sont très
ignorants et dépourvus d'intelligence. Hélas!
combien nos pères ont connu de ces hommes, et
plût au Ciel qu'il n'en existât plus! 2. D'autres disent
et ne font pas; ils détruisent par le scandale de leur
vie la doctrine de vie. 3. D'autres font, mais ne
1824 Vers. 17.
1825 Vers. 18.
1826 Vers. 15.
1827 Vers. 14, 15.
1828 Vers. 2, 4.
1829 Vers. 28.
1830 Matt., XVI, 13.
1831 S. Hieron., Comm. in Matt., in locum.
1832 Lucæ, X, 16.
1833 Act., XX, 28.
1834 Vers. 12.
1835 Vers. 7.
1836 I Cor., IV, 1.
1837 Ibid., v. 2.
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faciunt1838, et scandalo vitæ doctrinam
vitæ destruunt. 3. Faciunt, sed non dicunt;
et hi utcumque tolerabiles sunt, nam etsi
non tantum ædificant, tamen ædificant et
nihil destruunt. 4. Dicunt et faciunt, et hi
optimi sunt; dicunt autem non tantum
prædicando, sed præcipiendo et recte
colloquendo. [288]
Vanitas vero fugienda. Audiamus
Dominum: Amant primos recubitus et
cathedras, et vocari rabbi1839. Amant
honorem, non onus. Heu! amandæ oves
propter Christum, non propter vanitatem;
non ut ab illis honoremur, sed ut ab illis
honoretur Christus. Amas me? Pasce oves
meas1840. Sed qualis amor? Ad mortem, et
mortem crucis1841. Optavi anathema esse
pro fratribus1842. Cupio dissolvi et esse
cum Christo1843, etc. Filioli quos iterum
parturio1844. Similes Nabal et Absalon
sunt plerique1845; tantum festum agunt
cum lanam accipiunt et cum tonduntur
oves. Nam etsi decem millia
pedagogorum1846, etc. Nihil deest
amantibus pastoribus: amor ipse docet,
ædificat; omnia suffert, omnia docet, non
agit perperam1847. Duo verba amore
perfusa satis sunt. Duplex amor:
affectivus, unde Sacerdos in pectore
habebat nomina filiorum Israel1848;
effectivus, et portans etiam malos et oves
perditas, unde in superhumerali in duobus
onichinis erant etiam nomina filiorum
Israel1849.
Oves vicissim diligunt pastorem ut
patrem. Ægiptii oderunt pastores
ovium1850. Qui bene præsunt præsbiteri
duplici honore digni sunt1851; si male se
gerant [289] non ideo illis detrahendum:
Nolite tangere christos meos, et in
parlent pas; ceux-ci sont encore supportables, car
s'ils n'édifient pas beaucoup, ils édifient pourtant et
ne détruisent rien. 4. D'autres enfin parlent et
agissent; voilà les meilleurs: toutefois, ils parlent
non seulement par la prédication, mais encore par
les commandements qu'ils donnent et par des
entretiens utiles. [288]
Mais il faut se garder de la vauité. Ecoutons
le Seigneur: Ils aiment les premiers sièges et les
premières chaires, ils se plaisent a être appelés
maîtres. Ils aiment l'honneur et non le fardeau. O
Dieu! il faut aimer les brebis pour le Christ et non
pour la vanité; non pour en être honoré, mais pour
que le Christ soit honoré par elles. M'aimes-tu?
Pais mes brebis. Mais de quel amour? Jusqu'à la
mort, et à la mort de la croix. J'ai désiré d'être
anathème pour mes frères. Je désire ardemment
d'être délivré et d'être avec le Christ, etc. Mes petits
enfants, pour qui je ressens de nouveau les
douleurs de l'enfantement. Plusieurs ressemblent à
Nabal et à Absalon; ils ne célèbrent de fête qu'à la
tonte des brebis et lorsqu'ils en reçoivent la laine.
Car eussiez-vous dix mille précepteurs, etc. Rien ne
manque aux pasteurs qui aiment: l'amour même
instruit, édifie; il souffre tout, enseigne tout, n'agit
pas inconsidérément. Deux mots animés par
l'amour sont suffisants. Double amour: l'un affectif,
en signe duquel le grand Prêtre portait sur la
poitrine les noms des enfants d'Israël; l'autre
effectif, et qui porte même les méchants et les
brebis perdues; de là vient que les noms des enfants
d'Israël étaient aussi gravés sur deux onyx fixés à
l'huméral.
En retour, les brebis aiment leur pasteur comme
leur père. Les Egyptiens haïssent les pasteurs de
brebis. Les prêtres qui gouvernent bien sont dignes
[289] d'un double honneur; se conduiraient-ils mal,
qu'il ne faudrait pas médire d'eux: Ne touchez pas
à mes oints, et à mes prophètes. Comme Sem et
Japhet. A plus forte raison ne faut-il pas rejeter leur
1838 Matt., XXIII, 3.
1839 Matt., XXIII, 6, 7.
1840 Joan., ult., 17.
1841 Philip., II, 8.
1842 Rom., IX, 3.
1843 Philip., I, 23.
1844 Galat., IV, 19.
1845 I Reg., XXV, 2, 4; II Reg., XIII, 23, 24.
1846 I Cor., IV, 15.
1847 Ibid., XIII, 7, 4.
1848 Exod., XXVIII, 21, 29.
1849 Ibid., 9, 12.
1850 Gen., XLVI, ult.
1851 I Tim., V, 17.
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prophetis meis1852. Ut Sem et Japhet1853.
Multo minus doctrina deserenda. Helias in
torrente Carith, 3 Reg. 171854, a corvis
pascitur, ut cap. 191855 ab Angelo, etc.
[290]
enseignement. Sur le torrent de Carith (III Reg.,
XVII), Elie était nourri par les corbeaux, comme au
chap. XIX, par un Ange, etc. [290]
1852 Ps. CIV, 15.
1853 Gen., IX, 23, 26, 27.
1854 Vers. 3-6.
1855 Vers. 5-7.
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CXXX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième
Dimanche de Carême
22 février 1617
(INÉDIT)
1856FERIA QUARTA POST
DOMINICAM SECUNDAM
MERCREDI APRÈS LE DEUXIÈME
DIMANCHE
Ecce ascendimus Hierosolymam, et Filius
hominis tradetur. Tunc accessit mater
filiorum Zebedei.
[MATT., XX, 18, 20.]
Mira ambitionis rusticitas et
importunitas! Meditabatur Dominus
crucem et mortem, et ecce accurrit ista de
gloria et honoribus sollicita: Musica in luctu
importuna narratio1857.
Inter præcipua desideria Christi et
cordis ejus pressuras, illa maxima fuit quam
ipse exprimit, Luc. 121858: Ignem veni
mittere in mundum, et quid volo nisi [291]
ut accendatur? Baptismo autem habeo
baptizari, et quomodo coarctor usque dum
perficiatur? Ignis charitatis per baptismum
Passionis accenditur, et baptismus Passionis
igne charitatis perficitur. Quia autem quæ
maxime cupimus, semper in ore habemus,
manus enim dolorem lingua amorem
ostendit, propterea Christus sæpissime de
Passione loquitur. Math. 161859: Exinde
cæpit Jesus ostendere discipulis suis, etc. Et
Petrus: Absit a te, Domine, non erit tibi hoc.
Mat. 171860: Conversantibus in Galilea dixit
illis Jesus: Filius hominis tradendus est in
manus hominum, etc.; et contristati sunt
vehementer. Jo. 31861: Sicut exaltavit
Moyses serpentem, etc. Item in
Transfiguratione1862.
Et
post
Resurrectionem voluit memoriam
celeberrimam fieri hujus Passionis in
Voici que nous montons à Jérusalem, et le
Fils de l'homme sera livré. Alors la mère des fils
de Zébédée s'approcha.
Etrange rusticité et importunité de
l'ambition! Le Seigneur méditait sa croix et sa
mort, et voici que cette femme accourt,
préoccupée de l'idée de la gloire et des honneurs:
Un récit inopportun est comme une musique
pendant le deuil.
Parmi les véhéments désirs du Christ,
entre tous ceux qui pressèrent son cœur, le plus
ardent fut celui qu'il exprimait ainsi; Je suis venu
jeter le feu [291] dans le monde, et que veux-je
sinon qu'il s'allume? Je dois être baptisé d'un
baptême, et comme je me sens pressé jusqu'à ce
qu'il s'accomplisse! Le feu de la charité s'allume
au baptême de la Passion, et le baptême de la
Passion se consomme dans le feu de la charité. Et
comme nous parlons sans cesse de ce que nous
désirons le plus, car la main indique la partie qui
souffre, la langue indique l'amour [dont on est
animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa
Passion. Dès lors, Jésus commença à découvrir à
ses disciples, etc. Et Pierre: A Dieu ne plaise,
Seigneur, cela ne vous arrivera point. Tandis
qu'ils se trouvaient en Galilée, Jésus leur dit: Le
Fils de l'homme doit être livré entre les mains des
hommes ; et ils furent extrêmement contristés.
Comme Moïse a élevé le serpent, etc. De même à
la Transfiguration. Et après la Résurrection, il
voulut garder de cette Passion le plus éclatant
souvenir, tant dans l'Eglise militante que dans
l'Eglise triomphante: ici-bas, dans l'Eucharistie:
1856 (Ms. p. verso)
1857 Eccli., XXII, 6.
1858 Vers. 49, 50.
1859 Vers. 22.
1860 Vers. 21, 22.
1861 Vers. 14.
1862 Lucæ, IX, 31.
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23.10 Page 230

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Ecclesia militante et triumphante: hic in
Eucharistia:
Mortem
Domini
annunciabitis1863; ibi in stigmatibus quæ
servat1864.
Horum conscia, Ecclesia
frequentissimam Domini Passionis
memoriam excitat quotidie, in templis, in
viis, ubique; hinc gestamus in collo cruces
(Macrina et Vestiana1865); unumquemque
diem Veneris. Sicut vitta coccinea labia tua,
et eloquium tuum dulce; Cant. 4. v. 3. [292]
O miseri, quibus passiones nostras et
perturbationes semper in ore sunt, non
Passio Christi! Recogitate eum qui talem a
peccatoribus adversus semetipsum sustinuit
contradictionem1866; hinc Christus
crucifixus semper dicitur, nos autem
prædicatores: Arbitratus sum me nihil scire
nisi Jesum1867. Jesum quæritis
Nazarenum1868. At nos nihil horum
intelligimus1869; intelligimus in superficie
cordis, non in intimo cordis, more eorum
qui intelligentes non intelligunt. Quæ
nolumus non intelligimus; quærimus
diverticula et excusamus.
1870Tunc accessit mater filiorum
Zebedæi. Marcus ait1871 etiam filios
accessisse. Importune sane, at ambitio cæca
est.
Adorans et petens aliquid.
Audierant Christum Dominum paulo ante
dicentem: Sedebitis et vos super sedes1872,
et nunc: tertia die resurget1873; occasionem
aucupant faciendi quod forsan jam diu
cogitaverant. [293] Adorans. Simia
humilitatis est ambitio; at simia semper
simia, l'humilite est sans prætention. Miel
d'Heraclee et l'autre1874. Adorans et petens.
Taurus, avis minima, bovem imitatur1875.
Vous annoncerez la mort du Seigneur; au Ciel,
dans les stigmates qu'il conserve.
Convaincue de ces vérités, l'Eglise
réveille très fréquemment chaque jour le souvenir
de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur
les routes, partout; et c'est pour cela que nous
portons des croix au cou (Macrine et Vestiane),
que nous honorons chaque vendredi. Tes lèvres
sont comme une bandelette [292] d'écarlate, et ta
parole est douce. O malheureux! nous avons sans
cesse à la bouche le récit de nos souffrances et de
nos agitations, au lieu de nous entretenir de la
Passion du Christ! Réfléchissez a Celui qui a
supporté une telle contradiction de la part des
pécheurs soulevés contre lui. Aussi, d'une part, le
Christ est-il toujours appelé crucifié, et de l'autre,
nous, prédicateurs, répétons constamment: J'ai
estimé ne rien savoir que Jésus. C'est Jésus de
Nazareth que vous cherchez. Mais nous ne
comprenons rien a ces choses, ou si nous en avons
quelque intelligence, c'est seulement à la surface
et non pas dans l'intime du cœur: nous sommes
comme ceux qui comprennent sans comprendre.
Nous ne comprenons pas ce que nous ne voulons
pas comprendre; nous cherchons des
divertissements et nous les excusons.
Alors la mère des fils de Zébédée
s'approcha. Saint Marc dit que les fils
s'approchèrent aussi. Le moment était
certainement inopportun, mais l'ambition est
aveugle.
L'adorant et lui demandant quelque
chose. Ils avaient entendu le Christ Seigneur dire
peu auparavant: Vous siégerez vous aussi sur des
trônes, et tout à l'heure: le troisième jour il
ressuscitera; ils saisissent l'occasion d'exposer
une demande à laquelle peut-être ils songeaient
depuis longtemps. [293] L'adorant. L'ambition
est le singe de l'humilité; mais le singe est
1863 I Cor., XI, 26.
1864 Joan., XX, 27; Apoc., I, 7.
1865 S. Greg. Nissen., vide supra, p. 100.
1866 Heb., XII, 3.
1867 I Cor., II, 2.
1868 Marc., XVI, 6.
1869 Lucæ, XVIII, 34.
1870 Le lecteur aura remarqué que le commencement de ce discours est identique à celui du n° LXIX. De plus, notre
Saint reprend ici et développe les mêmes idées et les principales comparaisons sommairement énoncées dans le plan
du susdit sermon, qu'il avait prononcé pour la même férie à Dijon en 1604. Voir surtout p. 11, note (96).
1871 Cap. X, 35.
1872 Matt., XIX, 28.
1873 Ibid., XX, 19.
1874 Vide supra, p. 282.
1875 Vide supra, p. 11.
230/342

24 Pages 231-240

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24.1 Page 231

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Verbo ambitio1876. Aliquid: Magister,
volumus ut quodcumque petierimus facias
nobis1877. Semper quod petimus nihil est.
Qui dixit ei: Quid vis? Dic ut
sedeant1878. O magna et ambitiosa petitio!
Democrates jam senex. Vide verbo
superbia1879: chamæleon, semper hianti est
ore, quia vento pascitur1880. Accius poeta
cum brevis esset, maximam sibi statuam
fieri curavit1881. Quidam Anthistenes
cynicus, habens vestem pertusam et
ostentans: «Video per rimam illam
inanitatem,» ait Socrates. Crocodilus,
terrestre et aquaticum animal, ova ponit in
terra, in aquis autem prædatur; ut
ecclesiastici aulici. Arbores post solstitium
invertunt folia: ulmus, tilea, populus, olea,
salix; sic isti ecclesiastici.
Nescitis quid petatis; potestis1882,
etc. Præsumptio. Calicem quidem, etc. Non
est meum dare vobis1883. Non est meum ut
homo, est meum ut Deus; Augustinus1884.
Est meum, sed non nunc cum pugnandum
potius [294] est; Ambrosius1885. Est meum
dare sed non vobis: 1. cognatis, 2.
petentibus, 3. ambitiosis; sed quibus
paratum est. O nostra tempora!
Malæ vocationes, at faciendæ bonæ.
Mala vocatio Liæ, at tamen fidelis fuit
magis quam Rachel; Sancti Caroli, Sancti
Gregorii Nazianzeni. [295]
toujours singe, l'humilité est sans prétention...
L'adorant et lui demandant. Le taurus, très petit
oiseau, veut ressembler au bœuf. Voir au mot
ambition. Quelque chose: Maître, nous voulons
que vous nous accordiez tout ce que nous vous
demanderons. Toujours à notre avis, ce que nous
sollicitons doit être compté pour rien.
Jésus lui dit: Que veux-tu? Ordonnez que
[mes deux fils] soient assis, etc. Oh, grande et
ambitieuse demande! Démocrate, déjà vieux.
Voir au mot orgueil: le caméléon a toujours la
gueule ouverte, parce qu'il se repaît de vent. Le
poète Accius étant de petite taille, eut soin de se
faire faire une très grande statue. Un certain
cynique nommé Antisthène, portait un habit
déchiré dont il faisait ostentation: «Je vois bien de
la vanité par ce trou,» lui dit Socrate. Le crocodile
est un animal à la fois terrestre et aquatique, il
pond sur la terre et chasse dans les eaux; tels sont
les courtisans d'Eglise. Les arbres après le solstice
retournent leurs feuilles: l'orme, le tilleul, le
peuplier, l'olivier, le saule; il en va de même de
ces ecclésiastiques.
Vous ne savez ce que vous demandez;
pouvez-vous, etc. Présomption. [Vous boirez] en
effet mon calice, etc. Ce n'est pas à moi de vous
l'accorder. Ce n'est pas à moi comme homme,
c'est à moi comme Dieu; saint Augustin. Je le
puis, mais il n'en est pas temps maintenant où il
s'agit plutôt de combattre; [294] saint Ambroise.
Je puis le donner, mais il ne convient pas de le
donner a vous qui êtes 1. parents, 2. solliciteurs,
3. ambitieux; je le donnerai à ceux pour qui il a
été préparé. Quels temps que les nôtres!
Il y a de mauvaises vocations, rendons-les
bonnes. La vocation de Lia fut mauvaise, Lia
toutefois fut plus fidèle que Rachel. Telle la
vocation de saint Charles, de saint Grégoire de
Nazianze. [295]
1876 Apud Diez, ubi infra. (?)
1877 Marc., X, 35.
1878 Matt., XX, 21.
1879 Apud Diez, Summa Prædicantium.
1880 Plin., Hist. nat., 1. VIII, C. XXXIII (al. LI).
1881 Vide pro hoc et seq. locis auctores supra citatos, p. 11.
1882 Matt., XX, 22.
1883 Ibid., v. 23.
1884 Ubi supra, p. 9.
1885 Ubi supra, p. 9.
231/342

24.2 Page 232

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CXXXI. Plan d'un sermon pour le jeudi après le deuxième
Dimanche de Carême
23 février 1617
(INÉDIT)
1886FERIA QUINTA POST DOMINICAM
SECUNDAM DE DIVITE EPULONE. DE
DIVITIIS ET DIVITIBUS
Terra operta nemo facile judicaverit de
amenitate aut obscenitate locorum; nemo ubi
hortus, nemo ubi fimus. Viventibus hominibus
nemo facile judicaret divites infœlices,
pauperes fœlices, etc.
Dominus videns juvenem tristem,
Marc. 101887 (omnino videnda est historia),
circumspiciens Jesus, ait discipulis suis:
Quam difficile qui pecunias habent in Regnum
Dei introibunt! Discipuli autem
obstupescebant in verbis ejus; at Jesus rursus
respondens, ait illis: Filioli, quam difficile est
confidentes in [296] pecuniis in Regnum Dei
introire! Facilius est per foramen, etc. Qui
magis admirabantur, dicentes ad semetipsos:
Quis potest salvus fieri? Et intuens illos Tesus,
ait: Apud homines, etc. Sic ego hodie videns
Evangelium1888: O quam difficile est, etc.
Verum ut ordine procedam, quatuor sunt
genera divitum bonorum et malorum. Et
hæresis est Pauperum de Lugduno,
Apostolicorum, Manicheorum et Juliani
Apostatæ.
1. In acquirendo. Non furtum facies1889
Ipsi regnaverunt et non ex me; Osee, 81890. Si
quid aliquem defraudavi, reddo
quadruplum1891. Domine, quis habitabit in
tabemaculo tuo? Qui pecuniam suam non
dedit ad usuram et munera super innocentem
non accepit1892. Mammon iniquitatis1893.
Similes Achab, vineam quæ juxta eum erat
JEUDI APRES LE DEUXIEME DIMANCHE
SUR LE RICHE ADONNE A LA BONNE
CHERE. SUR LES RICHESSES ET LES
RICHES
Lorsque la terre est couverte de
brouillards, il est difficile de distinguer les
agréments ou la laideur d'un site, de dire: là est
le jardin, là est le fumier. De même, du vivant
des hommes, personne n'estime facilement les
riches malheureux et les pauvres heureux, etc.
Le Seigneur voyant un jeune homme
triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus
regardant autour de lui, dit à ses disciples:
Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses
d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses
disciples étaient tout étonnés de ses paroles;
mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes
petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se
confient dans les richesses [296] d'entrer dans
le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un
chameau de passer] par le trou d'une aiguille,
etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se
disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé?
Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc.
De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je
m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais
procédons par ordre: il y a quatre sortes de
bons et de mauvais riches. Il y a l'hérésie des
Pauvres de Lyon, des Apostoliques, des
Manichéens et de Julien l'Apostat.
1. Dans l'acquisition des biens. Tu ne
feras point de vol. Ils ont régné, mais non par
moi. Si j'ai fait tort a quelqu'un, je lui rends
quatre fois autant. Seigneur, qui habitera dans
votre tabernacle ? Celui qui n'a point donné
1886 (Ms. p. 233, recto)
1887 Vers. 21-27.
1888 Lucæ, XVI, 19-31.
1889 Exod., XX, 15.
1890 Vers. 4.
1891 Lucæ, XIX, 8.
1892 Ps. XIV, 1, 5.
1893 Lucæ, XVI, 9.
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24.3 Page 233

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volens1894. Et sunt quemadmodum asinæ dum
nutriunt pullos; car alhors, dit Pline, elles
ayment leurs petitz extremement. Que si
toutefois il y a un petit ruisseau entr'elles et
leurs petitz, elles ne passeront qu'avec extreme
difficulte, et mesme n'y veulentelles pas mettre
le pied. Vide Plinium, [Hist. nat.,] 1. 8. c. 43.
Mais elles ne craindront point de passer par le
feu.
Sic plerique patres in ignem inferni
pergunt ob filiorum amorem; pro quibus tamen
ne quidem aquam [297] paupertatis aut
expensarum tangere vellent, nihil expendere ut
eos bonis moribus et litteris instruant. Similes
aux conilz, qui se pelent la poitrine pour faire
le nid ou la couche de leurs petitz, ceux ci se
pelent la conscience. Aussi leur faut-il une
grande place pour [se coucher] (j'entens aux
saumes), car il leur vient mille fantasies en
dormant, et ruent deça et dela: sic isti viri
divitiarum dormierunt somnum suum1895; hunc
bonis spoliant, illum comedunt, etc. Ruades.
Et: Vœ vobis qui conjungitis domum ad
domum, et agrum agro copulatis usque ad
terminum loci; nunquid soli habitabitis in
medio terræ1896?
Quæ secundum Deum acquiruntur
bonæ sunt. Unde Isaac, benedicens Jacob1897:
Det tibi Dominus de rore cæli et de pinguedine
terræ, abundantiam frumenti et vini, etc. Sic
Job1898: Dominus dedit, etc.
2. In retinendo; ut filii et hæredes male
pacta, quæ ipsi norunt talia esse. Item, legata
pia, etc. (Halietus, aquila marina; vide infra,
pag. 34218991900.) Alienum retinere;
contrectatio rei alienæ. [298]
son argent a usure et qui n'a point reçu de
présents contre l'innocent. Richesse d iniquité.
Ces gens ressemblent à Achab qui désira la
vigne attenante à la sienne. Ils sont comme les
ânesses pendant qu'elles nourrissent leurs
poulains. [Reprendre au texte, lig. 16.]
Ainsi en est-il de bon nombre de pères
qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour
mal entendu envers leurs fils, pour lesquels
néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau
de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297]
dépenseraient rien pour les élever dans les
lettres et les bonnes mœurs. Semblables
[Reprendre au texte, lig. 3.]
Ainsi ces hommes de richesses ont
dormi leur sommeil; ils dépouillent celui-ci de
ses biens, ils dévorent celui-là, etc... Et:
Malheur a vous qui joignez maison à maison
et qui ajoutez champ à champ jusqu'à ce que le
lieu vous manque; est-ce que vous habiterez
seuls au milieu de la terre?
Les richesses acquises selon Dieu sont
bonnes. C'est pourquoi Isaac bénissant Jacob
lui dit: Que le Seigneur te donne la rosée du
ciel et la graisse de la terre, l'abondance de
froment et de vin, etc. Ainsi Job: Le Seigneur
m'a donné, etc.
2. En retenant les biens, comme font les
fils et les héritiers quand ils s'autorisent de
contrats qu'ils reconnaissent avoir été mal faits.
Ils pèchent de même au sujet des legs pieux,
etc. (Haliète, aigle marin; voir plus bas, page
342.) Retenir le bien d'autrui; en disposer.
[298]
3. Ceux qui acquièrent justement, il est
vrai, mais avec trop de cupidité. [Reprendre au
texte, lig. 1.]
1894 III Reg., XXI, 2.
1895 Ps. LXXV, 6.
1896 Is., V, 8.
1897 Gen., XXVII, 28.
1898 Cap. I, 21.
1899 Ce renvoi a trait aux feuillets autographes mentionnés ci-dessus, p. 152, note (955). Entre autres comparaisons,
saint François de Sales a inséré dans ces pages l'extrait suivant, emprunté à l'espagnol Laurétus, auteur de la Sylva
allegoriarum, qu'il recommande si instamment à l'Archevêque de Bourges, dans l'Epistre sur la Prédication, § 6.
«Halietus, aquila marina, quæ pisces capit; et si piscem majorem quam ferre possit accipiat, potius seipsam
cum onere in profundum demergi patitur quam prædam relinquat (sic). Fures restituere nolentes, et societates,
conversationes et artes malas relinquere nolentes. Lauretus.»
«L'haliète, aigle marin, fait la chasse aux poissons, et s'il en prend un si gros qu'il ne puisse l'enlever, plutôt
que de lâcher prise, il se laisse entraîner par sa proie jusqu'au fond de la mer. Tels sont les voleurs qui ne veulent pas
restituer, et ceux qui refusent de quitter les mauvaises compagnies, les conversations dangereuses ou une profession
défendue. Laurétus.»
1900 Et supra, p. 8.
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24.4 Page 234

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3. Qui juste quidem acquirunt, sed
nimis avide. Appian Alexandrin recite1901 que
les Parthes, mis en fuite, etc. (vide
Similitudines1902), presses de faim, mangerent
une herbe qui leur faysoit oublier toufautre
chose, etc., et perdans le sens ilz vomissoyent
et mouroyent.
Heu, heu, quid facitis? Magnum
periculum. Qui volunt divites fieri, incidunt in
tentationem et in laqueum diaboli, et desideria
multa et nociva quæ mergunt homines in
interitum et perditionem; I Timot. 61903.
4. In possidendo avare. Idolorum
servitus; ad Col. 31904. Viri divitiarum1905.
Beatus vir dives qui inventus est sine macula et
qui post aurum non abiit, nec speravit in
pecuniæ thesauris. Quis est hic et laudabimus
eum1906? Avaro tam deest quod habet quam
quod non habet.
5. Qui in distribuendo, ut dives noster,
qui habebat [299] divitias tantum sibi,
voluptati et vanæ gloriæ. Similitudo canum
Ægipti1907, cervorum, navium, vestium.
6. Crudelitas in pauperes. Quam
pauperes sint digni et honorandi, unde
visitandi vice Domini.
Historia Baltassar1908 recitanda
graphice, et inculcanda: Mane, numeravit;
techel, appensus es; phares, divisit. Herissons.
[300]
Hélas, hélas! que faites-vous? [Vous
vous exposez] à un grand péril. Ceux qui
veulent devenir riches tombent dans la
tentation, dans les filets du diable et dans des
désirs nombreux et nuisibles qui plongent les
hommes dans la ruine et la perdition.
4. En possédant avec avarice. Servitude
des idoles. Les hommes de richesses.
Bienheureux l'homme riche qui a été trouvé
sans tache et qui n'a point couru après l'or, ni
espéré dans l'argent et dans les trésors. Qui est
celui-ci et nous le louerons? L'avare est aussi
pauvre de ce qu'il a que de ce qu'il n'a pas.
5. Dans la mauvaise répartition de ses
biens: tel notre riche qui n'avait [299] de
fortune que pour lui, pour ses plaisirs et la
vaine gloire. Comparaisons: chiens d'Egypte,
cerfs, navires, vêtements.
6. Cruauté envers les pauvres. Dignité
des pauvres; combien nous devons les honorer,
et partant les visiter comme représentant
Notre-Seigneur.
Histoire de Balthazar; décrire [cette
scène] au vif, la graver: Mane, il a compté;
techel, tu es pesé; phares, il a divisé... [30]
1901 De Bellis civil. etc., liber Parthicus, circa finem.
1902 Il s'agit ici d'un recueil de comparaisons conservé au Monastère de la Visitation de Turin. Ce recueil ne doit pas
être confondu avec celui dont nous venons de parler, non plus qu'avec le Manuscrit, également intitulé Similitudines,
appartenant à la Communauté de la Visitation de Westbury on Trym, récemment transférée à Harrow (Londres). Voir
la Préface du tome III de cette Edition, p. XXXIV, note (49).
1903 Vers. 9.
1904 Vers. 5; Ephes.V, 5.
1905 Ps. LXXV, 6.
1906 Eccli., XXXI, 8, 9.
1907 Cf. Plin., Hist. nat. 1.VIII, C. XL (al. LXI).
1908 Dan., V.
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CXXXII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le deuxième
Dimanche de Carême
24 février 1617
(INÉDIT)
1909FERIA SEXTA. IN DIE SANCTI
MATHIÆ DE PARABOLA VINEÆ
Homo erat paterfamilias, qui plantavit
vineam et sepem circumdedit ei.
[MATT., XXI, 33.]
VENDREDI APRÈS LE DEUXIÈME
DIMANCHE. FÊTE DE SAINT MATHIAS
PARABOLE DE LA VIGNE
II y avait un père de famille qui planta
une vigne et l'entoura d'une haie.
Hac parabola1910 Dominus ostendit et
se Filium, hæredem universorum, a Scribis,
Pharisæis et Sacerdotibus crucifigendum, et
Regnum Dei ab illis auferendum. Ac interim
Ecclesiæ stabilitatem aliasque dotes graphice
describit, quas nos tantisper prosequimur.
Vineam de qua Dominus loquitur
Sinagogam esse, nemo dubitat. Psal. 791911:
Vineam de Ægipto transtulisti; ejecisti gentes
et plantasti eam. Nimirum, [301] more
vinitorum, vepres spinasque abstulit, id est,
Madianitas, Jebusæos, Phæreseos, Cananæos,
ut in terra promissionis populum suum
collocaret et tanquam vineam plantaret. Isaiæ,
51912: Vinea facta est dilecto in cornu filio olei;
sepivit eam et ædificavit turrim in medio ejus,
et torcular extruxit in ea.
Sepes fides est, et robur sive fortitudo
invincibilis fidei, de qua Apostolus1913: Sancti
per fidem vicerunt regna, fortes facti sunt in
bello, castra verterunt exterorum. Nam fide
populus fidelis ab omnibus aliis separatur
(hæretici, cathecumeni, schismatici, extra
Ecclesiam), et dum fides regnat videntur
homines esse de vinea; et vero, quamvis
excommunicati et schismatici ejiciantur,
ejiciuntur ut revertantur, at hæretici proprio
judicio judicati sunt. Protectio Dei etiam est
sepes, vel potius, sepis ligatura et robur. Heu,
fides Catholica, tot tirannis expetita, illæsa
Dans cette parabole, le Seigneur
montre qu'il est Fils de Dieu, héritier de toutes
choses, que les Scribes, les Pharisiens et les
Prêtres le crucifieront et que le Royaume de
Dieu leur sera enlevé. Il démontre ensuite très
clairement la perpétuité de l'Eglise et ses autres
caractères que nous examinerons rapidement.
Personne ne doute que la vigne dont
parle le Seigneur ne soit la Synagogue. Vous
avez transporté de l'Egypte une vigne, vous
avez chassé les [301] nations et vous l'avez
plantée. C'est-à-dire que, semblable aux
vignerons, le Seigneur a arraché les ronces et
les épines, les Madianites, les Jébuséens, les
Phéréséens, les Chananéens, afin d'établir son
peuple dans la terre promise et de l'y implanter
comme une vigne. Mon bien-aimé a acquis une
vigne dans la corne du fils de l'huile; il l'a
environnée d'une haie, a construit une tour au
milieu et y a dressé un pressoir.
La haie représente la foi, et la vigueur
ou la force invincible de la foi, dont parle
l'Apôtre quand il dit: Par la foi les Saints ont
vaincu les royaumes, se sont fortifiés dans la
guerre, ont renversé les camps ennemis. C'est
la foi, en effet, qui distingue le peuple fidèle de
tous les autres (les hérétiques, les
catéchumènes, les schismatiques sont hors de
l'Eglise), tant que la foi règne, les hommes sont
considérés comme faisant partie de la vigne; et
bien que les excommuniés et les schismatiques
1909 (Ms. p. 233, verso)
1910 Matt., XXI, 33-39.
1911 Vers. 9.
1912 Vers. I, 2.
1913 Heb., XI, 33, 34.
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permanet. Ubi non est sepes diripietur
possessio; Ecclesiastici, 36, v. 27.
Ecclesiastes, 10. v. 8: Qui dissipat sepem,
mordebit eum coluber. Lyrinensis allegat1914 ut
ostendat non discedendum a fide Ecclesiæ.
Ergo tandem, sepes [302] professio, vinculum,
publica authoritas et communis regula fidei
est; quam dissipare conantur hæretici. Non tani
fides in se quam fidei dogma, vinculum et
regula.
Et fodit in ea torcular. Torcular
fidelium est charitas, ad quam spectant
sacrificia, oblationes, devotio; nam, charitas
Christi urget nos1915. Inter duo ligna
constituimur, nimirum amoris Dei et proximi;
agere martires et pati. Statura tua assimilata
est palmæ et ubera tua botris1916. Ubera sunt
torcular amoris, nam premit ea digitis mater et
premit puer labiis.
Ædificavit turrim. Spem quæ ex alta
prophetia videt Christum venientein; et veluti
ex cacumine montis odoramur odores
unguentorum1917 sentimusque prædam,
Christum. Nasus tuus sicut turris Libani, quæ
respicit contra Damascum1918.
Vinitores sive agricolæ sunt sacerdotes
in Sinagoga, in Ecclesia sunt prælati; et id
manifeste. En lectulum Salomonis; sexaginta
fortes ambiunt illum ex fortissimis Israël,
omnes tenentes gladios et ad bella doctissimi;
uniuscujusque ensis super femur suum propter
timores nocturnos; Cant. 31919. Vinitores
Sinagogæ occiderunt Prophetas quos Dominus
mittebat [303] (ut videre est apud Baradam,
[Comment. in Concord. Evang.,] 1. v. c. 23
tomi primi); secti sunt, lapidati sunt, in
occisione gladii necati sunt1920: Isaias
sectus1921, Hieremias lapidatus1922, Ezechiel in
Babilone a judice populi Israel interfectus1923,
Amos ab Amasia sacerdote1924, etc.
Sed notate: 1°. quamvis pessimi isti
vinitores essent, tamen nunquam Deus ab eis
soient rejetés, on ne les rejette que pour les
engager à rentrer, mais les hérétiques se sont
jugés eux-mêmes. La haie, c'est aussi la
protection de Dieu, ou plutôt cette protection
est le lien qui fait la force de la haie. Ah ! cette
foi catholique, attaquée par tant de tyrans,
demeure intacte. Où il n'y a point de haie, la
propriété sera pillée. Celui qui détruit la haie
sera mordu par un serpent. Vincent de Lérins
allègue ce texte pour montrer qu'il ne faut pas
s'écarter de la foi de l'Eglise. La haie signifie
par conséquent la profession, le lien, l'autorité
[302] publique et la règle commune de la foi,
que les hérétiques s'efforcent de détruire. Ce
lien, cette règle ce n'est pas tant la foi en elle-
même que les dogmes de foi.
Il y creusa un pressoir. Le pressoir des
fidèles est la charité, à laquelle se rapportent
les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la
charité du Christ nous presse. Nous sommes
placés entre deux plateaux de bois, l'amour de
Dieu et l'amour du prochain, et nous y devons
agir et souffrir en martyrs. Ta taille est
semblable a un palmier et tes mamelles a des
grappes de raisin. Les mamelles sont le
pressoir de l'amour, car la mère les presse de
ses doigts et l'enfant de ses lèvres.
Il y bâtit une tour. Cette tour est
l'espérance qui du haut des prophéties voit
venir le Christ, et alors, comme du sommet
d'une montagne, nous respirons l'odeur des
parfums et nous sentons notre proie, le Christ.
Ton nez est comme la tour du Liban, qui
regarde contre Damas.
Les vignerons ou les agriculteurs sont,
dans la Synagogue, les prêtres, et, dans
l'Eglise, les prélats; et ceci est évident. Voici la
couche de Salomon; soixante vaillants
guerriers, des plus vaillants d'Israël,
l'environnent, tous portant des glaives et très
habiles dans les combats; chacun a son glaive
sur sa cuisse 'a cause des craintes nocturnes.
1914 Common. I, c. XXI.
1915 II Cor., V, 14.
1916 Cant., VII, 7.
1917 Ibid., I, 3.
1918 Ibid., VII, 4.
1919 Vers. 7, 8.
1920 Heb., XI, 37.
1921 Martyrol. Rom., die 6 Julii.
1922 Ibid., die 1 Maii.
1923 Ibid., die 10 April.
1924 Ibid., die 31 Mart.
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sepem, torcular, turrim vineamque abstulisse,
donec veniret hæres, quem occiderunt1925.
Heu, o hæretici, quomodo ergo auferet
Ecclesiam vinitoribus suis? Non auferet, quia
nunquam occident, jam non moritur1926;
nunquam auferet, sed vinea ista et sepem et
torcular, exercitia religionis, et turrim habebit
donec veniat Dominus. Numquam Ecclesia
occidit prophetas, imo excepit mitissime:
Basilios, Anthonios, Pacomios, Franciscos,
Benedictos.
[2o.] Notate agricolas quibus locata est
vinea non mutari, sed eosdem usque ad finem
perseverare; nimirum, non sunt iidem persona,
sed successione: successio Ecclesiastica. En
perit Iscariotes, ex tribu Isachar (vel a sechar,
quod est, Syriace, marsupium), et ecce Petrus
exurgens in medio fratrum: Episcopatum1927.
(Nostri [304] hæretici nolunt nomen
episcopatus, sed in marginem rejiciunt, et
vertunt: Qu'un autre prenne son
administration, encor qu'en l'annotation quilz
confessent quil y a au grec son episcopat, ou
surintendence1928.)
Cette mission et succession dure,
«quamvis,» dit saint Leon1929, «in indignis
successoribus,» et durera jusques au jour du
jugement. Ephes. 41930: Alios quidem dedit
apostolos, alios prophetas, alios evangelistas,
alios doctores et pastores, in opus ministerii,
in ædificationem corporis Christi. Et sic sors
cecidit super Mathiam1931.
Non auferet regnum, sed auferet nos de
regno, quia fructum nullum facimus. Et vos
palmites; omnem palmitem1932, etc.
Sic celebrat Ecclesia festa horum.
[305]
Les vignerons de la Synagogue tuèrent [303]
les Prophètes que le Seigneur leur envoyait
(comme on peut le voir dans Barradas
[Commentaire sur la Concordance des
Evangiles,] liv. V, chap. XXIII du premier
tome); ils furent sciés, lapidés, tués par le
tranchant du glaive: Isaïe fut scié, Jérémie
lapidé, Ezéchiel massacré à Babylone par le
juge du peuple d'Israël, Amos le fut par le
prêtre Amasias, etc.
Mais notez: 1. Bien que ces vignerons
fussent très méchants, jamais Dieu ne leur
enleva la haie, le pressoir, la tour et la vigne,
sinon lorsqu'apparut l'héritier qu'ils mirent à
mort. Eh! malheureux hérétiques, comment
donc enlèverait-il l'Eglise à ses vignerons? Il
ne la leur enlèvera pas, parce qu'ils ne le
mettront jamais à mort, car il ne meurt plus;
non, il ne la leur enlèvera jamais, et cette vigne
gardera la haie, le pressoir, les exercices
religieux, et la tour jusqu'à l'arrivée du
Seigneur. L'Eglise n'a jamais mis à mort ses
prophètes, elle leur a fait, au contraire, le plus
bienveillant accueil: voyez les Basile, les
Antoine, les Pacôme, les François, les Benoît.
[2.] Remarquez que les agriculteurs
auxquels est louée la vigne ne changent pas,
mais demeurent les mêmes jusqu'à la fin; ils
sont les mêmes, non en personne sans doute,
mais par la succession: succession
ecclésiastique. Iscariote périt: il est de la tribu
d'Issachar (ou bien son nom dériverait de
sechar, mot qui signifie en syriaque, bourse),
et voilà que Pierre se levant au [304] milieu
des frères: [Qu'un autre reçoive] son
épiscopat. (Nos hérétiques ne veulent pas de ce
mot épiscopat, mais ils le rejettent en marge
[de leur bible], et traduisent ainsi: [Reprendre
au texte, lig. 3.]
Cette mission et succession dure, dit
saint Léon, «même en des successeurs
indignes,» et durera jusqu'au jour du jugement.
En effet, il en a donné quelques-uns pour être
apôtres, d'autres prophètes, d'autres
évangélistes, d'autres docteurs et pasteurs,
1925 Matt., XXI, 38, 39; Gen., XLIX, 10.
1926 Rom., VI, 9.
1927 Act., I, 15, 20.
1928 Voir Bible... de Geneve, in locum.
1929 Sermo III (al. II), c. IV.
1930 Vers. 11, 12.
1931 Act., I, ult.
1932 Joan., XV, 5, 2.
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[afin qu'ils travaillent] a l'œuvre du ministère,
à l'édification du corps du Christ. Et ainsi le
sort tomba sur Mathias.
Il n'ôtera pas le royaume, mais il nous
ôtera nous-mêmes du royaume parce que nous
ne produisons aucun fruit. Et vous êtes les
branches; toute branche, etc.
Ainsi l'Eglise célèbre la fête de ces
Saints. [305]
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CXXXIII. Plan d'un sermon pour le troisième Dimanche de
Carême
26 février 1617
(INÉDIT)
1933DOMINICA TERTIA
TROISIEME DIMANCHE
Quicumque dixerit verbum contra Filium
nominis, remittetur ei; qui autem dixerit
contra Spiritum Sanctum, non remittetur ei
neque in hoc seculo neque in futuro.
[MATT., XII, 32.]
Quiconque aura parlé contre le Fils de
l'homme, son péché lui sera remis; mais si
quelqu'un a parlé contre l'Esprit-Saint, il ne lui
sera remis ni en ce siècle ni dans le siècle à
venir.
Immediate ante hæc verba ait
Dominus: Dico vobis, omne peccatum et
blasphemia remittetur hominibus, Spiritus
autem blasphemia non remittetur; Math.
121934. Marci autem 31935: Amen dico vobis,
quoniam omnia dimittentur filiis hominum
peccata et blasphemiaz; qui autem
blasphemaverit in Spiritum Sanctum, n0n
habebit remissionem in æternum, sed reus erit
ceterni delicti. In tota hac historia, locus iste
difficillimus; imo, ait Augustinus, serm. II. de
Verbis [306] Domini1936, «nullus difficilior in
tota Scriptura.» Quia vero multum refert illum
intelligere, nos eum explicabimus.
Theologi peccata quædam in Patrem,
alia in Filium, alia in Spiritum Sanctum esse
dicunt; id autem dicitur ratione
appropriationis, idque dupliciter, nimirum, per
similitudinem et per dissimilitudinem.
[1.] Potentia quæ habet vim principii
attribuitur Patri; hinc peccatum infirmitatis
contra Patrem dicitur esse. Sapientia, quæ
exprimitur verbo, attribuitur Filio; ideo
peccatum ex ignorantia dicitur esse contra
Filium. Charitas et bonitas, quæ exprimitur per
modum amoris, attribuitur Spiritui Sancto; et
propterea peccatum malitiæ est contra
Spiritum Sanctum.
2. Per dissimilitudinem eorum quæ
accidunt in humanis. Solent enim patres esse
Immédiatement avant ces paroles, le
Seigneur avait prononcé celles-ci: Je vous le
dis, tout péché et tout blasphème sera remis
aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit
ne sera point remis. Et en saint Marc: En vérité
je vous le dis, tous les péchés seront remis aux
enfants des hommes, même les blasphèmes;
mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-
Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera
coupable d'un péché éternel. En tout ce
passage, voici le point le plus difficile; et
même, nous dit saint Augustin, sermon XI des
[306] Paroles du Seigneur, «il n'y en a pas de
plus difficile dans toute l'Ecriture. » Puis donc
qu'il importe beaucoup de le comprendre, nous
allons l'expliquer.
Les théologiens enseignent que
certains péchés sont contre le Père, d'autres,
contre le Fils, d'autres, contre le Saint-Esprit;
ils s'expriment ainsi en vue des perfections
attribuées spécialement à chacune des divines
Personnes, et cela d'après le double rapport de
ressemblance et d'opposition avec ce qui arrive
dans l'ordre naturel.
[1. Par ressemblance.] La puissance,
en tant que vertu de principe, s'attribue au Père;
c'est pour cela qu'un péché de faiblesse est
appelé péché contre le Père. La sagesse, dont
la parole est l'expression, est attribuée au Fils;
aussi nomme-t-on le péché d'ignorance péché
contre le Fils. La charité et la bonté, qui
1933 (Ms. p. 234, recto)
1934 Vers. 31.
1935 Vers. 28, 29.
1936 Hodie serm. LXXI, c. V.
239/342

24.10 Page 240

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filiis debiliores, filii patribus indoctiores,
spiritus vero violentiam ac vehementiam
signat. Quare, ut ita rem non se habere in
Divinis demonstrarent theologi, attribuunt
Patri potentiam, Filio sapientiam, Spiritui
Sancto bonitatem. Et hinc peccata in Patrem et
Filium et Spiritum Sanctum. [307]
Exempla horum peccatorum, in tribus
primis hominibus: Adam, Eva, Caim. Eva
seducta est; I. ad Tim. 21937: Vir non est
seductus; mulier seducta in prævaricatione
fuit. Paulus, 2. Cor. II. v. 3: Timeo autem, ne
sicut serpens seduxit Evam astutia sua, ita
corrumpantur sensus vestri, et excidant a
simplicitate quæ est in Christo. Gen. 31938:
Serpens decepit me et comedi. Quænam fuerit
ista seductio, vide Belarm., 1. 3. de Amiss.
gratiæ, c. 5. 6. et 7. Adam non est seductus.
Quia audisti vocem uxoris tuæ, etc. Mulier
quam dedisti mihi1939. Sic sane plerique
hæretici.
Mulieris lapsus ita se habuit.
Complacuit sibi in verbo illo: Eritis sicut
dii1940, per superbiam; deinde, credidit se non
morituram, neque verba Dei ad litteram
intelligenda secundum sensum quem primo
habuerat; hinc manducare constituit. Adami
incœpit a complacentia in illo verbo: Eritis
sicut dii; deinde, ad amorem inordinatum
processit; tertio, ad consensum in
comestionem.
Caim autem peccato malitiæ; nam
admonitus a Deo, Gen. 4. v. 5. et 6, non destitit,
sed, 1°. præsumpsit; 2o. invidens fraternæ
gratiæ, et cum Dominus quæreret: [308] Ubi
est frater tuus? 3o. agnitam veritatem
impugnavit, obstinatusque pœnitentiam
respuit; 4o. ac desperans, ostendit se Dei
misericordiæ renunciasse: Ejicis me a facie
terræ, et a facie tua abscondar1941; nimirum ut
qui absconduntur a facie solis et manent in
nocte, omnino tabescunt.
David peccavit 1°. ignorantia,
numerans populum; fuitque, meo judicio,
tantum peccatum veniale, juxta illud quod
habetur, 3. Reg. c. 151942: Non declinavit ab
s'expriment par voie d'amour, sont attribuées à
l'Esprit-Saint, et pour ce motif le péché de
malice est un péché contre le Saint-Esprit.
2. Par opposition à ce qui arrive dans la
condition humaine. D'ordinaire, les pères sont
moins forts que les fils, les fils moins instruits
que les pères, et le souffle indique la violence,
la véhémence. Aussi, pour démontrer qu'il n'en
est pas de même en Dieu, les théologiens
attribuent au Père la puissance, au Fils la
sagesse, à l'Esprit-Saint la bonté. D'après ces
principes, sont distingués les péchés contre le
Père, contre le Fils, contre le Saint-Esprit.
[307]
Nous avons des exemples de ces
péchés dans les trois premiers individus de la
race humaine: Adam, Eve, Caïn. Eve fut
séduite: L'homme ne fut point séduit; la femme
séduite tomba dans la prévarication. Saint
Paul aux Corinthiens: Mais je crains que de
même que le serpent séduisit Eve par ses
artifices, ainsi vos esprits se corrompent, et
dégénèrent de la simplicité qui est dans le
Christ... Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé.
Pour la nature de cette séduction, voir
Bellarmin, liv. III de la Perte de la grâce.
Adam ne fut point séduit. Parce que tu as
entendu la voix de ta femme, etc. La femme que
vous m'avez donnée. C'est précisément ce qui
arrive à la plupart des hérétiques.
Voici comment tomba la femme. Par
orgueil, elle se complut en cette parole: Vous
serez comme des dieux; ensuite, elle crut
qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de
Dieu ne devait pas être entendue à la lettre,
comme elle l'avait tout d'abord comprise, et
alors elle se décida à manger du fruit. La chute
d'Adam commença par une vaine
complaisance en cette promesse: Vous serez
comme des dieux; puis, de ce sentiment
procéda un amour déréglé; en troisième lieu, il
consentit à manger.
Caïn commit un péché de malice.
Averti par Dieu, il ne tint nul compte de
l'avertissement, mais 1. tomba en présomption;
2. fut jaloux de la bienveillance dont jouissait
1937 Vers. 14.
1938 Vers. 13.
1939 Gen., III, 17, 12.
1940 Ibid., V. 5.
1941 Vers. 9-14.
1942 Vers. 5.
240/342

25 Pages 241-250

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25.1 Page 241

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omnibus quæ præcepit ei Deus, excepto
sermone Uriæ Hetæi. 20. Infirmitate,
concupiscens Bersabëe. [30.] Malitia autem,
volens inebriare Uriam et occidere faciens; 2
Reg. II1943.
Ignorantia Paulus: Ideo misericordiam
consecutus quia ignorans feci1944; infirmitate
Petrus; Judas malitia. Samaritana ignorantia;
Magdalena infirmitate; Saphira et adultera,
malitia.
Dicuntur autem peccata alia ex
infirmitate, alia ex malitia, alia ex ignorantia,
non quia in omnibus peccatis non intercedat
ignorantia aliqua, id est, inconsideratio (juxta
illud Aristotelis1945: «Omnis peccator
ignorans»), et etiam malitia, alioquin non esset
peccatum (nam est de essentia [309] peccati ut
intercedat aliqua malitia, saltem in causa, et
debet esse culpa in ignorantia, seu ignorantia
culpabilis), et etiam infirmitas passionis
alicujus, vel præteritæ vel præsentis. Sed
dicuntur peccata talia ab origine et
prædominio; ut dicuntur homines melancolici
in quibus prædominatur melancolia, cholerici
in quibus cholera, quamvis semper habeant
omnes humores.
Sed inter omnia peccata in Spiritum
Sanctum illud est de quo Salvator in
Evangelio, quo videlicet opera Spiritus Sancti
per blasphemiam tribuuntur diabolo. Ut
faciunt hæretici nostri temporis; cum enim non
possint negare miracula, saltem ea quæ a
probatissimis authoribus narrantur, ut ab
Augustino1946, dicunt esse stratagemata
diaboli.
Hoc autem peccatum dicitur
irremissibile quia non nisi per miraculum
remittitur. Conversio peccatoris est semper
opus magnum, sed non dicitur miraculum nisi
quando fit modo raro et exquisito. Hinc, dicere
possumus: impossibile est inter homines, etiam
ratione gratiæ ordinariæ, non apud Deum1947.
[310]
son frère, et quand le Seigneur lui demanda:
Où est ton [308] frère? 3. il combattit la vérité
connue, s'obstina et repoussa toute idée de
pénitence; 4. en se livrant au désespoir il
montra qu'il renonçait à la miséricorde divine:
Vous me rejetez de la face de la terre, et je
serai caché a votre face; de même, ceux qui
fuient la lumière du soleil et demeurent dans la
nuit, perdent toute vigueur.
David pécha 1. par ignorance, dans le
dénombrement de son peuple. Ce ne fut, à mon
avis, qu'un péché véniel, d'après ce passage du
III0 Livre des Rois: Il ne s'était point détourné
de tout ce que Dieu lui avait commandé,
excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen. 2.
Par faiblesse, étant agité par la concupiscence
relativement à Bersabée. 3. Par malice enfin,
en voulant enivrer Urie et le faisant tuer.
Saint Paul pécha par ignorance: C'est
pourquoi j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai
agi par ignorance; saint Pierre pécha par
faiblesse; Judas, par malice. La Samaritaine,
par ignorance; Madeleine, par faiblesse;
Saphira et la femme adultère, par malice.
Quoiqu'on distingue les péchés de
faiblesse de ceux de malice ou d ignorance, ce
n'est pas qu'il n'y ait en tout péché quelque
ignorance, c est-à-dire quelque inconsidération
(d'après ce mot d'Aristote: «Tout pécheur est
ignorant»), et aussi quelque malice, sinon il n'y
aurait pas de péché (car [309] il est de l'essence
même du péché que la malice intervienne au
moins dans la cause, et il doit y avoir quelque
culpabilité dans l'ignorance pour qu'elle soit
imputée à péché). Il s'y trouve aussi la faiblesse
provenant de quelque passion, soit passée, soit
présente; mais les péchés sont ainsi désignés
d'après leur origine et leur caractère dominant.
Ainsi, on appelle mélancoliques les caractères
où domine la mélancolie; colères, ceux où
domine la colère, bien qu'ils aient aussi toutes
les autres humeurs.
Mais entre tous les péchés contre
l'Esprit-Saint, le Sauveur, dans l'Evangile,
désigne particulièrement le péché de
blasphème, par lequel on attribue au diable les
œuvres de l'Esprit-Saint. Tel est celui des
1943 Vers. 13-17.
1944 I Tim., I, 13.
1945 Ethie. ad Nicom., 1. III, c. 1.
1946 De Civit. Dei 1. XXII, c. VIII.
1947 Matt., XIX, 26 ; Marc., X, 27.
241/342

25.2 Page 242

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hérétiques de notre temps. Ne pouvant nier les
miracles, ceux du moins qui nous sont racontés
par les plus sérieux auteurs, comme serait saint
Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont
des stratagèmes du démon.
Or, le Christ appelle ce péché
irrémissible parce qu'il ne peut être remis que
par un miracle. La conversion du pécheur est
toujours une grande œuvre, mais on ne
l'appelle miracle que si elle est opérée d'une
manière merveilleuse et non commune. C'est
ainsi que nous pouvons la déclarer impossible
aux hommes, même au moyen de la grâce
ordinaire, mais non pas impossible à Dieu.
[310]
242/342

25.3 Page 243

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CXXXIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le troisième
Dimanche de Carême
27 février 1617
(INÉDIT)
1948FERIA SECUNDA POST DOMINICAM
TERTIAM
LUNDI APRES LE TROISIEME
DIMANCHE
Dicetis utique mihi per similitudinem:
Medice, cura teipsum. Quanta audivimus.
[Lucæ, IV, 23.]
Christus cum esset in Nazareth, intravit
in sinagogam, et lecto Libro Isaiæ docebat eos,
ita ut omnes mirarentur et darent illi
testimonium; sed tamen sine utilitate, dicebant
enim: Nonne hic est filius fabri? nonne hic est
faber? Unde huic sapientia1949? etc. Et ipse
videns eos colloquentes, sciensque quid
dicerent, ait: Utique dicetis mihi, etc. Et
concludit Marcus1950: Et non poterat ibi
virtutem ullam facere, nisi quod [311] paucos
infirmos impositis manibus curavit; et
mirabatur propter incredulitatem eorum.
Mathæus1951: Et non fecit ibi virtutes multas,
propter incredulitatem eorum.
Duo maxime in Scriptura inculcat
Deus, et semper docuit in Ecclesia: primum
est, perditionem nostram ex nobis esse;
secundum, salutem nostram ex Deo tantum
esse. Contra duas pestilentissimas hæreses:
Pelagianorum et Lutheranorum. Hæc autem
propositio totidem verbis habetur Osee, 131952:
Perditio tua ex te, Israel, tantum in me
auxilium tuum. Ac quidem auxilium suum
Deus semper Israeli porrexit; at Israel neglexit,
et illud est quod ait: Perditio tua ex te, Israel;
nam ideo perditio tua ex te, quia neglexisti
auxilium quod est ex me.
Minatur Deus per Osee1953 Israelitis,
quia idola sectabantur se eos castigaturum: Ero
Vous m'appliquerez sans doute le
proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même.
[Faites ici] d'aussi grandes choses que nous
avons entendu dire, etc.
Un jour que le Christ était à Nazareth,
il entra dans la synagogue et, après la lecture
du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte
que tous étaient dans l'admiration et lui
rendaient témoignage; inutilement toutefois,
car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du
charpentier? n'est-ce pas la le charpentier?
D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les
voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils
disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez
sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne
pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il
guérit quelques [311] malades en leur
imposant les mains; et il s'étonnait de leur
incrédulité. Saint Matthieu: Il ne fit pas là
beaucoup de miracles, à cause de leur
incrédulité.
Il est dans l'Ecriture deux vérités que
Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous
enseigna toujours dans l'Eglise: la première est
que si nous nous perdons, c'est par notre faute;
la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à
Dieu. Ces deux dogmes sont opposés à deux
hérésies très pernicieuses: celle des Pélagiens
et celle des Luthériens. Osée expose cette
double vérité en ces termes mêmes: Ta perte
vient de toi, Israël, c'est en moi seul qu'est ton
secours. En effet, Dieu offrit toujours son
secours à Israël, mais Israël ne s'en prévalut
1948 (Ms. p. 234, verso)
1949 Matt., XIII, 54-56; Marc., VI, 2, 3; Lucæ, IV, 16-23.
1950 Cap. VI, 5, 6.
1951 Cap. XIII, ult.
1952 Vers. 9.
1953 Cap. XIII, 7, 8.
243/342

25.4 Page 244

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quasi leæna, quasi pardus in via Assiriorum;
occurram eis quasi ursa raptis catulis et
disrumpam interiora jecoris eorum, et
consumam eos quasi leo. Tum addit: Perditio
tua, quasi dicat: Castigabo te, quia noluisti
converti. Baruc, 31954: Quid est tibi, Israel,
quia in terra inimicorum es? Hierem. 8. v. 22:
Nunquid non est resina [312] in Galaad, aut
medicus non est ibi? Quare ergo non est
obducta cicatrix populi mei? Ezech. 181955:
Quare moriemini, domus Israel? Apoc. 31956:
Ego sto ad ostium. Venite ad me1957. Ecclci.
151958; Ne dicas: Per Deum abest, quæ enim
odit ne feceris. Ne dicas: Ille me implanavit;
non enim necessarii sunt illi homines impii.
Act. 131959: Vobis quidem primum opportuit
prædicari verbum Dei; sed quoniam repellitis
illud et indignos vos judicatis vitæ æternæ,
ecce convertimur ad Gentes.
Deus ergo neminem repellit nisi
repulsus, neminem relinquit nisi relictus,
neminem abjicit nisi abjectus. Obstupescite
cæli super hoc, et portæ ejus desolamini
vehementer; duo mala fecit populus meus;
Hier. 2. V. 12, [13.] Mirabatur porro
Dominus1960, id est, mirandam rem nobis
ostendebat: homines tot virtutibus visis, qui ei
maxime benigni esse deberent, quos ipse
multis auxiliis cumulasset, non converti.
Obstupescite. O rem mirandam, quam miratur
Dominus!
Tamen ait Marcus1961: Non poterat
ullam virtutem facere, propter incredulitatem,
idest, resistente eorum incredulitate non
poterat; sequum justumque non erat, [313]
secundum legem ordinariam, nam homini
liberum arbitrium relinquit: qui fecit te sine te,
non salvabit te sine te; fecit nescientem, non
salvabit nisi volentem1962.
Ergo: Dicetis utique, etc. Tum de
duabus historiis1963: viduæ illæ Israel non
pas, et c'est pourquoi Dieu dit: Ta perte vient
de toi, Israël, tu es cause de ta perte parce que
tu négliges le secours que je te présente.
Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les
Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le
culte des faux dieux: Je serai comme une
lionne, comme un léopard sur la voie des
Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a
qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs
entrailles, je les dévorerai comme un lion. Puis
il ajoute: Ta perte, [etc.,] comme s'il disait: Je
te châtierai parce que tu n'as pas voulu te
convertir. D'où vient, Israël, que tu habites la
terre de tes ennemis? N'y [312] a-t-il point de
baume en Galaad, ou n'y a-t-il pas la. de
médecin? Pourquoi donc la blessure de mon
peuple n'a-t-elle pas été fermée? Pourquoi
mourrez-vous, maison d'Israël? Je me tiens à
la porte. Venez a moi. Ne dis pas: Dieu est
cause que [la sagesse] est loin de moi, car il
dépend de toi de ne pas faire ce qu'il hait. Ne
dis pas: C'est lui qui m'a trompé; car les
hommes impies ne lui sont pas nécessaires.
C'est à vous qu'il a fallu premièrement
annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais
puisque vous la rejetez et que vous vous jugez
indignes de la vie éternelle, voilà que nous
nous tournons vers les Gentils.
Dieu donc ne repousse personne s'il
n'en est repoussé, il n'abandonne personne s'il
n'en est abandonné, il ne rejette personne s'il
n'en est rejeté. Cieux, soyez frappés de stupeur
sur cela, et vous, portes du ciel, soyez dans la
plus grande désolation; mon peuple a fait deux
maux. Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il
nous montrait une chose étonnante, à savoir
qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui
lui devaient la plus grande reconnaissance,
auxquels il avait porté le plus de secours, ne se
convertissaient pas. Soyez frappés de stupeur!
Oh! quelle chose étonnante, puisqu'elle étonne
le Seigneur même!
1954 Vers. 10.
1955 Vers. 31.
1956 Vers. 20.
1957 Matt., XI, 28.
1958 Vers. 11, 12.
1959 Vers. 46.
1960 Pag. præced.
1961 Supra, p. 311.
1962 S. Bern., De Grat. et Lib. Arbitr., c. ult.
1963 Lucæ, IV, 25-27.
244/342

25.5 Page 245

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excepissent Heliam1964; nec leprosi obedissent,
aut venissent ad Heliseum1965. [314]
Saint Marc dit cependant: Il ne pouvait
faire aucun miracle à cause de leur
incrédulité, c'est-à-dire qu'il ne le pouvait pas
parce que leur incrédulité y [313] mettait
obstacle; ce n'eût été ni équitable, ni juste, dans
les conditions ordinaires. Dieu laisse, en effet,
à l'homme sa liberté: celui qui vous a créé sans
vous, ne vous sauvera pas sans vous; il vous a
fait sans que vous le sachiez, il ne vous sauvera
pas sans que vous le vouliez.
Donc: Vous m'appliquerez sans doute,
etc. Parler ensuite des deux histoires
[mentionnées par Jésus]: ces veuves d'Israël
n'auraient pas reçu Elie; ces lépreux n'auraient
pas obéi, ne seraient pas venus vers Elisée.
[314]
1964 III Reg., XVII, 9.
1965 IV Reg., V, 5, 9.
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25.6 Page 246

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CXXXV. Plan d'un sermon pour le mardi après le troisième
Dimanche de Carême
28 février 1617
(INÉDIT)
1966FERIA TERTIA POST DOMINICAM
TERTIAM
MARDI APRÈS LE TROISIÈME
DIMANCHE
Si peccaverit in te frater tuus, etc.
[Matt., XVIII, 15.]
In te, coram te1967; ut: Tibi soli peccavi
et malum coram te feci1968. Tibi et coram te
idem, et unum explicatio est alterius. In te,
contra te: vel unde scandalum patiaris, vel
unde tedaris.
Totius correctionis fraternæ
præceptum regitur ab hac clausula: Si te
audierit, lucratus eris fratrem tuum1969. C'est
la maistresse roüe de cet horologe, le
gouvernail de ce vaisseau, le nord de cette
navigation; [315] quia causa finalis est
correctionis, a fine autem artifex omnes sumit
mensuras.
Hinc sequitur causa efficiens: omnes
enim omnino homines tenentur corrigere,
etiam inferiores respectu superiorum. Sic enim
Paulus correxit Petrum, ad Gal. 21970: Cum
venisset Cephas Antiochiam, in faciem ejus
restiti, quia reprehensibilis erat. Etsi enim
Petrus vix etiam venialiter in eo peccavit,
tamen reprehensus fuit a Paulo, propter
gravitatem consequentiæ; «ut qui primus erat
in dignitate, primus esset in humilitate1971
«Non sentire bonos eadem de rebus iisdem
incolumi licuit semper amicitia1972.» Qui
autem corrigit debet esse justus, id est,
irreprehensibilis; ne dicatur illi: Medice, cura
teipsum1973. Corripiet me justus; [Ps.] 1401974.
Si ton frère a péché envers toi, etc.
Envers toi, devant toi; comme: J'ai
péché contre vous seul et j'ai fait le mal devant
vous. Contre vous et devant vous ont le même
sens, un mot explique l'autre. Envers toi,
contre toi: ou de manière à te scandaliser, ou
de manière à te blesser.
Le précepte de toute correction
fraternelle est résumé dans ces derniers mots:
S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère.
[Reprendre au texte, lig. 7.] [315]
Car la cause finale de la correction est
de gagner son frère; or, c'est d'après la fin qu'il
se propose que l'ouvrier prend toutes ses
mesures.
De cette cause finale dérive la cause
efficiente: tout homme sans exception est tenu
à faire la correction, même l'inférieur à l'égard
de son supérieur. C'est ainsi que saint Paul a
repris saint Pierre: Céphas étant venu à
Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il
était répréhensible; car bien que saint Pierre
eût à peine commis un péché véniel en cette
occasion, néanmoins saint Paul le reprit à
cause des graves conséquences que pouvait
avoir sa faute, «et pour que le premier en
dignité fût aussi le premier en humilité,» «La
différence d'opinions sur une même chose n'a
jamais nui à l'amitié entre honnêtes gens.»
Mais celui qui corrige doit être juste, c'est-à-
dire irrépréhensible; sinon, on pourrait lui
1966 (Ms. p. recto)
1967 Cf. supra, p. 189.
1968 Ps. I, 6.
1969 Matt., XVIII, 15.
1970 Vers. 11.
1971 S. Gregor. Mag., Homil. in Ezech., 1. II, hom. VI, § 9.
1972 Cf. S. Thom., IIa IIæ, qu. XXIX, art. III.
1973 Lucæ, IV, 23.
1974 Vers. 5.
246/342

25.7 Page 247

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Si sal evanuerit1975, etc. 3. Reg. 71976: les
mouchettes d'or.
Causa materialis sunt peccata mortalia,
nam per hæc tantum frater perditur: medicus
non pro omni levissimo dolore dat medicinam,
nec pro culicis morsu. Quo loco
reprehenduntur quidam importuni correctores,
ut Pharisasi: Quare discipuli tui, etc., non enim
lavant manus cum panem manducant1977.
Neque vero satis est esse peccata mortalia, sed
debent esse corrigibilia, [316] id est, sperare
debemus ea posse per reprehensionem corrigi;
nam, si frater adeo perditus est ut nolit corrigi,
relinquendus est. Ut Christus Dominus
Nazarenos heri reliquit1978, et dimittit cæcos et
duces cæcorum1979, et Judam.
Cum autem peccata venialia sunt valde
periculosa vel nimis frequentia, illisque nimis
addictus est frater, possumus eum corripere,
non tamen tenemur. Abraham, Gen. 151980,
aves abigebat a sacrificio; et etiam muscas
abigunt a mensa regum et principum: sic inter
religiosos et eos qui ad perfectionem tendunt,
etiam muscæ abigendæ, perdunt enim
suavitatem unguenti1981.
Formalis, id est, forma corrigendi, est:
1°. ut observentur gradus, neque statim
caustica et flammea remedia adhibeas; sed, si
sufficiunt lenia et levia, non adhibeas majora.
2o. Res debet fieri cum compassione:
Quis infirmatur et ego non infirmor? quis
scandalizatur et ego non uror? 2. Cor. II1982.
Omnibus omnia factus sum1983, materno
affectu. Corripiet me justus in misericordia et
increpabit me, oleum autem peccatoris non
impinguet caput meum; [Ps.] 1401984. Oleum
peccatoris, [317] semen, ros, id est, oleum
veneni, Hebraice. Qu'on ne me donne point du
miel d'Heraclee1985. Oleum et vinum
infundenda in vulnus1986. Rom. 141987:
répondre: Médecin, guéris-toi toi-même. Que
le juste me reprenne. Si le sel perd sa force,
etc...
La cause matérielle, [ou la matière de
la correction fraternelle,] c'est le péché mortel,
car c'est par ce péché seulement que notre frère
se perd: le médecin ne donne pas de remède
pour le moindre malaise, pour la piqûre d'un
moucheron. Ce passage condamne les
censeurs importuns, tels que les Pharisiens:
Pourquoi vos disciples, etc., car ils ne se lavent
pas les mains pour [316] manger du pain. Et il
ne suffit pas que les péchés soient mortels, il
faut qu'il soit possible de les corriger, c'est-à-
dire que nous puissions espérer que notre
correction produira l'amendement [de celui
que nous reprenons]. Si, en effet, ce frère est
tellement corrompu qu'il ne veuille se corriger,
il mérite d'être abandonné, comme le Christ
Notre-Seigneur abandonna hier les habitants
de Nazareth, comme il abandonne les aveugles
et les conducteurs d'aveugles, et Judas.
Si les péchés sont véniels, mais très
dangereux ou très fréquents, et que notre frère
y soit fortement attaché, nous pouvons le
reprendre, mais nous n'y sommes pas tenus.
Abraham éloignait les oiseaux de la victime;
on chasse même les mouches de la table des
rois et des princes: ainsi entre les religieux et
ceux qui tendent à la perfection, on doit
chasser même les mouches, car elles gâtent la
suavité du parfum.
Quant à la cause formelle, c'est-à-dire
la correction en elle-même, 1. il faut procéder
graduellement, ne pas appliquer d'abord les
caustiques et le feu, et si les remèdes doux et
légers suffisent, ne pas en employer de
violents.
2. Faire la réprimande avec
compassion: Qui est infirme sans que je sois
1975 Matt., V, 13.
1976 Vers. 49.
1977 Matt., XV, 2.
1978 Lucæ, IV, 30.
1979 Matt., XV, 14.
1980 Vers. 11.
1981 Eccles., X, 1.
1982 Vers. 29.
1983 I Cor., IX, 22.
1984 Vers. 5.
1985 Cf. supra, p. 382.
1986 Lucæ, X, 34.
1987 Vers. 1.
247/342

25.8 Page 248

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Infirmum in fide suscipite. Gal. 61988: Fratres,
et sipræoccupatus fuerit homo in aliquo
delicto, vos qui spirituales estis, hujusmodi
instruite in spiritu lenitatis, considerans
teipsum ne et tu tenteris. In Arca, tabulæ,
virga, manna1989; in corrigente debet esse Lex,
debet enim esse justus, manna mellitum et
virga correctionis. Virga Aaron florida, virens,
fructuosa1990; correctionis virga amoena debet
esse et fructuosa, utilis; mel et lac sub lingua,
favus distillans1991.
3o. Prudenter, discretion. In tempore:
sic, ait Gregorius1992, expectavit Abigail,
donec deferbuerit vinum Nabal; I. Reg. 251993.
Qui hominem corripit dum est iratus, c'est
vouloir mettre un'escluse a un torrent deborde;
il faut attendre que les eaux soyent basses. Un
cheval en rage. Omnia tempus habent1994.
In persona; Gregorius, [in Job, c.]
361995, regulas affert. Superior aut senior,
humiliter. 1. Tim. 51996: Seniorem te ne
increpaveris, sed obsecra ut patrem. David
cytara spiritum Saulis temperabat1997. Inferior
paulo districtius, [318] ut partim amet et partim
timeat. Sapientes seculi corrigendi ut discant
nescire quæ sciunt, alii ut discant scire quæ
nesciunt. Arrogantes, fortiter; timidi,
humanissime.
In modo. Nathan1998 brachium mulcet,
ligat, alibi visum sui ægroti distorquet; tum,
apostema secat. Ut ille chirurgus, de quo
Seneca, 1. 3. de Ira1999, qui filiam regis
(Dominus Bellicensis ait2000 fuisse filiam
Augusti) mammilla laborantem, scalpello
percussit abdito intra spongiam qua apostema
mollire videbatur: fomenter pour l'amolir. Sic
mulier Thecuitis2001. Beatus Ægidius et alter
concionator2002. Subter te sternetur tinea, et
infirme? qui est scandalisé sans que je brûle?
Je me suis fait tout à tous, avec une affection
maternelle. Que le juste me reprenne dans sa
bonté, et il me corrigera, mais que l'huile du
pécheur ne parfume pas ma tête. L'huile du
[317] pécheur, semence, rosée, c'est-à-dire
huile empoisonnée, selon l'hébreu... Il faut
verser de l'huile et du vin sur la plaie. Recevez
celui qui est faible dans la foi. Mes frères, si un
homme est tombé par surprise en quelque
faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en
esprit de douceur, chacun de vous se
considérant soi-même, de peur qu'il ne soit
aussi tenté. Dans l'Arche se trouvaient les
tables de la Loi, la verge, la manne; en
reprenant le prochain on doit avoir la Loi, c'est-
à-dire être juste, la manne douce comme le
miel, et la verge de la correction. La verge
d'Aaron était couverte de fleurs, de feuilles et
de fruits; la verge de la correction doit être
douce, fructueuse, utile; miel et lait sous la
langue, un rayon qui distille le miel.
3. Avec prudence, discrétion. Quant au
temps: saint Grégoire fait remarquer
qu'Abigaïl attendit que l'ivresse de Nabal fût
passée. Corriger un homme en colère, c'est
vouloir mettre une écluse à un torrent débordé;
il faut attendre que les eaux soient basses...
Toutes choses ont leur temps.
Quant à la personne [qui a besoin de
correction], saint Grégoire donne des règles à
ce sujet. Reprendre avec humilité un supérieur
ou quelqu'un de plus âgé que soi. Ne reprends
point durement un homme plus âgé que toi,
mais supplie-le comme s'il était ton père.
David apaisait l'esprit de Saül par le son de la
harpe. Reprendre un inférieur avec plus de
fermeté, afin d'en être à la [318] fois aimé et
craint. Il faut corriger les sages du siècle de
1988 Vers. 1.
1989 Heb., IX, 4.
1990 Num., XVII, 8.
1991 Cant., IV, 11.
1992 Homil. in Ezech., 1. I, hom. XI, § 14.
1993 Vers. 37.
1994 Eccles., III, 1.
1995 Vers. 18, 21; et ubi supra. Cf. S. Greg. Nazianz., orat. XXXII (olim XXVI), §§ 29, 30.
1996 Vers. 1.
1997 I Reg., XVI, ult.
1998 II Reg., XII, 1-13.
1999 Cap. XXXIX.
2000 Homil. Quadrag., hom. XVIII.
2001 II Reg., XIV, 4-21.
2002 Dicta B. Ægid., c. IV. (Acta Sanct., die 23 Aprilis.)
248/342

25.9 Page 249

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operimentum tuum erunt vermes2003. O mira
charitatis ars! Benigna est, patiens est2004.
Archelaus, vel Agesilaus, tonsori garrulo
petenti: «Quomodo radam» vel tondebo?
«Silendo2005.» Optimus et facilis modus
corrigendi. Sanctus Franciscus prædicavit
tacens2006, etc. De Simeone Stilite, cujus
imagines videbantur corrigere videntes2007.
[319]
telle sorte qu'ils apprennent à ignorer ce qu'ils
savent; les autres, de manière à leur apprendre
ce qu'ils ignorent. Il faut corriger les arrogants
avec force, les timides avec le plus de bonté
possible.
Pour la manière. Nathan amollit le bras,
le lie, en détourne les regards du malade et
alors ouvre l'abcès. Tel le médecin dont parle
Sénèque au liv. III de la Colère, lequel traitant
la fille d'un roi, cacha son scalpel dans une
éponge dont il feignit de frictionner le mal, et
lui ouvrit ainsi l'abcès qu'elle portait au sein.
(Monseigneur de Belley dit qu'il s'agit ici de la
fille d'Auguste.)... La femme de Técua en fit de
même. Le bienheureux Frère Gilles et l'autre
prédicateur. La pourriture sera ta couche et les
vers seront ta couverture. Industrie admirable
de la charité! Elle est douce, elle est patiente.
Archélaiis ou Agésilas répondant à son
coiffeur qui jasait trop et lui demandait:
«Comment vous raserai-je» ou vous tondrai-
je? «Eu te taisant,» dit-il. Excellent et facile
moyen de corriger. Saint François prêchait en
gardant le silence, etc. Citer saint Siméon
Stylite dont les images seules semblaient
corriger ceux qui les voyaient. [319]
2003 Is., XIV, 11. (Vide infra, Serm. CXLIV, circa med.)
2004 I Cor., XIII, 4.
2005 Plut., in opusc. De nimis loquendo, circa medium; de Archelao.
2006 Cf. Les Entretiens, tom. VI huj. Edit., p. 133.
2007 Cf. Acta Conc. Gen. Nic. II, actio IV. ante med.
249/342

25.10 Page 250

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CXXXVI. Plan d'un sermon pour le mercredi après le troisième
Dimanche de Carême
1er mars 1617
(INÉDIT)
2008FERIA QUARTA POST DOMINICAM
TERTIAM
MERCREDI APRÈS LE TROISIÈME
DIMANCHE
Quare discipuli tui transgrediuntur
traditiones seniorum?
MATH. 15. v. 2.
Dominus arguit hic istos hipocritas
quod traditiones quasdam urgerent
superstitiose, et quasdam etiam dedissent
contrarias Verbo Dei. Bonas ergo esse
traditiones, a contrario sensu, quæ non
repugnant, imo conformes sunt Verbo Dei,
indicat. Qua occasione brevem vobis tractatum
de Traditionibus faciam.
Tota doctrina Christiana primo et per se
Traditio est. Nam Christianæ doctrinæ
Christus Dominus author fuit: at [1.] ipse nihil
omnino scripsit, nisi pauca quædam cum [320]
mulierem adulteram absolveret; quæ quidem
nos nescire voluit, et ideo scripsit in terra (Jo.
82009). 2. Sed neque prsecepit quicquam scribi,
nisi quae volebat scire Episcopos Asiæ (Apoc.
12010). 3. Unde doctrinam suam non
Eugraphium sed Evangelium nominavit2011, et
prædicatione potissimum tradi mandavit; non
enim unquam dixit: Scribite Evangelium omni
creaturæ, sed: Prædicate2012.
4. Hinc fidem non ex lectione sed ex
auditu generari ait, tum ipse, dicens: Qui vos
audit, me audit, Luc. 102013, et en cent lieux
(Qui habet aures audiendi audiat2014. Hinc
Pater: Ipsum audite2015), tum Apostolus, Rom.
102016: Fides ex auditu, auditus autem per
Pourquoi vos disciples transgressent-
ils les traditions des anciens?
Dans ce passage, le Seigneur reproche
à ces hypocrites d'exagérer superstitieusement
certaines traditions et d'en avoir établi d'autres
qui étaient contraires à la Parole de Dieu. Il
montre donc par là qu'il est des traditions qui
sont bonnes et ne sont nullement contraires à
la Parole de Dieu. A cette occasion, je vous
ferai brièvement un discours sur les Traditions.
D'abord et en elle-même toute la
doctrine chrétienne est Tradition. C'est, en
effet, le Christ Notre-Seigneur qui est l'auteur
de la doctrine chrétienne: or, [1.] lui-même n'a
rien écrit, si ce n'est quelques caractères
lorsqu'il absolvait [320] la femme adultère;
caractères qu'il n'a pas même voulu que nous
connussions, et que, pour ce motif, il traça sur
la terre. 2. Bien plus, il n'a pas ordonné
d'écrire, si ce n'est ce qu'il voulait apprendre
aux Evèques d'Asie. 3. C'est pour cela qu'il a
appelé sa doctrine non Eugraphie mais
Evangile, et qu'il a commandé de la
transmettre surtout par la prédication; car il n'a
jamais dit; Ecrivez l'Evangile à toute créature,
mais il a dit: Prêchez.
4. Par conséquent la foi provient non de
la lecture, mais de l'audition. Jésus-Christ nous
l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute
m'écoute, et en cent lieux (Que celui qui a des
oreilles pour entendre, entende. De là cet ordre
2008 (Ms. p. 235, verso)
2009 Vers. 8.
2010 Vers. 11.
2011 Citatur ex Possevino, vide Les Controverses,tom. l hujus Edit., p. 199.
2012 Marc., ult., 15.
2013 Vers. 16.
2014 Matt., XI, 15, XIII, 9, 43.
2015 Ibid., XVII, 5.
2016 Vers. 17, 18; Ps. XVIII, 5.
250/342

26 Pages 251-260

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26.1 Page 251

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verbum Dei; In omnem terram exivit sonus
eorum. 5. Sic etiam Paulus, 2. Thess. 22017:
Tenete Traditiones quas didicistis, sive per
sermonem sive per Epistolam nostram. 1. ad
Tim. ult.2018: O Thimothee, depositum custodi,
devitans prophanas vocum novitates et
oppositiones falsi nominis scientiæ. Hæretici
depositum gratiam Dei interpretantur, quam
Timoteus accepit ut recte officium suum
exequeretur; at quam insipienter et male, verba
sequentia indicant. Opponit enim depositum
prophanis vocum novitatibus et oppositionibus
falsi [321] nominis scientiæ. Audiendi Patres,
inter quos belle Vincentius Lirinensis2019.
Judas in Epistola2020: Charissimi, omnem
sollicitudinem faciens scribendi vobis de
communi vestra salute, necesse habui scribere
vobis, deprecans supercertari semel traditæ
sanctis fidei; subintroierunt enim quidam
homines. Omnia verba emphasim habent:
supercertari, esvertuer, non solum certari, sed
graviter et vaillamment, plus quam certari;
semel, non bis; eidem omnino semper, traditæ,
traditæ.
Jam vero, tota doctrina in duas partes
dividitur, secundum verba Pauli2021: Sive per
sermonem sive per Epistolam. Nam pars revera
optima et maxime necessaria doctrinæ pars
scripta tandem esse, nemini dubium; pars
autem non scripta, sed tantum per manus
tradita est. Et nunc mihi occurrit historia 3.
Reg. 32022: mulier cujus est infans, id est,
doctrina Christiana, non vult dividi. Totum
vult Verbum Dei Ecclesia Catholica: et
Scripturas et Traditiones. At sectæ semper
volunt dividi: ut nostro tempore Gaspar
Svenfeldius et Libertini nolebant Scripturas;
Calvinistæ nolunt Traditiones. Hæc nota
propemodum in omnibus; partem volunt et
[322] partem abjiciunt: figuram, signum, non
rem ; imputationem, non gratiam; fidem, non
opera; remissionem, non absolutionem;
administrationem, non episcopatum;
orationem immediatam, non mediatam.
Sed aiunt: Nonne sufficiunt Scripturæ?
nonne sunt satis superque? Sane nollem, cum
du Père: Ecoutez-le); et aussi son Apôtre: La
foi vient par l'ouïe, et l'ouïe par la parole de
Dieu. Leur bruit s'est répandu dans toute la
terre. 5. Ainsi encore saint Paul: Gardez les
Traditions que vous avez apprises soit par nos
discours, soit par notre Epître. O Timothee,
garde le dépôt, évitant les profanes nouveautés
de paroles et les contradictions de la fausse
science. Si l'on en croyait les hérétiques, ce
dépôt serait la grâce de Dieu que Timothée
reçut pour bien remplir ses fonctions; mais les
mots suivants montrent toute la sottise, toute la
fausseté de cette interprétation. Saint Paul en
effet oppose ce dépôt aux profanes nouveautés
de paroles et aux contradictions de la fausse
science. Ecouter les [321] Pères, et entre tous
Vincent de Lérins qui traite si bien ce point.
Saint Jude dit dans son Epître: Mes bien-aimés,
me sentant pressé de vous écrire touchant
votre salut commun, j'ai dû vous écrire afin de
vous supplier de combattre vigoureusement
pour la foi qui a été une fois transmise aux
saints; car quelques hommes impies se sont
introduits parmi vous. Tous les mots sont
énergiques: combattre vigoureusement,
s'évertuer, non seulement combattre, mais
combattre avec vigueur et vaillamment, faire
plus que combattre; [transmise] une fois, pas
deux; pour la foi toujours absolument la même,
transmise par la Tradition, par la Tradition.
Ainsi donc, d'après les paroles de saint
Paul, toute la doctrine se divise en deux
parties: Soit par nos discours, soit par notre
Epître; car la partie de la doctrine la meilleure
et la plus nécessaire, est après tout la partie
écrite, personne n'en doute. Néanmoins [nous
devons ajouter foi] à l'autre partie, qui n'est pas
écrite, mais qui seulement a été transmise
comme de main en main. L'histoire racontée au
IIIe Livre des Rois, chap. III, me vient
présentement en mémoire: la femme à qui
appartient l'enfant, c'est-à-dire la doctrine
chrétienne, ne veut pas de partage. L'Eglise
Catholique veut toute la Parole de Dieu,
Ecritures et Traditions. Les sectes, au
contraire, veulent toujours diviser; il en est
2017 Vers. 14.
2018 Vers. 20.
2019 Commonitor. I, cc. XXI, XXII.
2020 Vers. 3, 4.
2021 Ubi pag. præced.
2022 Vers. 16-28.
251/342

26.2 Page 252

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illustrissimis et doctissimis quibusdam
viris2023, dicere non sufficere. Sufficiunt ipsse,
sed nos non sumus sufficientes doctrinam
Catholicam ex solis Scripturis, per se sumptis,
haurire. Nam, nonne omnes hæretici habuerunt
Scripturas, imo et Hebrei et alii? et tamen non
crediderunt, imo erraverunt. Ergo Traditiones
necessariæ sunt; nam velle jam Spiritu dictante
haurire doctrinam, omnino insanum est et «tot
sensus quot capita2024» haberemus. Ergo
depositum videndum, semel tradita sanctis
fides sequenda, Ecclesia quæ est depositaria
audienda. Ipsa vero non inventione, sed fideli
conservatione doctrinae utitur. Sufficit
Ecclesia quia Scripturas dat; sufficit Traditio
quia [323] Scripturas commendat; sufficiunt
Scripturæ quia Ecclesiam et Traditionem
commendant. Ecclesia est veluti columba,
habens duas alas: Scripturam et Traditionem.
Traditione autem indiget Ecclesia: 1°.
ut Scripturas aliquas esse doceret; nam, unde
constat nisi Ecclesiæ testimonio, quæ hanc
traditionem accepit? Aut ergo Scriptura non
facit fidem, aut Traditio facit fidem.
2°. Ut numerum Librorum
canonicorum sciamus. Nam, verbi gratia,
Apostolus scripsit Epistolam ad Laodicenses
(Coloss. ult.2025), et circumfertur; aiunt autem
et eum scripsisse ad Senecam2026. Deinde, in
Epistola Judas2027 fit mentio prophetiæ Enoch,
ubi Gebennenses notant2028: «Cette prophetie
d'Henoc n'est point en la Bible, ains a este
baillee de main a main par les peres aux enfans,
comme plusieurs autres choses.»
Et sic Apostolus, Hebr. 52029: De quo
grandis nobis est sermo, ininterprætabilis ad
dicendum, quia imbecilles facti estis ad
audiendum. Hermetis sive Pastoris;
Nazareorum; Thomæ.
20303°. Ad sensum Scripturæ
eliciendum; nam hæretici fiunt «dum
ainsi de notre temps: Gaspard Swenfeld et les
Libertins ne voulaient pas des Ecritures; les
Calvinistes ne veulent pas de la Tradition. Et
ce caractère [322] se retrouve, pour ainsi dire,
en tout; les hérétiques admettent certains
points et en rejettent d'autres: ils voudraient la
figure, le signe, et non la réalité; l'attribution,
non la grâce; la foi, mais non les œuvres; la
rémission, et non l'absolution des péchés;
l'administration, mais non l'épiscopat; la prière
adressée directement à Dieu, mais non la
médiation des Saint6.
Mais, disent-ils, les Ecritures ne
suffisent-elles pas? ne sont-elles pas
suffisantes et surabondantes? Assurément, je
ne voudrais pas dire avec de très illustres et très
doctes personnages qu'elles ne suffisent pas,
Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons
pas à puiser la doctrine catholique dans les
seules Ecritures, prises isolément. Voyez tous
les hérétiques, les Hébreux eux-mêmes et
d'autres, n'ont-ils pas eu l'Ecriture? Et pourtant,
ils n'ont pas cru; bien plus, ils sont tombés dans
l'erreur. La Tradition est donc nécessaire; et
l'idée de vouloir puiser la doctrine au souffle
de l'Esprit-Saint est tout-à-fait insensée; on
attribuerait [aux Ecritures] «autant de
significations qu'il y a de têtes.» Il faut donc
étudier ce dépôt, suivre les enseignements de
la foi transmise une fois pour toutes aux saints,
écouter l'Eglise qui en est la dépositaire. Elle
n'invente pas la doctrine, elle la conserve
fidèlement. L'Eglise suffit, parce qu'elle nous
donne l'Ecriture; la Tradition suffit, parce
qu'elle [323] recommande l'Ecriture; l'Ecriture
suffit, parce qu'elle recommande et l'Eglise et
la Tradition. L'Eglise est comme la colombe:
elle a deux ailes, l'Ecriture et la Tradition.
Mais l'Eglise a besoin de la Tradition:
1. pour savoir qu'il existe des Ecritures; car,
comment le saurions-nous sans le témoignage
de l'Eglise qui a reçu cette tradition? Ainsi
2023 Le Saint semble faire allusion à la fameuse controverse entre Du Perron et Tilénus. L'Evèque d'Evreux ayant parlé
de «l'insuffisance des Ecritures,» les Calvinistes se prévalurent de ces mots qui avaient besoin d'explication, et
voulurent en tirer avantage sur les Catholiques. Voir dans la Préface des Controverses (tome I de cette Edition, note
(142), p. CXXV) la manière dont saint François de Sales envisageait cette question.
2024 Cic., De Fin., 1. I, c. V; alii.
2025 Vers. 16.
2026 Cf. S. Hieron., De Viris illustr., c. XII.
2027 Vers. 14, 15.
2028 Bible... de Geneve.
2029 Vers. 11.
2030 (Ms. p. 236, recto)
252/342

26.3 Page 253

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Scripturæ bonæ intelliguntur non bene2031
[324]
donc, ou l'Ecriture ne fait pas foi, ou la
Tradition fait foi.
2. Pour nous apprendre le nombre des
Livres canoniques. Ainsi, par exemple,
l'Apôtre a écrit une Epître aux Laodicéens (il
le dit aux Colossiens), et on la fait circuler. On
prétend aussi qu'il a écrit à Sénèque. De plus,
l'Epître de saint Jude mentionne la prophétie
d'Hénoch. A ce sujet les pasteurs de Genève
donnent la note suivante: [Reprendre au texte,
lig. 13.]
Voir en outre ce passage de l'Apôtre
aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui
nous avons de grandes choses à dire, et
difficiles a expliquer, parce que vous êtes
devenus incapables de les entendre. Que
penser du livre d'Hermès ou du Pasteur, de
l'Evangile des Nazaréens, de celui de saint
Thomas?
3. Pour expliquer le sens des Ecritures;
car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise
interprétation des bonnes Ecritures.» [324]
2031 S. August., Tract. XVIII in Joan., § 1. Cf. supra, p. 250.
253/342

26.4 Page 254

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CXXXVII. Plan d'un sermon pour le jeudi après le troisième
Dimanche de Carême
3 mars 1617
(INÉDIT)
2032FERIA QUINTA POST DOMINICAM
TERTIAM
JEUDI APRÈS LE TROISIÈME
DIMANCHE
Surgens Jesus de sinagoga, intravit in domum
Simonis: socrus autem Simonis tenebatur
magnis febribus.
[Lucæ, IV, 38.]
Heri relicta de Traditionibus nunc
breviter tradenda sunt; neque extra propositum
erunt, nam inter Traditiones Ecclesiasticas
illustrissima est illa de cælibatu sacerdotum, de
qua omnino in introitu Evangelii tractandum
etiam fuerat. Sed Deum præcemur.
Notastis, opinor, me non extendisse
sermonem ad traditiones quibus omnino innixa
fuit religio usque ad [325] Moysen, qui primus
scriptorum fuit, neque ad traditiones quæ erant
inter Hebræos, nam id nimis longum fuisset.
Restrinxi itaque sermonem ad doctrinam
Christianam, quam initio dixi non scriptam sed
traditam; et quamvis postea scripta fuerit, non
tamen tota scripta fuit. Id enim fateri cogit [1°.]
quod Scripturas habeamus; nam nos habere
non nisi per Traditionem scimus.
2°. Quod tali numero habeamus; nam
quomodo scimus Epistolam ad Laodicenses et
Epistolas ad Senecam non esse veras Pauli
Epistolas, nisi Traditione? Deinde, Apostolus
ipse, Heb. 52033: De quo grandis nobis est
sermo, ininterprætabilis ad dicendum. Qu'est
devenue cette grande parole, ce propos si
long? Nos Catholici satis scimus; nimirum de
figura Christi in Sacramento altaris, de qua
figura tota pene antiquitas loquitur.
3o. Ad sensus Scripturæ eruendos. Nam
nunquam. pertinaciam hæreticorum
convincere possemus, nisi per Traditionem;
unde et ipsi oderunt Traditiones. Sane Arriani
mille annis in suo illo consensu perstitissent
Jésus étant sorti de la synagogue, entra
dans la maison de Simon, dont ta belle-mère
avait une grosse fièvre.
Nous traiterons brièvement aujourd'hui
les points que nous avons omis hier concernant
la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre
plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus
importantes Traditions de l'Eglise, et il nous
fallait nécessairement en parler au début de
notre Evangile. Mais prions Dieu.
Vous aurez remarqué, je pense, que je
ne suis pas remonté jusqu'aux traditions qui
nécessairement étayaient la religion jusqu'à
Moïse, le premier [325] écrivain sacré, ni aux
traditions qui régnaient parmi les Hébreux,
c'eût été trop long. J'ai limité mon sujet à la
doctrine chrétienne et j'ai montré qu'au début
elle avait été transmise par la Tradition, non
par l'Ecriture; et bien que dans la suite elle ait
été écrite, elle ne l'a pas été en entier. Nous
sommes contraints à faire cet aveu par le fait
même, [1.] que nous possédons les Ecritures;
car sans la Tradition, nous ne saurions pas que
nous avons les Ecritures.
2. Que nous en avons tel nombre; car
comment savons-nous que l'Epître aux
Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas
de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la
Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-
même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous
avons de grandes choses à dire, et difficiles à
expliquer. Qu'est devenue cette grande parole,
ce propos si long? Nous Catholiques, en
sommes suffisamment instruits: Melchisédech
était la figure du Christ instituant le Sacrement
de l'autel, figure dont parle toute l'antiquité.
2032 (Ms. p. 236, recto)
2033 Vers. 11.
254/342

26.5 Page 255

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nisi accessisset authoritas Patrum et
Apostolorum per Traditionem. Sane pauca
sunt admodum quæ non ex Scripturis eruantur
supposita Traditione; non supposita, nihil
[326] propemodum erui potest certo. Vide
doctrinam Epiphanii2034, supra, fol. 1572035.
4o. Ad Sacramentorum formam,
numerum, matenam, ritus. Nam Apostolus ait,
I. Cor. 112036: Cætera cum venero disponam;
ubi tamen multa disposuerat scriptis.
5° Leges.Verbi gratia, de Sabatho in
diem Dominicum transferendo, de die
Paschatis, de Quadragesima, de sanguine et
suffocato post aliquot (sic) tempus
manducando, Act. 152037. Gebennenses2038:
Quant a l'estouffe et au sang ce n'estoit chose
illicite d'elle mesme, et pourtant ç'a este un
commandement temporel.
At viguit etiam tempore Tertulliani, ut
videre est apud eum in Apologetico2039 (ubi
pulcra observatio de infanticidio). De cælibatu
sacerdotum antiquissimo, propter mille causas.
6°. Differentia Ecclesiasticarum
Traditionum. Et quidem omnes eo honore
habendæ sunt quo docet Ecclesia.
7o. Notandum nullas unquam esse
contrarias Scripturis, nam ab eodem Deo
proficiscuntur; imo conformes. [327] Unde et
de Traditionibus dici potest: Scrutamini
Scripturas; illai testimonium perhibent2040 de
Traditionibus et de Ecclesiæ infallibili
authoritate. Hinc nihil addunt, sed explicant; et
ut de mirra et balsamo extrahunt liquorem non
cultro ferreo, sed vitro, lapide, osse, ebore, alio
ligno. Ut apes e floribus extrahunt mel; at
hæretici extrahunt fel et venenum, ut araneæ.
Non quod ibi sit venenum, sed quod ipsæ (sic)
sensum in venenum convertant. Habent
Moysem et Prophetas, ipsos audiant2041:
audire est quidem obedire, sed obedire
loquenti; audire Moysen est audire doctores
Moysis Libros interpretantes.
3. [La Tradition est encore nécessaire]
pour éclaircir le sens des Ecritures. Sans la
Tradition, nous ne pourrions jamais confondre
l'opiniâtreté des hérétiques; aussi haïssent-ils
la Tradition. Si, par la Tradition, on n'eût
allégué l'autorité des Pères et des Apôtres, sans
doute les Ariens fussent restés mille ans dans
leur erreur obstinée. Evidemment, si l'on
admet la Tradition, il y a très peu de vérités que
l'on ne puisse tirer de l'Ecriture; mais sans la
[326] Tradition, on n'en peut presque rien tirer
de certain. Voir plus haut, folio 157,
l'enseignement de saint Epiphane.
4. Pour la forme, le nombre, la matière,
le rite des Sacrements. L'Apôtre ne dit-il pas,
en effet: Quant aux autres choses, lorsque je
serai venu je les réglerai? Il avait pourtant
réglé bien des choses par écrit.
5. Pour les lois. Par exemple, la
translation du Sabbat au Dimanche, le jour de
la Pâque, le Carême, la permission après un
certain temps, d'user du sang des animaux et
des chairs de l'animal étouffé. Les pasteurs de
Genève disent dans leur bible: [Reprendre au
texte, lig. 9.]
La prohibition de ces aliments était
encore en vigueur au temps de Tertullien,
comme on peut le voir dans son Apologétique
(où l'on trouve le beau passage sur
l'infanticide). La loi très ancienne sur le célibat
des prêtres motivée par mille causes.
6. Pour établir la différence entre les
diverses traditions ecclésiastiques que nous
devons néanmoins toutes respecter, mais dans
la mesure indiquée par l'Eglise.
7. Nous devons remarquer que nulle
tradition ne contredit à l'Ecriture (car l'une et
l'autre viennent du même Dieu); toutes les
traditions au contraire sont [327] conformes à
l'Ecriture. Aussi peut-on appliquer à la
Tradition ce texte: Scrutez les Ecritures; ce
sont elles qui rendent témoignage à la
2034 Hæres. XLI (al. LXI), alibi.
2035 Le folio mentionné ici appartenait à la série des sermons sur le Benedictus, prêchés à Grenoble pendant l'Avent
de 1616, et devait remonter à la première semaine de cette station. Pour s'en assurer, on remarquera que notre pièce
CXIV reproduit la page 152 du Ms. de Turin, et que tous les feuillets intermédiaires jusqu'à la page 163 exclusivement
(voir n° CXV) ne nous sont pas parvenus.
2036 Vers. ult.
2037 Vers. 20.
2038 Bible... de Geneve, in locum.
2039 Cap. IX.
2040 Joan., V, 39.
2041 Lucæ, XVI, 29.
255/342

26.6 Page 256

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Ergo cum Christo maneamus in domo
Simonis et Andreæ; ibi Christus curat
febricitantes. Est calor extraneus et contra
naturam. O quot febricitantes video ostendere
mihi pulsum, oculos, linguam!
Traditiones et Scripturæ se habent ut
excedentia et excessa. Nam Scripturæ superant
in eo quod omnia in eis sint canonica, etiam
puncta; ut constat ex eo quod Arriani
transponere volebant punctum: In principio
erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et
Deus [328] erat. Verbum hoc2042, etc. Super
hoc puncto moriendum. Sic de fide est canem
Tobiæ habuisse caudam2043. At Traditiones
dum sensus et conclusio sint idem, nihil refert
de verbis. Traditiones autem superant in eo
quod ab hæreticis non possint falsificari. [329]
Tradition et à l'autorité infaillible de l'Eglise.
La Tradition n'ajoute donc rien, elle procède à
la manière de ceux qui extraient la liqueur de
la myrrhe et du baume, non pas avec un
couteau de fer, mais avec du verre, de la pierre,
de l'os, de l'ivoire, ou un autre bois; de même
que les abeilles tirent le miel de la fleur; mais
les hérétiques, semblables à des araignées,
tirent de l'Ecriture fiel et poison, non pas que
l'Ecriture contienne du poison, mais parce
qu'ils en convertissent le sens en poison. Ils ont
Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent:
écouter, c'est en réalité obéir, mais obéir à une
personne qui parle; écouter Moïse, c'est
écouter les docteurs qui interprètent les Livres
de Moïse.
Demeurons donc avec le Christ dans la
maison de Simon et d'André; là, le Christ
guérit ceux qui ont la fièvre. Il existe une
chaleur étrangère et contre nature. Combien je
vois de fébricitants qui me présentent le pouls,
les yeux, la langue!
La Tradition et l'Ecriture ont, sous
certains rapports, avantage et désavantage
l'une à l'égard de l'autre. L'Ecriture l'emporte
en ce que tout en elle est canonique, même la
ponctuation. L'erreur des Ariens en est la
preuve; ils voulaient changer de place le point
en ce texte: Au commencement était le [328]
Verbe, et le Verbe était en Dieu, et Dieu était.
Ce Verbe, etc. Nous devons être prêts à mourir
pour maintenir ce point là où il doit être. Ainsi,
c'est de foi que le chien de Tobie avait une
queue. Quant à la Tradition, pourvu que le sens
et la conclusion soient les mêmes, peu
importent les mots. La Tradition l'emporte [sur
l'Ecriture] en ce qu'elle ne peut être falsifiée
par les hérétiques. [329]
2042 Joan., I, 1. (Cf. Les Controverses, tom. I hujus Edit., p. 152.)
2043 Tobiæ, XI, 9.
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26.7 Page 257

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CXXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième
Dimanche de Carême 2044
6 mars 1617
(INÉDIT)
2045FERIA SECUNDA POST DOMINICAM
QUARTAM
LUNDI APRÈS LE QUATRIÈME
DIMANCHE
Auferte ista hinc, et nolite facere domum
Patris mei domum negociationis.
[JOAN., II, 16.]
Num. 15. v. [32-]35; colligens ligna in
die Sabathi jubente Domino lapidibus
obruitur. Et quidem, Ex. 31. v. 14,
præcipiebatur ut deleretur de populo qui
Sabathum violaret, tamen Moyses et Aaron
nesciebant quid facere [330] de hoc colligente
ligna; sive quia parva videbatur transgressio,
sive quia nesciebant quo genere mortis puniri
deberet. Dominus autem lapidandum jussit.
Terribilis sententia! 2. Reg. 62046, terribilius
factum videmus. Arca Dei e Gabaa transfertur;
boves calcitrabant et la faysoyent pancher (et
declinaverunt eam). Et percussit illico
Dominus Ozam super temeritate, et mortuus
est ibi juxta Arcam. Terribilior adhuc, 4. Reg.
22047, cum iret Helizeus ex Hiericho in Bethel;
de 42 pueris devoratis ab ursis quia calvum per
injuriam
appellaverant
Prophetam.
Emportez cela d'ici, et ne faites pas de
la maison de mon Père une maison de trafic.
Il est raconté dans le Livre des
Nombres qu'un homme ramassait du bois le
jour du Sabbat; sur l'ordre du Seigneur, il fut
lapidé. En effet, il était déjà ordonné dans
l'Exode de retrancher du peuple tout violateur
du Sabbat; Moïse et Aaron ne savaient
toutefois quelle peine infliger à cet homme qui
[330] ramassait du bois, soit que cette
violation de la Loi leur parût légère, soit qu'ils
ne sussent de quel genre de mort la punir. Mais
le Seigneur ordonne de lapider cet homme.
Terrible sentence! Dans le IIe Livre des Rois,
nous voyons un fait bien plus terrible. On
transportait de Gabaa l'Arche de Dieu; les
bœufs regimbaient et la faisaient pencher. A
l'instant, le Seigneur frappa Oza à cause de sa
témérité, et il mourut là auprès de l'Arche. Plus
terrible encore est le châtiment relaté au chap.
n° du IVe Livre des Rois: Elisée se rendait de
2044 Le sermon du quatrième Dimanche de Carême, qui devait occuper le feuillet 237, ne nous est pas parvenu; mais
on peut en deviner le sujet par des notes écrites de la main de Mgr Jean-François de Sales au recto du feuillet 238. On
a dû observer, en effet, que ce prélat avait coutume d'ajouter à la suite des sermons de son frère des extraits se
rapportant aux matières développées par le Saint. C'est ce qui donne un réel intérêt à l'addition suivante:
«Visio Joannis, Apocal., 1: Vidit Angelum similem Filio hominis, id est, Filio Dei incarnato. Inter septem candelabra,
id est, qui præsidet Ecclesiæ universæ, sed specialiter et præcipue Ecclesiis Asiæ de quibus fit mentio in Apocalipsi.
Gestantem et vestitum podere, id est, tunica talari; alba, id est, humanitate omnino pura, quæ puritas designatur per
amplitudinem et descensum usque ad talos. Præcinctum zona aurea circa mammillas: zona, id est, Sancti qui adhærent
Christo; circa mammillas, ad denotandum puritatem cogitationum necessariam in nova Lege, nam in veteri, secundum
Danielem, erat præcinctus Filius hominis circa renes, ad demonstrandum puritatem actionum.»
«Vision de saint Jean, Apocalypse, I: Il vit un Ange semblable au Fils de l'homme, c'est-à-dire, au Fils de
Dieu incarné. Entre les sept candélabres, c'est-à-dire qui préside à toutes les Eglises, mais spécialement et
principalement aux Eglises d'Asie, mentionnées dans l'Apocalypse. Vêtu d'une longue robe, c'est-à-dire d'une tunique
qui descendait jusqu'aux talons; blanche, c'est-à-dire que son humanité est entièrement pure, de cette pureté désignée
par l'ampleur du vêtement qui descendait jusqu'aux talons. Ceint d'une ceinture d'or, près des mamelles: la ceinture
représente les Saints qui sont unis au Christ; près des mamelles, pour signifier la pureté de pensée nécessaire dans la
nouvelle Loi, car dans l'ancienne, le Fils de l'homme, au témoignage de Daniel, était ceint autour des reins, pour
montrer la pureté d'action.»
2045 (Ms. p. 238, verso)
2046 Vers. 4-7.
2047 Vers. 23, 24.
257/342

26.8 Page 258

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Terribilissimum autem, Act. 52048, quod
contigit Ananiæ et Saphiræ. Sed nimirum
peccata sunt in religionem, quæ est regina
omnium virtutum [331] moralium; et est
constans et perpetua voluntas Deo honorem
debitum, quoad fieri potest, reddendi2049.
Miratur Sanctus Hieronymus2050
Dominum bis e Templo ejicientem et
percutientem vendentes et ementes2051.
Nunquam Dominus percussit quemquam, imo
cum caperetur neminem percuti voluit, et
Petrum percutientem repressit2052; at nunc,
magno zelo, etc.
Heu, sed nunc non venduntur in templis
oves, boves2053, etc., sed ipsa templa
venduntur: on en traitte; confidentiæ. Un tel
porte le benefice, et l'autre l'emporte; l'un est
caresme, et l'autre prenant. O abominatio
desolationis2054! Manum suam misit hostis ad
omnia desiderabilia ejus, quia vidit gentes
ingressas sanctuarium suum, de quibus
præceperat ne intrarent in sanctuarium Dei2055.
Boves arabant, et asinæ pascebantur juxta
illos2056.
Heu, quam irreverenter, nos ipsi
ecclesiastici, in ecclesia! Hieronimus de
Nepotiano ad Heliodorum2057. Vestitus noster;
mores prophani; officia male persoluta.
Similes muribus et hirundinibus, nunquam
cicurari possumus cum domino domus in qua
vivimus. Similes Nabalo et Absalon, qui
tantum gaudemus tonsura ovium2058. [332] 2.
Cor. 122059: Non quaerimus vestra, sed vos. O
quam vellem videre Ambrosios Theodosiis
imperantes, Chrisostomos Eudoxias
reprimentes, Hilarios Constantios corrigentes!
Hinc: Quomodo obscuratum est aurum,
mutatus est color ejus optimus, dispersi sunt
lapides sanctuarii in capite omnium
platearum? Filii Syon incliti, amicti auro
primo, quomodo reputati sunt inter vasa
Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent
dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils
s'étaient moqués du Prophète en l'appelant
chauve. Le plus terrible de tout est ce qui arriva
à Ananie et à Saphire. Mais il faut se rappeler
que tous ces péchés étaient opposés à la vertu
de religion, cette [331] reine de toutes les
vertus morales, qui consiste dans la constante
et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant
qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû.
Saint Jérôme s'étonne de voir le
Seigneur frapper et chasser deux fois du
Temple les vendeurs et les acheteurs. Jamais
le Seigneur n'avait frappé qui que ce fût, et
même lorsqu'on s'empara de lui, il ne voulut
pas qu'on frappât personne, et reprit Pierre
lorsqu'il frappait; mais ici, enflammé de zèle,
etc.
Hélas! aujourd'hui on ne vend plus
dans les temples les brebis, les bœufs, etc.,
mais ces temples mêmes sont vendus: on en
traite; ecclésiastiques confidentiaires.
[Reprendre au texte, lig. 10.]
O abomination de la désolation!
l'ennemi a porté la main sur tout ce qu'elle
avait de plus désirable, car elle a vu les nations
entrer dans son sanctuaire, nations au sujet
desquelles il était ordonné qu'elles
n'entreraient point dans le sanctuaire de Dieu.
Les bœufs labouraient et les ânesses paissaient
auprès d'eux.
Hélas! que nous sommes peu
révérencieux dans l'église, nous-mêmes
ecclésiastiques! Voir l'épître de saint Jérôme à
Héliodore au sujet de Népotien. Notre habit;
mœurs profanes; devoirs ecclésiastiques mal
remplis. Semblables aux rats et aux
hirondelles, nous ne pouvons jamais nous
apprivoiser avec le maître de la maison où nous
vivons. Nous ressemblons à Nabal et à
Absalon, qui ne se réjouissaient qu'à la tonte
2048 Vers. 1-10.
2049 Cf. S. Thom., IIa IIæ, qu. LXXXI, art. II, VIII.
2050 Vide Catenam, in Matt., XXI, 12.
2051 Joan., II, 15; Matt., XXI, 12.
2052 Joan., XVIII, 10, 11.
2053 Ibid., II, 14, 15.
2054 Matt., XXIV, 15.
2055 Thren., I, 10.
2056 Job, I, 14.
2057 Ep. LX. Potius ep. LII, ad Nepot. (?)
2058 Vide supra, p. 289.
2059 Vers. 14.
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26.9 Page 259

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testea, opus manuum figuli2060? Heu, quam
irreverenter et vos in templis affertis boves, et
oves, et columbas: cogitationes
immundissimas, terrestres, ut boves et oves; et
volages, ut columbas.
Zelus domus Domini2061 ubi est?
Moritur nunc fame, quia comederunt Jacob, et
locum ejus desolaverunt2062. [333]
des brebis. Nous ne cherchons [332] point ce
qui est à vous, mais vous-mêmes. Oh! que je
voudrais voir des Ambroise commandant aux
Théodose, des Chrysostôme réprimandant des
Eudoxie, des Hilaire corrigeant des Constance!
[On ne s'étonne plus des plaintes de
Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa
couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment
les pierres du sanctuaire ont-elles été
dispersées aux coins de toutes les places?
Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres
et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités
comme des vases d'argile, ouvrage des mains
du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-
mêmes apportez dans les temples des bœufs,
des brebis, des colombes: des pensées
immondes, terrestres, comme les bœufs et les
brebis; et volages, comme les colombes.
Où est le zèle pour la maison du
Seigneur? Voici qu'il meurt de faim, parce
qu'ils ont dévoré Jacob et désolé sa demeure.
[333]
2060 Thren., IV, 1, 2.
2061 Joan., II, 17; Ps. LXVIII, 10.
2062 Ps. LXXVIII, 7.
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26.10 Page 260

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CXXXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le quatrième
Dimanche de Carême
8 mars 1617
(INÉDIT)
2063FERIA QUARTA POST
DOMINICAM QUARTAM DE COECO
NATO
MERCREDI APRÈS LE QUATRIÈME
DIMANCHE
SUR L'AVEUGLE-NÉ
Accipienda prima pars sermonis qui
habetur fol. 42064. Tum addendum de
quæstione discipulorum2065; merito a
Chrisostomo2066 vocari (sic) rudem et
curiosam. Plures enim causæ tribulationum
sunt.
Ob peccata nostra propria:
Peccatum peccavit [334] Hierusalem,
propterea instabilis facta est2067. Sic David
in numeratione populi2068. Ecce jam sanus
factus es, jam noli amplius peccare; Jo.
52069.
Aliquando pro peccato futuro
vitando; 2. Cor. 122070: Ne magnitudo
revelationum extollat me.
Item, ad probationem et virtutis
exercitium, ut Job et Tobias; vide Tob. 22071.
Grandine margaritarum interdum percutit
segetes nostras. Ut enim Plinius ait2072 de
rustico Siracusano omnes lapides e campo
auferente, coactum fuisse ut referret,
alioquin sterilis erat, sic et interdum
tribulationes immittet Deus ut fertiles faciat
animas.
Item, ut puniat peccata patrum in
filios; visitans iniquitatem patrum in filios,
usque ad tertiam et quartam
Prendre la première partie du sermon qui
se trouve folio 40. Parler ensuite de la question
posée par les disciples et que saint Chrysostôme
appelle avec raison, grossière et indiscrète.
Nombreuses sont les causes de tribulation.
Nos propres péchés en sont une:
Jérusalem a excessivement péché, c'est [334]
pourquoi elle a perdu sa stabilité. Il en a été de
même de David en punition du recensement de
son peuple. Te voilà guéri, mais ne pèche plus
désormais.
Quelquefois les afflictions sont envoyées
pour prémunir contre le péché: De peur que la
grandeur des révélations ne m'élevât.
D'autres fois, pour l'épreuve et l'exercice
de la vertu, comme il est arrivé à Job et à Tobie;
voir Tobie, II. Dieu frappe parfois nos moissons
d'une grêle de perles. Pline raconte qu'un paysan
de Syracuse, après avoir enlevé toutes les pierres
de son champ, fut obligé de les y reporter, sans
quoi il devenait stérile. Ainsi Dieu envoie parfois
les tribulations pour fertiliser les âmes.
Il les envoie aussi pour punir dans les
enfants les péchés de leurs pères, visitant
l'iniquité des pères dans les enfants, jusqu'à la
troisième et a la quatrième génération. Ou encore
2063 (Ms. p. 240, recto)
2064 Ce feuillet ne nous est pas parvenu; mais en se reportant au contenu des pages 37, 38 du même Manuscrit de Turin
(voir ci-devant, pp. 43-54), on peut supposer que les feuillets suivants étaient occupés par des plans de sermons pour
les différentes fériés du Carême; l'Evangile de l'aveugle-né se trouvait probablement au nombre des sujets préparés.
Trois fois encore, à la fin du présent sermon (voir pp. 337, 338), le Saint paraît faire allusion à ces matériaux ainsi mis
en réserve, en disant notavi, dixi.
2065 Joan., IX, 2.
2066 Hom. LVI (al. LV) in Joan.
2067 Thren., I, 8.
2068 II Reg., XXIV.
2069 Vers. 14.
2070 Vers. 7.
2071 Vers. 11-18.
2072 Hist. nat., l. XVII, c. IV (al. III).
260/342

27 Pages 261-270

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27.1 Page 261

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generationem2073. Item filiorum in patres, ut
Heli2074.
Et tandem, ut manifestentur opera
Dei2075. O suavissima Dei providentia!
Cum percutimur, tunc facere
debemus quod fecerunt nautæ, Jona3, 12076:
Venite, mittamus sortes, et sciamus quare
hoc malum sit nobis. Tunc ergo pœnitentia
agenda; postea faciendum quod David,
[Psalm.] 38, [335] v. 10, [11]: Obmutui, et
non aperui os meum, quoniam tu fecisti;
amove a me plagas tuas. Job, 172077: Non
peccavi, et in amaritudinibus moratur
oculus meus.
Sed cum alii percutiuntur non
judicandum est id ob peccatum evenire; ut
amici Job2078, et uxor Tobiæ2079, et barbari,
Act. 282080. Servus Æthiops ferens rem velo
reconditam, interrogatus quid ferret: «Non
velarem si te scire vellem2081.» Euclydes
interrogatus qualis esset Deus quaque re
delectaretur: «Cætera nescio, at odisse
curiosos non ignoro2082
Tantisper de cæremoniis Baptismi.
Deinde, de obedientia coeci et coeca2083,
nam Christianorum obedientia debet esse
coeca, quia fides non videt sed credit, et quo
res est obscurior eo illis (sic) gratior,
difficilibus delectatur. Naaman: Nunquid
non sunt meliores Pharphar et Abana, fluvii
Damasci? 4. Reg. 52084. Gen. XXVII2085: In
me sit maledictio ista, fili mi, tantum audi
vocem meam et affer quæ dixi. Obediendum
Ecclesiæ clausis oculis. Iste omnia fecit ad
recuperandam facultatem visivam, coecus
et modo coeco. Imo Christus, si non [336]
fuisset cœcus, eum suis remediis ad tempus
coecum fecisset; car la salive est mordicante
afin de venger sur les pères les péchés des enfants,
comme il arriva pour Héli.
Et enfin, pour manifester les œuvres de
Dieu. O toute suave providence de Dieu!
Lorsque nous sommes frappés, nous
devons faire ce que firent les matelots dont il est
parlé au Livre de Jonas: Venez, dirent-ils, jetons
le sort, pour savoir d'où ce malheur a pu nous
venir. Il faut donc alors faire pénitence; [335]
ensuite imiter David: Je me suis tu et n'ai pas
ouvert la bouche, parce que c'est vous qui l'avez
fait; détournez de moi vos coups. Je n'ai point
péché, et cependant mon œil ne voit que des sujets
d'amertume.
Mais quand les autres sont frappés, il ne
faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés,
comme le faisaient les amis de Job, la femme de
Tobie et les barbares [dont il est question] dans
les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien
portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur
ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il,
«si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide,
questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui
est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste,
mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les
curieux.»
Dire quelques mots des cérémonies du
Baptême. Parler ensuite de l'obéissance de
l'aveugle et de l'aveugle obéissance. L'obéissance
des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne
voit pas, mais elle croit, et plus son objet est
obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans
les vérités difficiles à comprendre. Naaman:
Abana et Pharphar, fleuves de Damas, ne sont-ils
pas meilleurs?... Que cette malédiction tombe sur
moi, mon fils, écoute seulement ma voix et
apporte ce que j'ai dit. Il faut obéir à l'Eglise les
yeux fermés. Cet aveugle employa tous les
moyens pour recouvrer la vue; aveugle, [336] il
agit en aveugle. Bien plus, n'eût-il pas été
2073 Exod., XX, 5.
2074 I Reg., II, 34, III, 13.
2075 Joan., IX, 3.
2076 Vers. 7.
2077 Vers. 2.
2078 Cap. IV, etc.
2079 Tobiæ, II, 22, 23.
2080 Vers. 4.
2081 Plut., in opusc. De Curiositate, circa init.
2082 Ludov. Granat., Philosoph. Moral., 1. III, classis I, § I.
2083 Cf. Les Entretiens, tom. VI huj. Edit., pp. 172-176.
2084 Vers. 12.
2085 Vers. 13.
261/342

27.2 Page 262

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et la boiie aussi, et mettes un brin de boüe
dans un ceil sain, on ne le peut souffrir.
Christus obduxit oculos luto2086.
Consideremus istum coecum ambulantem
per vias publicas, oculis luto conspersis;
nonne aliquis dixisset: Quo vadis, miser?
nonne vides istum medicum tibi illudere
velle? Ambulabat tamen, et ibat, et lavit et
vidit2087. Obediendum simpliciter Christo,
dicenti: Confitearis peccata tua.
Notavi obiter illum paraliticum qui
ad probaticam sanatus est, propter peccata
contraxisse infirmitatem suam2088; unde
Christus eum sanavit eo modo quo sanantur
peccatores, petens scilicet ejus consensum:
Vis sanus fieri2089? At huic minime ita
loquitur, quia non ob peccata infirmus erat.
Notavi item Christum hunc
progressum fecisse: scilicet vidisse, ut sol
videt terram, operando; lutum obduxisse, id
est, cognitionem suæ miseriæ ingessisse;
Vade ad natatoriam Siloë, id est, ad
natatoriam missionis2090. Quæ autem
natatoria missionis, nisi Sacramentum
Poenitentiæ? de quo cum institueretur dixit
Christus2091: Sicut misit me Pater, et ego
mitto vos; quorum remiseritis peccata, etc.
[337]
Mendicum autem istum ideo
sanatum a medico, quia mendicos medicus
diligit; nos, quia non sumus mendici,
quamvis coeci, non curamur a Medico
cælesti, qui esurientes replet bonis et divites
dimisit inanes2092. Dixi coecum istum fuisse
ad portam comme un tableau d'attente; ut
Appelles fecit lineam in tabula
Protogenis2093, etc. [338]
aveugle, que le Christ, par ses remèdes, l'eût
rendu aveugle pour le moment. [Reprendre au
texte, lig. 2.]
Le Christ couvrit ses yeux de boue.
Regardons cet aveugle circulant sur les chemins
publics, les yeux souillés de boue; ne lui dirait-on
pas: Où vas-tu, malheureux? ne vois-tu pas que ce
médecin veut se jouer de toi? Il poursuivit quand
même sa route, il alla, il se lava, il vit. Nous
devons obéir simplement au Christ lorsqu'il nous
dit: Accuse tes péchés.
J'ai noté en passant, que le paralytique
guéri à la piscine probatique avait contracté son
infirmité en punition de ses péchés; aussi le Christ
le guérit-il comme il guérit les pécheurs, c'est-à-
dire en lui demandant son consentement: Veux-tu
être guéri? Mais il ne parle pas de la même
manière à celui-ci, parce que son infirmité n'était
pas la suite de ses péchés.
J'ai noté de plus la gradation suivie par le
Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil
voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les
yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa
misère; [puis lui adressa ces paroles :] Va à la
piscine de Siloé, nom qui signifie mission. Or,
quelle est la piscine de la mission sinon le
Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ
ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi
je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les
péchés, etc. [337]
Ce mendiant est guéri par le médecin,
parce que le médecin aime les mendiants; pour
nous, bien que nous soyons aveugles, comme
nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris
par le Médecin céleste qui comble de biens les
affamés et renvoie les riches les mains vides. J'ai
dit que cet aveugle se tenait à la porte comme un
tableau d'attente; ainsi Apelles traça une ligne sur
le tableau de Protogène, etc. [338]
2086 Joan., IX, 6.
2087 Ibid., V. 7.
2088 Cf. supra, pp. 5, 274.
2089 Joan., V, 6.
2090 Ibid., IX, 1, 6, 7.
2091 Ibid., XX, 21, 23.
2092 Lucæ, I, 53.
2093 Plin., Hist. nat., 1. XXXV, c. X (al. XXXVI).
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27.3 Page 263

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CXL. Plan d'un sermon pour le jeudi après le quatrième
Dimanche de Carême
9 mars 1617
(INÉDIT)
2094FERIA QUINTA POST DOMINICAM
QUARTAM DE FILIO VIDUÆ NAIM
Mulier, noli flere. Adolescens, tibi dico,
surge.
[LUCÆ, VII, 13, 14.]
JEUDI APRÈS LE QUATRIÈME
DIMANCHE SUR LE FILS DE LA VEUVE
DE NAIM
Femme, ne pleure pas. Jeune homme,
je te le dis, lève-toi.
Naim civitas ad radices montis
Hermon, duabus leucis a Nazareth distans, et
plus una a monte Thabor, ex Borchardo2095.
Naim autem, lingua Hebrea, idem est ac
pulcra2096.
Audistis heri discipulos quærentes:
Rabbi, quis peccavit, hic, aut parentes
ejus2097? Rustica sane, et insipiens quæstio;
nam quomodo infans antequam [339] nascatur
potest peccare, ut coecus nascatur? At de hoc
puero poterat moveri quæstio: Quis peccavit,
hic, an mater ejus, ut tam cito moreretur? Et
hæc est communis opinio liominum: ut
mulieris Tobiæ2098, et Job, qui tamen dixit2099:
Non peccavi; et Marthæ: Domine, si fuisses
hic2100. Cum tamen interdum etiam ex
benignitate Deus auferat homines, Sap. 4. v.
[10,] 11: Placens Deo factus est dilectus, et
vivens inter peccatores translatus est. Raptus
est ne malitia mutaret intellectum ejus, aut ne
fictio deciperet animam illius. Au contraire,
Rom. 22101: An nescis quia benignitas Dei ad
poenitentiam te expectat? Verum tres regulas
dabo secundum quas debemus procedere in
hoc negocio.
1°. In istis operibus Dei debemus
abstinere a curiositate; et hic afferenda quae
versa pagina2102 habentur de servo Æthiope, de
Naïm est une ville sise, d'après
Borchard, au pied de l'Hermon, à deux lieues
de Nazareth et à plus d'une lieue du mont
Thabor. Or Naïm, en hébreu, signifie belle.
Vous avez entendu hier les disciples
demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses
parents? Question qui est évidemment
grossière et impertinente, car comment un
enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre
un [340] péché en punition duquel il naîtrait
aveugle? Mais au sujet du jeune homme de
Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a
péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort
si prématurément? C'est une opinion commune
parmi les hommes [que la mort prématurée est
une punition du péché]: ainsi le croyaient, par
exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit
pourtant: Je n'ai point péché; Marthe:
Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.]
Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté
que Dieu retire les hommes de ce monde:
Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé,
et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi
lesquels il vivait. Il a été enlevé, de peur que
son esprit ne fût corrompu par la malice, ou
que l'illusion ne déçût son âme. Au contraire:
Ne sais-tu pas que la bénignité de Dieu t'attend
à pénitence! Mais je donnerai trois règles
2094 (Ms. p. 240, verso)
2095 Descriptio Terræ Sanctæ.
2096 Cf. Ruth, I, 20.
2097 Joan., IX, 2.
2098 Tobiæ, II, 32.
2099 Cap. XVII, 2.
2100 Joan., XI, 21.
2101 Vers. 4.
2102 Vide supra, p. 336.
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27.4 Page 264

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Euclyde. 2°. Cum percutitur proximus, si sit
vir fidelis et timens Deum, nunquam dicere
debemus id evenire ob peccata. Si alius, nisi
charitas ipsa id pronunciet, nunquam id dicere
debemus. De Aman qui suspendere volebat
Mardocheum2103, etc. Ratio est, quia
plerumque fallimur; ut barbari, Act. 282104. 3°.
Cum [340] percutimur, facere debemus quod
fecerunt nautæ; Jonæ, I2105.
Hanc viduam non peccasse. Etsi
plerique dicunt (ex communiter accidentibus
quod soleant matres unigenitos perdere),
tamen minime credibile. Nam non est temere
in malam partem judicandum: Charitas non
cogitat malum2106. Et lachrimæ ejus gratæ
fuerunt Christo; nec fuisset misericordia motus
super eam2107, imo potius gaudio, si filium
malum et idolum suum perdidisset. Sed
«Mors æquo pulsat [pede] pauperum
tabernas2108
bonos malosque; ut falx bonas malasque
herbas: justa est.
Atque ex hac occasione, memoriæ
vestræ commendo memoriam mortis vobis
esse valde necessariam.
«Lupi Mœrin videre priores2109
antiquum proverbium. Sordes ejus in pedibus
ejus, nec est recordata finis sui2110. Ideo
dæmon semper ait: Nequaquam moriemini2111;
non absolute, quis enim credat? sed de die in
diem. Ut litigantes, ut qui [341] inebriantur, ut
qui fabulantur in itinere et progrediuntur; ut
ludentes, quibus si dicas: Perdes hanc
summam, non luderent, sed ubi perdiderunt
primum nummum facile perdunt et secundum.
Ducunt in bonis dies suos2112, [etc.] Ut
venatores palumbarum silvestrium, [etc.,]
Isaiæ, 282113. Audite verbum Domini, viri
illusores; dixistis: Percussimus foedus
d'après lesquelles nous devons procéder dans
ces conjonctures.
1. Sur cette conduite de Dieu, nous
devons nous abstenir de toute recherche
curieuse. Rapporter ici ce qu'à la page
précédente nous avons dit de l'esclave
éthiopien, d'Euclide. 2. Quand notre prochain
est frappé, s'il s'agit d'un homme fidèle et
craignant Dieu, nous ne devons jamais dire
qu'il est puni pour ses péchés. Même silence
s'il s'agit d'un autre homme, à moins que la
charité ne nous oblige à parler. Rappeler
l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre
Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette
réserve c'est que très souvent nous nous
trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes,
XXVIII. [340] 3. Quand nous sommes frappés,
nous devons agir comme les matelots dont il
est parlé dans le Livre de Jonas, I.
Cette veuve n'avait pas péché. Et bien
que plusieurs prétendent qu'elle était coupable,
néanmoins cela est peu croyable; car il arrive
assez souvent que les mères perdent leur fils
unique. Or il ne faut pas juger en mauvaise part
sans raison: La charité ne pense pas le mal.
D'ailleurs, les larmes de cette mère furent
agréables au Christ; et il n'aurait pas été touché
de compassion pour elle, il se serait plutôt
réjoui de la mort de cet enfant, si celui-ci eût
été méchant et l'idole de sa mère. Mais
«Sans distinction la mort va frapper chez le
pauvre,»
chez les bons et chez les méchants, comme la
faulx tranche les bonnes et les mauvaises
herbes: la mort est impartiale.
A cette occasion, je vous rappelle que
le souvenir de la mort vous est tout-à-fait
nécessaire. [Il ne faut pas être comme]
«Mœris, vu du loup avant de le voir,»
ainsi que dit le vieux proverbe. Ses souillures
ont paru sur ses pieds, et elle ne s'est pas
souvenue de sa fin. C'est pourquoi le démon
2103 Esther, VI, 4, 6.
2104 Vers. 4.
2105 Vers.7. (Cf. supra p. 335.)
2106 I Cor., XIII, 5.
2107 Lucæ, VII, 13.
2108 Horat., Carmina 1. I, carm. IV, 13.
2109 Virgil., Eclog. IX 54.
2110 Thren., I, 9.
2111 Gen., III, 4.
2112 Job, XXI, 13.
2113 Vers. 13.
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nostrum cum morte et cum inferno fecimus
pactum, etc.; [Ibid.,] v. [14.] 15 et 18.2114 [342]
répète toujours: Vous ne mourrez point. Il ne
l'affirme pas d'une manière absolue; par qui
serait-il [341] cru? mais il assure que ce ne sera
pas d'un jour à l'autre. On ressemble à ceux qui
plaident, à ceux qui s'enivrent, à ceux qui
marchent tout en parlant, à ceux qui jouent. Si
vous disiez à ces derniers: Vous perdrez telle
somme, ils ne joueraient pas; mais s'ils perdent
un écu, ils en perdront facilement un second.
Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc.
Comme les chasseurs qui poursuivent les
ramiers des bois, [les maltraitent après les
avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du
Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit:
Nous avons contracté une alliance avec la
mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer,
etc. [342]
2114 La suite de cette station et tous les discours intermédiaires jusqu'au Carême de 1618, n'ont pu être recouvrés par
les éditeurs.
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CXLI. Sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de
Carême
8 mars 16182115
(INÉDIT)
2116SERMO SECUNDUS DE VIA ET
PROGRESSU IN PECCATUM BEATI
PETRI
DEUXIEME SERMON
COMMENT SAINT PIERRE S'ENGAGEA ET
S'ENFONÇA DANS LA VOIE DU PÉCHÉ
Grave sane fuit hoc peccatum, ex
multis circumstantiis. I. Repetitio ejusdem
peccati; 2. ipso die Communionis et
mundationis absolutæ per pedum lotionem:
Vos mundi estis, sed non omnes (vide Jo.
132117. ad illa [343] verba); 3. in nocte
abolitionis peccati; 4. in ipsa domo in qua
Christus; 5. ob levissimam causam; 6.
aggravatio per juramenta; 7. ab eo qui
omnium minime: ob innumera beneficia
accepta quæ ingratitudinem pejorem
faciunt, et qui spoponderat nominatim se
constanter facturum2118. Dicerem libenter
Petro quod Isaias, 142119, ad litteram regi
Tiri, et mistice Lucifero, improperat:
Universi respondebunt, et dicent tibi. Quid
dicent? Quomodo cecidisti, Lucifer, qui
mane oriebaris? cui dictum erat: In cælum
Ecclesiæ ascendes, super astra Dei
exaltabo solium tuum, sedebis in monte
testamenti, ascendes super altitudinem
nubium, similis eris Altissimo, id est, ejus
Certes, ce péché fut grave à raison de
diverses circonstances, I. Répétition de la même
faute; 2. le jour même de la Communion et de la
complète purification par le lavement des pieds:
Vous êtes purs, mais non pas tous [343] (voir saint
Jean, XIII, à ces paroles); 3. la nuit où le péché
allait être détruit; 4. dans la maison même où se
trouvait Jésus; 5. pour la cause la plus futile; 6.
aggravation par serments; 7. commis par celui qui
devait le moins le commettre: qui avait reçu
d'innombrables bienfaits (sujet d'une plus noire
ingratitude), et qui avait promis nominativement
de demeurer constamment fidèle. J'appliquerais
volontiers à saint Pierre ce reproche qu'Isaïe
adresse directement au roi de Tyr et, au sens
mystique, à Lucifer: Tous te répondront et te
diront. Que diront-ils? Comment es-tu tombé,
Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui
auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de
l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de
Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament,
tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras
semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son
2115 Aucun des cinq sermons suivants n'est daté parle Saint; c'est donc d'après de simples conjectures, qui toutefois
paraissent assez bien fondées, qu'il est possible d'indiquer l'époque à laquelle ils doivent remonter. L'allusion faite ci-
après, p. 356, à la veille de la fête des quarante Martyrs de Sébaste, prouve que le second de ces discours a été prononcé
le 9 mars, ce qui autorise à croire que toute la série appartient à une station de Carême. Or, cette station est postérieure
à l'année 1616, puisque deux fois (pp. 359, 368) il y est question du Traitté de l’Amour de Dieu, qui parut au mois
d'août de cette année. En 1617, l'Evangile des fériés servit de thème aux prédications faites à Grenoble par le saint
Evêque de Genève; et comme il est tout naturel qu'il tint à ne pas traiter deux fois les mêmes sujets devant un même
auditoire, on peut conclure que les sermons sur la chute et le repentir de saint Pierre font partie du second Carême
prêché à Grenoble en 1618 (cf. note (1488), p. 236). Les spécialités d'écriture et de format des Autographes appuient
cette conclusion, en ne permettant guère d'attribuer à ces discours une date postérieure.
La coutume qu'avait le saint Auteur de monter en chaire tous les jours du Carême, le samedi excepté, met à
même de préciser davantage encore. Puisque le premier des sermons qui nous sont parvenus est du jeudi après le
premier Dimanche de Carême, les quatre autres doivent appartenir aux jours suivants. On peut doue sans témérité
avancer la date probable de chacun des discours qui composent cette série.
2116 (Ms. p. 109, recto)
2117 Vers. 10.
2118 Matt., XXVI, 33, 35.
2119 Vers. 10, 12-14.
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27.7 Page 267

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vicarius. Quomodo obscuratum est aurum,
mutatus est color ejus optimus2120?
Sane, Fratres, hoc mirabile est; sed
ut rem sciatis, [344] notate dupliciter
homines in peccata labi, ut et in
segritudines. Nam sunt quædam
ægritudines quæ ex tempore corripiunt, ut
epilepsia, apoplexia, sincope, vermes circa
cor; aliæ sunt quæ pedetentim, et hæ sunt
ordinariæ. Ita in peccata labuntur homines
diversimode. Repentino casu: ut ira
correpti, ut videtur accidisse Mosi cum
interfecit Ægiptium (si tamen peccavit).
Dicenda historia, Ex. 2. v. 12, et
locupletanda ex iis quæ ait Liranus2121, Act.
7. v. 24. Item repentina concupiscentia, ut
accidit Judæ, Gen. 38. v. 15, erga Thamar;
Divus enim Augustinus, 1. 22. contra
Faustum, c. 64, existimat peccasse Judam et
Thamar, et, c. 70, peccasse Moysen. Sic
plerumque repentina commotione
passionum fit peccatum; id autem peccatum
vix durat, sanabilius est.
Fere quidem accidit ut pedetentim
peccent. Sic enim [filius] Syrac, [Eccli.,] c.
27. v. 12: Homo sanctus2122 in sapientia
manet sicut sol; nam et stultus ut luna
mutatur; quod dupliciter intelligi potest.
Stultus inconstans est: Arundinem vento
agitatam2123; unde in Hebraica, pro stultus,
inconstans est (vide Pined., 1. 7, [345] c. I.
Salomonis Prævii); modo vult modo non
vult: Vult et non vult piger2124. Vel, stultus
mutatur pedetentim ut luna; per gradus
descendit, non uno lapsu; ut sanitas
interdum, dum spernuntur minora pericula.
Videamus aliquot exempla. Quod ad
primum angelum, uno ictu cecidit; nam non
potuit peccare venialiter (ut in minori causa
de Adamo in Paradiso existente dicunt D.
Thomas2125, D. Bonaventura2126 et
Alensis2127), nam nulla surreptio, nullus
inordinatus motus.
vicaire. Comment l'or s'est-il obscurci et sa
couleur éclatante a-t-elle été ternie?
Assurément, mes Frères, ce fait étonne;
mais pour le comprendre, remarquez [344] que
les hommes tombent dans le péché, comme dans
la maladie, de deux manières. Certaines maladies
atteignent spontanément, comme l'épilepsie,
l'apoplexie, la syncope, les vers dans la région du
cœur; d'autres viennent pas à pas, ce sont les
maladies ordinaires. De même, les hommes
tombent de diverses manières dans le péché. Par
une chute subite: sous le coup de la colère, par
exemple, comme il est arrivé peut-être à Moïse
lorsqu'il tua l'Egyptien (si toutefois il a péché).
Raconter l'histoire et l'enrichir des explications de
Lyranus. Ou bien par un mouvement soudain de
concupiscence; c'est le cas de Judas à l'égard de
Thamar, car saint Augustin, liv. XXII contre
Fauste, chap. LXIV, croit que Judas et Thamar
ont péché, aussi bien que Moïse (voir chap.
LXX). C'est ainsi que, en bien des circonstances,
le péché provient du choc subit des passions; mais
ce péché dure peu et se guérit plus facilement.
Pour l'ordinaire, l'homme descend par
degrés dans le péché. C'est ce que dit [le fils de]
Sirach: L'homme saint demeure dans la sagesse,
comme le soleil; mais l'insensé est changeant
comme la lune; ce qui peut s'expliquer de deux
manières. L'insensé est inconstant: Un roseau
agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu
d'insensé on trouve inconstant (voir Pinéda,
liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de
l'Histoire de Salomon); tantôt il veut, tantôt il ne
veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou
bien, l'insensé change peu à peu comme la lune;
il descend graduellement, et non par une chute
soudaine; il en est ainsi souvent de la santé
lorsqu'on méprise les moindres périls.
Voyons quelques exemples. Le premier
ange tomba d'un seul coup; car il ne pouvait
pécher véniellement, étant incapable d'être surpris
ou d'avoir un mouvement indépendant de sa
volonté. Il en fut de même, dans une cause
moindre, d'Adam au Paradis: c'est l'opinion de
2120 Thren., IV, 1.
2121 Bibl. cum Glossis.
2122 Au-dessus du mot sanctus, l'Auteur a écrit sensatus, conformément au texte grec et à l'ancienne Vulgate.
2123 Matt., XI, 7.
2124 Prov., XIII, 4.
2125 Ia IIæ, qu. LXXXIX, art. III.
2126 In II Sent., Dist. XXI, art. III, qu. I.
2127 Summa Theol., Pars II, quæst. CIII, membr. 6.
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27.8 Page 268

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Adami et Evæ peccati scalam alibi
descripsi, sermone in Purificatione2128.
Caim pedetentim in teterrimum
peccatum lapsus est. 1. Male divisit2129,
offerens Deo pejora2130; 2. invidit; 3. iratus
est vehementer et contabuit vultu, unde:
Quare concidit vultus tuus? 4. occidit2131.
David. 1. Otium: Factum est,
vertente anno, eo tempore quo solent reges
ad bella procedere (Chrisost., in Psal. II); 2.
accidit ut surgeret David de strato suo post
meridiem, de cubili ubi otiose dormierat; 3.
vidit mulierem se lavantem, et diutius vidit
ita ut pulcritudinem ejus notare posset,
alioquin si [346] obiter vidisset non notasset
(nec tunc dixit: Averte oculos meos ne
videant vanitatem2132); 4. misit: qualis esset
ista? curiositas periculosa, nam si nescisset
non petivisset; 5. ubi scivit, habuit; 6.
ebrium facere studuit Uriam; 7. occidit; 8.
per annum in peccato permansit2133.
Salomon. 1. Sibi complacuit in
magnificis suis operibus, Ecclci. 2. v. 4:
Magnificavi opera mea, ædificavi mihi
domos, etc. Omnia quæ desideraverunt
oculi mei non negavi eis, nec prohibui cor
meum quin omni voluptate frueretur2134.
Clem. Alex., 1. 3. Pedagogiæ2135,
exemplum insigne affert de Ægyptiorum
templis extrinsecus ornatissimis, sed in
adytis, summam felem crocodylumve
habentibus. 2. Divinorum oblivio, 3. Reg.
II2136: Iratus est Dominus Salomoni, quod
aversa esset mens ejus a Domino Deo
Israel. 3. Abusus spiritalium deliciarum2137.
En fin, il fit tant par ses journees, quil se
perclit, si Dieu n'eut pitie de luy; dequoy on
est incertain.
Sunt ergo «gradus ad impietatem.»
Peccata venialia disponunt ad mortale, en
affoiblissant et ostant l'ayde et secours
special.
saint Thomas, de saint Bonaventure et
d'Alexandre de Halès.
J'ai décrit ailleurs (sermon pour la
Purification) la marche du péché dans Adam et
Eve.
Caïn tomba peu à peu dans le plus noir
péché, 1. Il partagea mal, offrant à Dieu ce qu'il
avait de moins bon; 2. il fut envieux; 3. il fut
violemment irrité et son visage fut abattu, de là
vient la question que Dieu lui adressa: Pourquoi
ton visage est-il abattu? 4. il tua.
David. 1. Oisiveté: Il arriva qu'au retour
de l'année, au temps où les rois ont coutume
d'aller à la guerre (voir saint Chrysostôme, sur le
Psaume XI); 2. il advint que David se leva de son
lit après midi, de son lit où il dormait par paresse;
3. il vit une femme qui se baignait, et il arrêta sur
elle un regard assez prolongé pour remarquer sa
beauté; s'il ne l'eût vue qu'en passant, il [346] ne
l'aurait pas remarquée (et il ne dit pas alors:
Détournez mes yeux afin qu'ils ne voient pas la
vanité); 4. il envoya demander quelle était cette
femme? curiosité dangereuse: s'il n'avait pas su
qui elle était, il ne l'aurait pas mandée; 5. dès qu'il
l'eut su, il la prit; 6. il fit enivrer Urie; 7. il le fit
tuer; 8. il demeura un an dans son péché.
Salomon. 1. Il se complut dans ses oeuvres
magnifiques: J'ai fait des choses magnifiques, je
me suis bâti des maisons, etc. Tout ce qu'ont
désiré mes yeux, je ne le leur ai pas refusé, et je
n'ai pas défendu à mon cœur de goûter toutes
sortes de voluptés. Clément d'Alexandrie, liv. III
de la Pédagogie, tire un remarquable exemple des
temples d'Egypte. A l'extérieur, ils sont très ornés,
mais dans leur sanctuaire, c'est un chat ou un
crocodile qui est proposé à l'adoration. 2. Oubli
des choses célestes: Le Seigneur s'irrita contre
Salomon parce que son âme s'était détournée du
Seigneur Dieu d'Israël. 3. Abus des consolations
spirituelles. [Reprendre au texte, lig. 16.]
Il y a donc «des degrés dans l'impiété.»
Les péchés véniels disposent au péché mortel, en
affaiblissant et ôtant l'aide et secours spécial.
2128 Vide supra, p. 113.
2129 Vide Septuag., loco quo infra.
2130 Cf. supra, pp. 177, 178.
2131 Gen., IV, 5-8.
2132 Ps. CXVIII, 37.
2133 II Reg., XI, 1-4, 13, 15, 27.
2134 Ibid., v. 10.
2135 Cap. II.
2136 Vers. 9.
2137 Vide Pinedam, c. II libri quo supra.
268/342

27.9 Page 269

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Petrus autem quomodo ceciderit?
Primo, nimia sui [347] fiducia. [1.] Dixerat
Dominus: Quo ego vado, vos non potestis
venire. Dicit Petrus: Quare non possumus
te sequi modo? animam meam pro te
ponam. Respondit Dominus: Animam tuam
pro me pones2138? Simon, Simon, expetivit
Satanas2139, etc. Omnes vos scandalum
patiemini in me hac nocte.
[2.] Respondit Petrus: Etsi omnes
scandalizati; paratus sum in carcerem et in
mortem et crucem tecum ire2140; nimia
securitas. Beatus vir qui timet Dominum2141.
Et misericordia ejus a progenie timentibus
eum2142. Heu, nos nimium de nobis
existimamus; non sufficit agnoscere se a
Deo habere, opportet non existimare se
multa habere. Qui confidunt in Domino
sicut mons Syon2143.
3. Timor est custos gratiæ. Vir justus
et timoratus2144. Beatus vir qui semper est
pavidus2145. Filii Ephrem intendentes et
mittentes arcum, conversi sunt in die belli;
[Ps.] 772146. Psal. 292147: Ego dixi in
abundantia mea: Non movebor in æternum.
Domine, in virtute tua præstitisti decori
meo virtutem; avertisti faciem tuam a me, et
factus sum conturbatus (vide
Bellarminum2148). 2149Videatur similis
historia de præsumente [348] monacho in
Vita Pachomii, pag. 1702150. Proverb.
182151. Bern., ser. 542152 in Cant.: «Beatus
homo qui semper est pavidus2153. Time cum
arriserit gratia, time cum abierit, time cum
revertetur; cum adest, time ne non digne
Or, comment tomba Pierre?
Premièrement, par une trop grande confiance
[347] en lui-même, [1.] Le Seigneur avait dit:
je vais, vous ne pouvez venir. Pierre dit: Pourquoi
ne pouvons-nous pas vous suivre à présent? je
donnerai ma vie pour vous. Le Seigneur répondit:
Tu donneras ta vie pour moi? Simon, Simon,
Satan a demandé, etc. Vous serez tous scandalisés
a mon sujet cette nuit.
[2.] Pierre répondit: Quand même tous
seraient scandalisés, [etc.]; je suis prêt à aller
avec vous en prison et à la mort et à la croix; trop
grande sécurité. Bienheureux lhomme qui craint
le Seigneur. Et sa miséricorde s'étend sur la
génération de ceux qui le craignent. Hélas! nous
présumons trop de nous-mêmes; il ne suffit pas de
reconnaître que nous tenons tout de Dieu, il faut
encore ne pas croire que nous ayons beaucoup.
Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme
la montagne de Sion.
3. La crainte est la gardienne de la grâce.
L'homme juste et craignant Dieu. Bienheureux
l'homme qui est toujours craintif. Les fils
d'Ephrem, habiles a tendre l'arc et à en tirer, ont
tourné le dos au jour du combat. J'ai dit dans mon
abondance: Je ne serai jamais ébranlé. Seigneur,
par votre puissance vous avez affermi mon état
florissant. Vous avez détourné votre face de moi,
et j'ai été troublé (voir Bellarmin). Citer aussi
l'histoire du moine présomptueux [348] racontée
dans la Vie de Saint Pacôme, page 170. Saint
Bernard, sermon LIV sur le Cantique:
«Bienheureux l'homme qui est toujours craintif.
Crains lorsque la grâce te sourit, crains lorsqu'elle
s'éloigne, crains lorsqu'elle revient; lorsqu'elle est
présente, crains de ne pas l'employer dignement
et de la recevoir en vainNe cherche pas a
t'élever, mais crains.
2138 Joan., XIII, 33, 37, 38.
2139 Lucæ, XXII, 31.
2140 Matt., XXVI, 31, 33; Lucæ, XXII, 33.
2141 Ps. CXI, 1.
2142 Lucæ, I, 50.
2143 Ps. CXXIV, 1.
2144 Lucæ, II, 25.
2145 Prov., XXVIII, 14.
2146 Vers. 9.
2147 Vers. 7, 8.
2148 Comm. in Psalm.
2149 (Ms. p. 109, verso)
2150 Cf. Les Entretiens, tom. VI huj. Edit., pp. 182-185, 450.
2151 Vers. 12.
2152 § 9.
2153 Vide supra.
269/342

27.10 Page 270

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opereris ex ea, ne in vacuum2154,» etc. Noli
altum sapere, sed time2155.
Secundus gradus est negligentia
orandi. Orate ne intretis in tentationem2156.
Perseverantia non est unius diei. Antiqui
monachi, apud Cassianum2157, semper
orabant: Deus in adjutorium meum
intende2158. Sine me nihil potestis facere2159.
At ipsi dormiebant: Symon, dormis? sic non
potuisti una hora vigilare mecum2160?
Sponsa innixa super Dilectum suum2161.
Sine me nihil potestis facere.
Tertius est vana strenuitas, quæ
consistit in commotione iræ. Crocodylus
fugientes persequitur. Petierant Discipuli:
Domine, si percutimus in gladio? non
expectata
responsione,
percutit
indiscrete2162.
Quartus. Ingreditur domum et stat
cum servis confabulans, etc. Hoc ordine:
Cum sederet in atrio deorsum, accessit ad
eum una ancilla ostiaria summi Pontificis;
et cum vidisset Petrum calefacientem se et
[349] sedentem ad lumen, et eum fuisset
intuita, dixit ad circumstantes: Et hic cum
illo erat. Tum Petro ipsi: Nunquid et tu ex
discipulis es hominis istius? Et tu cum Jesu
Nazareno eras. At ille negavit coram
omnibus, dicens: Non sum; mulier, non novi
illum, neque scio neque novi quid dicas. Et
exiit et gallus cantavit. Exeunte autem illo,
alia ancilla dixit circumstantibus quia hit
erat cum Jesu Nazareno.
Et reversus Petrus, cum aliis ad
calefaciendum [se], alius videns eum dixit
ad Petrum: Et tu de illis es. Dixerunt ergo
reliqui: Nunquid et tu ex discipulis ejus es?
Jurat: Non novi hominem; o homo, non sum.
Post horam alius affirmabat: Vere et hic
cum illo erat, nam et Galilaeus est; et
accesserunt qui astabant et dixerunt Petro:
Vere et tu ex illis es, nam et Galilaeus es;
nam loquela tua manifestum te facit. Tum
cognatus ejus cujus abscidit [auriculam]:
Le deuxième degré c'est de négliger la
prière. Priez afin que vous n'entriez point en
tentation. La persévérance n'est pas l'affaire d'un
seul jour. Les anciens moines, d'après Cassien,
priaient constamment: O Dieu, venez à mon aide.
Sans moi vous ne pouvez rien faire. Mais les
Apôtres dormaient: Simon, tu dors? ainsi tu n'as
pu veiller une heure avec moi? L'Epouse appuyée
sur son Bien-Aimé. Sans moi vous ne pouvez rien
faire.
Le troisième degré c'est une bravoure
factice, produite par un mouvement de colère. Le
crocodile poursuit ceux qui le fuient. Les
Disciples avaient demandé: Seigneur, si nous
frappions du glaive? Sans attendre la réponse,
Pierre frappe indiscrètement.
Quatrième degré. Il entre dans la maison
et s'arrête à parler avec les serviteurs, etc. Voici
comment les choses se passèrent: Pendant qu'il
était assis dehors dans la cour, une servante, la
portière du grand Pontife, s'approcha de lui; et
lorsqu'elle eut aperçu Pierre qui se chauffait assis
devant le feu, [349] l'ayant regardé, elle dit a eeux
qui étaient présents: Celui-ci aussi était avec cet
homme. Alors ils dirent à Pierre: Et toi, n'es-tu pas
aussi des disciples de cet homme? Tu étais aussi
avec Jésus le Nazaréen. Mais il le nia devant tous,
disant: Je ne le suis pas; femme, je ne le connais
pas, je ne sais ni ne connais ce que tu veux dire.
Et il sortit, et le coq chanta. Or comme il sortait,
une autre servante dit a ceux qui étaient présents:
Celui-ci était avec Jésus le Nazaréen.
Et Pierre revenant avec quelques-uns afin
de se chauffer, un autre le voyant lui dit: Toi aussi
tu es de ces gens-là. Les autres dirent donc: N'es-
tu pas aussi de ses disciples? Il jure: Je ne connais
point cet homme; o homme, je ne suis pas [de ses
disciples]. Une heure après, un autre affirmait:
Vraiment, celui-ci aussi était avec lui, car il est
également Galiléen; et ceux qui se trouvaient là
s'approchèrent et dirent à Pierre: Certainement,
tu es aussi de ces gens, car ta es Galiléen et ton
langage te fait assez connaître. Enfin un parent de
celui à qui il avait coupé l'oreille [lui dit]: Ne t'ai-
2154 II Cor., VI, 1.
2155 Rom., XI, 20.
2156 Lucæ, XXII, 40, 46.
2157 Collat. X, c. X.
2158 Ps. LXIX, 1.
2159 Joan., XV, 5.
2160 Marc., XIV, 37; Matt., XXVI, 40.
2161 Cant., ult., 5.
2162 Lucæ, XXII, 49, 50.
270/342

28 Pages 271-280

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28.1 Page 271

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Nonne ego te vidi in horto cum illo? Iterum
negavit: O homo, nescio quid dicis; coepit
detestari et jurare quia nescio hominem
istum quem dicitis2163.
Notate, popule meus, una ancilla
incipit dubitando: [350] Et hic cum illo erat;
nam non audet Petro asseveranter dicere,
sed: Sed et tu ex discipulis es? Mox
affirmat. O lingua procax, dicis quæ nescis,
et dicendo incipis credere, et credendo
asseverare, viresque acquirit eundo.
Exemplum Basilii2164 de cane oblatrante cui
omnes respondent. [351]
je pas vu dans le jardin avec lui? Il le nia de
nouveau: O homme, je ne sais ce que tu dis; il
commença a faire des imprécations et a jurer: Je
ne connais point cet homme dont vous parler.
Remarquez, mon peuple: une servante
commence d'une manière dubitative: Celui-ci
aussi était avec cet homme; car elle n'ose pas
l'affirmer en [350] parlant à Pierre, mais: Et toi,
dit-elle, n'es-tu pas aussi de ses disciples? Bientôt
elle affirme. O langue impudente, tu dis ce que tu
ne sais pas, et en le disant, tu commences à le
croire, et en le croyant, tu l'affirmes, et en
l'affirmant, ta conviction s'affermit. Comparaison
donnée par saint Basile, du chien qui aboie et
auquel tous les autres répondent. [351]
2163 Matt., XXVI, 69-74; Marc., XIV, 66-71; Lucæ, XXII, 55-60; Joan., XVIII, 16-18, 25-57.
2164 Homil. in Lacizis (hodie in Append., tom. III Op.), § 3.
271/342

28.2 Page 272

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CXLII. Sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de
Carême
9 mars 1618
(INÉDIT)
2165SERMO TERTIUS
IN PRIMA PARTE PROSEQUIMUR
GRADUS AD LAPSUM; IN SECUNDA
DICIMUS CAUSAS OB QUAS CHRISTUS
PERMISIT HUJUSMODI LAPSUM.
Passiones, etiam contrariæ, sese mutuo
alliciunt. Fuit extrema audacia Petri
percutientis auriculam2166; ab ista tam ingenti
audacia facile lapsus est in contrariam
passionem timiditatis: ut unda quæ orientem
versus elevatur facillime in occidentem
relabitur; ut noctes Romæ, tempore sestivo
frigidissimæ sunt.
Dicamne unum aut alterum exemplum?
Amnon et Thamar, 2. Reg. 132167: Et exosam
habuit odio magno [352] nimis, etc. Saul
dilexit summopere David initio, I. Reg. 182168,
sed dilectio in iram et invidiam summam versa
est ex cantu puellarum Solimitarum2169.
Elephas mitissimum animal, et item
crudelissimum. En ergo Petrus, omnium ut
existimabat strenuissimus, statim, unico
ancillæ verbo perculsus, abnegat et timet.
Miraremur elephantum rinoceroti resistentem,
mox murem timentem; ut crococlylum,
icneumonem2170. Filii Ephrem2171, etc.; ut
supra, concio 2, num. 32172. Dispersit superbos
mente cordis sui2173. Reprehensibilis fuit
Apostolorum et Petri audacia; nam vel
existimarunt Christum facturum miracula, et
tunc vanitas fuit dicere: Si percutimus in
gladio2174? vel non existimarunt, et tunc
inopportuna temeritas. Dicendum de iis qui
TROISIÈME SERMON
DANS LA PREMIÈRE PARTIE, NOUS
CONTINUERONS A EXAMINER LES
DEGRÉS DE LA CHUTE; DANS LA
SECONDE, NOUS EXPOSERONS LES
CAUSES POUR LESQUELLES LE CHRIST
A PERMIS UNE TELLE CHUTE.
Les passions, même contraires,
s'excitent mutuellement. Pierre, en frappant
l'oreille, montra une extrême audace; de cette
audace extraordinaire, il est facile de tomber
dans la passion contraire, la timidité. Ainsi le
flot qui s'élève vers l'orient, retombe très
facilement vers l'occident. Ainsi à Rome, les
nuits d'été sont très froides.
Citerai-je un ou deux exemples?
Amnon et Thamar: Aussitôt il la prit en très
grande haine, etc. Saül aima d'abord
souverainement David, mais [352] cet amour
se changea en colère et extrême jalousie au
chant des filles de Jérusalem. L'éléphant qui
est le plus doux des animaux est aussi le plus
cruel. Voilà donc Pierre, s'estimant le plus
intrépide de tous, immédiatement ébranlé par
la seule parole d'une servante; il renie, il craint.
Nous nous étonnerions de voir un éléphant qui
résisterait à un rhinocéros et aussitôt après
redouterait un rat; il en est de même du
crocodile qui fuit l'ichneumon. Les fils
d'Ephrem, etc.; voir ci-devant le sermon
deuxième, n° 3. Il a dispersé ceux qui
s'enorgueillissaient dans les pensées de leur
cœur. L'audace des Apôtres et de Pierre fut
2165 (Ms. p. 110, recto)
2166 Matt., XXVI, 51.
2167 Vers. 15.
2168 Vers. 2, 5.
2169 Ibid., 6-9.
2170 Vide supra, p. 226.
2171 Ps. LXXVII, 9.
2172 Vide pag. 348.
2173 Lucæ, I, 51.
2174 Ibid., XXII, 49.
272/342

28.3 Page 273

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passionibus perturbantur, ut de navigantibus
ait Psal. 106. v. 23 et seq.; et historia Barach et
Sisaræ, nam Sysara a magno timore in
maximam securitatem obdormivit; Jud. 5.
Ergo temere ingressus est armis
destitutus atrium et curiam, nam loca
hujusmodi periculosa sunt et pestifera. O curia,
quot Petros occidis! Omnes in curia conspirant
contra Petros. Qui equus vestigia luporum terit,
vix incedere potest2175. [353]
Deinde cæpit timere, nam timore
perculsus negavit. Timiditas ergo successit
audaciæ. Nolite timere eos; Mat. 102176. Timor
Pilati, omnium malorum. Trepidaverunt
timore ubi non erat timor2177. Turbati sunt et
moti sunt sicut ebrius2178. Hinc hebetantur
oculi. Pastor Getulianus, immisso pallio, cepit
leonem2179. Sic apes nunquam tempore nubile,
at araneæ semper tempore nubilo telas suas
conficiunt.
Implicatus: Funes peccatorum
circumplexi sunt me2180. Mira humani ingenii
ubi turbatus est ignavia. Vide exemplum Loth,
Gen. 19. v. 14: generi Loth audientes, visus est
eis quasi ludens loqui. Mane facto cogebant:
Surge, etc. Dissimulante illo2181, etc.; nisi
apprehendas manu nihil facies.
Mirum tanto timore adactum ut bis
terve negaverit cum juramento et
anathemate2182: hoc facit appetitus et passio
depravata. Vide historiam Naboth, 3. Reg.
212183; nam ibi videbis immane facinus, ex
parva sed immoderata quamvis non injusta
passione habendi vineam ortum. Vide
Glossam ordinariam et Lyranum2184. Cur
dixerit Naboth: Propitius sit mihi Deus? Quia
scilicet non licebat Judæis sua vendere, nisi
usque ad jubilaeum. [354] Videte Achab
ægrotantem et similem Alexandro flenti2185,
Aman unico Mardocheo non flectenti genua
infenso; Esther, 5. v. 11. 12. 13.
Talis ergo progressus peccatorum est.
répréhensible; car, ou ils pensèrent que le
Christ ferait des miracles, et alors ce fut de la
vanité de dire: Si nous frappions du glaive? ou
ils ne le pensèrent pas, et alors leur témérité fut
inopportune. On peut appliquer à ceux que
troublent les passions, les paroles du Psaume
CVI au sujet des navigateurs; de même
l'histoire de Barach et de Sisara, car Sisara,
après une grande crainte, s'endormit dans la
plus profonde sécurité.
Ce fut donc par témérité que Pierre
entra sans armes dans le vestibule et dans la
cour; car ces lieux sont dangereux et
pestilentiels. O cour, que de Pierres tu
immoles! Dans la cour, tous conspirent contre
Pierre. Le cheval qui a rencontré la trace des
loups s'avance avec peine. [353]
Ensuite il se prit à craindre, car ce fut
sous le coup de la crainte qu'il renia. La
timidité a donc succédé à l'audace. Ne craignez
pas ceux, [etc.] C'est la crainte de Pilate et celle
de tous les méchants. Ils ont tremblé de frayeur
où il n'y avait aucun sujet de crainte. Ils ont été
troublés, ils ont chancelé comme un homme
ivre. Alors les yeux sont obscurcis par la
frayeur. Le pasteur de Gétulie, jetant son
manteau sur le lion, s'en empara. Les abeilles
ne travaillent jamais en temps nuageux, les
araignées au contraire tendent toujours leurs
toiles en ce temps-là.
[Pierre est] enlacé: Les liens des
pécheurs m'ont enlacé. Etrange torpeur de
l'esprit humain lorsqu'il se trouble. Voir
l'exemple de Loth: ses gendres l'entendant
parler, crurent qu'il plaisantait. Le matin venu,
[les Anges] le pressaient: Lève-toi, etc. Comme
il différait, etc.; si vous ne prenez les gens par
la main, vous ne ferez rien.
Ce qui étonne c'est que la crainte ait été
assez forte pour pousser Pierre à un double ou
à un triple reniement avec serment et
anathème: c'est l'effet de la convoitise et du
2175 Plin., Hist. nat. 1. XXVIII, c. X (al. XLIV).
2176 Vers. 28.
2177 Ps. XIII, 5.
2178 Ps. CVI, 27.
2179 Plin., Hist. nat., 1. VIII, c. XVI (al. XXI).
2180 Ps. CXVIII, 61.
2181 Vers. 15, 16.
2182 Vide pag. 350.
2183 Vers. 1-4.
2184 Bibl. cum Glossis.
2185 Plutarc., De Tranquill. Animi, c. IV.
273/342

28.4 Page 274

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Sed cur Christus permisit Petrum
cadere? 1°. Relictis causis generalibus propter
quas Deus permittit peccata, [Bellarm.,] lib. 3.
c. 2 De Amiss. gratiæ et statu peccati, dico ut
Apathistas refelleret: Euthimium, Palladium,
Evagrium Ponticum, asserentes Sanctos et
justos expertes omnis perturbationis. Vide
Ros.2186, 1. 2. c. 27. Refellit Hieronymus,
epistola ad Ctesiphontem2187, et Augustinus, 1.
14 de Civit., c. 9, exemplo Christi, qui videtur
habuisse passiones. Verum non passiones
habuit, sed propassiones; ergo convenientius
refelluntur ex viris sanctissimis, maxime ex
Petro, qui justus, post Eucharistiam, lotionem
pedum, etc., tamen perturbatur timore. Ergo
non in carentia passionum, sed in iis regendis
consistit perfectio; nam passiones sunt in corde
ut chordae in cythara, quæ ad concentum
reducuntur ut possimus dicere: Confitebor tibi
in cytara2188.
2°. Ut refelleret dicentes fideles non
posse peccare et [355] esse securos de sua
salute; nam quis magis stabat quam Petrus,
Eucharistia fulcitus et tot Christi monitis? et
tamen cecidit. Qui stat, videat ne cadat2189.
Angelo Philadelphiæ: Tene quod habes, ne
alius accipiat coronam tuam2190. Gregorius ad
Gregoriam cubiculariam Augustæ2191: «Rem
inutilem pariter et difficilem postulasti.»
Historia recitanda 40 Martirum, in quorum
vigilia incidit hæc concio2192. Cum timore et
tremore2193. Vigilandum, orandum2194.
3°. Quia gloria Dei magis elucet ex
peccatoribus poenitentibus: Majus est
gaudium2195; atqui, non gaudent Sancti nisi de
majori gloria Dei. Praevidens ergo Christus
poenitentiam, facillime permisit peccatum.
Historia de Beato Thoma2196 et Augustino.
Peccata lutum et fimus sunt, sed in poenitentia
et confessione convertuntur in rosas et lilia.
dérèglement des passions. Lisez l'histoire de
Naboth: vous y verrez un grand crime résultant
du léger désir de posséder une vigne, désir qui,
sans être injuste, était pourtant immodéré. Voir
la Glose ordinaire et Lyranus. Pourquoi
Naboth dit-il: Que Dieu me soit propice? C'est
parce qu'il n'était permis aux Juifs de vendre
leurs biens que jusqu'au temps du [354] jubilé.
Voyez Achab malade, ressemblant à
Alexandre en pleurs et à Aman, irrité de ce que
le seul Mardochée ne fléchissait pas les
genoux.
Tel est donc le progrès du péché.
Mais pourquoi le Christ a-t-il permis la
chute de Pierre? 1. Je laisse de côté les causes
générales pour lesquelles Dieu permet le péché
(voir [Bellarmin], liv. III, chap. II De la perte
de la grâce et de l'état du péché), et je dis que
le Christ voulait réfuter d'avance les
Apathistes: Euthimius, Palladius, Evagrius de
Pont, qui affirmaient que les Saints et les justes
étaient exempts de toute perturbation. Voir
Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme,
dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin
(liv. XIV de la Cité [de Dieu], chap. IX) les
réfutent par l'exemple du Christ qui semble
avoir eu des passions. Néanmoins il n'a pas eu
des passions, mais seulement des propassions;
il est donc plus convenable de les réfuter par
l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre
surtout qui était juste, et qui cependant, après
la Communion, le lavement des pieds, etc., est
troublé par la crainte. Ce n'est donc pas dans
l'absence mais dans le règlement des passions
que consiste la perfection; les passions sont au
cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut
qu elles soient ajustées afin que nous puissions
dire: Je vous louerai sur la harpe.
2. Il voulait confondre ceux qui disent
que les fidèles ne peuvent pécher et [355] sont
sûrs de leur salut. Qui, en effet, était plus
affermi que Pierre, soutenu par l'Eucharistie et
2186 Rossignolius Bernardinus, S. J., Disciplina Christianas Perfectionis.
2187 Ep. CXXXIII.
2188 Ps. XLII, 4.
2189 I Cor., X, 12.
2190 Apoc., III, 7, II.
2191 Epist., 1. VII, ep. XXV.
2192 Vide sup., not. (2115), p. 343.
2193 Ps. II, 11; Philip., II, 12.
2194 Matt., XXVI, 41.
2195 Lucæ, XV, 7, 10.
2196 Joan., XX, 25-29.
274/342

28.5 Page 275

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21974°. Apud Sanctum Chrisostomum,
in Catena2198, ad verba illa, c. 22 Lucæ2199:
Petrus vero sequebatur. Erat Petrus paulo2200
durior et severior; ut igitur disceret ex [356] iis
quæ passus erat obedientiam2201 et dulcedinem
erga peccatores. Pastor circumdatum se debet
existimare infirmitate2202; et qui poenitentia
eguit, poenitentiam aliis facilius impertit.
Terror vester ac tremor sit super cuncta
animantia terræ, Gen. 92203: super animantia,
non super poenitentes. Ezech. 342204: Quod
confractum est non alligastis. Hinc Paulus
humiliat se: Fidelis sermo et omni acceptione
dignus; quia venit Christus peccatores salvos
facere, quorum primus ego sum; 1. Thimot.
12205. Ad Gal. 62206: Fratres, et si
præoccupatus fuerit homo in aliquo delicto,
vos qui spirituales estis, hujusmodi instruite in
spiritu lenitatis, considerans teipsum ne et tu
tenteris. Magna virtus humilitas, quæ interdum
ex peccatis nascitur. Priusquam humiliarer
ego deliqui; propterea eloquium tuum
custodivi. Bonus es tu, et in bonitate tua doce
me justificationes tuas; [Ps.] 1182207: habebat
cæteras virtutes, sed non humilitatem; unde
deliquit. Hinc Petrus deinceps humillimus: non
dominans in cleris2208; sustinet
reprehendentem Paulum2209. «Ut qui primus
erat dignitate, primus esset humilitate2210
[357]
par tant d'avertissements du Christ?
Néanmoins il tomba. Que celui qui est debout
prenne garde de tomber. A l'Ange de
Philadelphie: Garde ce que tu as, de peur
qu'un autre ne reçoive ta couronne. Saint
Grégoire à Grégoria, camériste de
l'Impératrice: «Tu as demandé une chose aussi
inutile que difficile.» Rappeler l'histoire des
quarante Martyrs, à la vigile desquels je
prononce ce sermon. Avec crainte et
tremblement. Il faut veiller et prier.
3. Parce que la gloire de Dieu éclate
davantage par le repentir des pécheurs: Plus
grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se
réjouissent que de la plus grande gloire de
Dieu. Le Christ donc, prévoyant la pénitence,
permit très facilement le péché. Histoire des
saints Thomas et Augustin. Les péchés sont
boue et fumier, mais par le repentir et la
confession ils se transforment en roses et en lis.
4. Voir saint Chrysostôme, dans la
Chaîne [des Pères], sur ces paroles: Or, Pierre
suivait. Pierre, dit-il, était un peu dur et sévère;
le Christ a donc permis sa faute afin qu'il apprît
l'obéissance par ce qu'il souffrirait et pour
[356] qu'il devint indulgent envers les
pécheurs. Le pasteur doit se considérer comme
entouré d'infirmités; et celui qui a eu besoin de
pénitence accorde plus facilement aux autres le
pardon. Soyez la terreur et l'épouvante de tous
les animaux de la terre: des animaux, mais non
des pénitents. Vous n'avez pas bandé ce qui a
été brisé. Saint Paul aussi s'humilie: C'est une
vérité certaine et digne d'être entièrement
reçue, que le Christ est venu pour sauver les
pécheurs, entre lesquels je suis le premier. Mes
frères, si un homme est tombé par surprise
dans quelque faute, vous qui êtes spirituels,
2197 (Ms. p. 110, verso)
2198 Ex hom. in Petrum et Heliam (hodie inter dubia), § 1.
2199 Vers. 54.
2200 L'Autographe donne Paulo avec lettre capitale, comme s'il s'agissait du grand Apôtre. Peut-être saint François de
Sales a-t-il été trompé par le texte de la Chaîne des Pères où l'on constate cette faute; peut-être aussi a-t-il cédé à
l'habitude qu'il avait lui-même de substituer assez souvent une lettre majuscule à une minuscule, et vice-versa.
2201 Heb., V, 8.
2202 Ibid., v. 2.
2203 Vers. 2.
2204 Vers. 4.
2205 Vers. 15.
2206 Vers. 1.
2207 Vers. 67, 68.
2208 I Petri, ult., 3.
2209 Galat., II, 11.
2210 S. Gregor. Mag., Homil. in Ezech., 1. II, hom. VI, § 9.
275/342

28.6 Page 276

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instruisez-le en esprit de douceur, chacun de
vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne
soit aussi tenté. Grande est la vertu d'humilité
qui naît parfois du souvenir de nos péchés.
Avant d'être humilié j'ai péché; c'est pour cela
que j'ai gardé votre parole. Vous êtes bon, et
dans votre bonté enseignez-moi vos
justifications: David avait les autres vertus,
mais non pas l'humilité, c'est pourquoi il pèche.
Ainsi Pierre est désormais le plus humble: ne
dominant point sur le clergé; il supporte les
répréhensions de saint Paul. «Afin que celui
qui était le premier en dignité, fût le premier en
humilité.» [357]
276/342

28.7 Page 277

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CXLIII. Sommaire d'un sermon pour le deuxième Dimanche de
Carême
11 mars 1618
(INÉDIT)
2211SERMO 4
DE GRATIA EXCITANTE PETRUM
Ad illa verba: Et statim adhuc illo
loquente gallus cantavit iterum, et conversus
Dominus respexit Petrum; et recordatus est
Petrus verbi Domini Jesu quod dixerat2212.
Nota 1. Ivit Petrus in peccatum per se.
Vidit Deus cuncta quæ fecerat, et erant valde
bona2213. Ezech. 182214: Nunquid voluntatis
meæ est mors impii? dicit Dominus. 2. Petri,
32215: Deus neminem vult perire. Jac. 12216:
Nemo cum tentatur, dicat, etc. Oseæ, 132217:
Perditio tua ex te, Israel, tantummodo in me
bonum [358] tuum. Hinc: Adam, ubi es2218? Et
Caim irato: Nonne si bene feceris2219, etc.
Baruch, 32220: Quid est, Israel, quod in terra
alienorum es? Inveterasti in terra aliena,
coinquinatus es cum mortuis, deputatus es cum
descendentibus in infernum; dereliquisti
fontem sapientiæ. Hinc: Duo mala fecit
populus meus: dereliquerunt me2221, etc.
2. Perditio tua, Israel, tantummodo in
me auxilium tuum. Jo. 62222: Nemo potest
venire ad me nisi Pater meus traxerit eum.
Trahe me, post te curremus2223. Similes
apodibus2224, et avi paradisi2225. Coinquinatus
cum mortuis. Ut homo passus deliquium. Hinc
miseria peccatorum et justa condemnatio. Hæc
QUATRIÈME SERMON
DE LA GRACE QUI PREVINT SAINT
PIERRE
A ces paroles: Et aussitôt, comme il
parlait encore, le coq chanta de nouveau; et le
Seigneur se retournant regarda Pierre, et
Pierre se ressouvint de la parole que le
Seigneur Jésus lui avait dite.
Remarquer 1. Saint Pierre tomba de lui-
même dans le péché. Dieu vit toutes les choses
qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes...
Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le
Seigneur... Dieu ne veut pas que personne
périsse... Que nul lorsqu'il est tenté, ne dise,
etc. Ta perte vient de toi, Israël; c'est
seulement en moi qu'est ton bien. De là ces
paroles: Adam, où [358] es-tu? Et à Caïn irrité:
Si tu fais bien, ne [recevras-tu pas la
récompense] D’où vient, Israël, que tu habites
la terre des étrangers? Tu as vieilli dans une
terre étrangère, tu f es souillé avec les morts,
tu es devenu semblable à ceux qui descendent
en enfer; tu as abandonné la source de la
sagesse. De là: Mon peuple a fait deux maux:
ils m'ont abandonné, etc.
2. Ta perte vient de toi, Israël; c'est
seulement en moi qu'est ton secours... Nul ne
peut venir à moi si mon Père ne l'attire... Tirez-
moi, nous courrons après vous. Nous
2211 (Ms. p. 110, verso)
2212 Matt., XXVI, ult. Marc., XIV, ult. Lucæ, XXII, 60, 61.
2213 Gen., I, ult.
2214 Vers. 23.
2215 Vers. 9.
2216 Vers. 13.
2217 Vers. 9.
2218 Gen., III, 9.
2219 Ibid., IV, 7.
2220 Vers. 10-12.
2221 Jerem., II, 13.
2222 Vers. 44.
2223 Cant., I, 3.
2224 Aristot., De Hist. Animal., 1. I, c. I.
2225 Gomara, Hist. general. Ind., 1. IV, c. VI.
277/342

28.8 Page 278

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gratia præveniens: non amatur nisi amet.
Videte Davidem, videte Paulum, videte
Petrum. Ezech. 332226: Vivo ego. Vide in lib.
Divini Amoris2227.
3. Dieu envoye sa grace suffisante: Ne
dicas, per Deum abest2228. 1 Timot. 22229. 2 Pet.
32230.
4. Cette grace est prævenante, [elle] est
de trois especes: la grace prævenante pour la
conversion, prævenante a l'action et
prævenante au genre de vie. [359]
ressemblons aux apodes, et à l'oiseau de
paradis. Tu t'es souillé avec les morts. Comme
un homme qui est tombé en défaillance. C'est
la cause de la misère des pécheurs et de leur
juste condamnation. Voilà la grâce prévenante:
Dieu n'est aimé que s'il aime [le premier].
Voyez David, voyez saint Paul, voyez saint
Pierre. Je vis. Voir dans le livre de l'Amour de
Dieu.
3. Dieu envoie sa grâce suffisante: Ne
dis pas: Dieu est cause que [la grâce] est loin
de moi.
[Reprendre au texte, lig. 19.] [359]
2226 Vers. 11.
2227 Lib. II, cc. VIII, seqq.
2228 Eccli., XV, 2.
2229 Vers. 4.
2230 Vers. 9.
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CXLIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième
Dimanche de Carême
12 mars 1618
(INÉDIT )
2231SERMO 5
DE GRATIA ADJUVANTE
CINQUIEME SERMON DE LA GRACE
CONCOMITANTE
52232. Hæc gratia præveniens innumeris
nominibus in Scripturis designatur. Nam
vocatur tractus: Trahe me post te2233; vocatio:
Multi vocati2234; vox: Vox Dilecti mei2235;
præventio: Misericordia ejus præveniet
me2236; illuminatio: Exurge, qui dormis, et
illuminabit te Christus2237. Et sic mille modis.
Pulsatio: Ego sto ad ostium et pulso2238.
Sed tribus maxime quæ ad rem faciunt.
1°. Vocatur sagitta, Psalm. 442239: Specie tua et
pulchritudine; propter veritatem et
mansuetudinem, etc.; sagittæ [360] tuae
acutae, etc. Is. 492240: Dominus ab utero
vocavit me, de ventre matris meæ recordatus
est nominis mei. Adamus de Christo ad verbum
explicat2241, qui: Et posuit os meum quasi
gladium acutum, et posuit me quasi sagittam
electam; in pharetra sua abscondit me. Diu
abscondit Christum; sed qualis pharetra?
Pectus Patris, sinus Patris. Qualis sagitta?
Christus ipse, dum ingreditur cor per amorem.
1. Quare sagitta gratia præveniens?
quia non cogitantes percellit. Ut faciunt e
contrario mali: In Domino confido, quoniam
ecce peccatores intenderunt arcum,
paraverunt sagittas suas in pharetra ut
sagittent in obscuro rectos corde2242. 2. A
longe, quia peccatores elongaverunt se. Rara
similitudo de percutiente amore, ut de eo qui
5. Cette grâce prévenante est désignée
par d'innombrables noms dans les Ecritures.
Elle est appelée attraction: Tirez-moi après
vous; vocation: Beaucoup sont appelés; voix:
La voix de mon Bien-Aimé; prévenance: Sa
miséricorde me préviendra; illumination:
Lève-toi, toi qui dors, et le Christ t'illuminera.
Et ainsi en mille manières diverses. C'est un
coup: Je me tiens à la porte et je frappe.
Trois dénominations cependant se
rapportent surtout à notre sujet. 1. La grâce est
appelée flèche: Dans votre dignité et votre
beauté; pour la vérité et la mansuétude, etc.,
vos flèches sont acérées, etc. Le Seigneur m'a
appelé dès le sein [360] de ma mère, et dès les
entrailles maternelles, il s'est souvenu de mon
nom. Adamus place ces paroles sur les lèvres
du Christ: Et il a rendu ma bouche semblable
a un glaive perçant, et il m'a mis en réserve
comme une flèche choisie; il m'a caché dans
son carquois. Longtemps il cacha le Christ;
mais quel est le carquois? La poitrine du Père,
le sein du Père. Quelle est la flèche ? Le Christ
lui-même, lorsqu'il entre dans le cœur par
l'amour.
1. Pourquoi appeler flèche la grâce
prévenante? Parce qu'elle atteint ceux qui n'y
pensent pas. C'est ainsi que, dans un but
opposé, agissent les méchants: Je me confie au
Seigneur, car voici que les pécheurs ont tendu
2231 (Ms. p. 110, verso)
2232 Vide ad finern Serm. praeced.
2233 Cant., I, 3.
2234 Matt., XX, 16, XXII, 14.
2235 Cant., II, 8.
2236 Ps. LVIII, 11.
2237 Ephes., V, 14.
2238 Apoc., III, 20.
2239 Vers. 5, 6.
2240 Vers. 1, 2.
2241 Expositio in Is., ad locum.
2242 Ps. X, 1, 2.
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28.10 Page 280

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capreas Candiæ. Vide ad primum sermonem
Quadragesimæ2243.
22442°. Vocatur inspiratio: Inspiravit in
faciem ejus spiraculum vitæ2245; nam peccator
mortuus est, vivit autem gratia illum
præveniente.
3°. Vocatur invitatio, semonce, ut
libertas arbitrii videatur. Jam mirum est quam
multis modis et viis [361] vulneret et sagittet
corda. Maria Ægiptiaca vidit imaginem
Virginis, et ista imago, ut concio muta, eam
vulneravit2246. Gregorius Nazianzenus2247:
quamdam impudicam mulierem ad flagitium
evocatam, visa imagine Polemonis, viri
continentissimi, poenituisse et abiisse. Sic
Gregorius Nissenus visa historia
Abrahami2248; Beatus Pachomius viso
exemplo charitatis2249; Augustinus2250 lecto
loco illo: Non in cubilibus2251 Pelagia, quæ
margarita, audito Nonno2252. Quidam2253 ex
verbis illis: Subter sternetur tinea et
operimentum tuum erunt vermes2254. Alius2255
cum audiret: Vidit cælos apertos2256. Hinc
inspirationes dicuntur sagittæ, quia infligunt
passiones. Franciscus Borgia videns mortuam
Imperatricem, etc. Sed modus communis est
verbum Dei.
Hac gratia præveniente igitur fimus
volentes: Dabit velle et perficere; operatur in
nobis velle2257. Jam ergo egemus gratia
cooperante, subsequente et adjuvante. Nam,
velle converti in genere satis magnum est;
velle converti cito, majus; velle converti nunc,
maximum. At pleraque arrident in confuso,
quæ cum particulariter sunt facienda
displicent. Videte, Tobiæ, c. 8. 9. et 10,
quomodo Raguel cunctatur remittere Tobiam;
et Annam. [362] Sic etiam Bathuel et Laban,
l’arc, ils ont disposé leurs flèches dans le
carquois, pour frapper dans l'obscurité ceux
qui ont le cœur droit. 2. [Elle part] de loin,
parce que les pécheurs se sont éloignés. Belle
comparaison entre l'amour qui frappe, et les
chasseurs qui poursuivent les chèvres de
Candie. Voir le premier sermon de Carême.
2. Elle est appelée inspiration: Il
inspira sur son visage un souffle de vie; car le
pécheur est mort, mais il revit par la grâce qui
le prévient.
3. Elle est appelée invitation, semonce,
pour montrer la liberté laissée au franc-arbitre.
Il est admirable de voir combien sont
multipliés les moyens par lesquels [Dieu]
blesse les cœurs, combien sont nombreux les
sentiers dans lesquels il décoche ses flèches!
Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et
[361] cette image la frappa comme une
prédication muette. Saint Grégoire de
Nazianze raconte qu'une femme impudique
sollicitée au crime, se repentit à la vue du
portrait de Polémon, homme très chaste, et prit
la fuite. De même saint Grégoire de Nysse fut
touché voyant une peinture qui représentait le
sacrifice d'Abraham; le bienheureux Pacôme,
voyant un exemple de charité; Augustin, à la
lecture de ce passage: Non dans les
dissolutions; Pélagie, dont le nom signifie
perle, à la parole de Nonnus. Un certain
personnage fut converti par ces paroles: La
pourriture sera ta couche et les vers seront ta
couverture. Un autre, par ces mots: Il vit les
cieux ouverts. Ainsi les inspirations sont
appelées flèches parce qu'elles causent des
souffrances. François de Borgia, voyant
l'Impératrice défunte, etc. Toutefois, le moyen
ordinaire est la parole de Dieu.
2243 Cf. supra, p. 56.
2244 (Ms. p. III, recto)
2245 Gen., II, 7.
2246 Vide supra, p. 95.
2247 Carm., l. I, sect. II, poema X, 802-807.
2248 Vide supra, p. 101.
2249 Vitae Patrum, 1. I, Vita S. Pachomii, c. IV. Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. II, c. XIII.
2250 Confess., l.VIII, c. XII.
2251 Rom., XIII, 13.
2252 Vitae Patrum, 1. I, Vita S. Pelagiae.
2253 Vide Platum, De Bono Stat. Relig., 1. III, c. ult.
2254 Is., XIV, 11.
2255 Vide tom. praec., p. 78.
2256 Act., VII, 55.
2257 Rom., VII, 18; Philip., II, 13.
280/342

29 Pages 281-290

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29.1 Page 281

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Rebeccam2258. En conversionis difficultas:
Egressus flevit2259. Quitter tout. Ejice puerum
et matrem ejus2260. Lazarus egreditur, ligatus
manus et pedes institis2261. En Helias tribus
vicibus expansus est super puerum; 3. Reg.
172262. 4. Reg. 42263; Oscitavit puer septies. Sic
Paulus, Act. 92264.
1. Egredi ad meditandum2265, ad
excitandum contritioem; 2. flere, contritionem;
3. confiteri: nam Petrus non est confessus, quia
vidente Summo Sacerdote. [363]
Par cette grâce prévenante, la volonté
est donc mise en action: Il donnera le vouloir
et le faire; il opère en nous le vouloir. Nous
avons donc besoin de la grâce qui coopère avec
nous, de celle qui suit notre acte et de celle qui
nous aide. Vouloir en général se convertir est
une bien grande chose, vouloir se convertir au
plus tôt est plus grand encore, mais le vouloir
à l'heure même est ce qu'il y a de plus grand.
Le plus souvent, hélas! ce qui sourit vu de loin,
déplaît lorsqu'il faut en venir à l'exécution.
Voyez comme Raguel tarde à renvoyer Tobie;
voyez la conduite d'Anne. De même, Bathuel
et Laban [362] retiennent Rébecca. Voilà la
difficulté de la conversion: Etant sorti, il
pleura. Quitter tout. Chasse l'enfant et sa mère.
Lazare sort [du tombeau], les mains et les pieds
liés de bandelettes. Voilà Elie qui s'étend par
trois fois sur l'enfant. L'enfant bâilla sept fois.
Ainsi saint Paul, Actes, IX, 9.
1. Il faut sortir pour méditer, pour
s'exciter à la contrition; 2. il faut pleurer par la
contrition; 3. il faut se confesser: quant à
Pierre, il ne se confessa pas parce qu'il était en
présence du souverain Prêtre. [363]
2258 Gen., XXIV, 55.
2259 Matt., XXVI, ult.
2260 Gen., XXI, 10.
2261 Joan., XI, 44.
2262 Vers. 21.
2263 Vers. 35.
2264 Vide infra, p. 367.
2265 Cf. Gen., XXIV, 63.
281/342

29.2 Page 282

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CXLV. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste
13 mars 1618
(INÉDIT)
2266SERMO 6
DE GRATIA PERFICIENTE
SERMON SIXIÈME
DE LA GRACE QUI ACHÈVE LE SALUT
B. Bern., Ser. Parvi, 392267: «Triplex
nobis necessaria est benedictio: preveniens,
adjuvans,
consummans.
Prima
misericordiæ, 2. gratiæ, 3. gloriæ.» Ego
paulisper immuto divisionem, nam
consummantem in perficientem rejicio.
[1°.] Præveniens misericordia
operatur in nobis velle converti2268; at hoc
satis non est, quoties enim dicimus: Volo
converti, et tamen non convertimur! Sic
enim increpat Idumæos Isaias, c. 212269:
Onus Duma, id est, [364] regionis
Idumeorum, quae vergit ad austrum; clamat
ad me ex Seir. Seir regio est Idumææ; ab
Esau, qui et Edom, rufus, et Seir, id est,
hispidus2270. Populus ergo Seir clamat:
Custos, quid de nocte? quota est hora
noctis? Dixit custos: Venit mane; ecce
aurora est, et nox tamen sequitur. Est
similitudo peccatorum, hispidorum,
brutalium hominum ut Nabuchodonozor.
Quid de nocte? Cupio converti ad diem.
Ecce gratia præveniens illuxit, et nox
recidit, ut pigri qui aperiunt oculos
(Usquequo, piger, dormies et
dormitabis2271?) deinde claudunt, et in
medio die faciunt sibi noctem. Quare dies et
nox? (Si quæritis, quærite2272.) Quia non
serio quæritis; vultis et non vultis2273.
Convertimini in toto corde2274; aliqui sunt
qui quidem convertunt aliquatenus oculos,
sed non corpus erga postclamantes. Vide
Saint Bernard, dit dans le XXXIXe de ses
Petits Sermons: «Une triple bénédiction nous est
nécessaire: celle qui prévient l'acte, celle qui y
coopère, celle qui le couronne. La première est
celle de la miséricorde, la seconde celle de la
grâce, la troisième celle de la gloire.» Je
modifierai quelque peu cette division, car je
comprends la grâce qui couronne dans celle qui
perfectionne.
[1.] Pour la conversion, la miséricorde
prévenante opère en nous le vouloir; mais cela ne
suffit pas. Que de fois, en effet, nous disons: Je
veux me convertir, et cependant nous ne nous
convertissons pas! C'est le reproche qu'adresse
Isaïe aux Iduméens: Malheur accablant de Duma,
c'est-à-dire, de [364] la partie de l'Idumée qui est
située au sud; il me crie de Séir. Séir est une
région de l'Idumée; ce nom vient d'Esaü, appelé
aussi Edom, rouge, et Séir, c'est-à-dire velu. Le
peuple de Séir crie donc: Sentinelle, qu'annonces-
tu de la nuit? quelle heure est-il de la nuit? La
sentinelle dit: Le matin est venu, voici l'aurore, et
cependant la nuit succède. C'est une figure du
pécheur, tout velu, homme animal comme
Nabuchodonosor. Qu'annonces-tu de la nuit? Je
désire me retourner vers la lumière. C'est la grâce
prévenante qui a brillé, mais la nuit retombe; il est
semblable aux paresseux qui ouvrent les yeux
(Jusqu'à quand, paresseux, dormiras-tu et
sommeilleras-tu?) puis les referment, et au milieu
du jour se font une nuit. Pourquoi ce mélange de
jour et de nuit? (Si vous cherchez, cherchez bien.)
Parce que vous ne cherchez pas sérieusement;
2266 (Ms. p. 111, recto)
2267 Hodie serm. LXXVI de Diversis.
2268 Philip., II, 13.
2269 Vers. 11, 12.
2270 Gen., XXV, 25.
2271 Prov., VI, 9, 10.
2272 Is., XXI, 12.
2273 Prov., XIII, 4.
2274 Is., XXI, 12; Jer. XXIX, 13.
282/342

29.3 Page 283

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supra2275: Tobiam, Bathuelem; Lazarum
egredientem ligatis manibus et pedibus.
2°. Ergo, ad salutem peccatoris
requiritur gratia adjuvans, de qua ultimo
loco diximus2276; quæ in eo consistit ut ex
animo quæramus omnia media ad veram
poenitentiam. Pulchra allata Gen. 242277.
Nihil cogitante Rebecca, ecce Eliezer ad
fontem, petit ab ea, etc. Ecce prima [365]
introductio, audit nuntium, audit verbum;
deinde dat inaures aureas, dat suavitatem et
dulcedinem audiendi, et armillas
(brasseletz), facultatem aggrediendi, et
invite la grace a demeurer, ce bon
mouvement; nam est opus gratiæ
prevenientis, ita mulcere auditum, id est,
intellectum, et voluntatem movens (sic), ut
velint gratiam hanc manere et istam
delectationem. Deinde ingressa gratia, petit
consensum; quo habito dat vasa argentea, id
est, timorem, et aurea, id est, amorem ; mox
vestit firmissimo proposito, id est, ab amore
inchoato perducit ad amorem fortem, qui
proponit etiam usque ad mortem
perseverare. Filius prodigus in se reversus
per gratiam excitantem: Quanti mercenarii
in domo patris mei abundant panibus; ego!
Surgam2278. Mox vadit. Sic Lazarus
solvitur. O faelix poenitentia in Magdalena!
Ut cognovit quod. Jesus accubuit2279, etc.:
ecce gratia præveniens; mox attulit, etc.:
ecce gratia cooperans.
2280Gratia autem hæc cooperans, in
tribus consistit, quæ Raphael prestitit
Tobiæ: in directione vel mediata vel
immediata, interiori et exteriori (et nota, si
negligas exteriorem, id est, hominem
dirigentem, vix habebis [366] interiorem;
audi gallum et respiciet te Dominus2281); in
protectione et defensione adversus mala,
contra piscem2282; et in juvamine, ut
Raphael qui etiam victum præstitit. Sic
Eliezer narrat se missum ut deducat uxorem
domino suo, ecce directionem; deinde ut
protegat, ecce dat vestes quæ protegunt ab
vous voulez et vous ne voulez pas. Convertissez-
vous de tout cœur; il y en a qui, à la vérité,
tournent bien les yeux, mais non pas leur corps
vers ceux qui crient derrière eux. Voir plus haut:
Tobie, Bathuel; Lazare sortant du tombeau mains
et pieds liés.
2. Donc, pour le salut du pécheur, cette
grâce qui aide et dont nous avons parlé
précédemment est nécessaire. C'est cette grâce
qui nous fait rechercher de tout cœur tous les
moyens d'une vraie pénitence. Beaux exemples
cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne
soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365]
de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première
ouverture, elle entend le messager, écoute sa
proposition; Eliézer lui donne ensuite des
pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité
et la douceur à l'audition de ses paroles, et des
bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en
exécution. [L'âme] invite la grâce, ce bon
mouvement, à demeurer; car c'est le rôle de la
grâce prévenante de charmer l'oreille, c'est-à-dire
l'esprit et la volonté de celui qu'elle touche, de
telle sorte qu'il veuille conserver la jouissance de
cette grâce. Une fois entrée, la grâce appelle le
consentement, et dès qu'il s'est présenté, elle offre
à son hôte des vases d'argent, c'est-à-dire la
crainte, et d'or, c'est-à-dire l'amour; bientôt elle le
revêt d'un très ferme propos, c'est-à-dire que, de
l'amour ébauché, elle le conduit à cet amour
puissant qui se propose de persévérer même
jusqu'à la mort. L'enfant prodigue, rentrant en lui-
même par la grâce excitante, se dit: Combien de
mercenaires, dans la maison de mon père, ont du
fain en abondance, et moi! [etc.] Je me lèverai. Il
part immédiatement. Ainsi Lazare est délié. Oh!
quelle heureuse pénitence en Madeleine! Ayant su
que Jésus était à table, etc.: voilà la grâce
prévenante; elle apporta aussitôt, etc.: voilà la
grâce coopérante.
Cette grâce coopérante comprend les trois
services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige
directement ou indirectement, au dedans et au
dehors (et remarquez, si vous négligez la
direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient
2275 Pag. 362, 363.
2276 Ibid.
2277 Vers. 15-53.
2278 Lucæ, XV, 17, 18.
2279 Ibid., VII, 37.
2280 (Ms. p. 111, verso)
2281 Lucæ, XXII, 61.
2282 Tobiæ, VI, 2-6.
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29.4 Page 284

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aeris intemperie; tertio, ut adjuvet, attulit
camelos2283. Sic Paulo: Vade ad Ananiam,
ecce directionem, qui dedit spiritum
dirigentem et squamas dejicientem; deinde,
expulit peccatum Baptismo; tertio,
comedit2284.
3°. Ergo necessaria est ad salutem
peccatorum
perseverantia:
Qui
perseveraverit usque in finem, hic salvus
erit2285. Origenes, Tertullianus, Hosius,
Salomon, Judas non perseverarunt.
Voluntas hominis ambulatoria usque ad
mortem. Bene currebatis, quis vos
impedivit2286? Concilium Tridentinum2287:
Altissimum et profundum absconditum
perseverantiæ donum. Qui stat videat ne
cadat2288. Omnes quidem currunt, sed unus
accipit bravium2289. Duplex perseverantia:
una propria, alia æquivalens. Qui
convertuntur in morte ut latro, et paucissimi
alii, habent sequivalentem perseverantiam;
nam proprie non perseverant, sed eorum
conversio æquivalet [367] perseverantiæ, et
nihil est aliud quam conversio. Alia propria,
per quam diu perseveramus; et tunc donum
perseverantiæ nihil aliud est quam series
quædam
gratiarum
dirigentium,
protegentium et adjuvantium2290.
Verum duplex occurrit scrupulus
circa prædicta. Primus est: Si ex nobis nihil
possumus, qui damnatur damnatur quia
Deus illum non adjuvit; en siti morior2291.
Verum hoc argumentum adeo est futile ut
nihil supra. Nam, quamvis gratia Dei sit
nobis necessaria, tamen non deest; Job,
242292: Ipsi rebelles fuerunt lumini. Non
magis tibi deest gratia quam natura.
Exemplum de claudente oculos, in lib.
Divini Amoris2293. Exemplum de Israelitis,
in deserto: non defuit manna, sed ipsi
de l'homme, vous obtiendrez difficilement
l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur
vous regardera); elle protège et défend contre le
mal, contre le poisson; elle soutient, comme
Raphaël qui fournit encore des aliments. Ainsi
Eliézer raconte qu'il est envoyé pour ramener une
épouse à son maître, c'est la direction; ensuite,
pour la protéger, il lui donne des vêtements qui la
défendent contre l'intempérie de l'air;
troisièmement, pour la soutenir, il lui amène des
chameaux. De même pour saint Paul: Va trouver
Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne
l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de
ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le
Baptême; troisièmement, Paul mange.
3. La persévérance est donc nécessaire au
salut des pécheurs: Celui qui aura persévéré
jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. Origène,
Tertullien, Hosius, Salomon, Judas ne
persévérèrent pas. La volonté de l'homme doit
être toujours en marche jusqu'à la mort. Vous
couriez si bien; qui vous a arrêtés? Le Concile de
Trente dit: Le don mystérieux de la persévérance
est très haut et très profond. Que celui qui est
debout prenne garde de tomber. Tous, à la vérité,
courent, mais un seul remporte le prix. Il y a deux
sortes de persévérance: l'une proprement dite,
l'autre équivalente. Ceux qui se convertissent à la
mort, comme le larron et d'autres fort peu
nombreux, ont eu la persévérance équivalente;
car, à parler exactement, ils ne persévèrent [367]
pas, mais leur conversion équivaut à la
persévérance qui n'est rien autre que la
conversion. La persévérance proprement dite est
celle par laquelle nous persévérons longtemps, et
dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre
chose qu'une série de grâces qui dirigent,
protègent et portent secours.
Mais deux objections se présentent contre
ce qui vient d'être avancé. Voici la première: Si
par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui
est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé?
2283 Gen., XXIV, 34-38, 53, 61.
2284 Act., IX, 7, 17-19.
2285 Matt., X, 22.
2286 Galat., V, 7.
2287 Sess. VI, cap. XIII et can. XVI.
2288 I Cor., X, 12.
2289 Ibid., IX, 24.
2290 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. III, c. IV.
2291 Judic., XV, 18.
2292 Vers. 13.
2293 Lib. IV, c. V.
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29.5 Page 285

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mannæ defuerunt2294, fuit illis columna
nubis per diem, et ignis per noctem2295.
Exemplum arcæ Noe: tam facile intrare
potuerunt quam extra manere, at illi
noluerunt2296.
Secundus scrupulus. Utrum actus
poenitentiæ sint sensibiles? Dupliciter
potest excitari sensus: ab intrinseco et parte
rationali, vel a parte inferiori. Filiæ
Hierusalem flebant a parte inferiori, unde
Dominus: Nolite flere super me2297, a parte
inferiori; et hinc bonus fletus, [368] est
enim effectus contritionis; verum quia
sensus non obedit rationi semper, non est
opus fletu exteriori, sed interiori tantum.
Jam vero, quæ quantitas fuit
poenitentiæ Petri? Fuit 1°. extensa per
totum hominem; nam iste fletus processit ab
intellectu ad cor et a corde ad oculos, ut et
Magdalenæ; hic explica secundum
scrupulum. 2°. Extensa per omnes animæ
passiones sive affectiones; unde, 1. Reg.
X2298: Insiliet in te Spiritus Domini, et
mutaberis in virum alterum. 3°. Extensa ad
omnem vitam, quam finivit ob
conversionem duarum fæminarum, ut duæ
feminæ illum abjurare fecerant. Vide
historiam2299. [369]
Voici que je meurs de soif. Rien n'est plus futile
que ce raisonnement. Il est vrai que la grâce de
Dieu nous est nécessaire, mais aussi jamais elle
ne nous manque: Ils ont été rebelles à la lumière.
La grâce ne te fait pas plus défaut que la nature.
Voir dans le livre de l'Amour de Dieu l'exemple
de celui qui ferme les yeux. Exemple des
Israélites dans le désert: la manne ne manqua pas,
mais ils manquèrent à la manne; ils eurent la
colonne de nuée le jour, et de feu la nuit. Exemple
de l'arche de Noé: il était aussi facile d'y entrer
que de rester dehors, mais ils ne voulurent pas
entrer.
Seconde objection. Les actes de repentir
sont-ils sensibles? Une double cause peut exciter
le sentiment intérieur: l'une provenant de la
raison, l'autre de la partie inférieure de l'âme.
C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait
pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur
leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie
inférieure. Les larmes sont donc bonnes, car elles
sont [368] un effet de la contrition; mais parce que
ce sentiment n'obéit pas toujours à la raison, la
tristesse extérieure n'est pas nécessaire,
l'intérieure suffit.
Et maintenant, jusqu'où alla le repentir de
Pierre? 1. Il s'étendit à tout l'homme, car sa
tristesse passa de l'intelligence au cœur et du cœur
aux yeux, comme chez Madeleine; développer ici
la seconde objection. 2. Il s'étendit à toutes les
passions ou affections de son âme; c'est ainsi qu'il
est dit: L'Esprit du Seigneur s'emparera de toi, et
tu seras changé en un autre homme. 3. Il s'étendit
à toute sa vie, qu'il sacrifia pour la conversion de
deux femmes, comme deux femmes avaient été
l'occasion de son parjure. Voir l'histoire. [369]
2294 Exod., XVI, 13-29; Num., XI, 6-9.
2295 Exod., XIII, 21.
2296 Gen., VII, 7; I Petri, III, 20.
2297 Lucæ, XXIII, 28.
2298 Vers. 6.
2299 Apud Baron., Annal., anno 69, § V.
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29.6 Page 286

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CXLVI. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste
24 juin 1618
(INÉDIT)
2300AD FESTUM SANCTISSIMI
PRÆCURSORIS, 1618
CUM CIVITAS VEROELLENSIS,
DECIMO ANTE DIE, SERENISSIMO
DUOI ESSET AB HISPANIS
RESTITUTA AC PROINDE PACIS
SANCITA EXECUTIONI MANDATA,
ET PAX STABILITA
DE JOANNE SANCTISSIMO ET PACE
PACISQUE BONO CONSERVANDO
Thema: Et tu, puer, Propheta Altissimi
vocaberis, etc.
[LUCÆ, I, 76.]
Ultimo meo sermone, hic habito,
feria secunda Pentecostes, dicebam tempus
mihi loquendi esse, quia linguæ igneæ2301
nobis Apostolorum successoribus datæ
erant; sed et nunc quoque tempus clamandi,
nam tunc [370] festum linguarum, at nunc
tempus vocis est, eum enim celebramus qui
vox est clamantis2302. Vocalem ergo esse
opportet hodie, cum Zacharias, vocis
paralisi mutus, loquitur2303, ad laudandum
vocem quæ Domini voce laudata est; sed
vereor ne quemadmodum Alexander non
alio penicillo pingi volebat quam
Apellis2304, ita et Joannes alia se voce
laudari nolit quam Christi. At vero inter
laudes ipsius, illa una fuit quod non vento
superbise moveatur: Arundinem vento
agitatam2305. Ergo, hac mea debili voce
vocem istam laudabo, et vocem quæ data est
ad dirigendos pedes nostros in viam
pacis2306.
Et jam videtis, charissimi mei, de
gaudio pacis nostræ etiamnum velle verba
POUR LA FÊTE DU TRÈS SAINT
PRÉCURSEUR, 1618
DIX JOURS APRÈS LA RESTITUTION DE
LA VILLE DE VERCEIL AU SÉRÉNISSIME
DUC DE SAVOIE PAR LES ESPAGNOLS
ET LA RATIFICATION DU TRAITÉ DE
PAIX, AINSI AFFERMI PAR L'EXÉCUTION
DES ARTICLES
SUR LE GRAND SAINT JEAN ET LA
NECESSITE DE CONSERVER LA PAIX ET
SES AVANTAGES
Texte: Et toi, enfant, tu seras appelé le
Prophète du Très-Haut, etc.
Dans mon dernier sermon que je fis ici le
lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je,
le temps de parler, parce que des langues de feu
nous avaient été données, à nous, successeurs des
Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de
parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des
langues, c'est maintenant le temps de la voix,
parce que nous célébrons le Saint qui est la voix
de Celui qui crie. Il faut donc parler aujourd'hui,
puisque, tout muet qu'il est, Zacharie parle, de sa
langue paralysée, pour louer cette voix que la voix
du Seigneur a louée. Mais de même qu'Alexandre
ne voulait être peint que par le pinceau d'Apelles,
je crains bien que Jean ne veuille être loùé que par
la voix du Christ. Cependant, entre tous ses
mérites, celui-ci est principalement remarquable:
jamais il ne fut agité par le vent de l'orgueil. Un
roseau agité par le vent. Eh bien! de ma faible
voix, je louerai cétte voix, et encore la voix de
Celui qui doit diriger nos pas dans la voie de la
paix.
2300 (Ms. p. 179, fecto)
2301 Act., II, 3.
2302 Joan., I, 23.
2303 Lucæ, I, 64.
2304 Plin., Hist. nat., 1. XXXV, c. X (al. XXXVI).
2305 Matt., XI, 7 ; Lucæ, VII, 24.
2306 Lucæ, I, 79.
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29.7 Page 287

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miscere; quomodo enim tacerem in tanta
gaudii causa? Et sane opportune; ecce enim
jam anniversarium diem ago primæ mese ad
vos concionis2307, nec pauciores sunt 25
annis expletis; et quidem mihi ipsi gratulor
qui semper exinde vos expertus sum
benevolos auditores, qui nimirum ut multos
[prædicatores] peritiores at nunquam
habituri estis amantiores. [371] Et quia
Evangelium pacis2308 semper vobis
nunciavi, nunc, recurrente anniversario die,
a pace etiam 26æ prædicationis meæ annum
incipio. O faxit Deus, ut vobis
proficientibus! etc.
Joanne nato, omnes mirabantur ob
miraculum nativitatis ejus, ob matris
sterilitatem et ætatem effcetam, ob patris
interclusam vocem et iterum restitutam,
dicentes invicem: Quis putas puer iste
erit2309? At Zacharias prophetans: Et tu,
inquit, Propheta Altissimi vocaberis, etc.;
præibis enim, id est, Propheta, Præcursor.
Quasi diceret: Cum Christus sol oriens ex
alto, vel solis ortus ex alto visitare nos ex
alto, tu aurora et hesper gratissimus, et
tanquam pronubus et heraut, parare vias
ejus.
Sed quomodo paravit? Ad dandam
scientiam salutis plebi ejus, in remissionem
peccatorum eorum2310. Hic est Propheta, et
plus quam Propheta2311. Vox Dilecti mei;
ecce ipse venit saliens in montibus,
transiliens colles2312. Dormiebat ecclesia
Mosaica, et ecce vox Dilecti. Alii Prophetæ
dicebant: Ecce veniet2313, veniens veniet et
non tardabit2314; at iste: Ecce iste venit,
[372] saliens in montibus, transiliens colles.
Vide Catenam trium Patrum Græcorum,
apud Gisler, [Comm. in Cant.,] c. 2. v. 8. et
9, in appendice.
Sed quomodo præparavit? Ad
dandam scientiam salutis plebi ejus. Sed
quae est ista scientia salutis? Fides et
Vous voyez déjà, mes très chers Frères,
que je veux mêler à mes paroles quelque chose de
la joie de notre paix. Comment me tairais-je en
présence d'une si grande cause de joie? La
circonstance d'ailleurs est opportune, car c'est
l'anniversaire du premier sermon que je vous
adressai, il y a vingt-cinq ans complets. Et je m'en
félicite, car vous avez toujours été pour moi un
auditoire bienveillant; si, à la vérité, vous avez eu
bon nombre d'orateurs plus habiles, vous n'en
avez pas eu de plus affectionné. Et puisque je
vous ai toujours [371] annoncé l'Evangile de paix,
maintenant, au retour de cet anniversaire, je
commencerai encore en parlant de paix la vingt-
sixième année de ma prédication. Oh! plaise à
Dieu que ce soit à votre avantage! etc.
Jean étant né, tous s'émerveillaient de
cette miraculeuse naissance: la mère était stérile
et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père
avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se
disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que
sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi,
dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut,
etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le
Prophète, le Précurseur. Comme s'il disait: Le
Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient,
le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est
venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore,
l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut
qui prépare ses voies.
Mais comment les prépara-t-il? Afin de
donner la science du salut à son peuple, pour la
rémission de leurs péchés. Celui-ci est Prophète,
et plus que Prophète. J'entends la voix de mon
Bien-Aimé; le voici lui-même qui vient sautant
sur les montagnes, franchissant les collines.
L'église Mosaïque dormait, et voici la voix du
Bien-Aimé. Les autres Prophètes disaient: Voilà
qu'il viendra, il viendra et il ne tardera pas; mais
celui-ci dit: Le voici qui vient, sautant sur les
montagnes, franchissant les collines. Voir la
Chaîne [372] des trois Pères grecs, citée par
Ghisler, [Commentaire sur le Cantique,] chap. II,
appendice au commentaire sur les versets 8, 9.
2307 Ces paroles confirment ce que nous avons avancé tome VII de cette Edition, p. 1, note (8), au sujet de la date du
premier sermon de saint François de Sales.
2308 Ephes., ult., 15.
2309 Lucæ, I, 66.
2310 Ibid., vv. 76-78.
2311 Matt., XI, 9.
2312 Cant., II, 8; cf. Joan., III, 29.
2313 Aggaei, ult., 8.
2314 Habacuc, II, 3.
287/342

29.8 Page 288

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poenitentia. Ecce Agnus Dei2315, et
Poenitentiam agite2316. Hanc autem
scientiam docuit, 1°. verbo: Poenitentiam
agite, appropinquavit enim Regnum
cælorum; et 2°. factis: De pilis camelorum,
contritio præteritorum; zona pellicea2317,
propositum futurorum. Cingit poenitentia
propositum cavendi a futuro. Vinum et
siceram non bibit2318; ecce vitat omnia
periculosa. Mel sylvestre, oratio;
locustæ2319, spem et metum. Vide pag.
1762320. Hinc remissio peccatorum: Per
viscera misericordiæ Dei nostri, in quibus
visitavit oriens ex alto. Visitavit oriens;
illuminare, id est, ut illuminaret, ad
illuminandum, his, etc., ad dirigendos
pedes nostros in viam pacis2321.
Quo loco scientia salutis omnis
ordinatur in viam [373] pacis, id est, in viam
et vitam Christianam cujus pax est
proprietas, quadruplici modo. Ita Angeli
compendio totum librum Redemptionis
inscribunt: Gloria in excelsis Deo, et in
terra pax hominibus bonæ voluntatis2322. Et
Christus Evangelium illaturis: In
quamcumque domum intraveritis, etc.,
dicite: Pax huic domui2323; id est, pax
Evangelii, Evangelium pacificum2324. 2.
Cor. 132325: De caetero., pacem habete, et
Deus pacis et dilectionis erit vobiscum.
Ephes. 22326: Et veniens evangelizavit vobis
pacem; ipse enim est pax nostra. Hinc
Templum Salomonis; Salomon pacificus,
Sullamitis pacifica. [Psalm.] 712327: Orietur
in diebus ejus justitia et abundantia pacis.
Ses victoires paysibles et amoureuses;
[Psalm.] 442328: Accingere gladio tuo super
Mais encore une fois, comment prépara-t-
il ses voies? Afin de donner la science du salut à
son peuple. Et quelle est cette science du salut?
La foi et la pénitence. Voici l'Agneau de Dieu, et
Faites pénitence. Or, il enseigna cette science,
premièrement, par la parole: Faites pénitence, car
le Royaume des cieux approche; secondement,
par les œuvres: [Vêtement] de poils de chameau,
contrition du passé; ceinture de cuir, bon propos
pour l'avenir. La pénitence comprend la
résolution de fuir le péché futur. Il ne boit ni vin
ni cervoise; voilà comment il évite tout ce qui est
dangereux. Miel sauvage, oraison; sauterelles,
espérance et crainte. Voir page 176. L'objet de la
mission de saint Jean est donc la rémission des
péchés: Par les entrailles de la miséricorde de
notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a
visités d'en haut. Le soleil levant nous a visités;
illuminare, éclairer, c'est-à-dire, afin d'éclairer,
pour éclairer, ceux, etc., pour diriger nos pas dans
la voie de la paix.
On voit que d'après ce passage toute la
science du salut tend à la voie de la [373] paix,
c'est-à-dire à la voie et à la vie chrétienne dont la
paix est le caractère, en quatre manières. Ainsi les
Anges résument de cette sorte tout le livre de la
Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des
cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté. Et le Christ [donna cet ordre] à ceux qui
devaient prêcher l'Evangile: En quelque maison
que vous entriez, etc., dites: Paix à cette maison;
c'est-à-dire, la paix de l'Evangile, l'Evangile de
paix. Du reste, ayez la paix, et le Dieu de paix et
de dilection sera avec vous. [Le Christ] en venant
vous a annoncé la paix; car il est notre paix. C'est
pourquoi le Temple [de Jérusalem] fut bâti par
Salomon; Salomon et Sulamite signifient
2315 Joan., I, 29, 36.
2316 Matt., III, 2.
2317 Ibid., v. 4; Marc., 6.
2318 Lucæ, I, 15.
2319 Matt., III, 4.
2320 La page indiquée ici devait appartenir, aussi bien que le folio 157 (voir ci-devant, p. 327), aux prédications faites
à Grenoble sur le Benedictus pendant l'Avent de 1616. La page 171, la dernière de cette série qui nous soit parvenue
(voir ci-devant, p. 232), contenant le développement du cinquième verset de ce Cantique, on peut croire avec assez de
probabilité, en considérant la eneur de cet alinéa, que la page 176 du Manuscrit traitait du dixième verset.
2321 Lucæ, X, 79.
2322 Lucæ, II, 14.
2323 Ibid., X, 5.
2324 Ephes., ubi supra, p. 372.
2325 Vers. 11.
2326 Vers. 17, 14.
2327 Vers. 7.
2328 Vers. 4.
288/342

29.9 Page 289

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femur tuum, potentissime. Princeps pacis;
Isaiae, 92329.
Et quamvis haec pax praecipue
spiritalis, tamen etiam temporalis; nam ex
vi legis Evangelicae nullum bellum:
Convertent gladios suos in vomeres et
lanceas suas in falces2330. Regnum
Augusti2331. Hinc Christianos oves ut
plurimum appellat. Bellum tamen etiam
licitum, ob malitiam hominum; vim vi
repellere2332. Hinc noster [374] Joannes2333,
[etc.]; et centurio et tot reges sancti. Bellum
opus justitiæ Dei.
Sed ecce, o felices nos, quibus pax
advenit præter spem omnium, cum tanto
honore Principis, qui a mesure son espee
avec celle du plus puissant Roy. Sed utinam
duret! Et hoc opto, et ita fiet, si: 1°. gratias
debitas agamus; ut fontes exsiccantur nisi
visitentur. Dixit Angelus, Jud. 62334,
Gedeoni: Pax tibi, non morieris; ædificavit
altare Domino, vocavitque illud: Domini
pax.
2°. Plinius, [Histor. natur.,] 1. 15. c.
3: «Oleam ne stringito neve verberato.» Pax
multa diligentibus legem tuam, et non est
illis scandalum2335. Habenti dabitur, et non
habenti auferetur ab eo2336. Non ociosa pax,
sed tranquilla.
3°. Ne sint lites et contentiones2337.
Qui habet duas tunicas, det non habenti2338.
Omnes quaerunt quae sua sunt, non quae
Jesu Christi2339.
4°. et 5°. Ex Beato Amedeo2340.
Facite judicium et justitiam2341 (Justitia et
pax osculatae sunt2342), et diligite pauperes:
Qui habet duas tunicas, det non habenti.
[375]
pacifique. La justice paraîtra de son temps avec
une abondance de paix. Ses victoires paisibles et
amoureuses: Ceignez votre glaive sur votre
cuisse, [roi] très puissant. Prince de la paix.
Bien que cette paix soit surtout spirituelle,
cependant elle est aussi temporelle; car la loi
évangélique exclut toute guerre: Ils
transformeront leurs glaives en socs et leurs
lances en faulx. Règne d'Auguste. Le Christ
appelle souvent les Chrétiens, brebis. Toutefois,
la guerre est permise à cause de la malice des
hommes: on peut repousser la force par la force.
Et c'est [374] pourquoi notre Jean [reçoit les
soldats]; le centurion et tant de rois sont saints. La
guerre est un effet de la justice divine.
Mais combien nous sommes heureux!
Voici que la paix nous arrive contre toute attente,
et pour la plus grande gloire de notre Prince qui a
mesuré son épée avec celle du plus puissant Roi.
Puisse-t-elle durer! C'est mon désir, il se réalisera,
1. si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui
lui sont dues; les sources se dessèchent si
personne n'y puise. L'Ange adressa ces paroles à
Gédéon: Que la paix soit avec toi, tu ne mourras
pas; il bâtit un autel au Seigneur et il l'appela:
Paix du Seigneur.
2. Pline dit: «Ne comprimez ni ne gaulez
l'olivier.» Ceux qui aiment votre loi jouissent
d'une grande paix, et il n'y a pas pour eux de
scandale. On donnera à celui qui a, et on ôtera à
celui qui n'a pas. La paix ne doit pas être oisive,
mais tranquille.
3. Qu'il n'y ait pas de querelles ni de
contestations. Que celui qui a deux tuniques en
donne une à celui qui n'en a point. Tous cherchent
leurs intérêts et non les intérêts de Jésus-Christ.
4. et 5. Leçons à tirer de l'exemple du
bienheureux Amédée. Rendez le jugement et la
justice (La justice et la paix se sont embrassées),
et aimez les pauvres: Que celui qui a deux
2329 Vers. 6.
2330 Is., II, 4.
2331 Cf. Virg., Eclog., IV.
2332 Decret., 1. V, tit. XII, § XVIII.
2333 Lucæ, III, 14.
2334 Vers. 23, 24.
2335 Ps. CXVIII, 165.
2336 Matt., XIII, 12, XXV, 29.
2337 Is., LVIII, 4; Jacobi, IV, 1.
2338 Lucæ, III, 11.
2339 Philip., II, 21.
2340 Maletus, Virt. et Mirac. B. Amed.
2341 Jerem., XXII, 3.
2342 Ps. LXXXIV, 11.
289/342

29.10 Page 290

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tuniques en donne une à celui qui n'en a point.
[375]
290/342

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30.1 Page 291

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CXLVII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de
la Sainte Vierge
15 août 1618
(INÉDIT)
2343ANNO 1618. ANNESSII
ANNÉE 1618. ANNECY
Quae est ista quae progreditur quasi aurora
consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol,
terribilis ut castrorum acies ordinata?
[Cant., VI, 9.]
Quelle est celle-ci qui s'avance comme
l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la
lune, éclatante comme le soleil, terrible comme
une armée rangée en bataille?
Zeuxis imaginem pinxit mirabilem,
quam dixit «potius admiratam iri quam
imitatam2344.» Et ecce Ecclesia vobis ob oculos
ponit Assumptionem, quam et vos admirari
vult et imitari.
Sanctus Bernardus, serm. 2 in Vigilia
Nativitatis Domini2345: «Proficere est quoddam
proficisci.» Psal. 832346: Beatus vir cujus est
auxilium abs te; ascensiones in corde suo
disposuit, in valle lacrymarum, [376] in loco
quem posuit. Etenim benedictionem dabit
legislator, ibunt de virtute, etc. Bernardus ad
Garinum2347: «Inclinavi cor meum ad
faciendas justificationes tuas in aeternum,
propter retributionem2348.» Ouam mire
Sanctus Bernardus exagitat eos qui proficere
nolunt, epistola 3412349: «Qui se dicit in
Christo manere, debet sicut et ille ambulavit et
ipse ambulare2350; Jesus autem crescebat et
proficiebat, sapientia et aetate et gratia2351
Ergo Beata Domina crevit, ut aurora, a
conceptione ad maternitatem; unde Angelus
gratia plenam invenit2352, et Spiritus Sanctus
qui venerat, supervenit2353. Invenisti
Zeuxis peignit une image admirable, de
laquelle il déclara qu'elle serait «plutôt
admirée qu'imitée.» Et voici que l'Eglise vous
met sous les yeux l'Assomption [de la Sainte
Vierge], voulant que vous l'admiriez et
l'imitiez.
Saint Bernard, dans son sermon n° pour
la veille de la Nativité du Seigneur, dit que
«l'avancement dans la vie spirituelle est
semblable à un voyage.» Bienheureux l'homme
dont le secours vient de vous; il a disposé des
ascensions [376] dans son cœur, dans la vallée
de larmes, dans le lieu qu'il a fixé. Car le
législateur donnera sa bénédiction, ils iront de
vertu, etc. Saint Bernard à Guérin: «J'ai
incliné mon cœur à accomplir éternellement
vos justifications en vue de la récompense
Combien admirablement saint Bernard, dans
son épître CCCXLIe, presse-t-il ceux qui ne
veulent pas avancer: «Celui qui dit demeurer
dans le Christ, doit marcher lui-même comme
il a marché; or Jésus croissait et avançait en
sagesse, en âge et en grâce
Donc notre bienheureuse Souveraine
grandit comme l'aurore depuis sa conception
jusqu'à sa maternité; c'est pourquoi l'Ange la
2343 (Ms. p. 124, recto)
2344 Vide supra, p. 245.
2345 § 8.
2346 Vers. 6-8.
2347 Ep. CCLIV, § 2. Ps. CXVIII, 112.
2348 Ps. CXVIII, 112.Hod. ep. CCCLXXXV, § 1.
2349 Hod. ep. CCCLXXXV, § 1.I Joan., II, 6.
2350 I Joan., II, 6.Lucæ, II, 40, 52.
2351 Lucæ, II, 40, 52.Ibid., I, 28.
2352 Ibid., I, 28.
2353 Ibid., v. 35.
291/342

30.2 Page 292

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gratiam2354. Noë, Abraham, Joseph. Vide pag.
1352355. [377]
trouva pleine de grâce, et l'Esprit-Saint qui
était déjà venu, vint en elle avec plénitude. Tu
as trouvé grâce. Noé, Abraham, Joseph. Voir
page 135. [377]
2354 Ibid., v. 30.
2355 Si l'on rapproche les textes cités ici de la pagination du Manuscrit, on est amené à conclure que la page 135 qui
ne nous est pas parvenue était occupée par un sermon pour la fête de l'Annonciation 1615. Cf. le feuillet du Ms. indiqué
au commencement de notre n° CV.
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30.3 Page 293

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CXLVIII. Recueil de notes pour l'Avent
Decembre 16182356
Job, 15. v. 35: Hypocrita concepit
dolorem et peperit iniquitatem, et uterus ejus
praeparat dolos. Job, 4. v. 2: Si caeperimus
loqui, forsitan moleste accipies; sed
conceptum sermonem quis tenere poterit?
Verba sunt Eliphaz Themanites.
Proverb. 82357: Nondum erant abissi, et
ego jam concepta eram; ante omnes colles ego
parturiebar. Is. 26. 17, [18]: Sicut quae
concipit, cum appropinquaverit ad partum,
dolens clamat in doloribus suis, sic facti sumus
a facie tua, Domine. Concepimus, et quasi
parturivimus, et peperimus spiritum; salutes
non fecimus in terra, ideo non ceciderunt
habitatores terræ. Salutes non fecimus, id est,
spem [378] salutis nostrae non posuimus, in
terra; quasi parturivimus, quia peccator dolet
et de dolore gaudet. Pacifica est ista
amaritudo2358.
Is. 33. v. 11: Concipietis ardorem,
parietis stipulam; spiritus vester ut ignis
vorabit vos.
Is. 59. v. 4: Non est qui invocet
justitiam neque est qui judicet vere, sed
confidunt in nihilo et loquuntur vanitates;
conceperunt dolorem et pepererunt
iniquitatem. Vide locum egregium, v. 13:
Concepimus, et locuti sumus de corde verba
mendacii. Jac. 12359: Concupiscentia cum
conceperit, parit peccatum. Psal. 72360: Ecce
parturiit injustitiam, concepit dolorem et
peperit iniquitatem; lacum aperuit et effodit
eum, incidit in foveam quam fecit.
Ro. 8. v. 28: Scimus autem quoniam,
etc. Nam quos prescivit, et praedestinavit
conformes fieri imaginis Filii sui, ut sit ipse
primogenitus in multis fratribus2361. Stigmata;
ad Gal. 62362. O insensati Galatae, quis vos
fascinavit non obedire veritati, ante quorum
L'hypocrite a conçu la douleur et il a
enfanté l'iniquité, et son cœur prépare des
fourberies. Si nous commençons à parler,
peut-être le supporteras-tu avec peine; mais
qui pourrait retenir le discours qu'il a conçu?
Ce sont les paroles d'Eliphaz le Thémanite.
Les abîmes n'étaient pas encore, et moi
j'étais déjà conçue; avant toutes les collines
j'étais enfantée... Comme celle qui a conçu,
lorsqu'elle approche de l'enfantement, souffre
et crie dans ses douleurs, ainsi sommes-nous
devenus devant votre face, Seigneur. Nous
avons conçu, nous avons été comme en travail,
et nous avons enfanté l'esprit; nous n'avons
pas mis notre salut dans la terre, c'est pour
cela que les habitants de la terre ne sont pas
tombés. Nous n'avons pas mis notre salut,
c'est-à-dire, nous n'avons pas mis l'espérance
[378] de notre salut dans la terre; nous avons
été comme en travail, parce que le péchèur
s'attriste et se réjouit de sa douleur. Cette
amertume est paisible.
Vous concevrez de la flamme et vous
enfanterez de la paille; votre esprit vous
devorera comme le feu.
Il n'est personne qui invoque la justice
ni qui juge dans la vérité, mais ils se confient
dans le néant et parlent de vanités; ils ont
conçu la douleur et ils ont enfanté l'iniquité.
Voir le remarquable passage: Nous avons
conçu et proféré de notre cœur des paroles de
mensonge... Lorsque la concupiscence a
conçu, elle enfante le péché... Voila qu'il a
enfanté l'injustice, il a conçu la douleur et mis
au monde l'iniquité; il a ouvert un abîme et il
Va creusé, il est tombé dans la fosse qu'il avait
faite.
Or nous savons que, etc. Car ceux qu'il
a connus par sa prescience, il les a aussi
2356 Ces notes étant écrites au dos d'une lettre datée du 13 octobre 1618, on a toute raison de supposer qu'elles ont été
préparées en vue des prédications que saint François de Sales fit à Paris pendant l'Avent de cette même année. Elles
n'ont jamais figuré dans les précédentes éditions de ses Œuvres.
2357 Vers. 24, 25.
2358 Is., XXXVIII,17.
2359 Vers. 15.
2360 Vers. 15, 16.
2361 Vers. 29.
2362 Vers. 17.
293/342

30.4 Page 294

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oculos Christus praescriptus est in vobis
crucifixus? Gal. 32363.
Is. 372364: Venerunt filii usque ad
partum, et virtus non erat pariendi. Is. 662365:
Antequam parturiret [379] peperit, antequam
veniret partus ejus peperit masculum; quis
audivit unquam tale, aut quis videbit huic
simile? Damasc., 1. 4 de Fide orth., c. 152366,
de Virgine interpretatur.
Filioli, quos iterum parturio, donec
formetur in vobis Christus; Gal. 4. v. 19. Job,
39, v. 1. et 3: Nunquid parturientes cervas
observasti? Incurvantur ad foetum et pariunt,
et rugitum emittunt. Greg., [1.] 30. Moral., c.
112367, id ad Paulum accommodat,
parturientem iterum Galatas.
Galat., supra2368: Vellem autem esse
apud vos modo, et mutare vocem meam; variis
nimirum inflexionibus, nunc blandiens, nunc
irascens, nunc plangens. Bernardus ait nos
matres esse debere2369.
Ephes. 4. v. 23. [24]: Renovamini
spiritu mentis vestrce, et induite novum
hominem qui secundum Deum creatus in
justitia et sanctitate veritatis. Jo. c. 16. v. 21:
Mulier cum parit, etc. Parvulum Christum esse
est Ruperti sententia2370, et plerique Graeci;
vide Maldonatum2371. Ro. 132372: Induimini
Dominum nostrum Jesum Christum, dupliciter:
pro merito, pro expressione habituum. [380]
Luc. 82373: Mater mea et fratres mei hi
sunt qui audiunt verbum Dei; audiunt et
faciunt. Mat. 122374: Qui fecerit voluntatem
Patris mei, ille meus frater, et soror, et mater
est: frater, quia ego facio; et soror similiter, ut
includat utrumque sexum; et mater, quia me in
corde suo concepit et deinde parit. Augustinus,
1. De Sancta Virginitate, c. 5, consolatur
virgines quia matres Christi esse possunt.
prédestinés pour être conformes a l'image de
son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né
entre beaucoup de frères. Les stigmates. O
Galates insensés, qui vous a fascinés pour ne
pas obéir a la vérité, vous aux yeux de qui a été
dépeint Jésus-Christ crucifié au milieu de
vous?
Les enfants ont été prêts a sortir du sein
de leur mère, et elle n'a pas eu la force de les
enfanter... Avant qu'elle fût en travail elle a
enfanté, avant que [379] vînt le temps de son
enfantement elle a mis au monde un enfant
mâle; qui a jamais ouï une telle chose, et qui a
vu rien de semblable? Saint Jean Damascène,
De la Foi orthodoxe, liv. IV, chap. XV,
interprète ce passage de la Sainte Vierge.
Mes petits enfants, pour qui je ressens
de nouveau les douleurs de l'enfantement,
jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous...
As-tu observé les biches lorsqu'elles
enfantent? Elles se courbent pour produire
leur fruit et elles le mettent au jour, et elles
poussent des rugissements. Saint Grégoire,
dans ses Morales, liv. XXX, chap. XI, applique
ce texte à saint Paul, enfantant de nouveau les
Galates.
Mais je voudrais être maintenant près
de vous, et changer mon langage; c'est-à-dire,
varier les inflexions de ma voix, tantôt
caressant, tantôt me courrouçant, tantôt
pleurant. Saint Bernard dit que nous devons
être des mères.
Renouvelez-vous dans l'esprit de votre
âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui
a été créé selon Dieu dans la justice et la
sainteté de la vérité... La femme lorsqu'elle
enfante, etc. D'après Rupert et plusieurs Grecs,
l'enfant doit être le Christ; voir Maldonat.
Revêtez-vous de notre Seigneur Jésus-Christ,
d'une double façon: pour participer à ses
mérites, pour reproduire ses vertus. [380]
2363 Vers. 1.
2364 Vers. 3.
2365 Vers. 7, 8.
2366 Hodie c. XIV.
2367 Hodie c. XIII.
2368 Vers. 20.
2369 Sermo III de Ad ventu, § 5.
2370 Comm. in Joan. c. XII, circa med.
2371 Comm. in Joan. ad locum.
2372 Vers. ult.
2373 Vers. 21.
2374 Vers. ult.
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30.5 Page 295

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Psal. 212375: Quoniam tu es qui
extraxisti me de ventre. Augs2376, epistola
812377, ad Siricium. Job eductus est de vulva2378
ut caeteri; at Christus de ventre.
Gal. 22379: Christo confixus sum cruci;
vivo ego, jam non, [etc.] [381]
Ma mère et mes frères sont ceux qui
écoutent la parole de Dieu, qui l'écoutent et
qui l'accomplissent. Celui qui fait la volonté de
mon Père, celui-là est mon frère et ma sœur et
ma mère: mon frère, parce que moi-même je le
rends tel; et également ma sœur, pour
comprendre les deux sexes; et ma mère, parce
qu'il m'a conçu dans son cœur et ensuite il
m'enfante. Saint Augustin, livre De la sainte
Virginité, chap. V, console les vierges,
puisqu'elles peuvent être mères de Jésus-
Christ.
Parce que c'est vous qui m'avez tiré du
sein de ma mère...
Je suis cloué à la croix avec le Christ;
je vis, non plus, [etc.] [381]
2375 Vers. 10.
2376 Pro Ambrosius.
2377 Hodie epist. XLII, §§ 3-7.
2378 Job, X, 18.
2379 Vers. 19, 20.
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30.6 Page 296

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CXLIX. Sommaire d'un sermon pour le troisième Dimanche de
l'Avent
15 décembre 16182380
(INÉDIT)
1. Suppono salutem Christum aeternam
attulisse, ideo non nisi ab inimicis salutis
liberasse2381; 2. tres inimicos; 3. arma esse
luctationes eorum.
Eph. 62382: De caetero, fratres,
confortamini in Domino et in potentia virtutis
ejus; induite vos armaturam Dei, ut possitis
stare adversus insidias diaboli; non enim est,
[etc.,] sed adversus principes et potestates,
adversus mundi rectores tenebrarum harum,
contra spiritualia nequitiae in celestibus.
Diabolus caput inimicorum, utitur enim
caeteris; unde: angelus Satanae, carnis
stimulus2383; hæc omnia tibi dabo2384. Utuntur
malitiis, ut oyseau de proye; Cassianus2385.
[382]
Exemplum illustre Joannes. Parhelion
in die Nativitatis [Christi], ex Eusebio2386,
refert Bonaventura2387. Plinius se plures
vidisse, semper a latere solis2388.
Magna tentatio angelica, quae habet in
intimo spiritu factionem, amorem proprium;
unde angelus, sine externa tentatione, etc.
Major tentatione primorum parentum. Donner
la carte blanche. O si nobis daretur, quid
faceremus? Credituri erant quicquid diceret.
Tu quis es? scilicet: Esne Christus?
Confessus est et non negavit. Descendunt:
Helias es tu? Non sum. Propheta es tu? Non.
Quid ergo? quid dicis de teipso, ut responsum,
[etc.] Ego vox clamantis in deserto2389, etc.
1. Je présuppose que le Christ nous a
apporté le salut éternel, et, partant, ne nous a
délivrés que des ennemis du salut; 2. qu'il y a
trois ennemis; 3. qu'ils nous livrent bataille.
Du reste, mes frères, fortifiez-vous
dans le Seigneur et dans la puissance de sa
vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin
de pouvoir tenir contre les embûches du diable;
car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les
princes et les puissances, contre les
dominateurs de ce monde de ténèbres, contre
les esprits de malice répandus dans l'air. Le
diable est le chef des ennemis, car il met en
action tous les autres; de là ces expressions:
ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous
donnerai toutes ces choses. Ils se servent de
ruses, comme l'oiseau de proie; Cassien. [382]
Jean est un exemple célèbre [de la
résistance aux tentations]. Il était une sorte de
parhélie. Saint Bonaventure, d'après Eusèbe,
rapporte qu'il en parut un le jour de la Nativité
[du Christ], Pline dit en avoir vu bon nombre,
toujours à côté du soleil.
Grande tentation [de Jean]; comme
celle de l'ange, elle éveille une correspondance
dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi
l'ange, sans être attaqué extérieurement par la
tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte
que la tentation de nos premiers parents... Oh!
si elle nous était offerte, que ferions-nous?
[Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à
croire tout ce qu'il dirait.
2380 D'après les textes réunis dans ce sommaire, on ne peut douter qu'il n'appartienne au troisième Dimanche de l'Avent.
L'identité d'écriture que présente cette pièce avec la précédente et avec le n° CLI permet de croire qu'elles remontent
à 1618.
2381 Lucæ, I, 71.
2382 Vers. 10-12.
2383 II Cor., XII, 7.
2384 Matt., IV, 9.
2385 Collat., VII, c. XXXII.
2386 Praepar. Evang., 1. IX, circa init.
2387 De Vita Christi, c. VII, ad finem.
2388 Hist. nat., 1. II, c. XXXI.
2389 Joan., I, 19-23.
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30.7 Page 297

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Videte descensum: Non sum dignus solvere
corrigiam2390, etc.
Sed redeamus. Confessus est et non
negavit. (Nos saepe confitemur et negamus,
etiam in confessione.) Nam in ea: Tu quis es?
confitentur et negant. Non. De tentationibus
refellendis.
In fine, de Christiano Eusebii2391.
Deinde: Christus es tu? [383]
Qui es-tu? c'est-à-dire: Es-tu le Christ?
Il confessa et il ne le nia point. Ils descendent:
Es-tu Elie? Je ne le suis pas. Es-tu le
Prophète? Non. Quoi donc ? que dis-tu de toi-
même, afin que [nous donnions] une réponse,
[etc.] Je suis la voix de Celui qui crie dans le
désert, etc. Voyez l'abaissement: Je ne suis pas
digne de délier la courroie, etc.
Mais revenons. Il confessa et il ne le
nia point. (Nous, souvent nous confessons et
nous nions, même dans la confession.) En
faisant cette question: Qui es-tu? ils confessent
et ils nient. Non. De la manière de repousser
les tentations.
Pour la fin [du sermon], le Chrétien
d'Eusèbe. Ensuite: Es-tu le Christ? [383]
2390 Ibid., v. 27; Marc., I, 7.
2391 Hist. Eccles., l. V, c. 1.
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30.8 Page 298

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CL. Plan d'un panégyrique de sainte Geneviève2392
3 janvier 1619
PRO DIE 3. ANNI 1619, IN FESTO
SANCTAE GENOVEFAE
APUD SANCTUM SULPITIUM
POUR LE 3E JOUR DE L'ANNÉE 1619, EN
LA FÊTE DE SAINTE GENEVIEVE A
SAINT-SULPICE
1°. «Ille tenet et quod latet et quod patet
in Divinis Sermonibus qui charitatem tenet in
moribus;» August., serm. de Laudibus
Charitatis2393. «De Caelo in coenum;» Tertull.,
lib. De Spectaculis, c. 25.
«Qui Curios simulant et bacchanalia
vivunt2394
De cursu suo ludere ut proteus et
chamaeleon2395, qui ad placitum colores omnes
in cursu suo exprimunt, praeter rubrum et
album2396. I Cor. 92397: Sic curro, non quasi in
[384] incertum; sic pugno, non quasi aerem
verberans. Gladiatores antequam ad manus
veniant, quoddam praelii specimen exerunt.
Tertul., lib. De Pudicitia, c. 10: «Funambule
pudicitiae!» Vocat funambulum pudicitiae qui
perdendae pudicitiae magno se periculo
committit temere. Leones in pace, cervi in
praelio.
2°. Exod., c. 382398: Fecit et labrum
ceneum cum basi sua de speculis mulierum
quce excubabant in ostio tabernaculi.
(Hebraei: Il fit le cuveau d'airain et son
sousbassement d'airain, auquel la
remembrance de l'assemblee qui
commençoit2399 a la porte du tabernacle de
convenance, apparoissoit.
Sed ipsi fatentur Hebraice legi
secundum versionem nostram, et Hebraeos
dicere de speculis et mulieribus quod minime
decuit, nimirum mulieres devotas specula sua
1. «Celui qui dans sa conduite garde la
charité, observe tout ce qui est insinué ou
explicitement ordonné dans la Sainte
Ecriture;» saint Augustin, sermon sur les
Louanges de la Charité. «Du Ciel dans la
boue;» Tertullien, livre Des spectacles, chap.
XXV.
«Ceux qui simulent les Curions et vivent dans
l'orgie.»
Pendant le cours de sa vie, jouer le rôle d'un
protée et d'un caméléon, qui, dans leur course,
reflètent à plaisir toutes les couleurs, sauf le
rouge et le blanc. Pour moi, je cours, mais non
au hasard; je combats et je ne donne pas [384]
des coups en l'air. Avant d'en venir
sérieusement aux mains, les gladiateurs
engageaient un essai de combat. Tertullien,
livre De la Pudicité, chap. X: «O funambule de
la chasteté!» Il appelle funambule de la
chasteté celui qui s'expose témérairement à un
grand péril de perdre cette vertu. Lions dans la
paix, cerfs à la guerre.
2. Il fit encore un bassin d'airain avec
sa base, des miroirs des femmes qui veillaient
à la porte du tabernacle. D'après les Juifs:
[Reprendre au texte, lig. g.]
Cependant les Juifs eux-mêmes
avouent que notre version représente le texte
original, mais qu'il ne faut pas en conclure que
les femmes pieuses offraient leurs miroirs,
ordinairement d'airain, parce que déjà elles
2392 A défaut de l'original, actuellement introuvable, il a fallu donner ce sermon d'après le texte de Béthune (Œuvres
de saint François de Sales, 1833, tome XVI), qui le publia pour la première fois. Les éditeurs se sont néanmoins crus
en droit de corriger les erreurs palpables, et de régulariser les citations de l'Ecriture selon la méthode communément
suivie par l'Auteur.
2393 Hodie sermo CCCL, §2.
2394 Juven., Sat. II, 3.
2395 Cf. la Defense, et tom. II hujus Edit., p. 129, not. 754.
2396 Plin., Hist. nat., l. VIII, c. XXXIII (al. LI).
2397 Vers. 26.
2398 Vers. 8.
2399 Il est assez probable que les précédents éditeurs ont introduit abusivement ici le mot commençoit au lieu de
convenoit (du latin convenire, se rassembler), qui aurait été écrit par le Saint, d'accord en cela avec tous les
commentateurs. Mais, à défaut de l'Autographe, nous nous contentons de signaler la bévue, sans oser corriger le texte.
298/342

30.9 Page 299

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quae de more serea erant ex placito contulisse,
quia abjecta vanitate Deo et Templo vacabant.)
Ut si les dames darent hujusmodi specula sua
aurea et ornata, quibus se tam inaniter
aspiciunt ad cerusam et alia unguenta vultibus
suis imponenda!
Quae excubabant in ostio tabernaculi.
Septuaginta, [385] jejunabant; Chald.,
orabant; Cajetanus2400, exercitantes; Hebr.,
militabant, vel excubabant. Et erant Deo
devotae, quas filii Heli polluebant cum eis
coeuntes, I Reg., 22401. Et filiae quae reclusae
erant, 2 Mach., 32402. In hac militia, ait
Chrysost., homil. 8 in Matth.2403, «saepe
fortius viris foeminae decertarunt.»
Ambrosius, lib. 1 De Virginibus2404, eas
appellat indefessas, infatigabiles milites
castitatis.
Or, certum est Beatam Genovefam
(multasque Sanctas) hujusmodi specula non
dedisse, quae nunquam habuit, sed dedit
mysticum speculum: exemplum mirabile quod
nobis dedit qui lavari ac mundari volumus;
nostros repraesentat vultus conservandos. Nam
habuit nihil ipsa, pastoribus nata, et pastor ut
Rachel, Rebecca et aliae antiquae virgines;
deinde non vanitati unquam inservivit.
3°. Documenta. 1. Gratia Christi
eminet in sexu [debili] et infirmo, ut gratia Dei
sit gratia2405. I Cor. 12406: Non me misit Deus
baptizare, sed evangelizare; non in sapientia
verbi, ut non evacuetur crux Christi. Verbum
enim crucis pereuntibus quidem stultitia est, iis
autem qui salvi fiunt, id est, nobis, virtus Dei
est. Scriptum est enim2407: Perdam sapientiam
sapientium, et prudentium prudentiam
reprobabo. [386] Ubi sapiens? ubi scriba? ubi
conquisitor hujus saeculi? Nonne stultam fecit
Dominus sapientiam hujus mundi? Quod
stultum est Dei sapientius est hominibus, et
quod infirmum est Dei fortius est hominibus.
Quae stulta sunt mundi elegit Deus ut
confundat sapientes, et infirma mundi elegit
Deus ut confundat fortia, et ignobilia mundi ac
contemptibilia elegit Deus, et ea quae non sunt
avaient rejeté la vanité pour vaquer au service
de Dieu et du Temple). Oh! [qu'il serait à
souhaiter] que les dames offrissent
semblablement les miroirs dorés et ornés dans
lesquels elles se regardent si sottement pour
appliquer sur leur visage la céruse et autres
fards!
Celles qui veillaient à la porte du
tabernacle. La version des Septante porte,
[385] celles qui jeûnaient; la Chaldaïque,
celles qui priaient; Cajetan, celles qui
s'exerçaient, et l'hébreu, celles qui militaient
ou veillaient... Et les vierges qui étaient
retirées. Dans cette milice, dit saint
Chrysostôme dans sa VIIIe homélie sur saint
Matthieu, «les femmes ont souvent combattu
plus vaillamment que les hommes.» Saint
Ambroise, livre I Des Vierges, les appelle
invincibles et infatigables soldats de la
chasteté.
Or, il est certain que la bienheureuse
Geneviève, ainsi que beaucoup d'autres
Saintes, n'a pas donné de ces miroirs,
puisqu'elle n'en avait pas; mais elle a donné un
miroir mystique dans l'admirable exemple
qu'elle nous a laissé, à nous qui voulons nous
laver et nous purifier; miroir dans lequel nous
voyons notre visage intérieur dont nous devons
prendre soin. Sainte Geneviève ne possédait
rien: fille de bergers, elle était bergère elle-
même, comme Rachel, Rébecca, et les autres
vierges antiques; de plus, elle ne fut jamais
asservie à la vanité.
3. Conséquences morales. 1. La grâce
du Christ éclate dans le sexe [faible] et infirme,
afin que la grâce divine soit réellement grâce.
Dieu ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais
pour prêcher l'Evangile; non point toutefois
selon la sagesse de la parole, afin de ne pas
anéantir la croix du Christ. Car la parole de la
croix est folie pour ceux qui se perdent, mais
pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour
nous, elle est vertu de Dieu. C'est pourquoi il
est [386] écrit: Je détruirai la sagesse des
sages et je réprouverai la prudence des
2400 Comm., in locum.
2401 Vers. 22.
2402 Vers. 19.
2403 §4.
2404 Cap. VI.
2405 Rom., XI, 6.
2406 Vers. 17-20, 25, 27-29.
2407 Is., XXIX, 14.
299/342

30.10 Page 300

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ut ea quae sunt destrueret, ut non glorietur
omnis caro in conspectu ejus. 2 Cor. 122408: Ne
magnitudo revelationum extollat me, datus est
mihi stimulus, etc. Et dixit mihi: Sufficit tibi
gratia mea. De Angelis: Ut non glorietur
omnis caro in conspectu ejus. Diffidentia,
humilitas: se gubernandam dedit, obedivit
Episcopis.
2. Omnes qui volunt, etc., ut funambuli
timere debent, se segregare, jejunare,
orationibus insistere, nam incauti pereunt. Tota
caelestis, ut intuitur Caelum lacrymatur.
Defecerunt oculi mei in eloquium tuum,
dicentes: Quando consolaberis me2409?
3. Confidentia in Deum et pietas. [387]
prudents. Où est le sage? où est le scribe? où
est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il
pas convaincu de folie la sagesse de ce monde?
Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que
les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est
plus fort que les hommes. Dieu a choisi ce qui
est insensé selon le monde pour confondre les
sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le
monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a
choisi ce qui est vil et méprisable selon le
monde, et les choses qui ne sont pas pour
détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne
se glorifie en sa présence... De peur que la
grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été
donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce
te suffit. [Faire allusion à la chute] des Anges:
Afin que nulle chair ne se glorifie en sa
présence. Défiance, humilité: elle se livra à la
direction d'autrui, elle obéit aux Evêques.
2. Tous ceux qui veulent [conserver la
chasteté] doivent craindre comme des
funambules, vivre dans la retraite, jeûner, prier
avec insistance, car les imprudents périssent.
Geneviève devenue toute céleste, répand des
larmes chaque fois qu'elle regarde le Ciel. Mes
yeux ont défailli dans l'attente de votre parole,
disant: Quand me consolerez-vous?
3. Confiance en Dieu et piété. [387]
2408 Vers. 7, 9.
2409 Ps. CXVIII, 82.
300/342

31 Pages 301-310

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31.1 Page 301

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CLI. Notes d'un sermon pour la fête du Saint Sauveur
4 février 16192410
(INÉDITES)
AD FESTUM DOMINI NOSTRI
SALVATORIS
IN ORATORIO, 4. FEBRUARII
Sublevatis Jesus oculis in caelum dixit: Pater,
venit hora; clarifica Filium tuum, ut Filius
tuus clarificet te.
Jo. 17. v. 1.
I. Cor. 3: Omnia vestra sunt, vos autem
Christi, Christus autem Dei, v. 22. Omnia
nostra sunt: ad usum nostrum et propter nos;
vos Christo, ut domini et [388] capitis emptitii
servi et membra. Omnia creavit propter
electos, electos autem propter Christum,
Christus autem propter Deum est. Ad Rom. I:
Qui praedestinatus est Filius Dei, v. 4. Heb.
I2411: Tanto melior Angelis effectus, quanto
differentius proe illis nomen haereditavit; cui
enim dixit aliquando Angelorum? [etc.] Heb. 1.
v. 2: Quem constituit haeredem universorum,
per quem fecit et secula. Ut patres omnia
faciunt in gratiam filiorum, thesaurisant enim
filiis, ut ait Paulus2412, sic Deus Pater omnia
fecit propter Filium; nam, ut notat
Cornelius2413, Filius Dei ut Deus haeres est
naturalis; at ut homo constitutus est haeres.
In capite libri scriptum est de me (libri
praedestinationis, ut aliqui aiunt apud
Cornelium2414); Heb. 102415, Psal. 392416. Jesus
Christus heri, et hodie, ipse et in secula; Heb.
13. v. 8.
Heb. 5. v. 7: Qui in diebus carnis suae,
praeces supplicationesque ad eum qui possit
POUR LA FÊTE DU SAUVEUR NOTRE
SEIGNEUR A L'ORATOIRE, 4 FÉVRIER
Jésus levant les yeux au ciel dit: Mon
Père, l'heure est venue; glorifiez votre Fils,
afin que votre Fils vous glorifie.
Tout est à vous, mais vous, vous êtes au
Christ, et le Christ est a Dieu. Tout est à nous:
à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ,
comme les esclaves sont au maître qui les a
achetés, et les membres, au chef. Il a tout [388]
créé pour les élus; or les élus ont été créés pour
le Christ et le Christ, pour Dieu. Qui a été
prédestiné Fils de Dieu. Ayant été fait d'autant
supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu
en partage est bien différent du leur; car
auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il
a constitué héritier de toutes choses, par qui
aussi il a fait les siècles. Comme les pères font
tout en vue de leurs enfants, car ils thésaurisent
pour eux, ainsi que dit saint Paul, de même
Dieu le Père a tout fait pour son Fils, parce que,
selon la remarque de Corneille, le Fils de Dieu,
en tant que Dieu, est héritier naturel, et en tant
qu'homme il a été constitué héritier.
Il est écrit de moi en tête du livre (du
livre de la prédestination, comme disent
quelques-uns, d'après Corneille). Jésus-Christ
était hier, il est aujourd'hui, et il sera dans tous
les siècles.
Qui, durant les jours de sa chair, ayant
offert avec un grand cri et avec des larmes ses
prières et ses supplications à Celui qui pouvait
2410 La parfaite identité d'écriture entre ce sermon et la pièce CXLIX prouve que l'une et l'autre remontent à la même
époque, et les mots In Oratorio, ajoutés par l'Auteur sur l'Autographe, confirment cette remarque en démontrant que
ces notes datent du séjour qu'il fit à Paris en 1619.
On connaît l'intimité qui existait entre l'Evêque de Genève et le Cardinal de Bérulle, fondateur de l'Oratoire, et des
témoignages contemporains attestent que notre Saint annonça plusieurs fois la parole de Dieu dans l'église de la
Congrégation naissante.
2411 Vers. 5.
2412 II Cor., XII, 14.
2413 Comm. in Heb., I, 2.
2414 Comm. in Heb., X, 7.
2415 Vers. 7.
2416 Vers. 8.
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illum salvum facere a morte, cum clamore
valido et lachrymis offerens, exauditus est pro
sua reverentia. Active et passive; Greci et
Anselmus2417. Favet pro reverentia passiva
quod sequitur2418: Et quidem cum esset Filius
Dei, didicit ex iis quae passus est obedientiam.
[389]
Ad Eph. I2419: Et ipsum dedit caput
supra omnem Ecclesiam. Apoc. 3. v. 14:
Principium creaturae Dei. In Christo majestas
et amor.
Prosper, sententia 302420: Quid futurus
est homo, propter quem Deus factus est homo!
[390]
le sauver de la mort, a été exaucé à cause de
sa révérence. On peut l'entendre d'une
révérence active ou d'une révérence passive;
voir les Grecs et Anselme. La suite prouve en
faveur de la révérence passive: Et même,
quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il a appris
l'obéissance par ce qu'il a souffert. [389]
Et il l'a établi chef sur toute l'Eglise. Le
principe des créatures de Dieu. Dans le Christ,
la majesté et l'amour.
Prosper, sentence 30: A quelle
élévation doit arriver l'homme, pour lequel un
Dieu s'est fait homme! [390]
2417 Expos. in B. Pauli Epist., in locum. (Vide supra, p. 60).
2418 Vers. 8.
2419 Vers. 22.
2420 Cf. Sent. LXIV Expos. in Ps. CXLIII 3, 4.
302/342

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CLII. Sommaire d'un sermon pour le Dimanche de la
Septuagésime
16 février 16202421
(INÉDIT)
DOMINICA SEPTUAGESIMAE, APUD S. DIMANCHE DE LA SEPTUAGÉSIME, A
JACOBUM
SAINT-JACQUES
Conventione autem facta, [etc.] Ite et vos in
vineam meam, et quod justum fuerit dabo
vobis.
[MATT., XX, 2, 4.]
Illustrissima ac fertilissima parabola,
sed quae maximum dicendi segetem offert,
quam si colligere vellemus tota dies non
sufficeret. Vindemiam multam haec nobis
vinea suppeditat, sed scriptum, Deuteron.
XXIII2422: Ingressus vineam proximi tui,
comede uvas quantum tibi placuerit, foras
autem ne efferas tecum. Ergo quantum unica
hora, id enim placet comedere, [391]
poterimus, comedemus, dicemusque: 1°.
Deum nobis laborem quemdam indixisse; 2°.
huic labori mercedem parasse; 3°. pro ratione
laboris mercedem accepturos esse.
Job, 5. v. 7: Homo nascitur ad laborem
(Cal., ad laborandum in Lege), et avis ad
volatum. Ps. 1272423: Labores manuum tuarum
quia manducabis. I. Cor. 3. v. 8: Unusquisque
autem propriam mercedem accipiet secundum
suum laborem. 2. ad Thess. 3. 10: Hoc
denunciamus vobis, quoniam si quis non vult
operari nec manducet. Gen. 32424: In sudore
vultus tui vesceris pane tuo. Ad Gal. 62425:
Bonum autem facientes non deficiamus,
tempore enim suo metemus. «Antoni, quaeris
Deo placere? ora et labora2426.» Gen. 2. v. 15:
Tulit ergo Dominus Deus hominem et posuit
eum in paradisum, ut operaretur et custodiret
Or, convention faite, [etc.] Allez vous
aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui
sera juste.
Parabole très célèbre et très féconde,
mais qui offre une si grande moisson de
considérations pieuses, que si nous voulions
toutes les recueillir, la journée n'y suffirait pas.
Cette vigne est chargée d'une copieuse
vendange, toutefois il est écrit: Etant entré
dans la vigne de ton prochain, mange des
raisins autant qu'il te plaira, mais n'en
emporte point avec toi. Donc, pendant une
heure, puisque c'est l'espace de temps destiné à
cette manducation spirituelle, nous [391]
mangerons autant que nous pourrons, et nous
dirons: premièrement, que Dieu nous a destiné
un certain travail à accomplir; secondement,
qu'à ce travail il a préparé une récompense; et
en troisième lieu, que la récompense sera
proportionnée au travail accompli.
L'homme naît pour le travail (d'après
Cal., pour travailler dans la Loi), et l'oiseau
pour voler... Parce que tu mangeras le fruit du
travail de tes mains... Mais chacun recevra son
propre salaire selon son travail... Nous vous
déclarons ceci: si quelqu'un ne veut pas
travailler, qu'il ne mange point... Tu mangeras
ton pain à la sueur de ton front... Or, faisant le
lien, ne nous lassons point, car nous
moissonnerons en son temps. «Antoine,
cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.»
Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça
2421 Ce sermon a dû être prêché dans l'église des Capucins d'Annecy qui était dédiée à saint Jacques. (Cf. le volume
précédent, Sermon LV.) C'est d'après l'écriture des Autographes que la date de cette pièce et celle de la suivante ont
été conjecturées.
2422 Vers. 24.
2423 Vers. 2.
2424 Vers. 19.
2425 Vers. 9.
2426 Citatur ex Cornel., Comm. in II Thess., III, 10. Cf. S. Ath.,Vita S. Ant., §3.
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31.4 Page 304

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illum; Augustinus2427: «illum hominem.»
Inertia omnium peccatorum origo. Mulier
fortis, Prov. 312428, operata est consilio
manuum suarum. Unde lex Domini jugum
est2429, aratrum2430; Ecclesia, vinea2431.
2432Omnibus omnia factus ut omnes
facerem salvos. [392] Omnia autem facio
propter Evangelium, ut particeps ejus efficiar.
Nescitis quod ii qui in stadio currunt? etc.; sic
currite ut comprehendatis. Bernard., ad
Garinum2433: «Exultavit ut gigas ad
currendam viam2434; currentem non
apprehendit qui et ipse pariter non currit.»
2435Bonum certamen certavi, cursum
consummavi, fidem servavi; in reliquo
reposita est mihi corona justitiae.
Adrianus audiens Martires, etc.;
Cornelius [Comment. in] I. Cor. 2. v. 9.
Simphorianus2436, Nicolaus Tolentinas2437.
2. ad Cor. c. 42438: Id enim quod
momentaneum est et leve tribulationis nostrae,
supra modum in sublimitate aeternum gloriae
pondus operatur in nobis; non
contemplantibus nobis quae videntur, sed quae
non videntur. Sine fide, Heb. XI. v. 6,
impossibile est placere Deo; credere enim
opportet accedentem ad Deum quia est, et quia
inquirentibus se remunerator sit. Ibid. v. 24:
Fide Moyses grandis factus negavit se esse
filium filiae Pharaonis, magis eligens affligi
cum populo Dei, quam temporalis peccati
habere jucunditatem, majores divitias
aestimans thesauro AEgiptiorum improperium
Christi, aspiciebat enim in retributionem.
(Filia Pharaonis Termut2439.) [393]
2440Non sunt condignæ. Sanctus
Franciscus Fratri: «Et a cause des biens que
dans le paradis pour le cultiver et le garder;
d'après [une des interprétations proposées par]
saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.»
La paresse est la source de tous les péchés. La
femme forte a travaillé par le conseil de ses
mains. C'est pourquoi la loi du Seigneur est un
joug, une charrue; l'Eglise, une vigne.
Je me suis fait tout à tous pour les
sauver tous. Je fais toutes choses pour
l'Evangile afin d'en être participant. Ne savez-
vous pas que ceux qui courent [392] dans la
lice? etc.; courez de telle sorte que vous
remportiez le prix. Saint Bernard à Guérin: «Il
a exulté comme un géant pour parcourir sa
carrière; on ne saisit pas celui qui court si l'on
ne court aussi vite que lui.» J'ai combattu le
bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé
la foi; reste [à recevoir] la couronne de justice
qui m'est réservée.
Saint Adrien entendant les histoires des
Martyrs, etc.; voir Corneille, [dans son
Commentaire sur la] Ire Epître aux Corinthiens,
chap. II, v. 9. Saint Symphorien, saint Nicolas
de Tolentin.
Car ce qu'il y a de momentané et léger
dans notre tribulation opère en nous sans
mesure dans la sublimité un poids éternel de
gloire; nous ne contemplons point les choses
qui se voient, mais celles qui ne se voient pas.
Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu,
car il faut que celui qui s'approche de Dieu
croie qu'il est, et qu'il est le rémunérateur de
ceux qui le cherchent. C'est par la foi que
Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille
de Pharaon, préférant être affligé avec le
peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un
temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre
du Christ une richesse plus grande que le
trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la
2427 De Gen., ad Lit., 1. VIII, c. X.
2428 Vers. 10, 13.
2429 Matt., XI, 29, 30.
2430 Lucae, IX, 62.
2431 Matt., XXI, 33.
2432 I. Cor. 9. [vv. 22-24.]
2433 Ep. CCLIV, § 4.
2434 Ps. XVIII, 6.
2435 2. ad Tim. 4. [vv. 7, 8.]
2436 Vide Introd. a la Vie devote, c. ult.
2437 Surius, die 10 Sept.
2438 Vers. 17, 18.
2439 Josephus, De Antiq. Jud., 1. II, c.V.
2440 Ro. 8, [v. 18].
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31.5 Page 305

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j'attens,» etc.2441 Bernardus, De Convers., ad
Cler.2442: «Non sunt condignæ ad culpam
praeteritam quae remittitur, ad consolationem
quae immittitur, ad gloriam quae promittitur.»
Redemptori, Creatori, Glorificatori.
Augs., in Psal. 932443: «Venale habeo.
Quid, Domine? Regnum caelorum. Quo
emitur?» [etc.] Paupertate regnum, dolore
gaudium, labore requies, vilitate gloria, morte
vita, momento aeternitas.
Denarium promittit, ait Irenaeus2444,
apud Maldonatum2445, quia Regis imaginem
habet. [394]
récompense. (La fille de Pharaon se nommait
Termut.) [393]
[Les souffrances] ne sont pas dignes
d'être comparées. Saint François au Frère: «Et
à cause des biens que j'attends,» etc. Saint
Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la
Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être
comparées à la faute passée qui est remise, à la
consolation qui est communiquée, à la gloire
qui est promise.» [Nous souffrons pour notre]
Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre
Glorifîcateur.
Saint Augustin, sur le Psaume XCIII,
[suppose ce dialogue entre Dieu et l'homme]:
«J'ai quelque chose à vendre. Quoi, Seigneur?
Le Royaume des cieux. A quel prix?» [etc.]
Pour la pauvreté, un royaume; pour la douleur,
la joie; pour le travail, le repos; pour
l'humiliation, la gloire; pour la mort, la vie;
pour un moment, l'éternité.
Il promet un denier, dit saint Irénée,
d'après Maldonat, parce qu'il porte l'image du
Roi. [394]
2441 Fioretti, Consid. prima sulle Stimmate.
2442 Cap. XXI.
2443 § 24.
2444 Contra Hieres., 1. IV, c. XXXVI, § 7.
2445 Comm. in locum Matt.
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31.6 Page 306

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CLIII. Notes d'un sermon pour le jeudi après le deuxième
Dimanche de Carême2446
11 mars 1621
(INÉDITES)
Chrisost.2447, super Mat.2448: Tortuosi
cameli, Gentium animae; acus, Filius Dei,
cujus pars subtilis Divinitas, grossior
humanitas; per cujus vulnus Passionis
ingredimur. Gentes irrationales, cameli,
deposito onere idololatriae, ingrediuntur
facilius quam Judaei, divites cognitione
misteriorum, depositis divitiis. Haec acus
tunicam immortalitatis consuit: spiritui
carnem, Judaeos Gentibus, Angelos
hominibus, Caelum terrae.
Aug.2449, apud Jansen.2450, et D.
Greg.2451, apud Thom.2452: Acus pungens
Passio; camelus intrans Christus, onustus
peccatis nostris; facilius camelus ingreditur,
quia [395] nisi ingressus esset, nequaquam
dives ingrederetur aut elatus. Glossa quaedam
de porta Hierusalem, fabulosa.
Utrumque impossibile2453; sed facilius
prius Deo, quia nullam affert repugnantiam
Deo; secundum difficilius, quia suo libero
arbitrio homo repugnat. D. Aug.2454, super
illud: Majora horum faciet2455.
Hieron.2456
et
Chrisost.2457:
[impossibile,] id est, valde difficile, per
hiperbolem: Si potest AEthiops mutare pellem
suam, etc.; Hierem. 132458.
Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu:
Les chameaux difformes figurent les âmes des
Gentils; le Fils de Dieu est l'aiguille dont la
pointe est la Divinité, la partie plus épaisse,
l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa
Passion que nous entrons. Les Gentils, qui ne
vivent pas selon la raison, semblables aux
chameaux, après avoir déposé le joug de
l'idolâtrie, entrent plus facilement que les Juifs.
Ceux-ci, se flattant d'être riches de la
connaissance des mystères de Dieu, sont
tardifs à abandonner leurs richesses. Cette
aiguille a cousu la tunique d'immortalité; la
chair à l'esprit, le Juif au Gentil, l'Ange à
l'homme, le Ciel à la terre.
Saint Augustin, d'après Jansénius [de
Gand], et saint Grégoire, d'après saint Thomas:
L'aiguille perçante est la Passion; le chameau
qui entre, le Christ, chargé de nos péchés; le
chameau entre plus facilement, car, s'il n'était
entré, [395] jamais riche ou orgueilleux ne
serait entré. Certaine explication au sujet d'une
porte de Jérusalem est fabuleuse.
Les deux hypothèses sont impossibles;
mais la première serait plus facilement réalisée
par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne
font nulle résistance; la seconde plus
difficilement, car, par son libre arbitre,
l'homme lui résiste. Saint Augustin, sur ce
texte: Il en fera de plus grandes encore.
2446 La raison qui permet de supposer que ces notes ont été écrites pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême
est que notre Saint, une fois déjà (voir ci-devant, n° CXXXI), avait pour cette férié traité du même passage de
l'Evangile.
2447 Opus Imperfect., inter Op. S. Chrys., hom. XXXIII.
2448 Cap. XIX, 24.
2449 Quaest. Evang., 1. II, qu. XLVII.
2450 Jansen. Gandav., Comment. in suam Concord., cap. C.
2451 Moral., in Job, 1. XXXV, § 38.
2452 Catena, in locum Matt.
2453 Matt., XIX, 26.
2454 Tract. LXXI-LXXIII in Joan.
2455 Joan., XIV, 12.
2456 Comm. in Matt., in loca.
2457 Homil. LXIII (al. LXIV) in Matt., § 2.
2458 Vers. 23.
306/342

31.7 Page 307

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Hieron.2459 (Is. 602460): Inundatio
camelorum operiet, dromedarii Madiam et
Epha. Theophilactus2461 dupliciter: in sensu
diviso (Pelagiani, apud Aug., ep. 892462), et de
divite et habente divitias.
Euthimius2463. Beatus dives qui
inventus est sine macula2464.
Capreae.
Triplex paupertas: professionis, usus et
affectionis. [396]
Saint Jérôme et saint Chrysostôme
pensent que le mot impossible est employé
hyperboliquement et signifie seulement très
difficile: Si l’Ethiopien peut changer de peau,
etc.
Saint Jérôme, sur Isaïe, LX: Tu seras
inondé par une multitude de chameaux et par
les dromadaires de Madian et d'Epha.
Théophylacte explique la difficulté de deux
manières: il distingue entre celui qui a été riche
et celui qui l'est encore (ainsi saint Augustin
contre les Pélagiens, épître LXXXIXe), entre
celui qui est riche de fait et celui qui l'est
d'affection.
Euthymius. Bienheureux le riche qui a
été trouvé sans tache.
Les chèvres.
Triple pauvreté: par profession, par
pratique, par affection. [396]
2459 Comm. in eadem loc. Matt.
2460 Vers. 6.
2461 Enarrat, in Matt., in loca.
2462 Hodie epist. CLVII, ad Hilar., c. IV.
2463 Comm. in Matt., in loca.
2464 Eccli., XXXI. 8.
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31.8 Page 308

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CLIV. Sermon pour la fête de saint Joseph
19 mars 1621
(INÉDIT)
LUGDUNI, AD FESTUM SANCTI
JOSEPHI
IN TEMPLO PATRUM SOCIETATIS
JESU NOVITIATUS, CUM PRIMUM
PATRONI FESTUM IN TEMPLO
RECENTER AEDIFICATO AGERETUR
1621
Justus ut palma florebit.
Psal. 91. v. 13.
A LYON, POUR LA FÊTE DE SAINT
JOSEPH
DANS L'ÉGLISE DU NOVICIAT DES PÈRES
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS, LE JOUR
OU SE CÉLÉBRA POUR LA PREMIÈRE
FOIS LA FÊTE PATRONALE DE CETTE
ÉGLISE RÉCEMMENT CONSTRUITE
1621
Le juste fleurira comme le palmier.
Sancta et amabilis solemnitas,
auditores, sancta et venerabilis ecclesia
(templum), sancto et amabili Patriarchae
dedicata. O Sancte Joseph, «quibus te
laudibus efferam nescio, quia quem caeli
capere non poterant» tuis brachiis
conclusisti2465! Et ecce primum elogium
quod hodierna die profert et cantat Ecclesia
in officio Missae2466: Justus ut palma
florebit. Quod ideo elegi tractandum [397]
quia primum est, quia ab avo Sancti Joseph
est, sed maxime quia uberem mihi profert
materiam loquendi de sacratissimo
matrimonio Josephi et Beatae Virginis, et
de sacratissima humilitate qua
excellentissima sua privilegia et virtutes
celavit. Quae erunt duo puncta hujus
sermonis, quae concludam petitione aquae
quam Samaritana petiit2467, ut etiam aliquid
de Evangelio Feriae2468 dicam. Sed ut
utiliter loquar de tuo hoc Patre, verto me ad
tuam pietatem: «Sanctissimae Genitricis
tuae Sponsi, quaesumus, Domine, meritis
adjuvemur, ut quod possibilitas nostra non
obtinet, ejus nobis intercessione
donetur2469;» et tibi, o Virgo, dico Ave
Maria, etc.
Quelle sainte et aimable solennité, mes
auditeurs! Quelle église (temple) sainte et digne
de vénération, dédiée à un saint et aimable
Patriarche! O saint Joseph, «je ne sais de quelles
louanges vous honorer, parce que vous avez»
pressé dans vos bras «Celui que les cieux ne
peuvent contenir.» Et voici le premier éloge que
ce jour met en lumière et que chante l'Eglise dans
l'office de la Messe: Le juste fleurira comme le
palmier. Je le choisis pour mon sujet [397] parce
qu'il est le premier, parce qu'il a été prononcé par
l'aïeul de saint Joseph, mais surtout parce qu'il
fournit matière abondante pour un discours sur le
mariage très sacré de Joseph avec la Bienheureuse
Vierge et la très sainte humilité sous laquelle il a
caché ses vertus et ses magnifiques privilèges :
tels seront les deux points de ce sermon. Je le
conclurai en demandant l'eau que demandait la
Samaritaine, ce qui me permettra de dire un mot
de l'Evangile de la férié. Mais pour que je parle
avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur,
à votre piété filiale: «Nous vous en supplions,
Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre
sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces
que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes
nous soient accordées par son intercession;» et à
vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc.
[Reprendre au texte, lig. 13.] [398]
2465 Respons. primum ad Matut. B. M. V.
2466 In Introitu.
2467 Joan., IV, 15.
2468 Sextæ post tertiam Dom.
2469 Orat. Festi S. Jos.
308/342

31.9 Page 309

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En l'Arabie que, pour la benigne influence du ciel qui la rend fertile en toutes sortes d'arbres
aromatiques, on appelle Heureuse, il y a, ce disoyent les Anciens, cet oyseau tout a fait admirable,
et si rare quil est unique, qu'on appelle phoenix. Or, on dit, apres la revolution de plusieurs siecles
il devient si charge des infirmites de sa viellesse en sorte qu'a peine peut il voler, et sa vie alhors
luy semble tellement mortelle qu'il ne peut pas mesme esperer de vivre que par la mort; de sorte
quil assemble et, etc., et se fait un bucher, etc. Or, apres il vole, il vit gay et joyeux, et avec une
jeunesse toute vitale il passe un'autre nouvelle suite de siecles, etc. Telle est la narration des
Anciens, non seulement prophanes mais aussi chrestiens; de saint Basile2470, saint Ambroyse2471
et cent autres. [398]
Certes, il est vray, mes treschers auditeurs, que le pecheur envielli en son iniquite, etc., il
se doit faire un bucher, et exciter un feu qui le reduise en cendre et le face devenir vermisseau de
poenitence; puis de cet estat la il passe a la justice, et comme un autre phoenix il vole, il est gay,
et se peut dire quil sacrifie le sacrifice de justice: Sacrificabo sacrificium justitiae2472; Introibo ad
altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam24732474.
Mays pourquoy vous dis-je ceci? Parce, mes treschers auditeurs, que Tertullien, 1. de
Resur. carnis2475, a ainsy entendu nostre verset et la comparayson qui y est: Justus ut palma
fiorebit; car ayant treuve le mot de phoenix en la version des 72: Justus ut phoenix florebit2476, il
y a dit que le poenitent parvenu a la parfaite resipiscence et poenitence, il se treuve tout rajeuni et
comme resuscite a la grace2477.
Mais, bien que 1'authorite de ce grand personnage merite beaucoup d'honneur en ce quil a
dit de bon sens, si est ce neanmoins quil nous faut attacher a la version ordinaire canonizee par la
sainte Eglise, laquelle est justificata in semetipsa24782479. Et de fait, bien que phoenix en grec
signifie ce rare et admirable oyseau duquel nous avons parle, si est ce quil signifie aussi la palme:
la palme estant le phoenix des arbres comme le phoenix est la palme des oyseaux, avec beaucoup
de similitude de l'un a l'autre, hormis que la palme n'est pas si rare que le phcenix, ni le phoenix si
fertile que la palme.
Disons donques que David a dit: Justus ut palma florebit, parlant de la vraye palme; car
qui ne void que sa comparayson est des arbres de la palme et du cedre? Sicut cedrus; et puis,
florebit, et plantatus24802481, etc. [399]
Or, il y a mille et mille parangons de la palme au juste2482. La palme est le prince des arbres,
lejuste, des hommes. Ell'est tous-jours verdoyante, elle prend ses accroissemens en haut,
demeurant petite et mince du coste de la terre, ell'est toute armee, elle resiste au poids, elle porte
des fruitz si excellens. Mays il me semble que tout cela est commun a tous les justes, bien qu'il
appartient tres particulierement et avantageusement au glorieux saint Joseph. C'est pourquoy j'ay
jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport
et similitude, tres singulierement a saint Joseph.
La premiere, que les palmes sont de deux sortes: les unes sont males, que nous pourrons
appeller palmiers, et les autres femelles, qui retiennent le nom de palme. Et voyci la merveille. On
marie les palmes pour les rendre fertiles, et leur mariage est tout virginal, pur, saint et incontamine.
2470 Pro S. Gregor. Nar. (?), Carm.,1.1, sect. II, poema II, 526.
2471 Hexaem., lib. V, c. XXIII; alibi.
2472 Pss. IV, 6, CXV, 7.
2473 Ps. XLII, 4.
2474 Je sacrifierai le sacrifice de justice. Je monterai à l'autel de Dieu, au Dieu qui réjouit ma jeunesse.
2475 Cap. XIII.
2476 Le juste fleurira comme le phénix.
2477 Voir pages 83, 84, 378 du volume précédent.
2478 Ps. XVIII, 10.
2479 Justifiée par elle-même.
2480 Vers. 13, 14.
2481 Comme le cèdre... fleurira... planté.
2482 C'est l'une des comparaisons dont le saint Evêque se plaît à user en traitant des gloires de saint Joseph. Déjà il l'a
indiquée dans un sermon poulie 19 mars 1614 (voir ci-devant, p. 131), et il la développera longuement dans l'Entretien
XIX, prononcé en 1622 pour la même fête.
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Explica historiam2483 quam poteris graphice2484. O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je
veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples. Cum esset desponsata Mater
Jesu Maria Joseph, antequam convenirent2485, etc.2486 Non, le palmier ne faeconde pas la palme,
c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement
pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant. C'est le Saint Esprit qui
feconde la tressainte Vierge: Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi2487, etc.; Quod
in ea natum est, de Spiritu Sancto est24882489. [400] Mays le Saint Esprit a voulu observer cette
ceremonie, que la tressainte Vierge ne conceut pas qu'a l'aspect et a l'ombre du sacre mariage,
mariage totalement virginal et qui «virginitatem Matris non minuit sed sacravit24902491;» et c'est ce
qui exalte merveilleusement saint Joseph, destre le vray mari d'une si sainte Espouse. 2492Soror
nostra parva est, et ubera non habet: quid faciemus sorori nostrae in die quando alloquenda est?
(Cant. 8, circa finem2493.) Si murus est, aedificemus super eum propugnacula argentea; si ostium
est, compingamus illud tabulis cedrinis. Custos nimirum sacrae virginitatis. Venter tuus sicut
acervus tritici, vallatus liliis2494. «AEdituum Spiritus Sancti» appellat Tertullianus pudicitiam2495.
Ex hoc autem matrimonio consurgit aliud privilegium Sancti Joseph, quia etsi pater naturalis
Christi Domini non sit, est tamen plus quam pater putativus, plus quam socer, et Christus licet non
sit filius Joseph est tamen filius suus; il n'est pas son filz, mais un filz sien. Ut columba ferens
dactilum et relinquens eum in horto, palma quae oriretur est possessoris horti. Ergo, ut palma
florebit: floret palmier in palma, id est, fructificat.
2°. Comae ejus sicut elatae palmarum, nigrae quasi corvus2496. Elatae nigrae continent
flores albos. Dic [401] historiam2497. Justus ut palma florebit. Omnes quidem, sed maxime Sanctus
Joseph, qui humilitate celavit omnes virtutes quae eum justum faciebant. Homo tunc temporis
incognitus: Mortui estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo2498. O quanta humilitas
in Evangelio nostro2499! [402]
2483 Vide Plin., Hist. nat., 1. XIII, c. VII (al. IV).
2484 Exposer le fait de la manière la plus intéressante que je pourrai.
2485 Matt., I, 18.
2486 Marie Mère de Jésus, étant fiancée a Joseph, avant qu'ils eussent été ensemble, etc.
2487 Lucae, I, 35.
2488 Matt., I, 20.
2489 L'Esprit-Saint surviendra en toi, et la vertu du Très-Haut, etc. Ce qui a été engendré en elle est du Saint-Esprit.
2490 Secret. in Missa Despousat. B. M. V. et S. Jos.
2491 Qui «n'altéra point, mais consacra la virginité de la Mère.»
2492 Notre sœur est petite, elle n'a pas de mamelles: que ferons-nous a notre sœur au jour ou il faudra lui parler? Si
c'est un mur, bâtissons-lui des boulevards d'argent; si c'est une porte, nous la consoliderons avec des ais de cèdre.
Saint Joseph était donc le gardien de la sacrée virginité. Ton sein est comme un monceau de froment entouré de lis.
Tertullien appelle la chasteté «la sacristine du temple de l'Esprit-Saint.» Or, de ce mariage dérive un autre privilège
de saint Joseph. Celui-ci n'est pas, il est vrai, le père naturel du Christ Seigneur, mais il est plus que son père nourricier,
plus que s'il était simplement son beau-père, et, bien que le Christ ne soit pas fils de Joseph, il est pourtant un fils
sien... Quand une colombe emporte une datte et la laisse tomber dans un jardin, le palmier qu'elle produit appartient
au propriétaire du jardin. Saint Joseph fleurira donc comme le palmier; le palmier fleurit, c'est-à-dire porte des fruits,
par sa palme.
2. Ses cheveux sont comme les jeunes pousses des palmiers, noirs comme le corbeau. Les pousses noires
renferment des fleurs blanches. Raconter le trait. Le juste fleurira comme le palmier. A la vérité, ce texte s'applique à
tous les justes, mais surtout à saint Joseph qui voila de son humilité toutes les vertus qui le rendaient juste. C'était un
homme alors inconnu: Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Oh! quelle humilité dans notre
Evangile!
2493 Vers. 8, 9.
2494 Cant., VII, 2.
2495 De Cultu Femin., 1. II, c. 1.
2496 Cant., V, 11.
2497 Ex Commentar. (?) Cf. Plin., Hist. nat., 1. XXIII, c. V (al. LIII).
2498 Coloss., III, 3.
2499 Matt., I, 18-21.
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CLV. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la
Sainte Vierge
15 août 1621
(INÉDIT)
ANNESSII. AD FESTUM ASSUMPTIONIS
BEATAE VIRGINIS, 1621
IN EJUS ÆDE
ANNECY. FÊTE DE L'ASSOMPTION DE
LA BIENHEUREUSE VIERGE, 1621
DANS SON EGLISE
Maria optimam partem elegit.
Luc. 10. v. ult.
Non soleo nisi ex sensu litterali
sermones meos contexere; verum hic Ecclesiae
authoritas suadet aliter facere. lntravit Jesus in
quoddam castellum, etc. Dic Evangelium2500,
deinde addes: hac comparatione Ecclesia
utitur; domus haec in qua Christus venit, etc.,
Maria est Mater. AEdificavit costam quam
tulerat in mulierem; Gen. 2. v. 22, etc. In
Maria, domo Christi, duae sorores: homo
exterior, homo interior; homo vetus, homo
novus. Mea anima portio superior, inferior:
Sentio [403] aliam legem; condelector Dei
legi, secundum interiorem hominem; Ro. 72501.
2. Cor. 4. v. 16: Sed licet qui foris est noster
homo corrumpatur, tamen is qui intus est
renovatur de die in diem.
Venit Christus in ventrem, venit in
mentem. In ventrem: Beatus venter qui te
portavit, et ubera quae suxisti; in mentem:
Quinimo, beati qui audiunt verbum Dei et
custodiunt illud2502. Nulla mulier tam attenta
contemplationi, nulla tam operosa in actione,
in nutriendo Christo. Et Maria relinquit
Martam ministrare perfecta abdicatione rerum
temporalium et prudentiae carnalis; nam tota
intenta contemplationi et confidentiae in
Deum. [404]
Marie a choisi la meilleure part.
J'ai la coutume de suivre dans mes
sermons le sens littéral; mais ici l'autorité de
l'Eglise me persuade d'en agir autrement. Jésus
entra dans un village, etc. Raconter l'Evangile
et ajouter ensuite: l'Eglise emploie cette
comparaison; la maison dans laquelle vient le
Christ, c'est Marie sa Mère. Il forma la femme
de la côte qu'il avait tirée [d'Adam,] 'etc. En
Marie, maison du Christ, se trouvent deux
sœurs: l'homme extérieur, l'homme intérieur;
le vieil homme, l'homme nouveau. Il y a dans
mon âme la partie supérieure et [403] la partie
inférieure: Je sens une autre loi; je me
complais clans la loi de Dieu selon l'homme
intérieur. Mais, bien que notre homme
extérieur se détruise, cependant l'homme
intérieur se renouvelle de jour en jour.
Le Christ vint dans le sein de Marie, il
vint dans son esprit. Dans son sein: Heureuses
les entrailles qui vous ont porté, et les
mamelles que vous avez sucées; dans son
esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la
parole de Dieu et qui la gardent. Aucune
femme ne fut aussi appliquée à la
contemplation, aucune ne fut aussi laborieuse
dans l'action, aussi dévouée au soin du Christ.
Marie, par un parfait renoncement aux choses
temporelles et à la prudence de la chair, laisse
Marthe servir; car elle est tout absorbée par la
contemplation et la confiance en Dieu. [404]
2500 Lucae, X, 38-42.
2501 Vers. 22, 23.
2502 Lucae, XI, 27, 28.
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CLVI. Sermon pour la fête de saint Philippe et de saint Jacques,
et pour le cinquième Dimanche après Pâques
1er mai 1622
(INÉDIT)
2503ANNO VERO 16222504, DIE PRIMA
MAII QUAE ERAT FESTUM
SANCTORUM PHILIPPI ET JACOBI ET
DOMINICA ROQATIONUM, ITA
SERMONEM SCRIPSI
Amen, amen, dico vobis; si quid
petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis,
Jo. 162505; et Jo. 142506: Si quid petieritis me in
nomine meo, hoc faciam. Postquam Christus,
c. 13 Joan., lavit pedes Discipulorum ac
praedixit proditionem Judae et Petri
negationem, sequentibus capitibus, XIII. XV.
XVI, dixit verba consolatoria ad Discipulos,
plena mysterii. Inter alia vero eos [405]
consolatur ex eo quod quamvis eos relicturus
erat quoad prsesentiam temporalem, tamen eos
semper sua protectione erat defensurus et
exauditurus. Id autem dupliciter exprimit2507:
ut in initio Evangelii Dominicalis: Amen,
amen, dico vobis; si quid petieritis Patrem in
nomine meo, etc.; et ut in fine Evangelii Festi:
Si quid petieritis me in nomihe meo, hoc
faciam. Et tam in uno verbo quam in alio vim
petitionis et orationis exprimit. Itaque omnino
de oratione habendus est sermo, et ita tempus
Rogationum expetit. Verum de oratione dicere
non possumus nisi Deus docuerit, et cum
Apostolis dicendum est: Domine, doce nos
orare; Luc. XI, v. 1.
En verité, en verité, je vous dis, que si
vous demandes quelque chose au Pere en mon
nom, il vous le donnera.
1°. Vitandi errores Messalianorum sive
Euchitarum qui nimium, Pelagianorum et
MAIS EN 1622, LE 1ER MAI, FETE DES
SAINTS PHILIPPE ET JACQUES ET
DIMANCHE DES ROGATIONS, J'AI
ECRIT LE SERMON AINSI
En vérité, en vérité, je vous le dis; si
vous demandez quelque chose à mon Père en
mon nom, il vous le donnera. Si vous me
demandez quelque chose en mon nom, je le
ferai. Après avoir lavé les pieds de ses
Disciples et prédit la trahison de Judas et le
reniement de Pierre (Jean, chap. XIII), Jésus,
dans les chapitres suivants, adressa à ses
Disciples des paroles consolatrices, pleines
[405] de mystère. Or, entre autres, il leur donne
cette consolation, que, s'il les quitte quant à sa
présence temporelle, néanmoins, les couvrant
toujours de sa protection, il les défendra et les
exaucera. Et il exprime sa promesse de deux
manières, comme au commencement de
l'Evangile du Dimanche: En vérité, en vérité,
je vous le dis, si vous demandez quelque chose
a mon Père en mon nom, etc.; et comme à la
fin de l'Evangile de la fête: Si vous me
demandez quelque chose en mon nom, je le
ferai. Et dans l'une et l'autre proposition, il
exprime la puissance de la demande et de la
prière. Voilà pourquoi nous devons
absolument parler de la prière; le temps des
Rogations du reste l'exige. Mais nous ne
pouvons parler de la prière que si Dieu nous
instruit; disons donc avec les Apôtres:
Seigneur, enseignez-nous à prier.
[Reprendre au texte, lig. 13.]
1. Il faut éviter les erreurs des
Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et
celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir
2503 (Ms. p. 133, recto)
2504 Le mot vero inséré dans le titre, s'explique par la manière dont notre Saint rattache ce sermon au fragment préparé
pour le troisième Dimanche de Carême de l'année 1615. Voir ci-devant, p. 168, note (1060).
2505 Vers. 23.
2506 Vers. 14.
2507 Ut supra.
312/342

32.3 Page 313

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Wiclefitarum; supra2508. Vide Bellarminum, 3
tom. [Controv.,] De bonis Operibus2509.
2°. Male utitur Wiclef distinctione
antiquorum theologorum ac Sanctorum
(triplex oratio: vocalis, mentalis, vitalis sive
operum); at nos recte uti debemus. [406]
[Vocalis.] Voce mea ad Dominum
clamavi, voce mea ad Dominum deprecatus
sum; Ps. 1412510. Augustinus2511 et Ecclesiae
consuetudo: Domine, labia mea aperies, et os
meum annunciabit laudem tuam2512;
«Praeceptis salutaribus moniti, et divina
institutione formati2513
Mentalis. Sicut pullus hirundinis sic
clamabo, meditabor ut columba; Isa. 382514.
Quomodo dilexi legem tuam, Domine! tota die
meditatio mea est; [Ps.] 1182515. Pulcher locus,
Ex. 14. v. 15: Quid clamas ad me2516?
Bernardus, sermo 16 in Psal. 902517: «Clamor
in Dei auribus est vehemens desiderium.»
Apud Deum, non tam valet clamor quam amor.
Cassiodor., in Psal. 16: «Oratio est perfecta
cujus et causa clamat et lingua, et vita et
cogitatio.»
Vitalis. Absconde (Ecclesi. 292518),
conclude eleemosynam in sinu, in corde
pauperis, et ipsa orabit pro te ad Dominum.
Abbas Lucius in Vitis Patrum2519, apud
Cornel., in Com. Epistolae [1] ad
Thessalonicenses2520, fol. 697. Sic antiqui
principes monasteria faciebant et pii viri
monasteria faciunt, in quibus semper oratur2521
et semper ipsi cum orantibus orant, ut Saulus
erat in manibus lapidantium2522, etc. [407]
3°. In omnibus orationibus semper
petitur a Deo; ipsi servimus, non nobis ipsis
plus haut. Voir encore Bellarmin, tome III [de
ses Controverses, Traité] sur les bonnes
Œuvres.
2. Wiclef use mal de la distinction des
anciens théologiens et des Saints qui
comptaient trois sortes de prières: la vocale, la
mentale et la vitale ou la prière des œuvres;
quant à nous, nous en devons bien user. [406]
[Vocale.] J'ai élevé ma voix pour crier
vers le Seigneur; j'ai élevé ma voix pour
supplier le Seigneur. Saint Augustin et la
coutume de l'Eglise: Seigneur, ouvrez mes
lèvres, et ma bouche annoncera votre louange.
«Instruits par vos préceptes salutaires, et
formés à votre école divine.»
Mentale. Je crierai comme le petit de
l'hirondelle, je méditerai comtne la colombe.
Combien ai-je aimé votre loi, Seigneur! Elle
est tout le jour le sujet de ma méditation. Beau
passage, dans l'Exode: Pourquoi cries-tu vers
moi? Saint Bernard, sermon XVIe sur le
Psaume XC, dit: «C'est une clameur aux
oreilles de Dieu, qu'un ardent désir.» Auprès
de Dieu le cri ne vaut pas autant que l'amour.
Cassiodore, sur le Psaume XVI, déclare que
«la prière est parfaite quand l'objet de cette
prière, la langue, la vie, la pensée crient à la
fois.»
Vitale. Cache, renferme l'aumône dans
le sein, dans le cœur du pauvre, et elle priera
pour toi le Seigneur. L'abbé Lucius, dans les
Vies des Pères, cité par Corneille, dans son
Commentaire sur la [Ire] Epître aux
Thessaloniciens, folio 697. C'est ainsi que les
anciens princes fondaient, que les hommes
pieux fondent encore des monastères où
toujours on prie, et où, avec ceux qui prient,
eux-mêmes prient toujours; de même Saul
2508 Vide pag. 167.
2509 Lib. I, c. III.
2510 Vers. 1.
2511 In locum Ps.; et Confess., 1. X, c. XXXIII.
2512 Ps. L, 17.
2513 In Missa, ante Pat. Nost.
2514 Vers. 14.
2515 Vers. 97.
2516 Cf. supra, p. 96.
2517 § 1.
2518 Vers. 15.
2519 Lib. V, libel. XII, § 9.
2520 In cap. V, 17, 18.
2521 Lucae, XVIII, 1.
2522 Act., VII, 57, 59.
313/342

32.4 Page 314

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inutiles sed Deo2523: Inclinavi cor meum ad
faciendas2524, etc. Tria vero notantur.
Si quid petieritis Patrem in nomine
meo, dabit vobis2525. Porro duo verba
principalia expendo. Patrem: Levavi oculos
meos in montes2526; omnis oratio terminatur ad
Deum: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in
caelis2527. Et cum dicimus Patrem, loquimur
de tota Sancta Trinitate; sic enim, c. 142528: Si
quid petieritis me in nomine meo hoc faciam.
Ego et Pater unum sumus2529. Philippe, qui
videt me, videt et Patrem meum. Nescitis quia
ego in Patre et Pater in me est2530? Petimus
quidem a Sanctis, sed non absolute, sed
petimus praeces nostras eorum praecibus
adjuvari. Itaque: «Sursum corda. Habemus ad
Dominum2531
2532In nomine meo, tanquam Mediatoris
(antiqui jam ita orabant, sed non explicite;
nunc explicatius, nunc intentius, ut explicatius
creditur); alioquin non sumus digni aspici.
Propter David servum tuum non avertas
faciem Christi tui2533. Omnipotens oratio, nam
«vere dignum et justum est2534» exaudiri
Filium a Patre. Non [408] accepistis spiritum
servitutis iterum in timore, sed accepistis
spiritum filiorum, in quo clamamus: Abba,
Pater2535. Respice in faciem Christi tui2536.
Joannis abbatis oratio2537. [Cornelius,] fol.
565. [Comm.] in Pentath.2538, Jacob in imo
scalae2539. Ita Ecclesiae omnes praeces, ab
initio, incipit a Cruce, desinit in Crucem. [409]
agissait par les mains de ceux qui lapidaient,
etc. [407]
3. Toute prière renferme toujours une
demande à Dieu; nous sommes serviteurs
inutiles, non relativement à nous-mêmes, mais
relativement à Dieu. J'ai porté mon cœur à
accomplir, etc. Mais il faut faire trois
remarques.
Si vous demandez quelque chose à mon
Père en mon nom, il vous le donnera. Or je vais
développer les deux mots les plus importants.
Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes;
toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux
vers vous qui habitez dans les cieux. Et quand
nous disons Père, nous comprenons toute la
sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre
XIV: Si vous me demandez quelque chose en
mon nom, je le ferai. Mon Père et moi sommes
un. Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père.
Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et
que le Père est en moi? Nous demandons bien
aux Saints, mais non d'une manière absolue,
nous demandons qu'ils appuient nos prières par
les leurs. Aussi disons-nous: «En haut les
cœurs! Nous les tenons élevés vers le
Seigneur.»
En mon nom, comme Médiateur (déjà
les anciens priaient de la sorte, mais
implicitement; nous, nous prions ainsi plus
explicitement, plus formellement, comme
notre foi aussi est plus explicite); sans cela
nous ne serions pas dignes d'être regardés. A
cause de David votre serviteur, ne détournez
pas la face de votre Christ. La prière est toute-
puissante, car «il est vraiment digne et juste»
que le Fils soit exaucé du Père. Vous n'avez pas
reçu l'esprit [408] de servitude qui vous
2523 Lucae, XVII, 10.
2524 Ps. CXVIII, 112.
2525 Joan., XVI, 23.
2526 Ps. CXX, 1.
2527 Ps. CXXII, 1.
2528 Vers. 14.
2529 Joan., X, 30.
2530 Ibid., XIV, 9, 10.
2531 In Missa, ante Praefat.
2532 (Ms. p. 133, verso)
2533 Ps. CXXXI, 10.
2534 In Missa, ad Praefat.
2535 Rom., VIII, 15.
2536 Ps. LXXXIII, 10.
2537 Vitas Patr., 1. X, c. LXXXIII.
2538 In locum seq.
2539 Gen., XXVIII, 12.
314/342

32.5 Page 315

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retienne encore dans la crainte; mais vous
avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous
crions: Aida, Père. Regardez en la face de
votre Christ. Prière de l'abbé Jean. [Corneille,]
folio 565 [de son Commentaire] sur le
Pentateuque, Jacob au bas de l'échelle. Aussi
dès l'origine, l'Eglise commence et finit-elle
toutes ses prières par le signe de la Croix. [409]
315/342

32.6 Page 316

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CLVII. Recueil de notes sur divers sujets2540
Vide in Actis Apostolorum2541 Beatum
Paulum dici vas electionis, non quia
praedestinavit ad gloriam more reliquorum
salvandorum, sed quia destinavit ad
excellentem gratiam, tum gratum facientem,
tum ad peculiarem gratiam gratis datam, et
insigne officium. Quomodo intelligi etiam
debet id quod de vasis dixit idem Sanctus
Paulus, ad Rom. c. 92542, et de Jacob et
Esau2543, etc.; nam unus locus alteri lucet ad
interpretationem forsan. [Gen.,] 25. v. 23.
Psal.
702544.
Vide
apud
Genebrardum2545 quomodo, quando nescimus
misteria, recurrendum sit ad potentiam
Domini. [410]
Cum exarserit in brevi ira ejus2546, etc.,
intellige de ira quae in Verbo abbreviato super
terram2547 exarsit in die Passionis forsan. Vel
brevi, id est, statim; est enim phrasis antiquae
Scripturase ut dicat Incarnationem statim
futuram2548, et non tardabit2549 etc. Quod ideo
dicitur quia breve est spatium, non absolute
quidem, sed habito respectu ad id quod
merebamur, cum enim meremur ut nunquam
veniret qui mittendus erat2550. Et si tertia getate
venerit, cito ac statim dicitur venisse,
comparatione nimirum aeternitatis qua
potuisset tardare forsan.
Haeresis ut cancer serpit2551, velociter
currit sermo ejus2552. Serpit haeresis, quia tota
terrae humanoque intelligendi modo innititur,
et ventri innititur et gulae et libertati carnali; at
Voir dans les Actes des Apôtres, saint
Paul appelé vase d'élection, non seulement
parce que Dieu le prédestinait à la gloire,
comme il y prédestine les autres élus, mais
parce qu'il le destinait soit à une éminente
grâce de celles qui sont appelées gratum
faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et
qu'il l'appelait à une mission extraordinaire. Il
faut entendre dans ce sens ce que le même saint
Paul dit des vases, et de Jacob et d'Esau; car un
passage donne peut-être lumière pour
l'interprétation de l'autre.
Voir dans Génébrard comment il faut
recourir à la puissance du Seigneur quand nous
ne comprenons pas un mystère. [410]
Lorsque sa colère s'enflammera in
brevi. L'entendre peut-être du courroux qui a
sévi au jour de la Passion, contre le Verbe
presque anéanti (abbreviato) sur la terre; ou
encore, bientôt, en peu de temps, c'est-à-dire,
aussitôt. C'est le style de l'Ancien Testament
d'annoncer que l'Incarnation aura lieu aussitôt,
et qu'elle ne tardera pas. Ces expressions
indiquent une durée courte non pas en soi, mais
relativement à nos mérites, car nous méritions
que le Messie ne vînt jamais. Ht, bien qu'il soit
venu dans le troisième âge, on dit qu'il est venu
promptement et aussitôt, peut-être par
comparaison avec la durée de l'éternité,
pendant laquelle aurait pu se prolonger notre
attente.
L'hérésie rampe comme la gangrène, la
divine parole court avec vitesse. L’hérésie
rampe parce qu'elle s'appuie tout entière sur la
2540 Comme il est impossible de préciser en vue de quelles prédications ces notes ont été préparées, on a cru devoir les
renvoyer à la fin des Sermons Autographes, bien qu'on ne puisse douter, d'après l'écriture, qu'elles remontent à la
jeunesse de notre Saint. C'est néanmoins sans preuves positives que Migne leur attribue la date de 1594.
Le mot forsan qui, dans cette pièce, revient régulièrement après chaque proposition, indique la réserve avec
laquelle elle est émise. Il a paru superflu de le répéter chaque fois dans la traduction.
2541 Cap. IX, 15.
2542 Vers. 21-23.
2543 Vers. 10-13.
2544 Vers. 16.
2545 Comm. in Psalm.
2546 Ps. II, ult.
2547 Is., X, 22, 23; Rom., IX, 28.
2548 Malach., III, 1.
2549 Habacuc, II, 3.
2550 Gen., XLIX, 10.
2551 II Tim., II, 17.
2552 Ps. CXLVII, 4.
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32.7 Page 317

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sermo Domini currit, scilicet quia pedibus
leviter terram tangit, quod faciunt velociter
currentes. Accommodat enim se per
similitudines et parabolas nobis, at quod
reliquum est in sublimia et ardua misteria
fertur. Id forsan.
Qui capite gerit titulum De
Praesumptionibus, meretur ut illi proferatur
capitulum: Afferte mihi gladium2553. Forsan.
[411]
Apostoli dum perseverarent cum
Maria2554 acceperunt Spiritum Sanctum. Quod
nota, tum ut scias cum Maria multum esse
lucri, tum praeferri Mariam omnibus honore
tanquam omnium dignissimam; non enim
diceremus principem ire vel esse cum assecla,
sed asseclam cum principe. Forsan.
Prima verba quae dicta sunt in
deformatione generis humani dicta sunt ad
mulierem; prima quae dicta sunt in
reformatione dicta sunt ad Mariam, quod ad ea
attinet quae relata sunt ab Evangelistis; quoad
alia vero idem dicendum est, cum credendum
sit experimentaliter vel exercitative ab ipsa
Matre didicisse. Forsan.
Sacerdos concionabundus, ut se non
verba mundana habiturum sed ccelestia et
Christi crucifixi2555, initio pingit Crucem, quae
principium est et pars concionis. Ave Maria
autem est invocatio separata. Forsan.
Sermo Christi est ut rosarium: folia,
spem virescentem; spinae, fidem repugnantem
sensui et mundo; rosae, charitatem. Vel, folia
gratiam, rosae praemia, spinae paenas. Ex hoc
rosario qui sine lumine temere rosas, id est,
sensus, vult capere, saepe pungitur. Forsan.
[412]
Esau fuisse damnatum quod ad
personam attinet, non video quomodo constet.
Vix enim quicquam mali de eo referunt
Scripturae; in Genesi mortem autem ejus non
scribunt, quia persequuntur tantum quae ad
populum electum spectabant. Quae vero
dicuntur in Osaea2556, in Genesi2557, ad Ro.2558
terre et sur la raison humaine, et qu'elle
favorise l'avidité des sens et la liberté de la
chair; mais la parole du Seigneur court
toujours, parce qu'elle touche la terre du bout
des pieds, comme font ceux qui courent avec
célérité. Effectivement, tout en se mettant à
notre portée par des similitudes et des
paraboles, elle s'éleve, du reste, à de sublimes
et difficiles mystères.
Celui qui se fonde sur le titre Des
présomptions, mérite qu'on lui applique le
chapitre: Apportez-moi un glaive. [411]
C'est lorsque les Apôtres persévéraient
avec Marie qu'ils reçurent l'Esprit-Saint. Noter
cela pour comprendre soit le grand avantage
qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance
d'honneur qui place Marie au-dessus de tous,
comme étant la plus digne; car nous ne disons
pas que le prince voyage ou est avec son
courtisan, nous disons que celui-ci est avec son
prince.
Les premières paroles concernant la
chute du genre humain ont été dites à la
femme; les premières concernant la réparation
furent dites à Marie, celles du moins que
rapportent les Evangélistes; mais il faut en
croire autant de celles prononcées par Jésus-
Christ, puisque sa Mère a contribué à lui faire
acquérir la science expérimentale ou
exercitative.
Le prêtre commence la prédication en
traçant le signe de la Croix, pour montrer que
ses paroles seront non pas mondaines mais
célestes. Ce signe est le début et fait partie du
discours. Quant à l'Ave Maria, il forme une
invocation distincte.
La parole du Christ est comme un
jardin planté de rosiers: les feuilles sont la
verdeur de l'espérance; les épines, la lutte de la
foi contre les sens et le monde; les roses, la
charité. Ou bien les feuilles sont la grâce; les
roses, la récompense; les épines, le châtiment.
L'imprudent qui, sans discernement, veut y
cueillir des roses, c'est-à-dire des
interprétations arbitraires, se pique souvent.
[412]
2553 III Reg., III, 24.
2554 Act., I, 14.
2555 I Cor., I, 23.
2556 Cap. X, 6-10, II, 23 24.
2557 Cap. XXV, 23.
2558 Cap. IX, 10-13, 25 26.
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32.8 Page 318

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et alibi, constat apertissime, si omnia inter se
conferantur ut par est, intelligi de populis
Israeliticis et Idumaeis, non de personis. Illud
enim: Major serviet minori2559, observatur
recte ab Augustino2560 non posse applicari
personis nisi moraliter, ut Esau serviverit
persequendo. Forsan. [413]
Je ne vois pas la preuve de la damnation
personnelle d'Esaü. L'Ecriture ne dit presque
pas de mal de lui. La Genèse ne raconte pas sa
mort parce que les Saintes Ecritures s'attachent
seulement à ce qui concerne le peuple choisi.
Les paroles qu'on lit dans Osée, la Genèse,
l'Epître aux Romains et ailleurs prouvent très
clairement, si, comme on le doit, on les
compare toutes entre elles, qu'il s'agit non des
personnes, mais des peuples d'Israël et de
l'Idumée. Ces mots: L'aîné servira le plus
jeune, comme l'observe avec raison saint
Augustin, ne peuvent s'appliquer aux
personnes que moralement, comme par
exemple lorsque Esaii a servi Jacob en le
persécutant. [413]
2559 Gen., XXV, 23.
2560 Sermo X in App. §§ 3, 4.
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32.9 Page 319

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CLVIII. Sermon pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix2561
Dieu m'a donné un extraordinaire desir de planter en tous les cœurs des enfans de la sainte
Eglise la reverence et l'amour de la sainte Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ. J'ay plusieurs
fois consideré qu'apres que le grand Judas Machabee eut reedifié le Temple de l'ancienne
Sinagogue, la nation hebraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombans en face
louerent et benirent Dieu qui les avoit ainsy prosperé2562. Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu,
quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation
de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee
par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest
ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la
Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé.
L'ancien Temple ne fut jamais teint d'autre sang que des bestes, mais ceste sainte Croix a
esté teinte du sang de l'Autheur et consommateur2563 de tous les sacrifices. Ceste Croix devance
d'une grande traitte la magnificence de l'ancien Temple, de tout autant que le sacrifice de la sainte
Croix surpasse tous les autres; et il n'y a point de bons Chrestiens qui ne doivent aymer plus
tendrement la pauvreté, l'abjection et les douleurs de la Croix de Jesus Christ que les anciens Juifz
n'aymoyent les richesses, la magnificence et les delices de leur Temple.
Cest ancien Temple fut edifié troys fois: la premiere sous Salomon, la seconde sous Darius,
et la troysiesme sous Machabee. Et ainsy la tressainte Croix a esté exaltee troys fois: la premiere
sous Nostre Seigneur Jesus Christ, la seconde sous Constantin par la devote sainte Heleine, et la
troysiesme sous Heraclius. Les bons Juifz ont tousjours essayé de rebastir leur Temple quand les
ennemis l'ont abbatu ou qu'ilz y ont fait des bresches; de mesme les bons Chrestiens doivent
tousjours travailler a exalter la sainte Croix, quand plus les ennemis s'efforçent d'en abbattre
l'honneur et la devotion.
Saint Paul, cest incomparable maistre et docteur de l'Eglise naissante, avoit pris Jesus
Christ en la croix pour les delices de ses amours, pour le theme de ses sermons, pour le but de
toutes ses gloires, pour le terme de toutes ses pretentions en ce monde et pour l'appuy de toutes ses
esperances en l'eternité. J'ay estimé, dit il, ne rien sçavoir que mon Jesus crucifié2564. Ja n'advienne
que je me glorifie en quelque autre chose qu'en la croix de mon Jesus2565: et ne croyes pas, mes
chers Galates, que j'aye d'autre vie que celle de la croix; [415] car je vous asseure que je voy et
sens tellement par tout la croix de mon Sauveur, que par sa grace je suis du tout crucifié au monde,
et le monde m'est crucifié. Bienheureuse est l'ame qui void ainsy par tout Jesus Christ crucifié.
2561 Cette pièce ne figure pas dans les anciennes éditions des Œuvres complètes de saint François de Sales, ni parmi
les Sermons de 1643, non plus que dans aucun Manuscrit des Sermons recueillis. De diligentes recherches nous
amènent à conclure, sans toutefois oser l'affirmer, qu'elle a paru pour la première fois dans la quatrième édition des
Vrays Entretiens spirituels (Lyon, Coeursilys, 1649), où elle est donnée comme un XXIIe Entretien. Notre texte est la
reproduction de celui de cette édition.
Le sermon est formé de la réunion de deux fragments distincts, que, d'après le style et l'ensemble du discours,
on peut croire authentiques. Néanmoins, les premiers éditeurs se sont permis plusieurs retouches, comme on s'en
convaincra en confrontant les trois premiers alinéas avec le commencement de notre Sermon V, prêché le 14 septembre
1593 (voir le volume précédent, pp. 80, 81). La seconde partie du texte est empruntée à un discours prononcé à une
date bien postérieure et devant un auditoire nombreux et distingué, probablement dans quelque importante ville de
France, si l'on en juge par la manière dont sont mentionnés « Messeigneurs les Prelatz, Messieurs de la noblesse, de
la «justice,» etc. On ne peut confondre ce discours avec celui qui, d'après l'Année Sainte des Religieuses de la
Visitation, a été adressé aux Pénitents de la Sainte Croix d'Annecy, le 28 mars 1602.
Après les réserves que nous venons de faire, cette pièce nous semble mériter une place à la suite des Sermons
Autographes.
2562 I Mach., IV, 55.
2563 Heb., XII, 2.
2564 I Cor., I, 2.
2565 Galat., ult., 14.
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32.10 Page 320

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Je conseille volontier a mes devotz et devotes, pour se rafraischir plus souvent la memoire
de la tressainte Croix, qu'ilz en portent tousjours une ou a leur col ou a leurs chapeletz, et qu'ilz ne
soyent jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et bayser souvent, car le bayser est un signe
d'amitié: et c'est pourquoy Jesus Christ, le parfait Amant de nos ames, baysoit ses Apostres quand
ilz revenoyent a luy; et saint Paul enseignoit a ses disciples: Salues vous l'un l'autre de ma part,
en vous donnant le saint bayser2566.
Quicomque bayse sans feinte et sans hypocrisie, mais avec une vertueuse intention, son
frere chrestien, tesmoigne en verité qu'il l'ayme. Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas
contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter
le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ
disoit2567: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des
feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort
esloignees de mes intentions. D'où le Chrestien doit inferer que ce n'est pas asses d'honnorer la
Croix, s'il ne l'ayme; de la bayser, s'il ne l'embrasse par une cordiale et ferme resolution, non
seulement d'aymer le Crucifix, mais encores la crucifixion de cœur.
Quelques contemplatifz ont medité que Jesus Christ, dans la boutique de saint Joseph et en
ses trente ans de son adorable vie cachee, s'occupoit quelquefois a faire des croix pour toutes sortes
de personnes2568; et j'ose de sa part en presenter a tous. A Messeigneurs les Prelatz, je presente la
croix de la sollicitude et des travaux qu'il faut qu'un bon pasteur souffre pour garder, [416]
augmenter, nourrir, perfectionner et corriger ses brebis. Ceste croix de pasteur est la premiere que
Jesus a portee; je le prouverais facilement par sa creche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs
proche du puitz de la Samaritaine2569, et par son charitable soin pour ceux mesme qui le
tourmentoyent.
Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de
l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix
pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus
sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte
Croix.
A Messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du tems par des
occupations d'esprit bonnes et saintes, autant relevees par dessus les œuvres manuelles des
roturiers, que leur condition leur donne de preeminence, et leur naissance d'advantage sur les
autres. Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la
seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les
poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la,
dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle.
A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere
verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu2570 juste et vivant, qui fait marcher
la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle
David2571; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du
propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles.
A ceux du tiers estat, j'offre la croix de l'humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix
que Dieu a attachee a leur naissance, mais sanctifiee par l'usage que Jesus Christ a fait du mestier
de charpenterie; et il fait [417] dire de soy mesme par son Prophete2572: Je suis dans le labeur et
dans le travail des ma jeunesse. Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au
salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation
2566 Rom., ult., 16; I Cor., ult., 20, etc.
2567 Matt., XV, 8; Is., XXIX, 13.
2568 Cf. supra, p. 36; et Les Entretiens, tom. VI huj. Edit., p. 53.
2569 Joan., IV, 6.
2570 Rom., XI, p. 4, 6.
2571 Pss. LXXXIV, ult. XCVI, 2, XCV, 10, 13.
2572 Ps. LXXXVII, 16.
320/342

33 Pages 321-330

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33.1 Page 321

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delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable
innocence et bonne foy.
Aux jeunes gens, je destine la croix de l'obeissance, de la chasteté et de la retenue en leurs
deportemens; croix salutaire qui crucifie les fougues d'un jeune sang qui commence a bouillir et
d'un courage qui n'a pas encores la prudence pour guide, qui rendra en fin nos jeunes gens capables
de porter le tres suave joug de Nostre Seigneur, en quelque condition que son inspiration les
appelle.
Aux viellars, je presente la croix de la patience, de la douceur et du sage conseil, croix qui
requiert un cœur armé de courage, car ilz ne trouveront dans cest aage avancé et refroidy que
labeur et douleur sur la terre: c'est le dire de David2573.
Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees2574 et chargées de famille qu'il
n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus
volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et
le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre
criminel des crimes d'autruy.
Les vefves ne manquent non plus de croix. Si elles sont vrayes vefves2575 leur cœur, leur
amour et leur playsir doivent estre attachés a la Croix de Jesus Christ, par l'abnegation des
passetems du monde et par la meditation de la mort, puisque leur chere moitié est des-ja
pourrissante au tombeau.
Le glorieux saint Anthoine vid un jour toute la terre couverte de pieges et de filetz; et il me
semble, que de mes yeux interieurs, je la vois toute parsemee de croix. Heureux ceux qui ne fuyent
point la croix! Judas, ce perfide disciple, mena son infernale troupe pour prendre [418] Jesus et le
faire clouer a la croix; mais quant a luy, le malheureux, il refusa entierement la croix, ne voulant
pas seulement celle de la sainte contrition et penitence que Jesus Christ luy offrait. Ceux qui
refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur presente en ceste
vie auront en l'autre le partage de Judas.
Le grand roy Salomon dit2576, que tout ce qui se passe sous le soleil est vanité et affliction
d'esprit; cela presupposé, il n'y a point d'homme sous le soleil qui puisse eviter la croix et la
souffrance. Mais les impies, les ames mal faites sont, contre leur gré, et en despit qu'elles en ayent,
attachées a la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales;
elles ont des sentimens d'estime d'elles mesmes, approchant ceux du mauvais larron2577; elles
unissent par ce moyen leur croix a celle de ce meschant, et aussi infalliblement leurs salaires seront
esgaux. Helas! le bon larron fit d'une mauvaise croix, une croix de Jesus Christ. Certes, les travaux,
les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien
meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos
souffrances ce que nous avons merité par nos offences2578. Et par ceste humilité, nous rendrons
nostre croix de larron, une croix de vray Chrestien. Unissons donq, comme le bon larron, nostre
croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et
devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme
des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis.
Regardant donq la sainte Croix de Jesus avec un cœur plein d'amour et de reverence, je
feray ces eternelles et inviolables resolutions: O mon Jesus, Bien Aymé de mon ame, permettes-
moy que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein2579, et que je bayse le pied de
ceste sainte Croix, teinte de vostre pretieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si
2573 Ps. LXXXIX, 10.
2574 I Cor., VII, 28.
2575 I Tim., V, 3, 5.
2576 Eccles., I, 14.
2577 Lucae, XXIII, 39.
2578 Ibid., v. 41.
2579 Cant., I, 12.
321/342

33.2 Page 322

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[419] heureuse que de bayser vostre sainte Croix, s'abstiendra desormais de mesdisance, de
murmure et de lasciveté. Mes yeux qui voyent, o Jesus, vos larmes couler pour mes pechés sur la
Croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire; ces deux luminaires de mon cors
defailliront a force de regarder en haut2580 mon Sauveur eslevé sur la Croix; je les destourneray
affin qu'ilz ne voyent la vanité du monde2581, mais qu'ilz avisent tousjours la verité de vostre sainte
dilection. Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcees sur la
Croix, ne prendront plus de playsir aux vaines loüanges, aux faux rapportz, aux discours abaissant
mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles.
Mon entendement, qui considerera avec goust les adorables mysteres de la tressainte Croix,
ne se rebellera jamais en malicieuse et mauvaise imagination. Ma volonté, qui s'est sousmise aux
loix de la sainte Croix et a l'amour de Jesus Christ crucifié, ne haïra jamais personne, parce que
Jesus son Bien Aymé est mort d'amour pour tous2582.
En fin, mon zele sera de planter la Croix en mon cœur, en mon entendement, en mes yeux,
en mes oreilles, en ma bouche, en tous mes sens interieurs et exterieurs, affin que rien n'y entre ni
en sorte qui ne soit contraint de demander congé a la sainte Croix. Je formeray ce sacré signe avec
reverence, j'en marqueray mon cœur en mon resveil et avant mon dormir. Et cherchant en la sainte
Croix mon support parmi les angoisses de ceste vie, j'espere d'y trouver ma joye eternelle; car
ayant aymé Jesus Christ crucifié en ce monde, je jouiray en l'autre de Jesus glorifié, auquel soit
honneur et gloire aux siecles des siecles. Ainsy soit il. [420]
2580 Is., XXXVIII, 14.
2581 Ps. CXVIII, 37.
2582 II Cor., V, 14, 15.
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33.3 Page 323

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CLIX. Fragment d'un sermon pour la fête de l'Ascension2583
Exprobravit incredulitatem eorum et
duritiam cordis.
Jésus reprocha aux Apôtres leur incrédulité
et la dureté de leur cœur.
MARC., XVI, 14.
Les laboureurs ne sèment les champs qu'après qu'ils les ont défrichés et qu'ils en ont ôté les
épines; les maçons n'emploient les pierres qu'après les avoir taillées; les serruriers ne font usage
du fer qu'après qu'ils l'ont battu; les orfèvres ne se servent de l'or qu'après l'avoir purifié dans le
creuset. C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de
l'Evangile porterait du fruit au centuple2584, comme des pierres qui serviraient de fondement à
l'édifice de [421] son Eglise2585, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux2586, comme
des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu2587, commença
par leur reprocher leur incrédulité.
Il leur avait dit2588: Si peccaverit in te frater tuus, vade et corripe eum; Si votre frère pèche
contre vous, reprenez-le. Il pratique cette ordonnance par le reproche qu'il leur fait. Déjà il avait
dit aux deux disciples qui allaient à Emmaüs2589: O stulti et tardi corde ad credendum; O hommes
sans intelligence et d'un cœur tardif à croire! A son exemple, saint Paul disait aux Galates2590: O
insensati Galatœ, quis vos fascinavit non obedire veritati? O hommes dépourvus de sens, qui vous
a fasciné l'esprit pour vous empêcher d'obéir à la vérité?
Mais qu'est-ce que Jésus-Christ reproche à ses Apôtres? C'est leur incrédulité. Ce vice
déplaît souverainement à la suprême Vérité. Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il entreprenne de
mesurer sur sa faible intelligence le pouvoir et les mystères de Dieu2591? Aussi, voyez comment le
Seigneur punit ce péché. Zacharie doute, et l'Ange lui dit2592: Ecce eris tacens, et non poteris loqui
usque in diem quo hœc fiant, pro eo quod non credidisti verbis meis; Parce que vous n'avez pas
cru, vous perdrez l'usage de la parole jusqu'à la naissance de votre fils. Les enfants d'Israël
murmurent dans le désert parce qu'ils manquaient de pain; ils doutent que Dieu puisse leur
préparer une table dans le désert; et le Seigneur s'irrite de leur défiance, le courroux du ciel
s'allume contre eux: Male locuti sunt de Deo, dixerunt: Nunquid poterit Deus parare mensam in
deserto? Ignis accensus est in Jacob, et ira ascendit in Israel2593. Moïse et Aaron, dans une autre
circonstance, recourent à Dieu pour avoir de l'eau. Moïse frappe deux fois le rocher, l'eau coule
2583 Ces notes sont reproduites d'après Migne, qui dit les avoir tirées d'un Manuscrit appartenant à M. l'abbé Ballet,
missionnaire de Lyon. Toutes les perquisitions faites pour retrouver ce Ms. étant restées sans succès, nous ne donnons
cette pièce que sous de grandes réserves; car il est très probable que l'éditeur lui a fait subir des retouches analogues
à celles que nous constatons dans d'autres sermons dont les Autographes sont conservés. (Voir dans notre tome VII
les nos XXVI, XXXIV, LXII, et dans celui-ci, les nos LXVIII, LXXII, CVIII.) D'après toute vraisemblance, l'original
contenait seulement avec l'exorde, une réunion de citations latines, dans lesquelles Migne aura intercalé selon sa
coutume glose et traduction. Cette pièce et la suivante étant d'une authenticité si douteuse, nous ne croyons pas devoir
substituer l'orthographe usuelle du Saint à l'orthographe moderne que leur attribue l'éditeur. Néanmoins, il a semblé
loisible de réintégrer dans le texte de ce sermon, à la place qu'elles ont dû primitivement occuper, les citations latines
rejetées par Migne au bas des pages sous forme de notes.
Le texte seul permet de croire que ce fragment, non daté, a été préparé pour la fête de l'Ascension.
2584 Lucae. VIII, 8.
2585 Ephes., II, 20; Apoc., XXI, 14.
2586 Matt., XVI, 18, 19.
2587 Cf. Matt., IX, 17.
2588 Matt., XVIII, 15.
2589 Lucae, ult., 25.
2590 Cap. III, 1.
2591 Job, VII, 17, XXII, 2; Is., XL, 12-14.
2592 Lucae, I, 20.
2593 Ps. LXXVII, 19, 21.
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avec abondance; mais parce que son frère et lui avaient eu quelque doute, Dieu leur déclare qu'ils
n'entreront point dans la terre promise: Quia non credidistis mihi, non introducetis hospopulos in
terram quam dabo eis2594. [422]
De quoi Jésus reprend-il ses Apôtres? C'est de n'avoir pas cru au témoignage des personnes
qui avaient vu qu'il était ressuscité: Quia iis qui viderant eum resurrexisse, non crediderunt2595.
C'est ainsi que dans une autre occasion il reprit saint Thomas de n'avoir pas cru au témoignage des
autres Apôtres2596: Noli esse incredulus; Ne soyez pas incrédule, lui dit-il. Il ne suffit pas de croire
à l'Ecriture, il faut croire au témoignage de l'Eglise. Les ministres protestants veulent bien que les
simples se fient à leur parole, quoiqu'ils reconnaissent pouvoir se tromper sur le sens de la Sainte
Ecriture.
Après que Notre-Seigneur eut fait ce reproche à ses Apôtres, il leur commanda de prêcher
l'Evangile2597: Prædicate Evangelium omni creaturæ; il ne leur ordonna pas de l'écrire, mais de le
prêcher2598. Avant de monter au Ciel, il établit dans son Eglise non des écrivains, mais des pasteurs
et des docteurs: Ascendens in altum, ipse dedit... alios autem pastores et doctores2599. C'est en
entendant la prédication que la foi s'est établie dans le monde: Quis credidit auditui nostro? Fides
ex auditu2600. [423]
2594 Num., XX, 12.
2595 Marc., XVI, 14.
2596 Joan., XX, 27.
2597 Marc., XVI, 15.
2598 Cf. supra, p. 321.
2599 Ephes., IV, 8, 11.
2600 Rom., X, 16, 17.
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CLX. Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq
Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ2601
L'Eglise ne cesse de faire retentir, dans ces jours d'allégresse, le cantique nouveau2602, le
saint Alléluia. Tous ses Offices, toutes ses prières sont entremêlées de ce cri de joie qui souvent
répété fait une impression toujours nouvelle sur un cœur vraiment chrétien.
D'où vient-il cet admirable cantique? Ah! c'est le Ciel qui l'a enseigné à la terre. C'est le
cantique des Bienheureux, ainsi que nous l'apprenons de saint Jean. Ce Disciple bien-aimé, cet
aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem
céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé2603; il
a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les
divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l'Alléluia2604. [424]
Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie
pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec
l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire
en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive
reconnaissance2605.
Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la
vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés
qui gémissent dans la vallée de larmes2606! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-
nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère2607? Oui, sans doute, puisque par
la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est2608. Il y a l'amour qui jouit,
c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre
chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de
l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum2609.
Qu'est-ce à dire, l'Agneau debout comme immolé? Vous le savez, Messieurs, c'est Jésus-
Christ qui dans le Ciel conserve ses plaies2610, marques touchantes de son immolation. A cette vue,
tous les Bienheureux célèbrent, dans l'ivresse de leur joie, l'Agneau qui les a rachetés par son sang
précieux: Occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo2611.
Et nous, habitants de la terre, nous sommes appelés à partager ces divins transports; c'est
aussi à nous de considérer, avec les yeux du cœur, les plaies adorables de notre bon Maître. Voyez
comme, dans l'Evangile de ce jour2612, il invite saint Thomas à porter les mains dans ses divines
plaies pour y puiser les lumières de la foi et les feux de l'amour: Infer digitum tuum hue et vide
manus meas, et affer manum tuam et mitte in latus meum; et noli esse incredulus, sed fidelis. [425]
2601 Cette pièce, publiée par Migne sans date ni indication de provenance, est comme la précédente d'une authenticité
très suspecte. Toutefois, elle présente certaines spécialités de style qui ne permettent pas de la rejeter comme
absolument apocryphe. Tout en se rapprochant un peu de la manière de saint François de Sales, l'exorde nous semble
être considérablement amplifié. Pour la suite, il est assez probable que l'original contenait simplement des citations de
saint Bernard et de saint Bonaventure, auxquelles peut-être, selon sa méthode ordinaire, notre Saint aurait ajouté
quelques rapides considérations personnelles. Migne nous paraît être responsable de tout le surplus.
L'allusion faite ci-après à l'Évangile du jour prouve que ce sermon a été prêché le Dimanche de Quasimodo.
2602 Pss. XCV, 1, XCVII, 1, CXLIX, 1.
2603 Apoc., V, 6.
2604 Ibid., XIX, 1-6.
2605 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. V, c. X.
2606 Ps. LXXXIII, 7.
2607 Ps. CXXXVI, 1, 4.
2608 Philip., III, 20.
2609 Vide supra.
2610 Cf. Apoc., I, 7.
2611 Apoc., V, 9.
2612 Dom. Quasimodo. Joan., XX, 19-31.
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Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son
propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe2613 que nous y puiserons avec joie les grâces les plus
abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris. Je m'arrête à ces paroles du
Prophète, et je veux considérer aujourd'hui, 1. en quoi consiste la joie avec laquelle nous devons
puiser dans les fontaines du Sauveur; 2. combien sont abondantes les grâces qu'il a renfermées
pour nous dans ces sources fécondes et miséricordieuses. Haurietis, etc. Tel sera le sujet de notre
oraison.
Premier point
Pourquoi le Prophète nous invite-t-il à la joie en nous rappelant le souvenir des plaies
sanglantes de notre Sauveur? Comment chanter l'Alleluia à la vue des tristes marques de sa
douloureuse Passion? Haurietis aquas in gaudio. Ah! Messieurs, la joie sainte du temps pascal
n'exclut point une douleur chrétienne. Quand l'Eglise nous fait chanter des cantiques d'allégresse
en l'honneur de Jésus ressuscité, ce n'est pas pour que nous bannissions de notre esprit
l'attendrissant souvenir de ses tourments et de ses supplices, ni pour que nous cessions de verser
des larmes sur ses cruelles souffrances. Et si elle célèbre maintenant l'auguste sacrifice de la Messe
au milieu d'un concert harmonieux d'Alleluia, ce n'est pas pour que ses enfants oublient que
l'oblation de la céleste Victime est la plus vive représentation du sacrifice de la Croix. Non, cette
tendre Epouse, fille du Calvaire, née du sang de Jésus, présente toujours à nos yeux les plaies de
son divin Epoux pour exciter nos cœurs aux sentiments de la plus tendre compassion. Toujours
elle veut que la Croix soit le grand objet de nos adorations et de nos hommages.
Ce serait donc s'écarter de son esprit que de penser, qu'en ce temps d'une sainte joie, il faut
s'abstenir de [426] prêter l'oreille avec une vive émotion aux coups redoublés des bourreaux qui
percent les pieds et les mains de Jésus, qui déchirent sa chair adorable, qui ouvrent ses veines, qui
meurtrissent cruellement ses nerfs. L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix
qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies,
sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se
disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le
Prophète2614: Dinumeraverunt omnia ossa mea.
Ah! s'écrie saint Bonaventure2615, si une épine seulement nous blesse le pied, nous jetons
des cris de douleur; et comment donc serions-nous insensibles aux maux extrêmes qu'a soufferts
notre Chef et notre Seigneur! «Quare magis compateris parvae puncturae pedis tui, quam
gravissimae morti Domini tui!» Quoi! dit encore le même Saint, nous ne pourrions soutenir la vue
d'un tourment affreux exercé, je ne dis pas sur un parent ou sur un ami, je ne dis pas sur un homme
inconnu, mais sur un vil animal; et nous verrions sans douleur l'excès des maux que souffre notre
Dieu! «Si videres animal brutum ita affligi, humano affectu compatereris, quanto magis Domino
Deo!»
Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les
bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos
iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse,
quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore
enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati. Debemus etiam ei
condolere et multum dolere quod peccata nostra fuerunt sibi occasio tantae abjectionis et tam
immensse afflictionis.»
Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre
Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la
joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens
2613 Cap. XII, 3.
2614 Ps. XXI, 18.
2615 Stimulus Allions, c. II; ubi, et cc. I, IV, V, vide loca seqq.
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exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des
plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon!
Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a
damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous
donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à
se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum,
cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro
eo!»
«Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non,
elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de
joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous
bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant
sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu
affectuque, et amoris manifestatione.»
«Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi
à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous
qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables,
devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur
et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus
ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus
esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et
nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et
[428] Dominum dominantium2616 et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut
immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!»
Ah! nous pouvons bien assurer qu'il nous aime infiniment plus que nous ne nous aimons
nous-mêmes. Chantons donc l'Alleluia de la reconnaissance dans les transports ineffables d'une
allégresse sans mesure. «Debemus etiam superextolli immensa exsultatione. Plus enim sine
comparatione me diligit, quam ego meipsum.» Ses plaies sont un monument éternel de sa charité,
mais de la charité la plus tendre et la plus généreuse. O aimables blessures de mon Sauveur! ô
plaies qui ne respirez qu'amour! «O amantissima vulnera Domini nostri Jesu Christi!»
«Ah! Seigneur Jésus, je vous en conjure, percez mon cœur de vos divines blessures, enivrez-moi
de votre sang, afin que dans cette ivresse surnaturelle, de quelque côté que je me tourne, je vous
voie toujours crucifié; qu'à mes yeux tout paraisse rougi de votre sang, en sorte que, uniquement
occupé de vous, je ne puisse rien trouver que vous, je ne puisse rien considérer que vos plaies
sacrées: Domine Jesu Christe, cor meum tuis vulneribus saucia, et tuo sanguine inebria mentem
meam, ut quocumque me vertam, semper te videam crucifixum, et quidquid aspexero, in sanguine
tuo mihi appareat rubricatum, ut sic in te totus tendens, nihil praeter te valeam invenire, nihil nisi
tua vulnera valeam intueri.»
Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux
sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour
nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le
second point. [429]
Second point
Nous apprenons de l'Apôtre saint Paul2617 que Jésus-Christ était figuré par la pierre
salutaire, le rocher mystérieux d'où Moïse fit couler des eaux abondantes pour désaltérer le peuple
d'Israël: Bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus. Ces eaux
2616 I Tim., ult., 15 Apoc., XVII, 14, XIX 16.
2617 I Cor., X, 4.
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sont les grâces que Jésus-Christ nous a méritées par son sang précieux. «Les trous de la pierre2618»
par lesquels coulent ces eaux divines sont, dit saint Bernard2619, «les plaies sacrées du Sauveur:
Foramina petrae, vulnera Christi.» Allons puiser avec confiance dans ces sources de bénédiction;
nous y trouverons une eau vive2620 que Jésus nous a préparée pour nous fortifier contre tous les
dangers, et pour former au dedans de nous une fontaine dont l'eau rejaillisse jusqu'à la vie
éternelle: Aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam2621.
Mais pour puiser continuellement et avec facilité cette eau salutaire, il faut entrer jusque
dans les trous de la pierre d'où elle découle, il faut établir notre demeure clans les plaies de Jésus-
Christ. Ce divin Epoux de nos âmes ne cesse d'inviter sa colombe, sa bien-aimée, à se retirer dans
cette sainte habitation: Columba mea in foraminibus petrae2622. Or, qu'est-ce qu'habiter dans les
plaies de Jésus? C'est, dit saint Bernard, avoir une dévotion tendre pour les plaies sacrées du
Sauveur, s'élancer vers elles par les affections d'un cœur brûlant d'amour, y tenir l'âme comme
collée par une méditation continuelle: «Columba mea in foraminibus petrœ, quod in Christi
vulneribus tota devotione versetur, et jugi meditatione demoretur in illis.»
Ecoutez avec quelle sensibilité touchante continue à s'exprimer sur cet objet le pieux, le
tendre, l'affectueux saint Bernard. «Quelle abondance de douceur, quelle plénitude de grâces,
quelle perfection de vertus, la colombe ne trouvet-elle pas dans les trous de la [430] pierre! Quanta
in foraminibus petrœ multitudo dulcedinis, plenitudo gratiae, perfectio virtutum!» «Elle y habite
en sûreté, et elle y considère sans effroi l'épervier qui vole autour du lieu de sa retraite: Bona
foramina: in his se columba tutatur, et circumvolitantem intrepida intuetur accipitrem.»
Quel admirable spectacle! Dès que la colombe a établi son nid dans les trous de la pierre,
elle y puise une force et un courage invincible. Ce n'est plus une créature faible et timide que le
moindre péril épouvante; c'est un héros intrépide qui ne respire que le bonheur de souffrir et de
mourir pour Jésus. «Voyez un martyr toujours inébranlable demeurer ferme quand on lui déchire
tout le corps, quand on promène le fer dans ses entrailles. Avec quelle allégresse il contemple son
sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr
tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et
alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la
douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl
superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans
la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune
anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum
patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle
continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des
délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens
ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est2623
Mais la pierre n'est-elle à servir d'habitation qu'à ces âmes généreuses? Ah! l'Esprit-Saint
m'apprend encore que les hérissons, c'est-à-dire les âmes infirmes, y trouvent un refuge et un asile:
«Petra refugium [431] herinaciis2624. Et où, dans ma faiblesse, puis-je,» dit toujours saint Bernard,
«trouver la sûreté et le repos, si ce n'est dans les plaies de mon Sauveur? J'y habite avec une sécurité
proportionnée à sa puissance.» Je ne puis rien de moi-même, mais je puis tout dans Celui qui me
fortifie2625. «Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris?
Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum.» En vain le monde frémissant
de rage m'attaque avec fureur; en vain la chair rebelle me livre de violents assauts; en vain le
démon artificieux me dresse des embûches perfides, je ne tomberai jamais, pourvu que, caché dans
2618 Cant., II, 14.
2619 Serm. LXI in Cant.; quem vide et pro locis seqq.
2620 Joan., IV, 10.
2621 Ibid., v. 14.
2622 Cant., ubi supra.
2623 Ps. XXII, 6.
2624 Ps. CIII, 18.
2625 Philip., IV, 13.
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les plaies de Jésus, je m'appuie sur cette pierre ferme. Là j'entonnerai le cantique du salut: Que
Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés: Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus2626. Je
m'armerai de la Croix, je mettrai en fuite tous mes adversaires, et triomphant de leurs vains efforts,
je bénirai sans cesse mon Sauveur par l'Alleluia de la victoire. «Fremit mundus, premit corpus,
diabolus insidiatur, non cado; fundatus enim sum supra firmam petram2627
Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens
effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt,
pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu'il a été blessé pour nos
iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam
vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras2628.» Là je lis écrit
de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.
Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés
au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et
mitis, et multœ misericordiœ2629? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam
ponat quis pro addictis morti et damnationi2630.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de
mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la
miséricorde de notre Dieu2631, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce
que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini,
quoniam misericordiae affluunt.»
Ah! puisque je trouve tant de biens dans les plaies de mon Jésus, je veux suivre le conseil
de saint Bonaventure2632, et je prends pour résolution d'établir trois tentes, non sur le Thabor, car
Pierre ne savait ce qu'il disait lorsqu'il faisait cette proposition à Jésus, mais sur le Calvaire où le
Sauveur lui-même nous a préparé ces trois demeures dans ses divines plaies: «Bonum est cum
Christo esse; et in ipso volo tria tabernacula facere2633, unum in manibus, unum in pedibus, sed
aliud continuum in latere ubi volo quiescere.»
La première sera dans les plaies faites aux pieds de mon Sauveur. Là j'embrasserai avec
une vive reconnaissance ces pieds percés pour mon amour; là j'apprendrai à détourner mes pieds
de toutes les routes qui conduisent aux folles joies du monde2634; là je comprendrai le bonheur de
marcher au Calvaire sur la trace sanglante des pas de Jésus: Deus omnia subjecit sub pedibus
ejus2635.
La seconde sera dans les plaies de ses mains. J'y considérerai ces mains ouvertes pour me
recevoir, ces bras étendus pour me soutenir, ce sang qui coule en abondance pour me sanctifier;
j'y puiserai la force et la puissance qui réside dans ces mains adorables: In manibus ejus, ibi
abscondita est fortitudo ejus2636.
La troisième, la plus spacieuse et la plus chère à mon cœur, sera dans la plaie que la lance
fit à son côté. J'établirai ma demeure dans la fournaise d'amour, dans le divin cœur transpercé pour
moi. Auprès de ce foyer brûlant, je sentirai ranimer au milieu de mes entrailles la flamme d'amour
jusqu'ici si languissante. Ah! Seigneur, votre cœur est la véritable Jérusalem; permettez-moi de le
choisir à jamais pour le lieu de mon repos: [433] Haec requies mea in saeculum saeculi, hic
habitabo quoniam elegi eam2637.
2626 Ps. LXVII, 1.
2627 Matt., VII, 25.
2628 Is., LIII, 5.
2629 Ps. LXXXV, 5.
2630 Joan., XV, 13.
2631 Lucae, I, 78.
2632 Stimulus Amoris, c. I. Cf. tom. praeced. huj. Edit., p. 175.
2633 Matt., XVII, 4.
2634 Ps. CXVIII, 101.
2635 Ps. VIII, 8; I Cor., XV, 26.
2636 Habacuc, ult., 4.
2637 Ps. CXXXI, 14.
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33.10 Page 330

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Habitant de cette cité divine, je boirai à longs traits dans les fontaines de mon Sauveur, je
collerai mes lèvres sur le sang qui en découle, je m'enivrerai de cette liqueur précieuse, et dans ma
sainte ivresse j'irai chantant par les rues de Jérusalem l'Alleluia de l'amour: Et per vicos ejus
Alleluia cantabitur2638.
Nous prendrons pour bouquet spirituel les paroles de saint Pierre; Bonum est nos hic esse,
faciamus tria tabernacula2639. [434]
2638 Tobiae, XIII, 11.
2639 Supra.
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34 Pages 331-340

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34.1 Page 331

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Table de provenance des Autographes reproduits dans ce
volume
(Toutes ces pièces sont inédites, sauf indication contraire)
LXVI, LXVII………………………………...
LXVXII (Migne, VI, col. 319)…………….....
LXIX………………………………………....
LXX………………………………………….
LXXI (Reproduit en fac-similé par Palmé, en
1884, a la suite d'un sermon de Bossuet)…….
LXXII (Migne, VI, col. 339)…………………
LXXIII-LXXXVII………………………..…..
LXXXVIII……………………………………
LXXXIX, XC………………………………...
XCI……………………………………………
XCII…………………………………………..
XCIII………………………………………….
XCIV………………………………………….
XCV-C………………………………………..
CI……………………………………………..
CII-CVII……………………………………...
CVIII (Migne, VI, col. 385)………………….
CIX…………………………………………...
CX……………………………………………
CXI pp 188-191 (lig. 1-16)………………..….
p. 191, dernier alinéa…………………
CXII-CXLVII………………………………...
CXLVIII, CXLIX…………………………….
CL (Vivès, V, p. 435; Migne, IV, col. 1533)….
CLI-CLIII……………………………………..
CLIV, CLV…………………………………...
CLVI………………………………………….
CLVII (Migne, IX, col. 37)…………………...
CLVIII (Vivès, V, p. 576; Migne, IV, col.
1402)………………………………………….
CLIX, CLX…………………………………...
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Rennes. Monastère de la Visitation
Rongères, par Varennes (Allier) M. J.-E.
Choussy
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Lunéville. M. Zeiller
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Turin. RR. PP. Salésiens
Turin. Monastère de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Lunéville. M. Zeiller
Turin. Monastère de la Visitation
Saint-Marcellin. Mre de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Edit. Béthune (1833), tome XVI, p.VIII
Annecy. Ier Mre de la Visitation
Roselands (Angleterre). Visitation
Turin. Monastère de la Visitation
Modène. Monastère de la Visitation
Edition des Vrays Entretiens spirituels (Lyon,
Cœursilys, 1649)
Edition Migne, VI, col. 344, 390. [435]
331/342

34.2 Page 332

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Ordre des Sermons dans le grand Manuscrit de Turin2640
MS. DE TURIN
2 B......................
12 L....................
15 O....................
16, recto, P.........
16, verso.............
17 Q....................
18, recto, R.........
18, verso.............
19, recto, S.........
19, verso.............
21, recto, V.........
22, verso.............
28, recto..............
28, verso.............
29, recto..............
29, verso.............
30, recto..............
30, verso.............
31, recto..............
31, verso.............
34, recto..............
34, verso.............
37, 38..................
40........................
44, recto..............
44, verso.............
50, recto..............
50, verso.............
56........................
60, verso.............
67........................
70, recto..............
70, verso, 71…...
78.......................
88, recto.............
88, verso............
DATES DES SERMONS
Veille de Noël 1613.....................................................
«Sur le Rosaire» 1608?................................................
Ier Dimanche de l'Avent [1608], commencement.........
Ier Dimanche de l'Avent [1608], suite..........................
Ier Dimanche de l'Avent 1609.......................................
Ier Dimanche de l'Avent 1610.......................................
Ier Dimanche de l'Avent 1611.......................................
IIe Dimanche de l'Avent 1609?.....................................
IIe Dimanche de l'Avent 1610, commencement………
IIe Dimanche de l'Avent [1610], suite..........................
IIe Dimanche de l'Avent [1611]...................................
Petites Notes.................................................................
Fête de l'Immaculée Conception 1608.........................
IIIe Dimanche de l'Avent 1613.....................................
Suite du même Sermon ?..............................................
Pour l'Avent ?...............................................................
Fête de S. Jean l'Evangéliste [1608], commencement
Fête de saint Jean l'Evangéliste [1608], suite…………
(Page en blanc)
Ier Dimanche de janvier 1609.......................................
Fête de l'Epiphanie 1609..............................................
Fête de l'Epiphanie 1615..............................................
(Page en blanc)
Fête de la Purification 1613..........................................
Fête de la Purification 1616..........................................
Mercredi des Cendres 1609..........................................
[Mercredi après le IVe Dim. de Carême] 1609?...........
Vendredi après le IVe Dim. de Carême 1612...............
(Page en blanc) [436]
XIXe Dimanche après la Pentecôte 1612.....................
(Page en blanc)
Fête de l'Assomption [1612]........................................
Pour l'Avent?................................................................
«Sur les Martyrs»?.......................................................
(Page en blanc)
Mercredi des Cendres [1612].......................................
Mardi après le Ier Dimanche de Carême 1612?............
Fête de saint Joseph 1612.............................................
Fête de saint Joseph 1614.............................................
NOUVELLE
EDITION
N° XCV
(Voir p. 212, lig. 11)
(Voir p. 202, lig. 2)
LXXIII
LXXIX
LXXX
LXXXII
(Voir p. 66, I. 16, p.
67, I. 13)
LXXXI
LXXXIII
(Voir Av.-Prop., p. XI,
note)
LXXIV
XCIV
(Voir p. 123, lig. 4)
(Voir p. 71, lig. 5)
LXXV
LXXVI
LXXVII
CIII
XCI
CIX
LXXVIII
(Voir p. 334, lig. 1)
LXXXVII
XC
LXXXIX
(Voir p. 207, lig. 2)
(Voir p. 224, lig. 10)
LXXXIV
(Voir p. 259, lig. 15)
LXXXV
XCVI
2640 Cette Table aidera le lecteur à mieux saisir le procédé adopté par saint François de Sales dans la distribution de
son grand Manuscrit (voir Avant-Propos, pp. XVI, XVII). Dans la première colonne sont indiqués non seulement les
feuillets que les éditeurs ont eus entre les mains, mais encore ceux qui, actuellement introuvables, sont mentionnés
par l'Auteur dans quelque autre de ses sermons. Les premiers sont représentés, dans la troisième colonne, par leur
numéro d'ordre; pour les seconds, il a fallu se borner à citer la page du présent volume où se trouve la mention qu'en
fait le Saint. Il a semblé superflu, quand un sermon occupe un ou plusieurs feuillets, de signaler le recto et le verso.
332/342

34.3 Page 333

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92.......................
102, recto...........
102, verso..........
105, recto...........
105, verso..........
109, 110.............
110, verso, 111
113, recto...........
113, v., 123, r….
123, v., 124, r….
124, recto...........
124, v., 125, r….
125, verso..........
126, recto...........
126, verso..........
132 (?), recto…..
132 (?), verso….
133, recto...........
133, recto, verso..
135.....................
150.....................
152.....................
153, recto...........
154, verso...........
157......................
158 (?)................
163, recto...........
163, verso...........
164, 165.............
170, recto...........
170, verso...........
171, recto...........
171, verso...........
176.....................
179, recto...........
179, verso...........
180, 181..............
200, 201, recto
201, verso...........
212, 213, recto
213, verso...........
217, recto………
217, verso...........
228, 229, 229 bis
230......................
234-236, recto…
236, verso...........
Lundi après le IVe Dimanche de Carême [1612]……..
Pour l'exposition de la très sainte Croix [Vendredi-
Saint 1612]...................................................................
(Page en blanc)
Pour une supplication publique 1615...........................
(Page en blanc)
Careme 1618
[1re semaine, jeudi, vendredi]……
[2e semaine, Dimanche-mardi]…..
Fête de la Pentecôte 1613.............................................
(Pages en blanc)
Fête de l'Assomption 1614...........................................
Fête de l'Assomption 1618...........................................
Fête de la Nativité de la Sainte Vierge 1614…………
XXIe Dimanche après la Pentecôte 1614.....................
XXIIIe Dimanche après la Pentecôte 1614...................
Veille de Noël 1614......................................................
Vendredi après le IIe Dimanche de Carême 1615…….
(Page en blanc)
IIIe Dimanche de Carême 1615....................................
Fête de saint Philippe et de saint Jacques 1622………
[Fête de l'Annonciation 1615]......................................
Dernier Dimanche après la Pentecôte?.........................
Avent 1616, Ier Dimanche............................................
Avent 1616, [Ire semaine].............................................
Avent 1616, IIe Dimanche............................................
(Page en blanc)
Avent 1616, [2e semaine].............................................
(Page en blanc)
Avent 1616...................................................................
(Page en blanc)
Avent 1616...................................................................
Nativité de saint Jean-Baptiste 1618............................
(Page en blanc)
Sentences de saint Augustin, recueillies par Mgr Jean-
François........................................................................
Paraphrase du Psaume CXXIV, [1616].......................
Vendredi après le Dimanche de la Passion 1615…….
Sur l'histoire de Jacob, [1616]......................................
(Page en blanc)
Sur l'histoire de Jacob, [1616]......................................
(Page en blanc)
1re semaine.....................................
Carême [1617]
2e semaine ………………………
3e semaine, Dimanche-jeudi……..
(Page en blanc)
LXXXVI
LXXXVIII
CVII
CXLI, CXLII
CXLIII-CXLV
XCIII
XCVII
CXLVII
XCVIII
XCIX
C
CII
CIV
CV
CLVI
(Voir p. 377, lig. 13)
(Voir p. 133, en
marge)
CXIV
(Voir p. 207, lig. 22)
(Voir p. 210, I. 7, p.
267, I. 2)
(Voir p. 327, lig. 2)
(Voir p. 228, lig. 8)
CXV
CXVI, CXVII
CXVIII
CXIX
(Voir p. 373, lig. 14)
CXLVI
(Voir Avant-Propos,
p. XVII)
CX [437]
CVI
CXII
CXIII
CXXI-CXXVI
CXXVII-CXXXII
CX.XXIII-CXXXVII
333/342

34.4 Page 334

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238, recto...........
238, verso..........
240.....................
300, recto...........
300, verso...........
324, recto...........
324, v., 334, r….
334, v., 335. r….
342.....................
Notes de Mgr Jean-François……...
4e semaine, lundi ...........................
4e semaine, mercredi, jeudi………
Recueil de Similitudes..................................................
(Page en blanc)
Recueil de Similitudes..................................................
(Pages en blanc)
Recueil de notes pour le Carême [1617]......................
Recueil de notes et de Similitudes...............................
(Voir note (2044), p.
330)
CXXXVIII
CXXXIX, CXL
(Voir Avant-Propos,
p. XVI)
(Voir ibid.)
CXX
(Voir Avant-Propos,
p. XVI) [438]
334/342

34.5 Page 335

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Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans
une acception inusitée aujourd'hui qui se trouvent dans le
deuxième volume des Sermons de Saint François de Sales
(Les mots distingués par une* ont paru dans les Glossaires des tomes précédents.)
*AINS mais, mais plutôt (voir p. 245).
ALUYNE absinthe (v. p. 54). Cf. le bas-latin ALOXINIUM.
APPAROISTRE pour paraître (v. p. 385).
ARTRE insecte qui ronge le bois, les pelleteries, les étoffes (v. p. 54). Cf. le Dictionre de Littré,
au mot ARTISON.
AVISER pour regarder, contempler (v. p. 420). Cf. l'ital. AVVISARE.
*BAILLER donner (v. p. 324).
*BIGEARRE bigarre (voir p. 228).
*CE pour ceci, cela (v. p. 398).
*CONIL de l'ital. CONIGLIO, lapin (v. p. 298).
CONVENANCE pour convention, pacte (v. p. 385). Cf. le Dictionre de Littré.
*COURAGE pour ardeur (voir p. 76).
CUVEAU petite cuve, cuve (voir p. 385).
DERRIERE (en) pour en arrière (v. p. 76).
*DEVIS entretien, conversation (v. p. 420).
*DU TOUT tout à fait, complètement (v. p. 416).
EN FACE pour sur la face, du latin IN FACIEM (v. p. 414).
ESLEVATION pour éducation (v. p. 418).
*HORVARIS hourvari, ruse des bêtes poursuivies (v. p. 269).
HYPOCRITIQUE hypocrite (v. p. 416).
*ICY pour ci (v. p. 416).
*IMPROUVEUE (à l') à l'improviste (v. p. 75).
INCONTAMINÉ du lat. INCONTAMINATUS, sans souillure (voir p. 400).
*IRE du lat. IRA, colère, courroux (v. p. 247).
*JA jamais (v. p. 415). [439]
JOURNEES (faire tant par ses) pour mal employer son temps (voir p. 347). Cf. le Dictionre de
Littré, au mot JOURNÉE.
LUITE du latin LUCTA, lutte, combat (v. p. 245).
MANTELINE petit manteau (v. p. 164.)
*NON PAS n'est-ce pas ? (voir p. 75).
*OR SUS parole d'encouragement (v. pp. 75, 120). Cf. l'ital. ORSÙ.
335/342

34.6 Page 336

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OST armée (v.p.74). Cf. l'ital. OSTE.
*PARANGON de l'ital. PARAGONE, comparaison (v. p. 400).
*PART (la) du côté, dans la direction (v. p. 75).
POURFIL profil (v. p. 33).
*RECREU fatigué, lassé (voir p. 270).
REMEMBRANCE image, représentation (v. p. 385).
ROUTE (en) de l'ital. IN ROTTA, en déroute (v. p. 74).
SAUME du bas-latin SAUMA, bête de somme, ânesse (v. p. 298). Voir le Glossaire de Du
Cange.
*SEMONCE invitation, sollicitation (v. p. 361).
*SI mais, toutefois (v. p. 399).
*SUPPORT pour soutien (voir p. 420).
TEMPOREL du lat. TEMPORALIS, temporaire (v. p. 327).
TIGNE du latin TINEA, teigne (v.p. 54).
TOUT PAR TOUT partout, de tout côté (v. p. 75).
*TRAITTE pour distance, étendue (v. p. 415).
UN pour unique (v. p. 146, lig. 12). [440]
336/342

34.7 Page 337

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Table des matières
Avant-Propos……………………………………………………………………………………..V
Avis au Lecteur…………………………………………………………………………………XX
PREMIÈRE SÉRIE
SERMONS REPRODUITS D'APRÈS LES AUTOGRAPHES
LXVI Sommaire d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême, 10 mars
1604……………………………………………………………………………………………….1
LXVII Fragment d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême, 12 mars
1604. La piscine et le malade2641…………………………………………………………….....4
LXVIII Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême, 15 mars
1604……………………………………………………………………………………………….6
LXIX Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême, 17 mars
1604……………………………………………………………………………………………….9
LXX Plan d'un sermon sur la sainte Communion, 1604……………………………………...12
LXXI Plan d'un sermon pour le Dimanche de la Passion, 12 mars 1606……………………..15
LXXII Plan d'un sermon pour la fête de l'Ascension, 24 mai 1607…………………………..20
[441]
LXXIII Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent, 30 novembre 1608…..26
LXXIV Plan d'un sermon pour la fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge, 8
décembre Anniversaire de ma consécration…………………………………………………..28
LXXV Fragment d'un sermon pour la fête de saint Jean l'Evangéliste, 27 décembre 1608…..32
LXXVI Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents, 4 janvier 1609. Pour le premier
Dimanche de janvier, qui se trouvait être l'octave des Saints Innocents, 1609, Annecy………….33
LXXVII Plan d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie, 6 janvier 1609……………………….38
LXXVIII Sermon pour le mercredi des Cendres, 4 mars Annecy…………………………43
LXXIX Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent, 29 novembre 1609.
Annecy…………………………………………………………………………………………...59
LXXX Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent, 28 novembre 1610…..62
LXXXI Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent, 5 décembre 1610….64
LXXXII Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent, 27 novembre 1611…68
LXXXIII Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent, 4 décembre 1611...72
LXXXIV Sermon pour le mercredi des Cendres, 7 mars 1612……………………………….74
LXXXV Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph, 19 mars 1612……………………….86
LXXXVI Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême, 2 avril 1612.
Chambéry. Sur l'Evangile du jour et, en même temps, sur la Samaritaine……………………89
LXXXVII Plan d'un sermon pour le vendredi après le quatrième Dimanche de Carême, 6 avril
1612……………………………………………………………………………………………...96
LXXXVIII Sommaire d'un sermon sur la sainte Croix, 30 avril 1612. Pour l'exposition de
la très sainte Croix……………………………………………………………………………...100
LXXXIX Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, 15 août 1612103
2641 On a cru devoir donner en entier ou eu partie les titres écrits par le Saint, lorsqu'ils ajoutent quelques particularités
à ceux des éditeurs. Les premiers sont distingués de ceux-ci par des caractères italiques.
337/342

34.8 Page 338

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XC Plan d'un sermon pour le dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte, 21 octobre 1613...108
[442]
XCI Fragment d'un sermon pour la fête de la Purification, 2 février 1613…………………..112
XCII Plan d'un sermon pour le quatrième Dimanche après Pâques, 5 mai 1613.A Saint-
Paul……………………………………………………………………………………………..115
XCIII Plan d'un sermon pour la fête de la Pentecôte, 26 mai 1613, A mon retour de
Milan……………………………………………………………………………………………119
XCIV Exorde d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent, 15 décembre 1613.
Annecy………………………………………………………………………………………….123
XCV Plan d'un sermon pour la veille de Noël, 24 décembre 1613.Aux Sœurs de la
Visitation………………………………………………………………………………………..124
XCVI Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph, 19 mars 1614………………………..130
XCVII Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, 15 août 1614.
Annecy………………………………………………………………………………………….134
XCVIII Plan d'un sermon pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge, 8 septembre 1614…140
XCIX Plan d'un sermon pour le vingt-et-unième Dimanche après la Pentecôte, 12 octobre 1614.
Annecy……………………………………………………………………………………….…147
C Plan d'un sermon pour le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte, 26 octobre 1614.
Annecy. Sur Talithe, fille du chef de la synagogue, et sur l'hémorroïsse ou la femme qui souffrait
du flux de sang…………………………………………………………………………………..151
CI Sommaire d'un panégyrique de saint Charles Borromée, 4 novembre 1614……………..154
CII Plan d'un sermon pour la veille de Noël, 24 décembre 1614. Pour la Congrégation des
Oblates de la Visitation…………………………………………………………………………157
CIII Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie, 6 janvier 1615. Aux Sœurs de la
Visitation. De l'adoration du Christ par les Mages……………………………………….……161
CIV Fragment d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême, 20 mars
1615. Veille de saint Benoît et du bienheureux Amèdée……………….……………………163
CV Fragment d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême, 22 mars 1615. Sur la
prière. Aux Sœurs de la Visitation. 1re Leçon…………………………………………………..166
CVI Plan d'un sermon pour le vendredi après le Dimanche de la Passion, 10 avril 1615. De
la Pénitence……………………………………………………………………………………..169
[443]
CVII Fragment d'un sermon à l'occasion de prières publiques, mai 1615. Pendant que nos
soldats livraient bataille aux Espagnols. Pour une supplication publique……………………..172
CVIII — Sommaire d'un sermon sur la Pénitence………………………………………………174
CIX Sommaire d'un sermon pour la fête de la Purication, 2 février 1616. Annecy. Nous
célébrons la fête de l'ablation du Christ et de la Purification………………………………….177
CX — Paraphrase du Psaume CXXIV, juillet 1616…………………………………………….179
CXI Fragment d'une homélie sur l'histoire de Jacob, 1616. Leçon X sur la vie du Patriarche
Jacob……………………………………………………………………………………………188
CXII Seconde homélie sur le même sujet, 1616. Sur les versets 9, 10, 12……………....192
CXIII Fragment d'une autre homélie sur le même sujet, 1616. Sur le verset 30………….201
CXIV Sujets des Sermons sur le Cantique de Zacharie adressés aux Grenoblois pendant l'Avent
de 1616. Sermon préliminaire sur le Benedictus, pour le premier Dimanche de l'Avent, 27
novembre 1616………………………………………………………………………………….202
CXV Sommaire d'un sermon sur le premier verset du Benedictus, pour le deuxième Dimanche
de l'Avent, 4 décembre 1616. Plebis suae……………………………………………………210
CXVI Sermon sur le deuxième verset du Benedictus, 5 décembre 1616. Et erexit cornu
salutis nobis……………………………………………………………………………………..211
CXVII Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus, Avent 1616. In domo
David pueri sui…………………………………………………………………………………225
338/342

34.9 Page 339

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CXVIII Plan d'un sermon sur le quatrième et le cinquième verset du Benedictus, Avent 1616.
Salutem ex inimicis. Ad faciendam misericordiam…………………………………….…...228
CXIX Plan d'un sermon sur le cinquième verset du Benedictus, Avent 1616. Ad faciendam
misericordiam cum patribus nostris, et memorari testamenti sui sancti………………………..232
CXX Recueil de notes pour le Carême de Grenoble, 1617…………………………………236
CXXI Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de Carême, 12 février 1617…….245
CXXII Plan d'un sermon pour le lundi après le premier Dimanche de Carême, 13 février 1617.
Sur le jour du jugement………………………………………………………………………252
[444]
CXXIII Plan d'un sermon pour le mardi après le premier Dimanche de Carême, 14 février 1617.
Sur le jugement: séparation et examen………………………………………………………257
CXXIV Plan d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême, 15 février
1617…………………………………………………………………………………………….261
CXXV Plan d'un sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême, 16 février 1617.
Sur la Chananèenne et la prière…………………………………………………………….266
CXXVI Plan d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême, 17 février
1617. Sur la piscine probatique……………………………………………………………...271
CXXVII Plan d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême, 19 février 1617. Sur la
Transfiguration et la béatitude………………………………………………………………….276
CXXVIII Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême, 20 février
1617…………………………………………………………………………………………….280
CXXIX Plan d'un sermon pour le mardi après le deuxième Dimanche de Carême, 21 février
1617…………………………………………………………………………………………….284
CXXX Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême, 22 février
1617…………………………………………………………………………………………….291
CXXXI Plan d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême, 23 février
1617. Sur le riche adonné à la bonne chère. Sur les richesses et les riches………………….296
CXXXII Plan d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême, 24 février
1617. Fête de saint Mathias. Parabole de la vigne……………………………………….….301
CXXXIII Plan d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême, 26 février 1617…….…306
CXXXIV Plan d'un sermon pour le lundi après le troisième Dimanche de Carême, 27 février
1617…………………………………………………………………………………………….311
CXXXV Plan d'un sermon pour le mardi après le troisième Dimanche de Carême, 28 février
1617…………………………………………………………………………………………….315
CXXXVI Plan d'un sermon pour le mercredi après le troisième Dimanche de Carême, 1er mars
1617…………………………………………………………………………………………….320
CXXXVII Plan d'un sermon pour le jeudi après le troisième Dimanche de Carême, 2 mars
1617…………………………………………………………………………………………….325
CXXXVIII Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême, 6 mars
1617…………………………………………………………………………………………….330
[445]
CXXXIX Plan d'un sermon pour le mercredi après le quatrième Dimanche de Carême, 8 mars
1617. Sur l'aveugle-né……………………………………………………………………….334
CXL Plan d'un sermon pour le jeudi après le quatrième Dimanche de Carême, 9 mars 1617.
Sur le fils de la veuve de Naim………………………………………………………………….339
CXLI Sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême, 8 mars 1618. Comment
saint Pierre s'engagea et s'enfonça dans la voie du péché………………………………………343
CXLII Sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême, 9 mars 1618. Dans
la première partie, nous continuerons à examiner les degrés de la chute; dans la seconde, nous
exposerons les causes pour lesquelles le Christ a permis une telle chute………………………352
CXLIII Sommaire d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême, 11 mars 1618. De
la grâce qui prévint saint Pierre……………………………………………………………..…358
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34.10 Page 340

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CXLIV Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême, 12 mars 1618.
De la grâce concomitante…………………………………………………………………...360
CXLV Sermon pour le mardi après le deuxième Dimanche de Carême, 13 mars 1618 De la
grâce qui achève le salut………………………………………………………………………..364
CXLVI Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste, 24 juin 1618. Dix jours après la
restitution de la ville de Verceil au Sérénissime Duc de Savoie par les Espagnols et la ratification
du traité de paix, ainsi affermi par l'exécution des articles. Sur le grand saint Jean et la nécessité
de conserver la paix et ses avantages…………………………………………………………..370
CXLVII Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, 15 août 1618.
Annecy………………………………………………………………………………………376
CXLVIII Recueil de notes pour l'Avent, décembre 1618……………………………………378
CXLIX Sommaire d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent, 15 décembre 1618...382
CL Plan d'un panégyrique de sainte Geneviève, 3 janvier 1619. En la fête de sainte
Geneviève,à Saint-Sulpice……………………………………………………………………...384
CLI Notes d'un sermon pour la fête du Saint Sauveur, 4 février 1619. A l'Oratoire…….388
[446]
CLII Sommaire d'un sermon pour le Dimanche de la Septuagésime, 16 février 1620. A Saint-
Jacques………………………………………………………………………………………….391
CLIII Notes d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême, 11 mars
1621…………………………………………………………………………………………….395
CLIV Sermon pour la fête de saint Joseph, 19 mars 1621. A Lyon, dans l'église du Noviciat
des Pères de la Compagnie de Jésus, le jour où se célébra pour la première fois la fête patronale
de cette église récemment construite……………………………………………………………397
CLV Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, 15 août 1621.
A Annecy, dans son église………………………………………………………………………403
CLVI Sermon pour la fête de saint Philippe et de saint Jacques, et pour le cinquième Dimanche
après Pâques, 1er mai 1622………………………………………………………………………405
CLVII Recueil de notes sur divers sujets……………………………………………………410
CLVIII Sermon pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix………………………………414
CLIX Fragment d'un sermon pour la fête de l'Ascension……………………………………421
CLX Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-
Christ……………………………………………………………………………………………424
Table de provenance des Autographes reproduits dans ce volume……………………………..435
Ordre des Sermons dans le grand Manuscrit de Turin…………………………………………..436
Glossaire des locutions et des mots surannés……………………………………………………439
[447]
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35 Pages 341-350

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Annecy, imprimé par J. NIÉRAT, 1897. 929
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35.2 Page 342

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EN VENTE
TOME I
LES CONTROVERSES
TOME II
DEFENSE DE L'ESTENDART DE LA SAINTE CROIX
TOME III
INTRODUCTION A LA VIE DEVOTE
TOMES IV, V
TRAITTÉ DE L'AMOUR DE DIEU
TOME VI
LES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS
TOME VII
SERMONS IER VOLUME
Chaque ouvrage se vend séparément
Prix: 8 francs le volume
SOUS PRESSE
SERMONS VOLUME III
DÉPOSITAIRES
GENEVE. H. TREMBLEY, LIBRAIRE, RUE CORRATERIE, 4
Dépositaire principal
ANNECY. ABRY, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉVECHE, 3
PARIS. VICTOR LECOFFRE, RUE BONAPARTE, 90
LYON. EMMANUEL VITTE, PLACE BELLECOUR, 3
BRUXELLES. SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE,
RUE TREURENBERG, 16
MARSEILLE. LIBRAIRIE SALÉSIENNE, RUE DES PRINCES, 78
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