12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres

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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
______
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INÉDITES
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX
ET COURONNÉE PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
PUBLIÉE SUR L'INVITATION DE MGR ISOARD, ÉVÊQUE D'ANNECY
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE DANNECY
__________
TOME XII
LETTRES VOLUME II
ANNECY
MONASTÈRE DE LA VISITATION
__
IMPRIMERIE F. ABRY & CIE
MCMII
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Deuxième édition
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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
_____
TOME DOUZIÈME
LETTRES
IIme VOLUME
1599 1604 [1]
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Propriété
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GENÈVE LIBRAIRIE TREMBLEY FRÈRE ET SŒUR, RUE CORRATERIE, 4
Dépositaire principal
ANNECY VICTOR ROCHE, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉVÊCHÉ, 3
PARIS VICTOR LECOFFRE, RUE BONAPARTE, 90
LYON EMMANUEL VITTE, PLACE BELLECOUR, 3
BRUXELLES SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, RUE TREURENBERG, 16
MARSEILLE LIBRAIRIE SALÉSIENNE, RUE DES PRINCES, 78 [2]
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ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
______
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INÉDITES
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX
ET COURONNÉE PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
PUBLIÉE SUR L'INVITATION DE MGR ISOARD, ÉVÊQUE D'ANNECY
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE DANNECY
__________
TOME XII
LETTRES VOLUME II
ANNECY
IMPRIMERIE J. NIÉRAT
RUE DE LA RÉPUBLIQUE
MCMII
Droits de traduction et de reproduction réservés [IV]
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Index OCR
Index OCR................................................................................................................................................ 6
Avant-Propos.......................................................................................................................................... 16
Avis au Lecteur ...................................................................................................................................... 20
Lettres de Saint François de Sales - Année 1599 ................................................................................... 21
CXXI. A Monseigneur Claude de Granier, Eveque de Geneve. Réponses faites par le Saint-Siège à
diverses requêtes présentées au nom de l'Evêque de Genève. Bel ordre de la Cour romaine.
Eloge de plusieurs Cardinaux. L'Evêque de Modène nommé nonce en France. Accident
survenu au P. Chérubin. Dévouement du prieur de Contamine et du seigneur Bonesio.
Prochain retour en Savoie................................................................................................................... 21
CXXII. Au chanoine Louis de Sales, son cousin. Succès du Prévôt dans l'examen public qu'il yient
de subir devant le Pape. ...................................................................................................................... 23
CXXIII. Au Père Juvénal Ancina de la Congrégation de l'Oratoire. Bienveillant accueil reçu de
l'Evê105que de Lorette et de l'Archevêque de Bologne sur la recommandation du P. Ancina ; estime
que professe pour ce dernier le duc de Savoie. Oppositions faites par les Chevaliers des Saints
Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais.
Voyage projeté de Charles-Emmanuel en France, Divers messages........................................ 24
CXXIV. Au chevalier Joseph de Ruffia. Invitation à se rendre en Chablais...................................... 28
CXXV. A M. Antoine D'avully. Réclamation d'une somme due à M. de Boisy................................ 29
CXXVI. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique A Turin.
Retard que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare apportent à l'exécution du Bref apostolique.
Activité des Genevois pour entraver les conversions. Persévérance des convertis ; grâces qu'ils
reçoivent de Dieu.Demande de diverses faveurs........................................................................... 30
CXXVII. Au même. Réception de deux lettres du Nonce. Eloge de Mgr de Vienne. Largesses
du duc de Savoie ; son projet d'établir un collège de Jésuites à Thonon. Prochaine arrivée de ces
Religieux. Détails matériels........................................................................................................... 33
CXXVIII. Au duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Bonne harmonie qui règne entre l'Archevêque
de Vienne et l'Evêque de Genève. Espérances que fait concevoir le collège des Pères Jésuites... 36
CXXIX. A M. Philippe de Quoex. Lettre reçue de M. de Quoex. Recommandation en faveur de
trois jeunes gentilshommes. ............................................................................................................... 37
CXXX. A Monseigneur Jules-César Riccardi Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin.
Rupture des communications entre Annecy et Chambéry. Libéralités du duc de Savoie pour le
Chablais. Arrivée d'un Père Jésuite à Thonon, où cinq autres sont encore attendus. Les intérêts
de la mission activement poursuivis à Rome.Aumône faite par le duc à une protestante convertie.
Prochain départ de Son Altesse pour la France ............................................................................. 38
CXXXI. Au même (Minute inédite). Ordres donnés par le duc de Savoie en faveur de la maison de
refuge projetée à Thonon. Il est urgent que les pouvoirs spéciaux concédés aux missionnaires ne
soient pas suspendus pendant l'année du Jubilé. Procès relatif à la cure du Petit-Bornand .......... 41
Année 1600 ............................................................................................................................................ 44
CXXXII. Au Cardinal César Baronius (Minute inédite). Bienveillance du Saint-Siège pour la
mission du Chablais. — Joie de savoir le Cardinal nommé protecteur de cette œuvre...................... 44
CXXXIII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin
(Minute). Réception de plusieurs lettres. Eloge de quelques ecclésiastiques. Les bonnes
intentions du duc de Savoie en faveur du chanoine Nouvellet restent sans effet ............................... 45
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CXXXIV. A M. Aaron Pothon (Inédite). Demande de pièces nécessaires à la poursuite d'un procès.
............................................................................................................................................................ 48
CXXXV. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin.
Dangers que courent les Catholiques du Chablais ; leur constance en face du péril. Indisposition
de Mgr de Genève. L'Archevêque de Vienne expulsé par les Valaisans....................................... 49
Année 1601 ............................................................................................................................................ 51
CXXXVI. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de Genève. Envoi de deux lettres.
Aggravation de la maladie de M. de Boisy ........................................................................................ 51
CXXXVII. Au Père Juvénal Ancina, de la Congrégation de l'Oratoire (Inédite). Remerciements pour
l'intérêt qu'il porte au Chablais. Tribulations qui ont fondu sur cette province. Espoir d'une
prochaine paix. Les poursuites entreprises au sujet de la coadjutorerie de Genève restent
stationnaires........................................................................................................................................ 52
CXXXVIII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin.
Constance des Catholiques de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois. Prière de
solliciter les prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet. ........................................................ 53
CXXXIX. A M. Antoine d'Avully. Le Saint rend compte de son intervention auprès du duc de
Nemours pour le règlement d'une affaire d'intérêt ............................................................................. 55
CXL. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin. Regret
d'apprendre le rappel du Nonce. Nouvelles conversions en Chablais. Mauvais vouloir de ceux
qui devraient les favoriser. Succès de la mission entreprise dans le bailliage de Gaillard. Espoir
de ramener à la vraie foi le pays de Gex. Demande de quelques faveurs. Travaux apostoliques
de l'Archevêque de Vienne et de l'Evêque de Genève ....................................................................... 56
CXLI. A des amis (Minute inédite). Départ précipité pour traiter des intérêts de la religion dans le
pays de Gex. ....................................................................................................................................... 59
CXLII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin
(Minute inédite). Le pays de Gex soumis à la France ; intention du roi d'y rétablir la religion
catholique ; opposition des Genevois ; démarches faites pour en triompher. Reprise des poursuites
commencées au sujet de la coadjutorerie ........................................................................................... 60
CXLIII. A Monseigneur Conrad Tartarini, Évêque de Forli. Prière de s'intéresser à la restitution des
biens ecclésiastiques du pays de Gex. ................................................................................................ 63
CXLIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute). Obstination de quelques hérétiques de
Thonon. Mesures à prendre pour en triompher ............................................................................. 65
CXLV. Au Baron de Lux. Mgr de Granier est prêt à évangéliser le pays de Gex............................... 66
CXLVI. Au Cardinal Pierre Aldobrandino (Minute inédite). Henri IV demande l'évangélisation du
pays de Gex. Son désir de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois.
Démarches à faire pour obtenir cette restitution............................................................................ 67
CXLVII. A M. Claude de Quoex. Bonnes intentions du roi de France en faveur des Catholiques.
Formalités à remplir pour en obtenir la mise à exécution. ................................................................. 69
Memoire sur un'objection que font ceux de Geneve delaquelle il sera bien a propos d'instruire le
Cardinal et de la response a icelle .................................................................................................. 70
CXLVIII. A un inconnu (Minute inédite). Le Saint s'estime heureux d'entrer en relation avec ce
personnage et lui promet des documents historiques ......................................................................... 70
CXLIX. A Monseigneur Conrad Tartarini Évêque de Forli, Nonce Apostolique a Turin.
Evangélisation des bailliages de Gex et de Gaillard. Prochain voyage du Saint à Paris pour
négocier la restitution des biens ecclésiastiques. Avantages qu'apportera l'établissement de la
Sainte-Maison ; moyens de lui assurer des ressources. Renseignements sur Jules-César Paschali et
sa famille ............................................................................................................................................ 71
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CL. A M. Louis de Sales, son frere (Inédite). Voies de conciliation à prendre au sujet d'un procès.
Ne pas refuser les avances du procureur Chappaz. ............................................................................ 75
Année 1602 ............................................................................................................................................ 77
CLI. A M. Claude de Quoex. Départ du Saint pour Dijon et Paris afin de solliciter le rétablissement
de la religion dans le pays de Gex. Nécessité d'obtenir la médiation du Saint-Siège auprès du roi
de France. Influence du Cardinal d'Ossat sur le monarque. Nouvelles de Mme de Quoex.
Divers messages. Bon vouloir du baron de Lux ; oppositions de Lesdiguières ............................ 77
CLII. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de Genève (Inédite). Compte-rendu de sa
négociation à la cour de France. Envoi d'une lettre du Nonce de Paris......................................... 79
CLIII. A M. Claude de Quoex. Réponse à deux lettres précédemment reçues. Affaire d'intérêt.
Lenteur des négociations poursuivies à la cour. Un mot sur les dépenses à faire au sujet de la
coadjutorerie. Le Saint est invité à prêcher le Carême à la chapelle de la reine. Le P. Juvénal
Ancina désire se rendre à Thonon. Différends soulevés au sujet d'un prieuré .............................. 80
CLIV. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de Genève (Inédite). Difficulté et lenteur des
poursuites faites à Paris ; espérance de les voir aboutir ..................................................................... 82
CLV. Au même (Inédite). Annonce de la visite de M. de Mallians. Crainte d'échouer dans sa
négociation auprès du roi de France ................................................................................................... 83
CLVI. Au même (Inédite). Nouvelles espérances. Le Saint a prêché devant le roi ; il est invité à
prononcer l'oraison funèbre du duc de Mercœur ................................................................................ 84
CLVII. A la Duchesse de Mercœur. Il condescend à laisser imprimer l'oraison funèbre du duc de
Mercœur, et demande qu'elle soit dédiée à la fille de ce prince. ........................................................ 85
CLVIII. A M. Claude de Quoex. Démarches faites auprès de la duchesse de Nemours pour obtenir à
M. de Quoex l'autorisation de quitter Rome. Cause du mécontentement du président Favre.
Affaire de la coadjutorerie. Faveur dont le Saint jouit à la cour de France. Divers messages . 86
CLIX. A M. de Soulfour. Remerciements des avances affectueuses qui lui sont faites. Intérêt pour
le monastère des Filles-Dieu. Eloge de M. Gallemand. Regret de n'avoir pu se rendre à
Pontoise. Le P. Vicaire de la Chartreuse envoyé à Cahors............................................................ 88
CLX. A une dame inconnue (Fragment). Recommandation en faveur d'un ecclésiastique pauvre. .. 89
CLXI. A M. du Chemin (Inédite). Impossibilité de se rendre à Chancenay. Prière de l'excuser
auprès de MM. d'Acy et de Maneuvre. Témoignages d'affection. ................................................ 90
CLXII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Retour de Paris. Protestations de soumission et
de dévouement. Demande de la protection de Son Altesse ........................................................... 91
CLXIII. A M. Claude Marin (Fragments inédits). Douleur de la mort de Mgr de Granier.
Indifférence relativement à la dignité episcopale. .............................................................................. 92
CLXIV. A M. Claude de Blonay. Achat de la terre de Thorens par la famille de Sales. Nécessité
de contracter un emprunt pour payer ce domaine. Prière d'intervenir à cet effet auprès de M. de
Prangins. ............................................................................................................................................. 93
CLXV. A sa Sainteté Clément VIII (Minute). Compte-rendu des négociations faites à la cour de
France. Eloge de Mgr de Granier : son zèle apostolique, sa piété. Remerciements pour la remise
des droits d'annates. Soumission au Saint-Siège ........................................................................... 94
CLXVI. Au même (Minute). Combien l'établissement des Carmélites en France contribuerait à la
gloire de Dieu. Trois ecclésiastiques de grande vertu désignés pour Supérieurs. Approbation
apostolique sollicitée pour l'exécution de ce projet ............................................................................ 96
CLXVII. Aux Syndics d'Annecy. Réponse à leur lettre de félicitation. ............................................. 98
CLXVIII. Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu. Témoignages d'estime et d'affection pour
leur Communauté. Pressante exhortation à supprimer les pensions particulières. Redouter les
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plus légers abus en matière de pauvreté. Danger des exemptions et des dispenses. Confiance
que les Religieux doivent avoir en la divine Providence. Conseils à prendre pour réformer leur
monastère. .......................................................................................................................................... 99
CLXIX. A M. Janus de la Faverge. Espoir de le voir à Sales le samedi suivant. Remerciements
pour l'hospitalité offerte à Mgr Gribaldi............................................................................................ 108
CLXX. A M. Pierre Favier. Prière de lui continuer son amitié et d'appuyer une requête présentée au
Sénat. ................................................................................................................................................ 109
CLXXI. A M. Pierre de Berulle. Combien il se réjouirait de le voir venir en Savoie. Le Saint
consacré évêque ; retraite préparatoire faite sous la direction du P. Fourier. La perfection absolue
impossible en ce monde. Divers messages.................................................................................. 110
Année 1603 .......................................................................................................................................... 112
CLXXII. A M. Claude d'Orlie (Inédite). Remerciements pour l'affection qu'il lui porte. Assurance
de dévouement.................................................................................................................................. 112
CLXXIII. A Monseigneur Juvenal Angina, Évêque de Saluces (Inédite). Consécration du Saint ; son
entrée dans sa ville épiscopale. Il réclame les conseils de Mgr Ancina et la continuation de son
affection. Remerciements. Projet de pèlerinage à Notre-Dame de Mondovi ; espérance de le
revoir à cette occasion ...................................................................................................................... 113
CLXXIV. A la Soeur de Soulfour, Novice au Monastere des Filles-Dieu. Caractères auxquels on
peut reconnaître les consolations célestes. Ne pas subtiliser dans le service de Dieu et supporter
ses propres imperfections. La confiance et la simplicité sont particulièrement nécessaires.
Combien le Saint apprécie la nouvelle traduction de l'Institution spirituelle de Louis de Blois.
Messages pour Sœur Anne Séguier. ................................................................................................. 115
CLXXV. A Madame de Beauvilliers, Abbesse de Montmartre. Souhaits pour la prospérité de
l'abbaye. — Prudence et charité qu'il faut apporter à l'œuvre de la réforme. — Recourir aux conseils
de quelques personnes de piété......................................................................................................... 119
CLXXVI. Au Père Guillaume Boulliette, Cordelier (Inédit). Billet d'affaires. ................................ 121
CLXXVII. Au Chevalier Joseph de Ruffia (Inédite). Réponse à une lettre de félicitation .............. 121
CLXXVIII. A M. Antoine de Revol, Évêque nommé de Dol (Fragment inédit) ............................. 122
CLXXIX. A une tante. Condoléances sur la mort de son mari. ....................................................... 123
CLXXX. A M. Charles d'Albigny. Prochain départ pour le Piémont. Désir d'obtenir une lettre de
recommandation auprès du duc. Il implore sa protection pour un curé fait prisonnier par les
Genevois........................................................................................................................................... 124
CLXXXI. A Mademoiselle de Soulfour. Ne pas chercher au loin des directeurs à consulter. La
trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection ; il faut exécuter ceux qui sont le plus à
notre portée et restreindre les autres. Promesse de prières. — Souvenir conservé à Sœur Anne
Séguier.............................................................................................................................................. 125
CLXXXII. A la Duchesse de Nemours, Anne d'Este (Minute). But du voyage à Turin, dont le Saint
est revenu depuis trois jours. Le duc de Savoie parti pour Nice. Les ecclésiastiques persécutés
par les Genevois. .............................................................................................................................. 127
CLXXXIII. A M. François de Menthon de Lornay Doyen de Notre-Dame d'Annecy. Ordonnance
relative au choix des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-Dieu. ........... 128
CLXXXIV. A M. Antoine de Revol, Évêque nommé de Dol. Envoi d'une pièce sollicitée pour lui à
Rome. Obligation pour un évêque de transformer sa vie. Il lui serait utile de se lier avec
quelques grands serviteurs de Dieu ; éloge de plusieurs d'entre eux. Livres à consulter surtout
pendant cette première année. Avoir une grande dévotion aux saints Anges. L'Evêque est tenu
de prêcher son peuple ....................................................................................................................... 129
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CLXXXV. A M. Antoine de la Porte (Inédite). Dispositions bienveillantes du duc de Savoie envers
Mme de Mercœur. — Jugement d'un procès entre cette princesse et don Amédée de Savoie. Le
Saint s'excuse de n'avoir pu achever le payement de la terre de Thorens. ....................................... 132
CLXXXVI. A M. Charles d'Albigny. Réclamations au sujet d'une mesure contraire aux immunités
ecclésiastiques. ................................................................................................................................. 134
CLXXXVII. A M. de Soulfour (Inédite). Abandon et désolation de cent églises aux environs de
Genève. Union de prières. Projet d'écrire à M. Asseline. Divers messages ...................... 135
CLXXXVIII. Aux Chanoines de la Collégiale de Saint-Jacques de Sallanches. Il les engage à
accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur .................. 136
CLXXXIX. A M. Charles d'Albigny. Il sollicite une place pour le neveu de l'Evêque défunt ........ 137
CXC. A Mademoiselle de Soulfour. Suites que laissent certaines infirmités spirituelles : leur utilité.
La perfection absolue impossible en ce monde. Avoir de grandes prétentions au service de
Dieu, mais ne pas s'étonner si elles ne peuvent être entièrement réalisées. Ne pas se préoccuper
des dangers à venir. Assurance de dévouement .......................................................................... 138
CXCI. A un inconnu (Minute). Remerciements pour une lettre reçue. Assurance de dévouement
.......................................................................................................................................................... 140
CXCII. Au Baron de Lux (Minute inédite). Prière de s'opposer aux prétentions injustes d'un
gentilhomme. .................................................................................................................................... 141
CXCIII. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie (Minute inédite). Exposé des différends qui existent
entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre-Dame de Liesse pour une question de préséance.
Les usages des Chapitres de Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy. ............................. 143
Autre minute de la même lettre (Inédite) ..................................................................................... 144
CXCIV. A M. Charles d'Albigny. Prière de s'intéresser à un créancier de la Sainte-Maison de
Thonon ............................................................................................................................................. 145
CXCV. A M. Claude de Charmoisy. Mme de Beaulieu demandée en mariage par M. de Sainte-Claire
; avantages que présenterait cette alliance. Elle désire à ce sujet l'avis de M. de Charmoisy. .... 146
CXCVI. A M. Charles d'Albigny (Inédite). Il implore la continuation de sa protection pour la Sainte-
Maison de Thonon............................................................................................................................ 147
CXCVII. A M. Antoine de la Porte (Inédite). Recommandation en faveur d'un homme qui désirait
affermer la terre de Duingt. Plusieurs affaires d'intérêt seraient à terminer. Encore un mot sur le
payement de Thorens........................................................................................................................ 148
CXCVIII. Au Maire et aux Échevins de Dijon. Réponse à l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher
le Carême à Dijon............................................................................................................................. 149
CXCIX. A M. Jacques Excoffier, Curé de Chevenoz (Inédite). Ordre de biner. Encouragement à
se rendre plus capable de ses fonctions. ........................................................................................... 150
CC. A M. Louis Bonier. Prière de lui envoyer le bilan des comptes de la Sainte-Maison............... 151
CCI. A Monseigneur Charles Broglia, Archevêque de Turin. Affaires d'intérêt concernant la Sainte-
Maison. ............................................................................................................................................. 151
CCII. Au Prieur et aux Religieux du Monastère de Sixt (Inédite). Désir de connaître les résultats
obtenus par la visite épiscopale. Assurance de dévouement ....................................................... 152
CCIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Envoi d'une attestation relative à la conversion des
bailliages de Chablais, Gaillard et Ternier ....................................................................................... 153
CCIV. A Sa Saintete Clement VIII (Minute). Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du
Chablais : pression exercée par les Genevois. Envoi de missionnaires. Zèle déployé par le duc
de Savoie ; éloge de ce prince. Conversion de toute la province ................................................ 154
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CCV. A Monseigneur Paul Tolosa, Évêque de Bovino, Nonce Apostolique a Turin (Minute inédite).
Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme ; autorité requise
à celui qui entreprendrait cette œuvre. — Utilité de l'intervention du Sénat. Différentes mesures
proposées. Monastères à supprimer. Situation anormale de ceux de Sixt et de Peillonnex. .. 160
CCVI. A Madame de Boisy, sa mère. Allusion aux tribulations endurées durant la mission du
Chablais. Témoignages d'affection.............................................................................................. 163
CCVII. A un prélat (Fragment inédit). Difficultés que suscite une mesure récemment imposée. ... 164
CCVIII. A Monseigneur Gisbert Masius, Évêque de Bois-Le-Duc (Minute). Union créée entre les
deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques. Recommandation en
faveur de Rodolphe van Dunghen ; éloge de ce personnage. ........................................................... 164
CCIX. A M. Antoine Dunant, Curé d'Abondance. Ordre de transférer à d'autres jours des aumônes
générales........................................................................................................................................... 167
Année 1604 .......................................................................................................................................... 168
CCX. A M. Antoine des Hayes. Félicitations pour le pardon accordé à un contradicteur.
Remerciements. Désir de terminer sans procès un différend avec l'Archevêque de Bourges. Le
Saint n'abandonne jamais l'étude de la théologie. Affaire d'intérêt. Estime pour les Pères
Jésuites : joie de les savoir rentrés en France. .................................................................................. 168
CCXI. A un inconnu (Minute inédite). Réponse aux reproches adressés au Saint, relativement au
séjour qu'il projetait de faire hors de la Savoie................................................................................. 170
CCXII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute). Annonce de son prochain départ pour
Dijon. Protestation de fidélité...................................................................................................... 171
CCXIII. A Sa Sainteté Clément VIII (Minute). Difficultés que présente l'administration de la partie
française du diocèse de Genève. Le Saint contraint de se rendre à Dijon y prêchera le Carême 171
CCXIV. A M. Jacques de Vallon. Condoléances sur la mort de son père. ...................................... 173
CCXV. A la Baronne de Chantal ..................................................................................................... 174
CCXVI. La même. Le désir de la sainteté et l'amour de la viduité sont pour une veuve les deux
supports de l'édifice spirituel : comment les affermir. Amour de Dieu et de la sainte Eglise.
Devoir de prier pour les pasteurs et prédicateurs. Envoi d'un écrit de dévotion. ......................... 175
CCXVII. A la Présidente Brulart. En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde :
s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons
jaculatoires. — S'unir au prochain par l'affabilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance
envers ses proches. Rendre la piété aimable en la rendant utile et agréable à tous. .................... 177
CCXVIII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Moyens à employer pour la réforme de
son monastère : bons exemples, douceur, fidélité aux exercices spirituels. ..................................... 179
CCXIX. A un Calviniste (Minute). Sans certaines conditions les conférences sont infructueuses.
Les hérétiques doivent prouver leurs négations. Prières pour les morts. Canonicité des Livres
des Machabées et de l'Apocalypse. Promesse de ne pas refuser une conférence avec les Genevois
s'ils la demandent. ............................................................................................................................ 181
CCXX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Pauvreté du prieuré de Bellevaux. Le Prieur
est digne des libéralités de Son Altesse ............................................................................................ 182
CCXXI. A la Baronne de Chantal. Il rassure Chantal sur l'inquiétude qu'elle éprouve de l'avoir
consulté à l'insu de son directeur. L'unité de direction ne doit pas nuire à la liberté d'esprit.
Lettre reçue de l'Archevêque de Bourges ......................................................................................... 183
CCXXII. A M. Charles d'Albigny. Opportunité de quelques modifications dans les lois relatives à
l'immunité des églises....................................................................................................................... 185
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2.2 Page 12

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CCXXIII. A la Baronne de Chantal. Encore l'unité de direction et la liberté qu'elle comporte ;
comment l'entendait sainte Thérèse, et comment il faut la pratiquer à son imitation. Protestation
d'entier dévouement. Combien sont indissolubles les liens formés par la charité. Secret que
doit garder le pénitent sur ce qui est dit en confession. Chercher un remède à la tristesse et à
l'ennui dans les plaies de Notre-Seigneur. Mystérieuse formation du Christ dans l'âme chrétienne
.......................................................................................................................................................... 186
CCXXIV. A Sa Sainteté Clément VIII. Recommandation en faveur d'André de Sauzéa proposé pour
l'évêché de Belley............................................................................................................................. 189
CCXXV. A M. Charles d'Albigny. Règlement d'une affaire d'intérêt concernant la Sainte-Maison191
CCXXVI. A M. Claude de Blonay. Difficulté que présente la nomination à un bénéfice ............... 191
CCXXVII. A Monseigneur Antoine de Revol, Évêque de Dol. Témoignages d'affection. Carême
prêché à Dijon. Eloge des Dijonnais : fruits de salut opérés parmi eux. Conversions dans le
pays de Gex. Replique Chrestienne du ministre La Faye. Le Saint hésite à la réfuter ........... 192
CCXXVIII. A M. Jean-François de Blonay. Prochain pèlerinage à Saint-Claude. Invitation à
transmettre à l'Abbé d'Abondance.................................................................................................... 195
CCXXIX. A Monseigneur André Frémyot, Archevêque de Bourges. Obligation pour un Evêque de
prêcher son peuple. Des trois conditions nécessaires au prédicateur.Fin qu'il doit se proposer :
instruire et émouvoir. Objet de la prédication : l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens
dont elle est susceptible ; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints ; interpréter
le « grand livre » de la création. Eviter les citations mythologiques. Des comparaisons et des
allégories. Disposition des matières ; différentes méthodes à adopter selon la diversité des genres
: sermons sur les mystères et les vertus, homélies, panégyriques. La forme : du style et de l'action.
Pressante exhortation à prêcher ; rien n'est impossible à l'amour. .............................................. 196
CCXXX. Au President Bénigne Frémyot. Intimité avec l'Archevêque de Bourges. Affection pour
toute la famille du Président. Comment il faut se préparer à la mort : se détacher peu à peu des
choses de la terre. Considérations à faire chaque jour. Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens
et ce qu'elle doit être pour les vieillards. Choix de lectures. Triple baiser à donner au Crucifix.
.......................................................................................................................................................... 210
CCXXXI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Envoi d'un écrit sur l'oraison. Méditer
de préférence la Vie et la Passion du Sauveur ; auteurs à consulter. Combien est utile la
méditation des fins dernières ; elle doit se terminer par des actes de confiance. Exercices spirituels
à faire chaque jour. Formulaire pour la Confession dressé par le Saint en faveur de l'Abbesse.
Moyens à employer pour la réforme de son monastère : « quatre artifices » pour inspirer l'esprit
d'obéissance. Vie commune. Clôture, gardienne de la chasteté. — En cette œuvre procéder
avec douceur. A quel âge admettre les jeunes filles à la première Communion ......................... 213
CCXXXII. A la même. Promesse de l'aider dans la réforme de son monastère. Recourir aux
conseils du P. de Villars. Demande de prières pour l'Evêque de Saluces récemment décédé.
Livres qu'il serait utile à l'Abbesse de consulter. Mme de Boisy projette de placer sa fille au Puits-
d'Orbe ............................................................................................................................................... 218
CCXXXIII. A la Présidente Brulart. Quand faudrait-il refaire une confession générale. Qu'est-ce
que la dévotion. Deux choses qu'une chrétienne doit observer « pour estre vrayement devote. »
Promptitude requise dans leur observance ; quelques réflexions pour l'acquérir. Pratiques
proposées pour chaque jour. Il faut rendre la dévotion « fort avmable, » surtout à notre famille221
CCXXXIV. A la Baronne de Chantal. Marques de la volonté de Dieu dans le choix d'un directeur.
« Lien admirable » établi par Dieu entre les deux Saints. Remèdes aux tentations contre la foi.
Exercices de piété à remplir chaque jour : méditation, audition de la Messe, oraisons jaculatoires,
prières du soir, lecture spirituelle. Usage du jeûne et de la discipline. Fréquente Communion.
Pour l'éducation de ses enfants agir « a la façon des Anges. » Assistance des pauvres et des
malades. Devoirs envers son père et son beau-père. De l'esprit de liberté : il est insinué dans le
12/340

2.3 Page 13

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Pater. Signes auxquels on peut le reconnaître ; défauts qui lui sont opposés. Exemple de
plusieurs Saints. Professer une grande dévotion envers saint Louis. Mort de l'Evêque de
Saluces.............................................................................................................................................. 225
CCXXXV. A Sa Saintete Clement VIII (Minute). Décadence de l'observance régulière dans la
plupart des monastères de Savoie. Recours au Saint-Siège pour obtenir l'introduction des
Feuillants au monastère d'Abondance .............................................................................................. 235
CCXXXVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Requête pour obtenir que les Feuillants soient
mis en possession de l'abbaye d'Abondance. Recommandation en faveur du chanoine Nouvellet
.......................................................................................................................................................... 237
CCXXXVII. Au même. Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard au sujet de la cure des
Allinges. Le Saint implore la protection de Son Altesse ............................................................. 238
CCXXXVIII. A M. Pierre-Léonard de Roncas Baron de Chatel-Argent. Même sujet. ................... 239
CCXXXIX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. L'Abbé d'Abondance n'est pas en mesure de
fournir une pension à M. Nouvellet. Prière au prince de vouloir bien intervenir ........................ 240
CCXL. A la Baronne de Chantal. Conseils relatifs au règlement d'une affaire d'intérêt. D'une
certaine impuissance spirituelle et des tentations qui en dérivent. Lutte entre la partie supérieure
et la partie inférieure de l'âme. Combattre les désirs empressés. Indifférence à pratiquer dans
l'acceptation des croix. On peut se plaindre à Notre-Seigneur. Choix de lectures. Avis sur la
manière de faire l'aumône. Joie du Saint dans l'attente d'une grande épreuve. Respect dû à un
ancien directeur. Deux sortes de bonnes volontés : l'une qui remplit l'enfer, l'autre le Paradis .. 240
CCXLI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Ce qu'il faut faire quand on éprouve de la
difficulté à méditer. Les longues veilles du soir « debilitent le cerveau. » Comment on peut
servir Dieu dans les maladies. « Baume pretieux » pour les adoucir. Lectures proposées.
Obéissance au médecin. Dignité royale des malades. « Dequoy les Anges nous portent envie. »
La Messe et la Communion au temps de maladie ....................................................................... 245
CCXLII. A la Présidente Brulart. C'est la dévotion bien réglée que le Ciel bénit. Il faut servir
Dieu à la campagne aussi bien qu'à la ville ...................................................................................... 248
CCXLIII. A la Baronne de Chantal (Inédite). Deux abus à éviter relativement au confesseur :
s'attacher à sa conduite au point de « perdre la vraye liberté ; » en changer « sans propos. »
Remarques sur divers écrits et une sorte de testament spirituel. Message pour Mme Brûlart. Le
Saint ne veut pas que ses lettres soient communiquées.................................................................... 249
CCXLIV. A Messieurs du Conseil de la Sainte-Maison de Thonon. Envoi de quelques papiers .... 250
CCXLV. A M. Charles d'Albigny (Inédite). Prière de vouloir bien donner audience à un nouveau
converti............................................................................................................................................. 251
CCXLVI. A M. Janus de la Faverge (Inédite). Réponse à une lettre de recommandation. Souhaits
de bonne année. Le Saint se promet beaucoup de consolation du Carême qu'il doit prêcher à La
Roche................................................................................................................................................ 252
CCXLVII. A un inconnu (Fragment inédit) ..................................................................................... 252
CCXLVIII. A Monseigneur André Frémyot, Archevêque de Bourges. (Fragment). Envoi d'un
règlement de vie. Dans quel esprit l'observer. Savoir y déroger pour servir le prochain. Ne
jamais lui sacrifier « la tressainte liberté d'esprit. ».......................................................................... 253
CCXLIX. A une inconnue (Inédite). Encouragements donnés à une résolution généreuse. Offres
charitables pour la seconder. — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce...... 254
Minutes écrites par Saint François de Sales pour diverses personnes .................................................. 255
CCL. Au Duc de Nemours, pour un père de famille (Inédite). Instances à l'effet d'obtenir que son fils
lui soit rendu..................................................................................................................................... 255
13/340

2.4 Page 14

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CCLI. A Sa Sainteté Clément VIII pour les Catholiques de Thonon. Actions de grâces pour la
bienveillance spéciale que leur témoigne le Souverain Pontife ....................................................... 255
Minutes écrites pour Monseigneur de Granier ..................................................................................... 257
CCLII. A Monseigneur Bonaventure Secusio, Patriarche de Constantinople, Nonce Extraordinaire en
France (Inédite). Instances pour obtenir que le Nonce intervienne auprès du roi de France en faveur
du Chablais. ...................................................................................................................................... 257
CCLIII. Au Cardinal François de Joyeuse. Les Bernois prétendent s'emparer des bailliages de
Thonon et de Ternier. Coup-d'œil rétrospectif sur l'apostasie et sur la conversion de ces provinces.
Demande de la protection du Cardinal auprès du roi de France.................................................. 259
CCLIV. A M. Nicolas de Sancy. Encore les affaires du Chablais. Remerciements pour l'assurance
donnée relativement au maintien de la religion catholique dans cette province. Il n'est pas possible
d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésiastiques qu'il sollicite pour son fils. ................ 261
CCLV. Au Baron François du Villars. Raisons qui ne permettent pas de donner au fils de ce seigneur
la cure et le doyenné de Vuillonnex. ................................................................................................ 262
CCLVI. A M. Nicolas de Sancy. Violences exercées contre les Catholiques en l'absence de M. de
Sancy. Recours à l'autorité de celui-ci pour obtenir la répression définitive des protestants ...... 263
CCLVII. A Sa Sainteté Clément VIII (Inédite). Les Jésuites en Chablais : toute la province bénéficie
de leur apostolat. Avec le concours de quelques auxiliaires, ils ont évangélisé le bailliage de
Gaillard. Un collège de la Compagnie de Jésus à Thonon serait une puissante citadelle opposée à
l'hérésie. Reste la conversion plus difficile du pays de Gex. Il faudra y employer les mêmes
Religieux, secondés par une élite de missionnaires séculiers........................................................... 264
CCLVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite). Plaintes contre les syndics de Thonon
qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte ; combien il est urgent d'obtenir
cette cession...................................................................................................................................... 267
CCLIX. Au Roi de France Henri IV (Inédite). Espoir que la conversion du pays de Gex sera facilitée
par la réunion de ce territoire à la France. Recours à la protection de Sa Majesté ...................... 268
CCLX. A Monseigneur Gaspard Silingardo, Évêque de Modène, Nonce Apostolique en France.
Sollicitations pour obtenir l'intervention du Nonce dans les affaires du pays de Gex. .................... 269
CCLXI. Au Cardinal César Baronius (Inédite). L'Evêque de Genève a choisi le Prévôt de son église
cathédrale pour coadjuteur avec future succession. Difficultés qui entravent la poursuite de
l'affaire. Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la Chambre
Apostolique ...................................................................................................................................... 270
CCLXII. Au Cardinal Pierre Aldobrandino (Inédite). Nouvelles sollicitations pour le rétablissement
du culte catholique dans le pays de Gex........................................................................................... 272
CCLXIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Combien il serait nécessaire d'établir à Thonon
un collège de Jésuites. On pourrait en attendant confier à ces Religieux celui d'Annecy.
Intervention de Son Altesse sollicitée à cet effet.............................................................................. 273
CCLXIV. A M. Charles d'Albigny. Ordres à donner pour la restitution des revenus ecclésiastiques
du bailliage de Gaillard .................................................................................................................... 274
CCLXV. Au Baron de Lux (Inédite). Désir de « voir sous la faucille de la parole de Dieu » la
moisson du pays de Gex. Chanoine mandé pour apprendre ce que l'on peut se promettre à cet
égard. Le Pape « attend de jour a autre les premieres nouvelles » de cette évangélisation ......... 275
CCLXVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite). Manque de ressources pour assurer le
service religieux dans trois paroisses récemment converties, celle de Thonon entre autres. On
pourrait y pourvoir au moyen des revenus de l'abbaye de Filly ....................................................... 276
CCLXVII. Au même (Inédite). Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus ecclésiastiques du
Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. Force a été de passer
14/340

2.5 Page 15

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outre à leurs protestations, tout en sauvegardant leurs intérêts. Il est urgent de pourvoir de
pasteurs Thonon et deux autres localités .......................................................................................... 278
CCLXVIII. Au Roi de France Henri IV. Trois curés établis dans le pays de Gex. « La bonté du
commencement » fait « desirer le progres » de la conversion de ce bailliage. Ce qu'à cet effet l'on
attend de la protection du roi de France ........................................................................................... 279
Suppliques ............................................................................................................................................ 281
CCLXIX. A Sa Sainteté Clément VIII (Minute inédite). L'Evêque de Genève sollicite l'autorisation
de communiquer la faculté d'absoudre les hérétiques et de lire leurs ouvrages. Il serait nécessaire
de subvenir à la gène des nouveaux convertis par la fondation d'un établissement approprié à leurs
besoins. Contributions généreuses, mais insuffisantes, faites dans ce but par le duc de Savoie et
d'autres personnes............................................................................................................................. 281
CCLXX. Au Cardinal Aldobrandino (Minute inédite). Prière de plaider auprès de Sa Sainteté divers
intérêts du diocèse de Genève : entretien des curés, création de prébendes théologales, requête des
chanoines de la cathédrale, décimes de l'Evêque ............................................................................. 283
Appendice............................................................................................................................................. 286
Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants........................................ 288
A. Lettres de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie .................................................................... 288
B. Lettres de Mgr Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin.......... 291
C. Lettres de Mgr Antoine de Revol, Évêque de Dol .................................................................... 301
D. Lettre de Mgr André Frémyot, Archevêque de Bourges........................................................... 304
E. Lettre du Maire et des Échevins de Dijon................................................................................ 305
F. Lettre de M. Charles d'Orlié..................................................................................................... 306
Table de correspondance de cette nouvelle edition avec les précédentes, et indication de la provenance
des manuscrits ...................................................................................................................................... 307
Index des principales notes historiques et biographiques contenues dans ce volume .......................... 316
Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui qui se
trouvent dans les Lettres de Saint François de Sales contenues en ce volume..................................... 320
Errata .................................................................................................................................................... 328
Table des matières ................................................................................................................................ 329
15/340

2.6 Page 16

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Avant-Propos
_____
Voici le deuxième volume des Lettres (1599-1604). Il ne trompera pas, nous l'espérons du
moins, l'attente du public religieux et lettré, et nous croyons même que l'intéressante originalité de
son contenu pourra soutenir la curiosité des premiers jours, si justement éveillée par la
correspondance des années précédentes.
Ce qu'il y a d'inédit, de neuf ou même d'inaperçu dans ces pages lumineuses et pleines de
suc, nous nous abstiendrons de l'indiquer. Ceux qui les liront trouveraient notre indication
importune, et nous reprocheraient, non sans raison, d'avoir défloré d'avance leur plaisir, en les
frustrant de la vive jouissance d'y faire eux-mêmes, tout les premiers, des découvertes. Mais les
lecteurs nous pardonneront, peut-être même nous sauront-ils gré, de marquer ici en traits rapides
la physionomie de saint François de Sales, l'évolution de son âme, la marche de sa pensée, entre
1599 et 1604 telles du moins qu'on peut les dégager des lettres tombées de sa plume au cours
de ces six années.
Parmi les voyages et les négociations, parmi les prédications et les ministères de tous
genres qui remplissent cette période, quatre ou cinq faits se détachent, lesquels exercèrent sur les
destinées du jeune Prévôt une influence décisive, et les fixèrent pour toujours.
Son deuxième voyage à Rome, où il fut agréé comme coadjuteur de Mgr de Granier (1599),
son séjour à Paris [V] (janvier-septembre 1602), sa consécration épiscopale à Thorens-Sales (8
décembre), son Carême à Dijon (1604) : voilà les évènements d'importance diverse, mais tous
caractéristiques, qui décidèrent de l'avenir du Saint et dont le récit, les contre-coups variés, les
conséquences, graves ou menues, proches ou lointaines, se répercutent dans chacune des lettres du
présent volume, et en forment la trame invisible et le lien caché.
Durant son séjour en Italie, les pèlerinages de la ville sainte durent sans doute reposer et
rafraîchir l'âme du Missionnaire1, lasse et comme écrasée, après les rudes labeurs de l'apostolat du
Chablais. Mais François de Sales n'oublie pas le but de son voyage : il est venu défendre les intérêts
de son Evêque ; aussi se garde-t-il bien de s'absorber dans les suaves consolations d'une piété
égoïste. Il se mêle à la société romaine, fréquente les personnages influents, fait visite aux
Cardinaux et à de saints Religieux, s'acquiert ici des amis ou se ménage là des protecteurs. Surtout,
le mouvement, les allures, les usages, les mœurs de la Cour pontificale l'intéressent vivement ; il
regarde, il observe, il converse, il écoute, il s'instruit. Les temporisations savantes, les examens
minutieux et patients, les contrôles scrupuleux des Chancelleries font sur lui grande impression :
« Jamais, » écrit-il, « je ne fus en lieu ou le poix fut si grand qu'il est en ceste Court. Sa Sainteté
ne feroit pas une grace, pour petite qu'elle soit, qu'elle ne soit pesee et contrepesee par conseil de
Messieurs les Cardinaux2. »
François de Sales avait alors trente-deux ans. A cet âge heureux, les esprits perspicaces
s'intéressent surtout aux côtés sérieux de la vie réelle ; ils voient juste, apprennent vite et n'oublient
plus. La Cour romaine et les monastères comptaient parmi leurs membres, au moment où l'envoyé
de Mgr de Granier y parut, beaucoup d'hommes d'un rare mérite, qui ont laissé la plupart un nom
dans [VI] l'histoire3. On devine ce que dut gagner à leur contact une âme d'une sagacité aussi
curieuse et aussi subtile, déjà mûrie par un long et varié ministère, riche déjà d'observations
morales et de souvenirs. Il ne faut pas en douter, cette fréquentation, quoique rapide, d'une Cour
1 Cf. le tome précédent, p. 368.
2 Voir ci-après, p. 3.
3 Les Cardinaux Bellarmin, Baronius, Borghese, qui fut plus tard Paul V, le P. Juvénal Ancina, alors Oratorien et
depuis évèque de Saluces, béatifié do nos jours, etc.
16/340

2.7 Page 17

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regardée de tout temps comme la plus haute école de diplomatie qu'il y ait dans le monde, dut être
pour notre Saint un apprentissage supérieur du maniement des affaires. Il y prit même, sans y
songer, une expérience et une formation qui lui servirent plus tard lorsque, devenu évêque, il lui
fallut diriger les destinées du diocèse de Genève et remplir plus d'une mission délicate pour en
défendre les intérêts.
Trois ans après, un autre évènement marquait cette période déjà si féconde de l'âge mûr.
Ce fut le voyage du Coadjuteur à Paris et le séjour qu'il y fit durant le premier semestre de 1602.
Les négociations et la prédication se partagèrent le temps de François de Sales.
Quand on écrira avec une précision définitive l'histoire de la Contre-Réformation, d'où
sortit la ferveur religieuse de la première moitié du XVIIe siècle, il sera de toute justice de noter la
part glorieuse qui revient à l'Evêque de Genève dans cette restauration de la piété française. Et ce
serait la faire trop petite de lui donner pour mesure, comme on l'a fait quelquefois, le temps que
dura son séjour dans la capitale. Ici les lettres témoignent formellement que l'influence du Saint
sur l'essor du sentiment religieux eut une efficacité bien plus durable et lointaine. Sans doute, ses
sermons à la cour, dans les grandes églises de Paris, ses entretiens dans les monastères, ses
conférences aux âmes pieuses, excitèrent ses auditeurs au désir de la perfection avec autant de
suavité que de force, et cette exhortation par la parole s'accompagnait toujours d'une autre
prédication muette celle-ci et non moins [VII] efficacement persuasive : celle qui émanait
de toute sa personne illuminée déjà des doux rayons de la sainteté. Mais qu'allait devenir ce pieux
enthousiasme, au départ de celui qui l'avait, plus que d'autres, allumé ?
Le promoteur de ce bel élan n'était pas homme à le laisser refroidir. Les âmes d'élite qui
l'avaient entendu avaient subi le charme magique de sa parole, et le moyen maintenant de s'en
déprendre ? Cette petite troupe choisie est en marche vers la perfection, mais le Saint n'est plus là
pour exciter tantôt son ardeur, et tantôt la contenir. Qui saura, même parmi les directeurs les plus
éclairés de la grande cité, leur continuer le bienfait de ses apaisantes et impulsives exhortations ?
Aussi, toutes ces âmes se tournent-elles avec un sentiment ingénu de sécurité confiante vers la
Savoie, la terre privilégiée qui possède le miraculeux Directeur. Et l'Evêque accueille avec
débonnaireté les « paquets » qui affluent de Paris ; il se sent « fort importuné de l'affection extreme
» qu'il porte à ces âmes généreuses ; « a la presse d'un monde d'affaires » qui l'environnent4, il sait
dérober des loisirs, et bientôt des bords du lac d'Annecy s'envolent des lettres copieuses et
fréquentes qui vont porter le miel parfumé des montagnes aux ruches avides des monastères
parisiens.
La première lettre de direction que nous ayons du Saint paraît dans ce volume. C'est la
Lettre CLXVIII, elle est datée du 22 novembre 1602. Cette date mérite d'être retenue, car ce jour-
là un prosateur de génie faisait entrer dans la littérature française un genre nouveau : la littérature
de piété.
Quand il écrivit cette lettre, le Saint était dans sa famille, à Sales. Dans la solitude austère
et grandiose où se dressait le château paternel, il se préparait par une longue retraite, sous la
direction du célèbre P. Jean Fourier, de la Compagnie de Jésus5, à la cérémonie de son sacre. Elle
eut lieu le 8 décembre6. Il semble [VIII] qu'en ce jour, avec les effusions mystérieuses du
Sacrement, des sentiments nouveaux s'écoulèrent dans l'âme de François de Sales pour lui donner
un surcroît de force vaillante et de paternelle tendresse. Le fardeau était dur, il lui arrivera de gémir
sous le poids ; mais ce sera la plainte d'une âme humble qui se croit indigne de la charge, jamais
4 Lettre CLXVIII, p. 137.
5 Voir ci-après, note (351), p. 156.
6 Le 8 décembre de cette présente année sera donc le troisième centenaire de cet anniversaire mémorable. Hélas ! l'un
des plus dignes successeurs du saint Evêque de Genève, Mgr Isoard, ne sera plus là pour le célébrer. Sa mort, survenue
pendant l'impression de ce douzième volume des Œuvres (3 août 1901), prive les Editeurs d'une affection qui leur
était un précieux honneur autant qu'un solide appui. C'est sous ses auspices et grâce à la haute bienveillance de ses
encouragements, qu'ils ont commencé la délicate entreprise et qu'ils l'ont menée jusqu'à ce jour. Leurs vifs regrets
pour une telle perte s'atténuent toutefois par le consolant espoir que Dieu a daigné lui-même payer leur dette de filiale
gratitude, en faisant bon accueil à l'âme de son fidèle et si intrépide Serviteur.
17/340

2.8 Page 18

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le gémissement d'un cœur pusillanime qui fléchit devant les obstacles ou qui voudrait se dérober
au travail. Parmi les mille soucis qui viennent l'assaillir, le nouvel Evêque garde toujours sa
sérénité et sa bonne humeur, et c'est précisément cette joie, cette douce gaîté intérieure, qui, comme
une mousse légère, se répand dans ses lettres et leur donne tant de saveur et d'aimable enjouement.
Une passion va dominer maintenant toutes les affections de François de Sales : l'amour de l'Eglise
de Genève. Elle a reçu sa foi, il l'aimera d'un si indéfectible amour, que les plus séduisantes
promesses, les propositions les plus flatteuses que lui fera un jour la France par la bouche de son
roi, le trouveront insensible.
Ce ne sont pas seulement de pieux laïques, des Religieuses et des Abbesses qui le
consultent comme un orarle ; des Evêques eux-mêmes demandent à cet Evêque à peine consacré,
un règlement de vie et des conseils pour prêcher leur peuple. Heureuse importunité qui nous a valu
les admirables lettres à Mgr de Dol et à Mgr l'Archevêque de Bourges7 !
L'année 1603, comme on le verra par sa correspondance, fut pour le Saint une année de
voyages incessants, d'affaires accablantes. Un différend est à peine réglé qu'un autre surgit,
amenant de nouvelles sollicitudes. [IX] Le 22 août, il promet au maire et aux échevins de Dijon
d'aller prêcher le Carême dans leur ville. Ce fut autant une question d'intérêt qu'une pensée de zèle
qui lui fit accepter cette invitation. Le zèle, les intérêts de son diocèse, la courtoisie se mêlèrent
ensemble pour conduire le Prélat en Bourgogne, mais il devint manifeste par la suite que la
Providence avait tout concerté pour y ménager la rencontre des deux Saints qu'elle destinait à la
fondation d'un nouvel Institut.
Comme à Paris, François de Sales prêche, exhorte, converse, instruit, charme, convertit. Il
quitte Dijon pour revenir dans ses chères montagnes, et c'est alors que commence cette
merveilleuse correspondance avec la baronne de Chantal, qui, depuis trois siècles, n'a pas encore
lassé l'admiration.
C'est dans le présent volume que prennent date les premières lettres à la fille du président
Frémyot et à ses amies de Dijon. S'il n'y a rien au monde d'aussi grand qu'une âme humaine, serait-
ce une âme d'enfant, si rien ne saurait égaler en valeur et en beauté un document qui nous en
apprendrait la sincère histoire, il faut en convenir, les lettres de l'Evêque de Genève à la femme
chrétienne qui sera un jour sainte Jeanne-Françoise de Chantal, défient toute louange, car elles
racontent, avec une exquise candeur, l'histoire de deux âmes qui eurent toutes les grâces et toutes
les noblesses. Les mystères les plus délicats, les problèmes les plus subtils de la vie intérieure y
sont traités avec une profondeur de vue étonnante et, tout à la fois, chose rare, peut-être unique,
sur le ton délicieux de la plus charmante simplicité.
L'imagination se sent rafraîchie et purifiée en lisant ces pages. Leur beauté morale est d'un
ordre à part. Il peut même arriver qu'avec beaucoup de finesse et de culture littéraire on ne la sente
pas. L'esprit tout seul de l'homme de goût, la psychologie de l'écrivain, même la plus éveillée, ici
ne suffisent pas, il faut quelque chose de plus : la foi ou, à défaut de la foi, cette pureté limpide du
regard qui a manqué à plus d'un historien et d'un critique. [X]
Tous ceux qu'intéresse l'histoire de l'ascétisme voudront bien remarquer que ces premières
lettres de direction aux groupes de Paris et de Dijon, ont un mérite qui leur est propre ; celui d'offrir
le premier épanouissement des idées de saint François de Sales sur la piété. Philothée, les
Entretiens, le Traitté de l'Amour de Dieu ne feront qu'exposer, il est vrai avec plus de plénitude et
une ordonnance plus rigoureuse, les mêmes pensées. Mais ici nous avons le jet initial dans toute
sa naïveté et sa fraîcheur. Rien ne serait piquant et instructif comme d'étudier à cet égard le
développement continu, au point de vue historique, des doctrines ascétiques de l'Evêque de
Genève. Est-il besoin de dire que ce travail, comme tous ceux qu'on voudrait tenter sur des sujets
analogues, ne sera possible qu'après la publication intégrale de la Correspondance du Saint ?
Ajoutons qu'elle ne se fera pas trop attendre, nous croyons pouvoir le promettre, si Dieu daigne
ménager à l'Eglise de France, avec la liberté, un peu de sécurité et de paix.
7 Lettres CLXXXIV, CCXXVII, CCXXIX.
18/340

2.9 Page 19

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DOM B. MACKEY, O. S B. [XI]
19/340

2.10 Page 20

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Avis au Lecteur
_____
Des Lettres publiées dans ce volume, c'est le plus grand nombre qui ont été revues sur les
originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune. Les Lettres qui ne sont suivies
d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû
emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin de ce volume la Table de
correspondance, et l'Avant-Propos du tome précédent, pp. xxv-xxvij.
Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce
; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original.
Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, cette date est insérée entre
[ ]. Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte.
Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des
pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la
précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou
que la corrélation ne soit évidente. La fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les
passages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre [ ] .
Des points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet.
Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois.
A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index des principales notes
historiques et biographiques contenues dans ce volume. Toutes les notes concernant le clergé de
l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés à l'Evêché d'Annecy.
Au besoin, elles sont désignées par les deux initiales R. E.
Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont
empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras : Armorial et Nobiliaire de l'ancien
Duché de Savoie. [XII]
20/340

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Lettres de Saint François de Sales - Année 1599
_____
CXXI. A Monseigneur Claude de Granier, Eveque de Geneve.
Réponses faites par le Saint-Siège à diverses requêtes présentées
au nom de l'Evêque de Genève. Bel ordre de la Cour
romaine. Eloge de plusieurs Cardinaux. L'Evêque de
Modène nommé nonce en France. Accident survenu au P.
Chérubin. Dévouement du prieur de Contamine et du
seigneur Bonesio. Prochain retour en Savoie.
Rome, mi-janvier 1599.
Monseigneur,
Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les
ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin
que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis ; et l'un et l'autre nous est
seulement arrivé maintenant. Nous avions proposé dix articles a Sa Sainteté de vostre part8, et il
nous a prouveu sur quelques uns ; sur les autres il nous a renvoyés au Nonce, et les autres il a
presque refusés (sic). [1]
Il a accordé la des-union des benefices de Chablaix, Ternier et autres balliages jusques a la
somme necessaire pour le restablissement de la sainte religion et des pasteurs. Il a accordé que la
provision desditz pasteurs se fit par vous absolument pour ceste premiere fois ; que vous puissies
donner portion congrue a tous curés etiam extra visitationem9 ; absoudre les hæretiques comme ci
devant, pour cinq ans a venir, licence laquelle ilz estiment icy perpetuelle par ce qu'il ne couste
sinon d'envoyer pour demander la continuation avant qu'elle soit passee.
Quand a vos decimes, il renvoye l'affaire au Nonce affin quil advise comme l'on pourra
jetter vostre rate sur les autres benefices moins chargés que l'evesché de Geneve10. Il luy renvoye
encores de prendre advis touchant l'affranchissement des talliables, sil sera expedient, et comm'il
se pourra mieux faire.
Quand a la visite des monasteres, il l'accorde, et la fera faire le tems estant venu. Quand a
la dispense pour nos chanoynes, il l'accorde, pourveu que les chanoynes puyssent servir a leurs
cures ; mais ce point n'est encores pas du tout bien esclairci.
Quand aux theologales, il ne les veut establir sur les monasteres, ne voulant, comme il dit,
descouvrir un autel pour en recouvrir un autre. Neanmoins le Cardinal Borghesio11, nostre
commissaire, nous bailla par advis de faire traitter ce point par Monseigneur le Nonce, et que peut
estre reussiroit-il ; il faudra donq l'en supplier a nostre retour, et je crois quil s'y employera
volontiers.
8 Voir à la fin de ce volume, les suppliques adressées au commencement de janvier 1599 au Pape Clément VIII et au
Cardinal Aldobrandino.
9 même en dehors de la visite
10 On trouve aux Archives Vaticanes (Nunz. di Savoia, vol. 36) une lettré écrite sur ce sujet par le Nonce de Turin au
Cardinal Aldobrandino le 25 juin 1599.
11 Il sera parlé plus loin du Cardinal Borghese, qui devint Pape sous le nom de Paul V, aussi bien que du Cardinal
Baronius à qui saint François de Sales écrivit plusieurs fois.
21/340

3.2 Page 22

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Quand au remuement de nostre cathedrale, il est encor en suspens, par ce que nostre
Cardinal commissaire ne sceut pas dire si Tonon estoit plus pres de Geneve [2] qu'Annessy.
Neanmoins, ni Sa Sainteté ne les Cardinaux ne le goustent pas trop, estimant que ceux d'Annessi
desirent nostre sejour en leur ville, et quilz nous tiennent en tel pris que toutes villes font
semblables pieces comm'est la personne de l'Evesque et son Chapitre, et disent qu'on peut suppleer
le fruit de ceste mutation autrement. Mays je crois en un mot que tout ce quil ne nous a pas accordé
sera renvoyé a Monseigneur le Nonce.
Jamais je ne fus en lieu ou le poix fut si grand qu'il est en ceste Court. Sa Sainteté ne feroit
pas une grace, pour petite qu'elle soit, qu'elle ne soit pesee et contrepesee par conseil de Messieurs
les Cardinaux, lesquelz, voyans il Santissimo di questo parere12, sont aussi eux mesmes d'iceluy.
Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois
commissaires, les Cardinaux Burghesio, Arigo ne13 et Bianchetto14, et par excellence au Cardinal
Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux.
Je crois que vostre bonté aura aggreable nostre petite negociation, quoy qu'elle n'obtienne
pas bonnement du tout l'issue de vos saintes intentions. Le seul Cardinal Mathæi15 estant malade,
nous retient encor sans autre [3] response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris
admissum esset in mora, absolvit ad cautelam16, et fera droit touchant la prætention que vous aves
d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation ; mais il ni a pas
moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer.
Quand a la commission que j'avois premiere et principale17, je l'ay sollicitee et vers Sa
Sainteté et vers l'Aldobrandino le plus vivement que j'ay sceu, et pour toute resolution on a escrit
a Monseigneur nostre Nonce quil traitte avec Son Altesse, affin qu'il ne prenne aucune resolution
touchant le point duquel on le sollicitoit qui pourra servir d'une reelle et legitime rayson de refus
a sadite Altesse. Et parce quil ni a point de Nonce en France, il a fallu attendre qu'on en deputast
un, qui est Monseigneur de Modene18, lequel est arrivé icy et prend ses memoires pour partir, et
entre autres il en aura des bonnes pour nos affaires, comme m'a dit encor ce mattin le Cardinal
Aldobrandino. Je l'iray treuver pour l'instruire. Voyla, ce crois-je, une partie de ce que nous estions
venu faire en chemin, nonobstant la peyne que l'on a eu de les pousser pour les ennuys que le
Tybre nous a fait19.
Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire
depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de
deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité ; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint
Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il
rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur
opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et
12 le Trés Saint Père de cet avis
13 Pompée Arrigoni (1552-1616), originaire de Milan, d'abord avocat consistorial, auditeur de Rote (1591), fut créé
Cardinal en 1596, exerça la charge de dataire sous les Papes Léon XI et Paul V, et devint archevêque de Bénévent en
1607. On a de lui des Lettres latines, Imprimées parmi celles de Jean-Baptiste Lauri.
14 Laurent Bianchetti, d'une noble famille de Bologne, avait été nommé par Grégoire XIII prélat de la Sacrée Consulte
et auditeur de Rote. Sous Sixte Quint, il remplit des missions diplomatiques en France et en Pologne. Clément VIII le
promut au cardinalat en 1596, le fit entrer dans les Congrégations de la Signature, du Conseil et du Saint Office, et le
nomma protecteur de l'église de Lorette in Urbe. Ce Cardinal, qui s'était vu deux fois sur le point d'être élu Pape,
mourut en 1612, à l'âge de 67 ans.
15 Jérôme Mattei ou Mathei, de noblesse romaine, était né en 1546. Après avoir été président et auditeur général de la
Chambre Apostolique, il fut créé Cardinal par Sixte-Quint en 1586, et mourut en 1603.
16 et, par précaution, s'il y a quelque faute dans le retard, il vous en absout
17 Cette « commission premiere et principale » était l'Instance à faire pouf Obtenir que le Saint-Siège s'opposât à ce
que Genève fût comprise dans les articles du traité de Vervins (voir notre tome XI, p. 363).
18 Gaspard Silingardo arriva de Modène à Rome vers le 13 janvier 1599. Il en était déjà reparti le 25 pour aller régler
les affaires de son diocèse. C'est encore de Modène que le 27 février il adresse au Cardinal Aldobrandino une lettre
par laquelle il lui annonce qu'il va enfin se mettre en route pour la France. Le 31 mars il était à Gènes, et arriva à Paris
le 30 avril suivant. (Archives du Vatican, Nunz. di Francia, volumes 47 et 289.)
19 Un débordement considérable du Tibre avait eu lieu le 24 décembre 1598.
22/340

3.3 Page 23

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ordinaires quilz soyent. Or bien, je fais tant plus de courage ; et monsieur le Vicaire20 et moy et
nos amis ne l'oublions point en nos petites oraysons, comme nous sommes obligés.
Je serois ingrat si je ne vous donnois advis que nous avons icy le seigneur chevallier Buccio,
prieur de Contamine21, qui s'employe pour nous a bon escient, et le seigneur Bartholommeo
Bonesio, cameriero secreto di Sa Sainteté.
Or, nous esperons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en presence
du tems et loysir que nous avons fait des nostre despart ; ce ne sera jamais si tost que je le desire.
Et priant Dieu pour vostre longue et bonne santé, je demeure æternellement,
Monseigneur,
Vostre tres humble filz et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverme Evesque et Prince
de Geneve.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Périgueux. [5]
_____
CXXII. Au chanoine Louis de Sales, son cousin22. Succès du
Prévôt dans l'examen public qu'il yient de subir devant le Pape.
Rome, 26 mars 1599.
Je vous confesse ingenuement que Dieu n'a pas permis que nous ayons esté confus dans
l'examen23, quoy qu'en ne regardant que moy mesme je n'attendis que cela. Je vous asseure que M.
le Grand Vicaire est sorti du Consistoire plus joyeux que moy. Ce fidele amy ne s'empressera que
trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent
d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine ; mays quoy que
nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos
ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu
Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms. de l'Année Sainte de la Visitation, conservé au
Monastère d'Annecy. [6]
_____
20 François de Chissé, vicaire général de Mgr de Granier, avait accompagné le Prévôt à Rome, avec ordre de solliciter
pour ce dernier les Bulles de coadjuteur de l'Evèque de Genève avec future succession.
21 Philippe Buccio, chevalier des Saints Maurice et Lazare, remplissait dès 1576 les fonctions d'agent à Rome ; on l'y
retrouve encore en 1604. Il paraît s'être peu occupé des moines de Contamine en Savoie, dont il était prieur
commendataire depuis l'année 1596.
22 Louis de Sales, cousin germain et condisciple de saint François de Sales à La Roche, à Annecy et à Paris, était né
le 27 juillet 1564. Déjà chanoine de la cathédrale en 1585, il facilita l'entrée de son cousin dans l'état ecclésiastique eu
lui obtenant, à son insu, la dignité de Prévôt de ce Chapitre. Peu après il l'accompagna dans la mission du Chablais,
dont il partagea pendant quelque temps les travaux et les périls. Nous le voyons aux côtés du jeune Apôtre dans les
circonstances les plus solennelles de cette mission, au cours de laquelle il desservit les paroisses à peine organisées de
Brens et de Thonon. Le chanoine de Sales remplaça notre Saint devenu Evêque, dans la dignité de Prévôt du Chapitre
(30 juillet 1603), et joignit plus tard à cette charge celles de vicaire général et official. Il fut aussi curé d'Arbusigny.
C'est lui qui publia, de concert avec sainte Jeanne-Françoise de Chantal, la première édition des Epistres spirituelles
de saint François de Sales (voir l'Avant-Propos de notre tome XI, pp. VIII-X) ; mais il mourut avant l'achèvement de
cette publication (15 octobre 1625).
23 Voir le tome précédent, note (598), p. 268.
23/340

3.4 Page 24

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CXXIII. Au Père Juvénal Ancina de la Congrégation de
l'Oratoire24. Bienveillant accueil reçu de l'Evê105que de Lorette
et de l'Archevêque de Bologne sur la recommandation du P.
Ancina ; estime que professe pour ce dernier le duc de Savoie.
Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et
Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens
ecclésiastiques du Chablais. Voyage projeté de Charles-
Emmanuel en France, Divers messages.
Turin, 17 mai 1599,
Molto Reverendo Padre et Signore mio
Mon très Révérend Père et très honoré
osservandissimo,
Seigneur,
Se ben non ho ancora finito il viaggio
del mio ritorno per esser stato miseramente
inchiodato in questa corte un mese intero, devo
tuttavia dar raguaglio a V. P. molto Rda delli
molti favori ricevuti da me per mezzo et [7]
merito suo. In Loreto ho goduto
l'amarevolezza (sic) et le accoglienze di
Monsignore Rmo Vescovo25 et del signor
Primicerio26, che V. P. mi prædisse, in
mensura conferta et coagitata27, et ci fecero
Bien que je ne sois pas encore au terme
de mon voyage de retour, ayant été
misérablement cloué en cette cour un mois
entier, je dois cependant donner à Votre très
Révérends Paternité le détail de toutes [7] les
faveurs que j'ai reçues en sa considération. A
Lorette j'ai joui de la part de Mgr le
Révérendissime Evêque et de M. le Primicier,
mais dans une mesure entassée et débordante,
de la bienveillance et du bon accueil que vous
24 Jean-Juvénal Ancina, qui appartenait à une famille d'origine espagnole, étail né à Fossano, en Piémont, le 19 octobre
1544. Il commença à Montpellier des études de philosophie et de médecine qu'il poursuivit à Mondovi et à Padoue,
où l'activité de son esprit embrassa presque toutes les branches des connaissances humaines. A Turin il prit les grades
de docteur en philosophie et en médecine ; il y professait cette dernière science lorsque le comte Madrucci, nommé
ambassadeur à Rome, voulut se l'attacher en qualité de médecin. Ancina se lia avec les premiers membres de l'Oratoire,
notamment avec Baronius, et ne tarda pas à entrer dans leur Congrégation (1er octobre 1578), après avoir etudié la
théologie sous Bellarmin. Il l'enseigna lui-même d'abord à l'Oratoire de Rome, puis à celui de Naples, où il exerça
pendant dix ans son zèle apostolique (1586-1596). Un ordre exprès du Pape l'ayant obligé d'accepter l'évêché de
Saluccs qu'il avait d'abord refusé, il fut sacré le 1er septembre 1602, et s'occupait activement à la réforme de son
diocèse quand il mourut empoisonné le 31 août 1604. Ses éminentes vertus et les miracles qu'il opéra pendant sa vie
et après sa mort lui méritèrent les honneurs de la béatification (30 mai 1889).
Le bienheureux Ancina a laissé de nombreux opuscules et des poésies. Il avait publié dans sa jeunesse :
l'Academia Subalpina (Mondovi 1565) et la Naumachia Principum Christianorum, ad Hieronymum Priolum
Venetiarum Ducem (Padoue 1566).
On verra dans la suite de la correspondance de saint François de Sales quelle estime et quelle affection il
avait vouées à l'Evêque de Saluces.
25 Rutilius Benzoni, de noblesse romaine, remarquable par sa sainteté et son érudition, était évêque de Lorette depuis
l'année 1586. Le siège épiscopal de Recanati qui avait été supprimé cette même année, fut en 1591 reconstitué pour
lui et uni à celui de Lorette. Ce Prélat fit rebâtir le palais épiscopal et publia plusieurs dissertations : De Ecclesiastica
immunitate, De anno Jubilæi, De Beata Virgine. (Cf. tome V de cette Edition, p. 447.) Il mourut le 31 janvier 1613.
26 Le primicier était, d'après la Bulle d'érection du Chapitre de Lorette (16 mars 1586), le troisième dignitaire de ce
Chapitre. A don Ginebro Gentilucci, le premier qui en fut investi, avait succédé (Bulle du 31 octobre 1586) don
Antoine-François Costantini, d'une noble famille de Recanati, qui était en même temps vicaire général de l'Evêque. Il
possédait encore la dignité de primicier le 24 février 1608. (Archives dur Chapitre de Lorette.)
27 Lucæ, VI, 38.
24/340

3.5 Page 25

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celebrare nella Santa Casa, toccar l'Imagine
santa et veder tutte le cose prætiose.
Monsignor Vescovo non hebbe commodità di
favorirme delle sue Opre per non haverne altro
essemplare ch' il suo familiare ; ma ne hebbe
desiderio, et mi diede in carico che
occorrendomi l'occasione di qualche latore, lo
facessi ricordare di mandarmene. In Bologna
parimente mi abbracciò con molta carità
Monsignor [8] l' Illmo Arcivescovo28, non
senza moltissimi favori, se ben non hebbi
modo di salutarlo senon in ipso profectionis
articulo, perchè la sera et mattina precedente si
ritruovò travagliato dal catarro in modo che
non se glie poteva domandar audientia senza
grande indiscretione. Basta che per amor suo
son stato conosciuto et accarezzato di quelli
duoi segnalati Prælati, la memoria delli quali
non può se non promovere in me li desiderii
del ben vivere.
Qui in Turino salutai Monsignor
Arcivescovo29 etiandio a nome di V. P. molto
Rda, laquale egli protestò di riverire molto. Feci
poi la debita riverenza a Sua Altezza,
dandoglie breve rilatione della mia
negociatione romana della quale restò
sodisfatto, dall'essame in poi, il quale prima
fronte glie parve fuori del dovere30 ; ma sentite
le mie ragioni, restò appagato. Et fra molti
quæsiti venne in proposito di V. P. con quelle
honorevoli [9] parole che da tal Prencipe si
devono aspettare, non però senza un amoroso
rissentimento del ricusato vescovato,
« Et spretæ injuria formæ... manet31 ; »
ma, comme dico, con amoroso et non con
amaro rissentimento ; là dove io dissi quel
tanto che da V. P. haveva sentito, et si quietò
nelle honorevoli parole nelle quali si era
comminciato il ragionamento.
Fra tanto li signori Cavaglieri di San
Lazaro, sapendo ch'io portavo il Breve di Sua
Santità col quale si dà authorità a Monsignor di
Geneva di applicare le loro entrate che hanno
nelle parrochie convertite, alla sustentatione
de'curati, pastori et prædicatori, mi fan citare
m'aviez prédits. Ils nous firent célébrer dans la
Sainte Maison, toucher la sainte image et voir
tous les objets précieux. Mgr l'Evêque,
quoiqu'il eût le désir de me gratifier de ses
Œuvres, ne put le faire, n'ayant d'autre
exemplaire que celui dont il se sert
habituellement ; mais il me chargea, l'occasion
de quelque porteur se présentant, de le faire
ressouvenir de me les envoyer. A [8] Bologne
aussi Mgr l'Illustrissime Archevêque
m'embrassa avec beaucoup de charité et me
combla de faveurs, quoique je n'aie pu le saluer
qu'au moment du départ ; car le matin et le soir
précédent il se trouva incommodé du catharre
de telle sorte qu'on ne pouvait lui demander
audience sans une grande indiscrétion. Il suffit
de dire que, grâce à vous, j'ai été connu et
affectueusement traité par ces deux insignes
Prélats, dont lesouvenir ne peut qu'exciter en
moi le désir de bien vivre.
Ici à Turin je n'ai pas manqué de saluer
Mgr l'Archevêque au nom de Votre très
Révérende Paternité, pour qui il m'a protesté
avoir une grande estime. J'ai aussi présenté
mes hommages à Son Altesse, lui faisant un
rapport succinct de ma négociation à Rome.
Elle en fut contente, sauf de l'examen qui, de
prime abord, lui parut hors de propos ; mais
après avoir entendu mes raisons, elle en
demeura satisfaite. Entre autres discours, Son
Altesse vint à me parler de Votre Paternité en
des termes aussi honorables qu'on peut
l'attendre d'un [9] tel prince, non cependant
sans un affectueux ressentiment au sujet de
l'évêché refusé,
« Et l'injure faite il sa beauté méprisée...
demeure ; »
mais, comme je dis, ce fut un ressentiment
affectueux et non point amer ; alors je lui fis
connaître ce que j'en avais appris de vous, et
l'entretien se termina dans les mêmes termes
honorables avec lesquels il avait été
commencé.
Cependant MM. les Chevaliers de
Saint-Lazare sachant que j'étais porteur du
28 Alphonse Paleotti, noble bolonais, avait été d'abord archidiacre de Bologne, archevêque de Corfou (13 février 1591)
et coadjuteur avec future succession de son cousin, l'illustre Cardinal Gabriel Paleotti, premier archevêque de Bologne,
auquel il succéda le 27 juillet 1597. Il posa en 1605 la première pierre de sa cathédrale, et mourut en 1610 à l'âge de
79 ans.
29 Charles Broglia.
30 C'est-à-dire opposé au privilège qui dispensait les Evêques de Savoie de tout examen avant leur promotion.
31 Virgil., Æneis, l. I, 26, 27.
25/340

3.6 Page 26

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per render ragione della mia villicatione32, et
son stato costretto di fermarmi qui sin tanto che
Sua Altezza mi ha spedito ; onde spero di
partire quanto prima, sì per uscir fuori de
questi pericoli, che in vero sonno da stimare, sì
anco per ritornar all' opera. Et di tutti li
successi segnalati darò sempre conto a V. P.
molto Rda, et anco di me medesimo, come di
cosa assolutamente sua.
Si spera che Sua Altezza debba andar
in Francia dove [10] è aspettata con gran
desiderio dal Rè, il quale a (sic) commesso al
Prencipe di Conti33 et Conte di Soyssons34 che
lo debbano incontrare nelli confini et condurlo
dove si ritrovarà Sua Maestà, con tutti quelli
honori che a lei si sogliono fare, sì come la
Prencipessa di Conti35 scrisse per latore
espresso ad un suo negociatore36 che ha in
questa corte. Di Turino si puoi dire : Quomodo
facta est sola37, poichè ognuno fuge, dal
Prencipe in poi, che tuttavia dispone di uscire
anco luy (sic). In Savoya è grandissimo
contagio, nella città di Geneva et in certi luoghi
vicini a Monmelliano ; il restante è libero
afatto. [11]
Questo per adesso mi occorre, essendo
distratto per le sollecitationi ch'io fò delle cose
nostre ecclesiastiche. Et in tanto bascio a V. P.
le mani sacrate, prieghandola di tener memoria
di me nelle sue orationi, sì come io, per debito
mio, priegho continuamente il Signor nostro
che a beneficio de molti la conservi.
Di V. P. molto Rda,
Divotissimo et humilissimo servitore,
FRANCO DE SALES,
Praevosto di Geneva.
Di Turino, alli 17 Maïo 99.
Bascio le mani alli Rdo P. Giovan
Bref de Sa Sainteté qui confère à Mgr de
Genève l'autorité d'appliquer à la subsistance
des curés, des pasteurs et des prédicateurs les
revenus qu'ils ont sur les paroisses converties,
me font citer pour rendre raison de mon
administration. J'ai donc été contraint de
m'arrêter ici jusqu'à ce que Son Altesse me
congédie ; néanmoins j'espère partir au plus
tôt, soit pour sortir de ces périls, qui vraiment
sont à considérer, soit aussi pour retourner à
l'œuvre. Je rendrai compte à Votre Paternité de
tous les évènements remarquables, et aussi de
moi-même, comme d'une chose absolument
sienne.
On espère que Son Altesse ira en
France, où elle est ardemment [10] désirée par
le roi, qui a chargé le prince de Conti et le
comte de Soissons d'aller à sa rencontre
jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite
là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les
honneurs que l'on a coutume de lui rendre à
elle-même ; c'est ce que la princesse de Conti
écrivit par un exprès à son chargé d'affaires en
cette cour de Savoie. De Turin on peut dire :
Comment est-elle devenue deserte ? puisque
chacun fuit, si ce n'est le prince qui se dispose
néanmoins à sortir lui aussi. La contagion est
très grande en Savoie, à Genève et dans les
environs de Montmélian ; le reste est tout à fait
libre. [11]
C'est tout ce que j'ai à vous
communiquer pour le moment, distrait comme
je le suis par les poursuites que je fais pour nos
affaires ecclésiastiques. En attendant je baise
les mains sacrées de Votre Paternité, en la
priant de se souvenir de moi dans ses prières,
comme pour acquitter ma dette de
reconnaissance, je prie continuellement Notre-
32 Lucæ, XVI, 2.
33 François de Bourbon, prince de Conti, souverain de Chateauregnault, chevalier des Ordres du roi, gouverneur
d'Auvergne, de Paris (1595), puis du Dauphiné, était né à la Ferté-sous-Jouarre le 19 août 1558. Il suivit la carrière
des armes et mourut le 3 août 1614.
34 Charles de Bourbon, comte de Soissons et de Dreux, pair et grand maître de France, seigneur de Chastel-Chinon,
etc., chevalier du Saint-Esprit, frère consanguin du précédent, était né à Nogent-le-Rotrou, le 3 novembre 1566.
Pendant les guerres de la Ligue, il suivit le parti de Henri IV, commanda la cavalerie au siège de Paris (1590), servit
aux sièges de Chartres (1591) et de Rouen (1592). Le comte de Soissons fut mis à la tête des troupes du roi pendant
la guerre de Savoie (1600), et fut nommé, l'année suivante, gouverneur du Dauphiné. Il mourut le 1cr novembre 1612.
35 Jeanne de Coëme, dame de Bonnestable et de Lucé, veuve de Louis, seigneur de Montafia, en Piémont, avait épousé
le 17 décembre 1581 François de Bourbon. Elle mourut le 26 décembre 1601.
36 Probablement « Pierre Poggio, seigneur de Saix en Faucigny, » qui négociait alors au nom de la princesse de Conti
et de sa fille, Anne de Montafia, la vente des terres de Montafia et de Tigliole à la couronne de Savoie. Il est qualifié
« agens et generalis negociator Illustrissimarum Dominarum de Montafia. » (Turin, Archives de l'Archevêché et
Archives de l'Etat.)
37 Thren., I, 1.
26/340

3.7 Page 27

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Mattheo, suo fratello, et ambidue li Rdi PP. Seigneur qu'il la conserve pour le bien d'un
Thomasi38 et al R. P. Anthonio39 ; [12] et grand nombre.
occorrendo di tenerme nella memoria di
De Votre très Révérende Paternité,
Monsignor l'Illustrissimo Cardinale vostro40
Le très dévoué et très humble serviteur,
l'haverò per summo favore.
FRANÇOIS DE SALES,
Al Molto Rdo Padre et Sigr mio in Christo
Prévôt de Genève.
colendissimo,
De Turin, le 17 mai 1599.
Il P. Giuvenale Ancina, Theologo della
Je baise les mains au R. P. Jean-
Congregatione dell' Oratorio. Matthieu, votre frère, aux deux RR. PP.
Roma. Thomas et au R. P. Antoine, et si l'occasion se
Revu sur l'Autographe conservé au Pensionnat présente [12] ce serait pour moi une grande
de Sainte-Ursule, à Parme.
faveur de me rappeler au souvenir de Mgr votre
Illustrissime Cardinal.
A mon très Révérend Père et très honoré
Seigneur en Jésus-Christ,
Le P. Juvénal Ancina,
Théologien de la Congrégation de l'Oratoire.
Rome.
_____
38 Ces « deux Pères Thomas » devaient être Thomas Bozio et Thomas Galletti. Le premier, natif de Gubbio (Ombrie),
était entré à l'Oratoire vers 1570. On lui doit plusieurs ouvrages, entre autres : De Ecclesiæ signis, De Ruinis Gentium
et Regnorum, De antiquo et novo Italiæ statu, etc., ces deux derniers contre Machiavel. Thomas Bozio composait une
Vie du bienheureux Ancina quand la mort le surprit le 9 décembre 1610.
Thomas Galletti avait été l'un des compagnons de Tarugi dans la fondation de l'Oratoire de Naples. Dans la
suite, il quitta la Congrégation.
39 Antoine Gallonio, l'un des plus chers disciples de saint Philippe de Néri, fut le premier à écrire la Vie de ce Saint.
Il composa encore divers autres ouvrages, notamment un traité fort curieux sur les supplices infligés aux Martyrs. Le
P. Gallo a mourut en 1605.
40 Le Cardinal César Baronius.
27/340

3.8 Page 28

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CXXIV. Au chevalier Joseph de Ruffia41. Invitation à se rendre
en Chablais.
Turin, 21 mai 1599.
Molto Illustre Signore,
Très Illustre Seigneur,
Il signor Præsidente di Rochetta è in
Savoia, et io vi sarò presto, volendo Iddio.
Restarà che anco V. S. molto Illustre non tardi
a venire per spedire quel tanto [13] che tocca
al servitio d'Iddio et delle anime in quelli
balliagii di Thonone et Ternier, già che, per
quanto vedo, V. S. molto Illustre è nominata
per esser præsente all'essecutione del Breve
della Sede Apostolica.
Supplico adunque V. S. che si degni
considerare che tanto è in questa occurrentia la
ritardatione dell' opra quanto la destruttione,
poichè essendo gl'operatori senza provisione,
non possono star così se non brevissimo
tempo. Onde è ubligatissima in conscientia di
non tardare a venire, poichè dalla sua venuta
dipende il negotio et senza lei non si può far
altro. Si ricordi che questo è servitio d'Iddio,
nel quale la negligentia è maledittione42 ; et mi
perdoni se io con questa libertà l'invito a venire
senza indugio, perchè così mi sento ubligato di
fare, et stimo di trattare con un signore tanto
giuditioso, che conoscerà bene la necessità che
preme. Et per tanto ardisco di replicare che,
lasciate da banda tutte le [14] considerationi, o
di contaggii o di altri impedimenti, V. S. è
ubligatissima di venire quanto prima dove io
vado aspettarla, con animo di restare, et là et
dovunque io mi ritrovarò giamai,
Di V. S. molto Illustre,
Affettionatissimo et humilissimo servitore nel
Signore,
FRANCO DE SALES,
Prævosto di Geneva.
Torino, dove io glie pregho dal Signore
la felicità seterna. Alli 21 Maio, 99.
Al Molto Illre Sigre mio osservandissimo,
M. le président de Rochette est en
Savoie, et moi-même j'y serai bientôt, s'il plaît
à Dieu. Il reste que Votre très Illustre
Seigneurie, de son côté, ne tarde pas à s'y
rendre, afin de terminer ce qui concerne [13] le
service de Dieu et des âmes dans ces bailliages
de Thonon et Ternier, puisque je vois que
Votre très Illustre Seigneurie a été nommée
pour assister à l'exécution du Bref du Siège
Apostolique.
Je supplie donc Votre Seigneurie de
daigner considérer que, dans cette conjoncture,
le retard de l'œuvre équivaut à sa ruine ; car les
ouvriers se trouvant sans provision, ne peuvent
demeurer ainsi que fort peu de temps. Il en
résulte que Votre Seigneurie est absolument
obligée en conscience de venir sans retard,
puisque de son arrivée dépend le succès de
l'entreprise, et que, sans Elle, on ne peut rien.
Veuillez vous rappeler qu'il s'agit ici du service
de Dieu, dans lequel toute négligence attire la
malédiction, et me pardonnez si avec tant de
liberté je vous invite à venir sans délai, car je
me sens obligé d'agir ainsi. D'ailleurs, j'estime
traiter avec un personnage si judicieux qu'il
reconnaîtra facilement l'urgence de la
nécessité. C'est pourquoi je m'enhardis à
répéter que, laissant de côté toute [14]
considération, soit d'épidémie contagieuse,
soit d'autres empêchements, Votre Seigneurie
est absolument obligée de se rendre au plus tôt
où je vais l'attendre moi-même, avec la volonté
de demeurer à jamais, là et partout où je me
trouverai,
De Votre très Illustre Seigneurie,
Le très affectionné et très humble serviteur
dans le Seigneur,
41 Joseph Cambiano, seigneur de Ruffia, Lisio, Perlo et Malpotremo, était fils ainé de Jean-Baptiste, conseiller et
majordome du duc de Savoie, et de Lucrèce de Saluces de la Manta. On le trouve mentionné en 1573 comme grand
prieur et receveur général de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare dans les bailliages du Piémont. Une patente de 1595
lui donne le titre de Grand Croix du même Ordre. Le chevalier Ruffia fut général d'artillerie (5 octobre 1580) et chargé
par son souverain de négociations importantes. Il composa des Mémoires publiés sous le titre d'Historico discorso
(Historiæ patriæ monumenta. Scriptores, t. I).
42 Jerem., XLVIII, 10.
28/340

3.9 Page 29

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Il Sigr di Ruffia,
Gran Priore della Religion delli Sti Mauritio
et Lazaro in Piemonte,
Consegliere di Stato et Generale della
artiglieria di S. A. S.
Ruffia.
FRANÇOIS DE SALES,
Prévôt de Genève.
Turin, d'où je vous souhaite du
Seigneur le bonheur éternel. Le 21 mai 1599.
A mon Illustrissime et très honoré Seigneur,
Revu sur l'Autographe conserve à Turin,
Archives de la Grande Maîtrise des Saints
M. de Ruffia,
Maurice et Lazare. [15]
Grand Prieur de l'Ordre des Saints Maurice et
Lazare en Piémont,
conseiller d'Etat et général de l'artillerie de
Son Altesse Sérénissime.
Ruffia.
_____
CXXV. A M. Antoine D'avully. Réclamation d'une somme due
à M. de Boisy
Sales, 25 juillet 1599.
Monsieur,
Obliges moy, je vous supplie, de tant, outre tant de devoirs que je vous auray toute ma vie,
que de me faire sçavoir si mon pere se pourra promettre quelque pavement ou du tout ou d'une
partie de la somme qu'il a sur l'hoirie de feu monsieur le baron d'Hermence43 en ceste necessité
qu'il en a maintenant. Ceste sollicitation m'est imposee pour la contribution du soin que je dois aux
affaires de mon pere, et ne m'en pourroit arriver de plus ennuyeuse. Elle le seroit toutefois encor
plus si je n'estois tout seur que vous voudres bien vous repræsenter la justice du desir que peut
avoir un creancier de se servir du sien en son besoin, et un filz, de servir a la raysonnable volonté
de son pere.
Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prosperité, et vous supplie croire que
vous ne sçauries donner credit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus
entierement et fermement,
Monsieur,
Vostre tres humble [serviteur],
FRANÇS DE SALES,
Prævost de Geneve.
A Sales, ou tous vous saluent humblement, et madame vostre partie avec toute vostre
famille ; le 25 julliet 99.
A Monsieur
Monsieur d'Avully.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Vuÿ, à Carouge (canton de Genève). [16]
_____
43 M. d'Avully, l'un des héritiers de son beau-frère le baron d'Hermance, avait à sa charge le devoir d'acquitter une
partie des dettes dont était grevée cette succession.
29/340

3.10 Page 30

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CXXVI. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique A Turin. Retard que les Chevaliers des
Saints Maurice et Lazare apportent à l'exécution du Bref
apostolique. Activité des Genevois pour entraver les
conversions. Persévérance des convertis ; grâces qu'ils
reçoivent de Dieu.Demande de diverses faveurs
Chambéry, 24 août 1599.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
mio osservandissimo,
Révérendissime Seigneur,
Fra molte ragioni per lequali la
difficoltà dei passi ci è dannosa, a me
particolarmente par di gran nocumento che per
questo siamo privi della consolatione delle
lettre di V. S. Illma et Rma, et anco di potergliene
inviare così facilmente dal canto nostro come
dovressimo et desideriamo.
Potendo adesso scrivere per ritrovarme qui in
Chiamberi, dirò a V. S. Illma et Rma che le cose
della conversione in Chiablais et altri balliaggi,
sì come non vanno in dietro, così non vanno nè
anco molto inanzi, perchè il progresso dipende
delli servitii et essercitii catholici, liquali non
si ponno fare con quella decentia et splendore
[17] che converria in questi principii, per
mancamento de denari et altri mezzi necessarii
; poichè nè anco li sacerdoti stabiliti in quelle
parti hanno le provisioni necessarie alla
necessaria sustentatione, sì che se Monsignor
Rmo Vescovo non li havesse incantati con varie
lusinghe et belle parole, non cie ne saria restata
la mezza parte. Il che avviene perchè Sua
Altezza Serenissima havendo deputati il signor
primo Præsidente di questo Senato44 et il
signor cavaglier di Ruffia, per assistenti di
Monsignor Vescovo nell' assignatione da farsi
delle portioni necessarie alli curati sopra li
beneficii delli balliagii, secondo l'ordine della
Santa Sede, detto Cavagliere, il qual doveva
venire subito quando io partii di Turino, non è
mai comparso. Et non si può negare che in ciò
non vi sia colpa, o di estrema negligentia, o di
affettata ritardatione per mantenere l'indebita
possessione de' Cavaglieri circa quelli
Parmi les nombreuses raisons pour
lesquelles la difficulté des passages nous est
préjudiciable, il me semble que la plus
importante est que nous sommes privés de la
consolation de recevoir des lettres de Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et
que, de notre coté, nous ne pouvons lui en
expédier aussi facilement que nous le devrions
et désirerions.
Me trouvant maintenant à Chambéry,
je puis écrire à Votre Seigneurie, et lui dire que
si bien les affaires de la conversion du Chablais
et des autres bailliages ne reculent pas, de
même aussi n'avancent-elles pas beaucoup ;
car le progrès dépend des offices et des
exercices du culte catholique qui, faute
d'argent et d'autres moyens [17] nécessaires, ne
peuvent se faire avec la décence et l'éclat qui
seraient convenables dans ces
commencements. Et même les ecclésiastiques
établis de ces côtés n'ont pas les provisions
strictement requises à leur entretien ; de sorte
que si Mgr notre Révérendissime Evêque ne les
avait charmés par des caresses et de belles
paroles, il n'en serait pas resté la moitié. La
cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime
ayant député M. le premier Président du Sénat
et M. le chevalier de Ruffia pour assister à la
répartition que Mgr l'Evêque doit faire, selon
l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires
aux curés, prises sur les bénéfices des
bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je
partis de Turin, devait venir immédiatement,
n'a jamais paru. Et l'on ne peut nier qu'il ne soit
44 Charles de Rochette. Voir ci-devant, Lettre CXXIV, p. 13.
30/340

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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beneficii, delli quali se ben si va cavando parte
dell' entrata per l'essercitio catholico, la cosa
tuttavia si fa con tanta incommodità che non
riesce.
Et dell'altro canto, non mancano li
Genevrini et altri [18] nemici vicini di opporsi
al progresso della santa negotiatione con
spargere diverse minaccie et rumori di guerra,
con spargere anco libri et scritti, et mandare
secretamente spioni et corruttori delle anime
fra quelli popoli ; et in ogni modo la loro
diligentia nel male riprende la negligentia delli
Catholici nel bene. Et tuttavïa è verissimo che
delli convertiti nessuno ha mai fatto segno di
voltarsi adietro, et sempre si vanno
fortificando nella fede et convertendosi alcuni
delli ostinati che erano rimasti nell'hæresia45.
Et è cosa chiara che il Signor Iddio ricerca da
noi grandissima diligentia et zelo
nell'adoprarsi in questa impresa, poichè egli va
etiamdio facendo in quelle bande certe gratie
che si ponno chiamar piccoli, anzi grandi
miracoli, si comme, havendone più particolar
certezza, ne darò raguaglio a V. S. Illma.
Aspetto con gran desiderio l'estentione
della facoltà di assolvere gl'hæretici extra
sacramentalem confessionem, perchè cie n' è
necessità, et anco avviso della risolutione che
si sarà pigliata Sua Santità circa la [19]
missione de' Padri Giesuiti, della quale V. S.
Illma et Rma toccava quando io glie basciai le
mani appresso Chieri. Veramente, se nella
risolutione della pace si farà un sforzo in far
splendidamente rilucere l'essercitio et dottrina
catholica in questi paesi, son certo che
videbimus gloriam Dei46 et che in questo
Giubilæo forse si restituiranno le possessioni
alii antichi padroni, secondo la Legge47,
perchè si vede chiaro che quel tanto di
resistentia che li ministri Genevrini fanno, non
nasce tanto d'animo o cuore che glie resti,
quanto di rabbia et disperatione ; et se li
premeremo un poco gagliardamente, saranno
spediti, et il popolo loro, già stracco delle loro
ciancie, facilmente darà orecchio alla verità.
Intendo che il P. Cherubino fa buona
sollecitatione appresso Sua Santità, et pare ch'
Iddio habbia disposto il cuore del suo Vicario
coupable en cela, ou d'une extrême négligence,
ou d'un retard affecté pour maintenir l'injuste
possession des Chevaliers relativement à ces
bénéfices ; bien que l'on retire une partie du
revenu pour l'exercice du culte catholique, cela
se fait cependant avec tant de difficulté que la
chose ne peut réussir.
D'autre part, les Genevois et d'autres
ennemis des environs ne [18] manquent pas de
s'opposer au progrès de la sainte négociation
en répandant des menaces et des bruits de
guerre. Ils répandent aussi des livres et des
écrits, et envoient secrètement parmi ces
populations des espions et des corrupteurs
d'âmes ; et en toute façon, leur diligence pour
le mal condamne la négligence des
Catholiques pour le bien. Cependant il est très
vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais
fait mine de regarder en arrière ; toujours ils se
fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit
d'autres qui étaient des plus obstinés dans
l'hérésie. Il est évident que Dieu demande de
nous une très grande diligence et un grand zèle
à nous employer à cette entreprise, car il
accorde dans ces pays certaines grâces que l'on
pourrait appeler de petits, ou plutôt de grands
miracles, comme j'en donnerai connaissance à
Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en
serai plus sûrement informé.
J'attends avec un grand désir
l'extension en dehors de la confession
sacramentelle de la faculté qui m'est concédée
d'absoudre les hérétiques, car cela est
nécessaire. J'attends aussi l'annonce de la
dérision que Sa Sainteté aura prise
relativement à la mission des [19] PP. Jésuites,
dont Votre Seigneurie me parla quand je lui
baisai les mains près de Chieri. Vraiment, si
dans la conclusion de la paix on fait un effort
pour faire resplendir l'exercice du culte et la
doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que
nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être,
selon la Loi, les possessions seront, pendant ce
Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres ; car
on voit clairement que toute la résistance faite
par les ministres Genevois provient moins du
courage ou de l'ardeur qui leur reste que de
rage et de désespoir ; en sorte que si nous les
45 Parmi ces nouveaux convertis les plus marquants étaient l'avocat Claude de Prez et son fils Antoine, Maurice de
Brotty et les deux frères Joly.
46 Joan., XI, 40.
47 Levit., XXV, 10,13 ; XXVII, 24.
31/340

4.2 Page 32

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ad attendere a questa necessità.
Monsignor di Geneva è in Tonone, nè
ardisce di lasciarlo sin tanto che le cose siano
stabilite et saldate ; ciè anco con lui il P.
Bernardino Castorio, Jesuito48. Io son [20]
venuto qui per la lite del benefitio di
Bornando49, il quale essendomi stato concesso
per gratia di V. S. Illma et Rma, vien occupato
da altri senza titolo, et spero che fra poco me
ne vederò liberato.
Non voglio perdere il possesso, quale
sin adesso mi son conservato, di farglie sempre
qualche richiesta. Ci sonno certi poveracci
quali hanno havuto copula carnale et contratto
sponsalitio ; et credendo di venir in
matrimonio, si è scoperto che erano in terzo et
quarto gradu consanguinitatis, il che sin alhora
non sapevano. Et perchè parmi che V. S. Illma
et Rma habbia facoltà di assolvere et dispensare
per tali matrimonii, massime fra poveri, io
supplico V. S. Illma si degni usargli questa
gratia. Li loro nomi sonno : Claudio
Fenolando, da una parte, et Perneta
Mermillioda dall'altra ; quello, della parrochia
Thorentii, et questa, Rupis, di questa diocesi
ambidue.
Mi perdoni V. S. Illma et Rma se io
eccedo le regole di modestia in scriverglie con
tante importunità, perchè veramente non ho
altro da chi ricorrere senon alla sua bontà,
laquale ha usata meco tante volte ch'io non ne
sò [21] più fare difficoltà. Non lasciarò di
domandarglie ancora avviso della mente di Sua
Santità circa la riformatione delli monasterii di
Savoya, opra necessaria quanto possa essere.
Priegho poi il summo Iddio di
conservar V. S. Illma a gloria del suo santo
nome et utilità della santa Chiesa, et facendoli
humilissima riverentiacon basciarli le sacrate
mani, resto aeternamente,
Di V. S. Illma et Rma,
Divotissimo et ubligatissimo servidore,
FRANCO DE SALES,
Prævosto di Geneva.
In Chiambri, alli 24 Agosto 99.
Per esser li passi di Roma chiusi,
supplico V. S. Illma di commandare che si invii
pressons un peu énergiquement, c'en est fait
d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes
qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la
vérité. J'apprends que le P. Chérubin sollicite
avec zèle Sa Sainteté, et il paraît que Dieu a
disposé le cœur de son Vicaire à s'occuper de
cette nécessité.
Mgr de Genève est à Thonon, et il n'ose
en partir jusqu'à ce que les choses soient
établies et solidement affermies ; le P.
Bernardin Castorio Jésuite est aussi avec lui. Je
suis venu ici pour le procès de [20] la cure du
Petit-Bornand, laquelle m'ayant été accordée
par la faveur de Votre Seigneurie Illustrissime
et Révérendissime, est occupée par d'autres
sans titre, et j'espère que dans peu je me verrai
délivré de ces compétiteurs.
Je ne veux point perdre le droit que je
me suis réservé jusqu'ici de vous faire toujours
quelque demande. Il s'agit de pauvres gens qui
ont ... échangé des promesses de mariage ;
voulant ensuite en venir a l'exécution, on a
découvert qu'ils étaient parents au troisième et
quatrième degré, ce qu'ils n'avaient pas su
jusqu'alors. Et parce qu'il me semble que Votre
Seigneurie a le pouvoir d'absoudre et de
dispenser pour tels mariages, surtout entre les
pauvres, je la supplie de daigner leur faire cette
grâce. Leurs noms sont Claude Fenoland,
d'une part., et Pernette Mermillod de l'autre ;
celui-là de la paroisse île Thorens, et celle-ci
de La Roche, tous les deux de ce diocèse.
Que Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime me pardonne si j'outrepasse
les règles de la discrétion en lui écrivant avec
tant d'importunité, car je n'ai vraiment
personne à qui recourir sinon [21] à sa bonté ;
Elle me l'a témoignée tant de fois que je ne puis
faire difficulté de la réclamer. Je ne laisserai
pas de vous demander encore quelle est
l'intention de Sa Sainteté touchant la réforme
des monastères de Savoie, œuvre nécessaire
autant qu'il se peut dire.
Je prie Dieu de conserver Votre
Seigneurie pour la gloire de son saint nom et
l'utilité de la sainte Eglise, et lui faisant très
humble révérence en baisant ses mains sacrées,
je demeure éternellement,
48 Le P. Bernardin Castorio, né à Sienne en 1543, était entré dans la Compagnie de Jésus en 1539, et avait fait à Lyon
la profession des quatre vœux le 5 août 1584. Il enseigna la philosophie et la rhétorique, fut recteur de Lyon, puis du
Collège germanique à Rome, où il mourut le 15 mars 1634.
49 Voir tome XI de cette Edition, note (733), p. 328.
32/340

4.3 Page 33

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il plico qui giunto.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
All'Illmo et Revermo Sigr Padron colendissimo, Révérendissime,
Monsigr l'Arcivescoüo di Bari,
Le très dévoué et très obligé serviteur,
Nuntio Apostolico appresso S. A. Serenma.
FRANÇOIS DE SALES,
Vigliano.
Prévôt de Genève.
A Chambéry, le 24 août 1599.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome,
Les passages de Rome étant fermés, je
Archives Vaticanes. [22]
supplie Votre Seigneurie Illustrissime de faire
expédier le pli ci-joint.
A l'Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Monseigneur l'Archevêque de Bari,
Nonce Apostolique auprès de Son Altesse
Sérénissime. Vigliano. [22]
_____
CXXVII. Au même. Réception de deux lettres du Nonce.
Eloge de Mgr de Vienne. Largesses du duc de Savoie ; son
projet d'établir un collège de Jésuites à Thonon. Prochaine
arrivée de ces Religieux. Détails matériels
Thonon, 23 septembre 1599.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
mio colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
Hebbi due lettere da V. S. Illma et Rma,
una per mano di Monsignor Rmo di Vienna, del
31 di Agosto, et l'altra per via di Monsignor di
Tarentasa50, del 1 di Settembre. Et quanto alla
prima, con ogni prontezza starò a servir detto
Monsignor Rmo di Vienna dovunque mi voglia
commandar ; et quanto ad informarlo del stato
delle cose, io l'ho fatto sin adesso et farò
tuttavia più con [23] molta fedeltà ; ma è
Praelato di tanto valore et prudentia, che
volgendo l'occhio d' ogni intorno, da sè stesso
scuopre et penetra sin nelle midolle del
negotio.
Sia laudato Iddio che queste occasioni
occurrano nel pontificato di un Papa di tanto
zelo, nella nunciatura di V. S. Illma, et che sia
J'ai reçu deux lettres de Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime :
l'une du 31 août, par Mgr le Révérendissime de
Vienne, et l'autre du 1er septembre, par
l'entremise de Mgr de Tarentaise. Quant à la
première, je me mettrai avec toute diligence au
service de Mgr de Vienne pour tout ce qu'il
voudra me commander ; et quant à l'informer
de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent
et je le ferai toujours plus avec une entière
fidélité ; mais c'est un Prélat [23] de tant de
mérite et de prudence, que, jetant les yeux
autour de lui, il découvre par lui-même et
pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire.
Dieu soit loué de ce que ces
évènements se rencontrent sous le pontificat
50 Jean-François Berliet, seigneur de Chiloup et de La Roche, baron du Bourget, avait été, avant son entrée dans la
cléricature, conseiller d'Etat de Son Altesse (1577) et premier président de la Chambre des Comptes de Savoie (1578).
Ses souverains l'honorèrent toujours de leur confiance et le chargèment de plusieurs missions très importantes soit en
Piémont, soit auprès de la république de Berne. Il fut nommé archevêque de Tarentaise le 8 novembre 1598 ; mais
ayant dû accompagner le duc Charles-Emmanuel à Paris et y demeurer en qualité d'ambassadeur, il ne se rendit dans
son diocèse, dont il avait pris possession par procureur, que le 22 février 1601. Mgr Berliet fut un pasteur zélé et
vigilant ; il se dévoua avec zèle aux intérêts de son peuple et mourut à Moûtiers le 2 janvier 1607.
33/340

4.4 Page 34

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commesso un Prælato di tanto senno come è
Monsignor di Vienna51, quale, per la molta
esperienza delle maniere nostre oltramontane,
è singolarmente atto. Egli adunque glie manda
la sua informatone52, oltra alla quale non mi
occorre altro se non che le cose vanno assai
bene di qua et si sperano molto maggiori
progressi, massime vedendo che Sua
Beatitudine se le piglia a petto et ci vuol
aiutare, cosa della quale ciè grandissimo
bisogno. Nè si potrà mai far tanto che meglio
non fosse di fare più, per sradicar l'infelice [24]
albero, il quale, stendendo in tante parti del
Christianesimo le velenose foglie, sta però
quivi vicino radicato et piantato. Così fia a dì
nostri che si possa dire : Jam securis ad
radicem posita est53.
Perchè (sic) non comparendo il signor
cavaglier Rufia, non si è potuto essequire il
Breve di Sua Santità sin adesso ; per questo, et
per altri importantissimi negotii, Monsignor
Rmo Vescovo nostro si partì Domenica passata
per andarsene alla volta di Annessi, credendo
di passar quindi in Chiamberi per trattar con
Sua Altezza Serenissima acciò si finisca
horamai quello negotio fundamentale per
questa opera, et che li curati, huomini di pezzo
(sic) che qui s'affaticano, non habbino più
quelle incommodità et bisogni che sin adesso
han patito. Ma incontrando per strada il signor
Governatore di questa provincia54 insieme con
monsieur d'Avulli, liquali gli hanno dato nuova
del dono di dodeci millia scudi dati da Sua
Altezza per riscuotere il priorato di Sant'
Hipolito di questa terra, con altri beni
ecclesiastici per dotar il collegio già destinato
de' Reverendi Padri Giesuiti, [25] onde egli è
ritornato per farne fare la cessione alli
possessori et spedir il negotio ; il che havendo
fatto molto bene, parte domani per la prima
impresa, lasciandome qui, sì per prædicar, già
d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de
Votre Seigneurie, et que l'information soit
confiée à un Prélat doué de tant de sagesse
comme est Mgr de Vienne, qui, par la grande
expérience qu'il a de nos mœurs
ultramontaines, en est singulièrement capable.
Il vous envoie donc son rapport, après lequel il
ne me reste plus rien à dire, sinon que les
choses vont assez bien ici, et que l'on espère de
plus grands progrès à l'avenir, surtout en
voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut
nous aider, ce dont nous avons un très grand
besoin. On ne pourra jamais faire si bien qu'il
ne soit mieux de faire [24] davantage encore
pour déraciner l'arbre maudit, qui, étendant sur
tant de parties du christianisme ses feuilles
vénéneuses, est planté et enraciné tout près
d'ici. Plaise à Dieu qu'on puisse dire en nos
jours : Déjà la cognée est posée à la racine.
M. le chevalier Ruffia ne paraissant
pas, le Bref de Sa Sainteté n'a pu être jusqu'ici
mis en exécution. Pour cette raison et d'autres
affaires très importantes, Mgr notre
Révérendissime Evêque prit Dimanche dernier
la route d'Annecy, comptant passer de là à
Chambéry, afin de traiter avec Son Altesse
Sérénissime et terminer une bonne fois la
négociation fondamentale de cette œuvre, en
sorte que les curés, hommes de mérite qui se
fatiguent ici, n'aient plus à souffrir les
privations et les nécessités qu'ils ont endurées
jusqu'à présent. Mais ayant rencontré en route
M. le Gouverneur de cette province avec M.
d'Avully, il reçut l'annonce du don de douze
mille écus fait par Son Altesse pour racheter le
prieuré de Saint-Hippolyte de cette ville, ainsi
que plusieurs autres biens ecclésiastiques, afin
de renter [25] le collège déjà destiné aux RR.
PP. Jésuites. C'est pourquoi il est revenu ici
pour faire exécuter cette cession aux
propriétaires et terminer la négociation ;
51 Vespasien Gribaldi, archevêque démissionnaire de Vienne en Dauphiné, avait été délégué par Clément VIII afin
d'informer sur les mesures à prendre pour l'établissement de la Sainte-Maison. Ce Prélat, natif de Chieri en Piémont,
était venu s'établir en France, où il fut pourvu de quatre abbayes avant d'être élevé sur le siège métropolitain de Vienne
(1567). Cinq ans plus tard il résignait cet archevêché pour se retirer dans son pays natal, d'où nous le voyons revenir
en Chablais. Il se fixa dans la petite ville d'Evian et se lia d'une étroite amitié avec l'Apôtre de la région. C'est des
mains de Mgr Gribaldi que saint François de Sales reçut la consécration épiscopale (8 décembre 1602) ; c'est à son
dévouement qu'il confia plusieurs fois les intérêts de la Sainte-Maison. Mgr Gribaldi mourut le 21 février 1623, à un
âge très avancé.
52 Ce rapport a été inséré dans le tome VI des Mélanges d'archéologie et d'histoire, publiés par l'Ecole française de
Rome, 1886.
53 Matt., III, 10.
54 Pierre-Jérôme de Lambert.
34/340

4.5 Page 35

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che non ciè altro predicatore, sì anco per
darglie raguaglio delle occurrentie et servire
Monsignor di Vienna.
Scrivo al P. Provinciale de' Giesuiti55
per affretar la venuta delli sei Padri che Sua
Santità vuole mantenere a spese sue, et son
certissimo che li haveremo al principio del
mese futuro ; cosa di moltissima consolatione
per li pastori et per il popolo. Onde fia bisogno
che senza indugio si mandino li denari in
Chiamberi al P. Rettore del collegio, chiamato
P. Stephano Bartolone56, il qual poi li mandarà
qui senz'altro. Questo sarà di giovamento
singolarissimo per dar principio al collegio
disegnato da [26] Sua Altezza, sin tanto che sia
perfettamente stabilito et di edifitii et d' altre
commodità senza lequali non si può dar così
presto di mano nè alle lettioni, nè ad altri
essercitii necessarii ; ma verrà supplita intanto
la defettuosità con questa opportunissima
missione. È vero che il P. Bernardino Castorio,
il quale havendo predicato qui un pezzo partì
la settimana passata, et è pur ritornato con
Monsignor Rmo et se ne parte anco domani
insieme con Sua Signoria Rma, mi ha detto che
non solo saria bisogno di haver li denari nello
istesso tempo che giungeranno qui li Padri
della missione, ma sarebbe espediente che cie
ne fosse prima per farglie il viatico dalli luoghi
di donde partiranno sin qui.
Non scriverò per ancora a V. S. Illma
circa le circostanze necessarie da sapersi per la
supplica præsentata da me concernente le
præbende theologali, per non haver nè in carta,
nè in memoria quante siano le badie et
monasterii atti a supportar questa spesa ; ma
essendo Monsignor Rmo in Annessi me ne
mandarà essatta instruttione cavata dalli suoi
libri di visita, et io subito ne darò distintissimo
raguaglio a V. S. Illma et Rma, la quale io [27]
supplico di perdonarme s'io glie scrivo così
sconciatamente per esser distratto a moltissimi
negotii.
Et prieghando Iddio Signor nostro che le dia la
pienezza delle sue gratie per consolatione de
l'ayant heureusement achevée, il part demain
pour effectuer son premier dessein, et me laisse
ici soit afin de prêcher, puisqu'il n'y a pas
d'autre prédicateur, soit pour l'informer de ce
qui peut survenir, et servir Mgr de Vienne.
J'écris au P. Provincial des Jésuites
pour hâter la venue des six Pères que Sa
Sainteté veut entretenir à ses frais ; je suis sûr
que nous les aurons au commencement du
mois prochain, ce qui sera une grande
consolation pour les pasteurs et pour le peuple.
Il est donc nécessaire que l'on envoie sans
retard l'argent à Chambéry, au P. Recteur du
collège, appelé P. Etienne Bartoloni, qui
l'enverra ensuite ici sans autre délai. Ce sera un
singulier avantage pour [26] ouvrir le collège
projeté par Son Altesse, jusqu'à ce qu'il soit
parfaitement pourvu de bâtiments et autres
ressources, sans lesquelles on ne peut si tôt
commencer les leçons et les autres exercices ;
mais en attendant, la mission établie si à
propos y suppléera. Le P. Bernardin Castorio,
après avoir longtemps prêché ici, partit la
semaine passée ; il est ensuite revenu avec Mgr
le Révérendissime et repart encore demain
avec Sa Seigneurie. Ce Père m'a dit, il est vrai,
que non seulement il faudrait avoir l'argent au
moment de l'arrivée des Pères de la mission,
mais qu'il serait bon d'en avoir d'avance pour
fournir aux frais de voyage depuis le lieu de
leur résidence jusqu'ici.
Je n'écrirai pas encore à Votre
Seigneurie Illustrissime touchant les
particularités nécessaires à connaître pour la
supplique que j'ai présentée relativement aux
prébendes théologales ; car je n'ai conservé ni
dans mes papiers ni dans mes souvenirs le
nombre des abbayes et des monastères
capables de supporter cette dépense ; mais Mgr
le Révérendissime étant à Annecy m'en
enverra l'indication exacte, tirée de ses livres
de visite, et aussitôt j'en donnerai un compte-
rendu détaillé [27] à Votre Seigneurie, que je
supplie de vouloir bien me pardonner si, étant
distrait par une multitude d'affaires, je lui écris
55 Le P. Jean Gentil, alors provincial de Lyon. Né à Dijon le 8 septembre 1551, il avait été l'un des premiers élèves du
collège de Clermont à Paris (1564), d'où il ne tarda pas à passer au noviciat de Biliom ; il fut ensuite régent à Paris,
fit son cours de théologie à Milan en compagnie du P. Coton, et le continua à Rome sous Suarez. Après l'émission de
ses vœux solennels (5 août 1390), le P. Gentil dirigea à plusieurs reprises le collège de Dijon et fut neuf ans provincial
de Lyon. Il mourut dans sa ville natale en odeur de sainteté le 13 septembre 1623.
56 Etienne Bartoloni, né en 1555, était entré dans la Compagnie de Jésus à l'âge de vingt ans, et fit profession des
quatre vœux le 5 mai 1602. Il enseigna la grammaire, la logique et la philosophie, fut recteur de Chambéry et de
Billom, et mourut le 16 octobre 1612.
35/340

4.6 Page 36

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molti, et in particolar di questa provincia, le
bascio humilissimamente le reverendissime
mani.
Di V. S. Illma et Rma,
Divotissimo servitore,
FRANCO DE SALES,
Prævosto di Geneva.
In Tonone, alli 23 di Settembre 99.
Supplico a V. S. Illma di perdonarmi s'io
ardisco di inviare l'alligata a Roma per mezzo
suo, non havendo altro modo per la difficoltà
de' passi.
All' Illmo et Revermo Sigr Padron mio
colendissimo,
Monsigr l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Mondovi.
si mal.
C'est en priant Dieu notre Seigneur de
vous accorder la plénitude de ses grâces pour
la consolation de plusieurs, et en particulier
pour celle de cette province, que je baise très
humblement vos mains vénérées.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime,
Le très dévoué serviteur,
FRANÇOIS DE SALES,
Prévôt de Genève.
A Thonon, le 23 septembre 1599.
Je supplie Votre Seigneurie
Illustrissime de me pardonner si j'ose expédier
à Rome par son entremise la lettre ci-jointe,
n'ayant d'autre moyen à cause de la difficulté
des passages. [28]
Revu sur l'Autographe conserve à Rome,
Archives Vaticanes. [28]
_____
CXXVIII. Au duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Bonne
harmonie qui règne entre l'Archevêque de Vienne et l'Evêque de
Genève. Espérances que fait concevoir le collège des Pères
Jésuites
Thonon, 26 septembre 1599.
Monseigneur,
Suyvant le commandement que monsieur d'Avulli m'a porté de la part de Vostre Altesse
de maintenir Monseigneur le Rme Evesque de Geneve en bonne intelligence avec Monsieur
l'Archevesque Gribaldo, envoyé par nostre Saint Pere, il m'a semblé que je devois l'asseurer qu'il
ne s'est jamais rien passé entre eux qu'avec toute sorte de discretion, amitié et fraternité. Et crois
que Sa Sainteté n'aura que tres bonne satisfaction du rapport qu'il aura de l'estat de ces affaires ;
mesmement apres ce bon commencement donné pour le college des PP. Jesuites, l'une des pieces
fondamentales de tout ce saint edifice. Seulement seroit-il expedient de faire paroistre quelque peu
d'acheminement pour l'heberge, puysque, comme j'ay apperceu, Sa Sainteté l'affectionne bien
outre.
Je prieray a jamais pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je suis et dois estre,
Monseigneur,
Tres humble et tres obeissant serviteur et sujet,
FRANÇOIS DE SALES,
Prævost de Geneve.
A Thonon, 26 septembre 99.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [29]
36/340

4.7 Page 37

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_____
CXXIX. A M. Philippe de Quoex57. Lettre reçue de M. de
Quoex. Recommandation en faveur de trois jeunes
gentilshommes.
Thonon, 13 octobre 1599.
Monsieur,
Si je vous remerciois au long par escrit de la souvenance que vous aves de moy, selon
vostre lettre receüe par les mains de monsieur le Præsident mon frere, je meriterois que vous ne
leussies pas ma lettre, car vous seres tant empressé a recevoir et caresser ces jeunes gentilshommes
nouveaux venuz58, que vous n'aures pas le loisir de parler avec ma lettre. Aussi bien vous diront
ilz tout ce que je vous sçaurois escrire. Faites donq seulement selon vostre courtoisie a apprivoiser
avec Rome [30] ces patriottes, et croyes, sil vous plait, mon frere quand il vous dira que je suis
tout entierement,
Monsieur,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS DE SALES.
Thonon, le 13 octobre 99.
Al molto Rdo Sigr mio osservandissimo,
Il Sigre Philippo de Quoex.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie. [31]
_____
57 Philippe de Quoex, originaire de Talloires (connu sous le nom de M. de Sainte-Catherine, du vocable d'une chapelle
dont il était recteur dès le 6 mars 1598), faisait alors ses études théologiques à Rome. Minoré le 11 février 1601, il fut
promu au sacerdoce lors de la première ordination faite par saint François de Sales (21 décembre 1602). Une mutuelle
estime et une profonde affection unirent dès lors le saint Evêque et le jeune prêtre. Celui-ci fut attaché d'abord à la
Sainte-Maison de Thonon, puis nommé chanoine (8 janvier 1615) et pénitencier de l'église cathédrale. « Il estoit, » au
témoignage du P. de la Rivière, « homme grave, serieux, modeste, humble, aumosnier... il estoit assidu aux fonctions
de sa charge, addonné à la devotion ou recueillement interieur et à l'exercice de la presence de Dieu. Il voyoit
ordinairement son bon Ange en forme visible et sensible, selon qu'on a sceu par la relation de nostre sacré Prelat. »
Le saint Evêque, dont il avait été le confesseur pendant plusieurs années, l'assista à sa dernière heure (24
janvier 1618), l'honora de ses regrets, et affirma, d'après une révélation spéciale, que le défunt était allé droit au Ciel
sans passer par le Purgatoire.
58 Ces gentilshommes étaient Louis de Sales, frère du Saint, René et Claude Favre, fils aînés du Président, que leur
père venait de conduire à Rome pour y faire leurs études.
37/340

4.8 Page 38

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CXXX. A Monseigneur Jules-César Riccardi Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique a Turin. Rupture des communications
entre Annecy et Chambéry. Libéralités du duc de Savoie pour
le Chablais. Arrivée d'un Père Jésuite à Thonon, où cinq
autres sont encore attendus. Les intérêts de la mission
activement poursuivis à Rome.Aumône faite par le duc à une
protestante convertie. Prochain départ de Son Altesse pour la
France
Chambéry, 15 novembre 1599.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime et Reverendissime
Signore,
Seigneur,
Venendo di Tonone in Chiamberi con
speranza di far servitù a Monsignor Rmo di
Geneva, son stato sforzato di fermarmi
alquanto per strada per aspettar li memoriali,
liquali erano necessarii per trattar varie cose in
[31] questa corte59, attinenti al servitio d'Iddio
; poichè detto Monsignor non poteva venire,
per esser Annessi, dove si truovava, bandito
del commercio di Chiamberi et altri luoghi
dove sarà la persona del Prencipe. Non perchè
in detto luogho di Annessi sia contaggio
veruno, per gratia del Signore ; ma per solo
rispetto della persona ducale, il qual richiede
che nè anco da luoghi dove sia stato contagio,
quantumque purgatissimi, debbano venir
gente, per un pezzo doppo la quarantena, nella
corte. Essendo poi giunto qui son andato
ritardando di giorno in giorno di mandarglie le
lettere et cose qui alligate, sperando di poterle
inviare per mezzo del signor figluolo del
Barone di Chivron60, il quale si credeva di
partir ogn' hora ; sin tanto che vedendo passar
via il tempo, mi son risolto di non aspettar più,
anzi dar più presto il plico alle mercè de'
corrieri.
Ho ricevuto una lettera di V. S. Illma et
Rma del XIIIJº [32] di Ottobre, essendo per
strada, et un'altra del 2 di questo mese, insieme
Venant de Thonon à Chambéry dans
l'espoir de me rendre utile à Mgr de Genève, j'ai
été contraint de m'arrêter quelque temps en
chemin afin d'attendre les mémoires
nécessaires pour traiter en cette [31] cour
différentes choses touchant le service de Dieu
; car Monseigneur ne pouvait s'y rendre, vu
qu'à Annecy, où il se trouvait, les
communications sont interrompues avec
Chambéry et avec tous les autres lieux où ira le
prince. Non pas que la contagion soit à
Annecy, par la grâce de Dieu ; mais le seul
respect dû à la personne du prince exige que
nul venant des lieux qui ont été infectés, encore
qu'ils soient entièrement purifiés, ne se
présente à la cour que longtemps après la
quarantaine. Etant enfin arrivé ici, j'ai tardé de
jour en jour à expédier les lettres et les pièces
ci-incluses, espérant les envoyer par le fils du
baron de Chevron qui se croyait toujours sur le
point de partir ; mais voyant passer le temps,
j'ai résolu de ne plus attendre et de livrer plutôt
le pli aux courriers.
J'ai reçu en route une lettre de Votre
Seigneurie Illustrissime et [32]
Reverendissime du 14 octobre, et une autre du
2 de ce mois, ainsi que deux autres qui y étaient
jointes, pour Mgr l'Archevêque de Vienne
59 Le duc de Savoie se trouvait alors avec sa cour de passage à Chambéry, d'où il partit le Ier décembre suivant
accompagné d'une suite brillante. D'après Guichenon, il emmenait « un train de douze cents chevaux, suivi de son
Conseil... sa Chapelle, sa Musique, son Ecu3'erie. » Le but de son voyage était de régler avec le roi de France le
différend qui existait entre eux au sujet du marquisat de Saluces.
60 Le baron de Chevron (voir notre tome XI, note (129), p. 45) avait trois fils : Prosper, Bernard et Benoît-Théophile
encore en bas âge. Il est ici question de l'un des deux aînés.
38/340

4.9 Page 39

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con altre due alligate per Monsignor
Arcivescovo di Vienna, alle quali ho dato
pronto et sicuro ricapito. Glie ne mando altre
due da detto Monsignore, una delle quali è
vecchia assai più di quel ch'io havrei
desiderato, per l'occasione sopradetta, et
insieme il plano dissegno di Tonone.
Per la prima di V. S. Illma et Rma vedo
quanta consolatione hebbe del donativo fatto
da Sua Altezza, del quale una gran parte è già
in rerum natura et realmente fatto, poichè Sua
Altezza ha riscosso il priorato di Tonone, col
mezzo di sette miglia scudi, per esser applicato
al collegio. L'altra parte, qual consiste nel
riscuotere un decanato, non si può far
realmente sin tanto che un gentilhuomo, il
quale l' haveva comperato, sia venuto di
Parigi61 ; il che si spera presto. Et se bene Sua
Altezza va in Francia, io però stimo che haverà
altri negocii senza pensar a questo particolare ;
ma credo bene che non ripassarà i monti senza
farlo.
Il Padre Bartholone ha ricevuto li cento
et otto scudi [33] mandatigli da V. S. Illma et
Rma, et ha subito mandato un Padre
prædicatore in Tonone, il qual giunse l' ultimo
di Ottobre in detto luogho ; et ne fa venir altri
sino a sei da diversi luoghi, liquali subito che
giungneranno comminciaranno a far essercitio,
sì nelle prædiche, sì anco nelle scuole, et io del
giorno del loro arrivo darò avviso a V. S. Illma.
Mando una lungha informatione a V. S. Illma
circa la erettione delle præbende theologali62,
dalla quale Ella potrà cavare tutti li punti
liquali ricercava da me. Se io sarò stato lungho
in mandarla, la lontananza de' luoghi et badie
delli quali io tratto n'è stato causa.
Ho ricevuto l'assolutione per quelle
povere anime che contrassero in terzo et
quarto63, et ne ringratio l'infinita carità di V. S.
Illma. Dal P. Fra Cherubino non hò havuta
lettera veruna sin adesso, ma solo dal R.
Clerico, quale mi ha dato raguaglio delle cose
che si trattano in Roma con molto fervor64 ; et
sò che al zelo, bontà et prudenza di V. S. Illma
se ne deve in ogni modo attribuire [34] il
successo, il quale se sarà tale come io spero,
sarà gloriosissimo a Sua Santità,
auquel je me suis empressé de les faire
parvenir sûrement. Je vous en envoie deux
autres dudit Monseigneur dont l'une, pour le
motif ci-dessus mentionné, est de plus vieille
date que je ne l'aurais désiré, et en même temps
le plan de Thonon.
Par la première lettre de Votre
Seigneurie je vois la consolation qu'Elle a
éprouvée du don fait par Son Altesse ; une
grande partie est déjà effectuée et versée, car
Son Altesse a racheté, au prix de sept mille
écus, le prieuré de Thonon qui est destiné au
collège. L'autre partie doit être employée à
recouvrer un doyenné, ce qui ne peut se faire
jusqu'à ce que le gentilhomme qui l'avait
acheté soit revenu de Paris : ce retour, on
l'espère, sera prochain. Et quoique Son Altesse
aille en France, j'estime pourtant qu'elle aura
assez d'autres affaires sans penser à ce détail ;
je crois cependant qu'elle ne repassera pas les
monts sans s'en occuper.
Le P. Bartoloni a reçu les cent huit écus
expédiés par Votre [33] Seigneurie
Illustrissime ; il a aussitôt envoyé à Thonon un
Père prédicateur, qui y est arrivé le dernier jour
d'octobre. Il en fera venir d'autres de différents
lieux jusqu'au nombre de six, lesquels
commenceront immédiatement à se mettre à
l'œuvre, soit dans la prédication, soit dans
l'enseignement. J'avertirai Votre Seigneurie du
jour de leur arrivée. Je vous envoie une longue
information au sujet de l'érection des
prébendes théologales ; vous y trouverez tous
les renseignements que vous désiriez de moi.
Si j'ai été longtemps avant de l'expédier, la
distance des lieux et des abbayes dont je parle
est la seule cause de ce retard.
J'ai reçu l'absolution pour ces pauvres
âmes qui ont contracté mariage au troisième et
quatrième degré, ce dont je remercie l'infinie
charité de Votre Seigneurie Illustrissime.
Jusqu'ici je n'ai eu aucune lettre du P. Chérubin
mais seulement de Révérend Clerici, qui m'a
renseigné sur les affaires que l'on traite à Rome
avec beaucoup d'ardeur. Je sais que c'est au
zèle, à la bonté et prudence de Votre
Seigneurie que l'on doit de toute façon en
attribuer le succès ; s'il est [34] tel que je
61 Il s'agit du doyenné d'Anthy, qui appartenait alors à Claude de Charmoisy.
62 Cette information, publiée en 1886 par l'Ecole française de Rome (Mélanges, etc.), sera donnée parmi les Opuscules.
63 Voir ci-devant, p. 21.
64 Voir au tome précédent, p. 345, la dernière note de la Lettre CXII.
39/340

4.10 Page 40

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honorevolissimo a V. S. Illma, instrumento
massimo di tant' opra, utilissimo alla santa
Chiosa, et massime a questi popoli, et quel
ch'importa, gratissimo al Signor Iddio, se altro
mai se ne vidde : Mons excelsus cervis, petra
refugium herinaceis65.
Di Monsignor Rmo di Vienna non si può
dire se non che, per mezzo della antiperistasi,
piglia ogni hora nuovo vigore et si riscalda
tuttavia più in questa nostra battaglia con
ministri et hæretici, tanto più quanto gli è stato
di gran sodisfattione di haver ricuperato a
Christo un gentilhuomo suo nipote66, il qual
per tanto egli si è pigliato in casa.
Ho ottenuto da Sua Altezza una
limosina di trenta scudi d'oro per viatico di una
donna milanese laquale, uscita di Geneva con
tre figluoli (sic) maschi et quattro figluole già
nubili, vuole ritornarsene catholica in Milano ;
ma non credo che possa così presto passare. Et
prima [35] bisognarà haver sicurtà della
Inquisitone, onde se occorrerà, io in questo
caso mi prævalerò della carità di V. S. Illma
appresso l'inquisitori.
Quì, se ben siamo in corte, non
habbiam altre nuove senon che Sua Altezza
parte per Francia al 25 di questo mese ; però
con libertà di mutatione se occorrerà. Si
mormora grandemente che in Geneva si tratta
di ricevere l'essercitio catholico in una chiesa,
et Sua Altezza mi promette ogni sorte di
provisione per il Chiablais, havendone
commandate le lettere et altre scritture
necessarie, et li ministri servitori di Sua
Altezza mostrano assai più calore dell'
ordinario ; onde io vado sperando che questo
anno sarà et di Giubilæo et di giubilo
grandissimo, ma vi vuol aiuto grande, caldo et
perseverante.
Solo mi resta a dire a V. S. Illma con
quella confidentia che mi ha concessa per
bontà sua et prieghandola di non farne
consapevole altri, che a Sua Altezza è parso un
poco strano di non esser avvertita prima d' ogn'
altro delle cose di Tonone come passano in
Roma, con raguaglio minutissimo, et così me
ne son avveduto dalle sue [36] parole circa
l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très
honorable à Votre Seigneurie, principal
instrument d'une si grande œuvre, très utile à
la sainte Eglise, particulièrement à ces
populations ; et, ce qui importe davantage, plus
agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce
que l 'on a vu par le passé : Ce sera une
montagne élevée pour les cerfs, un rocher de
refuge aux hérissons.
On ne peut dire autre chose de Mgr le
Révérendissime de Vienne sinon que, par
antipéristase, il prend toujours nouvelle
vigueur et s'échauffe d'autant plus dans le
combat contre les ministres et les hérétiques
qu'il a eu la grande satisfaction de ramener à
Jésus-Christ un gentilhomme, son neveu,
lequel en conséquence il a retiré chez lui.
J'ai obtenu de Son Altesse une aumône
de trente écus d'or pour les frais de voyage
d'une femme milanaise qui, étant sortie de
Genève aces trois fils et quatre filles en âge de
se marier, veut retourner catholique à Milan ;
mais je ne crois pas qu'elle puisse passer de
[35] si tôt. Avant tout il faudra, s'il est
nécessaire, la mettre en sécurité à l'égard de
l'Inquisition, et, dans ce cas, je me prévaudrai
auprès des inquisiteurs de la charité de Votre
Seigneurie Illustrissime.
Bien que nous soyons ici à la cour, nous
ne savons aucune nouvelle sinon que Son
Altesse partira pour la France le 25 de ce mois
; toutefois, cette date pourra être changée si les
circonstances l'exigent. Il est grandement
question d'admettre l'exercice du culte
catholique dans une église de Genève. Son
Altesse m'a promis toutes sortes de provisions
pour le Chablais, ayant commandé les lettres
d'expédition et autres papiers nécessaires, et
ses ministres montrent plus d'empressement
qu'à l'ordinaire ; c'est pourquoi j'espère que
nous aurons cette année et le Jubilé et une
jubilation très grande, mais nous avons besoin
d'un secours puissant, efficace et persévérant.
Il ne me reste plus autre chose à
communiquer à Votre Seigneurie sinon de la
prévenir, avec cette confiance que sa bonté me
permet, et la priant de n'en rien dire à personne,
65 Ps. CIII, 18.
66 D'après les généalogies de la famille, Mgr Gribaldi était fils unique et par consequent n'avait pas de neveux. Peut-
être le Saint désignerait-il sous ce titre l'un des cousins germains du Prélat ; nous voyons en effet que l'un des trois,
Pompée, coseigneur de Farges, se convertit au catholicisme. Lors de la cession du pays de Gex à la France (1601) il
fut, suivant Esaïe Colladon, l'un des gentilshommes « qui demanderent la messe. »
40/340

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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questo negotio ; del restante, egli mostra di que Son Altesse a trouvé un peu étrange de
esser affettionatissimo a quella impresa. Darò n'avoir pas été mise au courant avant tout autre,
poi a V. S. Illma raguaglio di quanto havero d'une manière exacte et très circonstanciée, de
operato, inanzi che io mi parta da questa terra. la manière dont les [36] affaires de Thonon
Pertanto, prieghando il Signor Iddio sont traitées à Rome ; je m'en suis aperçu par
per la salute di V. S. Illma et Rma a giovamento quelques mots relatifs à ce sujet ; au reste, le
della Chiesa, la ringratio con ogni humiltà de' prince se montre très affectionné à l'entreprise.
tanti favori fatti et al publico della mia patria et Avant de partir de cette ville j'informerai Votre
a me singolarmente, et basciandoli le mani Seigneurie de ce que j'aurai pu faire.
reverendissime, glie faccio humilissima
En attendant je prie Dieu notre
riverenza.
Seigneur pour la santé de Votre Seigneurie
Di V. S. Illma et Rma,
Illustrissime et Révérendissime si utile à
Divotissimo et humilissimo servitore, l'Eglise. Je la remercie bien humblement de
FRANCO DE SALES, tant de faveurs accordées à mes compatriotes
Prævosto di Geneva. et particulièrement à moi. En baisant ses mains
In Chiamberi, alli 15 di Novembre 99. vénérées, je lui fais très humble révérence.
Monsignor Rmo di Geneva mi ha
De Votre Seigneurie Illustrissime et
commandato di basciar a V. S. Illma le mani con Révérendissime,
ogni humiltà a nome suo, et così faccio.
Le très dévoué et très humble serviteur,
FRANÇOIS DE SALES,
Revu sur l'Autographe conserve à Rome,
Prévôt de Genève.
Archives Vaticanes. [37]
A Chambéry, le 15 novembre 1599.
Mgr de Genève m'a ordonné de baiser
en toute humilité les mains de Votre
Seigneurie en son nom ; c'est ce que je fais.
[37]
_____
CXXXI. Au même (Minute inédite). Ordres donnés par le duc
de Savoie en faveur de la maison de refuge projetée à Thonon.
Il est urgent que les pouvoirs spéciaux concédés aux
missionnaires ne soient pas suspendus pendant l'année du Jubilé.
Procès relatif à la cure du Petit-Bornand
Chambéry, 9 décembre 1599.
Illustrissimo et Reverendissimo
Mon très honoré, Illustrissime et
Signore mio osservandissimo,
Reverendissime Seigneur,
Doppo l'ultima mia scritta a V. S. Illma
et Rma non è succeduto altro circa le cose nostre
de Chiablais, da quel in poi che Sua Altezza ha
commandato al suo Senato et alla Camera di
verificare tutti gl' ordini dati da lei un anno fa,
ad istanza del Padre Fra Cherubino, per la casa
di refugio di Tonone ; et ha grandissima
intentione di voler abbracciare quell' opera con
ambedue le braccia, havendo dato carico a
Depuis ma dernière lettre à Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime
rien de nouveau n'est survenu dans les affaires
du Chablais, sinon que Son Altesse a
commandé au Sénat et à la Chambre de vérifier
tous les ordres que, sur les instances du P.
Chérubin, elle a donnés il y a un an pour la
maison de refuge de Thonon. Son Altesse a
une très ferme intention d'embrasser cette
41/340

5.2 Page 42

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monsieur d'Avulli di haverne cura. Scrissi a V.
S. Illma che in Tonone era giunto un Padre
Giesuita, prædicatore ; adesso ve ne sonno
duoi67, perchè [38] no giunse un altro il giorno
di sant'Andrea, et ben presto v'andaranno gli
altri mandati da Avignone.
Il Padre Rettore de' Giesuiti m'ha
proposto questo scrupolo circa le concessioni
dateci per assolvere gl'hæretici, cioè, che nella
vigilia di Natale dell'anno Giubilseo Sua
Santità suole derogare generalmente a tutti li
privilegii dati et concessi per lo inanzi. Io non
credo che per questo Sua Santità voglia
suspendere li nostri, essendo che sono non
meno necessarii, anzi più questo anno che in
ogni altro tempo, et le parole nelle quali ci sono
concessi non patiscono derogatione generale ;
onde li usarò senz'altro dubbio, nel nome del
Signore. Ma per torre ogni difficoltà, si
supplica V. S. Illma di farne giudicio.
Hebbi per mezzo di Bolle sub plumbo
da Sua Santità, sonno duoi anni passati, la
parrochia di Bornando68, con dispensatione
della incompatibilità della Propositura cujus
fructus nulli sunt. Et essendo però nominato et
eletto nel concorso, secondo la forma del santo
Concilio Tridentino, dall'altro canto il fratello
del prædecessore [39] curato mi ha mosso lite,
con una semplice signatura per resignationem
infirmi, la data della quale fu pigliata trentasei
giorni doppo la morte, senza consenso veruno
a dorso et doppo la celebratione di detto
concorso. Dove questo nostro Senato mi ha
condemnato nel possessorio questa mattina,
con quel solo fundamento che la resignatione,
non ostante la morte præcedente et il diffetto
del consenso, era nientedimeno buona. Onde io
ricorro alla Santa Sede per haverne ragione nel
petitorio, et ne scrivo con questo plico [che] la
supplico di voler inviare in Roma. Il che mi è
parso di dover scrivere a V. S. Illma perciochè,
sì come per mezzo della bontà sua hebbi la
gratia di Nostro Signore, così anco haverò
bisogno delli suoi favori nel progresso del
processo, il quale io mi risolvo di promovere
per non lasciar la porta aperta alle fraudi che si
fanno in pregiudicio del concorso, a che poco
attende questo nostro buon Senato. Ma vedo
che sarò constretto di mandare a V. S. Illma
amplissima instruttione delle mie ragioni, onde
œuvre des deux bras, ayant chargé M. d'Avully
d'en prendre soin. J'ai écrit à Votre Seigneurie
qu'un Père Jésuite prédicateur s'était rendu à
Thonon ; maintenant ils sont deux, car un de
ses confrères l'a rejoint le jour [38] de saint
André, et bientôt arriveront les autres qui nous
sont envoyés d'Avignon.
Le P. Recteur des Jésuites m'a soulevé
une difficulté touchant les pouvoirs qui nous
ont été concédés pour absoudre les hérétiques
; à savoir, que la veille de Noël de l'année
jubilaire Sa Sainteté a coutume de déroger
généralement à tous les privilèges
précédemment accordés. Je ne crois pas
pourtant que Sa Sainteté veuille suspendre les
nôtres, qui non seulement ne sont pas moins
nécessaires cette année qu'en tout autre temps,
mais qui le sont même davantage. Les termes
dans lesquels ils nous sont accordés ne
souffrent pas de dérogation générale, de sorte
que je m'en servirai sans crainte au nom du
Seigneur ; mais pour trancher toute difficulté,
Votre Seigneurie Illustrissime voudra bien en
juger Elle-même.
Il y a deux ans que Sa Sainteté par
Bulles sub plumbo me pourvut de la cure du
Petit-Bornand, avec dispense de
l'incompatibilité de la Prévôté dont les revenus
sont nuls. Et cependant, bien que j'aie été
nommé et élu au concours, selon les
prescriptions du saint Concile de Trente, le
frère du curé mon prédécesseur m'a suscité un
procès, [39] se basant sur une simple signature
[donnée en Cour de Rome] à raison de
résignation pour cause de maladie, dont la date
est postérieure de trente-six jours à la mort
dudit curé, sans aucun consentement indiqué
au dos de la pièce et après la tenue dudit
concours. En conséquence, notre Sénat m'a
condamné ce matin, au possessoire, sous ce
seul prétexte, que la résignation, malgré la
mort antécédente et le défaut de consentement,
était néanmoins valable. Partant j'ai recours au
Saint-Siège pour en avoir raison au pétitoire, et
je dépose sous ce pli ma lettre que je vous
supplie d'expédier à Rome. J'ai cru devoir
informer de tout cela Votre Seigneurie
Illustrissime ; car ayant obtenu par sa bonté
cette grâce de notre Saint-Père, de même ai-je
besoin de ses faveurs pour la suite du procès
67 L'un de ces deux Religieux était le P. Philibert Monet.
68 Voir le tome précédent, note (733), p. 328.
42/340

5.3 Page 43

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per adesso non occorre di farne più altra que je me propose de poursuivre, afin de ne pas
mentione.
ouvrir la porte aux fraudes qui se font au
Sua Altezza Serenissima partì Martedì préjudice du concours ; ce dont notre bon Sénat
da Lyone con [40] grandissime accoglienze. Li se soucie fort peu. Mais je vois que je serai
Genevrini stimano che Sua Santità faccia obligé d'envoyer à Votre Seigneurie une très
instanza estrema appresso il Re ample relation de mes raisons, c'est pourquoi il
Christianissimo per fare che diano libertà agl' n'est pas nécessaire d'en dire davantage pour le
essercitii catholici nella loro città, et mostrano moment.
molti di desiderarlo, se ben altri fanno vista di
Son Altesse Sérénissime est partie
più presto darsi la morte. Io spero che con mardi de Lyon, où elle a été [40] grandement
questo viaggio si risolveranno tutte le cose fêtée. Les Genevois croient que Sa Sainteté fait
circa quelli particolari.
d'extrêmes instances auprès du roi très chrétien
Domani io vado in Annessi, per andar pour obtenir le libre exercice du culte
poi, se occorrerà, in Tonone a far le feste, et catholique dans leur ville. Un grand nombre
sarò diligentissimo a darglie ragguaglio delle paraissent le désirer, bien que d'autres fassent
occurrenze. Intanto pregho il Signore Iddio che semblant de vouloir plutôt se donner la mort.
dia ogni vero contento a V. S. Illma et Rma, alla J'espère que, grâce à ce voyage, on résoudra
quale con ogni humiltà bascio le mani, tout ce qui se rattache à ces questions.
supplicando che mi perdoni se con tanta libertà
Je me rends demain à Annecy, afin
ardisco di proporgli le cose che me toccano in d'aller ensuite à Thonon pour les fêtes, si c'est
particolare, poichè la sua somma et già tante nécessaire, et je m'empresserai de vous
volte provata amarevolezza (sic) mi dà animo renseigner selon les occasions. En attendant je
in queste occasioni...
prie Dieu d'accorder toutes sortes de
Da Chiamberi, alli 9 Decembre 1599. contentements à Votre Seigneurie Illustrissime
All' Illmo et Rmo Padron et Sigre mio et Révérendissime, à qui je baise les mains en
osservandissimo, toute humilité, la suppliant de me pardonner si
Il Sigre Arcivescovo di Bari, j'ose lui exposer avec tant de liberté les choses
Nuntio Apostolico appresso S. A. Serenma. qui me sont personnelles ; mais les
Turino. témoignages d'extrême bienveillance tant de
fois reçus m'encouragent en ces rencontres...
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
De Chambéry, le 9 décembre 1599.
Canonisation. [41]
[41]
_____
43/340

5.4 Page 44

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Année 1600
_____
CXXXII. Au Cardinal César Baronius69 (Minute inédite).
Bienveillance du Saint-Siège pour la mission du Chablais.
Joie de savoir le Cardinal nommé protecteur de cette œuvre.
Thonon, janvier 1600.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
Padrone mio colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
Se la difficile et laboriosa impresa della
conversione di queste provincie non procedeva
da Dio, già un pezzo fa che sarebbe andata in
ruina70, essendo che non sonno mancati
impedimenti et ostacoli, di numero et qualità
[42] tali, che da consiglio humano non
potevano esser superati. Ma se sin adesso sua
divina Bontà ha dato segno del suo favore
sopra questa opera, a me pare che questo sia
segnalatissimo et certissimo : cioè, che il
Sommo Pontefice se pigli quella cura et
sollecitudine che suole havere nelle cose
concernenti il servitio del Salvatore, del quale
egli è luoghotenente in terra.
Et in questo divino beneficio si scopre
ancora particolar saggio della suprema
Providentia in quella che Sua Beatitudine è
stata inspirata di stabilire V. S. Illma et Rma per
protettore di questa importantissima opera71 ;
poichè più vivo et animato difensore et
promotore non si poteva desiderare fra quelli
fortissimi et valorosi che circondano il santo
letto di Salomone72 : sì che è chiaro horamai
Si l'œuvre difficile et laborieuse de la
conversion de ces provinces ne provenait de
Dieu, il y a longtemps qu'elle serait ruinée ; car
les empêchements et les obstacles n'ont point
manqué, et ils ont été en si grand nombre et de
telle nature qu'ils n'auraient jamais pu [42] être
surmontés par des moyens humains. Mais si la
divine Bonté a donné jusqu'à présent des
témoignages de protection à cette œuvre, il me
semble qu'en voici un très signalé et très
certain, à savoir, que le Souverain Pontife en
prenne le soin et la sollicitude qu'il a coutume
d'avoir pour ce qui touche le service du
Sauveur, dont il est le lieutenant sur la terre.
Et, en ce bienfait divin, la bonté de la
souveraine Providence se montre aussi d'une
manière spéciale en ce que Sa Sainteté a été
inspirée de destiner Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime pour
protectrice de cette œuvre si importante. On ne
pouvait, en effet, désirer un plus ardent et
vigoureux défenseur et promoteur parmi ces
forts et vaillants qui entourent le lit sacré de
69 César, fils de Camille Baronio et de Porcia Febonia, né à Sora dans le royaume de Naples (30 octobre 1538), avait
fait ses études à Veroli et à Naples, d'où il se rendit à Rome en 1537. Il se rangea bientôt parmi les disciples de saint
Philippe de Néri, auquel il succéda dans le gouvernement de la Congrégation de l'Oratoire (1593). Clément VIII, qui
l'avait choisi pour confesseur, le créa cardinal du titre des saints Nérée et Achillée (1396) et bibliothécaire du Vatican.
N'eût été l'opposition du parti espagnol, Baronius aurait probablement ceint la tiare à la mort de ce Pontife. Lors de
son séjour à Rome (1598-1599) saint François de Sales s'acquit l'estime et l'affection du Cardinal, qui protégea dès
lors d'une manière spéciale les intérêts de la mission du Chablais. Sa mort, survenue le 30 juin 1607, fut considérée
comme un deuil pour l'Eglise, à qui il laissait un monument de piété et d'érudition dans ses Annales Ecclesiastici, a
Christo nato usque ad annum 1198, ouvrage en douze volumes qui parut à Rome de 1588 à 1593. On lui doit encore
un Martyrologe romain et divers opuscules.
70 Cf. Act., V, 38, 39.
71 Cette phrase permet de conjecturer presque à coup sûr la date de la lettre. Notre Saint l'a vraisemblablement écrite
aussitôt qu'il sut Baronius désigné pour être protecteur de la Sainte-Maison de Thonon. Or, c'est au commencement
de 1600 que dut être connue cette nomination, car le 8 janvier de la même année Nicolas Clerici, mandataire du duc
de Savoie à Rome, annonce au prince qu'elle vient d'avoir lieu. (Turin, Archives de l'Etat.)
72 Cant., III, 7.
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5.5 Page 45

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che Christo, per mezzo della Santa Sede, ci Salomon ; de sorte qu'il est désormais évident
vuole essere Dio protettore et casa di que le Christ veut, par l'entremise du Saint-
refugio73. [43]
Siège, nous être un Dieu protecteur et une
Onde, vedendo il dissegno efficace et il maison de refuge. [43]
saldo fondamento di questo muro per la casa
Voyant donc le projet arrêté et le
d'Israele74 in questi confini de' Philistei, ne fondement solide de ce mur pour la maison
laudo prima sua divina Bontà, et ringratio con d'Israël dans ces confins des Philistins, j'en
ogni humiltà V. S. Illma et Rma delli tanti aiuti loue d'abord la divine Bonté ; je remercie
colli quali s'è adoperata et se adopra tuttavia ensuite en toute humilité Votre Seigneurie
per questo santo edificio ; de' quali favori suoi Illustrissime et Révérendissime des secours si
io hebbi non solo speranza buona, ma etiandio nombreux qu'Elle a accordés et qu'Elle accorde
certissima caparra, quando Ella si degnò di encore à ce saint édifice. Pour moi, non
abbracciare con tanta efficacia quelli altri seulement j'ai beaucoup espéré ces faveurs,
negotii, pur santi essi, quali io trattai poco fa mais j'en ai reçu même le gage très assuré
appresso di Essa.
lorsque, traitant naguère auprès de vous
Supplicando
per
questo d'autres affaires également saintes, vous
humilissimamente V. S. Illma et Rma che voglia daignâtes les embrasser avec tant d'ardeur.
continuare quello suo paterno affetto verso
C'est pourquoi je supplie très
questi poveri popoli, prego con tutto l'animo humblement Votre Seigneurie de vouloir
sua divina Maestà che verso di lei continui et conserver son affection paternelle à ces
aggrandisca le sue gratie et [la] conservi pauvres populations. Priant de toute mon âme
lungamente a beneficio della santa Chiesa ; et la divine Majesté de continuer et augmenter
con devotione bascio le sue reverendissime ses grâces en votre endroit et de vous conserver
mani.
longuement pour le bien de la sainte Eglise, je
Di V. S. Illma et Rma,
baise avec dévotion vos mains vénérées.
Divotissimo et humilissimo servitore.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Da Tonone.
Révérendissime,
Le très dévoué et très humble serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
De Thonon. [44]
Canonisation. [44]
_____
CXXXIII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique a Turin (Minute). Réception de
plusieurs lettres. Eloge de quelques ecclésiastiques. Les
bonnes intentions du duc de Savoie en faveur du chanoine
Nouvellet restent sans effet
Annecy, 17 janvier 1600.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime et Révérendissime
Signore,
Seigneur,
Mi vennero insieme due lettere di V. S.
Deux lettres de Votre Seigneurie
Illma et Rma l'ultimi giorni de l'anno passato : Illustrissime et Révérendissime me sont
una del 7 di Decembre et l'altra per duplicato arrivées simultanément les derniers jours de
73 Ps. XXX, 3.
74 Ezech., XIII, 5.
45/340

5.6 Page 46

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di una præcedente del 20 di Ottobre, colla
copia della lettera scrittagli dal P. Fra
Cherubino da Roma alli 2 dell'istesso mese di
Ottobre (delli quali duplicato et copia, li
originali non mi sonno mai giunti nelle mani),
et una altra del 7 di Decembre, pur nell'istesso
plico, et mentre mi ritrovai ammalato di un
poco di febre75, della quale però io son stato
libero in poco tempo.
Nella lettera del Padre Cherubino vedo
due cose : una [45] è la risposta che egli fa alli
punti ricercati da Nostro Signore, circa laquale,
già che la rilatione mandata da Monsignor
Arcivescovo di Vienna è assai più distinta et
copiosa, non mi par di poter dire altro senon
che intorno all'articolo delli sogetti
ecclesiastici, cie ne sonno moltissimi altri
valenti, delli quali parte si è scordato il Padre
Cherubino, et parte non li conosce per esser
venuti doppo la sua partenza : come sonno li
canonici Deagio76, Grandis77, Gottrio78,
Bochuto79, tutti dottori et letteratissimi ; oltra
alli quali ne habbiamo altri che se ben non
sonno dottori, sonno però molto letterati, et
altri in numero che quest' anno si
addotoreranno in Avignone ; atalche, circa
questo, non mi par che vi fosse difficoltà
veruna.
Ma in questo restiamo inchiodati, che
non ciè modo nessuno di dar a questi valenti
huomini ricapito conveniente alle loro qualità
et essercitii ; sì come per esperienza [46] si
vede nel signor Nouveletto80, del quale scrive
il P. Cherubino, il quale havendo fatto venir
per mille scudi de libri81, con intentione di usar
il restante de gl'anni suoi a benefìcio della
patria sua, non ha potuto ancor aprire detti
libri, nè adoperar il suo valore, per
mancamento de commodità ; perchè, con tutto
ciò che sia canonico della Chiesa di Geneva,
l'année passée : l'une est du 7 décembre, l'autre
est le duplicata d'une lettre précédente du 20
octobre, avec la copie de celle que le P.
Chérubin vous écrivit de Rome le 2 du même
mois d'octobre (les originaux de ce double et
de cette copie ne sont jamais tombés entre mes
mains), et, dans le même pli, une autre lettre
datée du 7 décembre. J'étais alors malade d'une
petite fièvre dont j'ai été cependant bientôt
débarrassé.
Je vois deux choses dans la lettre du P.
Chérubin. La première est [45] sa réponse aux
questions posées par notre Saint-Père. Or,
puisque le rapport envoyé par Mgr
l'Archevêque de Vienne est bien plus clair et
étendu, il me semble ne pouvoir rien ajouter à
cette réponse sinon en ce qui concerne nos
ecclésiastiques. Il y en a beaucoup d'autres fort
recommandables. Le P. Chérubin a oublié les
uns, et il ne connaît pas les autres parce qu'ils
sont venus après son départ : tels les chanoines
Déage, Grandis, Gottry, Bochut, tous docteurs
et très savants. Outre ceux-ci, nous en avons
plusieurs qui, sans être docteurs, sont
cependant très instruits, et d'autres en assez
grand nombre qui prendront leurs grades cette
année à Avignon. Il me semble donc que ce
point ne présente aucune difficulté.
Mais ce qui nous arrête c'est que nous
n'avons nul moyen de procurer à ces hommes
de mérite un logement convenable à leur [46]
condition et à leur office. On le voit par
expérience pour M. Nouvellet, dont le P.
Chérubin parle dans sa lettre. Il a fait venir
pour mille écus de livres, avec intention
d'employer les années qui lui restent au bien de
sa patrie, et cependant, faute de ressources, il
n'a pas encore pu ouvrir ces livres ni utiliser
son savoir ; car, bien qu'il soit chanoine de
l'Eglise de Genève, néanmoins, étant maladif
75 et allhora mi ritrovavo [trattenuto da] un poco [di infirmita]
76 Voir le tome précédent, note (30), p. 2.
77 Ibid., note (685), p. 299.
78 Nicolas Gottry, chanoine de Saint-Pierre de Genève, curé de Cholex puis de Combloux (26 avril 1608), résigna son
canonicat en faveur d'un autre Nicolas Gottry le 16 février 1633.
79 Antoine Bochut, curé de Chapeiry, chanoine de Saint-Pierre de Genève, qui mourut en février 1606.
80 Claude-Etienne Nouvellet, docteur de Sorbonne, poète fécond, et, au témoignage de ses contemporains, « excellent
prédicateur, » l'un des premiers membres de l'Académie Florimontane, avait été aumônier de la duchesse de Nemours,
Anne d'Este. Cette princesse lui obtint une prébende à la collégiale d'Annecy (30 janvier 1596) avec les charges de
théologal et sacristain. Il devint rifluite chanoine de la cathédrale, curé de Rumilly (24 janvier 1601) et fit partie
pendant quelque temps de la maison épiscopale de saint François de Sales. Cet ecclésiastique mourut à Annecy, et fut
inhumé dans l'église Saint-François le 7 octobre 1613. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.
81 de libri, [credendo di poter ritrovare qualche provisione per vivere...]
46/340

5.7 Page 47

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essendo valetudinario et già di cinquanta et âgé déjà de cinquante-cinq ans, il endure, à
cinqu'anni, nientedimeno, eccetto la fame, la faim près, une grande pauvreté. Il en serait
patisce gran povertà, sì come farebbono tutti de même de tous les autres s'ils n'avaient
gl' altri se non havessero ricorso dalle loro case recours à leurs familles. Son Altesse, il est vrai,
paterne. E vero che Sua Altezza havendolo ayant entendu nommer M. Nouvellet, a voulu
sentito nominare lo volse vedere et sentire, et le voir et l'entendre, et en ayant été très
cavatone gran gusto disse che glie voleva dar satisfaite, elle a dit vouloir lui attribuer deux
dugento scudi di pensione sopra la badia di cents écus de pension sur l'abbaye de Pignerol.
Pignerolo, et fra tanto che scriverebbe En attendant elle pensait écrire à l'abbé
all'Abbate di Abondanza82 acciò [47] che delle d'Abondance afin qu'il donne audit docteur,
cinque o sei præbende vacanti della sua badia, pour cette [47] année, deux des cinq ou six
lequali sonno dalli negotiatori messe in prébendes vacantes de son abbaye, lesquelles
corbonam, ne fossero date due al detto dottor sont mises dans le trésor commun par les
per questo anno. Ma83 tutti questi favori non administrateurs. Mais toutes ces faveurs ne
sonno altro che segni della bontà del Prencipe, sont que des témoignages de la bonté du prince
et del restante cibi de cameleone.
et, du reste, aliment de caméléon.
Et questo ho volsuto dire a V. S. Illma
J'ai voulu dire ceci à Votre Seigneurie
per sommaria ragione de l'impedimento del Illustrissime pour lui exposer sommairement
progresso del servitio d'Iddio in queste bande. les obstacles qui s'opposent au progrès du
Onde si può dire col P. Cherubino, che service de Dieu dans ces contrées. C'est
essendovi il modo potria farsi una buona et pourquoi on peut dire avec le P. Chérubin que,
utile opra in questa diocæsi, et far come un le moyen étant donné, il y aurait à faire une
seminario de sacerdoti da prævalersene in ogni œuvre bonne et utile dans ce diocèse, en
occorrenza, massime in questi contorni.
fondant une espèce de séminaire de prêtres
Ma circa questi buoni popoli, qu'on pourrait employer en toute occasion,
habbiamo già celebrato solennemente la festa particulièrement dans les alentours.
delle concettioni con tutte le ottave ; voglia
Quant à ces bonnes populations, nous
Iddio che possiamo celebrar la festa del parto avons déjà célébré solennellement la fête de la
et nascimento, al meno in questo anno conception avec toutes les octaves ; plaise à
Jubilæo.84
Dieu que nous puissions célébrer la fête de
l'enfantement et de la naissance, au moins en
Revu sur l'Autographe conservé à la
cette année du Jubilé ! … [48]
Visitation d'Annecy. [48]
_____
82 Vespasien Aiazza. Voir le tome précédent, note (514), p. 223.
83 per questo anno [per via di provisione.] Ma [tutte queste speranze sonno cibo di cameleone et...]
84 anno Jubilæo. [E poi parola non del P. Cherubino, mal del Spirito Santo, quando dice a V. S. che di gratta...]
47/340

5.8 Page 48

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CXXXIV. A M. Aaron Pothon 85 (Inédite). Demande de pièces
nécessaires à la poursuite d'un procès.
Annecy, 15 mai 1600.
Monsieur,
Cependant que j'ay suivi le proces que j'ay eu avec messire Nicolas Balli pour la parrochiale
du Petit Bornand86 par devant les juges lais pour le possessoire, j'ay laissé en surseance la
poursuitte de l'adjournement que j'avoys eu a Vienne des que maistre Coquin87 se presenta pour
moy et vous constitua mon procureur, il y a environ deux ans. Maintenant, desirant reprendre les
arremens dudit proces, auquel je m'estois præsenté, je vous supplie de m'envoyer les lettres
necessaires a ces fins pour, au moyen d'icelles, poursuivre par apres mon droit ainsy que je seray
conseillé. Et je vous tiendray tres bonne et entiere rayson de toute la despense que vous m'accuseres
par vostre lettre que j'attens en response de la præsente, par voye de monsieur de Medio, chanoyne
a Lion88.
A tant je vous salue tres affectionnement, demeurant,
Monsieur,
Vostre affectionné serviteur,
FRANCS DE SALES,
Prævost de St Pierre de Geneve.
A Annessi, le 15 may 1600.
A Monsieur
Monsieur Aaron Potton, Procureur a Vienne.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Romans. [49]
_____
85 Aaron Pothon, sieur de Laval, procureur du bailliage de Vienne et « conseiller du roi en la Chambre des élus du
Dauphiné. » On le retrouve dans la suite (1627) administrateur de l'Hôtel-Dieu de Vienne et consul de la ville.
86 Vide supra, pp. 21, 39.
87 Maître Jean Coquin. Voir le tome précédent, note (365), p. 157.
88 Jacques de Médio, natif de La Roche en Savoie et chanoine de la collégiale (de cette ville, était curé d'Evires dès le
12 mai 1593, et devint ensuite chanoine de Saint-Nizier à Lyon.
48/340

5.9 Page 49

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CXXXV. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique a Turin. Dangers que courent les
Catholiques du Chablais ; leur constance en face du péril.
Indisposition de Mgr de Genève. L'Archevêque de Vienne
expulsé par les Valaisans
Annecy, 26 août 1600.
Illustrissimo et Reverendissimo signor
Mon très honoré, Illustrissime et
Padron colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
Fra tante afflittioni con le quali si è
compiaciuto Iddio di castigare i peccati nostri,
non mi resta per scrivergli altro senon che in
questa infermità si è mostrata la virtù divina89
nella costanza delli nostri convertiti di Tonone,
liquali, minacciati hora dalle scorrerie di
Geneva, hora da Berna, sonno però restati saldi
nella religione santa90. È vero che sin adesso
non han patito se non minaccie, poichè non si
sonno dati in campagna quelli heretici. Ma la
paura che si ha che dal Ré non vengano [50]
adoprati quelli infedeli, era bastevole a far ogni
gran commotione nelli deboli petti de'
convertiti. Et in questo si conchiude la maggior
sollecitudine c'habbino li pastori destinati per
quelle pecorelle ; già che l'altre cose non sonno
sottoposte alla loro consideratione.
Monsignor Rmo Vescovo è sin adesso
assai ammalato, parte delle fatighe portate il
mese passato in Chiablais, parte di dispiacere
della mala strada che pigliano le cose di qua.
Monsignor di Vienna si era ritirato in un
luogho di questa diocesi il quale è, secondo la
giurisditione temporale, parte di Savoia, parte
de' Valesani91 ; ma detti Valesani gl' hanno
fatto intimare ch' egli habbia da partirsene,
sotto pena della confiscatione delle cose che si
ritrovaranno nelle loro terre. Li Padri della
missione sonno pur ancora in Chiablais, se
bene dispersi in varii luoghi per il dubbio de'
Genevrini et Bernesi. Li curati, per la maggior
parte, sonno nelle loro chiese, se bene alcuni
timidi si sonno ritirati per vedere a che termine
capitaranno le cose.
Au milieu de tant d'afflictions par
lesquelles il a plu à Dieu de châtier nos péchés,
il ne me reste autre chose à vous écrire sinon
qu'en cette infirmité, la vertu divine s'est
montrée par la constance de nos convertis de
Thonon. Menacés tantôt par les incursions des
Genevois, tantôt par celles des Bernois, ils sont
cependant demeurés fermes en notre sainte
religion. Il est vrai que jusqu'ici ils n'ont eu à
souffrir que des menaces, car ces hérétiques ne
se sont point mis en campagne. Mais la crainte
que le roi ne vînt à employer ces [50] infidèles
eût été suffisante pour ébranler
considérablement le faible courage des
convertis. C'est ce qui inspire la plus grande
inquiétude aux pasteurs destinés à la garde de
ces brebis ; car le reste n'est pas de leur ressort.
Mgr notre Révérendissime Evêque est
encore assez malade, soit par suite des fatigues
endurées en Chablais le mois dernier, soit à
cause du chagrin qu'il éprouve en voyant nos
affaires s'engager en une aussi mauvaise voie.
Mgr de Vienne s'était retiré en un lieu de ce
diocèse, qui appartient, quant à la juridiction
temporelle, partie à la Savoie et partie aux
Valaisans ; mais ceux-ci lui ont fait intimer
l'ordre de se retirer, sous peine de confiscation
des biens qu'il possède sur leur territoire. Les
Pères de la mission sont encore en Chablais,
quoique dispersés en différents endroits par
crainte des Genevois et des Bernois. La plupart
des curés restent dans leurs paroisses, bien que
quelques-uns des plus timides se soient retirés
pour voir comment finiront les choses.
89 II Cor., XII, 9.
90 Henri IV venait d'entrer en Savoie à la tête de son armée (16 août 1600) ; à la faveur des troubles qu'amena la guerre,
les hérétiques se promettaient de rentrer en possession du Chablais, ou tout au moins d'obtenir le rétablissement du
protestantisme dans cette province.
91 Saint-Gingolph, situé sur les bords de la Morge.
49/340

5.10 Page 50

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Li passi stando occupati come stanno,
Les passages étant occupés comme ils
sarà cosa [51] difficilissima di scrivere a V. S. le sont, il sera très difficile [51] d'écrire à Votre
Illma tanto spesso come si converrebbe ; Seigneurie Illustrissime aussi souvent qu'il
tuttavia io ne cercarò ogni occasione, non conviendrait ; néanmoins, j'en chercherai
stimando poca consolatione in queste miserie toutes les occasions, car parmi ces calamités je
se io posso rappresentarme spesso nella sua ne tiens pas pour une petite consolation de
memoria et gratia.
pouvoir me rappeler fréquemment à son
Pregilo il Signor Iddio che le dia ogni souvenir et à sa bienveillance.
vero contento, et facendogli humilissima
Je prie le Seigneur notre Dieu de vous
riverenza gli bascio le reverendissime mani. donner tout vrai contentement, et, vous faisant
Di V. S. Illma et Rma,
très humble révérence, je baise vos mains
Divotissimo et humilissimo servitore, vénérées.
FRANCO DE SALES,
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Prævosto di Geneva. Révérendissime,
In Annessi, alli 26 Agosto 1600.
Le très dévoué et très humble serviteur,
Io supplico il signor Secretano di V. S.
FRANÇOIS DE SALES,
Illma che si degni inviare il plico qui alligato.
Prévôt de Genève.
A Annecy, le 26 août 1600.
Revu sur une copie déclarée authentique,
Je supplie M. le Secrétaire de Votre
conservée à Rome, Archives Vaticanes. [52] Seigneurie Illustrissime de vouloir bien
expédier le pli ci-joint. [52]
_____
50/340

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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Année 1601
_____
CXXXVI. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de
Genève. Envoi de deux lettres. Aggravation de la maladie de
M. de Boisy
Sales, 19 janvier 1601.
Monseigneur,
Sur la lettre que monsieur de Sanci92 m'escrivoit pour me rendre solliciteur aupres de vous
de son intention, j'ay ouvert celle quil vous escrivoit, appuyé tant sur la creance qu'il vous plait
prendre en la fidelité de l'affection que j'ay a vostre service, qu'aussi sur la crainte que j'avois que
ce ne fut pour chose qui meritast que j'allasse aupres de vous pour en entendre vos commandemens.
Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoye les deux lettres et demeure
icy au devoir que j'ay au service de mon pere, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre
vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois
dans peu de jours privé de la [53] consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en
la presence de ce bon pere93. Or Dieu, qui est Seigneur de nos vies, soit a jamais loué de toutes ses
volontés.
Je le prieray tous-jours pour vostre prosperité, puysque j'ay cest honneur d'estre advoüé,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Sales, ou ma mere avec tous les siens et mon pere mesme vous baysent tres humblement
les sacrees mains, 19 janvier.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverme Evesque et Prince de Geneve.
Revu sur une copie déclarée authentique conservée à la Visitation d'Annecy.
_____
92 Nicolas de Harlay, seigneur de Sancy et de Grosbois, baron de Maule (1546-1629), fils de Robert de Harlay et de
Jacqueline de Morviliers, suivit d'abord le parti de Henri III, puis se rangea à celui de Henri IV (15891. Il fut chargé
par ce dernier de lever des troupes en Allemagne et de diriger l'armée suisse au service de la France dans ses attaques
contre la Savoie (1591). M. de Sancy devint surintendant des bâtiments, premier maître d'hôtel du roi, gouverneur de
Chalon-sur-Saône, lieutenant-général en Bourgogne, colonel général des Suisses (avril 1596) ; en 1600 il accompagna
Henri IV dans l'expédition de Savoie et commanda les troupes, composées en grande partie d'hérétiques, qui
s'emparèrent du Chablais dont le roi de France le nomma gouverneur. Après avoir abjuré une première fois, il était
retourné au protestantisme et ne se convertit définitivement qu'en 1597.
93 M. de Boisy vécut encore jusqu'au 5 avril de cette même année.
51/340

6.2 Page 52

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CXXXVII. Au Père Juvénal Ancina, de la Congrégation de
l'Oratoire (Inédite). Remerciements pour l'intérêt qu'il porte au
Chablais. Tribulations qui ont fondu sur cette province.
Espoir d'une prochaine paix. Les poursuites entreprises au
sujet de la coadjutorerie de Genève restent stationnaires
Sales, 3 février 1601.
Molto Reverendo Padre et Signor mio
Très Révérend Père et mon très honoré
Padron colendissimo,
Seigneur,
Ho sentito una grandissima
consolatione dalla lettera che Vostra Paternità
molto Rda si degnò inviarmi per il [54] signor
Philippo de Quoex, et ciò per più ragioni ; ma
particolarmente perchè da quella ho
conosciuto che non solo di me, ma di tutta
questa provincia tiene singolare memoria et
sollecitudine, laquale non può esser senon
molto giovevole, sì come sin adesso è stata, et
massime in questi tempi tanto calamitosi nelli
quali sedet quasi vidua et oppressa
amaritudine, nec est qui consoletur eam ex
omnibus caris ejus94.
Non si può [dire] quanti travagli di
spirito habbiam sentito in veder pericolar
questa povera barchetta, già pur troppo
rovinata fra tanta peste di guerra ; et tuttavia,
laudato sia Iddio che nè fra gl'antichi Catholici,
nè fra li nuovamente ridotti, non si è fatto altro
movimento che di maggior ardore et fervore.
Li nostri sacerdoti stabiliti nelle nuove chiese
hanno patito incredibilmente, ma con una
constantia tanto grande che è gran consolatione
il ricordarsene. Li ministri di Geneva non
hanno punto mancato di voler occupar le
chiese ; ma Monsignor Rmo Vescovo
essendosene lamentato appresso il Re di
Francia, egli commandò che non havessero da
[55] far simili dissegni. È vero che non è stato
senza fatighe che le cose si sonno così
conservate.
La speranza della vicina pace ci
rallegra tutti95 ; ma se non succedesse per
peccati nostri, in quel caso haveressimo
bisogno di grande aiuto della Santa Sede
appresso il Ré, per non havere da esser mal
J'ai éprouvé une très grande
consolation de la lettre que Votre très
Révérende Paternité a daigné m'adresser par
M. Philippe de [54] Quoex, et cela pour
plusieurs raisons ; mais particulièrement parce
que j'ai compris par son contenu que non
seulement vous me conservez un spécial
souvenir, mais aussi que vous avez pour toute
cette province une singulière sollicitude. Cette
sollicitude ne peut lui être que très
avantageuse, ainsi qu'elle l'a été jusqu'à
présent, surtout en ces temps si calamiteux,
durant lesquels elle est devenue comme une
veuve accablée d'amertume, et de tous ceux qui
lui étaient chers il n'en est pas un seul qui la
console.
On ne saurait dire quelles ont été nos
angoisses en voyant le péril que courait cette
pauvre nacelle, déjà ruinée, hélas ! par une telle
peste de guerre. Toutefois, Dieu soit loué de ce
que ni parmi les anciens Catholiques, ni parmi
les nouveaux convertis il n'y a eu d'autre
mouvement que celui d'une plus grande ardeur
et ferveur. Nos ecclésiastiques installés dans
les nouvelles églises ont incroyablement
souffert, mais avec tant de constance que c'est
une grande consolation de s'en ressouvenir.
Les ministres de Genève n'ont pas manqué de
vouloir occuper les églises ; mais Mgr notre
Révérendissime Evêque s'en étant plaint au roi
de France, celui-ci leur ordonna [55] de
renoncer à de semblables desseins. Ce n'est pas
sans peine, il est vrai, que les choses se sont
ainsi maintenues.
L'espoir d'une prochaine paix nous
réjouit tous ; mais si à cause de nos péchés elle
94 Thren., I, 1, 4, 2.
95 Le Saint ignorait encore que le traité de paix avait été signé à Lyon le 17 janvier.
52/340

6.3 Page 53

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trattati da quelli de Geneva. Per conto mio, io ne se concluait pas, nous aurions grand besoin
son risoluto da star saldo sino al fine con quel de l'appui du Saint-Siège auprès du roi, afin de
poco di vigore che sua divina Maestà mi ha n'être pas maltraités par les Genevois. Pour
dato, massime se Vostra Paternità molto Rda mon compte, je suis résolu de demeurer ferme
continuarà di farme partecipe delle sue jusqu'à la fin, selon le peu de vigueur que sa
orationi, insieme con P. Giovan Mathaso suo divine Majesté m'a donnée, surtout si Votre
fratello, sì come io la supplico très Révérende Paternité, ainsi que le P. Jean-
divotissimamente.
Matthieu, son frère, continue à me faire part de
Et basciandoli le sacrate mani, resto ses prières, comme je l'en supplie très
aeternamente,
humblement.
Di Vostra Paternità molto Rda,
C'est en baisant vos mains sacrées que
Humilissimo servitore, je demeure éternellement,
FRANCO DE SALES,
De Votre très Révérende Paternité,
Prævosto di Geneva.
Le très humble serviteur,
Da Sales, casa paterna, alli 3 di Febraro
FRANÇOIS DE SALES,
1601. [56]
Prévôt de Genève.
Non lasciarò di darle avviso che la cosa
De Sales, ma maison paternelle, le 3
della coadjutoria non ha pigliato nè successo, février 1601. [56]
nè progresso veruno doppo l'essame ; onde se
Je ne veux pas manquer de vous avertir
mi favorirà delle sue lettere, io la supplico di que l'affaire de la coadjutorerie n'a eu aucun
non darme quel titolo del quale io sono succès ni avancement depuis l'examen ; c'est
indegno.
pourquoi, si vous me favorisez de vos lettres,
Al molto Rdo Padre et Sigr mio in Christo je vous supplie de ne pas me donner un titre qui
colendissimo,
ne me convient pas.
Il R. P. Giovenale, Theologo della
Au très Révérend Père et mon très
Congregatione dell' Oratorio.
vénéré Seigneur en Jésus-Christ,
Roma.
Le R. P. Juvénal, Théologien de la
Congrégation de l'Oratoire. Rome.
Revu sur l'Autographe conserve à Milan,
Archives du prince Trivulzio.
_____
CXXXVIII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque
de Bari, Nonce Apostolique a Turin. Constance des Catholiques
de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois. Prière de
solliciter les prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet.
Annecy, 18 mars 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime, Révérendissime et très
Signore Padron colendissimo,
honoré Seigneur,
Andando costì il signor di Viletta mio
zio, maestro di casa di Sua Altezza, mi è parso
di dover rompere questo lungho et violento
silentio con far humilissima riverentia a V. S.
Illma et Rma per mezzo di queste righe, colle
quali [57] ancora glie darò questa
Mon oncle, M. de Villette, maître
d'hôtel de Son Altesse, se rendant auprès de
vous, il m'a semblé devoir rompre un silence
forcément prolongé, en offrant par ces lignes
mes très humbles hommages à Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime. Je
53/340

6.4 Page 54

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consolatione, assicurandola che se bene in
Tonone et Ternier, di donde io venni solamente
la Domenica di Quinquagesima, si è patito
assai sotto il governo del signor di Monglat96,
huguenotto, et per le varie insidie de'
Genevrini liquali, massime in Ternier, han
usate tirannie et vituperii da non dirsi circa le
cose sacre, tuttavia, con tutto ciò, fra quel gran
numero de convertiti non se ne trovaranno
quattro che siano ricaduti, et questi infimi di
qualità. Anzi si è conosciuto che quella loro
santa mutatione era opus dexteræ Excelsi97,
poichè le feste di Natale fecero un fervore, per
antiperastasi, del tutto insolito. Resta mò che
horamai si eseguisca il Breve di Sua Santità
circa l'applicatione delli beni ecclesiastici
all'uso de' pastori et curati, senza intrico delli
benedetti signori Cavaglieri98.
Il signor di Viletta supplicarà V. S. Illma
di usare la [58] carità sua solita in far havere le
præbende promesse dal signor Abbate di
Abondanza al signor Noveletto, non già per
questo anno passato, poichè il signor di Sanci
ha pigliato tutta l'intrada di quella badia, ma
per l'anno seguente. Et di questo supplico anch'
io V. S. Illma et Rma, basciandogli
humilissimamente le sacratissime mani, et
pregando Iddio che ci faccia godere molti anni
li frutti della sua protettione.
Da Annessi, douve io resto per le
prediche quadragesimali, alli 18 di Marzo
1601.
Di V. S. Illma et Rma,
Humilissimo et devotissimo servitore,
FRANCO DE SALES,
Prævosto di Geneva.
Monsignor Rmo Vescovo mi ha dato in
carico di basciar humilmente le mani a V. S.
Illma et Rma a nome suo.
All'Illmo et Rmo Sigr et Padron mio
colendissimo,
Monsigr l'Arcivescoüo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Turino.
lui donnerai en [57] même temps une
consolation : celle de lui apprendre que si bien
à Thonon et à Ternier, d'où je revins seulement
le Dimanche de la Quinquagésime, on a
beaucoup souffert sous le gouvernement de M.
de Montglat, huguenot, et par les diverses
embûches des Genevois (à Ternier surtout ils
ont exercé une tyrannie, et commis à l'égard
des choses sacrées des indignités qui ne se
peuvent dire), néanmoins, malgré tout cela,
parmi un si grand nombre de convertis il ne
s'en trouvera pas quatre qui soient retombés, et
encore sont-ils de basse condition. Ainsi l'on a
reconnu que leur saint changement était
l'œuvre de la droite du Très-Haut, puisque, par
antipéristase, ils célébrèrent les fêtes de Noël
avec un entrain tout à fait inusité. Reste donc à
mettre désormais à exécution le Bref de Sa
Sainteté relatif à l'application des biens
ecclésiastiques à l'usage des pasteurs et des
curés, sans intrigues de ces bénis Chevaliers.
[58]
M. de Villette suppliera Votre
Seigneurie d'user de sa charité accoutumée
pour obtenir à M. Nouvellet les prébendes
promises par l'Abbé d'Abondance, non pour
cette année passée, puisque M. de Sancy a saisi
tout le revenu de cette abbaye, mais pour
l'année prochaine. Je vous en supplie aussi
moi-même, baisant très humblement vos
mains sacrées, et priant Dieu de nous faire
jouir longues années des fruits de votre
protection.
D'Annecy, où je demeure pour les
prédications du Carême, le 18 mars 1601.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
FRANÇOIS DE SALES,
Prévôt de Genève.
Mgr notre Révérendissime Evêque m'a
chargé de baiser en son nom les mains de Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.
[59]
96 Robert de Harlay, baron de Montglat, premier maître d'hôtel du roi, par la démission de son frère Nicolas, seigneur
de Sancy, était le troisième fils de Robert de Harlay et de Jacqueline de Morvillers. Lors de l'invasion de la Savoie par
Henri IV, il gouverna momentanément le Chablais en qualité de lieutenant de M. de Sancy (voir ci-devant, note (92),
p. 53). Le baron de Montglat mourut le 13 juillet 1607, «avec soupçon de poison, » si l'on en croit le journal de
l'Estoile. Il avait épousé Françoise de Longuejoue, gouvernante des enfants de France.
97 Ps. LXXVI, 11.
98 En regard de cette phrase, Clément VIII a écrit dans la marge de l'Autographe la note suivante : « Non ci ricordiamo
in che termini stiano questi negotii. Nous ne nous souvenons pas de ce qui a été convenu pour ces affaires. »
54/340

6.5 Page 55

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Revu sur l'Autographe conservé à Rome,
Archives Vaticanes. [59]
_____
CXXXIX. A M. Antoine d'Avully. Le Saint rend compte de son
intervention auprès du duc de Nemours pour le règlement d'une
affaire d'intérêt
Annecy, 9 avril 1601 99
Monsieur,
Vostre homme arriva hier tout a propos pour treuver Monseigneur de Nemours encor en
ceste ville. Je viens tout maintenant d'aupres de luy, et luy ay representé ce que vous aves desiré,
a quoy il s'est rendu fort aysé ; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la consideration de
l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le
champ et en ma presence a monsieur le præsident Floccard100 de le despecher au plus tost que faire
se pourra. A quoy ledit sieur Præsident a respondu qu'il le feroit infalliblement ; et despuys je l'ay
repris, et le Procureur patrimonial101 encores, lesquelz conformement m'ont dit que sil vous
playsoit d'en venir par termes de justice, la chose ne pouvoit pas se terminer du tout si tost, et qu'en
ce cas il sera requis de voir ledit Procureur patrimonial repliquer a vos responces. Mays sil vous
plait d'en venir [60] a l'amiable et prendre un des premiers jours apres Pasques, vous series bien
tost expedié. Ceste seconde voye me semble plus sortable. Ce pendant, sur cecy je vous prieray de
me donner advis du choix que vous feres, et je le feray sçavoir audit sieur Procureur du domeyne.
Monsieur le Præsident m'a dit que si franchement et resolument vous vous contentés de rendre a
Monsieur ce quil vous a baillé en eschange et reprendre le Turchet102, la chose sera du tout hors
de difficulté et de dilation.
Monsieur, excusés moy si je vous escris ainsy a baston rompu, car j'ay la teste tant rompue
et d'ennuy et d'affaires que je ne pense guere aux paroles. Je vous salue de tout mon cœur, et
madame d'Avully, et vous prie de [croire] que je seray tous-jours fort affectionnement,
Monsieur,
Vostre humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Neci, le 9 avril [1601].
Je n'ay pas parlé des 150 escus baillés au conte de Tournon103 par ce que je n'entendois pas
bien l'affaire.
A Monsieur
99 Le bas de l'Autographe étant déchiré, le millésime a disparu ; néanmoins on peut, indépendamment de la preuve
matérielle fournie par l'écriture, le conjecturer presque à coup sûr. Saint François de Sales se trouve à Annecy le 9
avril, et en une année où cette date est antérieure aux solennités pascales ; double circonstance qui durant tout le temps
de sa prévôté ne se rencontre qu'en 1601. Et, à partir de sa consécration episcopale, le Saint ne signe plus son nom
patronymique, ou du moins, il ajoute à sa signature : E. de Geneve, si ce n'est dans des billets familiers qui ne portent
quelquefois qu'une simple initiale.
100 Louis Floccard était déjà président de la Chambre des Comptes du Genevois en 1590, et il fut, paraît-il, maintenu
dans cette charge jusqu'à sa mort, arrivée en 1602.
101 Probablement Claude Machet.
102 La seigneurie du Turchet (commune de Menthonnex-en-Bornes) avait été cédée à Anne d'Este, duchesse de
Nemours, par le baron d'Hermance, en échange de la baronnie de Saint-Jeoire (1586), puis vendue le 9 septembre
1596 à Jean-Baptiste du Tour par Henri, duc de Nemours.
103 Prosper-Marc de Maillard.
55/340

6.6 Page 56

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Monsieur d'Avulli.
Revu sur l'Autographe conservé à Dôle, Ecole libre de Notre-Dame du Mont-Roland. [61]
_____
CXL. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique a Turin. Regret d'apprendre le rappel
du Nonce. Nouvelles conversions en Chablais. Mauvais
vouloir de ceux qui devraient les favoriser. Succès de la
mission entreprise dans le bailliage de Gaillard. Espoir de
ramener à la vraie foi le pays de Gex. Demande de quelques
faveurs. Travaux apostoliques de l'Archevêque de Vienne et
de l'Evêque de Genève
Sales, 28 juin 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Illustrissime, Révérendissime et très
Padron colendissimo,
honoré Seigneur,
Ho sentito con incredibile dispiacere
che V. S. Illma et Rma stava per dar fine alla sua
fruttuosa nunciatura ; et per questo devo prima
ringratiarla, sì come io faccio
humilissimamente, delli infiniti favori che mi
a (sic) fatti per gratia sua, a consolatione mia
et aiuto di questa provincia, della quale Ella è
non solo segnalato benfattore, ma padre
amorevolissimo (sic). Io la supplico poi che si
degni continuar la gratia sua verso di me
douvunque li meriti suoi la portino, et di creder
che non haverà giamai servitore più dedicato
alla sua ubedientia di quello che io sono, se
bene inutile104.
Non lasciarò tuttavia di dar raguaglio a
V. S. Illma et [62] Rma delle cose nostre intorno
a Geneva. Io son stato in Tonone et nel
balliaggio di Chiablais questo mese, per
visitare tutte le chiese et sapere in che stato si
ritruovavano et che modo vi sarebbe de
dotarle, sì come m'era stato commesso da
Monsignor Vescovo ; et ho ritruovato che
quanto all' anime, non obstante la guerra, il
numero era cresciuto da Natale in qua, se bene,
perchè il luogotenente del governatore dato dal
J'ai appris avec un déplaisir incroyable
que Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime est sur le point de terminer sa
fructueuse nonciature. C'est pourquoi je dois
vous remercier d'abord, comme je le fais très
humblement, des faveurs infinies dont, par
votre bonté, vous m'avez comblé pour ma
consolation et pour le bien de cette province,
de laquelle vous êtes non seulement le
bienfaiteur signalé, mais aussi le père très
aimant. Je vous supplie ensuite de daigner me
continuer vos bonnes grâces partout où vos
mérites vous porteront, et de croire que jamais
vous n'aurez un serviteur qui soit plus que moi
dédié à votre obéissance, quoique je sois
inutile.
Toutefois, je ne laisserai pas de donner
à Votre Seigneurie des [62] nouvelles de nos
affaires aux environs de Genève. J'ai été ce
mois-ci à Thonon et dans le bailliage de
Chablais pour visiter toutes les églises, savoir
en quel état elles se trouvent et par quel moyen
on pourrait les doter, comme il m'avait été
enjoint par Mgr notre Evêque. Pour ce qui
concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la
104 Cf. Lucæ, XVII, 10.
56/340

6.7 Page 57

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Ré di Francia, mentre vi stette, era hugonotto
in grado supremo, alquante pecorelle si erano
smarrite, poche in quantità et nulle di qualità.
Le feste di Pentecoste io predicai in Tonone,
dove li nuovi Catholici, in gran numero, fecero
la Communione [con molto105] frutto.
Ma quanto al modo di dotar le chiese,
v' è grandissima difficoltà [per le] ragioni che
sin adesso vi son state, cioè : Omnes quærunt
quæ sua sunt106, sino al signor Prævosto del
Gran San Bernardo107, il quale, sotto certe [63]
prætentioni di nominationi che hebbe avanti
l'heresia, viene ad inquietare l'opra dove può,
et non essendo mai comparso nel tempo della
fatica, vuole adesso pigliar li beneficii : sì che,
foris timores, intus pugnæ108. Quanto poi alli
signori Cavaglieri, non si ha da dire altro senon
che li loro agenti ancora essi stanno a voler
contrastar, sì che non ciè mai fine in questo
negotio ; et nientedimeno sarebbe necessario
che vi si ponesse fine per dar principio a questo
altro.
Düoi Padri della missione et duoi altri
curati del Chiablais vicini del balliaggio di
Gagliardo, sentendo che Sua Altezza era in
possesso di detto balliaggio et che vi era un
cappitano molto catholico109, andorono da lui,
offerendosi di dar principio alla predicatione
evangelica et essercitio catholico, il quale non
era stato in quel [luogo] perchè li Genevrini, a
nome del Ré di Francia, sino all'hora l' avevano
occupato. Et havendo esso cappitano mostrato
zelo et desiderio di tanto bene con promettere
ogni aiuto a detti Padri, le feste di Pentecoste
[64] si diede principio in quel balliaggio
(distante da Geneva mezza legha, cioè due
millia) con tanto favore del Spirito Santo, che
andandovi io il Mercordì della istessa
settimana, ritrovai più di cento case catholiche
in due parrochie, et quasi tutte molto ben
præparate a simil bene, senza che vi sia
travenuta nè forza, nè artifìcio altro che la
semplice parola. È vero che per esser detto
balliaggio non molto discosto delli novi
Catholici di Chiablais da una banda, et dalli
guerre, le nombre des convertis s'est accru
depuis Noël, bien que sous la domination du
lieutenant du gouverneur donné par le roi de
France, lequel pendant qu'il était là était
huguenot au suprême degré, quelques brebis se
fussent d'abord égarées ; mais elles sont peu en
quantité et nulles en qualité. Aux fêtes de
Pentecôte j'ai prêché à Thonon, où les
nouveaux Catholiques ont fait en grand
nombre la Communion avec beaucoup de fruit.
Mais quant au moyen de doter les
églises, la difficulté est très grande pour les
mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici : c'est-à-
dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M.
le Prévôt du Grand-Saint-Bernard qui, sous
certaines prétentions de nominations qu'il [63]
avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse
cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a
jamais paru au temps du labeur, veut
maintenant s'emparer des bénéfices ; de sorte
que, craintes au dehors, combats au dedans.
Quant à MM. les Chevaliers, l'on n'en peut dire
autre chose sinon que leurs agents persistent
eux aussi à vouloir contester, si bien qu'on ne
voit pas la fin de cette affaire ; et cependant il
serait nécessaire de la terminer pour donner
commencement à celle que voici.
Deux Pères de la mission et deux autres
curés du Chablais, proches du bailliage de
Gaillard, apprenant que Son Altesse était
maîtresse de ce bailliage et qu'il s'y trouvait un
capitaine très catholique, allèrent s'offrir à lui
pour commencer la prédication évangélique et
l'exercice du culte, lequel n'existait pas en ce
lieu parce que les Genevois l'avaient
jusqu'alors occupé au nom du roi de France. Le
capitaine témoigna beaucoup de zèle et de
désir d'un si grand bien, en promettant tout
appui aux Pères. Aux fêtes de Pentecôte on
donna [64] commencement [à cette œuvre]
dans ce bailliage (distant d'une demi-lieue de
Genève, c'est-à-dire deux milles), et cela avec
tant de secours du Saint-Esprit que, m'y étant
rendu le mercredi de la même semaine, j'y
trouvai, en deux paroisses, plus de cent
105 La rupture du cachet a occasionné dans l'Autographe une déchirure qui a fait disparaître les mots que nous
suppléons entre crochets d'après le sens et l'espace qu'ils occupaient dans l'original.
106 Philip., II, 21.
107 André Tillier ou de Tillier, natif d'Aoste, chanoine régulier de Saint-Ours, avait été élu prévôt du Grand-Saint-
Bernard en 1587. Il mourut en 1611.
108 Cf. II Cor., VII, 5.
109 Le capitaine Vitto de Basterga, d'origine corse, aussi valeureux guerrier que fervent catholique.
57/340

6.8 Page 58

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vecchi di questa nostra banda del (ìenevois,
erano mezzo instrutti della santa religione.
Ecco adunque una nuova fatica a Monsignor
Vescovo in mandar operarii in quella vigna110
et procurarli le provisioni necessarie.
Succederà poi, per quanto si dice, una
molto maggior fatica nel balliaggio di Gex col
l' Interim, il quale dal Re di Francia si
introdurrà ; dove bisognarà anco provedere de
pastori, essendo adesso detto balliaggio tutto
hugonotto et occupato da' Genevrini, li quali
restaranno molto interessati dal l' Interim se
saranno costretti di restituire li beni
ecclesiastici, sì come io credo che debbano
[65] esser, non ostante la clausula della pace
che ognuno debba ritornare nelle possessioni
nelle quali era inanzi la guerra ; perchè no
stimo che la Santa Sede, facendo la pace,
habbia inteso che li ugonotti guardino li beni
della Chiesa, delli quali sonno sacrilegi et non
possessori.
Questo è il stato delle cose nostre ; dove
io supplicarò instantissimamente V. S. Illma
che si degni continuare sua solita sollecitudine
verso di esse, [e] in particolare si degni
raccommandarle strettamente all'illustrissimo
successore. [E] perchè io soglio sempre pregar
Y. S. Illma per qualche mia particolare
consolatione, la supplicarò che si degni
ricordare delle præbende procurate per il
signor Nouveletto, veterano nella militia
ecclesiastica, delle quale (sic) il signor di
Viletta glie darà più distinto raguaglio.
Di più, habbiamo in questa diocæsi una
damigella laquale essendo molto giovane fece
voto di castità ; et essendo molto divota,
nientedimeno non vuol entrar in Religione, et
nel mondo si ritruova in gran difficoltà
nell'osservare detto voto. Per questo, dalli
Padri Giesuiti [66] si giudicò a proposito che
ne sia dispensata acciò possa esser maritata.
Onde supplico V. S. Illma che si degni darci la
facoltà di dispensar in questo caso, et havermi
per iscusato se io con tanta libertà ardisco
ricorrere da lei, chè la sua infinita bontà ne è
causa.
Supplico ultimamente V. S. Illma che si
degni permettermi che od in Roma, o vero in
Bari, io possa alle volte scrivere a lei et darglie
rilatione delle cose nostre, delle quale (sic) io
familles catholiques. Presque toutes les autres
sont fort disposées au même bonheur, sans que
soient intervenus ni force ni artifice autre que
la simple parole. Il est vrai que ce bailliage
n'étant pas très éloigné des nouveaux
Catholiques du Chablais d'un côté, et des
anciens de notre côté du Genevois, les
habitants étaient déjà à moitié instruits de la
sainte religion. Voilà donc que Mgr notre
Evêque aura de nouvelles fatigues pour
envoyer des ouvriers en cette vigne, et leur
procurer les provisions nécessaires.
A ce que l'on dit, de bien plus grands
travaux surviendront dans le bailliage de Gex
avec l'Intérim que le roi de France doit y
introduire. Là aussi il faudra pourvoir de
pasteurs, car ce bailliage est maintenant
entièrement huguenot et occupé par les
Genevois, qui demeureront bien compromis
par l'Intérim s'ils sont contraints de restituer les
biens ecclésiastiques. Je crois qu'ils doivent
l'être, malgré [65] cette clause du traité de paix,
que chacun doit rentrer dans les domaines qu'il
possédait avant la guerre ; car je ne pense pas
que le Saint-Siège en faisant la paix ait entendu
que les huguenots gardassent les biens de
l'Eglise, dont ils sont usurpateurs et non
possesseurs.
Tel est l'état de nos affaires, auxquelles
je supplierai très instamment Votre Seigneurie
Illustrissime de daigner continuer sa
sollicitude accoutumée, et surtout de les
recommander vivement à son illustrissime
successeur. Et parce que j'ai l'habitude de vous
présenter toujours quelque requête pour ma
consolation particulière, je vous demanderai
de vouloir bien vous rappeler des prébendes
obtenues pour M. Nouvellet, vétéran de la
milice ecclésiastique, dont M. de Villette vous
parlera plus amplement.
De plus, nous avons en ce diocèse une
demoiselle laquelle, étant fort jeune, fit vœu de
chasteté ; quoiqu'elle soit très pieuse, elle ne
veut pas néanmoins entrer en Religion, et dans
le monde elle rencontre de grandes difficultés
pour l'observation de ce vœu. C'est pourquoi
les Pères Jésuites ont jugé qu'il serait à propos
de l'en faire [66] relever afin qu'elle puisse se
marier. Je supplie donc Votre Seigneurie de
vouloir bien nous donner le pouvoir de lui
110 Matt., XX, 1, 2.
58/340

6.9 Page 59

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stimo che Ella haverà sempre gratissima accorder la dispense requise, et de me
memoria, ricordandosi delle fatiche che in pardonner si j'ose recourir à Elle avec tant de
servitio d'Iddio vi a (sic) adoperate. Et io liberté, car son infinie bonté seule en est cause.
sempre priegharò il Signor Iddio che la
Je vous demande en dernier lieu de me
conservi et le dia quella lunghissima vita che permettre de vous écrire quelquefois soit à
ad utile della Chiesa è necessaria ; et Rome, soit à Bari, et de vous renseigner sur nos
basciandoli le sacre mani, le faccio affaires, dont je crois que Votre Seigneurie
humilissima riverentia.
gardera toujours un agréable souvenir, se
Di V. S. Illma et Rma,
rappelant les travaux qu'Elle leur a consacrés
Divotissimo servitore, pour le service de Dieu. Pour moi, je prierai
FRANCO DE SALES, toujours le Seigneur de vous conserver et de
Prævosto di Geneva. vous accorder une très longue vie, telle qu'elle
In Sales, alli 28 Giugnio 1601.
est nécessaire pour le bien de l'Eglise. En
Monsignor Arcivescovo di Vienna sta baisant vos mains sacrées, je vous fais très
in Tonone molto [67] sano et molto fruttuoso a humble révérence.
quelli popoli, dandosi tutto alla consolatione
De Votre Seigneurie Illustrissime et
della conversione di quell'anime. Monsignor di Révérendissime,
Geneva va questa settimana prossima in
Le très dévoué serviteur,
Gagliardo a visitar quella nuova vigna.
FRANÇOIS DE SALES,
All' Illmo et Revermo Sigr Padron mio
Prévôt de Genève.
colendissimo,
A Sales, le 28 juin 1601.
Monsigre Arcivescovo di Bari,
Mgr l'Archevêque de Vienne est à
Nuntio Apostolico appresso S. A. Serma. Thonon en très bonne santé ; il [67] opère
Turino. beaucoup de fruit parmi ces populations, se
donnant tout entier à la consolation de la
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, conversion de ces âmes. Mgr de Genève ira la
Archives Vaticanes.
semaine prochaine au pays de Gaillard pour
visiter cette nouvelle vigne.
_____
CXLI. A des amis111 (Minute inédite). Départ précipité pour
traiter des intérêts de la religion dans le pays de Gex.
[Fin juillet 1601.]
Non sum nescius quanta vos alacritate
de meo transitu admonebit mater optima, quæ
me et tam effusa [68] animi lætitia complexum
dimittendum non existimasset, nisi causam
discessus attulissem quam omni exceptione
majorem non potuit non agnoscere. Et vero vos
ipsi judicate qualem esse opporteat quæ me
Je n'ignore pas avec quel empressement
cette excellente mère Vous avertira de mon
passage, elle qui m'a embrassé avec une [68]
âme débordante de joie, et qui n'eût pas
consenti à me laisser partir si je ne l'avais
contrainte à constater combien est urgente la
cause de mon départ. Vous-même, du reste,
111 Cette minute, qui ne porte ni date ni adresse, doit remonter, d'après les particularités de l'écriture, à l'année 1601.
L'un des destinataires pourrait être le baron de Chevron (voir ci-après p. 70) et l'autre est certainement le président
Favre. Ce dernier était revenu tout récemment de Rome, comme le prouve une lettre que le comte de Verrua,
ambassadeur de Savoie auprès du Saint-Siège, écrivait au duc le 30 juin, et il avait pour commensal ce « tout aimant
Rodolphe » que salue le Saint. Quant à la conférence avec le baron de Lux, elle a dû être occasionnée par les menées
que les Genevois faisaient à cette époque pour retenir le pays de Gex sous leur domination, ou du moins pour empêcher
d'y rétablir le culte catholique.
59/340

6.10 Page 60

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vos, tam cito redituros, tam exiguo locorum pouvez juger de cette urgence, puisqu'elle
intervallo disjunctos, insalutatos relinquere m'oblige à m'éloigner sans vous saluer, vous
compellat.112 Religionis nimirum causa est qui alliez si tôt revenir, vous qu'une si petite
quæ, cum ubique quidem, apud me vero quam distance séparait de moi ! Il s'agit de la religion
maxime precipua esse debebit, me tanta vi ; or, cette cause qui est la première pour tous,
abducit et abstrahit. Diem enim hanc addixit doit l'être surtout pour moi, qu'elle soulève et
Baro Lucensis113 deliberationi de religiïonis entraîne avec tant de force. Le baron de Lux a
Catholicæ apud Gavanos restitutione ; quare fixé ce jour pour une conférence sur le
veritus ne si dies re infecta abiret, tum apud rétablissement de la religion catholique dans le
Deum tum apud homines tenear de mora, de pays de Gex. Si ce jour s'écoulait sans que la
vestra erga me humanitate confisus, discedo, et question fût réglée, je craindrais d'être
hac mese erga vos observantiæ contestatone, responsable du retard devant Dieu et devant les
profiteor me victurum moriturum vestrum hommes. Aussi, confiant dans votre
fratrem, votis placitisque vestris bienveillance à mon égard, je pars en vous
addictissimum.
assurant de tout mon respect, et je proteste
Amatissimo utinam et amantissimo vouloir vivre et mourir votre frère, tout dévoué
Rudolpho114 quam impensissime salutem a ce que votre bon plaisir réclamerait de moi.
dicere placeat.
Veuillez, je vous prie, saluer le plus
affectueusement du monde le tout aimé et tout
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme aimant Rodolphe. [69]
Doroz, née d'Arcine, à Besançon. [69]
_____
CXLII. A Monseigneur Jules-César Riccardi, Archevêque de
Bari, Nonce Apostolique a Turin (Minute inédite). Le pays de
Gex soumis à la France ; intention du roi d'y rétablir la religion
catholique ; opposition des Genevois ; démarches faites pour en
triompher. Reprise des poursuites commencées au sujet de la
coadjutorerie
Chambéry, 20 août 1601 115.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime, Révérendissime et très
Signore Padron colendissimo,
honoré Seigneur,
Se bene per relatione del signor
Presidente Fabro et anco del signor Barone de
Chivron so che forse questa mia lettera non
glie capitarà in mano nella sua nuntiatura,
tuttavia non ho lasciato di volerglie dar
raguaglio di due cose, al successo delle quali
sua authorità et bontà potrà dar molto aiuto
nelle occurrenze.
Bien que d'après ce qui m'a été dit par
M. le président Favre et M. le baron de
Chevron je sache que peut-être cette lettre ne
parviendra pas entre vos mains pendant votre
nonciature, je ne veux pas toutefois laisser de
vous donner connaissance de deux choses, au
succès desquelles votre autorité et votre bonté
pourront beaucoup aider à l'occasion.
112 compellat. [Ea nimirum est quæ religioni restituendæ...]
113 Baro Lucensis [negotio, tractationi...]
114 Rodolphe Janssen. Voir plus loin la lettre à Mgr Gisbert Masius.
115 Cette date est indiquée par Mgr Riccardi. Voir à l'Appendice sa lettre du 5 septembre 1601.
60/340

7 Pages 61-70

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7.1 Page 61

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Una è circa l' accrescimento della fede
santa appresso a Geneva nel balliaggio di Gex,
che è di questa diocesi, et si stende dalla
Borgogna et paese de' Bernesi a mezzo miglio
appresso a Geneva. È stato sin adesso occupato
[70] da' Genevrini a nome del Re di Francia, et
nuovamente, da quindici giorni, è stato ridotto
sotto a quella corona et tolto dalle mani di detti
Genevrini ; dove il signor Barone de Lux, il
quale al nome del Re ne pigliò possesso116,
dichiarò che era intentione di esso Re che
l'essercitio catholico vi fosse restituito col
mezzo dell' Interim a forma di quello che si
pratica in Francia. Ma perchè l' Interim
francese vuole che si rendano li beni
ecclesiastici et le chiese alli sacerdoti, Vescovi
et altri, li Genevrini, che occupano le terre [ed]
entrate di Monsignor Vescovo di Geneva, del
suo Capitolo et altre chiese, protestorno che
quello Interim non gli dovesse pregiudicare ; et
per questo detto signor Barone di Lux, molto
catholico, ha mandato dal Re per havere
risolutione circa questa difficoltà, et
Monsignor Vescovo pur anco, dal canto suo,
scrisse a Sua Maestà117 et al signor Nuncio di
Francia118 acciò che le sue ragioni et le nostre
fossero conservate.
Ma questo è poco se la Santa Sede non
adopra vivamente la sua authorità appresso
quella Maestà, acciò che [71] senza rispetto a'
Genevrini si esseguisca detta restitutione
de'beni della Chiesa, colla quale si farà un
smacco a quelli heretici, il maggior che sin
adesso gli sia stato fatto, et senza la quale non
si potrà stabilire la santa religione, non
potendosi provedere di pastori a quel paese se
alli pastori non [si] provede di vitto et di
chiesa. Per questo Monsignor Vescovo scrive
all' Illmo signor Cardinale Aldobrandino119, et
mi è parso doverne dare avviso a V. S. Illma
acciò che anco lei s'adopri per simile occasione
ch'è tanto opportuna alla gloria d'Iddio.
L'altra cosa è che io vengo tanto
sollecitato da Monsignor Vescovo di Geneva
et anco, per dirla liberamente, da tutti i più
notabili et risguardevoli della diocesi, non solo
ecclesiastici, ma anco laici, che insomma,
vinto dalla istantia fattami da loro, ho dato il
L'une concerne l'extension de la sainte
foi près de Genève, dans le bailliage de Gex,
qui appartient à ce diocèse, et s'étend des
confins de la Bourgogne et du pays des Bernois
jusqu'à un demi-mille de Genève. Ce bailliage
a été occupé jusqu'à présent par les Genevois
au nom du roi de France ; mais depuis quinze
jours il a été de nouveau [70] soumis à sa
couronne et arraché aux mains desdits
Genevois. M. le baron de Lux, qui en a pris
possession au nom du roi, a déclaré que
l'intention du roi lui-même était que l'exercice
du culte catholique y fût rétabli au moyen de
l'Intérim de la même manière qu'il se pratique
en France. Mais parce que l'Intérim français
veut que les biens ecclésiastiques et les églises
soient rendus aux prêtres, aux évêques et
autres, les Genevois, qui détiennent les terres
et les revenus de Mgr de Genève, de son
Chapitre et d'autres églises, ont protesté que
cet Intérim ne devait leur préjudicier en rien.
C'est pourquoi M. le baron de Lux, bon
Catholique, a mandé au roi pour avoir la
solution de cette difficulté, et Mgr l'Evêque a
aussi, de son côté, écrit à Sa Majesté et à M. le
Nonce de France, afin que ses droits et les
nôtres soient sauvegardés.
Mais ceci est peu de chose si le Saint-
Siège n'emploie fortement [71] son autorité
auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux
Genevois, on exécute cette restitution des
biens de l'Eglise ; par ce moyen, ces hérétiques
recevront le plus grand affront qu'on leur ait
jamais fait jusqu'à présent. Sans cette mesure,
la religion ne pourra être rétablie ; car il est
impossible de pourvoir ce pays de pasteurs si
on ne pourvoit les pasteurs des ressources
nécessaires et d'une église. A cet effet, Mgr
notre Evêque écrit à l'Illustrissime Cardinal
Aldobrandino, et j'ai cru devoir en avertir
Votre Seigneurie Illustrissime, afin qu'Elle
intervienne aussi dans une occasion si
favorable.à la gloire de Dieu.
L'autre chose est que, en étant vivement
sollicité par Mgr l'Evêque de Genève et aussi,
pour le dire franchement, par toutes les
personnes les plus notables et les plus
distinguées du diocèse, non seulement
116 La prise de possession avait eu lieu le 30 juin, mais la prestation de serment ne se fit que le 5 août.
117 Voir à la fin de ce volume la lettre du 5 août 1601.
118 Ibid., lettre du 10 août adressée à Mgr Silingardo, Evêque de Modène.
119 Voir à la fin de ce volume la lettre du 11 août.
61/340

7.2 Page 62

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mio consenso che si ripigliasse il negotio della
coadiutoria di questo vescovato, con futura
successione in favor mio. Non certo perchè io
desideri quella dignità, il peso della quale mi è
stato sempre formidabile, massime in questi
tempi tanto torbulenti et torbidi, ma per non far
resistenza al [72] parere di tanti huomini da
bene et li quali hanno giudicato che io non
dovevo più ritardar questo negotio. Tuttavia vi
è ancora una gran difficoltà, et forse tale che la
Providentia divina, con mezzo di essa, mi farà
gratia di lasciarme nella quiete. Et è che per
l'ingiuria delli tempi passati havendo assai
patito la casa mia, et ritrovandomi da tre mesi
in qua privo del mio padre, non ho modo di fare
grande spesa, la quale se sarà necessaria, non
posso seguitare questa impresa, massime non
trattandosi di cosa presente, ma di futura, nè di
commodità, ma di fatica incredibile ; essendo
questa Chiesa privata della maggior parte della
sua dote, la quale è in mano delli nemici della
fede, et con tante occasioni di faticare che il
poco pane che ella dà al suo Vescovo non si
può mangiare senza molto sudore120.
Per questa ragione Monsignor Vescovo
scrive al suo agente che vada scuoprendo per
mezzo delli amici, et particolarmente dell' Illmo
signore Cardinal Baronio121, se si potesse
sperar qualche gratia di Sua Santità, et io [73]
anco ne supplico humilissimamente V. S. Illma
et Rma acciochë non dandosi simili gratie io
non entri in questo negotio, il quale non
riuscendo per mancamento del modo, potrebbe
dar sinistra opinione di qualche altro difetto a
questi miei paesani. Se poi la cosa deve
riuscire, io non cessarò di prevalermi della
benevolentia et bontà di V. S. Illma et Rma dove
io ne vederò l'opportunità, desiderando in
questo et in ogni altro disegno esser sempre
sotto le ali della sua protettione.
Mi rincresce molto che s'habbia da dar
principio a questo negotio nel fine della sua
felice et fruttuosa nunciatura, ma così vuol la
Providentia divina, alla quale rimetto
interamente il successo et di questo et de
gl'altri miei pensieri, et la supplico di
conservare ad utile della santa Chiesa V. S.
Illma et Rma, alla quale bascio
humilissimamente le mani
All' Illmo et Rmo Padron et Sigr mio
ecclésiastiques mais encore laïques, cédant
enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on
reprit les négociations commencées pour
m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec
future succession. Ce n'est pas certes que je
désire cette dignité, dont le poids m'a toujours
paru formidable, surtout dans ces temps de
confusion et de trouble ; [72] mais c'est pour
ne pas résister à l'avis de tant de gens de bien
qui ont jugé que je ne devais plus retarder cette
affaire. Toutefois, il reste encore une grande
difficulté, et telle que peut-être ce sera le
moyen dont la divine Providence se servira
pour me faire la grâce de me laisser en repos.
C'est que, ma famille ayant beaucoup souffert
par le malheur des temps passés, et me
trouvant privé de mon père depuis trois mois,
je ne suis pas en mesure de faire une grande
dépense. Si elle est nécessaire, je ne pourrai
poursuivre cette affaire, d'autant plus qu'il ne
s'agit pas d'une chose présente, mais future, ni
d'avantages, mais de peines incroyables. Cette
église est dépouillée de la plus grande partie de
ses revenus, qui sont entre les mains des
ennemis de la foi ; de plus, il y a tant de travaux
à supporter que son Evêque ne peut manger
qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain
qu'elle lui donne.
Pour cette raison, notre Evêque écrit à
son agent qu'il tâche de découvrir, par le
moyen de nos amis, et particulièrement de
l'Illustrissime Cardinal Baronius, si l'on peut
espérer quelque faveur [73] de Sa Sainteté. J'en
supplie moi-même très humblement Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
afin que si de telles faveurs ne s'accordent pas,
je ne poursuive plus cette affaire ; car si elle
n'aboutissait pas, faute de ressources, mes
compatriotes pourraient concevoir de mauvais
soupçons, et attribuer cet insuccès à quelque
autre cause. Si cependant la chose doit réussir,
je ne cesserai de me prévaloir de la
bienveillance et de la bonté de Votre
Seigneurie chaque fois que je le croirai
opportun, désirant en ceci comme en tout autre
dessein demeurer toujours sous les ailes de sa
protection.
Je regrette beaucoup qu'il faille
entreprendre cette affaire sur la fin de votre
heureuse et fructueuse nonciature, mais ainsi le
120 Cf. Gen., III, 19.
121 Voir à la fia du volume la lettre adressée à ce Cardinal par Mgr de Granier, en date du 10 août 1601.
62/340

7.3 Page 63

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osservandissimo, veut la divine Providence. Je lui remets donc
Il Sigr Arcivescovo di Bari, entièrement le succès de ceci et de tous mes
Nuntio Apostolico appresso S. A. Serenma. autres projets, la suppliant de conserver pour
Turino. l'utilité de son Eglise Votre Seigneurie
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise
Canonisation. [74]
très humblement les mains… [74]
_____
CXLIII. A Monseigneur Conrad Tartarini, Évêque de Forli .122
Prière de s'intéresser à la restitution des biens ecclésiastiques du
pays de Gex.
Chambéry, 20 août 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Illustrissime, Révérendissime et très
Padron colendissimo,
honoré Seigneur,
Già che le varie necessità di questa
diocsesi mi daranno spesso occasione di
ricorrere all'authorità di V. S. Illma et Rma, mi è
parso che io potevo et dovevo dar principio da
questa, che è segnalata et importantissima.
Il paese di Gex, occupato sin adesso da'
Genevrini, è capitato, per gl' articoli della
pace123, nelle mani del Ré di Francia, a nome
del quale il Barone di Lux ne pigliò fa poco il
possesso, con far dichiaratione che l'intentione
di detto Ré era di restituirvi l'essercitio della
fede catholica [75] col mezzo dell' Interim a
forma di quello che si fa in Francia. Ma perchè
detto Interim fa che si rendano le chiese et beni
ecclesiastici alli Catholici, li Genevrini, li quali
in quel balliagio occupano molte terre, decime
et altri beni di Monsignor Vescovo di Geneva,
del suo Capitolo et altre chiese, protestorono
che quel Interim non glie dovesse
pregiudicare. Per questo, detto Barone di Lux
mandò dal Ré per haver risolutione di questo
dubbio, al quale poi Monsignor Vescovo
scrisse dal canto suo, et anco all' Illmo signor
Nuncio di Francia sopra questo negocio.
Et perchè se quella restitutione si fa
Puisque les divers besoins de ce
diocèse me donneront souvent occasion de
recourir à l'autorité de Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé
que je pouvais et devais commencer par celui-
ci, qui est remarquable et très important.
Le pays de Gex, occupé jusqu'à présent
par les Genevois, est tombé, par les articles du
traité de paix, entre les mains du roi de France,
au nom de qui le baron de Lux en a pris
possession depuis peu, en déclarant que
l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de
la foi catholique au moyen de l'Intérim de la
même manière qu'il se [75] pratique en France.
Mais parce que ledit Interim exige que les
églises et les biens ecclésiastiques soient
rendus aux Catholiques, les Genevois, qui
détiennent en ce bailliage un grand nombre de
terres, décimes et autres revenus de Mgr
l'Evêque de Genève, de son Chapitre et de
plusieurs églises, ont protesté que l'Intérim ne
devait leur préjudicier en rien. C'est pourquoi,
le baron de Lux manda au roi pour avoir la
solution de cette difficulté ; Monseigneur lui
écrivit ensuite de son côté au sujet de cette
122 Il est très probable que cette lettre, datée du même jour que la précédente, avait été également envoyée à Mgr
Riccardi pour être remise au prélat qui devait lui succéder en qualité de nonce auprès du duc de Savoie. Ce Prélat,
dont notre Saint paraît ignorer encore le nom, était Conrad Tartarini ou Tartarino, natif de Città di Castello (Ombrie),
qui occupait le siège épiscopal de Forlì depuis le 18 octobre 1599. Il n'arriva à Turin que le 28 septembre 1601. Son
zèle, son activité, l'ardeur qu'il déploya pour la conversion des hérétiques faisait concevoir les meilleures espérances
quand la mort l'enleva le 14 février 1602.
123 Vide supra, p. 56.
63/340

7.4 Page 64

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sarà uno di (sic) grandi colpi che habbino affaire, ainsi qu'à M. le Nonce de France.
sentito quelli hæretici sin adesso, mi è parso
Or, parce que si cette restitution a lieu,
convenevole di dar raguaglio di questa ce sera l'un des plus grands coups qu'aient
occasione a V. S. Illma et Rma, acciò che anco reçus jusqu'ici ces hérétiques, il m'a semblé
lei adopri il suo santo zelo in promovere questa convenable d'informer de toutes ces choses
impresa con raccommandarla alla Santa Sede ; Votre Seigneurie, afin qu'Elle aussi emploie
che per questo Monsignor Vescovo di Geneva son saint zèle à favoriser cette entreprise en la
scrive all' Illmo signor Cardinal Aldobrandino recommandant au Saint-Siège. Mgr l'Evêque de
la lettera qui alligata, laquale per magior Genève écrit à cet effet la lettre ci-jointe à
sicurezza ho indossato per via di V. S. Illma et l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino,
Rma, alla quale basciando humilissimamente le laquelle, pour plus grande sûreté, je lui adresse
reverendissime mani, priegho dal Signor Iddio par votre entremise.
buon principio, meglior [76] progresso et
C'est en baisant très humblement les
ottimo fine della sua tanto importante mains vénérées de Votre Seigneurie que je lui
nunciatura, insieme con ogni suo vero souhaite de Dieu notre Seigneur, avec tout vrai
contento. Di V. S. Illma et Rma,
[76] contentement, un bon commencement, un
Divotissimo servitore, meilleur progrès et une excellente fin de son
FRANCO DE SALES, importante nonciature.
Prævosto di Geneva.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Da Chiambri, alli 20 di Agosto 1601. Révérendissime,
All' Illmo et Rmo Sigr mio Padron
Le très dévoué serviteur,
colendissimo,
FRANÇOIS DE SALES,
Monsigr il Nuntio Apostolico appresso S. A.
Prévôt de Genève.
S.
De Chambéry, le 20 août 1601.
Turino.
A mon très honoré, Illustrissime et
Révérendissime Seigneur,
Revu sur l'Autographe conservé à Rome,
Mgr le Nonce Apostolique auprès de
Archives Vaticanes. Voir le fac-simile placé Son Altesse Sérénissime. Turin.
en tête de ce volume.
_____
64/340

7.5 Page 65

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CXLIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute).
Obstination de quelques hérétiques de Thonon. Mesures à
prendre pour en triompher
Thonon, commencement d'octobre 1601.
Monseigneur,
124Apres que Monsieur l'Evesque de Geneve a eu establi les eglises en tout ce balliage,
horsmis en deux [77] ou trois lieux, et entr'autres en ceste ville125, faute de moyens convenables,
il m'a layssé icy pour quelques jours pour essayer d'attirer ce peu qui reste d'huguenotz hors du
fort de leur obstination126. J'y ay employé tout mon cœur, et espere que Dieu en aura touché
quelques uns par les motifz quil luy a pleu m'inspirer127. Neanmoins je n'ay encor peu tirer d'eux
pleyne resolution, et en ay trouvé des autres qui sont si avant en leur opiniastreté que mesme ilz
refusent leurs aureilles a la sainte parole, et ne veulent se prester a aucune rayson ; gens ignorans
et qui d'ailleurs sont de nulle consideration. Si que, apres avoir fait ce qui a esté de ma capacité et
ayant veu que tant de doctes Peres Jesuites et autres prædicateurs y ont employé toute leur
industrie, je me suys venu rendre aux officiers que Vostre Altesse a ordinairement en ce lieu et a
tous ceux que j'y ay veu et peu rencontrer, entr'autres a monsieur le marquis de Lulin, pour
aprendre d'eux si de nostre costé il demeuroit quelque diligence a faire.
Et tous concourent a cest'opinion, quil n'y a plus aucun moyen de reste pour en chevir,
sinon que Vostre Altesse, par un edit paysible, commande que tous ses sujetz ayent a faire
profession de la foy catholique, et en prester le serment dans deux moys es mains de ceux qui
seront deputés, ou de vuider ses estatz, avec permission de vendre leurs biens. Plusieurs, par ce
moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie ; les autres,
qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les
perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost
commun parti que comme une religion. Le saint effect de l'edit que je propose rendra tous-jours
plus admirable a tous les vrays [78] Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre
Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clemence, mesme
apres tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant ell'est
maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu.
Vostre Altesse me permettra de luy dire ce mot avec le zele que je dois au service de sa
gloire. Chacun sçait qu'elle desire extremement de voir ses païs netz du mal de l'heresie, personne
n'ignore l'ardeur de son zele en cest endroit ; si elle ne le fait pas, le pouvant si aysement faire,
plusieurs croiront que le desir de ne128 mescontenter pas les huguenotz qui sont en son voysinage
en soit l'occasion. Et toutefois129 on estime qu'il ny aura aucun mescontentement pour ce regard ;
et quant il y seroit, quil ne devroit entrer en aucune consideration aupres de Vostre Altesse, qui n'a
que faire d'incommoder ses saintes intentions pour gratifier des gens qui, en cas pareil,130 ne
voudroyent en rien s'accommoder au gré de Vostre Altesse.
Monseigneur, je ne puis pas sonder plus avant que cela, et ne sçai sil y a chose au pardela
de ceste mienne consideration qui puisse ou empecher ou retarder l'edit que je souhaitte ; en quoy
je me sousmetz purement a son meilleur jugement. Mais puisque les grans princes ont soin de
toutes les pieces de leurs estatz, il est raysonnable que chacune leur contribue les advis qui
semblent estre pour leur service ; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse,
124 [Laissé en ceste ville par Monsr l'Evesque de Geneve après quil a eu estably les eglises...]
125 La mention faite de la réorganisation des paroisses
126 de leur obstination [et les conduire a vouloir estre instruitz.]
127 m'inspirer [de leur proposer.]
128 de ne [deplaire pas aux...]
129 Et toutefois [personne ne juge que ce mescontentement doive...]
130 pareil, [mesprisent tous les desirs des Catholiques... ne cedent point aux desirs...]
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7.6 Page 66

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pour la singuliere debonaireté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur
d'estre tousjours avoué,
Monseigneur,
Son tres humble et tres obeissant serviteur et sujet.
Revu sur l'Autographe conserve à la Visitation de Turin. [79]
_____
CXLV. Au Baron de Lux131. Mgr de Granier est prêt à évangéliser
le pays de Gex.
[Octobre 1601.]
Monsieur,
Puisqu'il vous a pleu me dispenser d'aller en personne aupres de vous pour vous donner
l'advis que vous desires avoir de moy avant que de vous acheminer a Gex, je vous diray simplement
sur ce papier que Monsieur l'Evesque se tient tout prest avec la petite trouppe pour arborer la Croix
et en publier les mysteres par tout ou vous luy en marqueres les lieux et occasions ; il attendra
seulement l'assignation du jour que vous luy donneres pour vous rencontrer sur le chemin132. Je
prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé
commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit
neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est
voulu servir.
Je le prieray toute ma vie pour vostre felicite, et confesseray que je dois estre, comme je
vous supplie de croire que je seray tousjours,
Monsieur,
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANÇS DE SALES,
Praevost de l'Eglise de Geneve. [80]
_____
131 Edme de Malain, baron de Lux et de Montbard, chevalier d'honneur de la reine, lieutenant du roi en Bourgogne
(22 novembre 1596) et chevalier de ses Ordres. On verra dans la suite de la correspondance de saint François de Sales
combien souvent il eut à traiter avec ce seigneur pour les intérêts de la religion dans le pays de Gex, qui dépendait du
gouvernement de Bourgogne. Le baron de Lux fut tué par le chevalier de Guise (5 janvier 1613).
132 Voir à la fin du volume la lettre adressée par Mgr de Granier au baron de Lux, en date du 8 octobre 1601.
66/340

7.7 Page 67

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CXLVI. Au Cardinal Pierre Aldobrandino133 (Minute inédite).
Henri IV demande l'évangélisation du pays de Gex. Son désir
de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les
Genevois. Démarches à faire pour obtenir cette restitution.
Lyon, 10 novembre 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo
Mon très honoré, Illustrissime et
Signore mio colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
Il Re Christianissimo scrisse il 17
Ottobre al signor Vescovo di Geneva134 che
egli havesse da mandare nel [81] balliagio di
Gex, nuovamente ridotto a quella corona,
pastori et curati competenti per restituirvi
l'essercitio della santa fede catholica, secondo
la forma del decreto di Interim fatto per il
restante della Francia. Et perchè detto signor
Re domandava il numero tale quale verrebbe
significato dal signor Barone di Lux,
luoghotenente nel governo di Borgogna,
Bressa et altri paesi nuovamente uniti al regno,
io sono venuto qui per sapere più
particolarmente come haverebbe da passar
questo negotio ; il che non è ancora conchiuso.
Et fra le altre cose, si è toccato delle
intrate del Vescovo et Capitolo di Geneva, et
Le roi très chrétien a écrit le 17 octobre
à Mgr l'Evêque de Genève d'envoyer au
bailliage de Gex, récemment soumis à sa [81]
couronne, des pasteurs et des curés capables
pour y rétablir l'exercice de la sainte foi
catholique, selon la teneur du décret de
l'Intérim fait pour le reste de la France. Et parce
que le roi demandait que, quant au nombre, on
s'en tînt exactement à celui qui serait marqué
par M. le baron de Lux, lieutenant dans le
gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres
pays récemment réunis au royaume, je suis
venu ici pour apprendre plus particulièrement
comment cette affaire doit se traiter ; ce qui
n'est pas encore résolu.
Entre autres choses, on a parlé des
revenus de l'Evêque et du Chapitre de Genève
et de ceux de Saint-Victor, usurpés par les [82]
133 Pierre Aldobrandino, né à Rome en 1571, avait été, à l'âge de vingt-deux ans, créé cardinal par son oncle le Paps
Clément VIII, qui lui donna une part considérable au gouvernement de l'Eglise. En 1598, le jeune Cardinal prit
possession au nom du Saint-Siège du duché de Ferrare, et, deux ans plus tard, se rendit en France pour négocier la
paix de Lyon. Paul V le nomma à l'archevêché de Ravenne. Il mourut à Rome le 10 février 1621.
134 Les éditeurs de 1626 ont publié la lettre de Henri IV datée du 17 octobre 1601 sous l'adresse : « A Monseigneur
François de Sales, Evesque de Geneve, » sans réfléchir que ce titre était alors porté par Claude de Granier. Hérissant
remarqua la bévue, et crut la réparer en changeant la date de la lettre et en l'accompagnant de la note suivante : «
L'année est fautive dans mon exemplaire qui date cette lettre de 1601, car tout ce qui a rapport à l'affaire de Gex fait
foi qu'elle se passa en 1602. » La vérité est au contraire, et tout s'accorde à le prouver, que les affaires de Gex
commencèrent à se traiter l'année précédente, et que la lettre en question a été adressée par Henri IV à Mgr de Granier
le 17 octobre 1601. En voici la teneur :
TRES-CHER ET BIEN-AYMÉ,
Ayant permis à nos subjects du Bailliage de Gex le restablissement de la Religion Catholique en l'estenduë
d'iceluy aux lieux où il y aura nombre de Catholiques, et ayant sur ce mandé nostre volonté au sieur de Lux pour la
faire observer, nous avons voulu par mesme moyen vous faire entendre la resolution qu'avons prinse sur ce, à fin qu'en
ce qui depend de vostre charge vous envoyez audict Bailliage le nombre de Pasteurs et gens d'Eglise que vous mandera
ledit sieur de Lux, lesquels vous luy addresserez apres les avoir admonestez de leur devoir, tant pour leur vie, laquelle
doit estre exemplaire pour servir d'instruction, que pour se comporter en toutes leurs actions sans aucun scandale, faire
profession de paix et de charité, sans entrer en dispute et en querelle avec aucuns ; nous asseurans que ne faudrez de
leur donner ceste instruction et leur commander de la suivre, comme nous voulons croire qu'ils feront quand vous les
aurez choisis capables de servir esdites charges, ainsi que nous nous asseurons que vous ferez avec la mesme religion,
integrité et conscience qu'avez accoustumé de faire paroistre en toutes autres actions dependantes de vostre charge,
dont nous vous prions d'affection, et Nostre Seigneur, tres-cher et bien-aymé, vous avoir en sa saincte garde.
De Fontaine-bleau, le dix-septiesme Octobre 1601. »
HENRY.
POTTIER.
67/340

7.8 Page 68

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di quelle di San Vittore135, occupate dalli
citadini di essa Geneva, et del [82] modo che
si haverebbe da tenere in recuperarle. Et per
quanto ho potuto scuoprire, il Re vorrebbe in
ogni modo haver qualche buon colore per
levare dette intrate a quella città, senza
offendere li cantoni hæretici de' Sguizzeri et la
Regina d'Inglaterra136 li quali fanno molta
instanza in favore de' Genevrini ; et il che egli
vorrebbe, è di esserne sollecitato in nome della
Santa Sede, alla quale non haverebbe [da]
ricusare tanto giusta petitione.
Per questo, inanzi di ritornarmene in
Savoya, mi è parso bene di dar raguaglio di tal
necessità a V. S. Illma et Rma, con supplicarla
humilissimamente di adoprar in questa
occasione il santo zelo che a beneficio di santa
Chiesa Iddio gl' ha inspirato. Mi pare che
sarebbe molto bene che V. S. Illma [scrivesse]
lettere al signor Vescovo di Geneva,
approbando che ricerchi tal cosa, et insieme, al
signor Nuntio di Francia137, ordinando che
habbia da trattare caldamente appresso quella
Maestà ; che in questo modo la cosa
riuscirebbe molto bene et non saria [83] poca
incommodità a' Genevrini, che restarebbono
poverissimi, nè poco splendore alla religione
catholica, et sarebbe aprire pian piano la strada
per ridurre la stessa città di Geneva a qualche
maggior bene.
Il che tutto, doppo il Signore Iddio, non
habbiamo da sperare senon dalla Santità et
bontà di Nostro Signore et dal zelo di V. S.
Illma et Rma, alla quale bascio
humilissimamente le mani.
Da Lyone di Francia, alli 10 di
Novembre 1601.
Genevois, ainsi que des moyens à prendre pour
les recouvrer. Autant que j'ai pu le découvrir,
le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon
prétexte pour enlever lesdits revenus à cette
ville, sans offenser les cantons hérétiques des
Suisses et la reine d'Angleterre qui font
beaucoup d'instances en faveur des Genevois ;
et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom
du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de
refuser une si juste requête.
C'est pourquoi, avant de m'en retourner
en Savoie, il m'a semblé utile de donner
connaissance de cette particularité à Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la
suppliant très humblement d'exercer en cette
occasion le saint zèle que Dieu lui a inspiré
pour le bien de la sainte Eglise. Il me semble
qu'il serait très bon que Votre Seigneurie
écrivît une lettre à Mgr l'Evêque de Genève,
encourageant les poursuites qu'il fait à ce sujet,
et en même temps une autre à M. le Nonce de
France pour lui ordonner d'en traiter
énergiquement avec Sa Majesté. De cette
manière, la négociation réussirait très bien ; et
ce ne serait pas un petit préjudice pour les
Genevois, [83] qui demeureraient très pauvres,
ni peu de lustre à la religion catholique ; ce
serait aussi ouvrir peu à peu la voie pour
amener à quelque plus grand bien la ville
même de Genève.
Pour toutes ces choses nous n'avons,
après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté
et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre
Seigneurie, à qui je baise très humblement les
mains.
De Lyon en France, le 10 novembre
1601.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
Canonisation.
_____
135 Le prieuré de Saint-Victor, de l'Ordre de Cluny, avait été rasé en 1534, ainsi que tout le faubourg de Genève auquel
il avait donné son nom. Les hérétiques s'emparèrent de la plus grande partie des biens de ce monastère qui étaient
considérables. Le surplus, situé sur les terres du duc de Savoie, fut acquis aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.
136 La fameuse Elisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne Boleyn, qui régna sur l'Angleterre de 1558 à 1603.
137 Innocent del Bufalo, évêque de Camerino.
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CXLVII. A M. Claude de Quoex .138 Bonnes intentions du roi de
France en faveur des Catholiques. Formalités à remplir pour
en obtenir la mise à exécution.
Lyon, 10 novembre 1601 139.
Monsieur,
Nous voici a Lion pour apprendre de monsieur le baron de Lux, lieutenant au gouvernement
de Bourgoigne [84] et de Bresse, Verromey et Gex, ce que nous avons a faire pour le
restablissement de la religion catholique au balliage de Gex, suivant la lettre que le Roy de France
en a escritte a Monseigneur le Rme Evesque, de laquelle je vous envoye copie. Et au progres des
discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre
nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre
recherché et pressé par Sa Sainteté. L'importance sera d'obtenir de nostre Saint Pere quil y mette
de la ferveur et face que son Nonce qui est en France empoigne vivement ceste sollicitation.
Or, pour ce faire, il eut esté requis d'en toucher un mot a Sa Sainteté mesme ; mays parce
que cela appartient ou a Monseigneur le Rme ou a nostre Chapitre, je n'ay pas osé le faire, mais
escris seulement au Cardinal Aldobrandin sur ce sujet simplement ; mesmement par ce qu'iceluy
ayant conclud la paix, demeslera mieux l'affaire avec le Roy, avec lequel, a ce que j'entens, il a
quelque secrete intelligence pour ces affaires de religion. Mays ce n'est que peu de chose d'une
lettre, car elle n'a point de replique. Je vous prieray donq de l'accompagner ou monsieur Reydet140,
en la donnant, d'une declaration un peu ample de la necessité que nous avons de l'assistence du
Saint Siege, du dommage que cela fera a l'heresie et du grand honneur qui en reussira a la sainte
Eglise.
Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expedient que
Monseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Geneve, par laquelle il luy donnast
courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil
l'assistast en ceste demande. Vous demanderes pourquoy [85] il faut procurer ces formalités. Je
dis que je n'en sçaurois rendre autre cause sinon que j'ay descouvert manifestement quil faut tenir
ce chemin. Neanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne
d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Geneve, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits
biens, et le Roy voudroit avoir un juste prætexte pour les esconduire. Or, plus apparent n'en peut
il avoir que d'estre sollicité par le Saint Siege.
Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex141 et
moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de
ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses. De
vostre part nous nous promettons toute faveur, et de nostre monsieur Reydet.
Au reste, tout se porte bien en nostre païs. Et n'estant ceste pour autre, je la finiray, me
disant,
Monsieur,
138 Claude de Quoex, docteur ès droits civil et canonique, avocat fiscal de Genevois, se trouvait alors à Rome en qualité
d'agent général de la duchesse de Nemours. Il devint premier collatéral au Conseil de Genevois, conseiller du duc de
Nemours, puis du duc de Savoie, et « auditeur de camp deçà les monts. » C'était, au témoignage d'Antoine Favre, l'un
des « hommes remarquables par leur piété et leur science » dont la petite ville d'Annecy s'honorait alors, et qui
devinrent les premiers membres de l'Académie Florimontane. Il mourut en septembre 1625, à l'âge de 56 ans.
139 La date de cette lettre est déterminée par celle de la précédente.
140 Jean Reydet, dont la famille d'origine savoisienne paraît avoir été très liée avec les de Quoex, se trouvait à Rome
depuis plusieurs années. En 1591, il solicite de l'Evêque de Genève des lettres dimissoriales pour recevoir la tonsure.
On rencontre plus tard sa signature parmi celles des employés de la daterie romaine, et enfin il se constitue agent de
plusieurs de ses compatriotes, entre autres de Thomas Pobel, évèque de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
141 Le chanoine Philibert Roget. Voir le tome précédent, note (559), p. 249.
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7.10 Page 70

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Vostre humble et plus affectionné serviteur,
FRANÇS DE SALES.
_____
Memoire sur un'objection que font ceux de Geneve delaquelle il sera
bien a propos d'instruire le Cardinal et de la response a icelle
Il y a un article en la paix qui porte que un chacun des deux princes possederà les terres qui
luy demeurent a mesmes termes qu'elles estoyent auparavant la guerre. Or, auparavant la guerre,
ceux de Geneve possedoyent paysiblement les biens de l'Evesque et du Chapitre : donques, encor
les doivent ilz posseder.
La response peut estre : Que l'article remet les scindiques de Geneve en la nue et simple
possession de fait, mays il ne la rend pas legitime si elle ne l'estoit pas. Or, auparavant la guerre,
ceste possession n'estoit pas legitime ; elle ne l'est donq pas maintenant. Que si elle ne l'est pas,
elle ne doit pas estre maintenue. [86]
Mays on replique : Que veut dire qu'avant la guerre vous ne recherchies pas ces biens ?
C'estoit par ce que feu Son Altesse142 avoit Iraitté autrement avec ceux de Berne, et despuis le
traitté a esté annullé par ceux de Berne mesme. Et d'effait, ce traitté la portoit par expres que la
religion ne seroit point restablie es balliages ; neanmoins, despuis on l'a restablie au veu et sceu de
Berne, a quoy on n'a jamais rien opposé : signe evident que ceux de Berne tiennent ledit traitté
pour nul. Que sil est nul, ceux de Geneve ne s'en peuvent prævaloir.
A Monsieur
Monsieur de Quoex, Docteur es droitz.
A Romme.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie.
_____
CXLVIII. A un inconnu (Minute inédite). Le Saint s'estime
heureux d'entrer en relation avec ce personnage et lui promet des
documents historiques
[Novembre 1601 143.]
Monsieur,
Un mien ami demeurant a Lion m'a demandé144 quelques memoires sur les particularités
de la revolte de Geneve, des conversions qui se font aupres et145 du tems auquel le P. Justinien146
en a esté Evesque147. En quoy, [87] bien que j'eusse desiré de le servir comm'en toute autre
occasion, pour son respect, si est ce que la volonté m'en est beaucoup augmentee quand il m'a dit
142 Emmanuel-Philibert, duc de Savoie (1553-1580).
143 Cette minute est écrite sur le même feuillet que celle de la Lettre CXLI.
144 Un mien ami [m'a envoyé de Lion un billet par lequel il me demandoit]
145 et [quel estoit l'Evesque qui l'a predit, si c'estoit point le Pere Justinian. Et par ce quil m'a escrit que c'estoit pour
vous quil faysoit ces recherches et que son billiet m'est arrivé en chemin...]
146 Ange Giustiniani. Voir le tome précédent, note (683), p. 297.
147 Evesque [et m'a fait entendre que c'estoit pour vous les communiquer.]
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8 Pages 71-80

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8.1 Page 71

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quil faysoit ceste recherche la pour vous. Car ayant pieça beaucoup honnoré vostre nom, sous
lequel148 tant de beaux ouvrages, marqués d'une rare vertu et doctrine de leur autheur,149 paroissent
aux yeux du monde, j'ay aussi des lhors fort souhaitté lhonneur d'estre en vostre connoissance ;
non que je cuyde y pouvoir entrer que pour fort peu de chose, mais parce que150 ça tous-jours esté
une honneste ambition a ceux qui ont la vertu en reverence, de rechercher la bienveuillance de
ceux qui en ont la possession. C'est pourquoy j'ay voulu vous envoyer immediatement ces advis
pour prendr'occasion151 de vous demander la faveur de vos bonnes graces et vous offrir mon
humble service,152 me promettant aysement d'estre gratiffié par vostre bonté.
Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous
desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance153
tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises
pour s'en bien servir. Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la
queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous
envoyeray.
Mays touchant les conversions qui se font autour de Geneve
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
_____
CXLIX. A Monseigneur Conrad Tartarini Évêque de Forli,
Nonce Apostolique a Turin. Evangélisation des bailliages de
Gex et de Gaillard. Prochain voyage du Saint à Paris pour
négocier la restitution des biens ecclésiastiques. Avantages
qu'apportera l'établissement de la Sainte-Maison ; moyens de lui
assurer des ressources. Renseignements sur Jules-César
Paschali et sa famille
Annecy, 21 décembre 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Illustrissime, Révérendissime et très
Padron colendissimo,
honoré Seigneur,
Quantunque dalle honorate relationi
fatte di me a V. S. Illma et Rma nasce nell'animo
mio non poca confusione, sentendomi privo
del bene che presuppongono, mi porgonno
(sic) nientedimeno dall'altro canto molta
Bien que l'honorable rapport fait sur
mon compte à Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime ne fasse pas naître en mon
âme peu de confusion, me sentant destitué du
mérite qu'on m'attribue, neanmoins il me
148 ceste recherche la [par ce que vous l'avies desiree...] l'en avies prié. [Car j'ay creu que, avec ceste occasion, je
pourrois, sans marque d'indiscretion, vous declairer... faysant ce quil desire de moy, je pourrois encores, sans marque
d'indiscretion, entrer en lhonneur de vostre connoissance ;] car [il y a fort long tems que j'honore beaucoup] vostre
nom, sous lequel [j'ay veu tant de beaux et bons escritz avec extreme consolation...]
149 autheur [Qui m'a tous-jours fait beaucoup desirer lhonneur d'estre conneu de vous pour homme...]
150 parce que [l'honneste ambition, laquelle a de tous tems esté recommandee en ceux qui ont en reverence la vertu,
d'estre conneu de ceux...]
151 ces advis [que j'ay dressé courant et en voyage] pour prendr'occasion [de vous præsenter mon service, comme...]
152 service En quoy [sil vous plait me gratiffier, je m'estimeray extremement...] je vous [supplie humblement me
gratiffier, m'accordant l'un et recevant l'autre ; ce que je...]
153 memoire
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8.2 Page 72

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consolatione, aprendomi l'occasione di
proferirmi a V. S. Illma per humilissimo et
divotissimo servitore, sì come io lo adesso,
supplicandola che si degni accettare
l'intensissimo affetto col quale così poca cosa
glie vien dedicata. [89]
Hora dò raguaglio a V. S. Illma delli
progressi che si fanno in questa diocæsi,
dicendole che sonno felicissimi, no solo in
Tonone et Ternier, che è horamai cosa vecchia,
ma etiandio nuovamente nelli balliagi di Gex
et Gagliart, che si stendono sino alle porte di
Geneva ; nel secondo de' quali Monsignor
Vescovo di Geneva riconciliò otto chiese la
settimana passata, ad uso di molte migliaia
d'anime ridotte alla fede da Pentecoste in qua,
sì come io diedi in avviso all' Illmo suo
prædecessore154. Nel primo, che è sottoposto al
Ré di Francia, si sonno erette tre parrochie et
ivi stabiliti tré de' canonici nostri per la santa
prædicatione155, liquali fanno molto buon
frutto ; ritrovandosi in quelle parti alquanti
vecchi Catholici, la fede delli quali stava, come
fuoco, nascosta et coperta sotto la cenere
dell'essercitio huguenotto, che solo in quelle
bande si usava da sessanta sei anni in qua, et
adesso, dal vento del verbo divino156, viene
scoperta, et danno testimonio alla verità. Altri
si convertono, et altri alla conversione si
dispongono. [90]
Resta che no solo in trè parrochie, ma
in tutte, che sonno 26, si restituisca il santo
essercitio et che le entrate ecclesiastiche siano
tolte alli ministri hæretici et Genevrini ; perchè
quando toccarà al popolo di mantenere li
ministri a spese proprie, presto sene straccarà
tanto magiormente che vederanno buoni
sacerdoti offerirgli li pascoli salutari gratis. Et
di questo ha supplicato Monsignor di Geneva
alla Santa Sede che si degnasse trattar
caldamente col Ré Christianissimo. Et perchè
Monsignor l' lllmo Nuntio di Francia scrive
che di ciò l'ordine gli è arrivato da Nostro
Signore et che no glie manca se non uno de'
nostri per darglie particolare raguaglio delle
nostre ragioni, spero di partire la terza festa di
Natale per andare in Parigi per questo servitio,
con proposito tuttavia di ritornare quanto
donne d'un autre côté beaucoup de consolation,
puisqu'il m'offre l'occasion de me présenter à
Votre Seigneurie comme son très humble et
très dévoué serviteur. C'est ce que je fais
actuellement, vous suppliant de daigner agréer
l'ardente affection avec laquelle le peu que je
suis vous est dédié. [89]
Je vais maintenant rendre compte à
Votre Seigneurie des progrès [de la religion]
dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très
heureux, non seulement à Thonon et Ternier,
car cela est désormais ancien ; mais aussi, tout
récemment, dans les bailliages de Gex et de
Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de
Genève. Dans le second de ces bailliages, Mgr
l'Evêque de Genève réconcilia, la semaine
passée, huit églises pour l'usage de plusieurs
milliers d'âmes ramenées à la foi depuis
Pentecôte, ainsi que j'en donnai connaissance à
votre illustrissime prédécesseur. Au premier,
qui est soumis au roi de France, ont été érigées
trois paroisses, dans lesquelles on a installé
trois de nos chanoines pour la sainte
prédication. Ils y opèrent beaucoup de fruit, car
il se trouvait en ce pays plusieurs anciens
Catholiques dont la foi était cachée et couverte
comme un feu sous la cendre du culte
huguenot, qui seul s'y pratiquait depuis
soixante-six ans ; cette foi étant maintenant
mise à découvert par le souffle de la parole
divine, ils rendent témoignage à la vérité.
D'autres encore se convertissent, et d'autres se
disposent à la conversion. [90]
Il reste que non seulement en trois
paroisses, mais en toutes, qui sont au nombre
de vingt-six, on rétablisse le saint exercice [du
culte] et que les revenus ecclésiastiques soient
enlevés aux ministres hérétiques et aux
Genevois ; car, lorsque le peuple sera obligé
d'entretenir les ministres à ses frais, il s'en
lassera bientôt, et d'autant plus qu'il verra de
bons prêtres lui offrir gratuitement de
salutaires pâturages. Mgr de Genève a supplié
le Saint-Siège de daigner traiter chaudement
cette affaire avec le roi très chrétien. Or, parce
que Mgr l'Illustrissime Nonce de France écrit
qu'il en a reçu l'ordre du Saint-Père, et qu'il ne
lui manque qu'un des nôtres pour lui donner
154 Vide supra, Epist. CXL.
155 Ces trois paroisses étaient Gex, Farges et Asserens, où furent envoyés les chanoines Louis de Sales, Claude Grandis
et Antoine Bochut.
156 Ezech., XXXVII, 9.
72/340

8.3 Page 73

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prima al santo Jubileo di Tonone, et massime
se sarà vero quel che ci vien detto, cioè, che
haveremo in quel tempo il beneficio della
presenza di V. S. Illma, laquale sarà in ogni
modo utilissima et fruttuosissima.
Circa la Casa di Tonone, rispondendo
alli capi toccati da V. S. Illma, [dirò] che per
mezzo di quella Casa, la [91] benedetta
Vergine, alla quale è dedicata, conculcherà et
spezzarà il velenoso capo del serpente157
ridotto in Geneva et Lauzanna ; stabilirà la
religione nel paese de' Valezani, corrottissimo
et ruinoso nelle cose della Chiesa ; darà lume
alle tenebre158 de' Bernesi et altri Sguizzeri, et
in somma è indicibile il bene che tal dissegno
può recare a tutte quelle provincie. Erit mons
excelsus cervis, petra refugium hærinaceis159 ;
erit in locum munitum et in domum refugii, ut
innumeri salvi fiant160. Hoggi si truova in
termine et forma di casa poco fa uscita dalle
mani de soldati et hæretici, cioè desolata et in
pomorum custodiam161.
Ponno attraversare un così bel dissegno
le scorrerie de' Genevrini et Bernesi, se le
volessero fare, et la povertà di questi paesi. Li
remedii potranno essere : che la Santa Sede
pigli quel luogho di Tonone in singolarissima
protettane, et a tal fine faccia concorrere li
Prencipi catholici ; che il Serenissimo Duca
faccia cinger quella terra de muraglie, il che in
poco tempo si può far, come da [92]
isperimentati si dice ; che si usi larga carità et
liberalità, et si applichino copiosamente
l'entrate di molte inutili badie et beneficii,
servatis servandis ; et sopra tutto, che si dia
presto di mano all' opera, realmente et da
dovero, chè le buone intentioni giovano poco.
Et se non si puoi fare in un tratto, si faccia poco
a poco, cominciando dalle parti più necessarie
: collegio, seminario, et così di mano in mano.
Di Giulio Cæsare Paschali162 ho da dire
che è stato moltissimi anni in Geneva, intorno
alla quale non hebbe mai fundo nè cosa stabile,
anzi era povero et si aiutava col faticare alla
stampa, dove era correttore de libri, et colli
denari della cassa et borsa della natione Italica,
une plus particulière connaissance de nos
raisons, j'espère partir pour Paris la troisième
fête de Noël, afin d'accomplir cette mission. Je
me propose toutefois de revenir au plus tôt
pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est
vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons
alors du bienfait de la présence de Votre
Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute
façon, très utile et très fructueuse.
Pour répondre aux points touchés par
Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la
Maison de Thonon que, par son moyen, la
bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée,
foulera et brisera la tête venimeuse du serpent
qui s'est refugié à Genève et à Lausanne ; la
religion sera rétablie dans le Valais, pays très
corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise
; elle illuminera les ténèbres des Bernois et
autres Suisses ; en un mot, le bien que ce
dessein peut apporter à toutes ces provinces est
indicible. Ce sera une montagne élevée pour
les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons ;
ce sera un asile assuré et une maison de refuge,
afin que des âmes innombrables soient
sauvées. Aujourd'hui elle est dans l'état et a
l'apparence d'une maison sortie depuis peu
d'entre les mains des soldats et des hérétiques,
c'est-à-dire ruinée, et semblable à une cabane
destinée à retirer les fruits.
Un si beau dessein peut être entravé par
les incursions des Genevois et des Bernois,
s'ils voulaient en faire, et par la pauvreté de ces
pays. On pourrait y remédier par les moyens
suivants : il faudrait que le Saint-Siège prît
sous sa très spéciale protection cet établisse-
ment de Thonon, et que, dans ce but, il
employât le concours des princes catholiques ;
que le Sérénissime duc fît ceindre cette ville de
murailles, ce qui, de l'avis de personnes
expérimentées, peut se faire [92] en peu de
temps ; que l'on usât d'une grande charité et
libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y
appliquât largement les revenus de bon nombre
d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant
les réserves de droit. Mais il est surtout requis
qu'on mette bientôt la main à l'œuvre,
157 Gen., III, 15.
158 Is., IX, 2 ; Lucæ, 1, 79.
159 Ps. CIII, 18.
160 Pss. LXX, 3, XXX, 3.
161 Ps. LXXVIII, 1.
162 Gentilhomme sicilien, établi à Genève avec sa femme Cécile Campagnola dès l'année 1554.
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8.4 Page 74

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come si suole far dalli poveri secreti in quella
Babilonia, dove, in questo particolare,
prudentiores sunt filiis lucis in generatione
sua163. Hebbe tre figliuoli, delli quali duoi si
stimano morti, uno in Piemonte, l'altro in
luogho incognito ; il terzo è in casa et vien
chiamato Prosper. Hebbe [93] alquante
figliuole, delle quali una fu maritata in un
gentilhuomo Genevrino chiamato Farnex,
signor di Besinge164 ; onde può esser nato l'
error della relatione fatta che detto Paschale sia
signor di Besinge. Ha composto libri, ma poco
stimati et non stampati. Si stima morto, perchè
essendo scampato da una grande malatia uscì
di Geneva et non è più comparso. Questo è
quanto ho potuto saper di questo huomo.
Onde non occorrendomi altro per
rispondere alla lettera di V. S. Illma del VI di
Novembre, glie bascio per fine
humilissimamente le mani reverendissime,
supplicandola di darmi la sua gratia et
priegando Iddio che a beneficio dell' anime la
conservi sana et salva a molti anni.
Di V. S. Illma et Rma
Divotissimo servitore,
FRANCO DE SALES,
Prævosto di Geneva.
Di Annessi, alli 21 di Decembre 1601.
Revu sur l'Autographe conservé à la
Visitation de Rome. [94]
réellement et sérieusement, car les bonnes
intentions servent de peu. Si ce bien ne peut
s'exécuter tout d'un coup, que du moins on le
fasse petit à petit, commençant par les parties
les plus nécessaires, telles que le collège, le
séminaire, et ainsi successivement.
Au sujet de Jules-César Paschali, je
dois dire qu'il a habité de longues années à
Genève, où il n'eut jamais ni fonds ni revenu
assuré ; au contraire, il était pauvre et vivait de
son travail à une imprimerie, où il était
correcteur de livres, et de l'argent de la caisse
et bourse de la nation italienne, comme les
pauvres honteux ont coutume de faire en cette
Babylone, où, pour ce regard, ils sont plus
prudents dans la conduite de leurs affaires que
les enfants de lumière. Paschali a eu trois fils,
dont deux sont tenus pour morts, l'un en
Piémont, l'autre en un lieu inconnu ; le
troisième est chez lui et se nomme Prosper. Il
a eu aussi plusieurs filles, dont l'une a été
mariée [93] à un gentilhomme genevois appelé
Fernex, seigneur de Bessinge ; de là peut
provenir l'erreur de la relation qui fait ledit
Paschali seigneur de Bessinge. Il a composé
des ouvrages, mais peu estimés et non
imprimés. On le croit mort, parce qu'ayant
échappé à une grande maladie, il sortit de
Genève où il n'a plus paru. C'est tout ce que j'ai
pu savoir au sujet de cet homme.
N'ayant donc plus rien à dire pour
répondre à la lettre de Votre Seigneurie
Illustrissime du 6 novembre, je termine en
baisant très humblement ses mains vénérées et
en la suppliant de m'accorder ses bonnes
grâces. Je prie Dieu de vous conserver de
longues années sain et sauf pour le bien des
âmes.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime,
Le très dévoué serviteur,
FRANÇOIS DE SALES,
Prévôt de Genève.
D'Annecy, le 21 décembre 1601. [94]
163 Lucæ, XVI, 8.
164 Jean de Fernex avait épousé Laure Paschali en 1587. (Contrat dotal du 21 mai).
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8.5 Page 75

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CL. A M. Louis de Sales, son frere165 (Inédite). Voies de
conciliation à prendre au sujet d'un procès. Ne pas refuser les
avances du procureur Chappaz.
Annecy, 23 décembre 1601.
Monsieur mon Frere,
Ce pacquet est fort a propos de ces bonnes festes. Nous avons deux proces, ou mediatement
ou immediatement, avec le procureur Chappaz166 : l'un est en estre, celuy des Miucet167 ; l'autre
n'est qu'au projet dudit Procureur, qui est celuy quil prætendoit mouvoir pour la [95] mayson de
monsieur Jan de la Thuille. Or, monsieur Machet168 ayant ouvert le propos de venir en
appointement de l'un et de l'autre, hier ledit Procureur me vint voir fort tard, et de cent mille paroles
je tiray quil desiroit fort nostre amitié ; ou il est le plus grand dissimulateur du monde. Et sur ses
offres, je me promis et luy donnay esperance que madame ma mere proposeroit fort volontiers ses
droitz, et de l'un et de l'autre proces, a une assemblee de gens d'honneur, pour en voir la claïrté et
valeur.
Je cuyde que ma persuasion est juste et bonne, et que nul ne doit refuser appointement. Au
bout de la, n'ayant autre a faire avec luy, il ni aura aucune rayson pour laquelle nous ne puissions
le recevoir a la commune amitié que le voysinage requiert. Et ce pendant, au progres de ses
deportemens en nostre endroit, nous reconnoistrons si nous devrons avancer en familiarité et
confiance, ou si nous devrons nous tenir en posture de defiance. Il dit merveilles, et tant, que la
moytié suffiroit sil le faysoit ; sur tout il desire d'avoir acces vers vous et de pouvoir aller voir ma
mere. Je vous prie de bien pratiquer le saint mot de l'Apostre169 : Tu autem, vince in bono malum170
et de procurer que ma mere en face de mesme ; nostre nature nous y porte et en devons faire gloire,
car chi l’ aspetta la vince171. Ou ce bon homme veut a bon escient nostre amitié, et nous ne la luy
devons pas refuser ; ou il la veut seulement apparemment, et telle il la luy faudra donner, et, en
peu de tems, au soleil la neige se fondra et l'ordure sera descouverte. Pour moy, [96] je tiens que
165 Louis de Sales (3 juillet 1577-24 novembre 1654), connu dans sa jeunesse nous le nom de M. de la Thuille, était
celui de tous ses frères que saint François de Sales chérissait le plus, à raison de sa douceur et de son éminente piété.
Il terminait ses études à Rome quand la mort de son père (5 avril 1601) l'obligea à revenir en Savoie. Telle était la
maturité dont il fit preuve, que sa mère voulut lui confier, préférablement à Gallois son frère aîné, la gestion des biens
de la famille.
Le duc de Nemours le nomma chevalier au Conseil de Genevois (1610) et Charles-Emmanuel Ier le chargea
à deux reprises (1604 et 1606) de missions Importantes en Suisse. Le successeur de ce prince, Victor-Amédée Ier,
confirma Louis de Sales dans la charge de capitaine du château d'Annecy, et, en 1632,érigea en comté les terres de
Sales, Thorens, Richemond, Vuad, Jourdil, des Hallies et Rochères, dont il était seigneur. Trois ans plus tard le
nouveau comte devint gentilhomme ordinaire de la chambre du duc. Il épousa en premières noces (avril 1603)
Philiberte de Pingon Cusy, qui lui donna un fils, Charles-Auguste, plus tard évêque de Genève ; et en secondes noces,
Madeleine de Rouer de Saint-Séverin.
166 Voir le tome précédent, note (123), p. 42.
167 Une famille Miucet ou Myeusset avait droit de bourgeoisie à Annecy. Elle était à cette époque représentée par
Pierre et Georges. Ce dernier, qui était né à Pers, prend les titres de « noble et spectable ; » il entretint plus tard des
relations suivies avec la famille de Sales et déposa au Procès de Canonisation du Saint.
D'autres Myeusset habitaient Thorens. Pierre et Antoine traitent, en juillet 1601 (Minutes de Pierre Lombard,
notaire à La Roche et à Thorens), avec les délégués du Chapitre de Saint-Pierre de Genève, pour l'admodiation des
biens capitulaires situés dans celte localité.
168 La famille Machet était alors si nombreuse qu'il est difficile d'indiquer celui de ses membres dont il est question
ici. Probablement s'agit-il du plus marquant de tous, Claude, collatéral au Conseil de Genevois, qui, au dire d'un
contemporain, était « fort remarquable en la poésie. » Aussi fut-il, avec le président Favre et Claude de Quoex, ses
intimes amis, l'un des premiers membres de l'Académie Florimontane.
169 Rom., XII, ult.
170 Et toi, triomphe du mal par le bien.
171 Qui attend triomphe.
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c'est a bon escient et que si l'inconstance ne le gaste il sera fort nostre. Prudentes, simplices.
Je finis, et dis que je suis d'advis qu'on prenne jour avec des bons arbitres, [ce] qui pourroit
attendre le retour de monsieur le President ; il le desire, et il seroit le mieux. Mille baysemains a
madame ma grande maistresse172, a laquelle j'escriray avant mon despart. Las et recreu, je vous
salue, estant
Vostre humble frere et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
23 decembre 1601.
A Monsieur mon Frere,
Monsieur de la Thuile.
A Sales.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [97]
172 Le Saint entendait parler de sa mère, Mme de Boisy.
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8.7 Page 77

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Année 1602
_____
CLI. A M. Claude de Quoex. Départ du Saint pour Dijon et
Paris afin de solliciter le rétablissement de la religion dans le
pays de Gex. Nécessité d'obtenir la médiation du Saint-Siège
auprès du roi de France. Influence du Cardinal d'Ossat sur le
monarque. Nouvelles de Mme de Quoex. Divers messages.
Bon vouloir du baron de Lux ; oppositions de Lesdiguières
Meximieux, 3 janvier 1602.
Monsieur,
En peu de motz prou de choses, car je suis pressé. Me voyci a Messemieu avec monsieur
nostre Præsident173, et chez luy, devans partir tous deux aujourdhuy pour aller a Dijon, luy, a la
solicitation d'un proces qui luy est important, moy, pour y trouver monsieur le mareschal de
Biron174 et monsieur le baron de Lux desquelz je prætens obtenir une puissante recommandation
aupres du Roy, ou, des Dijon, je m'achemineray pour nos affaires de Gex desquelz voyci l'estat.
Monsieur le baron de Lux, au nom du Roy, conduisit Monseigneur le Rme au balliage de
Gex sur le commencement du moys passé, et luy donna trois parroisses pour y exercer la religion
catholique : la ville de Gex, [98] Farges et Asserens, et en consequence, bailla mainlevee a mondit
Seigneur Rme des revenuz ecclesiastiques desdites parroisses. Nous ne sommes pas contens de si
peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens ; non
seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la
religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et
indubitablement. Nostre requeste portoit cela. Sur quoy monsieur de Lux nous renvoye au Roy et
a son Conseil ou je vay pour cest effect, appuÿé de tant de rayson que, pour peu qu'elle soit aydee,
nous serons victorieux.
Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder ; cela y est extremement requis. Il faut175
instare opportune, importune176. Monseigneur le Nonce de France escrit a Monsieur le Rme quil a
charge de nous ayder, quil a commencé a le faire, quil trouve le Roy disposé, quil ne faut que bien
solliciter et instruire. J'y vay pour cela ; mays, pour ne rien oublier, je voy que le coup de cest
affaire gist en un'estroitte recommandation du Saint Siege, laquelle seroit extremement efficace si
Sa Sainteté eu parloit a Monseigneur le Cardinal d'Aussat, luy commandant d'en escrire
favorablement au Roy ; car on m'a dit qu'il ny a point d'entremise a Romme a laquelle le Roy
defere tant comme a celle la177. J'espere d'estre a Paris dans 10 ou 12 jours, la ou sil vous plait
173 Antoine Favre, président du Conseil de Genevois à Annecy.
174 Charles de Gontaud, duc de Biron, gouverneur de Bourgogne dès l'année 1595, jouissait encore à cette époque de
l'affection du roi, et pouvait patronner efficacement auprès de lui les intérêts de la religion dans le pays de Gex qui
dépendait de sa juridiction. On sait comment il s'était signalé aux batailles d'Arques et d'Ivry, aux sièges de Rouen et
de Paris, et quelles brillantes distinctions lui avait attirées sa bravoure. Colonel à quatorze ans, il avait été créé
maréchal de camp, lieutenant-général, amiral (1592), puis maréchal de France (1594), et enfin, duc et pair (1598).
Tant de faveurs ne l'empèchèrent pas de conspirer contre Henri IV, qui le fit décapiter à la Bastille le 31 juillet 1602.
Il n'était âgé que de quarante ans.
175 Insister à temps et à contre-temps.
176 II Tim., IV, 2.
177 Il est facile de s'expliquer l'influence dont le Cardinal d'Ossat jouissait à la cour par l'importance des services qu'il
avait rendus à Henri IV. Ce Prélat qui, d'une condition obscure, s'était élevé par son seul mérite aux plus hautes
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8.8 Page 78

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m'escrire dans les pacquetz de Madame178, les lettres ne se perdront point. [99]
A mon despart du pais j'ay laissé tout en santé, les vostres et les nostres, specialement
madame vostre partie179, laquelle estoit a Polinge quand Monseigneur le Rme estoit a Gaillart a la
benediction des eglises, ou je fus ; et, sur mon chemin, visitay les freres et seurs audit Pollinare et
Mairens.
Touchant la coadjutorie, je vous bayse les mains de la peyne que vous en aves. Nous
verrons que ce fut ; de quel costé qu'aille la barque, le port m'en sera aggreable. Je bayse mille fois
les mains a nostre R. P. Juvenal, auquel j'escriray des Paris de statu rerum omnium180. Item, je
salue nostre monsieur Reydet in toto corde, messieurs Gojon181, la patrie182. Me voyla au reste
pour jamais,
Monsieur,
Vostre humble serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Messemieu, le 3. jour de janvier 1602.
Nous avons laissé a Gex messieurs les chanoynes de Sales, Grandis, Bochuti. Nous sommes
incroyablement redevables a la pieté et religion de monsieur de Lux, quil a fait paroistre en toute
sa negociation. Monsieur Desdiguieres183 se treuv'a Gex le jour que nous y fusmes ; [100] les
ministres recoururent a luy, ausquelz il dit quil ni avoit remede, que le Roy le vouloit, mais quilz
gardassent tant quilz pourroyent les biens d'Eglise, car cela maintiendroit leur religion non obstant
nostr'exercice.
A Monsieur
Monsieur de Quoex, Docteur es Droitz.
A Romme.
Seporvis (?)
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat.
_____
dignités, avait, étant ambassadeur à Rome, obtenu, de concert avec le Cardinal du Perron, la réconciliation du roi avec
le Saint-Siège et l'annulation de son mariage avec Marguerite de Valois. Il fut pourvu de l'abbaye de Notre-Dame de
Varennes, de l'évêché de Rennes, et promu au cardinalat en 1599. Le Cardinal d'Ossat mourut à Rome le 13 mars
1604, à l'âge de soixante-sept ans.
178 La duchesse de Nemours. Dans toutes les lettres adressées par le Saint à son ami, cette princesse sera toujours
désignée sous le titre de « Madame ».
179 Claude de Quoex avait épousé Bernardine, fille de Jean de Chissé, seigneur de Pollinge, propre nièce de Mgr de
Granier. D'après le Registre paroissial de Saint-Maurice, elle a été inhumée à Annecy le 1er juin 1617.
180 De l'état de toutes choses.
181 Plusieurs membres de la famille Gojon résidaient alors à Rome. L'un d'eux, agent dans cette ville en août 1592, s'y
retrouve encore en 1614.
182 C'est-à-dire ses compatriotes habitant Rome (voir ci-après, p. 106). Bon nombre de jeunes savoisiens allaient
prendre leurs grades dans la ville éternelle.
183 François de Bonne, duc de Lesdiguières (1543-1626), avait mis dès l'adolescence son épée au service du parti
protestant dont il suivait les erreurs. Le duc de Savoie n'eut pas d'adversaire plus redoutable pendant les longues
guerres qu'il soutint contre la France à la fin du XVIe siècle. Henri IV créa Lesdiguières lieutenant-général de ses
armées de Savoie, Piémont et Dauphiné, et maréchal de France (1608). Louis XIII le nomma maréchal de camp,
général de toutes ses armées et connétable. Les conférences que ce célèbre personnage eut avec saint François de
Sales, pendant les Carêmes que le Saint prêcha à Grenoble, préparèrent de loin sa conversion. Il abjura le
protestantisme en 1622
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8.9 Page 79

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CLII. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de Genève
(Inédite). Compte-rendu de sa négociation à la cour de France.
Envoi d'une lettre du Nonce de Paris
Paris, 8 février 1602.
Monseigneur,
Apres que la court a esté de retour en ceste ville, Monseigneur le Nonce a pris la peyne
d'aller chez monsieur de Villeroy184, auquel Sa Majesté nous avoit addressé pour traitter, et la j'ay
bien eu a desbattre pour nos pretentions. Neanmoins, a la fin, j'ay donné ma requeste fondamentale,
sur laquelle il me dit que le Conseil nous feroit droit et justice, et que nous n'en doutassions point.
[101] Ce qu'estant, je ne m'en puis retourner que bien depesché, Dieu aydant ; aussy vay je
esventant certaines conjectures qui m'en font concevoir tres bonne esperance. Il y va un petit de la
peyne et du tracas et un peu plus de tems que je ne pensois ; je l'abbregeray neanmoins le plus que
je pourray, pour avoir l'honneur d'estre bien tost aupres de vous. Je suis marry que la despence soit
si grande que des-ja nous soyons en faute d'argent ; toutefois, ce n'est ni faute d'espargne ni faute
de soin, mays parce que tout nous a esté fort cher. Pourveu qu'il vaille, je pense qu'encor qu'il
coste, tout sera trouvé doux.
Nous avons un Nonce plein de tres bonne volonté et qui s'employe de courage. Je vous
envoye la lettre qu'il vous escrit sur le sujet de ma negociation, et, pour sçavoir plus a plein ce qu'il
en esperoit, je me suis dispensé de l'ouvrir, avec la confiance accoustumee en vostre bonté et en
l'asseurance que vous aves de la loyauté de mon intention a vostre service.
Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble
reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne,
Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter
Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Paris, le 8 febvrier 1602.
Monsieur Deage vous bayse tres humblement les mains, comme fait aussy le bon Pere
Galesius185, qui part pour aller prescher a Calais.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverendissime Evesque
et Prince de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [102]
_____
184 Nicolas de Neuville, seigneur de Villeroy, conseiller et secrétaire d'Etat (1567), grand trésorier des Ordres du roi
(1578), était l'un des ministres les plus influents de Henri IV, comme il l'avait été de ses deux prédécesseurs. Employé
dans des négociations très importantes, il les conduisit avec une prudence et une habileté qui le firent considérer
comme le plus grand diplomate de son siècle. Pendant cinquante-six ans Villeroy servit l'Etat avec des fortunes
diverses, mais avec un dévouement toujours égal. Il mourut le 12 novembre 1617, à l'âge de soixante-quatorze ans.
185 Probablement le P. Galésius, Cordelier, docteur de la faculté de Paris, dont le talent oratoire avait été fort remarqué
en Savoie, soit pendant le Carême de 1597 qu'il prêcha à Chambéry, soit l'année suivante aux célèbres Quarante-
Heures de Thonon. C'était, au témoignage du duc de Savoie, un « excellent prédicateur, dont la doctrine était d'une
rare profondeur. »
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8.10 Page 80

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CLIII. A M. Claude de Quoex. Réponse à deux lettres
précédemment reçues. Affaire d'intérêt. Lenteur des
négociations poursuivies à la cour. Un mot sur les dépenses à
faire au sujet de la coadjutorerie. Le Saint est invité à prêcher
le Carême à la chapelle de la reine. Le P. Juvénal Ancina
désire se rendre à Thonon. Différends soulevés au sujet d'un
prieuré
Paris, 9 mars 1602.
Monsieur,
J'ay receu deux de vos lettres, l'une du 21 janvier, l'autre du 5 febvrier, ausquelles je devois
une plus soudaine response que je n'ay pas fait, si j'eusse peu tirer les resolutions qui devoyent
servir de matiere a mes responses si tost que j'eusse desiré. Je desirois infiniment de faire que
Madame vous envoyast argent et, quant et quant, congé pour revenir aupres de madame ma seur186,
laquelle commença des-ja a vous attendre des vostre despart. Mays pour le second, la resolution
ne s'en est encor pas peu prendre ; ce sera neantmoins dans peu de jours, si mon credit ne manque
en ceste ville, si non pour le tems que nous desirerions, au moins sera ce quelque chose autour.
Les affaires se vont acheminant en sorte qu'a mon advis, malheur sera bon a quelque chose.
Pour le premier, Madame se tient pour asseuree, sur lettres de monsieur de Moyron187, que
vous aures receu 400 escus et vous en envoye d'icy autre (sic) 400. Je ne laysseray passer aucune
occasion de vous servir que je ne la prenne soigneusement, comme je dois. Monsieur le [103]
President et monsieur de Saint Evroul188 y employent aussi tous bons offices, et ne doute point que
vous ne soÿés contenté.
Touchant l'affaire pour lequel je suys icy, je vous diray en deux motz que je ne fus jamais
tant empesché, renvoyé que je suis au Conseil, dans lequel je trouve tout le monde reconnoissant
que ma demande est extremement juste ; mays au reste, tout y va sur les respectz et retardations
mal fondees a mon advis. Dieu me veut exercer. Ce pendant, je vous supplie de tenir main a ce
que Monseigneur le Cardinal d'Ossat en escrive, car j'ay extreme besoin de toutes mes pieces. Et
notes que si maintenant je ne fay rien, la porte de ceste esperance sera fermëe pour un grand tems
; c'est cela qui me fait opiniastrer et rendre importun.
Au demeurant, j'ay escrit au païs pour faire envoyer les 200 escus requis pour
l'accomplissement de l'entreprinse de la coadjutorie, me retreuvant en lieu ou je ne sçaurois y
donner aucun ordre. Je croy que ma bonne mere y pensera a bon escient, puisque, apres tant
d'advancement et de faveurs receües, la retraitte seroit ignominieuse. Je vous remercie infiniment
de la peyne que vous y aves, et vous supplie de tenir tellement l'affaire sur pied que rien ne gaste
pour la reputation.
Il s'est icy parlé de guerre, mais vaynement et sans occasion ; je croy que Dieu nous
186 Madame de Quoex. On a déjà remarqué que le Saint donnait le titre de sœur à la femme de ses plus intimes amis.
187 François Paquellet, coseigneur de Moyron, trésorier général du duc et de la duchesse de Nemours (1578-1612). Sa
famille était très liée avec la famille de Sales. Il mourut en mars 1620.
188 François Sacquespée de Selincourt, prêtre du diocèse d'Amiens, docteur en l'un et l'autre droits, intendant de la
maison de la duchesse de Nemours. Il avait été nommé abbé commendataire de Saint-Evroul, dans le diocèse de
Lisieux (1597), à la recommandation de la duchesse, dont un frère, le Cardinal Louis d'Este, avait possédé le même
bénéfice. En 1594. M. de Selincourt, alors âgé de quarante ans, avait été proposé pour l'archevêché d'Auch. (Archives
Vaticanes, Nunz. di Francia, vol. 36. Il mourut le 25 février 1613.
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9 Pages 81-90

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9.1 Page 81

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continuera la paix. Monsieur de Quoex vostre oncle189 m'a escrit des Merly qu'un de ces jours il
viendra icy me consoler, et je luy ay escrit que sil ne vient, je l'iray treuver.
Attendant l'issue de mes affaires, j'ay esté forcé, par [104] honnesteté, de precher en la
chapelle de la Reyne trois lois la semaine, devant les princesses et courtisans, n'ayant peu refuser
aux prieres et commandemens qui m'en ont esté faitz. Mays cela s'entend sans retarder la
sollicitation, que je fay lentement pour seconder l'humeur de ceux qui ont le fait en main, ausquelz
je suis contraint de m'accommoder.
J'escriray a Monseigneur le Rme mon Evesque touchant le saint desir de nostre bon P.
Juvenal, affin que nous puissions avoir tant de consolation que de le voir en nostre diocæse, et
pour un si bon sujet190 ; ce seroit bien !le vray accomplissement de mes contentemens. Je vous prie
humblement de luy bayser les mains de ma part.
Jay receu une lettre de monsieur nostre Ambassadeur191, outre ce que vous aves escrit pour
le seigneur Persiani192 ; marri de ne l'avoir receu sur les lieux ou j'eusse peu faire ce quil me
commande, j'escriray au plus tost pour le faire faire. Ce pendant, voyci l'advis que je luy donne :
monsieur le baron de Lux poursuit pour avoir ce prieuré pour un fort honneste ecclesiastique,
gentilhomme de Bourgoigne, et, a mon advis, le seul fondement de vacance quil prætende est tel :
Nul homme ne [105] peut avoir benefice en France qui ne soit naturalisé françois selon le
concordat ; or, monsieur Persiani ne l'est pas, donques son benefice est vacquant. Il ni a remede, il
faut donner ordre a ce point, autrement on aura mille peynes devant ces Parlemens pour le
possessoire. Or, ne sçai je si ledit prieuré est deça ou dela le Rosne ; car sil estoit deça,
necessairement on le voudroit reduire a la forme des benefices de France. Je vous prie rendre
capable mondit seigneur de cecy, outre ce que je luy en escris.
J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute
mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que
vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes. Je salue aussi monsieur Reydet et
tous messieurs de nostre païs, et me redis, comme je feray toute ma vie,
Monsieur,
Vostre plus humble et asseuré serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Paris, le g mars 1602.
A Monsieur
Monsieur de Quoex, Advocat fiscal de Genevois.
A Rome.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie. [106]
_____
189 Peut-être s'agirait-il d'Antoine de Quoex, né et possessionné à Talloires, qui fut attaché à la maison du duc d'Anjou.
Par patentes du 19 mai 1576, le Sénat de Savoie l'avait exempté de tailles en considération de ses fonctions de « noble
barbier et valet de chambre » de ce prince. (Note du comte de Mareschal.)
190 L'établissement définitif de la Sainte-Maison de Thonon, qui devait se composer de plusieurs sections absolument
distinctes, dont l'une comprendrait sept prêtres séculiers vivant selon les règles de l'Oratoire de Rome. Déjà en mai
1601 le P. Juvénal Ancina avait été demandé pour collaborer à cette fondation, ce à quoi son zèle pour le salut des
âmes et son affection pour saint Frnçois de Sales l'eussent fait accéder très volontiers.
191 Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua, plus tard chevalier de l'Annonciade (1608), appartenait à une illustre
famille originaire de Biella, dont les membres remplirent avec succès pendant un siècle des fonctions diplomatiques.
Lui-même avait été ambassadeur à Venise et à Ferrare avant d'être accredité auprès du Saint-Siège (1599-1608) ; il
fut ensuite chargé des mêmes fonctions à Madrid et à Paris, où il mourut en mars 1619. On attribue au comte de Verrua
des Avvertimenti politici ; mais l'authenticité de cet ouvrage est contestable.
192 Scipion Persiani, secrétaire de l'ambassade savoisienne à Rome, était pourvu dès l'année 1596 du prieuré de Saint-
Jean hors les murs de Genève. Bien des compétiteurs le lui disputaient : c'était en 1598 Louis Perrucard et le Baron
de Viry (voir le tome précédent, p. 451) ; outre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, c'était en 1602 le baron
du Villars, et (voir ci-après p. 115) un conseiller au Parlement de Paris, qui le convoitaient pour leurs fils.
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9.2 Page 82

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CLIV. A Monseigneur Claude de Granier, Évêque de Genève
(Inédite). Difficulté et lenteur des poursuites faites à Paris ;
espérance de les voir aboutir
Paris, 26 mars 1602.
Monseigneur,
L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre
poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre193, si ce n'est que je continueray d'y mettre
tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre ; ce que j'espere pouvoir bien tost
obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque
advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance. Ce qu'estant fait, je partiray
soudain pour me rendre aupres de vous, au bonheur de vostre presence, lequel ne m'arrivera jamais
si tost que je le desire.
Ce pendant je prie Dieu, Monseigneur, qu'il comble vos souhaitz de ses graces, et vous
bayse tres humblement les mains, comme fait monsieur Deage.
Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
De Paris, le 26 mars 1602.
Monseigneur le Nonce vous salue fort affectionnement, et embrasse vivement l'affaire que
vous m'aves confié.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverendissime Evesque
et Prince de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [107]
_____
193 Les négociations devenaient d'autant plus difficiles que les Genevois dans le courant de mars avaient envoyé à
Paris deux députés, Anjorrant et Chapeaurouge, avec mission de s'opposer énergiquement à la restitution des biens
ecclésiastiques du pays de Gex.
82/340

9.3 Page 83

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CLV. Au même (Inédite). Annonce de la visite de M. de
Mallians. Crainte d'échouer dans sa négociation auprès du roi
de France
Fontainebleau, 10 avril 1602.
Monseigneur,
Je suis arrivé icy a Fontainebleau sur le despart de monsieur de Mallians194, lequel me
donne esperance qu'il ira a Necy bien tost après son arrivee a Belley. Si cela est, il vous dira mieux
qu'homme du monde le succes et la route que mon affaire a prins en ceste court ; aussi bien ne
sçaurois-je pas vous l'escrire. Si cela n'est point, j'en escris un eschantillon a monsieur le Vicaire
mon frere195, affin qu'il vous en face rapport. J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre
expedition que d'esperances ; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je
pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en
ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys ; en fin, qu'en faysant
nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis.
Je n'arresteray guere que je ne prenne la resolution finale necessaire pour mon retour, lequel
je desire pour [108] avoir l'honneur d'estre pres de vous et recevoir vos commandemens avec
l'obeissance que vous a vouee,
Monseigneur,
Vostre tres humble filz et tres obeissant serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Fontainebleau, le 4. jour de Pasques 1602.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverendissime Evesque
et Prince de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.
_____
194 Jean-Marin de Mallians, seigneur de Vallod, se trouvait alors à Paris pour solliciter la confirmation des privilèges
de la noblesse du Bugey. Il avait été nommé par Charles-Emmanuel Ier, juge-maje du Bugey (5 novembre 1589),
auditeur général de camp en Bugey et Valromey (7 septembre 1590), et enfin conseiller d'Etat de Son Altesse (29 mai
1594). Sa femme, Gasparde du Pont, lui donna sept enfants, dont l'un, Jean-François, fut tenu sur les fonts du Baptême
par saint François de Sales. Ce seigneur mourut avant 1609.
195 Le vicaire général François de Chissé, à qui, par affection, le Saint donnait le titre de frère.
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9.4 Page 84

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CLVI. Au même (Inédite). Nouvelles espérances. Le Saint a
prêché devant le roi ; il est invité à prononcer l'oraison funèbre
du duc de Mercœur
Paris, 18 avril 1602.
Monseigneur,
Je reviens tout maintenant de Fontainebleau, ou si je n'eusse esté a propos, toute ma
negociation estoit ruinee. J'ay tant fait neantmoins que j'en ay repris quelque bonne esperance ;
dans deux ou trois jours j'auray l'entiere resolution. Ce ne sera pas, a l'adventure, avec tout le
contentement que nous desirions : il faut tirer du feu ce que l'on en peut sauver. Ce sera tous-jours
beaucoup, a ce que disent les expertz.
Le jour de Quasimodo le Roy me fit prescher devant luy, et monstra d'en avoir eu du
contentement196. Je m'essayeray a me desvelopper le plus tost que je pourray, [109] mais le train
des affaires est si malaysé en ceste court que quand on pense estre delivré, on est le plus
embarrassé. Madame de Mercure m'a envoyé pour m'inviter a faire le sermon funebre de monsieur
son mary dans cinq ou six jours, ce que je ne puis ni dois refuser197.
Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres
humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est
a jamais,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Paris, le 18 avril 1602.
Je vous supplie, Monseigneur, de commander a l'un de vos gens d'escrire de mes nouvelles
a quelqu'un de mes freres. Monsieur le President vous bayse humblement les mains.
A Monseigneur
Monseigneur le Reverendissime Evesque
et Prince de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [110]
_____
196 Le bon roi, dont le coup d'œil était si juste, eut bien vite discerné le mérite du Coadjuteur de Genève. Il résolut de
l'attirer en France, et, à diverses reprises, lui fit inutilement des propositions propres à éblouir un cœur moins détaché
des honneurs et des biens d'ici-bas. Aussi Henri IV disait-il que « M. de Geneve estoit parfait, et qu'on ne luy pourroit
desirer pour le bien de la France et de l'Eglise, autre sinon qu'il fust a mesme temps en plusieurs lieux. » (Process.
remiss. Gebenn. (II), déposition de François de Longecombe, ad art. 37.)
197 Saint François de Sales prononça effectivement le 27 avril l'oraison funèbre de Philippe-Emmanuel de Lorraine,
duc de Mercœur, pair de France, lieutenant-général de l'empereur en ses armées de Hongrie, etc., décédé à Nuremberg
le 19 février de cette même année, à l'âge de quarante-trois ans. On peut voir dans ce discours (tome VII de la présente
Edition, pp. 400-435) les vertus et les hauts faits de cet illustre guerrier, dont la vie, au témoignage du saint Panégyriste,
a « esté l'une des plus belles et accomplies entre celles des princes des derniers siecles, et comparable a celle des plus
excellens de l'antiquité. »
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9.5 Page 85

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CLVII. A la Duchesse de Mercœur .198 Il condescend à laisser
imprimer l'oraison funèbre du duc de Mercœur, et demande
qu'elle soit dédiée à la fille de ce prince.
Paris, mai 1602.
Madame,
Vos premiers desirs ayans tenu lieu de commandemens sur ma volonté lhors que vous
jettastes les yeux sur ma petitesse pour le discours funebre de feu monsieur le duc de Mercœur, je
dois recevoir avec le mesme respect les tesmoignages des seconds, souffrant, Madame, que la
piece soit mise au jour et donnee au public, puisque vous l'aggrees.
Vous n'y verres rien de moy, Madame, que les simples tesmoignages de ma bonne volonté
et les seules marques de mon obeissance, en un sujet, au reste, ou je n'ay pas eu moins de
propension que de devoir. Ce qu'il y a de plus considerable c'est le sommaire tres fidelle des rares
et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé.
De moy, je confesse n'y avoir contribué que ma foible enonciation et ma voix pour servir d'echo,
dans l'estendue d'une petite heure, a la reputation de ce grand prince, qui parloit [111] asses d'elle
mesme et qui esclatera a jamais par les beaux exploitz dont non seulement la France et
l'Allemaigne, mays toute l'Europe, voire toute la chrestienté, ont esté tesmoins. Et si bien l'escrit
que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de duree que ma voix n'en a eu en les
prononçant, ce sera plus par la consideration des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que
j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant.
Au reste, si mon affection et bonne volonté n'estoit garante de ma sincerité et obeissance,
la plus belle partie, qui en a esté obmise, auroit rayson de se plaindre ; mais ayant entrepris
seulement de faire un simple eloge et sommaire de ce qui estoit convenable au tems, au lieu et a
l'assemblee, j'ay deu laisser a l'histoire, qui reserve des volumes entiers pour une si belle vie, de
suppleer a mon defaut, me contentant du nom et du devoir de panegyriste, dont j'ay tasché de
m'acquitter. Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la
sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui
ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui
trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi
dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation ;
quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee
dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et
ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit.
Ce n'est pas qu'apres cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque
adoucissement au dehors, vous n'en ayes un tres grand dans le pretieux gage que ce grand prince
vous a laissé de vostre mariage ; je veux dire en madamoyselle de Mercœur, laquelle estant une
image vivante du pere, elle est aussi la legitime heritiere de ses vertuz, dont il a laissé le soin a
vostre conduitte, Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne education que vous luy
reserves. Si elle [112] avoit besoin hors de soy de quelque memorial de celles du grand prince que
198 Cette princesse était fille et unique héritière de Sébastien de Luxembourg, en qui s'éteignit la branche des
Luxembourg-Martigues, alliée à la Maison de Savoie. Dès l'année 1486, les ancêtres de saint François de Sales avaient
été au service de cette illustre famille. (Cf. la Préface du Traitté de l'Amour de Dieu, tome IV de la présente Edition,
p. 18.) La princesse Marie de Luxembourg était née à Lamballe le 15 février 1562. Elle épousa à Paris, le 12 juillet
1575, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur. Devenue veuve elle s'adonna tout entière aux œuvres de piété
jusqu'à sa mort, arrivée le 6 septembre 1623.
La duchesse de Mercœur eut trois enfants, dont deux moururent en bas âge. Sa fille, Françoise de Lorraine,
porta après elle les titres de duchesse de Mercœur, d'Etampes et de Penthièvre, et de vicomtesse de Martigues. Elle
épousa en 1609 César, duc de Vendôme et de Beaufort, et vécut jusqu'au 8 septembre 1669.
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9.6 Page 86

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le Ciel luy avoit donné pour pere, je la prierois, sous vostre adveu et bon playsir, Madame,
d'aggreer le sommaire que j'en ay dressé en ceste piece ; vous conjurant, puisqu'aussi bien vous
desires qu'elle voye le jour, que ce soit sous les auspices et a la faveur du nom de ceste princesse,
vostre unique et tres chere lille199.
C'est la tres humble supplication que vous fait,
Madame,
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANÇS DE SALES.
_____
CLVIII. A M. Claude de Quoex. Démarches faites auprès de la
duchesse de Nemours pour obtenir à M. de Quoex l'autorisation
de quitter Rome. Cause du mécontentement du président
Favre. Affaire de la coadjutorerie. Faveur dont le Saint
jouit à la cour de France. Divers messages
Paris, 21 mai 1602.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant
le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de
vostre retour que vous desires ; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin
que je pourray, et voy Madame asses disposee ; niais les executions des desseins sont un petit
lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste. J'espere que vous en aures
contentement. Je suis seulement marri que monsieur de Saint Evroul, qui peut plus quo tous, s'en
va de ceste ville pour plusieurs jours ; [113] neanmoins je le presseray qu'avant son despart nous
puissions ensemblement donner une secousse a l'esprit de Madame, pour faire esclorre une bonne
et entiere resolution.
Touchant monsieur le President, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que
vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du proces, et seul d'opinion quii fut soustenable,
et que les voix quii se promettoit pour nous n'estoyent que vanité200 ; et così discorrendo201.
Dequoy il se treuva a la verité un petit piqué, et moy, extremement marri de l'indiscretion de ceux
qui, sur le desplaisir quii avoit de la perte, luy allerent alleguer toutes ces choses. Il m'a dit despuis
que pour tout cela il ne laisseroit de vous cherir sincerement, et faire tous les offices que vous
sçauries desirer de luy. Je ne suis pas d'advis que vous monstries d'avoir plus aucune defiance de
son amitié, puisque il n'en a plus de la vostre. A nostre veüe, vous vous dires tout bellement vos
raysons l'un a l'autre, et je vous donneray l'absolution a tous deux. Il ni a point de si parfaitte amitié
199 Voir tome VII de la présente Edition, p. 398.
200 On se souvient que le président Favre avait été envoyé en Italie pour Soutenir les prétentions que la duchesse de
Nemours élevait sur la succession du duc de Ferrare. (Cf. le tome précédent, note (736), p. 334.) César d'Este ayant
fait de vives oppositions, le Président fut d'avis de porter l'affaire devant le tribunal de la Rote, se promettant gain de
cause. Sur ces entrefaites, il dut revenir en Savoie et fut remplacé à Rome par Claude de Quoex. Celui-ci, paraît-il,
aurait compris bientôt que la sentence ne serait pas favorable à la duchesse ; c'est ce qui arriva effectivement (13
janvier 1602). La nouvelle de la perte du procès, connue à Annecy sur la fin de février, y fit grande sensation, si bien
que d'après une lettre de Philippe de Quoex, « on ne parlait d'autre chose dans la ville, donnant tous les torts à monsieur
le Président. » De là, le mécontentement de ce dernier.
201 Et ainsi de suite.
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9.7 Page 87

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qui ne se trouble quelquefois par quelque petit nuage, lesquelz estans passés,202 amoris
redintegratio sunt203.
Pour le regard de mon affaire, je vous supplie de l'avoir en recommandation. Mes freres
m'escrivent que par deux diverses voÿes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les [114] 200 escus
quil faut pour les escritures, propines204, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz.
J'attens aussi que vous me donnies advis des remerciemens que j'auray a faire. Bref, je vous
recommande mon honneur de tous costés. Cependant, icy je suis traitté en Evesque mal gré que
j'en aÿe, et faut que je le souffre en toutes compagnies et actions, mesmement a la negociation que
je fay, ou ceste prætendue qualité me sert de beaucoup, si bien il me desplait d'en estre servi avant
le tems ; mais manco male205. Au demeurant, je crains beaucoup que ma negociation ne me soit
guere utile, non obstant beaucoup de faveur que je reçois de presque tous les grans, et mesme du
Roy despuis que j'ay eu presché devant Sa Majesté ; car auparavant je ne luy avois pas parlé.
Je desirerois fort de sçavoir quelle resolution le seigneur Persiani aura prinse pour garantir
son prieuré en ceste court ; car j'apprens tous les jours qu'il y survient des nouveaux competiteurs,
et entr'autres un filz de monsieur Des-Aires, conseil (sic) en la court de Parlement206. Or, a mon
advis, il faut [que] le seigneur Persiani prenne resolution d'en voir une fin en ceste court, ou par la
faveur de Monsieur le Cardinal d'Ossat ou de quelqu'autre ; autrement il sera tous-jours inquieté.
Je vous supplie de me faire ceste faveur de bayser les mains a monsieur nostre
Ambassadeur en mon nom et m'entretenir en sa grace, que je cheris autant que nul autre de ce
monde. Je luy escrirois si cest'occasion m'en donnoit le loysir. Je bayse les mains a monsieur
Reydet, a messieurs Gojon et autres de ma connoissance, mays sur tout a nostre R. P. Juvenal, s'il
est encor a Rome, [115] dequoy je suis entré en doute par ce que on m'a dit quii venoit et estoit
deputé pour Thonon.
Il se parle icy de quelque trouble du costé de Bresse, mais fort peu asseurement. Si cela
estoit ma negociation seroit ruinee, et beaucoup de bonnes choses pour la sainte foy, car l'heresie
se nourrit de troubles.
Monsieur, je vous salue humblement et suis
Vostre humble serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Paris, le 21 may 1602.
Il ni a pas long tems que j'ay veu monsieur de Quoex vostre bon oncle, qui se porte bien.
A Monsieur
Monsieur de Quoex.
Rome.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie.
_____
202 Sont un renouvellement d'amour.
203 Terent., Act. III, sc. III, 23.
204 Terme de chancellerie romaine : droits à payer au Cardinal protecteur pour la transmission des bénéfices passant
par le Consistoire.
205 C'est le moindre mal.
206 Probablement Claude de Here, reçu conseiller au Parlement de Paris le 13 juillet 1601. Nicolas de Here obtint en
effet le prieuré de Saint-Jean hors les murs de Genève. (Voir ci-dessus, note (192), p. 105.)
87/340

9.8 Page 88

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CLIX. A M. de Soulfour207. Remerciements des avances
affectueuses qui lui sont faites. Intérêt pour le monastère des
Filles-Dieu. Eloge de M. Gallemand. Regret de n'avoir pu
se rendre à Pontoise. Le P. Vicaire de la Chartreuse envoyé à
Cahors.
Paris, 15 juin 1602.
Monsieur,
Je ne sçaurois respondre a la courtoisie dont la lettre que monsieur vostre filz m'a donnee
de vostre part est remplie, car je n'ay pas asses de bonnes et belles reparties [116] d'esprit. Mais je
pense bien avoir asses de vraye et franche affection pour correspondre a la faveur que vous me
faittes de m'aimer, si ell'est mesuree par l'estendue de son acte et non pas par le merite de l'agissant
; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison.
Mais trefves je vous supplie, Monsieur ; mon cœur ne peut pas garder les regles de la
contenance au sujet de vostre amitié, il en est trop vivement esmeu. J'accepte tout ce que vous me
donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la benediction des enfans que Dieu vous a donnés,
affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence208 : Beatius est dare quam
accipere209. Je n'ay rien pour contrechanger vostre bienfait, je confesse que je suis vaincu. Tenes
moy, je vous prie, pour esclave, ma cadene me sera tres agreable ; aussi sera-elle d'or, et du fin or
de charité. J'ay veu en la face de monsieur vostre filz, mais encor en son ame, la vive image de son
pere. Ceste double relation quii vous a m'oblige dautant plus a luy desirer et vouer tous mes
services, et a me souhaitter beaucoup plus de capacité pour luy en rendre.
Je n'ay eu la commodité des vostre despart de visiter mes dames Filles de Dieu210 sinon
une fois en ces octaves211, que je leur presentay un metz du grand festin qui se celebroit en ce tems-
la ; mais je me suis obligé de leur en porter un autre sur le mesme sujet. Je vis a part nostre
espousee212, qui tesmoigne beaucoup de contentement en son esprit et beaucoup de force de
courage. Ceste premiere veüe luy aura donné confiance pour desployer plus au long ses pensees a
la seconde, si elle pensoit tirer [117] quelque consolation de la consultation ; mais je crois qu'elle
n'en a pas besoin.
J'ay eu le loisir de gouverner deux ou trois fois le bon monsieur Galemand213, avec autant
207 Plusieurs Soulfour siégeaient à cette époque au Parlement de Paris. Le correspondant de saint François de Sales
paraît être « Nicolas de Soubs le Four, escuyer, seigneur de Menouville, mestre d'ostel ordinaire de Madame » de
Nemours. (Bibliothèque Nationale, Pièces originales, vol. 2720.) Dans des quittances délivrées en 1598 et 1600, au
nom de sa femme Geneviève Sedille, il prend les titres de seigneur de Glatagny et Gouzangrez.
208 Act., XX, 35.
209 Il est plus heureux de donner que de recevoir.
210 Vide infra, Epist. CLXVIII.
211 La fête du Saint-Sacrement tombait cette année-là le 6 juin.
212 On employait parfois ce mot pour celui de fiancée. C'est cette dernière acception que lui prête saint François de
Sales, en l'appliquant à une novice de la Communauté des Filles-Dieu, qui paraît être la fille de M. de Soulfour, comme
le prouveraient plusieurs lettres écrites par le Saint en 1603.
213 Ce saint prêtre travaillait alors activement, de concert avec MM. de Bérulle, de Brétigny et du Val, à l'introduction
des Carmélites en France. La duchesse de Longueville, que l'on désirait voir à la tête de cette œuvre, voulut avoir
l'avis de saint François de Sales. Il se mit donc en relation avec ces vénérables personnages qui le prièrent d'assister
aux conférences faites au sujet du Carmel dans l'été de 1602.
Quant à M. Gallemand, il était digne à tous égards de l'estime et de l'affection que lui témoignait le Coadjuteur
de Genève. Né à Aumale en 1559, Jacques Gallemand montra dès l'enfance des dispositions extraordinaires pour la
piété, devint prêtre en 1583 et, dix ans plus tard, curé de sa paroisse natale, qu'il transforma en peu de temps. Son zèle
apostolique s'exerça encore à Gisors, Pontoise, Rouen et Paris. Il refusa l'évêché de Senlis afin d'être plus libre de
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de proffit que j'en ay jamais recueilly d'autre conversation quelcomque ; il a l'esprit vrayement
apostolique. J'ay esventé parmi les bonnes ames le desir qui vous avoit esté proposé de la
Congregation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivee : Dieu fera son œuvre.
Je m'attendois avec beaucoup de desir de vous aller voir a Pontoise au jour que nous avions
choysi ; mais il faut que je me mortifie et que je perde du tout l'esperance en ce grand contentement,
ou que je differe a un autre tems, car mes affaires me tiennent assiegé et a la gorge, en sorte que je
ne puis m'eschapper. Croyes que j'en suis infiniment marri ; mais, si je puis, je ne perdray qu'en
l'attente, car estant despeché je retarderay plus tost quelques jours pour rencontrer l'occasion de
recevoir ce bien, et lhors je vous diray plus de nouvelles du dessein des Religieuses reformees que
je ne sauroys faire maintenant, car Sa Majesté en aura receu la requeste et declairé son bon plaisir.
Vous sçaves bien que Paris perd le P. Don Vicaire, qui s'en va Prieur a Cahors, en Querci214. [118]
Monsieur, le papier me manque et, en devisant avec vous, l'appetit m'est creu jusques a me
porter en ce coin215 ou je n'ay plus de lieu que pour me recommander humblement a vos bonnes
prieres et a vos graces et a celles de madamoiselle vostre femme, et me dire pour toute ma vie,
Monsieur,
Vostre tres humble et tres asseuré serviteur,
FRANÇS DE SALES.
A Paris, le 15 juin 1602.
A Monsieur
Monsieur de Soulfour.
A Glatagni.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Carmel de la rue Denfert-Rochereau.
_____
CLX. A une dame inconnue216 (Fragment). Recommandation en
faveur d'un ecclésiastique pauvre.
Paris, juin-août 1602.
Madame,
Ce pauvre homme d'Eglise a estimé quil auroit plus d'accès a vostre charité s'il avoit en
main un'attestation de moy de la necessité en laquelle il est ; et par ce qu'elle m'a esté asseuree
d'asses bon lieu, je n'ay sceu luy refuser ceste assistence, laquelle il m'a fort instamment [119]
demandee, me conjurant par toute la compassion qu'un Chrestien doit a un autre. Je vous supplie
tres humblement, Madame, de n'en point estre importunee, puis que la renommee de vostre bonté
et charité est cause qu'elle m'a esté si fort demandee, et l'asseurance et certitude que j'en ay m'a
s'employer à la direction des Ursulines et à la diffusion de l'Ordre des Carmélites, dont il fut supérieur jusqu'à sa mort
(1630).
214 Dom Richard Beaucousin, vicaire du monastère des Chartreux, où il avait fait profession en 1591, à l'âge de trente
ans. Ce Religieux était très renommé pour son expérience dans les voies intérieures. C'est pour le soustraire à
l'empressement dont il était l'objet que ses Supérieurs l'éloignaient de Paris. Il remplit la charge de prieur à la
Chartreuse de Cahors jusqu'à sa mort arrivée le 8 août 1610.
215 Les dernières lignes de la lettre sont écrites dans la marge.
216 Ce fragment, sans date ni adresse, est écrit sur un feuillet dont le verso est occupé par des notes pour un sermon
sur saint Louis qui paraissent être de 1602 (voir notre tome VII, p. 469) ; il doit remonter à peu près à la même epoque.
Si nombreuses étaient les relations que le Saint s'était faites à Paris, qu'il est plus difficile de conjecturer quelle a pu
être la destinataire de ces lignes.
L'Autographe, conservé à la Visitation d'Annecy, est coupé aux deux tiers de la page. Les quatre premières
lignes, que l'éditeur Vivès dit avoir découvertes à la Visitation de Rennes, ont seules été publiées ; le surplus est inédit.
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donné le courage de l'oser faire.
Je fusse allé moy mesme vous donner cest'attestation [si] je [n'eusse] estimé que vos
occupations recevront…
_____
CLXI. A M. du Chemin217 (Inédite). Impossibilité de se rendre à
Chancenay. Prière de l'excuser auprès de MM. d'Acy et de
Maneuvre. Témoignages d'affection.
Provins, 24 septembre 1602.
Monsieur,
Je passé (sic) et passe plein de desplaisir de me treuver si pres de vous sans avoir le bien
de vous revoir, comme j'avois souhaitté faire avec tant de passion. Mais je suis embarqué dans le
coche de Chalons qui est inexorable a [120] divertir de son chemin, et d'ailleurs je suis un petit
pressé de faire mon retour, qui m'empeche de chercher autre moyen de me rendre a vostre
Champcenai. Croyes moy, je vous supplie, que je ne fay pas volontiers ni de mon gré ceste faute ;
j'avois trop de desir de vous revoir et representer mon humble service a toute la mayson de
messieurs d'Acy218 et de Manœuvre219, a quoy madamoiselle de Sainte Beuve220 m'avoit encor
animé par le tesmoignage qu'elle m'a rendu qu'ilz s'y attendoyent. Mais puisque je ne puis pas, et
qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la
table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de
faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je
prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis
infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur. Je
n'ay point de belles parolles, mais oüy bien d'asseurees resolutions en ces occasions.
Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du
monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié ; car je juge de la vostre
par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se
treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre ; mais l'agent de vostre part
ne doit estre vaincu. Pardonnés moy, je vous supplie, si je dis trop de paroles. Je ne veux dire pour
tout sinon que je vous supplie de tout mon cœur de m'aymer de tout le vostre, de faire que
messieurs d'Acy et de Manœuvre m'ayment tous-jours, de m'escrire quelquefois par l'entremise de
monsieur Santeul221 ; et je vous prometz de ma part de vous aymer, honnorer, servir toute ma vie,
217 D'après le contenu de cette lettre on est en droit de penser que le destinataire était l'un des frères de Mme de Sainte-
Beuve. Serait-ce Nicolas Luillier, « sieur de Saint Mesmin » qui, le 23 octobre 1563, avait rendu hommage au roi pour
son fief de « Champcenest » près de Provins ? Nous n'avons pas trouvé toutefois qu'il soit appelé M. du Chemin. Ce
titre était alors porté par les membres de la famille Viole, qui le tiraient d'une terre sise près de Lagny, appelée
aujourd'hui Guermantes.
218 Antoine Hennequin, seigneur d'Acy, conseiller au Parlement, puis président des requêtes du Palais. Il épousa sa
cousine, Jeanne Hennequin qui, en 1618, s'intitule : « Veuve de feu Antoine Hennequin, sieur de Chamcenetz. »
(Bibliothèque Nationale, Pièces originales, vol. 1509, n° 597.)
219 Jean Hennequin, seigneur de Maneuvre, frère utérin de madame de Sainte-Beuve comme le précédent, secrétaire
des finances en 1594. (Bibliothèque Nationale, ibid.) Il fit partie des Seize et soutint puissamment la Ligue à Paris. En
1618 il confirme la donation précédemment faite à Antoine Hennequin son frère de la terre de Maneuvre, en faveur
de Catherine Hennequin sa nièce, épouse de César de Balzac. Il mourut sans alliance.
220 Marie Luillier, fille de Jean, seigneur de Boullencourt, Chancenay, etc., et de Renée Nicolai, avait épousé Claude
Le Roux, seigneur de Sainte-Beuve, « conseiller du Roy en sa cour de Parlement. » Veuve à vingt-deux ans, elle
consacra son temps à la dévotion, et ses biens à l'établissement du noviciat des Jésuites et du couvent des Ursulines à
Paris. Madame de Sainte-Beuve décéda le 29 août 1630, à l'âge do soixante-huit ans.
221 On rencontre de nombreuses personnes portant alors à Paris le nom de Santeuil, et appartenant probablement à la
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d'estre tous-jours humble serviteur de toute la mayson de ces seigneurs, et de vous rendre compte
de ma vie le plus souvent que je pourray, glorieux que je seray de me resouvenir souvent que vous
m'aymes et que je suis,
Monsieur,
Vostre plus humble serviteur,
FRANÇS DE SALES,
esleu E. de Geneve.
Je vous demande part a vos prieres, je vous feray part aux miennes. Monsieur Deage vous
salue extremement.
A Provins, le 24 septembre 1602.
A Monsieur
Monsieur du Chemin.
A Champcenai.
Revu sur l'Autographe appartenant au marquis de Pimodan, duc de Rarécourt, à Paris. [122]
_____
CLXII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Retour de
Paris. Protestations de soumission et de dévouement.
Demande de la protection de Son Altesse
Thorens, 14 octobre 1602.
Monseigneur,
Je donnay advis a Vostre Altesse du voyage que je devois faire en France et du sujet qui
m'y portoit, pour lequel ayant presque inutilement employé plusieurs moys, me trouvant
maintenant de retour, j'estime aussi luy en devoir donner advis, affin qu'elle sache ou ses
commandemens me rencontreront quand il luy plaira m'en honnorer. Ce que je me sens tous-jours
plus obligé de faire, devant entrer en la charge d'Evesque par le trespas du bon et saint Prælat
duquel Vostre Altesse avoit tant gousté la pieté222 ; en la succession duquel (puisque ça esté le bon
plaisir du Saint Siege et de Vostre Altesse de m'y appeller) j'espere vivre heureusement parmi une
infinité de travaux et de peynes qui s'y presentent, sous la faveur et protection de Vostre Altesse,
pour la prosperité delaquelle je feray toute ma vie prieres a Nostre Seigneur, et demeureray,
Monseigneur,
Son tres humble et tres obeissant sujet, serviteur et orateur,
FRANÇS DE SALES,
esleu Evesque de Geneve.
De Thorens, le 14 octobre 1602.
famille qui a donné naissance au célèbre auteur des hymnes du bréviaire parisien. Celui dont il est ici question pourrait
être Denis de Santeuil, à qui l'on attribue des traductions du Combat spirituel et de la Chronique et Institution de
l'Ordre de saint François, qui sont signées « D. S. Parisien1. » Un Denis de Santeuil était à la même époque « secretaire
de la chambre du Roy. » Serait-ce le même personnage ? Enfin, nous trouvons encore en ce temps un marchand de
Paris portant les mêmes nom et prénom.
1 Dans la Préface de l'édition italienne du Combat spirituel, publiée en 1750 à Padoue, par G. Cornino, est signalée la
version française de cet ouvrage faite en 1608 « par A. D. S., professeur de théologie à l'Université de Paris. » L'identité
de ces initiales avec celles d'André de Sauzéa nous a induits en erreur (voir tome III de notre Edition, note (54), p.
XXXVII). en nous portant à attribuer à ce dernier la version qui paraît être due à Santeuil.
222 Mgr Claude de Granier, épuisé par les fatigues qu'il avait supportées durant le Jubilé de Thonon, était mort au
château de Pollinge le 17 septembre 1602, à l'âge de cinquante-quatre ans.
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A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [123]
_____
CLXIII. A M. Claude Marin223 (Fragments inédits). Douleur de
la mort de Mgr de Granier. Indifférence relativement à la
dignité episcopale.
Sales, 21 octobre 1602.
Vous ne sçauries croire le desplaysir que je receu a Lion quand l'on me dit le trespas de
feu Monseigneur le Reverendissime, mon bon pere
En soit ce que la providence de Dieu voudra. Je suis tous-jours celuy d'autrefois ; je ne
desire non plus l'evesché que je l'ay desiree. Si elle me vient, il la faudra porter ; si moins, je me
porteray tant mieux moy mesme
Vostre tres humble serviteur,
FRANÇS DE SALES,
esleu Evesque de Geneve.
A Sales, 21 octobre 1602.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.
_____
223 Voir le tome précédent, note (710), p. 312.
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CLXIV. A M. Claude de Blonay224. Achat de la terre de Thorens
par la famille de Sales. Nécessité de contracter un emprunt
pour payer ce domaine. Prière d'intervenir à cet effet auprès
de M. de Prangins.
Sales, 21 octobre 1602.
Monsieur,
Je ne vous escris point maintenant pour vous donner comte de ce que j'ay fait et que je n'ay
pas fait en mon [124] voyage ; ce sera une piece de nostre entretien a nostre premiere veüe. Mais
je vous escris pour vous supplier de vouloir favoriser toute ceste maison, et moy particulierement,
en un'occasion que nous pensons estre a nostre propos.
Je pense que vous aures sceu que ma mere et mes freres, avec le reste de casa, ont achepté
la terre de Thorens de madame la Duchesse de Mercœur, pour le prix de 6000 escus d'or225, et
pense aussi que vous sçavés que ce n'a peu estre sur la confiance d'aucun tresor que nous eussions
en main. Neanmoins, ma mere et ses confederés ont tant fait que le premier payement de six mille
francz est prest. Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction
de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens ; mais tout cela ne
se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser. C'est ce qui nous a fait penser a
un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres,
vendre et mesnager a l'aise nos desseins ; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin226,
lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues
necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré. Or, en cas quil le voulut, nous [125] nous
essayerions de le luy bien asseurer, et, au moins pour mille escus, estimons-nous que monsieur
Muneri nous fera le bien de nous cautionner, d'autant que c'est la somme laquelle, ou environ,
l'hoire du Baron d'Hermence227, de laquelle il est curateur, nous doit encores228. Et pour le reste, si
on en pouvoit treuver d'avantage, nous nous essayerions de treuver caution bonne et raysonnable,
et payerions les interestz comme il seroit traitté, fort bien et sans peyne.
Reste maintenant que quelcun nous face ce bien que de prendre la peyne de sonder si
monsieur de Prangin y voudroit entendre, ou bien, a faute de luy, sil se pourroit trouver quelqu'un
autre, ou en Valey ou ailleurs de ce costé la qui le voulut faire. Et pour ce regard, la vielle amitié
quil vous a pleu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier
de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-
mesme, comme vous jugerés plus a propos. Nous vous en supplions donques humblement, et de
nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra.
224 Claude, fils de Guillaume de Blonay et de Catherine de Châtillon, coseigneur de Saint-Paul, avait épousé Louise
de Livron, qui lui donna neuf enfants. Pendant la mission du Chablais, saint François de Sales aimait à se reposer de
ses labeurs apostoliques au sein de cette pieuse famille. A la suite de l'une de ses prédications, les deux époux se
promirent mutuellement que le premier d'entre eux libre par la mort de l'autre se consacrerait au Seigneur. C'est M. de
Blonay qui eut à remplir cet engagement. Entré dans les Ordres, il devint curé de Sciez, chanoine de Saint-Pierre de
Genève et préfet de la Sainte-Maison de Thonon. Il mourut le 5 novembre 1622.
225 Pendant son séjour à Paris, saint François de Sales avait lui-même conclu cette acquisition au nom des siens. Au
contrat, passé le 8 juin 1602, « furent presents en leurs personnes : Princesse Madame Marie de Luxembourg,
douairiere de Mercur, princesse de Martigue..., d'une part, et Messire François de Sales, Prevost de Saint Pierre..., de
l'aultre. » Cet acte stipule que le contrat de vente passé le 29 novembre 1559 doit être tenu pour nul et do nul effet.
226 Nicolas de Diesbach, seigneur de Prangins (1559-1630), natif de Fribourg en Suisse, avait été membre du Conseil
des Deux Cents (1583), de celui des Soixante (1587) et conseiller du Petit Conseil (1591). Il fut aussi bailli de Romont
(1584), et avoyer de la ville et république de Fribourg (1614).
227 Vide supra, Epist. CXXV.
228 Guérin Mugnier ou Muneri, notaire ducal, « commissaire d'extente de Son Altesse en Chablais, » châtelain
d'Allinges et de Thonon. Il épousa le 28 janvier 1607 Amédéenne de Lonnay, et mourut en octobre 1625.
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Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourriés, sil vous
plait, me mettre en consideration, et ma promotion a l'evesché, bien que la verité est que cela ni
apporte rien ; mais je le dis seulement par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est
probable. Je remetz en fin toute ceste conduitte a vostre prudence et a la bonne et entiere amitié
que vous nous portes, sans vous en dire plus de paroles, sinon que la somme que nous desirerions
seroit de trois mille, deux mille ou au moins mille escus.
J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution
de l'affaire de l'evesché ; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que
des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles,
que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente,
et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,
Monsieur,
Vostre humble et asseuré confrere et serviteur,
FRANÇS DE SALES,
esleu E. de Geneve.
A Sales, le 21 octobre 1602.
A Monsieur
Monsieur de Blonnay.
A Siez.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay.
_____
CLXV. A sa Sainteté Clément VIII (Minute). Compte-rendu des
négociations faites à la cour de France. Eloge de Mgr de
Granier : son zèle apostolique, sa piété. Remerciements pour
la remise des droits d'annates. Soumission au Saint-Siège
Sales, fin octobre 1602.
Beatissime Pater,
Très Saint Père,
Ineunte hoc ipso anno, ex Episcopi,
Capituli et cleri hujus Gebennensis voluntate,
discesseram apud Christianissimum
Francorum Regem, tractaturus de Catholica
religione restituenda in oppido et universo agro
Gaiano : [127] negotium quidem pium, quo
nullum sequius proponi poterat, et cui
promovendo nulla ex parte defuit apostolica
sollicitudo Beatitudinis Vestræ, cujus scilicet
Nuncius, Episcopus Camerinus, magno zelo,
magna prudentia vir, in hanc rem, tum cum
Rege ipso, tum etiam cum intimis illius
consiliariis, serio sæpe et sedulo egit, ut nihil
ad spem optati finis desideraretur. At vero
(quæ est horum temporum injuria !) vix
quidquam tandem post multam tam sancti
Au commencement de cette année je
m'étais rendu à la cour du roi très chrétien pour
traiter au nom de l'Evêque, du Chapitre et du
clergé de Genève du rétablissement de la foi
catholique dans la [127] ville et le bailliage de
Gex. Il ne se pouvait proposer d'entreprise plus
sainte ni plus équitable ; aussi Votre Sainteté
n'a rien épargné de ses soins et de sa sollicitude
apostolique pour la faire réussir. L'Evêque de
Camerino, son Nonce, personnage plein de
zèle et d'une rare prudence, s'y est aussi
activement employé. Ce Prélat eut à ce sujet de
fréquentes et sérieuses conférences, tant avec
le roi lui-même qu'avec les plus intimes
conseillers de Sa Majesté ; il semblait donc que
rien ne contrariait l'espoir du succès désiré.
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10.5 Page 95

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negotii jactationem consecuti sumus,
præterquam quod tribus in locis nobis
religionis Catholicæ mysteria peragere
liberum est, addito in id pro sacerdotibus
nostris annuo commeatu229. Quod autem ad
caetera spectat, Rex ipsemet duram temporum
conditionem objecit : tum se plus omnibus
Catholicæ religionis in integrum restitutionem
expetere, sed non id omne sibi licere quod
libet, et id genus multa ; ita ut, exactis plane
mensibus novem, re propemodum infecta
redire coactus sim.
Mihi autem redeunti illud quam
molestissime accidit, [128] ut Episcopum
nostrum Gebennensem una cum Jubilæo
Tononiensi diem suum extremum clausisse
reperirem ; qua nulla major jactura huic
provinciæ, nulla major tristitiæ causa iis
populis accidere potuit. De hoc Pontifice tibi,
Pontificum maxime, pro tua vigilantia satis
cognito, hoc unum dicam. Huic Ecclesiæ
viginti quinque annis præfuit et assidua
præsentia etiam adfuit ; ac partim sua opera,
partim aliena, oves errantes ad viginti quinque
millia in ovile Dominicum reduxit : vir antiqua
religione, antiquis moribus, antiqua pietate,
antiqua constantia, dignus plane immortalitate,
et illa memoria quæ in omnium sit
benedictione230.
Jam vero, Pater Beatissime, hic tantus
vir non ita piidem me, nullo carnis aut
sanguinis vinculo sibi charum, in adjutorem et
successorem postulaverat, ac etiam, per
summam Beatitudinis Vestræ humanitatem et
beneficentiam, suo ingenti gaudio obtinuerat ;
quare Litteras Apostolicas accepi, quibus me
Episcopum in defuncti locum suffectum esse
Sancta Sedes Apostolica sancivit. Quorum
omnium seriem attentus considero. [129]
Id omnium mihi reliquum est, ut
Providentiæ divinæ me et rem universam
expansis velis committam ; et tibi, Pater
Beatissime et Clementissime, quantas possum
maximas gratias agam, ob illa immensa
beneficia quibus me Apostolica tua
munificentia cumulasti ; cum non tantum
episcopatum concessisti, sed ea omnia quæ de
more ad ærarium sive censum Apostolicum ex
ea concessione manare debuerant, summa et
Mais, ô misère de notre temps ! après avoir fait
tant de démarches pour cette sainte
négociation, à peine avons-nous gagné
l'autorisation de célébrer les saints mystères en
trois localités, avec la concession à cet effet,
d'un revenu annuel pour nos prêtres. Quant au
reste, le roi lui-même nous représenta la dureté
des temps : « Je désirerais plus que nul autre, »
dit-il, « l'entier rétablissement de la religion
catholique, mais mon pouvoir n'égale pas mon
bon plaisir ; » et semblables propos. C'est ainsi
qu'après neuf mois entiers, j'ai été contraint de
m'en retourner sans avoir presque rien fait.
J'étais en chemin, quand j'appris une
très pénible nouvelle : [128] notre
Révérendissime Evêque venait de finir sa vie
en même temps qu'expirait le Jubilé de
Thonon. Cette province ne pouvait faire une
perte plus considérable, ni ses habitants avoir
un plus grand sujet de tristesse. De ce Pontife
bien connu de vous, ô Pontife suprême si
vigilant, je ne dirai qu'un mot : chargé pendant
vingt-cinq ans du gouvernement de cette
Eglise, il l'a soutenue par l'assiduité de sa
résidence. Par son propre travail, aussi bien
que par celui de ses coopérateurs, il a ramené
vingt-cinq mille brebis errantes au bercail du
Seigneur. Homme de foi antique, de mœurs
antiques, d'antique piété et d'antique
constance, il est digne assurément
d'immortalité et sa mémoire mérite
d'universelles bénédictions.
Ce grand homme, Très Saint Père, peu
de temps avant sa mort, avait demandé de
m'avoir pour coadjuteur et successeur, quoique
je ne lui appartinsse aucunement par les liens
du sang et de la parenté, et il l'avait obtenu, à
sa très grande joie, de l'ineffable bienveillance
de Votre Sainteté ; j'ai en conséquence reçu les
Lettres apostoliques du Saint-Siège qui
m'établissent successeur de l'Evêque défunt. Je
ne cesse de considérer attentivement la suite de
ces évènements. [129]
Il ne me reste plus rien à faire que de
me remettre à la Providence divine, lui
confiant avec un abandon absolu le soin de ma
personne et de toutes choses. Et à vous, Père
très saint et très clément, je rends autant qu'il
est en moi les plus vives actions de grâces pour
229 L'établissement des trois paroisses (voir ci-dessus, note (155), p. 90) avait été confirmé par lettres patentes du 19
septembre 1602.
230 Eccli., XLV, 1.
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10.6 Page 96

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tanto culmine digna liberalitate remisisti.
les immenses bienfaits dont votre munificence
Cujus beneficii loco nihil quod apostolique m'a comblé. Non content de
rependam invenio, præter gratam et m'élever à l'épiscopat, Elle a voulu, par une
propensissimam voluntatem meam, quam libéralité souveraine, bien digne de la suprême
universam et integram Beatitudinis Vestræ grandeur, me remettre les droits qu'à cette
imperio ac nutui addico, Deum omnium occasion j'aurais dû payer, d'après la coutume,
remuneratorem obsecrans, ut eamdem au trésor apostolique.
Beatitudinem Vestram multa et felicissima
Pour un tel bienfait, je ne puis en rien
valetitudine Ecclesiæ suæ quam diutissime témoigner ma gratitude si ce n'est par ma
servet incolumem. Ad sacros autem pedes bonne volonté reconnaissante et dévouée. Je la
humillime provolutus, Apostolicam soumets tout entière aux ordres et au bon
benedictionem expecto, quo munus plaisir de Votre Sainteté, et de tout cœur je
consecrationis, quod statim sum suscepturus, supplie Dieu, le grand rémunérateur, de vous
mihi et gregi sit uberius et lætius. [130]
conserver très longtemps dans une santé
heureuse et inaltérable pour le bonheur de son
Eglise. Enfin, prosterné humblement à vos
pieds sacrés, j'attends votre bénédiction
apostolique, afin que la consécration que je
vais recevoir m'obtienne à moi et à mon
troupeau plus de faveurs et de consolations.
[130]
_____
CLXVI. Au même (Minute). Combien l'établissement des
Carmélites en France contribuerait à la gloire de Dieu. Trois
ecclésiastiques de grande vertu désignés pour Supérieurs.
Approbation apostolique sollicitée pour l'exécution de ce projet
Thorens, commencement de novembre 1602.
Beatissime Pater,
Très Saint Père,
Cum essem Lutetiæ Parisiorum, ejus
rei gerendæ gratin de cujus exitu non ita
pridem ad Beatitudinem Vestram litteras dedi,
facere non potui quin plures conciones
haberem, cum ad populum, tum ad Regem
ipsum et Principes. Ea autem occasione,
Catharina Aurelianensis, Princeps a
Longavilla231, virgo non tantum magnorum
Principum sanguine, sed etiam, quod caput est,
Pendant mon séjour à Paris, où je
traitais l'affaire dont j'ai récemment écrit l'issue
à Votre Sainteté, je dus accepter de faire de
nombreuses prédications devant le peuple et
devant le roi lui-même et les princes. A cette
occasion, madame Catherine d'Orléans,
princesse de Longueville, très illustre non
seulement par la noblesse des [131] princes de
sa maison, mais encore, ce qui est le principal,
231 Cette princesse était fille de Léonor d'Orléans, duc de Longueville, et de Marie de Bourbon, duchesse d'Estouteville.
Elle avait renoncé à toute alliance terrestre pour consacrer « tous ses moyens en des œuvres de charité, sçavoir, nourrir
de pauvres honteux, à racheter des prisonniers et à soulager les orfelins et les veuves, à faire instruire de jeunes filles
à la pieté et à fonder des monasteres de Religieuses. » A la prière de Mmc Acarie, elle se rendit fondatrice du Carmel
de Paris, et, de concert avec sa sœur, elle établit encore le prieuré de Notre-Dame de Grâce à la Ville-l'Evêque (1613),
dont la Mère Marguerite d'Arbouze fut la première prieure. La princesse Catherine d'Orléas mourut le 29 septembre
1638, âgée d'environ soixante-treize ans.
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10.7 Page 97

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[131] Christi charitate perillustris, quæ per id
tempus monasterium fœminarum Ordinis
Carmelitarum reformatarum in ipsa Parisiensi
civitate fundare animo moliebatur, me aliquot
excellenti pietate et doctrina theologis
adjungendum duxit, quorum sententiis animi
sui consilium et sensum expenderet et
probaret. Itaque convenimus omnes aliquot
diebus ; eaque re exacte perpensa, vidimus
perspicue consilium hoc a Deo originem
duxisse, et ad ejus gloriam multorumque
salutem quam maxime spectare.
Angebat tamen quod fieri posse non
videbatur, ut Fratres ejusdem Ordinis, qui
monasterii hujusmodi gubernacula
susciperent, in Galliam facile inducerentur.
Veruni huic difficultati obviam itum est, ex
recenti exemplo ejus monasterii illius
ejusdemque Ordinis, quod in Urbe unius ex
Patribus Congregationis Oratorii curæ
commissum est232. Quare selecti sunt viri tres,
doctrina, morum integritate ac rerum
gerendarum peritia conspicui, qui, [132]
maximo monasterii bono, operi præfici
possent233, atque ita deinceps omnibus
difficultatibus quæ ex locorum et temporum
injuria oriebantur sigillatim [obviarent].
Ita factum est satis, ut aliud superesse
non videretur quam ut sacrum hoc negotium
Sanctæ Sedis Apostolicæ judicio fulciretur, et
Regis voluntati permitteretur : ac Regis
quidem, præter multorum spem, statim
consensus accessit. Quare nunc ad Beatitudinis
Vestræ pedes mittitur hic nuntius234, qui
suppliciter ab ea petat Apostolica mandata,
quibus res acta constet et perficiatur.
Ego vero, Beatissime Pater, qui
omnibus propemodum hac de re consiliis
interfui, etsi dignus non sum cujus
testimonium audiatur, non possum mihi
temperare quin, quemadmodum facturum me
recepi, testatum faciam, quoad per me fieri
potest, e re Christiana fore ut hi cælestes
motus, hoc tempore et eo præsertim loco,
par son amour pour le Christ, ayant projeté de
fonder à Paris un monastère de femmes de
l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de
m'adjoindre à d'autres théologiens d'une piété
éminente et d'un profond savoir pour délibérer
ensemble sur ce projet de fondation. Nous nous
assemblâmes pour cet effet pendant quelques
jours ; et ce dessein ayant été mûrement
examiné, nous trouvâmes qu'il était inspiré de
Dieu et qu'il contribuerait à sa plus grande
gloire et au salut d'un grand nombre d'âmes.
Une chose toutefois nous préoccupait :
il semblait impossible d'introduire maintenant
en France des Frères du même Ordre pour
gouverner ce monastère. Mais ayant considéré
qu'il s'est établi tout récemment à Rome un
monastère de Carmélites, qui est confié aux
soins d'un Père de la Congrégation de
l'Oratoire, la difficulté s'évanouit aussitôt. On
a donc choisi trois hommes fort instruits, de
mœurs pures, entendus aux affaires, qui
fussent à même de prendre [132] la direction
de l'œuvre pour le plus grand bien du
monastère. Ils pourraient ainsi au fur et à
mesure remédier à chacune des difficultés que
les circonstances des lieux et des temps
feraient surgir.
Il ne reste maintenant rien à désirer
sinon que le Saint-Siège Apostolique approuve
cette entreprise, et en confie l'exécution à la
volonté du roi, qui a donné aussitôt son
consentement contre l'attente de plusieurs.
C'est pourquoi ce messager va se jeter aux
pieds de Votre Sainteté pour la supplier
d'accorder ses Bulles apostoliques, afin
d'assurer l'établissement et la consolidation de
cette œuvre.
Pour moi, Très Saint Père, qui ai assisté
à presque toutes les conférences tenues à ce
sujet, je me suis engagé à vous déclarer ce que
j'en pense, bien que mon témoignage soit très
indigne d'être entendu, et je ne puis
m'empêcher d'assurer qu'il sera très utile à la
religion que Votre Sainteté favorise de ses
232 Le P. François Soto, natif d'Osmes en Espagne, entré à l'Oratoire de Rome en 1566. A la prière de quelques-uns de
ses compatriotes établis dans cette ville, il y fonda au Monte Pincio (14 avril 1598) et dirigea un monastère de femmes
auxquelles il donna la Règle et inspira l'esprit de sainte Thérèse. (C'est aujourd'hui San Giuseppe, via Capo le Case.)
Le P. Soto mourut à l'âge de quatre-vingts ans, le 25 septembre 1619.
233 Voir ci-dessus, note (213), p. 118.
234 Cet envoyé était M. de Santeuil, secrétaire du roi (voir ci-dessus, note (221), p. 122), homme « de grand esprit et
de conduite dans les affaires, » qui avait quitté Paris à la fin d'octobre. Malgré son habileté et la protection que lui
accordait le Cardinal d'Ossat, tant de difficultés entravèrent sa négociation que la Bulle sollicitée pour l'érection du
Carmel fut seulement expédiée le 13 novombre 1603.
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10.8 Page 98

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Vestræ
Beatitudinis
Apostolicis bénédictions apostoliques cette céleste
benedictionibus promoveantur. [133] Id inspiration, vu le temps et surtout le lieu où elle
Princeps hæc virgo, id permultæ aliæ, id ego s'effectuera. [133] Cette grâce, la vertueuse
cum eis, humillimis petimus precibus.
princesse, un grand nombre d'autres
Deus autem optimus maximus chrétiennes, et moi avec elles, nous la
Beatitudinem Vestram nobis et bonis omnibus sollicitons par de très humbles instances.
quam diutissime servet incolumem.
Daigne Dieu très bon et très grand
conserver Votre Sainteté de très longues
années pour notre consolation personnelle et
pour celle de tous les gens de bien.
_____
CLXVII. Aux Syndics d'Annecy235. Réponse à leur lettre de
félicitation.
Thorens, 11 novembre 1602.
Messieurs,
Je voudrois voir en moy autant de sujet de la joye que vous prenes en236 ma promotion
comme j'en voy en l'amitié que vous me portes ; j'aurois beaucoup moins [134] d'apprehension de
la pesanteur du devoir auquel je suys meshuy engagé237. Je me confie neanmoins en la bonté de
Dieu, qu'elle238 me donnera la grace de sa sainte assistance pour vous rendre le service que je desire
et auquel ma naissance et mon education m'invite. Sil vous plaist me faire239 ce bien de l'en supplier
avec moy, vous aures tous-jours tant plus de rayson de le vous promettre, et moy de l'esperer
comme l'un des plus grans contentemens que j'aye jamais souhaitté.
Permettes moy ce pendant que je vous salue des icy, attendant que bien tost j'aye le bonheur
de me240 voir en vostre ville, a laquelle je desire toute benediction du Ciel241, et de laquelle je suis
entierement comme de vous,
Messieurs,
Serviteur bien humble en Jesus Christ,
FRANCS DE SALES,
esleu Evesque de Geneve.
235 Les syndics d'Annecy étaient alors « noble et spectable seigneur Pierre de Crans, advocat au Senat, noble seigneur
Jean-Baptiste du Four, maistre Estienne Delespine, honorable homme François Fenolliet. »
On trouve dans le Registre des Délibérations municipales (vol. XXIX), à la date du 16 novembre 1602,
l'insertion suivante : « En l'absence du seigneur Dufour et du seigneur Fenolliet, scindics, les seigneurs de Crans et
Delespine despescherent homme expres avec une lettre de la ville pour se congratuler avec Illmo et Rmo Sur François
de Sales, Evesque de Geneve ; dont se treuvant ledit seigneur Dufour a moitié chemin, auroit porté ladite lettre, dont
il a faict response telle que si (sic) apres, se glorifiant estrangement de ce qu'il est faict Evesque de sa ville, estimant
aultant d'honneur de se nomer bourgeois d'icelle que Evesque ; dequoy pour le sacre et entree proche a faire, il est
requis faire quelque chose par la ville. »
236 [Les variantes qui suivent sont tirées de la minute publiée pour la première fois dans l'édition de 1629. Dans cette
édition et dans les suivantes, cette lettre est adressée aux « Chanoines de Nessy » ou « aux Chanoines de Saint-Pierre
de Genève ! »]
que vous aves de
237 je me vou porté
238 de Dieu (laquelle ne nous defaut jamais es choses necessaires) qu'il
239 m'invite. Si vous me faites
240 vous
241 je desire la paix et consolation du Saint Esprit
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A Thorens, le 11 novembre 1602.
A Messieurs
Messieurs les Scindics d'Annessy.
Revu sur le texte inséré dans le Registre des Délibérations municipales d'Annecy. [135]
_____
CLXVIII. Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu242.
Témoignages d'estime et d'affection pour leur Communauté.
Pressante exhortation à supprimer les pensions particulières.
Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté. Danger
des exemptions et des dispenses. Confiance que les Religieux
doivent avoir en la divine Providence. Conseils à prendre
pour réformer leur monastère.
Sales, 22 novembre 1602.
Mes tres Reverendes Dames et cheres Seurs243,
J'ay pris une telle confiance en vostre charité qu'il ne me semble plus avoir besoin de
preface ou avant propos pour vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de faire
maintenant, soit en presence, si jamais Dieu dispose de moy en sorte que j'aye le bien de vous
revoir. J'ayme en tout la simplicité et la candeur ;244 je croy que [136] vous l'aymes aussi, ce que
je vous supplie245 de continuer, parce que cela est fort seant a vostre profession. Je pense que les
tuniques blanches que vous portes en sont le signe. Je vous diray donq simplement ce qui m'a
esmeu246 a vous escrire ainsy a toutes ensemble.
242 La maison des Filles-Dieu était primitivement (1225) un asile établi sur le chemin de Saint-Denis à Paris pour y
retirer des femmes de mauvaise vie, converties par les prédications de Guillaume d'Auvergne. Saint Louis favorisa
cette maison, qui dans la suite changea de destination ; les repenties y firent place à de pieuses filles, dont le genre de
vie se rapprochait de celui des béguines. Les places étaient à la nomination alternative de l'évêque et du roi. En 1358,
durant la guerre de Cent ans, on ruina cette maison, de peur qu'elle n'offrît une retraite à l'ennemi. L'Evêque de Paris
recueillit les Filles-Dieu (1360 dans un hôpital dont il leur céda même la propriété, à condition qu'une partie des
bâtiments serait réservée à l'hospitalité de nuit. La Communauté ne retrouva pas néanmoins sa prospérité première ;
en 1483, elle ne se composait plus que d'un petit nombre de personnes, si bien que, pour la sauver d'une ruine
imminente, le Saint-Siège l'incorpora à l'Ordre de Fontevrault. Dès lors (1496) le monastère des Filles-Dieu ne fut
plus qu'un prieuré dépendant de la célèbre abbaye.
Les soins que prit saint François de Sales pour y rétablir la parfaite régularité durent sans doute être couronnés
de succès, puisqu'un contemporain écrit : « La bonne observance reguliere y florit aujourd'hui autant que jamais ; qui
est cause que de 12 Religieuses qu'elles estoient au temps de la reformation [1496], le nombre est tellement augmenté
qu'en ceste annee 1606, elles sont, tant Sœurs de choeur que converses dediees à la vie active, 60. »
243 [Le premier éditeur qui ait publié cette lettre, Hérissant (1758), dit avoir entre les mains une copie prise sur
l'Autographe même conservé alors au monastère des Filles-Dieu et aujourd'hui introuvable. Nous reproduisons la
leçon qu'il donne, tout en constatant qu'elle présente quelques fautes et certaines lacunes ; il est aisé de rectifier les
unes et de combler les autres, au moyen d'une ancienne copie conservée à la Bibliothèque Mazarine. Les passages
complémentaires empruntés à ce manuscrit sont insérés dans le texte entre crochets, et les simples variantes, signalées
au bas des pages, selon notre méthode accoutumée.]
Mes Reverendes et tres cheres Dames
244 et la rondeur, et
245 prie
246 induit
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10.10 Page 100

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Croyes-moy, je vous supplie : je suys fort importuné de l'affection extreme que je porte au
bien de vostre mayson ; car icy, ou je ne puis vous rendre que fort peu de services, elle ne laisse
pas que de me suggerer une infinité de desirs, qui vous sont inutiles et a moy. Je n'ose pas pourtant
rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sinceres, mays sur tout parce que je croy
fermement que c'est Dieu qui me les a donnees. Que si elles me mettent en danger de quelques
inquietudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet
au mouvement des vens et de la maree. Or, c'est un vent qui agite maintenant mon esprit en
l'affection qu'il247 vous porte, et ne sçaurois m'empescher de vous le nommer ; car c'est le seul sujet
qui m'a fait desrober ce loysir pour vous escrire, a la presse d'un monde d'affaires qui
m'environnent en ce commencement de ma charge.
Je partis de Paris avec ce contentement de vous avoir en quelque sorte248 tesmoigné l'estime
que je faisois de la vertu de vostre mayson, de laquelle l'opinion me donnoit beaucoup de
consolation et me prouffitoit interieurement, m'animant au desir de ma perfection. La sainte
Parole249 [137] dit que Jonas se consola a l'ombre du lierre ou de [la courge250] ; mais un vent
chaud et cuisant dessecha, presque tout en un moment, cest arbrisseau. Un vent fit presque le
mesme effect en la consolation que j'avois en vous. Mais [ne] penses [pas], je vous supplie, que ce
fut un vent [de quelque rapport leger, envieux, ou mesdisant ; non, a la verité, ce fut un vent venant]
du midy251 d'une entiere charité ; ce fut un rapport auquel je fus obligé de donner creance par la
consideration de toutes les circonstances. Seigneur Dieu, que je fus marry et de ce que l'on me
disoit, et de l'avoir sceu seulement en un tems auquel je n'avois pas loysir d'en traitter avec vous ;
car je ne sçay si mon affection me trompe, mays je me persuade que vous m'eussies donné une252
favorable audience, et n'eussies sceu treuver mauvaise aucune remonstrance que je vous eusse
faite, puisque vous n'eussies jamais descouvert en mon ame ni en tous ses mouvemens, sinon une
entiere et pure affection a vostre advancement spirituel253 et au bien de vostre mayson.
Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me
suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela
seroit a propos ou non ; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre
seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit254 donner ; qu'elle arriveroit peut estre hors de
sayson ; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection ; que vous
estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent
estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes255 qui vous
parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre
cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la
conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect. Neanmoins, il a fallu que
toutes ces raysons ayent cedé a mon affection et au devoir que l'extreme desir de vostre bien
m'impose. Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz256 : que puis-je
sçavoir s'il veut257 porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous
escrire ? J'ay prié ; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira : j'ay arrousé ma
bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables
et pregnantes. Je les planteray donq icy sur ce papier ; Dieu les veuille conduire et addresser en
vos espritz pour y servir a sa gloire.
Mes cheres Seurs, on m'a dit qu'il y a en vostre mayson des pensionnettes particulieres et
247 en l'affection que je
248 façon
249 Jonæ, ult., 6-8.
250 Sic Septuaginta et aliæ versiones. (Vide infra, p. 142.)
251 Cant., IV, 16.
252 une fort
253 spirituel a vostre honneur
254 seroit sujette a des repliques et n'en sçauroit
255 Lucæ, XVI, ult.
256 Cf. I Cor., 1, 25, 27.
257 s'il ne veut pas
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11 Pages 101-110

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11.1 Page 101

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des proprietés, dont les malades ne sont pas esgalement secourues, et les saines ont des
particularités aux viandes et habitz sans necessité, et que les entretiens et recreations n'y sont pas
fort devotes258. On m'a dit tout cela, et beaucoup d'autres choses qui s'ensuyvent. J'aurois aussi
beaucoup de choses a vous dire sur ce sujet ; mais ayes la patience, je vous supplie, faites moy cest
honneur de lire attentivement et doucement ce que je vous en represente ; gratifies en cela mon
zele a vous servir259.
Mes bonnes Dames, vous deves corriger vostre mayson de tous ces defautz, qui sont sans
doute contraires a la perfection de la vie religieuse. L'aigneau pascal doit estre sans macule260 vous
estes des aigneaux de la Pasque, c'est a dire du passage261, car vous aves passé de l'Egypte du
monde au desert de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promission. Certes, il faut que
vous soyes sans tache ou macule apparente ; mays ne sont ce pas des macules bien noires et
manifestes que ces defautz et grans manquemens que j'ay marqués ci devant, et principalement en
une telle mayson ? Il les faut donq corriger. [139]
Vous les deves corriger, a mon advis, parce qu'ilz sont petitz, ce semble, et partant il les
faut combattre pendant qu'ilz le sont ; car si vous attendes qu'ilz croissent, vous ne les pourres pas
aysement262 guerir. Il est aysé de destourner les fleuves en leur origine, ou ilz sont encor263 foibles
; mais plus avant ilz se rendent indomptables. Prenes moy, dit le Cantique264, ces petitz renardeaux
qui ruinent les vignes ; ilz sont petitz, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non
seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera lhors
qu'ilz auront des-ja tout gasté. Les enfans d'Israël disent265 en un Psaume266 : Filia Babylonis
misera ; beatus qui tenebit et allidet parvulos tuos ad petram. La fille de Babylone est miserable ;
oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petitz contre la pierre. Le desordre, le
desreglement des Religions est vrayement une fille de Babylone et de confusion ; ah, que
bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que267 les commencemens, ou plustost les terrassent
ou fracassent a la pierre de la reformation. L'aspic de dissolution et de desreglement n'est pas
encor esclos en vostre mayson, mais prenes bien garde a vous : ces defautz en sont les œufz ; si
vous les couves en vostre sein, ilz esclorront un jour268 a vostre ruine et perdition, et vous n'y
penseres pas269.
Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut270 sembler a quelques unes, n'estes vous
pas271 beaucoup moins excusables de ne les pas corriger ? Quelle misere, disoit aujourd'huy272
saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile273, de laquelle nous faisons la feste ;
quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus
fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy,
mammon, dieu des richesses. Et certes, toutes proprietés et particularités de moyens en Religion
se reduisent a mammon de l'iniquité274 ! « C'est pourquoy, » disoit il, « ces pauvres vierges sont
appellees folles275, par ce qu'apres avoir dompté le plus fort elles se rendent au plus foible. » Vostre
258 douces
259 gratifies mon zete a vostre service.
260 Exod., XII, 5.
261 Ibid., v. 11.
262 facilement
263 encor petitz et
264 Cap. II, 15.
265 tout gasté. Il est dit
266 Ps. CXXXVI, 8, 9.
267 qui en suffoquent
268 Cf. Is., LIX, 5.
269 un jour que vous n'y penseres pas, a vostre ruine et perdition.
270 ces defautz semblent petitz, comme ilz peuvent
271 pas toutes
272 ce jourd'huy
273 In Matt., Hom. LXXVIII (al. LXXIX).
274 Lucæ, XVI, 9.
275 Matt., XXV, 2, 3,8.
101/340

11.2 Page 102

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mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre : ne
sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections ? On vous
appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu : voules vous
perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités ?276 pour un potage
de lentilles, perdre la primogeniture277 que vostre nom semble vous avoir donnee par le
consentement de toute la France ? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au
lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent,
s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet278, et l'autre devant un rat279, dont
la seule veuë leur fait perdre courage : cela est un grand deschet de leur generosité. C'est aussi une
grande tare a la bonté de vostre mayson d'y avoir des pensions particulieres et semblables defautza,
apres que l'on y veu tant d'autres qualités luables ; soyés donq fideles en la reformation de ces
menues imperfections, affin que vostre Espoux vous constitue sur beaucoup de perfections et qu'il
vous appelle un jour a sa gloire280.
Mais apres tout cela, permettes moy, je vous supplie, de vous dire mon opinion touchant
ces defautza. Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont
que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit ; mais si
vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle
vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux. Est ce, je vous supplie, un petit
mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de vostre cors, a sçavoir le vœu de pauvreté ?
On peut estre bonne Religieuse281 sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans telle ou
telle abstinence ; mais sans la pauvreté et communauté, nulle282 ne le peut estre. Le vermisseau qui
rongea la courge de Jonas283 sembloit estre petit, mays sa malice estoit si grande que l'arbrisseau
en perit. Ces defautz de vostre mayson284 semblent bien minces ; mais leur malice est si grande
qu'elle gaste vostre vœu de pauvreté.
Ismael estoit petit garçon ; mais incontinent qu'il commença a piquer et agacer Isaac, la
sage Sara le fit chasser, avec Agar sa mere, hors la mayson d'Abraham285. [Vostre mayson est une
vraye mayson d'Abraham,] c'est a dire du grand Pere celeste ; il y a une Sara et une Agar. [L'une
est] ceste partie superieure et en certaine façon surhumaine, l'esprit et l'interieur ; et l'autre, plus
basse et humaine, est le cors avec son exterieur. L'esprit a engendré le bon Isaac : c'est le vœu que
vous aves fait comme un sacrifice volontaire sur la montagne de la Religion, ainsy qu'Isaac sur la
montagne de Vision s'offrit de volonté en sacrifice286. La chair et partie corporelle n'engendre
qu'Ismaël : c'est le soin et desir des choses exterieures et temporelles. Pendant que cet Ismaël, ce
soin et desir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure
chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point
offensé. Mays quand il agace vostre vœu, vostre pauvreté, vostre profession,287 je vous supplie,
mais je vous conjure, chassés le et le [142] bannissés. Qu'il soit tant petit qu'il voudra, qu'il soit
tant enfant qu'il vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmy ; mais il est mauvais, il ne
vaut rien, il vous ruinera, et gastera vostre mayson.
Encor treuvé je ce mal en vostre mayson bien grand parce qu'il y est maintenu, parce qu'il
y est en repos et qu'il y sejourne comme habitant ordinaire ; c'est le grand mal que j'y voy, que ces
276 d'une reformation de ces petites defectuosités, et
277 Gen., XXV, 29-34.
278 S. Amb., Plin., alii. (Cf. tom. VII hujus Edit., p. 429.)
279 S. Basii., Hexaem., l. IX ; Plin., Hist. nat., l. VIII ; alii.
280 Matt., XXV, 21, 23.
281 On peut bien estre Religieux
282 nul
283 Vide supra, p. 138.
284 de vostre mayson ces petites affections a la particularité et proprieté
285 Gen., XXI, 9-14.
286 Ibid., XXII, 9-12.
287 Mays quand il — heurte Isaac, vostre vœu, vostre profession, vostre pauvreté, non seulement
102/340

11.3 Page 103

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particularités sont meshuy288 bourgeoises. Les mouches mourantes perdent la suavité du bausme
et unguent289. Si elles ne faisoyent que passer sur l'unguent et le succer en passant, elles ne le
gasteroyent pas ; mais y demeurant mortes et comme ensevelies, elles le corrompent. Je veux que
les manquemens et defautz de vostre mayson ne soyent que mouches, mais le mal est qu'elles
s'arrestent sur vostre unguent, elles y arrestent290 et y sont ensevelies avec faveur. Pour petit que
soit le mal, il croist aysement quand on le flatte et qu'on le maintient : nul ennemy, disent les
soldatz, n'est petit quand il est mesprisé. Ce sont les raysons que Dieu m'a donnees pour vous prier
de vouloir reformer vostre mayson touchant ces petites ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre ;
mays je ne puis assouvir le desir291 que j'en ay.292
J'ay encor voulu considerer quelz empeschemens vous [143] pourroyent rendre ce saint
œuvre malaysé, et vous en dire mon advis. Je me doute que vous n'estimes pas qu'en ces pensions
et autres particularités il y ayt aucune proprieté contraire a vostre vœu, parce qu'a l'adventure tout
s'y fait sous la permission et licence de la Superieure. C'est des-ja un mauvais mot que celuy de
permission et licence parmi l'esprit de perfection : il seroit mieux de vivre sous293 les lois et
ordonnances que d'avoir des exemptions, licences et permissions. Vous voyes des-ja un sujet de
reformation. Moïse294 avoit donné une permission et licence touchant l'integrité du mariage ;
Nostre Seigneur reformant ce saint Sacrement et le remettant en sa pureté, protesta295 que Moïse
ne l'avoit permis qu'a force et contrainte, pour296 la dureté de leurs cœurs. Bien souvent les
Superieures plient ce qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher
; et la permission, par apres, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire
et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble perdre petit a petit sa laideur
et difformité. Les permissions n'entrent jamais que par grace dans les monasteres ; mais y ayant
pris pied, elles y veulent demeurer par force, et n'en sortent297 jamais que par rigueur.
Mays, outre cela, je dis qu'il n'est rien de si semblables que deux gouttes d'eau : neanmoins,
l'une peut estre de roses, et l'autre de ciguë ; l'une guerit, et l'autre tue. Il y a des permissions qui
peuvent estre aucunement bonnes, mais celle cy ne l'est pas, car c'est en fin une proprieté, quoy
que voilee et cachee ; c'est l'idole que Rachel tenoit cachee sous sa robe298. On dit que la Superieure
le permet et que c'est sous son bon playsir : voyla Rachel qui parle. Mays ce sont les pensions
d'une telle Seur et non pas d'une autre : voyla l'idole de la proprieté. Si ce n'est pas proprieté, [que
veut dire] que l'une a plus de commodité sans necessité, et l'autre plus de necessité [144] sans
commodité ? Que veut dire qu'estant toutes seurs, vos pensions ne sont pas seurs ? L'une souffre
et l'autre ne souffre point ; l'une a faim, diray je presque comme saint Pol299, l'autre abonde : ce
n'est pas la une Communauté de Nostre Seigneur. Appellés cela comme vous voudres, mais c'est
une pure proprieté ; car la ou il n'y a point de proprieté « il n'y a point de mien et de tien, qui sont
288 le plus grand mal que j'y voy, que ces particularités y sont mesme
289 Eccles., X, 1.
290 sejournent
291 besoin
292 [On conserve à Casorzo (diocèse de Casale en Piémont) un fragment de la minute autographe que nous reproduisons
ici intégralement.]
… vostre ne fut pas commencé avec ces pensions, ains avec une tres exacte
pauvreté et resignation de toutes particularités. Mes Seurs, il faut remonter jusques a la source de vostre Religion et
boire en icelle l'eau de vostre reformation ; vous y treuveres un'eau qui vous fera oublier l'affection que vous aves a
ces petites particularités. Regardes a la pierre de laquelle vous aves estés tirees, vous n'y verres aucune paille de
proprieté. [Mais quand tout ceci ne se... pour Dieu...] Vous deves donques, ce me semble, vous reformer.
Je sçai bien que vous aves de tres grans empeschemens de ce faire ; [c'est] cela qui me fait pitié et pourquoy
je me suis mis a vous escrire, car j'ay certaines considerations sur les empechemens [que je m'imagine estre en vous
pour ceste bonne et ste action...] qui vous peuvent [arrêter] en ce bien, lesquelles a mon advis vous ayderont…
293 sans
294 Deut., XXIV, 1.
295 Matt., XIX, 7-9.
296 permis que forcé et contraint par
297 n'en sortent presque
298 Gen., XXXI, 34.
299 I Cor., XI, 21 ; Philip., IV, 12.
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11.4 Page 104

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les deux motz qui ont produit le malheur du monde300. » Le Religieux qui a un liard ne vaut pas
un liard, disoyent les Anciens.
L'amour et tendre affection que vous portes a vostre mayson peut aussi estre un grand
empeschement a la reformation d'icelle, par ce que ceste passion ne peut permettre que vous
pensies mal d'elle, ni que vous oÿes de bon cœur les reprehensions qu'on vous en fait. Mais prenes
garde301, je vous supplie ; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait
accroire que ce n'est pas luy. Le vray amour de nos maysons nous rend jaloux de leur perfection
reelle, et non de leur302 reputation seulement. La femme du bon Tobie prit a point d'honneur un
advertissement de son mary par ce qu'il sembloit revoquer en doute l'estime de sa famille303. Elle
estoit trop pointilleuse : si ce mal n'y estoit pas elle en devoit loüer Dieu, s'il y estoit elle le devoit
corriger. Il nous faut manger le beurre et le miel avec Nostre Seigneur, adoucir nos espritz et nous
humilier, choisissant le bien et rejettant le mal304. Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme
leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux)
; mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.
Rien n'est si constant sous le ciel qui ne flechisse305 ; rien de si pur qui ne recueille quelque
poussiere.
C'est bien fait de ne point dire inutilement les defautz que l'on voit dans les maysons et de
ne les point [145] manifester ; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui
peuvent estre utiles pour y donner remede, c'est un amour des-ordonné. L'Espouse au Cantique
confesse son imperfection306 : Je suis noire, dit elle, encor que belle ; ne prenes pas garde a ce
que je suis brune, c'est le soleil qui m'a haslee307. Je pense que vous en pouves bien dire autant de
vostre mayson : elle est belle et vertueuse, c'est la verité ; mais la longueur du tems et des annees
a un petit alteré son teint. Pourquoy ne luy redonneres vous pas ses couleurs308 par une sainte
reformation ? Quand il y a quelque defaut passager dans une mayson, on le peut dissimuler ; mais
quand il est permanent et par maniere de coustume, il le faut chasser [a cor et a cry s'il en est
besoin. Mais ici il n'en est pas besoin] ; il suffit d'y appeller ceux qui y peuvent309 servir. Ce fut un
amour desmesuré en David de ne vouloir pas qu'on desfit Absalom, tout mauvais et rebelle qu'il
estoit310. Quicomque ayme sa mayson, en procure la santé, la pureté et reformation.
Je pense qu'il y a un autre empeschement a la reformation de vostre mayson : c'est que, a
l'adventure, vous estimes qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pensions par ce qu'elle est
pauvre. Au contraire, je pense que le monastere est pauvre par ce que ces pensions y sont. Il y a
en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes ; a Venise les particuliers ne sont pas si riches
qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des
particuliers empesche celle du public. Si une fois vous esties a bon escient pauvres en particulier,
vous series par apres311 riches en commun.
Dieu veut que l'on se fie en luy chacun selon sa vocation. Il n'est pas requis en un homme
laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres
ecclesiastiques devons faire ; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il
n'est pas defendu aux mondains ; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en
ceste mesme Providence comme les Religieux ; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz
n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens. Or, entre les Religieux, ceux de saint
300 S. Chrysost., Orat. in S. Philog., § 1.
301 prenes garde a vous
302 de leur perfection en
303 Tobiæ, II, 19-23.
304 Isaiæ, VII, 15.
305 Eccles., II, 11.
306 Cap. 1, 4, 5.
307 decoloree
308 ses premieres couleurs et beautés
309 y peuvent remedier et
310 II Reg., XVIII, 5 seq.
311 bien tost
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François excellent en cest endroit, qui est la confiance et resignation qu'ilz ont en la Providence
divine, n'ayant nul moyen ni en particulier ni en general, pratiquant pleinement la parole du
Psalmiste312 : Jacta cogitatum tuum in Domino, et ipse te enutriet ; Jette tout ton soin en nostre
Seigneur, et il te nourrira. Chacun doit jetter tout son soin en Dieu, et aussi il nourrit tout le monde
; mays chacun ne le jette pas en mesme degré de resignation. Les uns l'y jettent sous le travail et
industrie que Dieu leur a donnee et par laquelle Dieu les nourrit ; les autres, plus purement, sans
l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela. Ilz ne sement ni ne recueillent, et le Pere celeste les
nourrit313. Or, vostre condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu
sans l'ayde ni faveur d'aucune pension ni proprieté particuliere ; c'est pourquoy vous les deves
rejetter.
David314 admire comme Dieu nourrit les petitz poussins des corbeaux ; aussi est ce chose
admirable. Mais ne nourrit il pas aussi les autres animaux ? Si fait, mais non pas de la [mesme]
sorte ni si immediatement, d'autant que les autres sont aydés de leurs peres et meres [et de leur
travail ; mais par ce que la condition naturelle de ces petitz poussins porte qu'ilz sont abandonnés
de leurs peres et meres,] et n'ont d'ailleurs moyen de travailler, nostre Seigneur les nourrit presque
miraculeusement. Aussi nourrit il tous-jours ses devotes servantes et creatures, lesquelles, par la
condition de leur estat et profession, se sont devouees315 a la communauté et pauvreté particuliere,
[147] sans l'entremise d'aucun moyen contraire a leur condition. Les Cordeliers ont estimé qu'ilz
ne pourroyent vivre en ceste estroitte pauvreté que leur Regie primitive requeroit ; les Capucins
leur ont fait voir clairement que si. Pendant que saint Pierre se fia en Celuy qui l'appelloit il fut
asseuré ; quand il commença a douter et perdre la confiance il enfonça dans les eaux316. Faysons
ce que nous devons, chacun selon sa condition et profession, et Dieu ne nous manquera point.
Pendant que les enfans d'Israël estoyent en Egypte il les nourrissoit de la viande que les Egyptiens
donnoyent ; lhors qu'ilz furent au desert, ou il n'y en avoit aucune, il leur donna la manne317, viande
commune a tous et particuliere a nul, et laquelle, si je ne me trompe, represente une certaine
communauté. Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au desert de la Religion : ne
recherchés plus les moyens mondains, esperés fermement en Dieu ; il vous nourrira sans doute318,
quand il devroit faire pleuvoir la manne.
Je me doute encor qu'il y ayt un autre empeschement a vostre reformation : c'est qu'a
l'adventure, ceux qui vous l'ont proposee ont manié la playe un peu asprement. Mays voudries
vous bien pour cela rejetter vostre guerison ? Les chirurgiens sont quelquefois contrains
d'aggrandir la playe pour amoindrir le mal, lhors que sous une petite playe il y a beaucoup de
meurtrisseures et concasseures ; ç'a esté peut estre cela qui leur a fait porter le rasoir un petit bien
avant dans le vif. Je loue leur methode, bien que ce ne soit pas la mienne, sur tout a l'endroit des
espritz nobles et bien nourris comme sont les vostres ; je croy319 qu'il est mieux de leur monstrer
simplement le mal, et leur mettre le fer en main affin qu'ilz fassent eux mesmes l'incision.
Neanmoins, ne laissés pas pour cela de vous reformer. J'ay accoustumé de dire que nous devons
recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit
desaggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain [148] porté par les corbeaux320. Ainsy
celuy nous doit aggreer qui procure nostre bien, quoy qu'il soit de tout point desaggreable et
fascheux. Job racloit l'ordure et suppuration de ses ulceres avec une piece de pot cassé321 ; c'estoit
une dure abjection, mays elle estoit utile. Le bon conseil doit estre receu, soit qu'il soit trempé au
fiel ou qu'il soit confit au miel.
312 Ps. LIV, 23 (juxta lectionem antiq.)
313 Matt., VI, 26.
314 Ps. CXLVI, 9.
315 vouees
316 Matt., XIV, 27, 30.
317 Exod., XVI.
318 Vide pag. præced.
319 pense
320 III Reg., XVII, 6.
321 Job, II, 8.
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Que tous ces empeschemens ne soyent point asses fortz, je vous prie, pour vous322 retarder
de faire le voyage de ceste sainte et necessaire reformation. Je prie Dieu qu'il envoye ses Anges
pour vous porter entre leurs mains, affin que vous ne heurties point aux pierres d'achoppement323.
Il me reste a vous dire324 mon advis touchant l'ordre que vous deves325 tenir. Pries Dieu par
des oraisons communes et distinctes326 a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre
mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la327 grace. Puisqu'il est le Dieu de paix328,
apaises vos espritz, mettes les en repos ; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray
clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux
qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste. Ne tenes
plus vostre parti ni celuy de vostre mayson, [mays simplement celuy de vostre bien et du bien de
vostre mayson.] Faites tout ainsy que si vous voulies instituer une nouvelle Congregation selon
vostre Ordree et vostre Regle ; traittes en les unes avec les autres en esprit de douceur et de charité.
Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles
sont doucement empressees a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux
ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a [149] son serviteur Abraham : Chemines devant
moy et soyes parfait329 ; entrés plus avant au desert de la perfection. Vous aves des-ja fait la
premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une330 partie de la
troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté331 : mais pourquoy vous arrestes vous en
si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres ? Marchés plus
avant, achevés la journee : mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la
sainte Parole332, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit,
[en cors] et en biens.
Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés
a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns333 des plus spirituelz qui sont a l'entour de
vous ; ilz ne vous manqueront pas. J'en nommerois quelques uns, mais vous les nommeres mieux
que moy, et ceux la mesme, a l'adventure, que je voudrois nommer. Ce sont gens extremement
bons a cela, des espritz doux et gracieux, condescendans quand ce vient a l'effect, bien que leurs
reprehensions semblent un petit aspres et mordicantes. A ceux la vous deves confier334 vostre
affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable ; car vostre sexe est sujet des la creation
a la condition de l'obeissance335, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la
conduitte et instruction. Voyes toutes les excellentes Dames de la Mere de misericorde jusques a
present, et vous treuveres que je dis vray ; mays en tout je presuppose que l'authorité de Madame
de Fontevrault336 tienne son rang.
C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les
oreilles des-ja trop [150] battues ; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup
plus d'affection que de paroles en cest endroit. Je suis indigne d'estre escouté, mais j'estime vostre
charité si grande que vous ne mespriseres point mon advis, et croy que le bon Jesus ne m'a pas
donné tant d'amour et de confiance en vostre endroit qu'il ne vous aye donné une affection
322 pour vous empescher ou
323 Psalm. XC, 11, 12 ; Matt., IV, 6.
324 donner
325 pourres
326 destinees
327 sa
328 I Cor., XIV, 33.
329 Gen., XVII, 1.
330 et la seconde encores par l'obeissance, et une bonne
331 Cf. Exod., XV, 22.
332 Rom., XII, 1.
333 conduitte quelque homme
334 communiquer
335 Gen , III, 16.
336 Eléonore de Bourbon, tante de Henri IV, qui gouvernait l'abbaye de Fontevrault dès l'année 1575 et qui mourut le
26 mars 1611.
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reciproque de prendre en bonne part ce que je vous propose pour le service de vostre mayson,
laquelle je prise et honnore a l'esgal de toute autre, et l'estime une des bonnes que j'aye veües. C'est
cela qui m'a fait desirer qu'elle soit meilleure et parfaite. Il me fasche de voir de si grandes qualités,
comme sont celles de vostre mayson, esclaves sous ces menues imperfections, et, comme parle
l'Escriture337, de voir vostre vertu reduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains
des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite
souilleure, et un vin exquis,338 par le meslange de l'eau. Ton vin, dit un Prophete339, est meslé d'eau.
Je vous diray comme vostre saint Patron saint Jan340 qui reçut commandement d'escrire aux prelatz
d'Orient341 : Je sçay vos œuvres qui sont presque toutes bonnes, vous estes presque tres bonnes
Religieuses ; mais j'ay quelque petite chose a dire contre vous, il vous manque quelque chose. Je
vous loue en toutes choses, dit saint Pol a ses Corinthiens342, mais en cela je ne vous loüe pas. Je
vous supplie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop
et adjoustes ce qui y defaut.
Donnes moy, je vous prie tres humblement, ceste consolation de lire ceste lettre en repos
et tranquillité d'esprit, et de la peser non au poids vulgaire, mais au poids du sanctuaire et de la
charité. Et je prie Dieu qu'il [151] vous donne les resolutions necessaires a vostre bien, pour la
plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'effect ses
vrayes filles. Je me prometz l'assistance de vos oraisons pour toute ma vie, et plus particulierement
pour ceste entree que je fay en la laborieuse et dangereuse charge d'Evesque, affin que, preschant
le salut aux autres, je ne sois reprouvé a damnation343.
Dieu soit nostre344 paix et consolation. Je suis et seray toute ma vie,
Mes Reverendes Dames et tres cheres Seurs en Jesus Christ,
Vostre serviteur tres humble et affectionné
en Nostre Seigneur345,
FRANÇS DE SALES,
Evesque [élu] de Geneve.
De Sales, le 22 novembre 1602.
_____
337 Ps. LXXVII, 61.
338 un vin exquis affaibli
339 Isaiæ, I, 22.
340 L'idée dominante qui inspira la constitution de l'Ordre de Fontevrault était d'honorer les rapports de maternité et de
filiation établis entre la Sainte Vierge et saint Jean au pied de la croix.
341 Apoc., I, 11 ; II, 2, 4, 14, 19, 20.
342 I Ep., XI, 22.
343 I Cor., IX, ult.
344 vostre
345 et tres asseuré
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11.8 Page 108

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CLXIX. A M. Janus de la Faverge346. Espoir de le voir à Sales le
samedi suivant. Remerciements pour l'hospitalité offerte à
Mgr Gribaldi.
Sales, commencement de décembre 1602.
Monsieur mon Oncle,
Ma mere et tous les siens vous baysent humblement les mains, et a madame ma tante, du
soin que vous aves [152] de nostre bonheur. Monsieur Vulliod347 vous dira meilleures nouvelles
que vous n'avies pas conceues de son accident.
Vous verres, Dieu aydant, le reste dans peu de jours que nous nous promettons l'honneur
de vostre presence et de celle de madame ma tante, ma seur, ma commere, a laquelle, pour son
arrivee, je garde le baiser solemnel, si elle m'en juge encor digne. Ce sera, sil vous plait, samedi,
puisque j'ay accepté de vous l'offre qu'il vous a pleu me faire de loger monsieur l'Archevesque de
Vienne a son passage. Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre
incommodité, neanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant
accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guere de peyne.
En contrechange, je prieray toute ma vie Dieu pour vostre longue vie, santé et prosperité,
et demeureray,
Monsieur,
Vostre plus humble et asseuré neveu et serviteur et compere,
FRANÇS DE SALES,
E. esleu de Geneve.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Vuÿ, à Carouge (canton de Genève). [153]
_____
346 L'Autographe ne porte ni date ni adresse, mais plusieurs raisons très convaincantes se réunissent pour prouver que
cette lettre dut être adressée à M. de la Faverge dans les premiers jours de décembre 1602.
1. La coutume du Saint étant de donner les titres d'oncle et de tante aux cousins germains de son père et
de sa mère, il ne désignait pas autrement M. et Mme de la Faverge (cf. le tome précédent, note (783), p. 354). 2. Ces
parents habitaient La Roche, et le Saint avait tenu l'un de leurs enfants sur les fonts du Baptême ; de là le nom de «
ma commere » donné à Mme de la Faverge. 3. Mgr Gribaldi se rendant d'Evian à Thorens pour le sacre de saint
François de Sales, qui eut lieu le Dimanche 8 décembre 1602, rien de plus naturel qu'en passant à La Roche, il
descendît chez les de la Faverge ; invités eux aussi, ils devaient arriver à Thorens le samedi, veille de la cérémonie.
347 Probablement Janus Vulliod, qui dans plusieurs contrats intervient en qualité d'agent d'affaires des de la Faverge.
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11.9 Page 109

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CLXX. A M. Pierre Favier348. Prière de lui continuer son amitié
et d'appuyer une requête présentée au Sénat.
Annecy, 16 décembre 1602.
Monsieur,
Vous aymies feu Monsieur l'Evesque mon prædecesseur ; vous m'aves aussi favorisé il y a
long tems de lhonneur de vostre bienveuillance, et j'ay tous-jours eu beaucoup de desir a vostre
service. C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et reception a cest evesché,
de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement : l'une, de
m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre ; l'autre, d'avoir
aggreable la requeste que je fai presenter a messieurs du Senat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte,
et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie,
Monsieur,
Vostre humble serviteur en Jesuschrist,
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
A Neci, le 16 décembre 1602.
349A Monsieur Favier,
Advocat general a Chambery.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Bibliothèque publique. [154]
_____
348 Pierre Favier du Noyer de Lescheraine, conseiller d'Etat de Son Altesse, avocat général (6 mars 1600), puis
président au Sénat de Savoie (12 juin 1610), mourut le 3 avril 1616.
349 L'Autographe ne porte pas d'adresse, mais sur la feuille qui lui sert d'enveloppe on lit d'une écriture très ancienne
l'indication suivante : « Lettre du Bienheureux Françoys de Sales Evesque de Geneve, envoiee au Sgr Pierre Favier,
lors conseiller destat et advocat general de feu de glorieuse memoire Charles Emanuel, Duc de Savoye Prince de
Piedmont. »
De plus, une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin, porte l'adresse que nous donnons ici.
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11.10 Page 110

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CLXXI. A M. Pierre de Berulle350. Combien il se réjouirait de le
voir venir en Savoie. Le Saint consacré évêque ; retraite
préparatoire faite sous la direction du P. Fourier. La
perfection absolue impossible en ce monde. Divers messages.
Annecy, 18 décembre 1602.
Monsieur,
La vostre que monsieur Santeul m'apporta m'a extremement consolé par le tesmoignage
qu'elle me rend de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit, bien que je n'en eusse
aucun doute, asseuré de vostre bonté et constance. J'ay veu que vous panches encor a l'opinion que
vous me communiquastes de venir quelque tems a la recollection et retraitte en ces quartiers. Dieu
vous veuille dire luy mesme en vostre cœur ce quil en desire ; mais si ce bonheur m'arrivoit, je le
mettrois au premier rang de ceux que j'ay eu ci devant, tout aupres de celluy que j'ay receu en
vostre connoissance, car aussi en seroit ce l'accroissement et perfection. Les deux conditions que
vous mettes pour l'execution de ce dessein ne me semblent revenir qu'a une seule, d'autant que si
vous avés la liberté, je ne doute point que Nostre Seigneur ne [155] vous face connoistre quil se
veut servir de vous pour l'administration de son saint Evangile.
Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer
de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas,
sur tout en la recommandation de la Messe. J'ay eu le bien de faire un peu de recollection et
exercice en l'assistence du P. Forier, l'un des excellens Jesuites que j'aye rencontré351, avant mon
sacre. Ce que je vous dis par ce que je vous veux rendre conte de mon esprit comme vous me
faittes du vostre, disant que vous continués en une grande varieté d'occupations et multitude
d'imperfections. Il ni a remede : nous aurons tous-jours besoin du lavement des piedz352, puisque
nous cheminons sur la poussiere. Nostre bon Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son
service.
Je vous supplie, Monsieur, de croire entierement quil ni a homme au monde qui vous soit
plus dedié et affectionné que je suis et seray toute ma vie, pour demeurer,
Monsieur,
350 Entre les hommes distingués par leur mérite et leurs vertus dont saint François de Sales s'acquit l'estime et l'affection
durant son séjour à Paris, l'un des plus remarquables est sans contredit Pierre de Bérulle. Il était né au château de
Sérilly en Champagne, le 4 février 1575. Après avoir fait de brillantes études au collège de Clermont, puis à la
Sorbonne, il reçut l'ordination sacerdotale le 5 juin 1599, et, dans le courant de cette même année, fut nommé aumônier
du roi. Prévenu des dons de la grâce, le jeune prêtre songeait déjà en 1602 à la fondation de l'Oratoire, effectuée en
1611, et à l'introduction des Carmélites en France. Son désir eût été de voir notre Saint établir lui-même la première
de ces œuvres ; du moins, dans l'accomplissement de la seconde fut-il aidé des conseils du Coadjuteur de Genève, qui,
jusqu'à sa mort, demeura en relations intimes avec lui. Contraint de se mêler aux affaires d'Etat, M. de Bérulle travailla
à la réconciliation de Louis XIII avec Marie de Médicis, eut à s'occuper du mariage d'Henriette de France avec le
prince de Galles, et, en 1627, entra dans le Conseil du roi. La même année il reçut la pourpre romaine, et mourut le 2
octobre 1629.
351 Le P. Jean Fourier, né à Xaronval dans le diocèse de Toul le 27 décembre 1560, était entré dans la Compagnie de
Jésus le 13 décembre 1577, et avait prononcé les voeux solennels le 5 mai 1596. Il était docteur en théologie de
l'Université de Pont-à-Mousson, où il enseigna lui-même plus tard la philosophie et la théologie, devint chancelier,
puis recteur de cette Université (1596-1599). Le P. Fourier fut supérieur de la mission des Jésuites à Thonon, d'où il
passa au collège de Chambéry en qualité de recteur (1600-1606). Saint François de Sales, qui avait eu l'occasion de
l'apprécier, se plaça sous sa direction. C'est par les conseils de ce « grand, docte et devot Religieux » (voir tome III de
la présente Edition, p. 8) qu'il publia son Introduction a la Vie devote, et quand il mourut le 28 décembre 1622, c'est
le P. Fourier, alors provincial de Lyon, qui reçut son dernier soupir. Ce Religieux, qui avait été chancelier de
l'Université d'Avignon, puis provincial de Lorraine, termina sa vie à Saint-Mihiel en janvier 1636. C'était un homme
de grande vertu, doué d'un talent remarquable pour le gouvernement.
352 Cf. Joan., XIII, 10.
110/340

12 Pages 111-120

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12.1 Page 111

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Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
Avec vostre congé, je vous supplie de me ramentevoir aux prieres de madamoyselle vostre
mere353 et de [156] madame la lieutenante vostre tante354. Je suis consolé que Edmond355 soit
aupres de vostre personne, asseuré quil y rendra le bon et fidelle service que je vous souhaitte.
A Neci, le 18 decembre 1602.
Monsr de Berulle.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Paray-le-Monial. [157]
353 Louise Séguier, veuve de Claude de Bérulle, conseiller au Parlement de Paris. Après avoir pourvu à l'éducation de
ses quatre enfants, elle entra au Carmel de Paris, où elle prononça ses vœux le 15 août 1606, sous le nom Sœur Marie
des Anges. Elle y décéda saintement le 2 janvier 1628, assistée par le Cardinal son fils.
354 Marie Thudert, veuve de Jean Séguier d'Autry, frère de madame de Bérulle. L'un de ses fils devint chancelier,
l'autre évêque de Meaux. L'une de ses filles, la présidente de Gourgues, fonda le Carmel de Bordeaux ; une autre
devint Carmélite à Pontoise. Madame d'Autry entra elle-même au Carmel de Paris, où elle prit le nom de Sœur Marie
de Jésus-Christ. Elle y vécut jusqu'à l'âge de soixante et onze ans.
355 Edmond de Messa, qui avait quitté le service de Mme Acarie pour passer à celui de M. de Bérulle. Il fut plus tard
admis dans la Congrégation de l'Oratoire.
111/340

12.2 Page 112

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Année 1603
_____
CLXXII. A M. Claude d'Orlie356 (Inédite). Remerciements pour
l'affection qu'il lui porte. Assurance de dévouement.
Annecy, 3 janvier 1603.
Monsieur,
Je dois beaucoup a la constance de l'amitié quil vous plait me porter, qui me maintient si
vivement en vostre souvenance ou je desirerois bien avoir pris place par quelque bon service que
je vous eusse fait. Ce sera tous-jours, Monsieur, quand il plaira a Nostre Seigneur de m'en donner
les occasions, que je m'y porteray avec beaucoup d'affection et de fidelité. Je vous supplie de le
croire et d'en tirer les preuves par les effectz ou vous me jugerés sortable.
Cependant, Monsieur, puisque vous me faittes cest honneur de vous res-jouir de ma
promotion a cest evesché, faittes moy encor ceste faveur de m'assister de vos advis et prieres pour
m'en bien acquitter, comme en contre-change [158] je prieray toute ma vie Dieu pour vostre santé,
et me diray,
Monsieur,
Vostre humble serviteur en N. Sr,
FRANÇS DE SALES,
Ev. de Geneve.
A Neci, le 3 de l'an 1603.
357A Monsieur,
Monsieur d'Orlié, Conseillier de S. A. et Senateur
au souverain Senat de Savoye.
A Chambery.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
356 Claude d'Orlié ou d'Orlier, seigneur de Châteauneuf, sénateur au souverain Sénat (1598), conseiller de Son Altesse
et gentilhomme de sa chambre, avait été juge-maje du Chablais (1586-1598) ; Son testament est daté du 34 septembre
1603.
357 L'adresse n'est pas de la main du Saint.
112/340

12.3 Page 113

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CLXXIII. A Monseigneur Juvenal Angina, Évêque de Saluces
(Inédite). Consécration du Saint ; son entrée dans sa ville
épiscopale. Il réclame les conseils de Mgr Ancina et la
continuation de son affection. Remerciements. Projet de
pèlerinage à Notre-Dame de Mondovi ; espérance de le revoir à
cette occasion
Annecy, 10 janvier 1603.
Molto Illustre et Reverendissimo
Mon très Illustre, Révérendissime et
Signor et Padron mio colendissimo,
très honoré Seigneur,
Essendo ritornato da Parigi in questo
mio paese, ritrovai che Monsignor Rmo mio era
ritornato al suo Creatore per un felicissimo
transito di questa vita a quell' altra migliore :
Ejus memoria in benedictione358. Onde [159]
essendo qui giunte le Bulle et il mandatum per
la successione in persona mia, ho ricevuto la
santa consecratione il giorno della Concettione
di Maria Vergine, Nostra Signora, in cujus
manibus sortes meæ359, et il Sabbatho seguente
venni qui al luogho della residentia. Et di tutto
questo desideravo di dar raguaglio a V. S. Rma,
supplicandola che come il Signor Iddio ci a
(sic) uniti nella vocatione (chè ambidui, come
mi vien detto, l'istesso giorno siamo stati
præconisati), così si degni V. S. Rma tenermi,
quantumque indegno, strettamente unito seco
nel suo cuore ; et per consequenza, che si degni
spesso darmi gl'avisi et ricordi che il Spirito
Santo glie inspirerà, ricordandosi che Ella è
stata l'instrumento della mia promotione et che
« qui dat esse, debet dare consequentia ad
esse360. »
Solamente questi giorni passati seppi
che V. S. Rma m' haveva mandata la Vita del
Beato Filippo361 et che [160] si era persa in
strada, laqual perdita m'è molto grave et
molesta, et per rispetto del donatore et per
rispetto dell'obietto. Il Rdo de Loyse, canonico
A mon retour de Paris en ce pays, je
trouvai Mgr mon Révérendissime Evêque dont
la mémoire est en bénédiction, retourné à son
Créateur par un très heureux passage de cette
vie à une vie meilleure. [159] C'est pourquoi,
les Bulles et le mandatum qui m'appellent à lui
succéder étant arrivés, j'ai reçu la consécration
épiscopale le jour de la Conception de la
Vierge Marie, Notre Dame, entre les mains de
laquelle j'ai remis mon sort, et le samedi
suivant je me suis rendu ici, lieu de ma
résidence. Je désirais informer Votre
Seigneurie Révérendissime de toutes ces
choses, et la supplier, puisque le Seigneur
notre Dieu nous a unis par une même vocation
(car, à ce qu'on me dit, nous avons été
préconisés le même jour), de daigner aussi,
bien que j'en sois indigne, me tenir étroitement
uni à Elle dans son cœur. Veuillez, en
conséquence, me donner souvent les conseils
et les instructions que le Saint-Esprit vous
inspirera, vous ressouvenant que vous avez été
l'instrument de ma promotion et que celui « qui
donne l'être doit donner ce qui s'ensuit. »
J'ai appris seulement ces jours passés
que Votre Seigneurie Révérendissime m'avait
envoyé la Vie du Bienheureux Philippe et
qu'elle [160] s'était égarée en route ; cette perte
m'est bien désagréable et dommageable, soit à
cause du donateur soit à cause du don. M.
358 Eccli., XLV, 1.
359 Ps. XXX, 16.
360 Vide opusc. Sententiæ ex Aristot., etc., litt. D (inter spuria V. Bedæ). Cf. Physica, l. VIII.
361 Vita Beati P. Philippi Nerii, Fiorentini, Congregationis Oratorii Fundatoris, in annos digesta, auctore Antonio
Gallonio, Romano, ejusdem Congregationis Presbytero. Romæ, apud Aloysium Zannettum, anno Jubilæi MDC.
La version italienne parut l'année suivante sous ce titre : Vita del Beato P. Filippo Neri, Fiorentino, Fondatore
della Congregatione dell' Oratorio, scritta e ordinata per anni da Antonio Gallonio, Romano, Sacerdote della
medesima Congregatione. In Roma, appresso Luigi Zannetti, MDCI.
113/340

12.4 Page 114

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di questa mia chiesa362, mi ha detto con quanta d'Eloise, chanoine de cette église, m'a dit avec
carità V. S. Illma l'ha favorito et pregatome che quelle charité Votre Seigneurie l'a favorisé ; il
io la ringratii ; et così faccio. V. S. Rma mi m'a prié de l'en remercier, ce que je fais. Que
faccia favor di raccommandarme a Monsignor Votre Seigneurie m'accorde la faveur de me
Nuntio moderno363 con quattro delle sue recommander en quatre mots à Mgr le Nonce
parole, perchè importa assai per moltissime actuel, car il importe beaucoup, dans une foule
occorrenze che egli mi voglia bene ; il che non de circonstances, qu'il m'ait en affection ; ce
si può fare senon per mezzo della carità di V. qui ne peut se faire que par l'entremise de votre
S. Rma.
charité.
Spero questo anno di far un viaggio in
J'espère cette année faire un voyage en
Piemonte per visitare la chiesa della Madonna Piémont pour visiter l'église de Notre-Dame de
del Mondovì, et con questa occasione non Mondovì ; à cette occasion je ne manquerai pas
mancarò di andar dove V. S. Rma si ritrovarà, de me rendre là où se trouvera Votre
acciò che, consertis manibus et os ad os364, Révérendissime Seigneurie, affin que, la main
rinoviamo l'affetto che se bene no si può dans la main et bouche à bouche, nous
inveterare, cresce nientedimeno almanco nelli renouvelions cette amitié qui ne peut vieillir,
sentimenti per la presenza. Fra tanto bascio mais dont le sentiment toutefois s'accroit par la
humilmente le mani a V. S. Rma, et priegho il présence. En attendant je baise humblement les
Signor Iddio che ci conduca in queste strade mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et
difficili del governo delle chiese, et che je prie Dieu de nous guider dans ces voies
Spiritus ejus [161] bonus deducat nos in difficiles du gouvernement des églises, et que
terram rectam365, et massime me che adesso son bon [161] Esprit nous conduise dans la
sonno in questa terra montosa et tortuosa, con terre droite, moi surtout qui suis maintenant
diversità di provintie et con l'abominatione dans ce pays montueux et tortueux,
della desolatione366. Domini sit salus367 tua368. appartenant à des provinces diverses, et où
Di V. S. Rma,
règne l'abomination de la désolation. Que le
Humilissimo et perpetuo servidore in Christo, Seigneur soit votre salut.
FRANCO DE SALES,
De Votre Seigneurie Révérendissime,
Vesco di Geneva.
Le très humble et perpétuel serviteur en
In Annessi, alli 10 di Gennaro 1603.
Jésus-Christ,
FRANÇOIS DE SALES,
Revu sur l'Autographe conservé à la
Evêque de Genève.
Visitation de Nancy. [162]
Annecy, le 10 janvier 1603. [162]
_____
362 Jean d'Eloise, chanoine de Saint-Pierre de Genève et curé de Minzier, qui s'était rendu à Rome pour solliciter
quelque bénéfice.
363 Mgr Paul Tolosa, évêque de Bovino.
364 II Joan., v. 12 ; III Joan., v. ult.
365 Ps. CXLII, 10.
366 Matt., XXIV, 15.
367 Allusion au nom de Saluces, ville épiscopale de Mgr Ancina.
368 Ps. III, 9.
114/340

12.5 Page 115

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CLXXIV. A la Soeur de Soulfour, Novice au Monastere des
Filles-Dieu369. Caractères auxquels on peut reconnaître les
consolations célestes. Ne pas subtiliser dans le service de
Dieu et supporter ses propres imperfections. La confiance et
la simplicité sont particulièrement nécessaires. Combien le
Saint apprécie la nouvelle traduction de l'Institution spirituelle
de Louis de Blois. — Messages pour Sœur Anne Séguier.
Annecy, 16 janvier 1603.
Ma tres chere et tres aymee Seur et Fille en Jesus Christ,
Dieu seul soit vostre repos et consolation. J'ay receu vos deux lettres par monsieur le
president Favre un peu plus tard que vous ne pensies et que je n'eusse desiré, mais asses tost pour
me donner de la consolation, y voyant quelque tesmoignage de l'amendement de vostre esprit.
Dieu en soit loüé eternellement.
Pour responce, je vous diray premierement, que je ne veux pas que vous usies d'aucune
parole de ceremonie ni d'excuse en mon endroit, puisque, par la volonté de Dieu, je vous porte
toute l'affection que vous sçauries desirer et ne m'en sçaurois empescher. J'ayme vostre esprit
fermement parce que je pense que Dieu le veut, et tendrement parce que je le voy encores foible
et jeune. Apportés donq toute confiance et liberté a m'escrire, et demandés ce que vous penseres
estre propre pour vostre bien. Cela soit dit une fois pour toutes. [163]
Je voy en vostre lettre une contradiction, laquelle vous y aves mise sans y penser ; car vous
me dites que vous estes delivree de vostre inquietude, et neanmoins je vous voy encor toute
inquietee a la recherche d'une precipitee perfection. Ayés patience, je vous diray tantost que c'est.
Vous me demandes si vous deves recevoir et prendre des sentimens ; que sans eux vostre esprit
languit, et neanmoins vous ne pouves les recevoir qu'avec soupçon et vous semble que vous les
deves rejetter. Une autre fois, si vous m'escrives sur quelque semblable sujet, donnés moy exemple
de l'action de laquelle vous me demandes l'advis ; comme seroit a dire de quelqu'un de ces
sentimens qui vous aura donné le plus de soupçon pour n'estre pas receu, car j'apprendray bien
mieux vostre intention. Cependant, voicy mon advis sur vostre demande.
Les sentimens et douceurs peuvent estre de l'ami ou de l'ennemi, c'est a dire du malin ou
du tres bon. Or, on peut connoistre d'ou ilz viennent par certains signes que je ne sçaurois pas bien
dire tous : en voicy seulement quelques uns qui suffiront. Quand nous ne nous arrestons pas en
iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment
nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe ; car Dieu nous en
donne quelquefois pour cest effect. Il condescend a nostre infirmité : il voit nostre goust spirituel
affadi, il nous donne un petit de saulce, non affin que nous ne mangions que la saulce, mais affin
qu'elle nous provoque a manger la viande solide. C'est donques une bonne marque quand on ne
s'arreste pas aux sentimens ; car le malin, donnant les sentimens, veut qu'on s'y arreste, et, qu'en
ne mangeant que la saulce, nostre estomach spirituel en soit affoibli et gasté petit a petit. .
369 Diverses preuves, dont rénumération serait trop longue, se réunissent pour démontrer que cette Novice est la fille
de M. de Soulfour, celle que le Saint (voir ci-dessus, p. 117) appelle « nostre espousee. » Toutefois elle ne persévéra
pas dans sa vocation ; car le Nécrologe du monastère, qui donne l'article mortuaire de sa tante, la Mère Anne de
Soulfour, et de sa compagne, la Soeur Anne Séguier, ne fait nulle mention, d'elle. Voir de plus les lettres que lui écrit
saint François de Sales (pp. 180, 202) et celle qu'il adresse à Mde Soulfour (p. 197).
Peut-être cette Novice rentrée dans le siècle serait-elle Jeanne de Soulfour, qui délivre une quittance le 27
juin 1623 au nom de son père, « noble homme Mre Nicolas de Soulfour. » (Bibliothèque Nationale, Pièces originales,
vol. 2720).
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12.6 Page 116

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Secondement, les bons sentimens ne nous suggerent point de pensee d'orgueil, mays au
contraire, si le malin prend occasion d'iceux de nous en donner, ilz nous fortifient a les rejetter ; si
que la partie superieure demeure toute humble et sousmise, reconnoissant que Caleb et Josué
n'eussent jamais rapporté le raysin de la terre [164] de promission pour amorcer les Israëlites a la
conqueste d'icelle370, s'ilz n'eussent pensé que leurs courages estoyent foibles et avoyent besoin
d'estre piqués. Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge
et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme
et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment
et le suivent371 ; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre
foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon.
Le bon sentiment passé ne nous laisse pas affoiblis, mais fortifiés, ni affligés, ains consolés
; le mauvais, au contraire, arrivant nous donne quelque allegresse, et partant, nous laisse pleins
d'angoisses. Le bon sentiment, a son despart, nous recommande qu'en son absence nous caressions,
servions et suivions la vertu pour l'advancement de laquelle il nous avoit esté donné ; le mauvais
nous fait croire qu'avec luy la vertu s'en va et que nous ne la sçaurions bien servir. Bref, le bon ne
desire point d'estre aymé, mais seulement que l'on ayme Celuy qui le donne, non qu'il ne nous
donne sujet de l'aymer, mais ce n'est pas cela qu'il cherche ; la ou le mauvais veut que l'on l'ayme
sur tout. Et partant, le bon ne nous empresse pas a le rechercher ni a le caresser, mais la vertu
[qu'il] nous procure ; le mauvais nous empresse et inquiete a le rechercher incessamment.
Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens ; et,
venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre
petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte,
vous fait encor office de mere. Tes mammelles, dit l'Espoux a sa Bienaymee372, sont meilleures
que le vin, fragrantes et odoriferantes de tres bons unguens et bausmes. Elles sont comparees au
vin parce qu'elles res jouissent, animent et font faire bonne digestion a l'estomach spirituel, lequel,
sans ces petites consolations, ne pourroit pas quelquefois digerer les travaux qu'il luy faut [165]
recevoir. Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne
les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par l'advis de vos
superieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela,
quand Dieu vous en jugera digne et capable. Recevés les donq, dis je, ma tres chere Seur, vous
estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Medecin vous donne du vin, nonobstant les
fievres des imperfections qui sont en vous. Que si saint Pol conseilla du vin a son disciple pour la
foiblesse corporelle373, je vous en puis conseiller du spirituel pour la spirituelle.
Voyla ma responce asses clairement, ce me semble, a laquelle j'adjouste que vous ne facies
jamais de difficulté de recevoir que Dieu vous envoye a dextre ou a gauche, avec la preparation et
resignation que je vous ay dite ; et quand vous series la plus parfaite du monde, vous ne devries
pas refuser ce que Dieu vous donne, a condition d'estre preste a le refuser si tel estoit son playsir.
Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre
imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle. Et pour vous,
j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la creature ; mays je
pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la creature, et neanmoins de Dieu, car il
me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens. Mais quand ilz
seroyent de la creature, encor ne seroyent ilz pas a rejetter, puisqu'ilz conduisent a Dieu, ou au
moins qu'on les y conduit ; il faudroit seulement prendre garde a ne se point laisser surprendre,
selon les regles generales de l'usage des creatures.
Je vous diray maintenant ce que je vous avois promis. Il me semble que je vous voy
empressee avec grande inquietude a la queste de la perfection ; car c'est cela qui vous a fait craindre
ces petites consolations et ces sentimens. Or, je vous dis en verité, comme il est escrit au Livre des
370 Num., XIII, 21-28.
371 Cant., I, 2.
372 Ibid., vv. 1, 2.
373 I Tim., V, 23.
116/340

12.7 Page 117

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Rois374 : Dieu n'est ni au vent fort, ni en [166] l'agitation, ni en ces feux, mais en ceste douce et
tranquille portee d'un vent presque imperceptible. Laissés vous gouverner a Dieu, ne pensés pas
tant a vous mesme. Si vous desires que je vous commande, puisque vostre Mere Maistresse le veut,
je le feray volontier, et vous commanderay premierement, qu'ayant une generale et universelle
resolution de servir Dieu en la meilleure façon que vous pourres, vous ne vous amusies pas a
examiner et esplucher subtilement quelle est la meilleure façon. C'est une impertinence propre a
la condition de vostre esprit deslié et pointu, qui veut tyranniser vostre volonté et la contreroller
avec supercherie et subtilité.
Vous sçaves que Dieu veut en general qu'on le serve, en l'aymant sur tout, et nostre prochain
comme nous mesmes375 ; en particulier, il veut que vous gardies une Regle : cela suffit, il le faut
faire a la bonne foy, sans finesse et subtilité, le tout a la façon de ce monde, ou la perfection ne
reside pas ; a l'humaine et selon le tems, en attendant un jour de le faire a la divine et angelique et
selon l'eternité. L'empressement, l'agitation du dessein n'y sert de rien ; le desir y est bon, mays
qu'il soit sans agitation. C'est cest empressement que je vous defens expressement, comme la mere
imperfection de toutes les imperfections.
N'examinés donq pas si soigneusement si vous estes en la perfection ou non. En voyci deux
raysons : l'une, que pour neant examinons-nous cela, puisque, quand nous serions les plus parfaitz
du monde, nous ne le devons jamais sçavoir ni connoistre, mais nous estimer tous-jours imparfaitz.
Nostre examen ne doit jamais tendre a connoistre si nous sommes imparfaitz, car nous n'en devons
jamais douter. De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque
nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie ; ni nous en contrister, car il n'y a remede
; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement ;
car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissees, n'estans pas excusables de n'en
rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de [167] ne le faire pas entierement, car il n'en prend
pas des imperfections comme des pechés.
L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxieté et perplexité, n'est qu'une
perte de tems ; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se preparer a la bataille,
feroyent tant de tournois et d'exces entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se
treuveroyent las et recreuz376 ; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer
pour chanter un motet ; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point
de l'execution arrive, il n'en peut plus. Voyla mon premier commandement.
L'autre, en suite du premier : Si vostre œil est simple, tout vostre cors le sera, dit le
Sauveur377. Simplifiés vostre jugement, ne faites point tant de reflexions ni de repliques, mais allés
simplement et avec confiance. Il n'y a pour vous que Dieu et vous en ce monde ; tout le reste ne
vous doit point toucher, sinon a mesure que Dieu le vous commande et comme il le vous
commande. Je vous prie, ne regardés pas tant ça et la, tenes vostre veuë ramassee en Dieu et en
vous. Vous ne verrés jamais Dieu sans bonté, ni vous sans misere, et verrés sa bonté propice a
vostre misere et vostre misere objet de sa bonté et misericorde. Ne regardés donq rien que cela,
j'entens d'une veuë fixe, arrestee et expresse, et tout le reste en passant. Partant, n'espluchés gueres
ce que font les autres ni ce qu'ilz deviendront, mais regardés les d'un œil simple, bon, doux et
affectionné. Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la
diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante
et estrange. Faites comme les abeilles, succes le miel de toutes les fleurs et herbes.
Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans : pendant
qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour,
et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire : ainsy,
tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous
a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et
374 Lib. III, cap. XIX, 11, 12.
375 Matt., XXII, 37-40.
376 Cf. Ps. LXXVII, 9.
377 Matt., VI, 22.
117/340

12.8 Page 118

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choppemens que vous feres ; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous
jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité378. Allés joyeusement et a cœur ouvert le
plus que vous pourres ; et si vous n'alles pas tous-jours joyeusement, allés tous-jours
courageusement et confidemment. Ne fuyés pas la compaignie des Seurs, encor qu'elle ne soit pas
selon vostre goust ; fuyés plustost vostre goust, quand il ne sera pas selon la conversation des
Seurs. Aymés la sainte vertu de support et de sainte souplesse, car ainsy, dit saint Pol379, vous
accomplires la loy de Jesus Christ.
En fin, Dieu vous a donné un pere temporel sur lequel vous pouves prendre beaucoup de
consolation spirituelle ; 380 retenes ses advis comme de Dieu, car Dieu vous donnera beaucoup de
benedictions par son entremise. Il m'a envoyé sa traduction de l'Institution de Blosius381 : je l'ay
fait lire a la table et l'ay goustee incroyablement ; je vous prie, lises la et la savourés, car elle le
vaut. Au demeurant, quand il vous viendra des doutes en ceste vie que vous aves entrepris de
suivre, je vous advertis de ne vous pas attendre a moy, car je suis trop loin de vous pour vous
assister, cela vous feroit trop languir ; il ne manque pas de peres spirituelz pour vous ayder :
employés les avec confiance. Ce n'est pour desir que j'aye [169] de ne recevoir pas de vos lettres,
car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les desire, voire avec toutes les
particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la presente vous tesmoignera asses
que je ne me lasse pas de vous escrire) ; mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant
le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagee de l'ennemi.
Quant a mes sacrifices, ne doutés que vous n'y ayes part perpetuellement. Tous les jours je
vous presente sur l'autel avec le Filz de Dieu ; j'espere que Dieu l'aura aggreable. Asseurés de
mesme nostre Seur Anne Seguier382, ma fille tres chere en Jesus Christ, et madame vostre
Maistresse, de laquelle j'ay presenté les salutations au bon monsieur Nouvelet, qui en a fait grand
feste. Si vous sçavies la grande multiplicité des affaires que j'ay et l'embarrassement ou je suis en
ceste charge, vous auries pitié de moy et prieries quelquefois Dieu pour moy, et il l'auroit bien
aggreable.
Je vous en supplie, et la Seur Anne Seguier, dites souvent a Dieu, comme le Psalmiste383 :
Je suis vostre, sauvés moy, et comme la Magdeleine estant a ses piedz : Rabboni384, Ah, mon
Maistre ; et puys, laissés le faire. Il fera de vous, en vous, sans vous, et neanmoins par vous et pour
vous, la sanctification de son nom, auquel soit honneur et gloire.
Vostre affectionné et humble serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS DE SALES,
E. de Geneve tres indigne.
378 Cant., I, 1.
379 Galat., VI, 2.
380 Les précédentes éditions donnent ici la phrase suivante qui est évidemment une interpolation : « N'aymes point
plus vostre esprit que vostre cors. »
381 D'actives recherches pour découvrir la traduction de l'Institution spirituelle de Louis de Blois, dont M. de Soulfour
paraît être l'auteur, sont restées sans résultat. Il est certain toutefois que ce personnage n'était pas étranger à des travaux
de ce genre, ainsi que le prouve la part qu'il prit à la publication des Œuvres spirituelles et devotes du R. P. F. Loys
de Granate ; la Dédicace de cet ouvrage à Eléonore de Bourbon, abbesse de Fontevrault, est effectivement signée N.
de Soulfour. (Voir tome III de notre Edition, note (53), p. XXXVI).
Quant à la version française de l'Institution mentionnée ici, peut-être ferait-elle partie de la collection des
opuscules de Louis de Blois qui, d'après le P. Possevin dans son Apparatus Sacer, aurait paru à Douai, chez Balthazar
Bellère, en 1596. Probablement c'est cette traduction qui serait signalée dans un catalogue publié en 1603 par le même
éditeur, sous ce titre : Institution spirituelle avec l'apendice des livres de Taulere et autres exercices, par Loys du
Bloys, en 16 et 24.
382 Cette Religieuse, fille de Jérôme Séguier et d'Anne Viole, était alors âgée de dix-sept ans, et faisait partie depuis
deux ans de la Communauté des Filles-Dieu. Voici la notice que lui a consacrée le Nécrologe de ce monastère : « Le
premier jour de novembre 1641 trepassa en paix Reverende Mere Seur Anne Seguier, le 5e jour de sa maladie. Elle
estoit aagée de LVI ans, et de sa religion XLI. Elle avoit un bon esprit et fort religieux, extremement humble et patiente
a souffrir en silence, fort retirée, s'occupant et entretenant avec Dieu. Ses discours n'estoient que de choses saintes,
recherchant tousjours de plaire a Dieu. » (Archives nationales, LL 1657, fol. 70.)
383 Ps. CXVIII, 94.
384 Joan., XX, 16.
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A Neci, le 16 janvier 1603 [170]
CLXXV. A Madame de Beauvilliers, Abbesse de Montmartre385.
Souhaits pour la prospérité de l'abbaye. Prudence et charité
qu'il faut apporter à l'œuvre de la réforme. — Recourir aux
conseils de quelques personnes de piété.
Annecy, [janvier] 1603.
Madame,
386J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys,
car elle me387 tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire388 beaucoup, [171] et me donne advis
des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je
sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine
inclination que Dieu m'en a donné389.
J'espere qu'en nos jours on verra vostre mont sacré390 parsemé de fleurs dignes du sang
dont il a esté arrousé,391 et que leur odeur rendra tant de tesmoignage a la bonté de Dieu que ce
sera un vray mont de martyres392. La faveur que le Roy vous fit dans l'octave de vostre grand
385 Marie, fille de Claude de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, et de Marie Babou de la Bourdaisière, née en 1574,
avait pris à l'âge de douze ans l'habit de saint Benoît à l'abbaye de Beaumont, et à vingt-quatre ans devenait abbesse
de Montmartre. Tous ses efforts tendirent à introduire la réforme dans cet antique monastère. Elle rencontra les plus
violentes oppositions, mais l'appui que lui prêta son beau-frère, M. de Frêne, et les encouragements de plusieurs grands
serviteurs de Dieu, notamment de saint François de Sales, du Cardinal de Sourdis, du P. Benoît de Canfeld, l'aidèrent
à en triompher. Elle eut la joie de voir la régularité refleurir dans cette abbaye, qu'elle gouverna près de soixante ans,
et où elle mourut en grande réputation de vertu le 21 avril 1657.
386 [Un fragment d'une première minute de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy ; il est ici donné in-extenso.
Les cinq premières lignes sont écrites de la main d'un secrétaire et corrigées par le Saint.]
Ce me fut une [extreme] grande consolation de recepvoir la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys,
[quand je vis] y ayant veu que vous me sçavies bon gré de la souvenance que j'avois de vous et du saint monastere
que vous aves en charge ; [car cela me fait croyre que en contrechange vous vous resouvenes de moy en voz prieres...]
car j'ay creu que si vous me sçavies gré de si peu de chose comm'est la seule souvenance, vous [me sçauries...] auries
beaucoup plus aggreable [lhonneur et] l'estime que j'en fay, qui sont (sic) a la verité [extremes] bien grande [comme
je dois faire]. Et plus encores de ce que je vous puis asseurer selon Dieu que je prie sa bonté pour vous au saint sacrifice
de la Messe, et le fay avec une consolation particuliere en [l'esperance] la confiance que j'ay de voir en nos jours sur
vostre sacré mont un jardin spirituel plein de fleurs dignes du sang dont il fut arrousé. La faveur que le Roy vous fit
[le jour de st ...] dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant sa nomination, en est un [bon] asseuré præsage, dautant
plus quil a esté suivi de la reception de ces jeunes plantes dont vous m'escrives
387 [Les variantes qui suivent sont extraites du fragment autographe d'une seconde minute, conservé au Ier Monastère
de la Visitation de Paris.]
La lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys m'a doublement obligé a vostre charité, [pour le
tesmoignage qu'elle me donne de vostre bienveuillance et pour la consolation que j'ay receu de l'advis que vous m'aves
donné...] car elle
388 j'estime
389 advis du bien de vostre monastere, que je [souhaitte] cheris extremement [Et puis que vous desires que j'en
remercie nostre...] et duquel je me res-jouis de toute mon ame en Nostre Seigneur [de la bonté duquel...]
390 vostre sacré mont tout
391 [La suite de la phrase ne se trouve pas dans la minute.]
392 C'était une opinion généralement admise dès le
IXe siècle que saint Denis, apôtre de la France, avait, avec plusieurs autres, enduré le martyre sur la colline qui aurait
pris, en souvenir de leur triomphe, le nom de Mons Martyrum ou Montmartre.
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12.10 Page 120

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Apostre, quittant la393 nomination, en est un bon præsage, mesmement estant accompagné de la
bonne volonté394 de ces vertueux espritz qui concourent395 avec le vostre au desir d'un'entiere
reformation,396 Je represente souvent a l'autel ce saint dessein a Celuy qui l'a [172] dressé et qui
vous a donné l'affection de l'embrasser, affin qu'il vous face la grace de le parfaire397. Il m'est advis
que j'en voy la porte ouverte. Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnés a la simplicité et
confiance dont j'use), que, parce que ceste porte est estroitte398 et malaysee a passer, vous prenies
la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une apres l'autre ; car de les y
vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire. Les unes ne
vont pas si viste que les autres. Il faut avoir esgard aux vielles : elles ne peuvent s'accommoder si
aysement ; elles ne sont pas souples, car les nerfz de leurs espritz, comme ceux de leurs cors, ont
des-ja fait contraction.
Le soin que vous deves apporter a ce saint ouvrage doit estre un soin doux, gracieux,
compatissant, simple et debonnaire. Vostre aage et, ce me semble, vostre propre complexion le
requiert ; car la rigueur n'est pas seante aux jeunes. Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait
c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité
et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul,
condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses399.
Sur tout, je vous supplie, prevales vous de l'assistence de quelques personnes spirituelles,
desquelles le choix vous sera bien aysé a Paris, la ville estant fort grande ; car je vous diray, avec
la liberté d'esprit que je dois employer par tout, mays particulierement en vostre endroit : vostre
sexe veut estre conduit, et jamais, en aucune entreprise, il ne reuscit que par la sousmission ; non
que bien souvent il n'ayt autant de lumiere que l'autre, mais parce que Dieu l'a ainsy establi400. J'en
dis trop, Madame, puisque je ne doute point de vostre charité et humilité ; [173] mais je n'en dis
pas asses selon l'extreme desir que j'ay a vostre bonheur, auquel seul vous attribueres, s'il vous
plait, ceste façon d'escrire, car je n'ay sceu retenir mon esprit de vous presenter naïfvement ce que
ceste affection luy suggere.
Au demeurant, Madame, ne doutés point que je ne vous communique et applique beaucoup
des sacrifices que Nostre Seigneur me permet de luy presenter. Je vous supplie de les
contrechanger de vos prieres et plus ferventes devotions. Vous n'en donneres jamais part a
personne qui soit de meilleur cœur, ni plus que moy,
Madame,
Vostre tres humble et tres affectionné serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
_____
Louis le Gros fonda sur cette colline (1133) la royale abbaye que Marie de Beauvilliers travaillait alors à
réformer. Celle-ci obtint en octobre 1602 un édit aux termes duquel le roi renonçait à son droit de nomination et
stipulait qu'après la mort de la suppliante, l'abbesse serait élue par les Religieuses de trois on trois ans.
393 sa
394 mesmement [ayant esté suivi...] estant accompagné de la reception de ces jeunes plantes dont vous m'escrivés
et de la volonté de plusieurs autres
395 concurrent
396 Madame, ne doutes point que je ne represente en la Messe ceste ste affection a Celuy qui vous l'a donnee, affin quil
la fortifie [et l'assiste] de sa grace [Il en a mis en mon cœur un soin particulier...], sans la perpetuelle assistence de
laquelle tous nos effortz sont foibles et inutiles. [C'est pourquoy, Madame, vostre dessein, qui est st... tres bon, a
besoin...] Et pour vray, j'ay un certain soin en mon cœur [du succes de vostre bienheureux dessein] qui me fait en
desirer des nouvelles, y penser bien souvent encores hors de l'autel et si…
397 Cf. Philip. I, 6, II, 13.
398 Matt., VII, 13, 14.
399 Cf. I Cor., IX, 22.
400 Gen., III, 16.
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CLXXVI. Au Père Guillaume Boulliette, Cordelier401 (Inédit).
Billet d'affaires.
Annecy, 18 janvier 1603.
Monsieur,
Je vous remercie de l'advis que vous me donnés touchant la resolution de messieurs de
Saint Claude et du soin quil vous plait avoir de cet affaire pour la gloire de Dieu et le bien des
brebis quil m'a commises. Je m'en [174] sens fort obligé et redevable a vostre charité, a laquelle
j'offre de tres bon cœur mon service en contreschange, et demeure,
Monsieur,
Vostre confrere et serviteur bien humble,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Neci, XVIII, 1603.
A Monsieur
Monsieur le P. Boulliette,
Gardien du Convent St Françs de Moyrens.
Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Moirans (Isère).
_____
CLXXVII. Au Chevalier Joseph de Ruffia (Inédite). Réponse à
une lettre de félicitation
Annecy, 22 janvier 1603.
Monsieur,
Je receu nagueres une des lettres quil vous a pleu m'escrire, si pleyne de tesmoignages de
vostre bienveuillance que je n'en pourray jamais tant meriter. Je voudrois que la resjouissance que
vous prenés de ma promotion a ceste charge eut autant de sujet en ma capacité et suffisance
comm'ell'en a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer ; Dieu, par sa bonté, m'aydera et
suppleera a ce qui me manque. Cependant, Monsieur, je vous supplie, croyes que tout tel que je
suis, je ne cederay jamais a pas un de ceux qui vous sont acquis en affection et fidelité ; dequoy
quand il vous plaira de tirer les preuves en m'employant, je le prendray en singuliere faveur,
comme j'eusse fait a vous rendre service sur le particulier sujet pour lequel vous m'escrivies que
[175] vostre agent s'addresseroit a moy, ce quil n'a pas fait jusques a l'heure.
Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne
le comble de ses graces, comme doit celuy qui est
Vostre humble et treès affectionné serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
401 Tout ce que nous avons pu découvrir sur le P. Guillaume Bolliette ou Boulliette, Gardien du couvent des Cordeliers
de Moirans, est qu'il était docteur en théologie, et qu'en 1607 il s'occupait à faire achever les cloîtres de son monastère.
Si l'on en croit l'historien de cette maison, elle aurait été fondée en 1220, et serait le troisième couvent que
l'Ordre possédât en France. Du moins lisait-on au-dessus de la porte de l'église : Prima domus Ordinis Sancti Francisci
in Delphinatu.
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13.2 Page 122

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A Neci, le 22 janvier 1603.
A Monsieur
Monsieur de Rufia,
General de l'artillerie pour S. A.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Ruffia, près de Turin.
_____
CLXXVIII. A M. Antoine de Revol, Évêque nommé de Dol402
(Fragment inédit)
Annecy, 31 janvier 1603.
Je vous envoyeray l'advis que vous desires de moy touchant la preparation requise pour
subir le faix qui pend meshuy sur vos espaules. Dieu, pour le service et gloire duquel je vous le
desire, vous veuille disposer luy mesme de sa main, affin que vous soyes son bon serviteur et
fidelle403
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [176]
_____
402 Antoine de Revol, originaire du Dauphiné, était né à Paris en 1548. Destiné d'abord à la carrière militaire, il
l'abandonna ensuite pour entrer dans l'état ecclésiastique, et devint chanoine régulier de Saint-Ruf en Dauphiné,
chanoine et chantre de la cathédrale de Dol, et enfin évêque de cette ville. Il fut sacré à Saint-Martin-des-Champs, le
6 janvier 1604, et prit possession le 20 février suivant. Durant les vingt-cinq années de son épiscopat, Mgr de Revol se
fit une règle de conduite des avis reçus de saint François de Sales, à qui l'unissait une profonde amitié. Il mourut en
son manoir épiscopal des Ormes, le 6 août 1629.
403 Matt., XXV, 21, 23.
122/340

13.3 Page 123

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CLXXIX. A une tante404. Condoléances sur la mort de son mari.
Annecy, 13 mars 1603.
Madame ma Tante,
Si je ne sçavois que vostre vertu vous peut donner les consolations et resolutions
necessaires a supporter avec un courage chrestien la perte que vous aves faitte, je m'essayerois a
vous en presenter quelques raysons par ceste lettre ; et, s'il estoit requis, je vous les porterois moy
mesme. Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon
playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la
consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous
devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher. Aussi bien
faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi ; et les premiers
ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a
fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses
amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir
beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte. Et ce desplaysir ne nous est pas defendu,
pourveu que nous le moderions par l'esperance que nous avons de ne demeurer gueres separés,
mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre [177] repos, Dieu nous en
faysant la grace. Ce sera la ou nous accomplirons et parfairons sans fin les bonnes et chrestiennes
amitiés que nous n'avons fait que commencer en ce monde. C'est la principale pensee que nos amis
decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees
tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances.
Cependant, Madame ma Tante, j'ay tant d'affection a la memoire de nostre deffunct et a
vostre service, que vous accroistres infiniment l'obligation que j'y ay si vous me faites l'honneur
de me commander avec toute liberté et de m'employer en grand'asseurance. Faites le, je vous
supplie de tout mon cœur, et je prie Nostre Seigneur qu'il accroisse en vous ses saintes consolations
et vous comble des graces que vous souhaitte,
Madame ma Tante,
Vostre tres humble neveu et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
De Neci, ce 13 mars 1603.
_____
404 Il n'a pas été possible, malgré d'actives recherches, de découvrir la destinataire de cette lettre ; car saint François
de Sales n'a perdu dans les premiers mois de l'année 1603 aucun frère ou beau-frère de son père et de sa mère. On sait
du reste qu'il prodiguait les titres d'oncle et de tante non seulement à des cousins germains de M. et de Mme de Boisy,
mais encore à des parents très éloignés.
123/340

13.4 Page 124

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CLXXX. A M. Charles d'Albigny405. Prochain départ pour le
Piémont. Désir d'obtenir une lettre de recommandation
auprès du duc. Il implore sa protection pour un curé fait
prisonnier par les Genevois.
Annecy, 29 mars 1603.
Monsieur,
Je m'attendois, sur l'esperance que vous m'en avies donnee, d'avoir l'honneur de vous voir
en cette ville [178] quelques jours de cette Semaine Sainte. C'est pourquoi je ne me suis point
resolu d'en partir pour vous aller saluer et demander vos commandemens avant mon despart pour
Piemont406 ; ce que j'eusse fait, sans doute, si je ne me fusse promis le premier bonheur.
Maintenant, pour rendre a point nommé obeissance aux intentions de Son Altesse, je me resouz de
partir lundi prochain ; encor ne sçai-je si sera asses tost pour treuver Leurs Altesses en Piemont407.
Je vous supplie, Monsieur, de me conserver tous-jours lhonneur de vostre bienveuillance, et de me
favoriser d'une recommandation qui me face bien tost despecher ; car outre ce, qu'ayant fait la
fidelité que je dois je seray fort inutile de dela, je laisse un grand amas d'affaires spirituelles de
deça qui, de leur nature, requierent la presence de l'Evesque. Je me prometz aysement cette faveur
de vostre bonté, en laquelle seule je puis prendre la confiance que je prens de la vous demander si
franchement.
Outre cela, Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier,
qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Geneve408,
affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa delivrance par [179] quelque
eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité ; et je puis vous asseurer
qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort
bien son devoir.
Ce pendant, je prie tous-jours sa divine Majesté quil accroisse de jour en jours ses graces
et benedictions sur vous, de qui je seray toute ma vie,
Monsieur,
Plus humble et plus affectionné serviteur,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Neci, le Samedi St 1603.
405 Charles de Simiane de Gordes, seigneur d'Albigny, Bully, Montroman, etc., était issu d'une illustre famille de la
Provence. Après s'être distingué dans le parti de la Ligue durant les guerres de religion, il passa au service du duc
Charles-Emmanuel Ier, qui le nomma chevalier de l'Annonciade, gouverneur de Savoie, le créa marquis de Maret,
Roat, et lui fit épouser (26 février 1607) sa sœur légitimée, donna Mathilde de Savoie. Mais la haute faveur dont
jouissait alors d'Albigny ne fut pas de longue durée : convaincu d'avoir entretenu de secrètes intelligences avec
l'Espagne, il eut la tête tranchée à Moncalieri le 17 janvier 1608. Ses serviteurs furent mis en prison et sa veuve,
enfermée dans un monastère.
406 Le but de ce voyage était de prêter serment de fidélité au duc et au prince de Piémont et de leur faire hommage
pour la seigneurie de Thy en Sallaz, qui appartenait aux Evêques de Genève dès l'année 1183. C'était la seule des
terres de l'évêché dont les Genevois ne se fussent pas emparés. La prestation de serment eut lieu à Mondovì, le 1cr
mai 1603.
407 Le duc de Savoie envoyait en Espagne ses fils, Philippe, prince de Piémont, Victor-Amédée et Philibert, dans
l'espoir que l'un d'eux hériterait du trône de leur oncle, Philippe III, qui alors n'avait pas d'enfant mâle. Cet ambitieux
espoir devait être déçu : l'aîné des trois mourut à Madrid en février 1605, et le 8 avril suivant, un fils naissait au roi
d'Espagne.
408 François Burgiat ou Duborjal, ordonné prêtre le 25 décembre 1584, avait été institué curé de Beaumont le 24 août
1591 ; il desservait encore cette paroisse en 1632. C'est vraisemblablement de cet ecclésiastique qu'il est question dans
le Journal d'Esaïe Colladon, à la date du 6 (vieux style) soit 16 mars 1603 : « ... au soir sortirent quelque 7 ou 8 des
nôtres... Ils amenerent le matin 3 ou 4 prisonniers, dont l'un etoit pretre. »
124/340

13.5 Page 125

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A Monsieur
Monsieur d'Albigni,
Lieutenant general de S. A. deça les montz,
Chevallier de son Ordre, etc.
Revu sur l'Autographe conservé à Sienne, Archives de l'Etat.
_____
CLXXXI. A Mademoiselle de Soulfour409. Ne pas chercher au
loin des directeurs à consulter. La trop grande multiplicité de
désirs est contraire à la perfection ; il faut exécuter ceux qui sont
le plus à notre portée et restreindre les autres. Promesse de
prières. — Souvenir conservé à Sœur Anne Séguier.
Annecy, [avril-mai] 1603.
Madamoyselle ma tres chere Fille en Jesus Christ,
J'ay receu vostre lettre en laquelle vous vous essayes de me descouvrir l'estat de vostre
esprit. Je ne puis nier que je ne sois beaucoup consolé de voir la confiance que vous aves en mon
affection en vostre endroit, laquelle aussi est autant grande et constante que vous la sçauries
desirer. Dieu donq soit loué en tout et par tout. Mays je m'en vay vous dire deux ou trois petitz
motz sur le sujet de vostre lettre. [180]
Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir
recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous
mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.
C'est une maladie d'esprit a ceux qui sont malades au cors de desirer les medecins esloignés et les
preferer a ceux qui sont presens. Il ne faut desirer les choses impossibles, ni bastir sur les difficiles
et incertaines. Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut secourir par toutes sortes d'instrumens
; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer
ceux qui sont pres de nous. Pendant que j'estois la je n'eusse pas rejetté ceste persuasion ; mais
maintenant elle est du tout hors de sayson.
Apres cela il me semble que vous aves rencontré le vray sujet de vostre mal, quand vous
me dites qu'il vous est advis que c'est une multitude de desirs qui ne pourront jamais estre
accomplis. C'est sans doute une tentation pareille a la precedente ; ains celle ci est la piece entiere
de laquelle l'autre n'est qu'un eschantillon. La varieté des viandes, si elles sont en grande quantité,
charge tous-jours l'estomach ; mais s'il est foible, elle le ruine. Quand l'ame a quitté les
concupiscences et qu'elle s'est purgee des affections mauvaises et mondaines, rencontrant les
objetz spirituelz et saintz, comme toute affamee elle se remplit de tant de desirs et avec tant
d'avidité qu'elle en est accablee. Demandés les remedes a Nostre Seigneur et aux peres spirituelz
que vous aves aupres de vous ; car iceux, touchant vostre mal avec la main, connoistront bien quelz
remedes il y faut appliquer. Neanmoins je vous diray nuement ce qui m'en semble.
C'est que si vous ne commences a mettre en execution quelques uns de ces desirs, ilz se
multiplieront tous-jours et s'embarrasseront avec vostre esprit en sorte que vous ne sçaures comme
vous en demesler. Il faut donq venir aux effectz. Mays par quel ordre ? Il faut commencer par les
effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir : par exemple, il n'est pas
409 Voir ci-dessus, note (369), p. 163.
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13.6 Page 126

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[requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire
quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité ; car ce sont desirs fondamentaux, et
sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés. Or, exercés vous fort a la
production des effectz de ces desirs la, car l'occasion ni le sujet ne vous en manqueront pas. Cela
est entierement en vostre pouvoir, et partant vous deves les executer ; car en vain feres vous dessein
d'executer les choses dont le sujet n'est pas en vostre puissance ou est bien esloigné, si vous
n'executes celles que vous aves a vostre commandement. Partant, executés fidellement les desirs
bas et grossiers de la charité, humilité et autres vertuz, et vous verrés que vous vous en treuveres
bien. Il faut que Magdeleine lave premierement les piedz de Nostre Seigneur, les bayse, les
torche410, avant que de l'entretenir cœur a cœur au secret de la meditation411, et qu'elle respande
l'unguent sur son cors avant que de verser le bausme de ses contemplations sur sa Divinité.
Il est bon de desirer beaucoup ; mais il faut mettre ordre aux desirs, et les faire sortir en
effect, chacun selon sa sayson et vostre pouvoir. On empesche les vignes et les arbres de porter
des feuilles affin que leur humidité et suc soit par apres suffisant pour rendre du fruict, et que toute
leur force naturelle ne s'en aille en la production trop abondante des feuilles. Il est bon d'empescher
cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des
effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des
choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il
met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous.
Nostre Seigneur compare l'ame desireuse de la perfection a la femme grosse qui enfante412
; mais a la verité, si la femme enceinte vouloit produire deux ou plusieurs enfans a la fois, et tous
deux ensemble, elle ne le sçauroit faire sans mourir ; il faut qu'ilz sortent l'un apres l'autre. [182]
Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les desirs du service de Dieu, les uns apres les
autres, et vous sentires un grand allegement.
Mais en fin, si vous ne treuves point de repos en ces remedes, ayés patience ; attendés que
le soleil soit levé, il dissipera ces broùillars. Ayés bon courage : Cette maladie ne sera pas a la
mort, mais affin que Dieu soit glorifié par icelle413. Faittes comme ceux qui sentent les ennuis et
desvoyemens d'estomach sur la mer ; car apres qu'ilz ont roulé et leur esprit et leur cors par tout le
navire pour treuver allegement, ilz viennent en fin embrasser l'arbre et le mat d'iceluy, et le serrent
estroittement pour s'asseurer contre le tournoyement de teste qu'ilz souffrent. Il est vray que
l'allegement leur est court et incertain ; mays si vous venes avec humilité embrasser le pied de la
Croix, si vous n'y treuves autre remede, au moins y treuveres-vous la patience plus douce
qu'ailleurs, et le trouble plus aggreable.
Je vous ay voulu dire quelque chose, plus pour vous tesmoigner le desir que j'ay de vostre
bien que pour penser que je sois capable de vous y servir. Ne doutés point, au reste, que je ne vous
recommande a ce Pere de lumiere414 ; je le fay avec une tres grande volonté et inclination, croyant,
pour ma consolation, que vous me rendrés fidellement le reciproque, dont j'ay a la verité bon
besoin, pour estre embarqué en l'endroit le plus tempestueux et tourmenté de toute cette mer de
l'Eglise.
Je n'oublie point non plus la bonne Seur Anne Seguier, que je cheris tendrement en Jesus
Christ. Dieu veuille estre son protecteur en sa sortie415. Je la vous recommande quand elle sera
410 Lucæ, VII, 37, 38.
411 Ibid., X, 39.
412 Joan., XVI, 21, 22.
413 Joan., XI, 4.
414 Jacobi, I, 17.
415 Ou ce projet de sortie ne s'effectua pas, ou le séjour de la Religieuse hors du monastère ne fut que de courte durée,
puisqu'il n'est pas mentionné dans sa notice. (Voir ci-dessus, note (382), p. 170.)
Le nom de Sœur Anne Séguier, qui figure dans les premières éditions, est supprimé à partir de celle de 1637
inclusivement. L'intéressée, qui survécut encore neuf ans, ou quelqu'un des siens aura probablement réclamé cette
suppression.
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13.7 Page 127

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chez son pere416, car elle ne sera pas [183] dehors. Elle ne treuvera pas, peut estre, un autre
monastere chez son pere comme vous aves treuvé chez le vostre ; neanmoins j'espere que Dieu la
fera cheminer devant luy et estre parfaitte417, car j'ay confiance en la misericorde de Dieu qu'elle
en fera quelque chose de mieux.
Je finis, vous priant de continuer en la resolution que vous faittes au milieu de vostre lettre
quand vous dites : Je proteste devant Dieu et devant vous que je ne veux que luy et ne veux servir
qu'a luy. Amen. « Cela est digne est juste418, » puisqu'aussi luy ne veut de vous que vous mesme.
Je suis inviolablement et de tres bon cœur,
Madamoyselle ma très chere Fille en Jesus Christ,
Vostre tres affectionné serviteur en ce mesme Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
_____
CLXXXII. A la Duchesse de Nemours, Anne d'Este419 (Minute).
But du voyage à Turin, dont le Saint est revenu depuis trois
jours. Le duc de Savoie parti pour Nice. Les
ecclésiastiques persécutés par les Genevois.
Annecy, vers le 18 mai 1603.
Madame,
420Ce m'est un extrem'honneur d'estre si avant en vostre souvenance que non seulement421
vous ayes daigné [184] m'escrire le 16 avril, mais aussi il vous aye pleu de422 tesmoigner que vous
auries aggreable de recevoir de mes lettres. Mais la favorable plainte que vous me faites a
moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de
vous en envoyer comme j'en ay eu de desir ; car, en l'asseurance de vostre bonté, Madame423, je
n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la reverence par lettres, si je n'eusse esté empesché
par le voyage et sejour que j'ay esté contraint de faire en Piemont, pour obtenir la mainlevee des
revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu apres que je fus fait Evesque.
D'ou je ne suis de retour que des trois jours en ça, ayant esté despeché seulement au dernier jour
416 Jérôme Séguier, successivement conseiller au Grand Conseil, maître des requêtes et président au Grand Conseil. Il
avait épousé Anne Viole le 4 novembre 1584.
417 Gen., XVII, 1.
418 In Præfat. Missæ.
419 Anne d'Este, fille aînée d'Hercule II, duc de Ferrare, et de Renée de France, fille de Louis XII, avait épousé en
premières noces (1548) François de Lorraine, duc de Guise, et en secondes noces (1566), Jacques de Savoie, duc de
Nemours. On sait quel rôle prépondérant les princes de Guise ses fils jouèrent durant les guerres de religion, et
comment furent massacrés à Amboise le duc et le Cardinal (1588). Leurs frères utérins avaient été entraînés par eux
dans le parti de la Ligue. Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours, fait prisonnier à Blois avec sa mère, put s'évader
comme elle ; après l'assassinat du roi il devint gouverneur de Paris, soutenu qu'il était par l'ardeur fanatique de la
duchesse. Celle-ci, dès que la paix fut rendue à l'Etat, put se livrer de nouveau à son goût pour les lettres et les arts.
Elle mourut à Paris le 17 mai 1607, et fut, le 6 juin suivant, inhumée dans l'église de Notre-Dame d'Annecy, où saint
François de Sales prononça son oraison funèbre.
420 [Quand j'ay veu] La lettre quil vous pleut [m'escrire le...] m'envoyer du 16 avril, [je n'ay sceu si je devois plus
admirer...] me feroit rougir de honte d'avoir attendu [la faveur] lhonneur de la semonce que vous me faittes de vous
escrire, [si j'eusse esté... si mon absence]
La lettre quil vous a pleu m'envoyer du 16 avril, avec la semonce que vous me faittes de vous escrire
421 non seulement [il vous aye pleu...]
422 de [me semondre a vous demander... commander... desirer de mes lettres plus souvent.]
423 car, appuyé sur vostre bonté, Madame, et [sur la bienveuillance quil vous... de vostre grace...]
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13.8 Page 128

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que Son Altesse fut en Piemont, apres lequel il partit pour aller a Nice conduire Messeigneurs les
Princes424 sur la mer pour le voyage d'Espagne, lequel, autre chose ne survenant, je tiens des ormais
pour fait : et ce sont toutes les nouvelles de Piemont.
Et quant a celles de ce pais, elles sont425 si desagreables que je ne pense pas vous en devoir
entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous,
et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni
composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises426. Nostre
Seigneur y veuille mettre sa bonne main pour nous donner sa sainte paix.
427Ce pendant je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de mon
frere428 et la429 supplie de me continuer lhonneur de cette bienveuillance quil luy plait me porter,
bien que j'en sois indigne. Et je prieray tous-jours Dieu quil luy playse de vous donner, (sic) me
croyant tous-jours fidelle et430 affectionné au service de Vostre Excellence et de Monseigneur son
filz…
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
CLXXXIII. A M. François de Menthon de Lornay Doyen de
Notre-Dame d'Annecy431. Ordonnance relative au choix des
dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-
Dieu.
Annecy, 27 mai 1603.
Monsieur le Doyen,
Je veux absolument et sans replique que vos chantres, le sousdiacre que vous me donneres
et l'encenseur [186] soyent des chanoynes, nonobstant toutes vos coustumes, puisque ceux de mon
eglise sont de cette qualité la. Je le commande a vostre Chapitre et a vous, en vertu de la sainte
obedience et sub pœna excommunicationis latæ sententiæ.
En foy dequoy j'ay signé la presente.
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
A Neci, 27 may 1603.
A Monsieur le Doyen de Nostre Dame.
Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.
424 les Princes [jusques a... pour prendre mer...]
425 elles sont [telles... si fascheuses que... extremement...]
426 Voir ci-après, p. 197, la lettre à M. de Soulfour.
427 [Il me reste de saluer... remercier...]
428 Ce frère pourrait être Bernard de Sales, qui séjourna quelque temps à Paris, ainsi que l'indique notre Saint dans une
lettre du 7 mars 1608.
429 mon frere — [C'est l'un des effectz de vostre grande charité et bonté de cœur ;] et la [supplier, comme je fay en
toute humilité...]
430 tous-jours [autant] fidelle et [passionné]
431 François de Menthon de Lornay, destiné dès l'enfance à l'état ecclésiastique, avait été condisciple du Saint à Paris
et à Padoue. Alors déjà le jeune étudiant se qualifiait « chanoine et sacristain de Nostre Dame de Liesse. » (R. E.) Il
devint doyen de ce Chapitre le 14 décembre 1595, et mourut en juillet 1614.
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13.9 Page 129

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_____
CLXXXIV. A M. Antoine de Revol, Évêque nommé de Dol.
Envoi d'une pièce sollicitée pour lui à Rome. Obligation pour
un évêque de transformer sa vie. Il lui serait utile de se lier
avec quelques grands serviteurs de Dieu ; éloge de plusieurs
d'entre eux. Livres à consulter surtout pendant cette première
année. Avoir une grande dévotion aux saints Anges.
L'Evêque est tenu de prêcher son peuple
Annecy, 3 juin 1603.
Monsieur,
J'ay receu deux de vos lettres, ausquelles je n'ay pas encor fait response parce que, quand
elles arriverent icy, je n'y estois pas, mais en Piemont, ou j'ay esté contraint de faire un voyage
pour les biens temporelz de cet evesché. Maintenant, Monsieur, je vous envoye la provision de
Rome que vous desiries, laquelle j'ay ouverte pour sçavoir si tout ce dont vous avies besoin y estoit
; et je voy que tout y est, et quelque chose davantage, dont vous n'aves que faire, ne prejudiciant
en rien a la provision pour le reste qui vous est requis. Voyla donques ma promesse accomplie
pour ce particulier. Que s'il vous reste quelque difficulté, prenés en la mesme confiance [187] avec
moy ; je vous asseure, Monsieur, que jamais je ne me lasseray de rendre du service a vostre
consolation et a vostre esprit, lequel j'espere que Dieu addressera pour le service de plusieurs
autres.
L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies
occupations qui m'accablent ; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette
qualité. Neanmoins, voyci un abbregé de ce que j'ay a vous proposer.
Vous entrés en l'estat ecclesiastique et, tout ensemble, en la cime de cet estat. Je vous diray
ce qui fut dit a un berger choisi pour estre Roy sur Israël : Mutaberis in virum alterum432 ; il faut
que vous soyes tout autre en vostre interieur et en vostre exterieur. Et pour faire cette grande et
solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout ; et pleust a Dieu que nos
charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir
toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent. Mais il n'en est pas ainsy ; car bien
souvent nous nous embarquons et mettons la voile au vent estans tres cacochymes, et plus nous
voguons et avançons en la haute mer, plus nous acquerons de mauvaises humeurs. Helas, Dieu soit
loué, qui vous a donné le desir de n'en faire pas de mesme ; j'espere qu'il vous en donnera encor le
pouvoir affin que son œuvre soit parfaitte en vous433.
Pour vous ayder a ce changement il faut que vous employes les vivans et les mortz : les
vivans, car il vous faut treuver un ou deux hommes bien spirituelz, de la conversation desquelz
vous puissies vous prevaloir. C'est un extreme soulagement que d'avoir des confidens pour l'esprit.
Je laisse a part M. du Val434, qui est bon a tout [188] et universellement propre pour semblables
432 I Reg., X, 6.
433 Philip., I, 6, II, 13.
434 André Duval ou du Val, né à Pontoise le 15 janvier 1564, avait abandonné l'étude du droit pour se livrer à celle de
la théologie. Il reçut le bonnet de docteur le 13 mars 1594, des mains du Cardinal de Plaisance, Légat en France, devint
prieur de Sorbonne, et remplit pendant quarante-deux ans la chaire de théologie fondée par Henri IV à la prière de M.
de Sancy. L'enseignement ne l'empêcha pas de donner plus de dix-huit stations quadragésimales, d'évangéliser les
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13.10 Page 130

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offices. Je vous en nomme un autre, M. Galemand, curé d'Aumale ; si par fortune il estoit a Paris,
je sçay qu'il vous ayderoit beaucoup. Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a
beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de Berulle ;
il est tout tel que je sçaurois desirer d'estre moy mesme. Je n'ay gueres veu d'esprit qui me revienne
comme celuy la, ains je n'en ay point veu ni rencontré ; mais il y a ce mal, c'est qu'il est
extremement occupé. Il faut s'en prevaloir avec autant de confiance que de nul autre, mais avec
quelque respect a ses affaires. J'ay un tres grand amy, que M. Raubon connoist : c'est M. de
Soulfour ; il peut beaucoup en ces occasions. Je desirerois que vous le conneussies, estimant que
vous en auries beaucoup de consolation.
Quant aux mortz, il faut que vous ayes une petite bibliotheque de livres spirituelz de deux
sortes : les uns pour vous entant que vous seres ecclesiastique, les autres pour vous entant que vous
seres Evesque. De la premiere sorte vous en deves avoir avant que d'entrer en charge, et les lire et
mettre en usage ; car il faut commencer par la vie monastique avant que de venir a l'œconomique
et politique. Ayés, je vous prie, Grenade tout entier435, et que ce soit vostre second breviaire ; le
Cardinal Borromee436 n'avoit point d'autre theologie pour prescher que celle la, et neanmoins il
preschoit tres bien. Mays ce n'est pas la son principal usage : c'est qu'il dressera vostre esprit a
l'amour de la vraye devotion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont necessaires. Mon
opinion seroit que vous commençassies a le [189] lire par la grande Guide des Pecheurs437, puis
que vous passassies au Memorial438, et en fin que vous le leussies tout. Mais pour le lire
fructueusement il ne le faut pas gourmander, ains le faut peser et priser, et chapitre apres chapitre
le ruminer et appliquer a l'ame avec beaucoup de consideration et de prieres a Dieu. Il faut le lire
avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut
recevoir d'en haut ; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation
de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes
resolutions.
Apres Grenade, je vous conseille fort les Œuvres de Stella, notamment De la vanité du
monde439, et toutes les Œuvres de François Arias, Jesuite440. Les Confessions de saint Augustin
vous seront extremement utiles, et, si vous m'en croyes, vous les prendres en françois de la
traduction de Monsieur Hennequin, Evesque de Rennes441. Bellintani, Capucin442, est encores
propre pour y voir distinctement plusieurs belles considerations sur tous les mysteres de nostre
foy, et les Œuvres de Costerus, Jesuite443. Mais apres tous, il me souvient de [190] vous
pauvres, et de s'occuper, de concert avec MM. de Bérulle et Gallemand, de l'introduction et du gouvernement de
l'Ordre du Carmel en France. Saint Vincent de Paul, qui l'avait choisi pour confesseur, disait que la Congrégation de
la Mission devait « une bonne partie de son origine et de son institution au vénérable André, » et il ajoutait : « Tout
est saint dans M. Duval. » Quand le célèbre docteur mourut, le 9 septembre 1638, il était senior et doyen de la Faculté.
On lui doit plusieurs traités de théologie, entre autres De suprema Romani Pontificis in Ecclesiam potestate, et une
Vie de la Bienheureuse Marie de l'Incarnation.
435 Voir notre tome III, note (53), p. XXXVI.
436 Il s'agit de saint Charles Borromée, canonisé en 1610.
437 La Guide des Pecheurs, ou est enseigné tout ce que le Chrestien doibt faire depuis le commencement de sa
conversion jusques la fin de sa perfection. Translatée d'Espaignol en François par Paul du Mont, Douysien. A Douay,
Jean Bogard, 1577.
438 Memorial de la Vie Chrestienne, traduit en François du commandement du Cardinal de Lorraine par N. Colin. A
Douay, chez Jean Bogard, 1576.
439 Il dispreggio della vanita del Mondo, del R. P. F. Diego di Stella, dell' Ordine di San Francesco osservante,
nuovamente tradotto dalla Spagnuola nella lingua Italiana da Gieremia Foresti. Venezia, Angelieri, 1575.
440 Les principaux ouvrages da P. Arias (1533-1605) qui avaient été publiés en français ou en italien à cette époque
sont : Il profitto spirituale. Venezia, 1595.Traicté de l'Imitation de N. D. Paris et Pont à Mousson, 1595, 1596.
Traicté de l'Oraison mentale ou Meditations des mysteres de la Vie et Passion de N. S. Lyon, 1598 ; Douai, 1599.
L'Usance de la Confession et S. Communion. Anvers, 1601.
441 Confessions de S. Augustin. Paris, 1577.
442 Prattica dell' Oratione mentale di Matthia Bellintani da Salò. Venezia, Dusinelli, MDXCII.
443 Coster François, Jésuite flamand (1531-1619). Enchiridion Controversiarum præcipuarum nostri temporis, in
gratiam Sodalitatis B. M. V. Coloniæ, 1585, 1587. Piarum ac Christianarum Institutionum libri tres, in usum
Sodalitatis B. M. V. Coloniæ, 1581. De universa historia Dominicæ Passionis meditationes 50. Antwerpiæ, 1588.
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14 Pages 131-140

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14.1 Page 131

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recommander les Epistres spirituelles de Jan Avila444, esquelles je suis asseuré que vous verrés
plusieurs belles considerations et leçons pour vous et pour les autres ; et, tout d'un train, je vous
recommande les Epistres de saint Hierosme, en son excellent latin.
Entant qu'Evesque, pour vous ayder a la conduitte de vos affaires, ayés le livre des Cas de
conscience, du Cardinal Tolet445, et le voyés fort : il est court, aysé et asseuré, il vous suffira pour
le commencement. Lises les Morales de saint Gregoire et son Pastoral ; saint Bernard en ses
Epistres et es livres de la Consideration. Que s'il vous plait d'avoir un abbregé de l'un et de l'autre,
ayés le livre intitulé Stimulus Pastorum, de l'Archevesque Braccarense, en latin, imprimé chez
Keruer446. De Decreta Ecclesiæ Mediolanensis vous est necessaire, mays je ne sçai s'il est imprimé
a Paris. Item, je desire que vous ayes la Vie du bienheureux Cardinal Borromee, escritte au long
par Charles a Basilica Petri447 en latin, car vous y verrés le modelle d'un vray pasteur ; mais sur
tout ayés tous-jours es mains le Concile de Trente et son Catechisme.
Je ne pense pas que cela ne vous suffise pour la premiere annee, pour laquelle seule je parle
; car pour le reste, vous seres mieux conduit que cela, et par cela mesme que vous aures avancé en
la premiere annee, si vous vous enfermes dans la simplicité que je vous propose. Mais excusés
moy, je vous supplie, si je traitte avec cette [191] confiance ; car je ne sçaurois faire en autre façon
pour la grande opinion que j'ay de vostre bonté et amitié.
J'adjousteray encor ces deux motz. L'un est qu'il vous importe infiniment de recevoir le
sacre avec une grande reverence et disposition, et avec l'apprehension entiere de la grandeur du
mistere. S'il vous estoit possible d'avoir l'orayson qu'en a faitte Stanislaüs Socolorius, intitulee :
De sacra Episcoporum consecratione et inaugurations, au moins selon mon exemplaire448, cela
vous serviroit beaucoup, car, a la verité, c'est une belle piece. Vous sçaves que le commencement
en toutes choses est fort considerable, et peut on bien dire que449 « primum in unoquoque genere
est mensura cæterorum450. »
L'autre point est que je vous desire beaucoup de confiance et une particuliere devotion a
l'endroit du saint Ange gardiateur et protecteur de vostre diocese, car c'est une grande consolation
d'y recourir en toutes les difficultés de la charge. Tous les Peres et theologiens sont d'accord que
les Evesques, outre leur Ange particulier qui leur est donné pour leur personne, ont l'assistence
d'un autre commis pour leur office et charge. Vous deves avoir beaucoup de confiance en l'un et
en l'autre, et, par la frequente invocation d'iceux, contracter une certaine familiarité avec eux, et
specialement pour les affaires avec celuy du diocese, comme aussi avec le saint Patron [192] de
vostre cathedrale451. Pour le surplus, Monsieur, vous m'obligeres beaucoup de m'aymer
444 Epistres spirituelles de R. P. Jean de Avila, celebre Predicateur d'Espagne, utiles et convenables a toutes personnes
qui veulent vivre chrestiennement, mises d'Espagnol en François par Luc de La Porte, Parisien. A la Royne. A Paris,
chez Robert le Fizelier, MDLXXXVI. Epistres spirituelles du R. P. J. de Avile... Fidelement traduictes et mises en
meilleur ordre quelles ne sont en l'exemplaire espagnol, redigees comme un lieu commun... par Gabriel Chappuis,
Tourangeau, annaliste et translateur du Roy. Douay, Balthazar Bellere, 1598.
445 Instructio sacerdotum ac de septem peccatis mortalibus (aliter Summa casum conscientiæ). Romæ, 1601.
446 Stimulus Pastorum, ex sententiis Patrum concinnatorum per R. D. D. Bartholomæum a Martyribus, Archiepisc.
Bracharensem et Hispaniæ Primatem. Romæ, 1572. Ce livre a été publié par les soins de saint Charles Borromée,
à qui l'auteur avait communiqué son manuscrit.
447 De Vita et Rebus gestis Caroli Borromæi, Cardinalis, libri septem. Inglostadt, Sartorius, 1592.
448 Voici le titre exact de cet exemplaire, qui appartient aujourd'hui à M. l'Abbé E. Misset, directeur de l'Ecole
Lhomond, à Paris, rue Beudant (Monceau) :
De Consecratione Episcopi, auctore Stanislao Socolorio, sacræ Theologiæ Doctore. Opusculum vere
aureum, in quo ritus, vetustas, mysteria, usus consecrationis Episcopi, functio item et dignitas Episcopalis explicantur
ex sententiis et auctoritate Sanctorum Patrum. Romæ, apud hæredes Nicolai Mutii, MDCII.
Le volume porte la dédicace suivante : Ad perillustrem et Reverendissimum D. Franciscum de Sales,
Episcopum Nicopolitanum et electum Gebennensem, de proximo consecrationis munus subeundum, Claudius de
Quoex, grati animi ergo, una cum Bullis ad ipsam consecrationem necessariis, transmittit ab Urbe, nonis Septembris
1602.
449 « La première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste. »
450 Aristot., Physica l. IV, c. XIV.
451 Le patron de la cathédrale était saint Samson, premier évêque de Dol, et auparavant archevêque de Saint David's,
au pays de Galles.
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14.2 Page 132

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estroittement et de me donner la consolation de m'escrire familierement, et croyés que vous aves
en moy un serviteur et frere de vocation autant fìdelle que nul autre.
J'oubliois de vous dire que vous deves en toute façon prendre resolution de prescher vostre
peuple. Le tres saint Conncile de Trente452, apres tous les Anciens, a determiné qie « le premier et
principal office de l'Evesque est de prescher ; » et ne vous laisses emporter a pas une consideration
qui vous puisse destourner de cette resolution. Ne le faittes pas pour devenir grand predicateur,
mays simplement parce que vous le deves et que Dieu le veut. Le sermon paternel d'un Evesque
vaut mieux que tout l'artifice des sermons elabourés des predicateurs d'autre sorte. Il faut peu de
chose pour bien prescher, a un Evesque, car ses sermons doivent estre des choses necessaires et
utiles, non curieuses ni recherchees ; ses paroles simples, non affectees ; son action paternelle et
naturelle, sans art ni soin, et, pour court qu'il soit et peu qu'il die, c'est tous-jours beaucoup. Tout
cecy soit dit pour le commencement, car le commencement vous enseignera par apres le reste. Je
voy que vous escrives si bien vos lettres, et fluidement, qu'a mon advis, pour peu que vous ayes
de resolution, vous feres bien les sermons ; et neanmoins je vous dis, Monsieur, qu'il n'en faut pas
avoir peu de resolution, mais beaucoup, et de la bonne et invincible.
Je vous supplie de me recommander a Dieu ; je vous rendray le contrechange et seray toute
ma vie,
Monsieur,
Vostre tres humble et affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le 3 juin 1603. [193]
_____
CLXXXV. A M. Antoine de la Porte453 (Inédite). Dispositions
bienveillantes du duc de Savoie envers Mme de Mercœur. —
Jugement d'un procès entre cette princesse et don Amédée de
Savoie. Le Saint s'excuse de n'avoir pu achever le payement
de la terre de Thorens.
Annecy, 6 juin 1603.
Monsieur,
Je reviens naguere de Piemont, ou je vis Son Altesse et l'entretins quelque tems sur les
affaires que Madame a de deça, et le treuvay fort disposé a luy donner toute assistence et faveur
pour en chevir. Je luy proposay que, venant un agent de Madame, il seroit expedient de commander
a quelques uns des officiers de la justice de terminer en une journee amiable toutes les difficultés
qu'elle avoit, soit avec le seigneur Dom Amedeo454, soit avec autres ; ce que Son Altesse accorda
fort volontier, et monstra de priser extremement tout ce qui appartenoit au contentement de
Madame, comme sa parente proche et vefve d'un prince son parent, et des louanges duquel il me
452 Sess. V, cap. II.
453 Dans un inventaire de la Chambre des Comptes de Savoie et dans d'autres documents on trouve mentionné « noble
Antoine Perret, seigneur de la Porte, » comme étant procureur et négociateur général de Marie de Luxembourg,
duchesse de Mercœur. (Voir le tome précédent, note (49), p. 7.)
454 Don Amédée ou Amé de Savoie, fils donné du duc Emmanuel-Philibert, était marquis de Saint-Rambert, comte de
Conflans, grand-croix des Saints Maurice et Lazare, commandeur de Savoie, chevalier de l'Annonciade, lieutenant-
général de Son Altesse en deçà des monts. Ce prince, qui dans diverses rencontres servit utilement les intérêts de
l'Etat, mourut à Turin en 1610.
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14.3 Page 133

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dit merveilles.
Mais ce pendant que je traittoys ces choses en Piemont, la Chambre des Comptes
acheminoyt le proces que Madame a avec le seigneur Dom Amedeo pour Conflens, si que, a mon
arrivee, je le treuvay prest a juger ; et, selon l'advis du juge, j'escrivis tout aussi tost a Son Altesse
[194] pour avoir surseance et ordre que tout fut retardé, suivant l'accord qu'il m'avoit fait de
terminer les differens sans proces. Mais tout cela pour neant, car ma lettre ne fut pas en chemin
que l'arrest sortit tel que le juge vous escrira455, ainsy quil m'a dit. J'en fus extremement marri pour
m'estre treuvé court au service que j'avois desiré rendre a Madame.
Je treuvay en Piemont monsieur le referendaire Millet456, et passay en Maurienne pour
parler a Monsieur l'Evesque457 touchant Faverges458 ; ilz persistent, et s'offrent de solliciter, ayant
procure de Madame, pour faire rendre les deniers sans que Madame en face la despence, suivant
les memoires que je vous en laissay. Le marquis de Lulin escrivit a Madame pour acheter Doin, et
j'envoyay la lettre ; je ne sçai si elle l'aura receüe : il attend response.
Reste que je parle de moy, qui suis tres marri de ne pouvoir si tost chevir du payement de
Thorens459 ; mais [195] j'espere que Madame aura quelque consideration au malheur qui nous
accable de deça et auquel Thorens mesme a une grande part. Je m'essayeray de la contenter au plus
tost, n'ayant aucun affaire mondain en mon esprit que celluy-la, et de luy rendre tous les services
quil me sera possible en toutes occurrences, comme tres-obligé que j'y suis. Faittes moy cet
honneur, Monsieur, que de l'en asseurer et luy presenter une tres humble reverence en mon nom,
ce pendant que je prieray Dieu quil vous comble de ses graces et que je suis,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
A Neci, 6 juin 1603.
A Monsieur
Monsieur de la Porte,
Surintendant de la mayson de Madame la Duchesse de Mercœur.
Revu sur l'Autographe conservé au Ier Monastère dela Visitation de Paris.
_____
455 L'arrêt en question, signé J.-C. de la Roche et Bay, fut rendu en faveur de don Amédée le 17 mai 1603. (Archives
de la Chambre des Comptes de Savoie, Arrests, vol. 31.)
456 François-Amédée Milliet (1559-1631) était docteur en droit de l'Université de Toulouse (11 octobre 1583),
conseiller d'Etat, premier référendaire ordinaire et maître des requêtes (patentes du 15 juin 1584), commandeur de
Lémenc, luron de Faverges, seigneur de Marcie, du Chesnay, etc. C'est en sa faveur que, pour prix de vingt-cinq
années de fidèles services, la baronnie de Faverges lut érigée en comté (patentes du 8 janvier 1609).
457 Philibert-François Milliet, frère du précédent (1561-1625), prieur commendataire de Saint-Pierre de Lémenc
(1583), docteur de la Sapience de Rome (1585), abbé d'Aulps, doyen de Viry, avait été d'abord coadjuteur de son
oncle, Pierre de Lambert, évèque et prince de Maurienne, auquel il succéda le 6 mai 1591. Charles-Emmanuel Ier, qui
l'avait en grande estime, le créa conseiller d'Etat, chancelier de l'Ordre de l'Annonciade, et le choisit pour ambassadeur
en Espagne et à Rome. Ces emplois n'empêchèrent pas l'Evêque de Maurienne de s'appliquer avec zèle à
l'administration de son diocèse et à l'évangélisation de son peuple. En 1618 il fut transféré sur le siège archiépiscopal
de Turin, qu'il occupa jusqu'à sa mort.
458 Le fief de Faverges, vendu par le duc Charles de Savoie à François Ier de Luxembourg (5 mai 1506), avait été
inféodé, après la mort de Sébastien de Luxembourg, petit-fils de ce dernier (1569), à Louis Milliet, père de l'Evêque
et du référendaire. Opposition fut faite au nom de l'unique héritière de Sébastien, Marie de Luxembourg encore pupille,
qui épousa plus tard le duc de Mercœur ; mais, par arrêt de la Chambre des Comptes (12 novembre 1571), elle avait
été condamnée à relâcher ce fief. De là les questions financières effleurées dans cette lettre.
459 Vide p. 125, not. (225).
133/340

14.4 Page 134

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CLXXXVI. A M. Charles d'Albigny460. Réclamations au sujet
d'une mesure contraire aux immunités ecclésiastiques.
Annecy, 14 juin 1603.
Monsieur,
J'ay consideré l'expedient que le sieur cappitaine de Moyron461 propose pour descharger
les ecclesiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconveniens, et, entre les autres,
celuy que je crains le plus, [196] qui est que la liberté et immunité ecclesiastique en seroit, ce me
semble, directement violee. C'est pourquoy j'envoye le porteur aupres de vous, Monsieur, pour
vous les representer, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en
avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci apres.
Cependant, et moy et tous les ecclesiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre
santé, et je demeureray,
Monsieur,
Vostre serviteur tres humble,
FRANÇS DE SALES,
Evesque de Geneve.
A Neci, le XIIII juin 1603.
_____
460 L'Autographe, conservé à la chapelle de l'Evêché de Sienne, est entouré d'un encadrement de marbre fixé dans la
muraille, de telle sorte qu'il n'est pas possible de voir le verso sur lequel doit se trouver l'adresse. Le contenu de la
lettre prouve néanmoins qu'elle a dû être écrite à M. d'Albigny, gouverneur de la Savoie.
461 Jean Paquellet de Moyron, frère de François (voir ci-dessus, note (187), p. 103), avait été condisciple du Saint à
Paris et était demeuré son ami. Il remplit en 1588 et 1590 les fonctions de capitaine de la ville d'Annecy, en 1603
ceIles de second syndic, et jusqu'à sa mort, arrivée au commencement d'octobre 1643, il fit toujours preuve d'un grand
dévouement pour ses concitoyens.
Dans les séances du Conseil municipal du 3 et du 13 mai de cette année, Paquellet avait en effet propose un
« expedient » qui devait, pensait-il, calmer les plaintes des habitants, lassés de loger les garnisons espagnoles massées
à Annecy pour protéger la ville contre les incursions des Genevois. Il s'agissait, pour supprimer cette servitude, de
lever un impôt qui pèserait également sur tous les Annéciens. Le clergé et la noblesse, voyant leurs privilèges lésés
par cette mesure, élevaient à leur tour de vives protestations.
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14.5 Page 135

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CLXXXVII. A M. de Soulfour (Inédite). Abandon et désolation
de cent églises aux environs de Genève. Union de prières.
Projet d'écrire à M. Asseline. Divers messages
Annecy, 15 juin 1603.
Monsieur,
Il me semble quil y a cent ans que je ne vous ay escrit, et deux cens que je n'ay receu de
vos nouvelles. Mon voyage de Piemont a esté cause de l'un ; je ne sçai qui l'a esté de l'autre. Nos
nouvelles ne sont que des [197] vielles miseres, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui
concernent l'abandonnement de cent eglises autour de Geneve, presque desolees462. Dieu
neanmoins nous fait des consolations en ce que jamais nos ennemis ne sont rencontrés quilz ne
soyent battus. J'ay de peyne, par la grace de Dieu, autant que j'en puis porter ; je desire que vous
m'aydies fort par vos prieres et par celles de vos amis. Jamais je ne vous oublie aux miennes que
je fay a l'autel, ni le filz ni nostre fille, de laquelle mon esprit ne peut abandonner le soin, quoy
qu'inutile463.
Je doy une lettre a monsieur Asseline464 et un'autre encores, que je luy addresseray, a un
de ses amis qu'il a voulu rendre le mien par la regie de communication465 ; je n'ay le loysir de payer
maintenant, ce sera a la premiere commodité. Cependant continues, je vous prie, a m'aymer, et me
donnes advis de vostre santé et des vostres. Je desire encor de sçavoir de celle de la Mere Anne,
vostre seur466, et de l'estat de Seur Anne Seguier. J'ay un certain cœur tenant qui jamais ne lasche
sa prise. Vous m'aves salué au nom de madamoiselle de Fontaine467, de madame Fillard468 ; je
vous prie qu'elles le [198] soyent de ma part par vostre entremise. Je vous embrasse de tout mon
cœur et suis,
Monsieur,
Vostre serviteur tres humble,
FRANÇS, EV. de Geneve.
Le XV juin 1603. J'escris a madame de Montmartre en response de celle qu'elle m'escrivit
et que vous m'envoyastes. Voyes la, et la fermes, sil vous plait.
A Monsieur
Monsieur de Soulfour.
A Glatagni.
462 Irrités du coup de main tenté par le duc de Savoie contre leur ville au mois de décembre précédent, les Genevois
ne cessèrent dès lors d'user de représailles envers les Catholiques. A tout instant ils faisaient des sorties qui répandaient
la terreur dans tous les environs. Le 15 février, le Nonce de Savoie décrit au Cardinal Aldobrandino l'attaque soutenue
à Saint-Julien par Vittoz contre « quatre cents fantassins et soixante cavaliers » genevois. Le 22 du même mois, il
raconte comment les Genevois ont jeté l'effroi dans la ville de Thonon qu'ils menaçaient de saccager, et le 9 mars, il
parle encore d'une course à Evian, dans laquelle, malgré la défense de leur chef, les hérétiques pillèrent plusieurs
maisons et dépouillèrent l'église. Des propositions de paix échangées en avril n'ayant pas abouti, les incursions des
Genevois recommencèrent plus menaçantes encore, et quelques ecclésiastiques ayant été appréhendés, les autres
cherchèrent leur sécurité dans la fuite. (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 95, c1, 2.)
463 Vide supra, p. 163, not. (369).
464 Il sera parlé plus loin de M. Asseline, qui entra dans l'Ordre des Feuillants où il fut connu sous le nom de doni
Eustache de Saint-Paul.
465 Vide infra, p. 207, not. (479).
466 La sœur de M. de Soulfour était Religieuse aux Filles-Dieu. On trouve en effet dans le Nécrologe de ce monastère
la mention suivante : « L'an mil VIc XI décéda Anne de Soulfour le IIIIe jour d'aoust. »
467 Probablement Mlle de Fonteines-Marans, qui devait être la célèbre Mère Madeleine de Saint-Joseph, l'une des plus
pures gloires du Carmel de France.
468 Peut-être cette dame appartenait-elle à la famille Filliard, de Cusy en Savoie, qui avait été anoblie par patentes du
1er mai 1595.
135/340

14.6 Page 136

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Revu sur l'Autographe appartenant à la Vicomtesse de Saint-Seine, château de Saint-Seine (Côte-
d'Or).
_____
CLXXXVIII. Aux Chanoines de la Collégiale de Saint-Jacques
de Sallanches. Il les engage à accepter une fondation qui leur est
offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur
Annecy, 24 juin 1603.
Messieurs,
J'ay veu les propositions que monsieur Loquet fait pour fonder a ses despens
l'entretenement de quattre enfans de chœur en vostre eglise et, quant et quant, j'ay aussi veu les
responses que vous y aves faittes469. Et avant consideré l'un et l'autre, j'ay jugé que vous estiés de
bon accord en effect, encor quil semble qu'il y ait quelque difference en paroles ; car ayant
demandé a [199] monsieur Loquet sil vouloit vous obliger par sa fondation a fournir plus quil ne
vous reviendroit du revenu d'icelle, il m'a dit que nanni : aussi ne seroit-il pas bien raysonnable.
J'ay encor voulu sçavoir sil desiroit plus de soin et d'obligation de vostre Chapitre a la conservation
du fondz et des revenuz de sa fondation que vous n'en aves au demeurant des biens de vostre eglise
; il m'a semblablement dit que non, et que son intention n'estoit que de vous obliger d'avoir un
pareil soin de la maintenance et conservation de sa fondation que celuy que vous estes obligés
d'avoir du reste de vos revenuz et autres fondations. Or, cela est fort raysonnable ; car quand il ni
auroit aucune clausule obligatoire, si est ce que vous ne laysseries d'estre redevables de maintenir
soigneusement et en bons peres de famille telz biens et fondz ; mais pour tout cela vous ne seriés
pas tenuz ni a l'impossible ni a la charge, si les moyens se perdoyent sans vostre faute et coulpe.
C'est mon advis, lequel je pense estre digne d'estre suivi ; autrement je ne le vous proposerois pas.
C'est pour cela que je vous ay voulu escrire ces deux motz, me doutant que, faute de vous
entr'entendre, cette œuvre ne se perdit, comme il arrive bien souvent des bons desseins.
Neanmoins, si vous estimes pour quelque autre rayson de devoir apporter de la difficulté en cet
affaire, je vous prieray de m'en advertir, affin que j'apporte le plus que je pourray de diligence et
industrie pour accommoder le tout a la gloire de Dieu, ornement de son service et vostre
contentement.
Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie reciproquement Nostre Seigneur quil
vous accompagne de ses graces et nous donne a tous l'esprit et zele de son service, qui est ce que
doit desirer,
Messieurs,
Vostre humble confrere et serviteur en Jesuschrist,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Neci, XXIIII juin, jour de St Jan 1603.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Vulliet, à Annecy. [200]
_____
469 Les pourparlers relatifs à cette fondation se prolongèrent encore longtemps, car c'est seulement le 15 avril 1605
que, par acte notarié, Nicolas Locquet, chanoine de la collégiale de Sallanches, céda au Chapitre dont il faissait partie
un capital de « 815 ducattons de sept florins chacun, faisant le total de florins 5705... pour nourriture et entretien de
quatre enfants de chœur, outre ceux qui portent l'eau bénite par la ville, et encore pour une Messe répondue par lesdits
enfants de chœur, célébrable le samedi. » (Etat des Fondatons du Chapitre de Sallanches, dressé en 1768.) Le chanoine
Locquet mourut en 1606.
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14.7 Page 137

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CLXXXIX. A M. Charles d'Albigny. Il sollicite une place pour
le neveu de l'Evêque défunt
Annecy, [fin juin 1603.]
Monsieur,
Je vous suppliay, a mon despart de Chamberi, de vouloir donner une place en la cavallerie
au sieur de Grenier, d'Hiene470, que je dois affectionner pour estre neveu de feu Monsieur
l'Evesque, mon bon prædecesseur ; vous me fistes la grace, Monsieur, de me l'accorder. Il me reste
a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la premiere
supplication que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour
l'humble et entiere affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon
Prælat decedé, duquel les merites vivent devant Dieu et en vostre souvenance.
Je supplie sa divine Majesté qu'elle vous benisse de ses plus cheres faveurs, et suis,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Monsieur
Monsieur d'Albigni.
Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. [201]
_____
470 Probablement Pierre-Claude de Granier, seigneur du Châtelard, qui habitait Yenne, et qui y fut inhumé le 17
novembre 1625.
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14.8 Page 138

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CXC. A Mademoiselle de Soulfour. Suites que laissent certaines
infirmités spirituelles : leur utilité. La perfection absolue
impossible en ce monde. Avoir de grandes prétentions au
service de Dieu, mais ne pas s'étonner si elles ne peuvent être
entièrement réalisées. Ne pas se préoccuper des dangers à
venir. Assurance de dévouement
Annecy, 22 juillet 1603.
Madamoyselle,
Je receu par mon frere une de vos lettres qui me fait louer Dieu dequoy il a donné quelque
lumiere a vostre esprit. Que s'il n'est encor pas du tout desengagé, il ne s'en faut pas estonner. Les
fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs
ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce
qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en
demeure pas un brin ; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre
de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les
ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous
jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee.
Mais, ma bonne Fille, puisque vous voyla a moitié eschappee de ces terribles passages par
ou vous aves esté conduitte, il me semble que vous deves maintenant prendre un peu de repos, et
vous arrester a considerer la vanité de l'esprit humain, comme il est sujet a s'embrouiller et
embarrasser en soy mesme. Car je suis asseuré que vous remarqueres aysement que les travaux
interieurs que vous aves souffertz ont esté causés par une multitude de considerations et de desirs,
produitz avec un grand empressement pour atteindre a quelque perfection imaginaire. Je veux dire
que vostre imagination vous avoit formé une idee de perfection absolue, a laquelle vostre volonté
se vouloit porter ; mays, espouvantee de la grande [202] difficulté, ou plustost impossibilité, elle
demeuroit grosse au mal de l'enfant, sans pouvoir enfanter471. A cette occasion, elle multiplioit des
desirs inutiles, qui, comme des bourdons et freslons, devoroyent le miel de la ruche, et les vrays et
bons desirs demeuroyent affamés de toutes consolations. Maintenant donq prenés un petit haleyne,
respirés quelque peu, et, par la consideration des dangers echappés, divertissés ceux qui pourroyent
advenir ci apres. Tenés pour suspectz tous ces desirs qui, selon le commun sentiment des gens de
bien, ne peuvent pas estre suyvis de leurs effectz : telz sont les desirs de certaine perfection
chrestienne qui peut estre imaginee mais non pas prattiquee, et de laquelle plusieurs font des
leçons, mais nul n'en fait les actions.
Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection472, et s'il
la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme. Ceux qui aspirent au pur amour
de Dieu n'ont pas tant besoin de patience avec les autres comme avec eux mesmes. Il faut souffrir
nostre propre imperfection pour avoir la perfection ; je dis souffrir avec patience, et non pas aymer
ou caresser : l'humilité se nourrit en cette souffrance.
Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire
; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la
preparation de nostre cœur473. Et qu'est ce a dire, la preparation de nostre cœur ? Selon la sainte
Parole474, Dieu est plus grand que nostre cœur, et nostre cœur est plus grand que tout le monde.
471 Cf. IV Reg., XIX, 3.
472 Jacobi, I, 4.
473 Ps. IX, penult.
474 I Joan., III, 20.
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14.9 Page 139

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Quand nostre cœur, a part soy, en sa meditation, prepare le service qu'il doit rendre a Dieu, c'est a
dire quand il fait ses desseins de servir Dieu, de l'honnorer, de servir le prochain, de faire la
mortification des sens exterieurs et interieurs et semblables bons propos, en ce tems la il fait des
merveilles ; il fait des preparations et dispose ses actions a un degré si eminent de perfection
admirable. Toute cette preparation neanmoins n'est nullement proportionnee a la grandeur de Dieu,
qui est infiniment plus grand que nostre cœur ; mais aussi cette preparation est [203] ordinairement
plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions exterieures.
Un esprit qui, d'un costé, considere la grandeur de Dieu, son immense bonté et dignité, ne
se peut saouler de luy faire des grandes et merveilleuses preparations. Il luy prepare une chair
mortifiee sans rebellion, une attention a la priere sans distraction, une douceur de conversation
sans amertume, une humilité sans aucun eslancement de vanité. Tout cela est fort bon, voyla des
bonnes preparations ; encor en faudroit il davantage pour servir Dieu selon nostre devoir. Mays au
bout de la, il faut chercher qui le face ; car quand ce vient a la prattique, nous demeurons courtz,
et voyons que ces perfections ne peuvent estre si grandes en nous ni si absolues. On peut mortifier
la chair, mais non pas si parfaittement qu'il n'y ayt quelque rebellion ; nostre attention sera souvent
interrompue de distractions, et ainsy des autres.
Et faut il pour cela s'inquieter, troubler, empresser, affliger ? Non pas, certes. Faut il
appliquer un monde de desirs pour s'exciter a parvenir a ce signe de perfection ? Non, a la verité.
On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance ; je puis bien dire :
Hé, que ne suis je aussi fervent que les Seraphins pour mieux servir et louer mon Dieu ! Mais je
ne doy pas m'amuser a faire des desirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise
perfection, disant : Je le desire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray.
Je ne veux pas dire qu'il ne faille se mettre en chemin de ce costé la ; mais il ne faut pas desirer d'y
arriver en un jour, c'est a dire en un jour de cette mortalité, car ce desir nous tourmenteroit, et pour
neant. Il faut, pour bien cheminer, nous appliquer a bien faire le chemin que nous avons plus pres
de nous, et la premiere journee, et non pas s'amuser a desirer de faire la derniere pendant qu'il faut
faire et devuider la premiere.
Je vous diray ce mot, mais retenes le bien : nous nous amusons quelquefois tant a estre
bons Anges, que nous en layssons d'estre bons hommes et bonnes femmes. Nostre imperfection
nous doit accompaigner jusques au [204] cercueil. Nous ne pouvons aller sans toucher terre ; il ne
faut pas s'y coucher ni vautrer, mais aussi ne faut il pas penser voler ; car nous sommes des petitz
poussins qui n'avons pas encores nos aisles. Nous mourons petit a petit ; il faut aussi faire mourir
nos imperfections avec nous de jour en jour. Cheres imperfections, qui nous font reconnoistre
nostre misere, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et
nonobstant lesquelles Dieu considere la preparation de nostre cœur, qui est parfaitte.
Je ne sçai si je vous escris a propos ; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant
qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivee de ce que vous aves fait des grandes preparations
; et voyant que les effectz estoyent tres petitz et les forces insuffisantes pour prattiquer ces desirs,
ces desseins et ces idees, vous aves eu des certains creve cœur, des impatiences, inquietudes et
troubles ; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou defaillances de cœur.
Or, si cela est, soyés bien sage par ci apres.
Allons terre a terre, puisque la haute mer nous fait tourner la teste et nous donne des
convulsions. Tenons nous aux piedz de Nostre Seigneur avec la sainte Magdeleine475 de laquelle
nous celebrons la feste ; pratiquons certaines petites vertuz propres pour nostre petitesse. A petit
mercier, petit panier. Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant
elles sont sortables a nos jambes : la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la
douceur de courage, l'affabilité, la tolerance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz. Je
ne dis pas qu'il ne faille monter par l'orayson, mays pas a pas.
Je vous recommande la sainte simplicité. Regardés devant vous, et ne regardés pas a ces
dangers que vous voyes de loin, ainsy que vous m'aves escrit. Il vous semble que ce soyent des
475 Lucæ, X, 39.
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14.10 Page 140

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armees ; ce ne sont que des saules esbranchés, et ce pendant que vous regardés la, vous pourries
faire quelque mauvais pas. Ayons un ferme et general propos de vouloir servir Dieu de tout nostre
[205] cœur et toute nostre vie ; au bout de la, n'ayons soin du lendemain476. Pensons seulement a
bien faire aujourd'huy ; et quand le jour de demain sera arrivé il s'appellera aussy aujourd'huy, et
lhors nous y penserons. Il faut encores en cest endroit avoir une grande confiance et resignation
en la providence de Dieu. Il faut faire provision de manne pour chasque jour, et non plus477 ; et ne
doutons point, Dieu en pleuvra demain d'autre, et passé demain, et tous les jours de nostre
pelerinage.
J'appreuve infiniment l'advis du Pere N., que vous ayes un directeur, entre les bras duquel
vous puissies doucement deposer vostre esprit. Ce sera vostre bonheur si vous n'aves nul autre que
le doux Jesus, lequel, comme il ne veut pas que l'on mesprise la conduitte de ses serviteurs quand
on la peut avoir, aussi quand elle nous defaut, il supplee pour tout ; mais ce n'est qu'a cette
extremité, a laquelle si vous estes reduitte, vous l'experimenteres.
Ce que je vous escrivis478 n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par
lettres, et de conferer de vostre ame qui m'est tendrement chere et bienaymee, mais pour esteindre
l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre
esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que tres affectionné et tres dedié en Jesus
Christ. Escrivés moy donq en confiance, et ne doutés nullement que je ne responde fidellement.
J'ay mis au fons de la lettre ce que vous desiries, affin qu'elle soit pour vous seulement.
Priés fort pour moy, je vous supplie ; il n'est pas croyable combien je suis pressé et oppressé
sous cette grande et difficile charge. Vous me deves cette charité par les loix de nostre alliance, et
puisque je vous contrechange par la continuelle souvenance que je porte de vous a l'autel et en mes
foibles prieres. Beni soit Nostre Seigneur. Je le supplie qu'il soit vostre cœur, vostre ame, vostre
vie, et je suis
Vostre serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
_____
CXCI. A un inconnu (Minute). Remerciements pour une lettre
reçue. Assurance de dévouement
Annecy, [fin juillet 1603 479.]
Monsieur,
Je garde tous-jours et regarde souvent la lettre que monsieur le præsident Favre, mon frere,
m'apporta de vostre part. Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander
l'estroitte bienveüillance qu'elle me promet ; je la regarde, pour y voir cette mesme
bienveuillance480 si courtoysement depeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de481
douceur et playsir.
476 Matt., VI, 34.
477 Exod., XVI, 16-21.
478 Vide supra, p. 181.
479 La date de cette lettre est presque aussi difficile à préciser que l'adresse. D'après l'écriture elle serait de 1603, et le
destinataire serait alors l'un des personnages avec lesquels le Saint s'était lié l'année précédente durant son séjour à
Paris, peut-être celui-là même dont il parle à M. de Soulfour (voir ci-dessus, p. 198). On aurait droit de s'étonner que
saint François de Sales, dont la courtoisie était si parfaite, ait attendu, pour répondre à une lettre, l'anniversaire du jour
où elle lui a été adressée. Toutefois ses expressions sont trop explicites pour qu'il soit possible d'y contredire.
480 cette mesme bienveuillance [depeinte avec tant de faveur...]
481 de [consolation]
140/340

15 Pages 141-150

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15.1 Page 141

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482Rencontrant donques cette commodité d'envoyer des lettres a Paris au jour anniversaire
de celuy auquel vous me fites lhonneur de m'escrire la vostre, j'ay voulu vous en rafraichir la
memoire et vous supplier de me continuer tous-jours483 cette affection quil vous pleut me [207]
tesmoigner. Je regrette tous-jours de n'avoir eu autant de bonheur pour la connoistre pendant que
je fus a Paris comme j'ay de devoir maintenant a la reconnoistre484 ; ce que je fay avec toute la
sincerité que vous sçauries desirer d'un homme485 duquel vous aves entierement acquis le service
et volonté, comme je vous supplie de croire, et de nourrir cett'amitié que vostre seule bonté a fait
naistre pour m'en favoriser, tandis que de mon costé je prieray Dieu quil vous comble de ses graces,
et demeureray inviolablement
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
CXCII. Au Baron de Lux486 (Minute inédite). Prière de s'opposer
aux prétentions injustes d'un gentilhomme.
[Annecy, 1603, avant août.]
……………………………………………………………………………………………………..
[Monsieur] de la Bastie de Dombes487 me fait une recharge de toute autre façon ; car il vient (sic)
a Farges [208] et Asserens, ou il monstra488 un'extreme affection et resolution pour empescher la
jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur
de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de
l'establissement489. Pour moy, a cette derniere allarme, a peu que je ne perdis courage, comm'ayant
des-ja esté longuement debout et en faction pour les præcedentes difficultés ; outre ce, quil me
sembloit que meshuy la chose devoit estr'asseuree, puisque la court de Parlement avoit interposé
son arrest.
Je fus estonné de ce que monsieur de la Bastie y estoit venu luy mesme, qui tesmoignoit
un'ardeur d'esprit et une volonté tout'entiere ; mais je le fus encor plus quand je sceu que ce n'estoit
point pour luy ni pour aucun de ses enfans, mais pour un tiers490. Je ne doutay point aussi qu'estant
ce quil est, il ne deut recevoir beaucoup de faveurs en tous ses desirs. C'est cela qui me mit fort en
peyne, en laquelle je serois encor si je ne me fusse resouvenu que vous l'aymies et avies beaucoup
d'authorité sur luy ; car j'ay pensé qu'encor quil eut fait tant de demonstration de roydeur, si est ce
que vostre entremise le plieroit tous-jours assés a la rayson quand il vous plairoit de l'y employer.
482 [Ayant donques cette commodité d'escrire a Paris et me rencontrant au Jour anniversaire de celuy auquel vous me
fistes cet honneur de m'envoyer... m'cscrire...]
483 continuer tous-jours [en cette affection liberale, honnorable en vous et glorieuse pour moy...] cette mesme
faveur [comme j'en nourris cherement la reconnoissance... je nourris cherement l'affection a vostre service...] de
laquelle [je me sens tant obligé, avec le regret de ce que mon dernier voyage de Paris, qui me fut si heureux...]
484 a la reconnoistre [me confessant extremement obligé par tous les services que je vous puis...]
485 d'un homme [qui n'est riche... qui, sans pouvoir vous rendre son service, le desireroit...]
486 Cette minute ne porte ni date ni adresse ; mais, d'après l'écriture, elle paraît être de 1603, et le contexte prouve
qu'elle aurait été destinée au baron de Lux, lieutenant du roi en Bourgogne, duquel dépendaient la Bresse et le Bugey.
Ce seigneur était sur le point de se rendre à Belley où saint François de Sales le rejoignit le 9 août suivant. De là, ils
allèrent à Gex, en compagnie du duc de Bellegarde.
487 Jacques de Champier, baron de la Bastie, seigneur de Langes en Nivernais, Argy, Monceaux et Corcelles, chevalier
de l'Ordre de Saint-Michel, gouverneur de Dombes par patentes de Louis de Bourbon-Montpensier, prince de Dombes
(8 novembre 1579), devint bailli de Gex en 1610 (patentes du 38 juillet, datées de Paris). Il mourut vers 1625.
488 ou il monstra [autant de cholere et de...]
489 Cet établissement avait eu lieu le 30 novembre 1601. Cf. la lettre du 3 janvier 1602, p. 98.
490 un tiers [car cela monstroit encor plus d'affection.]
141/340

15.2 Page 142

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Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui
vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce
sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte. Dieu vous a choysi pour commencer un si
saint œuvre et, par la, vous a assés obligé d'en desirer et solliciter le progres et l'accomplissement.
Je vous supplie, Monsieur, de le faire et de moderer l'affection de monsieur de la Bastie491, puis
[209] que mesme le sieur lieutenant civil et criminel de Gex492 nous a renvoyé tous deux devers
vous pour estre reglés sur l'intelligence de vostre ordonnance, laquelle, bien qu'elle soit tres claire,
on veut neanmoins obscurcir.
J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens
survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur
du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et
specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne
sceut onques s'empescher d'en faire feste.493
Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles
de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté494 prendre congé de
Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy ; qui m'a fait mettre
en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin : c'est
pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre. Et
cependant que j'attends l'asseurance de la reception, je prieray Dieu quil vous comble de ses
benedictions, et demeureray de toute mon affection,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [210]
_____
491 de moderer [le desir... l'affection qu'a] monsieur de la Bastie [a ce tiers pour lequel il debat contre le bien publiq
et l'establissement des ames...]
492 Pierre de Brosses, écuyer, seigneur de Tournay, Chambésy, Pregny et Vesancy au pays de Gex, né en 1569, avait
été nommé lieutenant civil et criminel au bailliage de Gex par patentes du 11 juillet 1601. Il prit une part importante
à la conclusion du traité de Lyon, fit partie à Genève du Conseil des Deux Cents jusqu'en 1603, et demeura grand
bailli de la noblesse du pays de Gex de 1601 à 1612. Il mourut en 1617. (Note de M. Vidart, de Divonne.)
493 feste. [Et [en] outre, m'a laissé son successeur de l'extreme honneur quil portoit a vos merites, lequel, joint a
celuy que je vous avois...]
494 vous avies esté [a l'hostel de Nemours...]
142/340

15.3 Page 143

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CXCIII. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie495 (Minute
inédite). Exposé des différends qui existent entre le Chapitre de
la cathédrale et celui de Notre-Dame de Liesse pour une
question de préséance. Les usages des Chapitres de Paris ne
peuvent faire loi pour ceux d'Annecy.
Annecy, [juillet-septembre] 1603.
Monseigneur,
Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la
supplication que je luy avois faitte, pour avoir congé de terminer par le droit et justice le different
que le Chapitre de l'eglise496 cathedrale de ce diocæse a avec celuy de Nostre Dame de cette
ville497. En quoy la verité est que je n'ay pas liberté de faire election d'aucun expedient, comme
j'aurois si j'en estois le juge souverain, puisque le Saint [211] Siege Apostolique et le siege de
Vienne, qui est metropolitain de ce diocsese, m'ont entierement lié les mains, et particulierement
pour le regard de la façon de proceder que monsieur le Præsident de Genevoys m'a proposee, qui
fut celle que feu Monsieur l'Evesque Justinien fit prattiquer une fois. Dequoy, sur498 la plainte
faitte par le Chapitre de la cathedrale, il fut reprins par le Saint Siege, et condemné par sentence
du Metropolitain499 a maintenir la preseance et præcedence500 de la cathedrale absolument. Dont
je n'ay plus le choix501, sinon pour aller ou n'aller pas a la procession, mais non pas pour y aller
autrement qu'avec l'entiere praecedence de la cathedrale.
Aussi, a la verité, les exemples de la Sainte Chapelle et Sainte Geneviefve ne reviennent
nullement a ce sujet, dautant que ni la Sainte Chapelle ni Sainte Geneviefve ne sont point eglises
sujettes a l'Evesque, mais exemptes, et partant n'ont autre devoir que de reverence a l'eglise
495 Pour s'expliquer le recours du Saint au duc de Nemours, il faut se souvenir que le duché de Genevois, dont la
capitale était Annecy, avait été donné en apanage à la branche cadette de la Maison de Savoie, sous la suzeraineté de
la branche aînée. (Voir le tome précédent, note (157), p. 61.)
Le destinataire de cette lettre est Henri, fils de Jacques de Savoie-Nemours et d'Anne d'Este (cf. ibid., note
(82), p. 47), né à Paris en 1572, connu d'abord sous le titre de marquis de Saint-Sorlin. Les brillantes qualités du jeune
prince lui méritèrent à tel point l'estime du duc de Savoie que celui-ci voulait lui confier le gouvernement du marquisat
de Saluces, bien qu'il n'eût que seize ans. Ayant été entraîné par les Guise, ses frères utérins, dans le parti de la Ligue,
il devint gouverneur du Dauphiné, fit en 1596 sa soumission Henri IV, et se distingua au siège d'Amiens. Plus tard, le
duc de Nemours séjourna à Annecy, où il essaya de secouer le joug de son suzerain, et, par son caractère soupçonneux,
suscita maintes difficultés à saint François de Sales. Revenu de ses préventions, ce prince, qui avait épousé Anne de
Lorraine (contrat dotal du 14 avril 1618), voulut que son fils aîné fût baptisé par l'Evêque de Genève (1619), et quand
celui-ci expirait à Lyon, on le vit solliciter avec larmes sa dernière bénédiction. Henri de Savoie-Nemours mourut à
Paris le 10 juillet 1632 ; ses funérailles eurent lieu à Annecy le 7 août suivant.
496 de l'eglise [de St Pierre de Geneve]
497 Le Chapitre de la collégiale de Notre-Dame de Liesse, duquel dépendait la paroisse d'Annecy, et qui la faisait
desservir soit par l'un de ses membres soit par un autre prêtre de son choix, disputait aux chanoines de la cathédrale
la préséance à la procession du Saint-Sacrement. (Cf. ci-dessus, p. 186, lettre du 27 mai 1603.) C'était ressusciter une
vieille querelle, dont le Pape Sixte-Quint, par l'entremise du Cardinal Caraffa, avait jadis remis le jugement à Mgr de
Granier (22 mars 1589). Condamnés de nouveau par sentence de l'Evêque diocésain, les chanoines de Notre-Dame en
appelèrent au Métropolitain et, appuyés par les syndics d'Annecy, réclamèrent l'intervention du duc de Nemours. Ce
prince fit examiner le litige par d'habiles jurisconsultes, et crut tout concilier en décidant que le Chapitre de la
cathédrale occuperait l'un des côtés de la procession et celui de la collégiale l'autre, comme il se pratiquait à Paris
quand le Chapitre de Notre-Dame marchait en procession avec ceux de la Sainte-Chapelle et de Sainte-Geneviève.
Cette décision, lésant les droits de son Chapitre, ne put être acceptée par saint François de Sales. Après de longues
discussions, il finit par obtenir que les prérogatives de ses chanoines fussent respectées.
498 sur [l'appellation]
499 du Metropolitain [de ne point mettre l'un des Chapitres...]
500 et præcedence [du Chapitre cathedral...]
501 je n'ay plus [eslection d'aucun expedient, sinon de...] le choix [pour la maniere de faire la procession...]
143/340

15.4 Page 144

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cathedrale du diocaese ou elles se treuvent, mais non pas d'aucune subordination ni dependence.
C'est pourquoy l'Abbé de Sainte Genevieve, suivant le cors de la Sainte, [212] donne la benediction
avec l'Evesque. Ou au contraire, le Chapitre de Nostre Dame est purement et simplement sujet a
l'Evesque de Geneve, et, le siege vacant, du Chapitre cathedral et de son Vicaire. Et bien que la
Sainte Chapelle et Sainte Genevieve soyent des eglises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a
costé de la cathedrale si elles n'avoyent des privileges speciaux du Saint Siege a cest effect ; ce
que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue502, disant que les Rois de France ont obtenu
cela par privilege special, que leur chapelle estant prés de leur personne,503 sont esgalees (sic) avec
toutes cathedrales. Mais le Chapitre de Nostre Dame n'a jamais eu aucun privilege de cette sorte
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
Autre minute de la même lettre (Inédite)
Monseigneur,
Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la
supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de
l'Eglise le different de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame
en cette ville. Je luy represente maintenant la [213] mesme supplication, et qu'il luy playse de se
faire dire les raysons504 qui m'ostent le pouvoir d'employer l'expedient que monsieur le president
Favre m'a proposé.505 J'en ay fait un memoyre que j'ay addressé a monsieur de la Bretonniere506.
Vostre Excellence me face la grace de prendre la peyne de les considerer, et je suis asseuré
qu'elle me commandera de passer outre a l'execution de l'intention de l'Eglise, et a Messieurs de
Nostre Dame de n'y apporter plus aucune difficulté. Mais sur tout je supplie tres humblement
Vostre Excellence de leur defendre l'usage de son nom pour se defendre en si mauvaise cause, et
contre moy, Monseigneur, qui [suis] si jaloux du respect507 que je dois a tout ce qui luy appartient,
quil ne sera jamais besoin de m'en resouvenir. Mais je me resouviens aussi, Monseigneur, que
vous estes si entier en la pieté, que vous ne voudres jamais508 en rien authoriser ceux qui voudront
rompre les ordonnances de l'Eglise, sous le voyle et pretexte d'estre advoüés vos chapelains.
J'espere au contraire
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [214]
_____
502 Pars IV, consideratio XLVII1.
1 D. Bartholomæi Chassanæi Burgundii, apud Aquas Sextias in Senatu decuriæ prœfectus, Catalogus Gloriæ Mundi,
in 12 libros divisus, humanæ sortis summam artificiose complectens, sed ita auctus... ut omnes hactenus æditiones
longe superet. Lugduni, apud Ant. Vincentium in Veronica, MDXLVI. La première édition (1529) est dédiée au
chancelier du Prat.
503 de leur personne, [va de pair...]
504 de se faire [rapporter... reciter] les raysons [que j'ay, pour lesquelles je ne puis nullement employer...]
505 ma proposé. [A cett'intention]
506 Charles Chaliveau de la Bretonnière, intendant du duc de Nemours, fut abbé commendataire de Saint-Evroul en
Normandie de 1615 à 1625, année de sa mort.
Antoine des Hayes, secrétaire des commandements du duc de Nemours, portait aussi le titre de seigneur de
la Bretonnière.
507 et contre [une creature... un homme] qui est si jaloux du respect [quil vous doit, Monseigr, que sil y avoit
apparence de droit... sil falloit violer le droit, ne le violeroit...]
508 Monseigneur, [que le prince qui le porte est si Catholique...] entier en [sa pieté, quil ne voudroit...] la pieté, que
vous ne voudres jamais rompre l'ordre de l'Eglise et les ordonnances du St Siege, pour authoriser...
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15.5 Page 145

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CXCIV. A M. Charles d'Albigny. Prière de s'intéresser à un
créancier de la Sainte-Maison de Thonon
Annecy, 2 août 1603 509.
Monsieur,
Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent ;
neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me
suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit
proposés. Mais n'estans reussis et voyant la necessité de ce creancier croistre tous les jours, je me
suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement ; et on m'a dit que Son Altesse
avoit ordonné certaine pension annuelle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la
somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulierement sil vous playsoit d'en dire un mot de
faveur. C'est pourquoy, Monsieur, je vous en supplie humblement, et de me pardonner si je suis si
prompt a vous importuner, puisque c'est pour un œuvre charitable et le soulagement des affligés,
comm'est ce creancier.
Je prie Dieu cependant pour vostre santé, que je souhaitte longue et heureuse, comme doit,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Monsieur
Monsieur d'Albigni,
Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les montz.
Revu sur l'Autographe appartenant au marquis Bonaventure Chigi-Zondadari, à Sienne. [215]
_____
509 Cette lettre n'est pas datée ; mais comme sur le verso une main étrangère a écrit : « Receu le 3e aoust 1603, » et que
d'Albigny se trouvait alors à Chambéry, il est probable qu'elle a été expédiée la veille.
145/340

15.6 Page 146

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CXCV. A M. Claude de Charmoisy510. Mme de Beaulieu
demandée en mariage par M. de Sainte-Claire ; avantages que
présenterait cette alliance. Elle désire à ce sujet l'avis de M.
de Charmoisy.
Annecy, 6 août 1603.
Monsieur mon Cosin,
Despuis vostre despart, madame de Beaulieu511 a esté demandee en mariage par monsieur
de Sainte Clere512, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et
craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections. Mais
se resouvenant que feu monsieur de la Barge513, son frere, l'avoit laissee en ce pais principalement
en [216] la confiance quil avoit de vostre amitié et que vous en auries soin, dequoi aussi ell'a
ressenti beaucoup d'effectz, elle n'a pas voulu passer outre a prendre la derniere resolution en ce
sujet sans vous en donner advis et prendre vostre congé.
C'est pourquoi ell'envoye monsieur Sapientis514, auquel j'ay donné ce mot pour vous
tesmoigner qu'apres avoir sceu ce dessein, et l'avoir consideré et recommandé a Dieu avec le soin
que j'eusse fait pour une propre fille de ma mere, j'ay estimé qu'il estoit fort bon et sortable, et ne
m'est demeuré aucune difficulté pour retenir mon jugement, que le devoir qu'ell'a d'attendre le
vostre, lequel je pense ne pouvoir pas estre beaucoup dissemblable au mien.
Au demeurant, hier vostre brave Henri515 me fit lhonneur de me venir faire mille caresses
ceans et me donner les signes de l'hereditaire bienveüillance quil me portera a l'advenir, comme
estant filz de pere et mere a qui je suis inviolablement,
Monsieur mon Cosin,
Cosin et serviteur plus humble,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
Monsieur Le Grand516 est a Belley et me tient en suspens, par l'incertitude de son arrivee
en ce diocæse, si j'auray la commodité d'aller a Thonon pour la mi aoust.
510 Claude, fils de Charles Vidomne de Chaumont, seigneur de Charmoisy, Marclaz et Villy (voir le tome précédent,
note (152), p. 57), et de Françoise de Bellegarde, était parent et ami intime de saint François de Sales. Très considéré
à la cour des ducs de Nemours et de Savoie, il fut créé par le premier de ces princes, gentilhomme ordinaire de sa
chambre, grand gruyer en Genevois, Faucigny et Beaufort (22 mars 1601) et nommé par le duc de Savoie conseiller
d'Etat, gentilhomme de sa chambre, grand maître de l'artillerie (1617), ambassadeur aux Ligues Suisses, etc. M. de
Charmoisy, qui avait toujours été fidèle à ses princes dans la prospérité comme dans la disgrâce, mourut à Chambéry
le 28 octobre 1618.
511 Madeleine de la Barge, veuve de Michel de Combelles, seigneur de Chabannes. Le Saint s'intéressait spécialement
à cette dame que, d'après Charles-Auguste de Sales, il avait « delivrée de la vexation des diables. » Il n'est pas possible
d'indiquer la date de son mariage avec M. de Sainte-Claire.
512 Jacques Orlandin ou Orlandini, seigneur de Sainte-Claire et Vesancy au pays de Gex, et écuyer, qui appartenait à
une famille originaire de Florence, avait abjuré le protestantisme l'année précédente au Jubilé de Thonon. Il épousa
effectivement Madeleine de la Barge, devint bailli de Gex (patentes du 24 juin 1626) et mourut vers 1631.
513 Louis, seigneur de la Barge, baron de Meymont et de la Pérouse, destiné par sa famille à l'état ecclésiastique, avait
pris rang parmi les chanoines comtes de Lyon ; à la mort de ses frères aînés il rentra dans le monde, devint écuyer du
roi, et fut pendant quelque temps son lieutenant en Vivarais. (Généalogie de la famille de la Barge de Certeau.) On
trouve inscrits sur le Registre dela Confrérie de Notre-Dame de Compassion de Thonon, en juin 1602, « hault et
puissant seigneur Loys de la Barge, et dame Françoise de Sainteran, sa femme. »
514 Plusieurs familles Sapientis ou Sage étaient fixées en Savoie. On trouve notamment à cette époque, Urbain Sage,
religieux du Saint-Sépulcre d'Annecy, et le notaire Humbert Sage, plus tard déposant au Procès de Béatification de
notre Saint.
515 Henri de Charmoisy, alors âgé d'environ deux ans.
516 Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, grand écuyer de France, lieutenant-général en Bourgogne, dont il sera
souvent question dans la suite de cette correspondance.
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15.7 Page 147

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A Neci, VI aoust 1603.
A Monsieur
Monsieur de Charmoysi.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Vuÿ, à Carouge (canton de Genève). [217]
_____
CXCVI. A M. Charles d'Albigny (Inédite). Il implore la
continuation de sa protection pour la Sainte-Maison de Thonon
Annecy, 22 août 1603.
Monsieur,
Le R. Pere Cherubin, præsent porteur, m'a dit et fait entendre combien de zele Dieu vous a
donné a l'advancement des affaires de la Sainte Maison de Thonon et le bon commencement que
vous y aves fait donner. C'est cela, Monsieur, qui me fait esperer d'en voir bien tost tout d'une main
un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Cherubin allant a Chamberi, je vous supplie,
Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre
au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'eglise de Thonon demeurer en suspens.
Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a
la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition. Je le prie quil
vous comble de ses graces et suis,
Monsieur,
Vostre serviteur tres humble,
FRANÇ., Evesque de Geneve.
A Neci, 22 aoust 1603.
A Monsieur
Monsieur d'Albigni,
Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les montz.
A Chamberi.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bologne. [218]
_____
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15.8 Page 148

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CXCVII. A M. Antoine de la Porte (Inédite). Recommandation
en faveur d'un homme qui désirait affermer la terre de Duingt.
Plusieurs affaires d'intérêt seraient à terminer. Encore un
mot sur le payement de Thorens
Annecy, 22 août 1603.
Monsieur,
Cet honneste homme est bourgeois de cette ville, et reconneu de tous pour fort homme de
bien. Il desire de prendre a ferme de Madame la terre de Duin, et je suis obligé de vous tesmoigner
que ne pense pas que Madame puisse mieux remettre la susdite ferme qu'es mains d'un homme de
ceste sorte. C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et
mesme pour les prises des annees passees, desquelles il desire avoir honneste prix en payant argent
content. Si Madame eut fait response a la lettre de monsieur le marquis de Lulin par laquelle il luy
demandoit la susdite terre a achepter, je penserois qu'elle la voulut vendre517 ; mais ne l'ayant pas
fait, j'estime qu'elle la veut garder, et en ce cas elle ne sçauroit mieux faire pour ce particulier que
d'employer ce porteur.
Vous aures sceu comme le seigneur Dom Amedeo de Savoye a remporté gain de cause
contre Son Excellence pour Conflens, non obstant tout l'essay que je fis en mon voyage de Piemont
de faire retarder l'issue du proces, dont ledit seigneur Dom Amé m'a sceu fort mauvais gré. Il seroit
bon de donner ordre une fois pour toutes a tous ces affaires de deça, et mesme a celuy que Madame
a avec les enfans de feu monsieur le chancelier Millet518, [219] dequoy ayant escrit plus d'une fois,
je m'estonne de n'en avoir nulle response.
Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens ; mais il n'est
pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a present pour ces troubles des guerres,
qui ne font que de finir. Croyés, je vous supplie, que je n'ay nul souci du monde que pour ce
particulier, et que je ne laisse passer aucune occasion sans m'en empresser. J'attens response, et
priant Dieu qu'il vous comble de ses graces, je suis toute ma vie,
Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
22 aoust.
A Monsieur
Monsieur de la Porte,
Surintendant de la mayson de Madame la Duchessse de Mercœur.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.
_____
517 Conferatur Epist. CLXXXV.
518 Louis Milliet, baron de Faverges et de Challes, premier président au Sénat de Savoie, grand chancelier, né à
Chambéry le 26 juin 1527, mort à Moncalieri le 12 février 1599. Il fut « le réformateur de la justice et des finances,
un des plus grands hommes de son siècle et de notre pays, et l'un des plus habiles ministres qui aient jamais concouru
à la prospérité de la dynastie savoyarde. »
148/340

15.9 Page 149

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CXCVIII. Au Maire et aux Échevins de Dijon519. Réponse à
l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon.
Annecy, 22 août 1603.
Messieurs,
Ce m'est un'extreme faveur que vous ayes desiré de m'avoir en vostre ville pour le service
de vos ames, et ne puis penser comme ce bon heur m'est arrivé que vous [220] sachies mon nom
et que je suis au monde. Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant
rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a
l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes
des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de
vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur. En cette volonté, je m'essayeray de
vaincre toutes les difficultés qui me pourroyent destourner de me rendre aupres de vous au teins
que vous m'aves marqué en vostre lettre.
Mais vous me permettres, s'il vous plait, de vous dire que si vous aviés aggreable que ce
fut seulement pour le Caresme, je n'aurois a vaincre nulle difficulté, car je n'en rencontrerois pas
une. Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes
incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter ; et neanmoins,
plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos
volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer
icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens
pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville. J'attendray donques de vous, par ce porteur,
la declaration de vostre volonté, a laquelle, toutes considerations laissees, je me rangeray
entierement. [221]
Dieu vous veuille donner, Messieurs, le comble de ses graces, et a moy autant de pouvoir
quil m'a donné d'affection de me faire connoistre
Vostre serviteur plus humble en Jesus Christ,
FRANÇOIS, Evesque de Geneve.
A Neci, 22 aoust 1603.
A Messieurs
Messieurs les Viconte majeur et Eschevins de la ville de Dijon.
Revu sur l'Autographe conservé aux Archives municipales de Dijon.
_____
519 Le maire de Dijon était « Jean de Frazans, seigneur d'Orain, docteur en droit, avocat au Parlement, échevin et garde
des Evangiles, élu vicomte majeur le 20 juin 1603. » Le 23 juin de cette même année avait eu lieu l'élection des
échevins, et six de ceux qui devaient sortir de charge furent retenus par le maire pour assurer une administration plus
régulière. C'était Bénigne Chisseret, bourgeois, Guillaume Berbisey, lieutenant particulier au bailliage de Dijon,
Robert Caillin, procureur à la Chambre des Comptes, Gobin Derequeleyne, conseiller provincial de l'artillerie en
Bourgogne, Claude Mouchet, avocat à la cour, Bénigne Perruchon, bourgeois. Quatorze nouveaux échevins furent
élus en 1603, et de plus, leur étaient adjoints des conseillers ecclésiastiques, qui assistaient aux délibérations de la
Chambre de ville : Jules Milletot, Albert Dubois, grand-prieur de Saint-Etienne, Jean Millière, prieur d'Epoisses,
chanoine de la Sainte-Chapelle, Laurent Davignon, curé de Saint-Philibert, Pierre Vautherin, chanoine de Saint-Denis
de Vergy et chapelain de Saint-Jean. (Archives municipales de Dijon, Registre des Délibérations de la Chambre de
Ville.)
149/340

15.10 Page 150

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CXCIX. A M. Jacques Excoffier, Curé de Chevenoz520 (Inédite).
Ordre de biner. Encouragement à se rendre plus capable de
ses fonctions.
Thonon, 21 septembre 1603.
Monsieur le Curé,
Jay entendu que vous ne voulies continuer de dire deux Messes suy vant la permission que
je vous en avoys donné, qui me fait vous dire que jusques a ce que je vous enleve le pouvoir vous
ne cessies de servir Vincie comme vous aves de coustume. Je vous advertis aussy que prenies
peyne a vous rendre plus cappable pour exercer telle charge, a quoy vous estes tenu. M'assurant
donques que vous ne manqueres a bien rendre vostre devoir, je demeure, Monsieur le Curé,
Vostre plus affectionné en Jesuschrist,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Thonon, le 21 septembre 1603.
A Monsieur
Monsr le Curé de Chevenoz.
Revu sur l'original appartenant à M. l'avocat Coppier, à Chambéry. [222]
_____
520 Le destinataire de cette lettre, dont la signature seule est autographe, était curé de Chevênoz, et de son annexe,
Vinzier, dès le 21 novembre 1601.
150/340

16 Pages 151-160

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16.1 Page 151

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CC. A M. Louis Bonier521. Prière de lui envoyer le bilan des
comptes de la Sainte-Maison.
Annecy, 23 octobre 1603.
Monsieur,
Voicy une lettre qui m'arrive de Monseigneur le Nonce de Turin, qui me conjure de luy
envoyer « un picolo bilancio delli conti che sonno stati veduti in Tonone « circa le cose della Santa
Casa, perchè gioverà molto appresso Sua Santità per ottenere molte gratie522. » Sil ne tient qu'a
cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer ; mais je ne puis si je ne l'ay, ni l'avoir que
par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que,
priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, XXIII octobre 1603.
A Monsieur
Monsieur Bonier,
Conseiller de S. A. et son Advocat Patrimonial en Savoye.
A Chamberi.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. J. Pearson, à Londres. [223]
_____
CCI. A Monseigneur Charles Broglia, Archevêque de Turin523.
Affaires d'intérêt concernant la Sainte-Maison.
Annecy, 7 novembre 1603.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
mio osservandissimo,
Révérendissime Seigneur,
Non dubito punto che dal P. Cherubino
Je ne doute point que Votre Seigneurie
haverà inteso V. S. Illma et Rma con quanta Illustrissime et Révérendissime n'ait appris par
diligentia si sonno fatti i conti della Santa Casa le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les
521 « Noble et spectable Louis Bonier, avocat patrimonial (1586) et conseiller de Son Altesse » (1608), acheta de Mgr
Berliet, archevêque de Tarentaise, la seigneurie de Bonport (inféodation par patentes du 11 mars 1605). Sa femme,
Anne Carra, est veuve quand elle figure en qualité de marraine le 9 juin 1613 ; (Note du comte de Mareschal.)
522 « un petit bilan des comptes qui ont été revisés à Thonon touchant les affaires de la Sainte-Maison, parce qu'il sera
très utile auprès de Sa Sainteté pour en obtenir beaucoup de faveurs. »
523 Charles Broglia, né à Chieri, de l'illustre famille des Santena, avait été appelé en 1592 à succéder sur le siège
archiépiscopal de Turin au Cardinal Jérôme della Rovere. Le duc de Savoie l'avait en grande estime ; lorsqu'il devait
s'éloigner de la capitale, c'est à l'Archevêque de Turin qu'il confiait la surveillance de ses quatre fils, et ceux-ci
témoignaient autant de soumission et de déférence au Prélat qu'au prince lui-même. Les sollicitudes que lui donnait
l'administration de son diocèse n'empêchaient pas Mgr Broglia de s'occuper activement d'assurer la prospérité de
l'Eglise en Chablais ; non seulement il accepta le titre de Primicier de la Sainte-Maison, mais il prit vivement à cœur
les intérêts de cette institution dont les débuts furent si traversés. (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 97, d.) Mgr
Broglia mourut aussi saintement qu'il avait vécu, le 22 février 1617.
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16.2 Page 152

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di Tonone per quello che di qua dei monti si è comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour
trovato. Resterebbe di far anco quelli delle ce qui a été trouvé au deçà des monts. Reste à
cose di là delli monti. Per il che mi ha preghato dresser ceux qui concernent les affaires d'au
il Consiglio di detta Casa di supplicar a nome delà des monts. C'est pourquoi le Conseil de
suo V. S. Illma et Rma che, come capo ladite Maison m'a demandé de supplier en son
principalissimo delle cose di essa et nom Votre Seigneurie de vouloir bien, en
Primicerio, si degni far render li conti al signor qualité de premier supérieur et de Primicier de
[224] Gabaleone524, et commandarglie di dar cette institution, faire [224] rendre compte à
prima dodeci ducatoni al signor de Prissy525, M. Gabaleone et lui donner ordre de payer
che glie sonno da detta Casa legitimamente d'abord à M. de Prissy douze ducatons qui lui
dovuti, sì come ne testificarà detto P. sont justement dus par cette Maison, ainsi que
Cherubino. Et sopra tutto mi diede carico detto pourra l'attester le P. Chérubin. Le Conseil m'a
Consiglio di ringratiare humilmente V. S. Illma surtout chargé de remercier très humblement
et Rma della molta carità et sollecitudine Votre Seigneurie Illustrissime et
paterna che delle cose della Casa. Ella sin Révérendissime de la grande charité et de la
adesso ha havuta, et pregharla che si degni paternelle sollicitude qu'Elle a témoignées
continuare : che è quanto ho da scriverglie in jusqu'ici pour les affaires de cette Maison, la
questa occasione.
priant de vouloir bien continuer. C'est tout ce
Et per fine, glie pregho dal Signor Iddio que j'ai à vous écrire dans la circonstance
ogni vero contento.
présente.
Di V. S. Illma et Rma,
En finissant, je vous souhaite du
Humilissimo servitore, Seigneur notre Dieu tout vrai contentement.
FRANCO, Vescovo di Geneva.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
In Annessi, alli 7 di Novembre 1603. Révérendissime,
[225]
Le très humble serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 7 novembre 1603. [225]
_____
CCII. Au Prieur et aux Religieux du Monastère de Sixt526
(Inédite). Désir de connaître les résultats obtenus par la visite
épiscopale. Assurance de dévouement
Annecy, 14 novembre 1603.
Messieurs mes Freres en Jesus Christ,
Je desire fort de sçavoir quelz effectz auront suivi les ordonnances faittes en nostre visite,
tant de vostre costé que de celuy de monsieur l'Abbé. C'est pourquoy je vous prie de me faire ce
524 Jean-Baptiste Gabaleone, seigneur d'Andeseno et Baldichieri, conseiller d'Etat et général des Postes, remplit des
ambassades importantes en Suisse et en Angleterre ; il était alors surintendant général des finances, et comme tel
devait fournir les subsides alloués par le duc de Savoie à la Sainte-Maison.
525 Le nom de M. de Pressy ou de Prissy était porté à cette époque par Claude-François Pobel.
526 L'une des premières préoccupations de saint François de Sales après son élévation à l'épiscopat, avait été la réforme
des monastères de son diocèse. Celui de Sixt (voir le tome précédent, note (716), p. 316) avait attiré le plus son
attention ; le 25 septembre 1603, il procédait à la visite canonique de cette maison, et prenait des mesures pour y
rétablir la régularité. La Communauté, dont l'Abbé commendataire était Jacques de Mouxy, se composait alors de huit
Religieux : Jean Moccand, prieur, Bernard et Claude de Passier, un autre Jean Moccand, François Biord, Pierre Pugin,
Nicolas Desfayet et Bernard de Lucinge.
152/340

16.3 Page 153

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bien de m'en donner advis entre cy et Noël, poinct par poinct, affin que si je doy contribuer quelque
diligence a l'entiere execution d'icelles, je n'y manque par ignorance de la necessité.
Monsieur de Saint Paul527 me dit que monsieur l'Abbé avoit laissé d'accenser l'abbaye,
selon qu'il m'avoit donné parolle, pour quelques parolles laschees de vostre part, qui estonnerent
les fermiers qui s'offroyent. Si cela est, vous aures occasion d'en tenir quitte ledit sieur Abbé,
puisque quant a moy, cela ne m'importe point, pourveu que vous soyes payés comme il faut, qui
est mon seul regard pour ce particulier. Ce que vous manquant, si vous m'en donnes
advertissement, je ne feray aucune faute de [226] m'essayer d'y remedier, honteux que je serois de
faire des ordonnances aux visites des autres monasteres, ainsy que nostre Saint Pere et Son Altesse
le veulent, si a la premiere j'avois esté du tout inutile.
Je me recommande a vos prieres desquelles, a la verité, j'ay bon besoin, et suis,
Messieurs,
Vostre tres humble confrere et serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
Annessi, ce quatorziesme novembre mil six centz et trois.
A Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.
_____
CCIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Envoi d'une
attestation relative à la conversion des bailliages de Chablais,
Gaillard et Ternier
Annecy, 15 novembre 1603.
Monseigneur,
J'envoye a Vostre Altesse l'attestation528 qu'elle desiroit de moy sur la conversion des
peuples de Chablaix, Gaillart et Ternier. Je ne sçai si je l'auray dressee au gré de Vostre Altesse ;
mais je sçai bien que je n'ay pas peu esgaler le merite du sujet par aucune sorte de narration, ni le
desir que j'aurois de rendre tres humble obeissance aux commandemens et intentions de Vostre
[227] Altesse. Elle me fera cette faveur, je l'en supplie tres humblement, de me donner le bonheur
de sa grace, et je prie Nostre Seigneur pour la santé et prosperité de Vostre Altesse, de laquelle je
suis,
Monseigneur,
Tres humble et tres obeissant orateur et serviteur,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Annessi, 15 novembre 1603.
_____
527 Peut-être s'agirait-il de l'un des neveux de l'Abbé commendataire, Humbert, fils de Jean-François de Mouxy,
seigneur de Saint-Paul, près de Grésy-sur-Aix.
528 Cette attestation n'est autre que la lettre suivante, adressée au Pape Clément VIII à la prière du duc de Savoie. (Voir
à l'Appendice la lettre de ce prince en date du 25 octobre 1603.)
153/340

16.4 Page 154

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CCIV. A Sa Saintete Clement VIII (Minute). Exposé des causes
qui ont provoqué l'apostasie du Chablais : pression exercée par
les Genevois. Envoi de missionnaires. Zèle déployé par le
duc de Savoie ; éloge de ce prince. Conversion de toute la
province
Annecy, 15 novembre 1603.
Beatissime Pater,
Très Saint Père,
Cum rerum Christianarum firmitas a
Sanctæ Sedis Apostolicæ sollicitudine,
secundum Deum, pendeat, multum sane
interest ut quæ in rem Ecclesiæ distinctis
passim locis geruntur vere et ex fide apud eam
proferantur, ne scilicet objecta summæ illius
curæ pastorali, aut vera prò falsis, aut falsa pro
veris exponantur. Quam ob causam, cum in
hac diæcesi quæ Sedis Apostolicæ [228]
voluntate mihi commissa est, maxima facta sit
iis nostris temporibus rerum in melius mutatio,
non debeo committere quin de vero illarum
statu quam potero clare ac distincte, omnino
autem ex ventate, apud Sedem Apostolicam
narrationem deferam. Ea autem ut piena sit,
paulo altius ordiar necesse est.
Quo tempore Gallorum Rex,
Franciscus primus, omnem propemodum
Sabaudiam occupavit, Bernenses Helvetii,
Lutherana ac Zuingliana lue non ita pridem
infesti, in partes Sabaudiæ sibi viciniores
irruptionem fecerunt, animosque civibus
Genevensibus addiderunt ut Christi
suavissimum jugum ac proprii Principis
imperium excuterent, ac in istam seditionem
democraticam qua nunc vexantur, speluncam
scilicet latronum et exulum529, infœlici
mutatione degenerarent. Verum, ut a Gallorum
armis initium duxerat Bernensium irruptio et
tirannis in nostros Sabaudos, ita etiam pax,
cum conditione rerum restituendarum in
integrum, inter Henricum, Francisci Regis
filium, et Emmanuelem Philibertum, [229]
Sabaudiæ Ducem, ansarti dedit Bernensibus de
restitutione provinciarum quas occupaverant
serio cogitandi. Adduci tamen non potuerunt ut
omnia quæ ceperant redderent, nec ut ea quæ
restituere parati erant sine injusta conditione
Après Dieu, c'est le Saint-Siège
Apostolique, c'est sa vigilance qui assure la
stabilité de la république chrétienne. Aussi
importe-t-il beaucoup de lui faire un rapport
consciencieux et fidèle des évènements qui
intéressent l'Eglise en chaque pays ; sinon,
quand on soumettra un exposé de faits à la
sollicitude souveraine du Pontife, on pourra
faire passer pour vrai ce qui est faux ou pour
faux ce [228] qui est vrai. Or, le diocèse dont,
par la volonté du Siège Apostolique, j'ai la
garde, a vu de nos jours ses affaires s'améliorer
très heureusement. Cette situation nouvelle, je
dois l'exposer au Siège Apostolique ; je le ferai
avec autant de clarté et de précision que
possible, mais en tout cas, avec un souci absolu
de la vérité. Pour être complet, il sera
nécessaire de reprendre les choses d'un peu
plus haut.
Pendant que la Savoie presque tout
entière était au pouvoir du roi de France
François Ier, les Suisses Bernois, infectés
depuis peu du venin de l'hérésie luthérienne et
zwinglienne, se jetèrent sur ces quartiers de
Savoie qui confinent à leur pays. Cédant à
leurs persuasions, les habitants de Genève
secouèrent le joug très suave du Christ et, du
même coup, l'autorité de leur propre souverain.
Ils en vinrent, par le plus malheureux des
changements, à tomber jusqu'au fond de cette
démocratie dont l'esprit séditieux agite à cette
heure le pays, et en fait en quelque sorte une
caverne de voleurs et de bannis. Or, comme les
armes des Français avaient occasionné cette
irruption des Bernois et leur domination si
funeste à nos Savoisiens, par contre, quand la
paix se fit entre Henri, fils de François Ier, et
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, ce fut
529 Matt., XXI, 13 ; cf. I Reg., XXII, 1, 2.
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16.5 Page 155

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dimitterent. Quare, cum res non ferret ut tunc
cum eis armis decerneretur, actum factumque
est ut Dux reciperet quatuor illa quæ vocant
balliagia Tononense, Terniense, Galliardense
et Gayanum, sive Gexense, quæ quatuor ex
partibus civitatem Gebennensem cingunt
illique circum circa obvolvuntur ; hoc tamen
addito pacto, nulla ut in eis Catholicæ
religionis officia celebrarentur. Iniqua plane
conditio, sed spe melioris eventus toleranda, et
illorum temporum ac rerum constitutioni
congruens.
Inter hæc, Emmanuel Philibertus Dux,
ut erat apprime Catholicus, nullum cogitandi
finem facit quanam demum ratione illius
conditionis vexationem redimere queat ; sed
frustra, cum Divina Providentia non illi tantum
honorem, sed Carolo Emmanueli, filio,
destinasset. Cum ergo ante aliquot annos
Bernenses et Genevenses cum Gallis copias
[230] conjuxissent, fide priorum contractuum
fracta, iterum in eadem balliagia armis
impetum faciunt ; perfidia sane quoad dici
potest plane fausta et opportuna, quando Dux,
ex violatæ fidei occasione, inviolatæ fidei
populos illos restituit. Cui tamen operi ne
multorum hominum merita deessent, illud sine
multis et diuturnis bellorum laboribus,
multoque sparso hinc inde sanguine perfici non
potuit, dum pro armorum vicissitudine varie ab
utraque parte decertatum sit.
Al tandem aliquando induciæ fiunt,
cum Dux balliagia duo, Tononense et
Terniense, jam teneret. Nulla mora : rebus vix
sic stantibus, Carolus Emmanuel iniqua
conditione liberatum se sentiens, in ipso
propemodum induciarum articulo, Episcopum
prædecessorem meum, cujus memoria in
benedictione530, statim monet ut Catholicos
concionatores illis populis convertendis
immittat, [et] velle se omnino Catholicam
religionem illis restitui. Episcopus, mirum in
modum gavisus, Terniensi balliagio duos
concionatores, unum ex Dominicana familia,
alterum ex [231] Societate Jesu addicit531 ;
Tononensi autem duos e sua Cathedrali :
Ludovicum de Sales, qui nunc Præpositus est
ipsius Ecclesiæ, et me, nunc quidem
Episcopum indignum, tunc autem Præpositum.
avec la condition de rétablir l'ancien [229] état
de choses. C'est ce qui donna l'idée aux
Bernois de songer sérieusement à restituer les
provinces dont ils s'étaient rendus maîtres.
Toutefois on ne put les amener à faire une
entière restitution, et même les restitutions
auxquelles ils se résignèrent étaient
accompagnées d'une condition injuste. D'autre
part, on n'était pas en mesure de se faire justice
par la force des armes ; voici donc ce qui fut
conclu et ce qui fut fait : le duc reprendrait ce
qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon,
Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent
à Genève de quatre côtés et s'étendent tout
autour de cette ville, à la condition expresse
toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la
religion catholique. Certes, la clause était tout
à fait inique, mais on s'y résigna dans
l'espérance de jours meilleurs ; d'ailleurs les
circonstances des temps et des lieux n'en
comportaient pas d'autre.
Cependant le duc Emmanuel-Philibert,
en bon et sincère Catholique qu'il était, pensait
constamment, mais en vain, au moyen
d'annuler cet article vexatoire du traité. Ce
n'est pas à lui, mais à son fils Charles-
Emmanuel, que la divine Providence réservait
cette gloire insigne. En effet, il y avait
quelques années que les Bernois et les
Genevois avaient allié leurs troupes à celles de
la France. Brisant [230] alors avec la parole
donnée précédemment, ils envahirent de
nouveau les quatre bailliages susdits. De leur
part, c'était une pure perfidie, mais, le croirait-
on ? elle nous fut propice et singulièrement
profitable, car le duc s'autorisant de leur foi
violée, rendit ces peuples à la foi chrétienne,
celle-là inviolable. Comme si l'entreprise ne
pouvait être exécutée sans le méritoire
concours d'un grand nombre de personnes, elle
coûta bien des labeurs, de longues guerres,
sanglantes à la fois pour les deux partis, car les
succès furent partagés selon la vicissitude des
armes.
Enfin la trêve fut résolue, quand déjà le
duc occupait les deux bailliages de Thonon et
de Ternier. Dès ce moment, encore que les
choses fussent à peine assurées, Charles-
Emmanuel se sentit délivré de la clause inique
imposée par les hérétiques. Aussitôt, dans le
530 Eccli., XLV, 1.
531 Ce dernier était le P. Jean Saunier. (Voir le tome précédent, note (583), p. 261.)
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16.6 Page 156

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Jam ergo, de eo quod vidi loquor532 et
quod ut ita dicam manus meæ
contrectaverunt533, ut sim impudentissimus si
mentior, imprudentissimus si rem nescio.
Igitur, cum balliagia illa ingressi sumus,
misera ubique rerum facies apparebat.
Videmus enim sexaginta quatuor parrochias,
in quibus, exceptis Ducis officiariis quos
semper habuit Catholicos, ne centum quidem
ex tot hominum millibus Catholici
inveniebantur. Tempia partim diruta, partim
nuda, nullibi nullibi Crucis signa, nullibi
altaria, ac ubique fere omnia antiquæ et veræ
fidei deleta vestigia. Ubique ministri, ut
vocant, hoc est, hæresis doctores, domos
evertentes, sua dogmata ingerentes, cathedras
occupantes, turpis lucri gratia534. Bernenses,
Genevenses et id genus perditionis filii535, per
suos exploratores, [232] minis populum
deterruere ab audiendis nostrorum concionibus
: inducias nimirum istas inducias esse, pacem
nondum constitutam, mox Ducem atque adeo
sacerdotes expellendos armis, hæresim sartam
tectam remansuram.
Nostri tamen rem pro virili promovent,
ac primarios primum viros aliquot ex hæresis
vorticibus in communionis Catholicæ portum
recipiunt, sexque variis locis erectæ [sunt]
Catliolicorum parrochiæ : tres in Tononensi,
tres item in Terniensi agro (cur autem plures
non erigerentur, partim operariorum paucitas,
partim quod non suppeteret unde sustentari
possent, partim quia pace nondum firma, res
adhuc incertæ videbantur), et e Patrum
Capuccinorum Ordine novi et strenui
adveniunt messores, qui alacritate et zelo
multorum vices supplebant.
Itaque ita biennium traducitur, cum
Dux, in re quam vive gerebat præcordiis
impatiens morarum, ipsemet venire,
Tononenses qui præcipui videbantur convenire
ac cum eis coram agere constituit. Idque
accidit anno millesimo quingentesimo
nonagesimo octavo, adeoque [233] fœliciter
successit ut Illustrissimus et Reverendissimus
Cardinalis Florentinus, a latere Sedis
Apostolicæ Legatus, diebus aliquot interpositis
adveniens, multa jam hominum millia viderit
temps même où se concluait la trêve, il pria
l'Evêque mon prédécesseur, dont la mémoire
est en bénédiction, d'envoyer à ces populations
des prédicateurs catholiques pour les convertir,
en affirmant sa volonté formelle de rétablir
chez elles la religion catholique. Cette
résolution causa au Prélat une joie
inexprimable ; il envoya au bailliage de
Ternier deux prédicateurs, l'un de la famille
Dominicaine, [231] l'autre de la Compagnie de
Jésus ; et au bailliage de Thonon, deux autres
de son église cathédrale : Louis de Sales, qui
en est maintenant le prévôt, et moi, qui en suis
aujourd'hui l'évêque, quoique indigne, et qui,
pour lors, en étais le prévôt.
Je parle donc de ce que j'ai vu, et pour
ainsi dire, de ce que mes mains ont touché ; le
dernier des hommes si je dis le contraire de la
vérité, le plus inconsidéré, si je ne la connais
pas. A peine entrés dans ces bailliages, un
spectacle attristant s'offrit partout à nos yeux.
Nous avions devant nous soixante-quatre
paroisses ; or, si l'on excepte les officiers
catholiques du duc, qui n'en voulut jamais
avoir que de tels, on n'eût pas trouvé une
centaine de fidèles sur une population de
plusieurs milliers d'âmes. Des temples la
plupart détruits ou dépouillés ; plus,
absolument plus de croix, plus d'autels, mais
partout les vestiges de l'ancienne et vraie foi
anéantis. Partout des ministres, comme on les
appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie,
pervertissant les familles, insinuant leur
doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un
gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et
autres semblables enfants de perdition,
terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs
[232] émissaires, pour les détourner de nos
prédications. « La trêve, » disaient-ils, « n'est
qu'une trêve, la paix n'est point conclue ;
bientôt nous chasserons par les armes duc et
prêtres, et notre parti, défiant toute insulte,
restera seul triomphant. »
Sans s'émouvoir, nos missionnaires
poussèrent hardiment l'entreprise. Quelques-
uns des principaux seigneurs furent par eux
retirés du gouffre de l'hérésie, et ramenés au
port de la communion catholique. Six
532 Joan., VIII, 38.
533 I Joan., I, 1-3.
534 Tit., I, 11.
535 Joan., XVII, 12 ; II Thess., II, 3.
156/340

16.7 Page 157

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conversa esse, quibus quidem ipse partim
absolutionem contulit, partim ab Episcopo
prædecessore meo, partim etiam a me dari
voluit, cum scilicet in tanta pœnitentium copia,
omnibus diei horis paratus esse deberet aliquis
qui ad caulas Christi redeuntes oves exciperet.
Quem profecto tam insignem et
ingentem animorum motum ut in supremum
rerum omnium immobilem Motorem referre «
dignum et justum est536, » sic quoque ingenue
fatendum illum Ducis zelo, tamquam optimo
instrumento, vel maxime usum fuisse. Illis
enim aliquot mensibus quibus Dux hinc
conversioni procurandæ incubuit atque adeo
Tononi moratus est, cor ejus peculiari quadam
gratia in manu Dei esse videbatur, ut ad
quodcumque vellet converteret illud537 ; cum
sive publicis ad populum cohortationibus ac
vocibus Catholico Principe dignis, sive
privatis monitis ad eos qui videbantur hæresis
majores columnæ538, sive exemplis bonorum
operum, [234] omnibus animi dotibus ac
viribus, cum populo illo universo contenderet
ut illum Ecclesiæ Catholicæ inferret
referretque, constitutus scilicet Dux a Deo
super plebem illam, prædicans præceptum
ejus539. Nec destitit unquam donec mutata
rerum facie, veluti exacta hyeme et redeunte
vere, ubique appareret « arbor decora et
fulgida540 » vivificæ Crucis, ubique Ecclesiæ
cantus, ut vox turturis audiretur in terra illa, et
vineæ illæ instauratæ recentesque florentes
darent odorem suum541. Dicam intrepide,
nusquam suavius, nusquam efficacius hoc
nostro tempore hæreticorum tanta copia ad
sanam fidem adducta est.
Huc usque tamen pars ista maxima
illorum populorum ad Ecclesiam reversa
aliquot habebat immixtos utriusque sexus
hæreticos, qui cæteris obstinatiores in errore
permanebant. Quibus cum mederi aliter non
posset Dux, ne reliquam plebem inficerent eos
demum edicto publico discedere præcepit.
Hujus edicti terrore perculsi, aliquot etiam
conversi sunt, nimirum dum configitur
paroisses furent érigées en divers lieux : trois
dans le bailliage de Thonon et autant dans celui
de Ternier (on ne put en établir davantage,
faute d'ouvriers évangéliques, faute de fonds
suffisants pour leur subsistance, et aussi parce
que la paix n'ayant rien de stable, les choses
flottaient dans l'incertitude), et l'Ordre des
Capucins envoya de nouveaux aides,
moissonneurs intrépides dont chacun, par son
zèle infatigable, réalisait le travail de plusieurs.
Deux années se passèrent donc de la
sorte quand enfin le duc, dans une affaire qu'il
avait si vivement prise à cœur, ne
s'accommoda plus des retardements. Aussi se
décida-t-il à venir lui-même à Thonon pour
réunir les principaux de la ville et traiter en
personne avec eux. Le voyage eut lieu en 1598
; il fut couronné d'un tel succès que [233]
l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal de
Florence, Légat a latere du Saint-Siège
Apostolique, arrivant quelques jours après, y
fut témoin de la conversion de plusieurs
milliers de personnes. Une partie abjura entre
ses mains ; il adressa les autres à l'Evêque mon
prédécesseur ou à moi. Avec une telle
multitude de pénitents, il fallait en effet qu'à
toute heure un prêtre fût prêt pour accueillir ces
brebis qui revenaient au bercail du Christ.
Sans doute, « il est digne et juste » de
rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de
toutes choses le mouvement si remarquable et
si profond qui s'est fait dans les âmes ; mais,
avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se
servir surtout du duc de Savoie et de son zèle,
comme du principal instrument. Pendant les
quelques mois que le prince s'occupa d'amener
la conversion du pays, durant son séjour à
Thonon, son cœur, par une grâce singulière,
semblait être dans les mains de Dieu, tant il en
suivait docilement les impressions. Tantôt il
faisait publiquement des exhortations au
peuple ; tantôt il entamait des conférences
privées avec ceux qui passaient pour les plus
fortes [234] colonnes de l'hérésie. L'exemple
des bonnes œuvres, ses grandes qualités d'âme,
ses meilleures ressources, il mettait tout en jeu
536 Ex Præfat. Missæ.
537 Prov., XXI, 1.
538 Galat., II, 9.
539 Ps. II, 6.
540 Ex hymno Vexilla Regis.
541 Cant., II. 11-12.
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16.8 Page 158

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spina542, [235] et afflictio dat intellectum
auditui543. Ut nullum lapidem relinqueret Dux
religiosissimus quem ipsemet suis, ut ita
dicam, manibus non moverit, per blanditias,
per minas, ut quoad per eum fieri posset populi
illi converterentur ; et quod laude dignius est,
magna consilii sui parte contra sentiente et
consulente. Nam et recte memini interfuisse
me Consilio super ea re habito, speciali
nimirum mandato Principis accersitus, in quo
plerique consiliariorum rem illam tunc aggredi
tempus non esse, resque non ferre mordicus
asserebant, neque sane sine probabili illarum
quas Status appellant rationum momento,
quibus tamen omnibus unam religionis
rationem Dux sanctissime præposuit ac
prætulit, idque videntibus, spectantibus ac
frementibus Bernensium legatis, qui illis ipsis
diebus ut id averterent solemnem egerint
legationem. Verum balliagium Galliardense
remanebat adhuc in potestate Genevensium, ex
induciarum conditionibus, atque adeo ad illud
nullus Catholicæ fidei patebat aditus ; at cum
paulo post per pacis decreta redditum etiam
[236] fuisset Duci, in illud immissi [sunt]
operarii, Ducis expensis, ex Societate Jesu et
cleri secularis sacerdotes qui exiguo tempore,
magnis laboribus, maxima Dei gratia, rem
propemodum omnem perfecerunt.
Itaque, ut rem magnam paucis dicam,
ante duodecim annos in sexaginta quatuor
parrochiis urbis Genevæ vicinioribus,
murisque illius, ut ita dicam, adjacentibus
hæresis publice docebatur, ac ita universa
occupabat ut mil lus Catholicæ religioni locus
superesset. Nunc autem totidem iisdemque
locis Ecclesia Catholica extendit palmites
suos, ac ita viget ut nullus hæresi locus sit
relictus ; cumque antea ne centum quidem viri
in tot parrochiis Catholici apparerent, nunc ne
centum quidem hæretici videantur, sed ubique
Catholicæ fidei sacra fiunt celebranturque,
adhibitis unicuique parrochiæ propriis
curionibus. Sicque factum ut tria illa balliagia
quæ ex pacis conditionibus Duci obtigerunt,
omnino Ecclesiæ restituta sint, ac, quod caput
est, ita in fide et religione recepta perseverent,
ut nullis extremorum bellorum
persecutionibus, nullis hæreticorum minis ab
ea se dimoveri passi [237] sint. Qui sane
dans ce corps à corps avec le peuple qu'il
voulait ramener tout entier à l'Eglise
Catholique. Il apparaissait vraiment comme le
prince établi par Dieu sur son peuple, pour
annoncer ses préceptes, et il ne se donna du
repos que le jour où les affaires changèrent de
face. Alors l'hiver ayant fui, le printemps
souriait ; partout on voyait se dresser « l'arbre
précieux et resplendissant » de la Croix
vivifiante ; de toutes parts l'Eglise faisait
entendre ses chants comme la voix de la
tourterelle, et renouvelées, fleurissant de
nouveau, les vignes exhalaient leur parfum. Je
puis le dire avec assurance, nulle part, en ces
temps-ci, le retour d'un aussi grand nombre
d'hérétiques à la vraie foi ne fut marqué d'un
tel caractère de douceur et de sincérité.
Toutefois, pendant que la majeure
partie de ces populations était rentrée dans
l'Eglise, au milieu d'elles restèrent quelques
hérétiques de l'un et de l'autre sexe, qui, plus
obstinés que les autres, s'entêtaient dans leurs
erreurs. Le duc redouta le danger de perversion
pour le reste des habitants. Afin de le prévenir
(n'ayant pas la possibilité de recourir à un autre
moyen), il enjoignit aux obstinés, par un édit
public, [235] de quitter le pays. Terrifiés par
cet ordre sévère, quelques-uns se convertirent
; car les piquants des épines et de l'affliction
donnent l'intelligence à l'ouïe. On le voit, il
n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait
voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres
mains : caresses, menaces, il n'a rien épargné
de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces
peuples ; et, ce qui est encore plus digne
d'éloges, il agissait ainsi à l'encontre des avis
et des sentiments d'un grand nombre de ses
conseillers. J'ai gardé le souvenir très précis
d'une réunion à laquelle le prince m'avait
spécialement convoqué. Plusieurs conseillers
soutinrent obstinément que le moment n'était
pas venu de rien entreprendre, que les
évènements s'y opposaient. Certes, ils ne
manquaient pas d'apporter de spécieuses
raisons, de celles qu'on appelle raisons d'Etat ;
mais toutes ces raisons cédèrent, et, devant la
haute piété du prince, elles firent place à une
seule raison : la raison de religion. La scène eut
lieu sous les yeux des députés Bernois indignés
; car ils étaient venus précisément avec la
542 Ps. XXXI, 4.
543 Isaiæ, XXVIII, 19.
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16.9 Page 159

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unicus fere ac solus bellorum exactorum
fructus huic diæcesi contigit.
Superest vero, Pater Sanctissime, ut
opus hoc, magnum profecto et acceptione
dignum544, Ducem tanti operis instrumentum
efficax, diæcesim hanc universam multis
nominibus miserandam, Sedes Apostolica
intima sollicitudine ac gratia complectatur ac
foveat ; idque imis summisque præcibus
humillime a Vestræ Sanctitatis clementia
expeto pariter et expecto, Christumque illi
semper propitium præcor.
Ut autem omnia quæ hic scripta sunt
omnino ex veritate et sincera religione narrata
esse non sit dubium, iis subscripsi sigillumque
hujus episcopatus Gebennensis imprimendum
curavi. Et quia plerique meæ Ecclesiæ
Cathedralis canonici et alii spectatæ fidei et
doctrinæ viri ea ipsa viderunt, imo etiam
tetigerunt545, cum illis populis erudiendis
operam suam in Domino collocaverint,
rerumque recte gestarum « pars magna »
fuerint546, eos quoque subscripsisse operæ
pretium duxi, ut veritati [238] plurimorum
testimonio roboratæ plurima quoque ac
constans fides adhibeatur547.
Annessii, 15 Novembris 1603.
Beatissimo in Christo Patri et Domino,
Clementi VIII, Pontifici Maximo.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
Canonisation.
mission officielle de parer ce coup. Pourtant le
bailliage de Gaillard restait toujours aux mains
des Genevois, d'après les articles de la trêve ;
il était donc fermé à la foi catholique. Mais dès
que la paix, peu de temps après, l'eut [236]
remis au pouvoir du duc, celui-ci y envoya à
ses frais des missionnaires de la Compagnie de
Jésus et du clergé séculier. A eux tous, en peu
de temps, avec de grands labeurs et avec la très
grande grâce de Dieu, ils achevèrent presque la
sainte entreprise.
Pour résumer l'historique de cette
grande œuvre en quelques mots, il y a douze
ans, dans soixante-quatre paroisses voisines de
Genève et, pour ainsi dire, sous ses murs,
l'hérésie occupait des chaires publiques ; elle
avait tout envahi ; à la religion catholique il ne
restait plus un pouce de terrain. Aujourd'hui,
dans les mêmes quartiers, l'Eglise Catholique
étend de part et d'autre ses branches, avec des
poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus
de place. Jadis on avait peine à compter cent
Catholiques entre toutes les paroisses réunies ;
aujourd'hui on n'y verrait pas cent hérétiques.
Partout l'on célèbre et l'on fréquente les
mystères de la foi catholique ; chaque paroisse
est pourvue de son curé ; enfin ces trois
bailliages, que les clauses du traité ont remis
au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et,
ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir
recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont
persévéré sans que [237] ni les persécutions
des dernières guerres, ni les menaces des
hérétiques aient jamais pu les ébranler. Voilà
bien, certes, le seul et unique avantage que les
guerres passées ont valu à ce diocèse.
Et maintenant, Très Saint Père, cette
restauration catholique, importante à coup sûr
et digne de considération, ce prince qui en a
été l'heureux instrument, ce diocèse tout entier
qui mérite la sympathie à tant de titres,
attendent du Siège Apostolique, des marques
sérieuses de sollicitude, des témoignages de
tendresse et votre bienveillante protection.
C'est avec de très humbles et très vives
instances que je les sollicite de la clémence de
Votre Sainteté, et, dans l'espoir de les obtenir,
je prie le Christ de vous être toujours propice.
544 I Tim., I, 15.
545 Cf. I Joan., I, 1.
546 Virgilius, Æneis, lib. II, 6.
547 Ces signatures ne figurent pas dans le Procès de Canonisation.
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16.10 Page 160

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Pour ne laisser planer aucun doute sur
la vérité et la sincérité parfaites de ma relation,
je l'ai signée moi-même au bas, et j'y ai fait
apposer le sceau de l'évêché de Genève. En
outre, plusieurs chanoines de mon Eglise
cathédrale, et d'autres personnes d'une probité
et d'une doctrine éprouvées ont vu et en
quelque sorte touché les choses dont je vous
fais le récit, car ils ont collaboré dans le
Seigneur à l'instruction de ces peuples et ils ont
été pour « une grande part » dans tout ce qui
s'est fait. C'est pourquoi j'ai cru que leurs
signatures ne seraient [238] pas sans utilité, car
les faits attestés par un grand nombre de
témoins obtiennent du même coup une grande
et solide créance.
Annecy, le 15 novembre 1603.
Au Très Saint Père et Seigneur dans le Christ,
Clément VIII, Souverain Pontife.
_____
CCV. A Monseigneur Paul Tolosa, Évêque de Bovino, Nonce
Apostolique a Turin548 (Minute inédite). Tous les monastères de
Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme ;
autorité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre. — Utilité
de l'intervention du Sénat. Différentes mesures proposées.
Monastères à supprimer. Situation anormale de ceux de Sixt
et de Peillonnex.
Annecy, [fin 1603].
Illustrissimo et Reverendissimo
Mon très honoré, Illustrissime et
Signore mio colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
Rispondendo alla lettera scrittami ciè
un pezzo da V. S. Illma et Rma circa la
reformatione de'monasterii [239] di questa
diocesi, io dirò con ogni sincerità et libertà il
parere mio, già che per ubidienza, da V. S. Illma
et Rma tal obligo mi viene imposto549.
È certo tanto inveterata [la rilassatezza]
Je réponds à la lettre que Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime m'a
écrite il y a quelque temps relativement à la
réforme [239] des monastères de ce diocèse.
Voici ma pensée en toute sincérité et liberté,
puisque l'obeissance que je dois à Votre
Seigneurie m'oblige de la proposer. Il est
548 Paul Tolosa, natif de Naples, religieux Théatin et prédicateur distingué, avait été préconisé évêque de Bovino le 30
avril 1601 et nommé l'année suivante nonce à Turin. Rappelé quatre ans plus tard dans son diocèse, il le gouverna
avec beaucoup de sagesse, devint en 1616 archevêque de Chieti, et mourut saintement le 3 octobre 1619.
549 Le 24 août 1603 le Nonce de Turin écrivait au Cardinal Aldobrandino : « ... Così anco in Savoia ho pregato
Monsignor Vescovo di Geneva, dandoli l'autorità che mi concedono le facultà datemi da Nostro Signore, di visitare li
monasterii de' regolari, huomini et donne... » (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 95, c3.)
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de tutti li monasterii di Savoya, eccettando
però quelli delli Certosini550, che un ordinario
rimedio non sarebbe bastante a risanarli. Per
questo sarebbe bisogno che il riformatore fosse
di grande authorità et prudentia, et che havesse
una amplissima facoltà di fare secondo le
occurrenze ; et non solamente amplissima,
[ma] absoluta et senza appellatione, perchè li
monaci nel litigare sonno avvezzi et potenti. Et
per scacciare ogni sorte di modo di scampare,
sarebbe bisogno che Sua Altezza Serenissima
[facesse] a ciò convenire il suo Senato di qua
de' monti, chè senza quella interventione non
si farebbe niente ; et questo potrebbe farsi
senza prejudicio delle giurisditioni [240]
ecclesiastiche, poichè quello braccio secolare
non concorrerebbe che per provedere all'
essecutione necessaria, dove fosse di bisogno.
Sarebbe molto espediente, per quanto
pare a me, che in certi monasterii si mettessero
altri monaci, come di Fulliensi o Certosini ; in
certi altri che vi si mettessero, in vece de'
monaci, preti secolari o canonici. Et la ragione
di questo mio parere è che parte delli
monasterii sonno sottoposti a superiori i quali
non essendo riformati, quantunque si
riformassero li sudditi la reformatione
durarebbe poco. Verbi gratia : habbiamo qui
vicino il priorato di Talloyres, casa
honoratissima quanto alla fondatione551, et
appresso Geneva il priorato di Contamina552 et
la badia di Entremonti553 ; il primo è sottoposto
[241] all'Abbate di Savigny in Francia, il
secondo all'Abbate di Cluni, il terzo all'Abbate
di San Rufo di Valenza. Hora, tutti questi
superiori et li loro monasterii, come potranno
conservare la disciplina et riformatione nelli
certain que le relâchement de tous les
monastères de Savoie, excepté toutefois ceux
des Chartreux, est tellement invétéré qu'un
remède ordinaire ne suffirait pas à les assainir.
Pour réussir, il faudrait un réformateur de
grande autorité et prudence, muni de tres
amples pouvoirs dont il userait selon les
occasions ; je dis non seulement très amples,
mais absolus et sans appel, car les moines sont
très expérimentés et habiles dans la chicane. Et
pour leur enlever tout moyen de se soustraire à
la réforme, il faudrait que Son Altesse
Sérénissime fit intervenir dans cette affaire son
Sénat de Savoie, car sans cette intervention on
n'obtiendra rien. Ceci pourrait se faire sans
préjudice des juridictions ecclésiastiques,
[240] puisque le bras séculier n'interviendrait
que pour faire exécuter au besoin les mesures
jugées nécessaires.
Il serait expédient, me semble-t-il,
qu'en certains monastères on introduisît des
Religieux d'une Congrégation différente, tels
que des Feuillants ou des Chartreux, et qu'en
d'autres on remplaçât les moines par des
prêtres séculiers ou des chanoines. Voici la
raison qui me porte à désirer cette mesure : une
partie des monastères étant soumis à des
supérieurs non réformés, la réforme, quand
bien même leurs inférieurs l'accepteraient, ne
pourrait être durable. Far exemple, nous avons
près d'ici le prieuré de Talloires, maison de
fondation très illustre, et, près de Genève, le
prieuré de Contamine et l'abbaye d'Entremont
; le premier dépend de l'Abbé de Savigny en
France, [241] le second de l'Abbé de Cluny, la
troisième de l'Abbé de Saint-Ruph de Valence.
Or, comment tous ces supérieurs et leurs
550 Cette assertion ne porte que sur les monastères d'antique observance, car les trois maisons de Frères-Mineurs
Capucins, établies depuis peu dans le diocèse de Genève, y répandaient une grande édification.
551 Bien que la vie monastique eût été pratiquée à Talloires dès l'année 879, Rodolphe III, dernier roi de la Bourgogne
transjurane, est considéré comme le véritable fondateur du prieuré établi dans cette localité. Il le dota vers l'an 1016 à
la prière de sa femme, la reine Hermengarde, et le soumit à l'abbaye de Savigny, gouvernée alors par l'Abbé Ithérius,
moine de Cluny.
552 Le prieuré de Contamine-sur-Arve avait été fondé en 1083 par Guy de Faucigny, évêque de Genève, qui promulgua
l'acte de fondation dans la salle capitulaire de Cluny, en présence de saint Hugues, et unit à perpétuité le nouveau
prieuré à la célèbre abbaye. Une armée protestante qui dévasta le Faucigny dans l'été de 1589, s'abattit sur Contamine,
dont elle réduisit en cendres les bâtiments, l'église et la sacristie exceptées. La dispersion momentanée des moines
amena le relâchement. On verra dans la suite de cette correspondance tout ce que fit saint François de Sales pour
réformer soit Talloires, soit Contamine, et comment il prépara l'introduction des Barnabites dans cette dernière
Maison.
553 Le monastère d'Entremont, fondé par Amédée comte de Genève, avait été élevé au rang d'abbaye en 1154, tout en
restant dépendant d'Abondance. En 1279 il passa dans la filiation de Saint-Ruph de Valence. Deux siècles plus tard
(1490), l'abbaye d'Entremont tomba en commende, ce qui amena la décadence. Le premier Abbé commendataire est
Philippe de Luxembourg, évêque du Mans.
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17.2 Page 162

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sudditi, poichè essi non la osservano, neque monastères pourront-ils maintenir la discipline
quid sit reformatio sciunt ?
et la réforme chez leurs inférieurs, puisqu'ils ne
Per questo dico che l' uno di questi duoi l'observent pas eux-mêmes et qu'ils ignorent
mezzi sarà necessario per lontanarne il même ce qu'est la réforme ?
scandalo loro : o vero mettervi altri monaci
C'est pourquoi, à mon avis, l'une de ces
riformati, o farne collegiate secolari, o deux mesures serait nécessaire pour en
sottoporli, per il terzo, a qualche éloigner le scandale : ou bien y placer d'autres
Congregatione riformata dell' Ordine del quale moines réformés, ou en faire des collégiales
sonno, o per il quarto mezzo sottoporli all' séculières ; ou encore, comme troisième
Ordinario, sì come erano molti eccellenti expédient, les soumettre à une Congrégation
monasterii anticamente, inanzi ch' havessero réformée de l'Ordre auquel ils appartiennent ;
l'essentioni. Gli altri sarà necessario enfin, un quatrième moyen serait de les
secolarizarli, come il monastero di Six554, soumettre à l'Ordinaire, ainsi que l'étaient jadis
quello di Pellionex555, del [242] Sepolcro556, di plusieurs excellents monastères avant que les
questa terra, et simili ; perchè li Frati sonno exemptions fussent en usage. Quant aux autres,
Canonici regolari di Sant'Agostino, ma d'una tels que les monastères de Sixt, de Peillonnex,
certa Congregatione che non ha nè generale, nè [242] du Sépulcre en cette ville, et semblables,
provinciale, nò Capituli, nè visita, nè forma di il est nécessaire de les séculariser, vu que les
fare voto espresso, nè Regola, nè Constitutioni. moines sont Chanoines réguliers de Saint-
È vero che dal Vescovo sonno visitati quelli di Augustin, mais d'une certaine Congrégation
Six et di Pellionex, et così li ho visitati, ma non qui n'a ni général, ni provincial, ni Chapitre, ni
ho potuto ridurli a Regola, poichè non ne visite, ni forme expresse de vœu, ni Règle, ni
hanno ; solamente li ho fatto osservare le Constitutions. Il est vrai que ceux de Sixt et de
Constitutioni ordinarie, come se fossero Peillonnex sont visités par l'Evêque ; c'est ainsi
canonici secolari, aspettando che si possa que je les ai visités moi-même, mais je n'ai pu
pigliar conclusione migliore dell' essere loroles astreindre à l'observance de la Règle
puisqu'ils n'en ont pas ; seulement je leur ai fait
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de observer les Constitutions ordinaires, comme
Canonisation. [243]
s'ils eussent été chanoines séculiers, en
attendant que leur situation puisse être
régularisée… [243]
_____
554 Voir le tome précédent, note (716), p. 316, et ci-dessus, note (526), p. 226.
555 Ce prieuré de Peillonnex, qui subissait alors une si sombre éclipse, était par son antiquité le premier des monastères
de la Savoie. Fondé au cours du Xe siècle par Gérold, évêque de Genève, et soumis en 1156 à la Règle de Saint-
Augustin, il avait vu pendant plusieurs siècles la pénitence et la prière fleurir dans ses murs. L'incendie du prieuré par
les Genevois (5 août 1589) obligea les Religieux à se disséminer dans des habitations privées. Cet état de choses, qui
se prolongea près d'un siècle, accéléra la ruine des observances monastiques. Saint François de Sales mit tout en œuvre
pour les rétablir, et, dès le début de son épiscopat, visita Peillonnex ; il n'est pas possible toutefois de préciser la date
de cette première visite. Le procès-verbal de celle qu'il y fit le 30 août 1606 nous a seul été conservé. Les moines de
Peillonnex adoptèrent vers 1685 les Constitutions données par le saint Evêque aux Religieux de Sixt, et, détail
intéressant à signaler, en 1695 on trouve déjà dans leur église une chapelle dédiée à saint François de Sales.
556 Les chanoines hospitaliers du Saint-Sépulcre étaient établis à Annecy dès le milieu du XIVe siècle. Leur premier
Prieur dont le nom soit connu est le bienheureux André d'Antioche, qui mourut à Annecy avant 1360. Son tombeau
fut honoré par des miracles. On lit à ce sujet dans le Theatrum Sabaudiæ : « Sepulchrum... in quo asservari fertur
corpus viri Dei Andreæ, principis Antiocheni, quem commendat gratia sanitatum. » Dans la suite, le relâchement
s'introduisit parmi les chanoines. Les Archevêques de Tarentaise, auxquels le Saint-Siège les avait soumis (10 juin
1417), travaillèrent mais vainement à les réformer. Ils se sécularisèrent vers la fin du XVIIIe siècle.
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17.3 Page 163

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CCVI. A Madame de Boisy, sa mère557. Allusion aux tribulations
endurées durant la mission du Chablais. Témoignages
d'affection
[l603 558.]
Je vous escris cecy, ma tres chere et bonne Mere, en montant a cheval pour Chamberi. Ce
billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude ; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne
sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en
termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation. O vive Dieu, ma bonne Mere ! Il
est vray que le souvenir de ce tems la produit tous-jours quelque sainte douceur a ma pensee.
Tenés vous joyeuse en Nostre Seigneur, ma bonne Mere, et sçachés s'il vous plaist que
vostre pauvre filz se porte bien, par la divine misericorde, et se prepare de [244] vous aller voir le
plus tost et le plus longuement qu'il luy sera possible, car je suis tout a vous. Je le doy, et vous le
sçaves que je suis
Vostre filz,
FRANÇOIS, Evesque.
_____
557 Françoise, fille de Melchior de Sionnaz et de Bonaventure de Chevron-Villette, promise dès l'âge de sept ans
(contrat dotal du 12 mai 1560) à François de Sales, de vingt-sept ans plus âgé qu'elle, l'avait épousé dès qu'elle fut
nubile. (Cf. le tome précédent, note (101), p. 33.) Entre autres seigneuries, elle lui apportait en dot celle de Boisy, à
condition qu'il en prendrait le nom. De cette alliance naquirent treize enfants dont saint François de Sales fut l'aîné.
On sait quels soins sa pieuse mère mit à le former à la vertu, comment elle favorisa son entrée dans l'état ecclésiastique
et sa mission dans le Chablais. A l'insu de M. de Boisy, elle envoyait à son fils secours et encouragements durant cette
laborieuse campagne apostolique ; c'est ce à quoi il est fait allusion dans ce billet. Mme de Boisy eut la joie d'assister
à la consécration épiscopale de notre Saint et de voir une partie des succès obtenus par ses travaux. Elle le choisit pour
directeur, et cette grande chrétienne rendit le dernier soupir (1er mars 1610) sous les bénédictions de celui qu'elle
nommait à la fois son père et son fils.
558 Cette lettre n'est pas datée ; mais l'allusion qu'elle contient aux tribulations de la mission du Chablais comme à des
faits encore récents, indique qu'elle remonte aux débuts de l'épiscopat du Saint. Nous ne trouvons pas, il est vrai, de
preuve positive qu'il se soit rendu directement à Chambéry en 1603 ; mais ses affaires l'appelaient assez souvent dans
cette ville pour qu'il ait dû y aller plusieurs fois au cours de cette année.
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17.4 Page 164

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CCVII. A un prélat559 (Fragment inédit). Difficultés que suscite
une mesure récemment imposée.
[Annecy, 1603-1604 560.]
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
mio osservandissimo,
Révérendissime Seigneur,
Vengo ogni giorno tuttavia tanto
Je suis chaque jour tellement fatigué
affaticato delle difficoltà et inconvenienti che des difficultés et contre-temps que provoque la
nascono della (sic) necessità da poco tempo in mesure imposée depuis peu, de ne pas laisser
qua posta, di non lasciar passare le semplici passer les simples signatures sans expédier les
signature senza spedire le Bolle per li beneficii Bulles pour les petits bénéfices, que je me vois
minori, che io sono sforzato di ricorrere di contraint de recourir de nouveau à la charité de
nuovo alla carità di V. S. Illma et Rma, Votre Seigneurie Illustrissime et
supplicandola che si degni
Révérendissime, la suppliant de daigner
[245]
Revu sur l'Autographe conserve à la
Visitation d'Annecy. [245]
_____
CCVIII. A Monseigneur Gisbert Masius, Évêque de Bois-Le-
Duc561 (Minute). Union créée entre les deux Prélats par les
persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques.
Recommandation en faveur de Rodolphe van Dunghen ; éloge
de ce personnage.
1603-1604.
Perillustrissimo ac Reverendissimo in
Christo Patri et Domino,
D. Gisberto, Episcopo Buscoducensi,
Franciscus, indignus Gebennensis
Episcopus et Princeps, salutem in Christo
plurimam.
Quam fuerit in usu inter priscos illos
Ecclesiæ Pastores scriptionis epistolarum
officium, nemo sane est qui nesciat ; et tu,
A l'Illustrissime et Révérendissime
Père et Seigneur en Jésus-Christ,
Monseigneur Gisbert, Evêque de Bois-
le-Duc,
François, indigne Evêque et Prince de
Genève, présente mille salutations dans le
Christ.
C'était l'usage parmi les anciens prélats
de l'Eglise de s'écrire des lettres : tout le monde
559 Le destinataire de cette lettre est probablement l'Evêque de Bovino, nonce apostolique à Turin (voir ci-dessus, p.
239). Peut-être encore serait-ce le Cardinal Aldobrandino.
560 C'est seulement d'après l'écriture que l'on peut conjecturer à quelle époque ce fragment dut être écrit.
561 Gÿsbertus ou Giselbertus Masius occupa le siège de Bois-le-Duc dans les Pays-Bas du 25 mars 1594 au 11 juillet
1614. Le 1er novembre 1601, sa ville episcopale avait été investie par l'armée du prince Maurice d'Orange. Le froid
intense qui survint contraignit à lever le siège ; néanmoins les troupes ennemies continuèrent à occuper les alentours,
et l'Evêque se trouvait ainsi bloqué dans la ville, dont il n'aurait pu sortir sans s'exposer à de graves périls. Cet état de
choses se prolongea jusqu'en 1629, époque où le prince Frédéric-Henri d'Orange s'empara de Bois-le-Duc.
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17.5 Page 165

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Reverendissime Pater, id omnium minime
ignoras : charitas mutua sola scribendi causa,
cujus sacrum perfectionis vinculum562 nulla
locorum distantia solvit. [246]
Ea ergo mihi primo causa scriptionis
satis esse visa est, quæ majoribus unica
propemodum esse solebat ; præsertim cum non
tantum dignitatis ecclesiasticæ, sed etiam
afflictionis (contrario licet genere)
communione conjungamur. Nam tu quidem,
Reverendissime Domine, ab hæreticis, ut
audio, obsidione conclusus, civitate sola
potiris ; ego contra, ab hæreticis exclusus, sola
propemodum careo civitate. Dissimile, sed non
inæquale malum, exilium et carcer, ut me tibi
jure Christiano visitationis, te mihi
hospitalitatis officia persolvere sit æquum. Me
ergo tu, quo possum modo, per litteras
nimirum salutatus, lastis, opinor, excipies
oculis, et pro tua charitate complecteris.
Accedit et alia scriptionis causa,
commendandi scilicet D. Rudolphum, filium
Joannis a Dunghen563, tuæ diœcesis virum, qui
et ipse primus Reverendissimæ Paternitatis
Vestræ colendæ animum injecit, cum inter
multas [247] laudes, quibus te dignum sæpe
prædicat, hanc adjiceret, multam quidem
suorum civium erga Principes suos
devotionem, tua tamen præsertim opera
effectum quod urbs illa jam toties [tam]
inusitatis quoque stratagematibus tentata, in
hostium potestatem nondum venisset ; illud
nimirum tuum esse eloquium ac vim dicendi,
ut cum buccinæ clangore muri Hierichuntini
sint eversi564, tubæ tuæ evangelicæ sonitu
Buscoducensia mœnia et propugnacula sarta
tecta hucusque permanserint.
Cum ergo discessurus addidisset hic
tuarum virtutum cultor, existimare se, si
aliquod vitæ suæ apud nos laudabiliter actæ
testimonium ad te deferret, plurimum hoc illi
in omni vitæ genere subsidii allaturum ; ego,
pro ea qua præsentem complexus sum
le sait, et vous, Révérendissime Père, vous
l'ignorez moins que personne. Ces relations
épistolaires s'inspiraient d'un seul motif : la
charité mutuelle, ce lien sacré de la perfection,
qu'aucune distance ne saurait détruire. [246]
Ce sentiment, le mobile à peu près
unique de nos Pères, a suffi pour me décider à
vous écrire, surtout quand une dignité
ecclésiastique toute semblable, et un sujet
d'affliction tout pareil, quoique en sens
inverse, établissent entre nous un singulier
rapprochement. Les hérétiques, à ce qu'on dit,
Révérendissime Seigneur, vous tiennent
bloqué dans votre ville assiégée, et vous n'avez
que votre seule cité épiscopale en votre
possession. Quant à moi, c'est tout le contraire
; en me chassant, les hérétiques m'ont presque
tout laissé, à l'exception de ma ville épiscopale.
Pour être différents, l'exil et la prison sont deux
maux qui s'équivalent. Aussi, en strict droit
chrétien, si j'ai le devoir de vous rendre visite,
vous avez celui de me faire un accueil
hospitalier. Je pense donc que si je vous salue
par lettres (et le puis-je faire autrement ?), vous
me recevrez d'un air souriant et vous
m'embrasserez selon les effusions de votre
charité.
J'ai d'ailleurs une autre raison de vous
écrire : je veux vous recommander M.
Rodolphe, fils de Jean van Dunghen, votre
diocésain. C'est lui qui le premier m'a donné
l'idée de rendre mes devoirs à Votre
Révérendissime Paternité. Il se plaît souvent à
dire que vous [247] méritez de grandes
louanges, principalement pour ceci : ses
concitoyens, si attachés qu'ils soient à leurs
princes, doivent surtout à votre vigilance de
n'avoir pas vu leur ville tomber au pouvoir des
ennemis, malgré les stratagèmes inouïs tant de
fois employés pour la séduire. En vérité, votre
parole et votre éloquence ont un singulier effet
: jadis, au bruit strident des trompettes, les
murs de Jéricho tombèrent ; mais au son de
562 Coloss., III, 14.
563 Rodolphe Janssen, communément appelé van den Dunghen ou Dungen, du village hollandais où il naquit, avait été
licencié en droit canon et en droit civil à l'Université de Douai. C'est pendant son séjour chez le président Favre qu'il
s'acquit l'estime et l'affection de saint François de Sales (voir ci-dessus, p. 69). On ignore l'époque de son retour en
Hollande, et par suite il n'est pas possible de préciser la date de cette Lettre CCVII, lettre non datée dans les précédentes
éditions. Toutefois elle doit être antérieure de plusieurs mois au choix que Mgr Masius fit de Rodolphe van Dunghen
pour occuper un canonicat dans sa cathédrale de Saint-Jean, et desservir en qualité de curé la paroisse Saint-Pierre de
Bois-le-Duc (3 décembre 1604). Cet ecclésiastique ne jouit pas longtemps de ces deux bénéfices, car la mort l'enleva
le 17 février 1607. (Note du R. P. van Meurs, S. J.)
564 Josue, VI, 20.
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17.6 Page 166

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amicitia, non potui quin et discedenti hoc votre voix, pareille à un clairon évangélique,
amoris officium lubens impenderem, eumque Bois-le-Duc a vu ses murailles et ses défenses
tibi, quanto possum studio, commendarem. se tenir debout et demeurer jusqu'ici hors de
Jam [248] triennium fere in domo ac toute atteinte.
contubernio illustris et clarissimi viri Antonii
Cet homme, qui rend un tel hommage à
Fabri, ducatus Gebennensis Præsidis, vixit, vos mérites, me fit savoir, étant sur son départ,
mensæ ejusdem et sermonis ac disciplinæ que s'il pouvait vous présenter une attestation
particeps : quo toto tempore mitto quanta cura de la vie honorable qu'il a menée parmi nous,
jurisprudentiam et li littras coluerit ; sed quod cela lui serait, en toutes circonstances, d'une
apud me caput est, pietatis et religionis officia précieuse utilité. Je lui ai témoigné trop
semper diligentissime amplexus est, ut nunc d'amitié pendant qu'il était ici pour lui refuser,
redeuntem sicut omni virtutum et pietatis maintenant qu'il nous quitte, cette marque
genere onustam navim institoris565 videre d'affection. Aussi je vous le recommande
liceat. Quod et tibi, Reverendissime Pater, volontiers et avec toutes les instances
gratissimum fore non ambigo, et hominis possibles. Pendant près de [248] trois années il
plurimum diligendi causam per se a vécu sous le toit et dans l'intimité de l'illustre
acceptissimam. Si quid tamen ad hæc meum et si fameux Antoine Favre, président du duché
adjicere potest suffragium, illud sponte ac de Genevois : il a été son commensal, il a joui
lubens confero ; et me tibi, Reverendissime de ses entretiens et de ses leçons. Il n'est pas
Pater, tuisque omnibus rationibus ac besoin de dire avec quel zèle il s'est appliqué,
voluntatibus addico et dico.
pendant tout ce temps, au droit et aux belles-
Bene vale et Christum habeto lettres ; mais ce qui importe davantage à mes
propitium, meque illius misericordiæ precibus yeux, il a embrassé avec une exactitude
pro tua charitate concilia. [249]
scrupuleuse et qui ne s'est jamais démentie, les
devoirs de la piété et de la religion. Il me
semble donc le voir retourner maintenant vers
vous pourvu d'une rare provision de vertus et
de piété, semblable au navire d'un marchand
qui revient avec une riche cargaison. Tout ceci,
Révérendissime Père, vous fera sans doute un
très grand plaisir, et je suis sûr aussi que vous
accorderez volontiers vos sympathies à un
homme si digne d'être aimé. Si mon suffrage
peut être de quelque valeur après tout ce que je
viens de dire, je le lui donne de grand cœur. Et
quant à moi, Révérendissime Père, je me
déclare entièrement dévoué à votre personne, à
tous vos intérêts, ainsi qu'à votre bon plaisir.
Jouissez d'une santé parfaite, et que le
Christ vous soit propice ; puissé-je, à la faveur
de vos charitables prières, obtenir sa
miséricorde ! [249]
_____
565 Prov., XXXI, 14.
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17.7 Page 167

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CCIX. A M. Antoine Dunant, Curé d'Abondance566. Ordre de
transférer à d'autres jours des aumônes générales.
1603-1604 567.
Monsieur,
J'entens que l'on fait certaines aumosnes generales568 en Abondance et La Chapelle le jour
mesme de Pentecoste569, au moyen dequoy plusieurs circonvoysins abandonnent les offices de
leurs parroisses, et ceux du lieu570 sont fort distraitz de leurs devoirs et devotions au prejudice de
lhonneur qui est deu a un jour de si grande solemnité. C'est pourquoy je vous prie571 de faire
transferer ladite aumosne en un autre jour moins celebre, affin que l'un des biens n'empesche point
l'autre. Mais il faut que cela se face sans replique, et partant je desire que vous vous y employes
vivement572.
Et me recommandant a vos prieres, je demeure…
A Monsr le Curé d'Abondance.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [250]
566 Antoine Dunant, moine de l'abbaye d'Abondanco, avait été institué curé de la paroisse du même nom et de son
annexe, La Chapelle d'Abondance, le 24 octobre 1596. Il mourut le 20 avril 1605.
567 Cette lettre, qui ne porte aucune date, a dû être écrite en 1603 ou dans es premiers mois de l'année suivante, car
d'après la teneur d'un acte notarié, passé à Thorens le 26 octobre 16o4, on voit que les aumônes générales ne se
faisaient déjà plus alors aux jours de la Pentecôte et de la Fête-Dieu.
568 [Sur cet Autographe, dont le bas est coupé, figurent des additions et des corrections qui paraissent être de la même
main que le texte de la Lettre CXCIX. Nous les reproduisons sous forme de variantes.]
generales en vostre surveillance
569 de Pentecoste et de la Feste Dieu
570 des lieux
571 ordonne
572 vivement et me donnies advis de l'execution.
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17.8 Page 168

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Année 1604
_____
CCX. A M. Antoine des Hayes573. Félicitations pour le pardon
accordé à un contradicteur. Remerciements. Désir de
terminer sans procès un différend avec l'Archevêque de
Bourges. Le Saint n'abandonne jamais l'étude de la théologie.
Affaire d'intérêt. Estime pour les Pères Jésuites : joie de
les savoir rentrés en France.
Annecy, 16 janvier 1604.
Monsieur,
J'ay despuis peu receu deux de vos lettres. La premiere m'advertit de l'ennuy que vous a
fait un secretaire au traitté des offices de Montargis. Je participeray tous-jours a tous les evenemens
aggreables et desaggreables qui vous toucheront ; mais je me res-jouis de cettuy-ci qui vous a
donné sujet de prattiquer la charité chrestienne au pardon que vous aves fait a celuy qui, sans sujet,
avoit prattiqué la desloyauté mondaine en vostre endroit. C'est en cette action en laquelle gist le
plus grand effort de la [251] force et constance d'un genereux esprit, et qui attire le plus la faveur
du Ciel. Vivés tous-jours comme cela, Monsieur, et parmi l'orage de la mer ou vous estes, regardés
perpetuellement vostre port. Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner l'ayse que je reçois de
vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent ; mais le bon est qu'apres tout cela
la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du
contentement selon le monde et selon Dieu.
Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de
faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les
difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens
ecclesiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par surprise, au prejudice de la concession que Sa
Majesté en avoit faitte precedemment a l'Eglise et aux curés574. Car si je ne puis par autre voye
chevir de ce saint dessein, sur le souvenir que Sa Majesté a de cette affaire et de sa promesse par
vostre moyen, je recourray a elle pour faire faire un commandement absolu audit Archevesque,
plustost que de plaider a Dijon, comme j'ay fait ci devant, considerant bien que les proces entre
gens de la qualité de laquelle luy et moy sommes ne peuvent estre que scandaleux. Je ne puis encor
573 Antoine des Hayes, « gentilhomme servant de la Maison du roi, écuyer du duc de Nemours, » était fils d'André des
Hayes, conseiller au Parlement, et de Geneviève Le Noir. Ses relations avec saint François de Sales, commencées en
1600, devinrent telles qu'on le nommait « l'arch'intime » de l'Evêque de Genève, d'après l'expression de ce dernier.
Des Hayes, qui avait épousé Marie Chapelle (contrat dotal du 16 juillet 1597), prit dans la suite les titres de seigneur
de la Bretonnière, de Courmenin et de Courton, secrétaire des commandements du duc de Nemours, maître d'hôtel et
conseiller du roi en son Conseil d'Etat et privé. Vers le milieu de 1605, il fut nommé capitaine gouverneur de la ville
et du château de Montargis. (La remise de ses lettres de provision à la municipalité eut lieu le 21 août de la même
année.) Le 21 octobre suivant le Conseil délibère sur les propositions faites par Antoine des Hayes touchant
l'établissement d'un siège présidial à Montargis, et l'introduction des Jésuites pour l'éducation de la jeunesse. Le
gouverneur ne s'occupa pas avec moins de zèle de l'établissement des Barnabites dans la même ville (14 mai 1620). Il
mourut le 30 mai 1637, âgé d'environ cinquante-huit ans. (Bibliothèque Nationale, Dossiers bleus, vol. 352 ; Inventaire
sommaire des Archives de Montargis.)
574 Le doyenné de Gex avait été cédé à l'Evêque de Genève par patentes royales du 19 septembre 1602.
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17.9 Page 169

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rien dire pertinemment de la volonté dudit seigneur Archevesque que je ne me sois abouché avec
luy, comme j'espere faire restant a Dijon ce Caresme, ou j'ay accordé d'aller plus pour cette seule
affaire que pour nulle autre ; estimant que j'y seray d'ailleurs asses inutile, principalement
maintenant que [252] la presence des Jesuites ne laisse cette ville la en aucune necessite
d'assistence spirituelle. Neanmoins, la parole ayant esté donnee avant leur retour, et les necessités
de mon diocese le requerant, je m'essayeray de cooperer avec eux a l'œuvre de Nostre Seigneur575,
estudiant tous-jours en theologie, comme il a pleu au Roy de me faire resouvenir, comme n'ayant
nul autre desir que celuy la, ni aucune autre occupation qui me soit agreable. J'espere que Sa
Majesté n'aura jamais soit de penser autrement de moy ni de mes deportemens.
M. de la Porte est en ces quartiers, qui prendra quelque argent de nous, ainsy qu'il m'escrit,
et que Madame de Mercœur m'a commandé de luy donner en deduction de nostre dette envers elle.
Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de dela, mays il faut que je
vous confesse la verité : c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes
apres tant de remuemens et troubles.
J'ay appris que M. de Berulle m'a fait l'honneur de m'envoyer le livre que je desirois ; mais
je ne doute point qu'il l'aura confié a mon frere576, qui n'en aura pas eu le soin proportionné au prix
que je fay de tout ce qui part dudit seigneur de Berulle, de la bienveuillance duquel je suis autant
jaloux que nul autre. J'escris sur ce sujet a mon frere, affin que, s'il ne l'a perdu, je le puisse avoir
par la premiere commodité.
Je me suis extremement res-joui du bon succes des affaires des Peres Jesuites en France577,
a laquelle, comme vous sçaves, je desire et souhaitte toute bonne et sainte prosperité, qui ne luy
peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente
Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisee du zele de Sa Majesté comme elle va
estre, a ce qu'on me dit.
Je ne sçay comme je doy vous remercier de tant de faveurs que vous me faites ; l'amas des
obligations en est [253] si grand que j'en ay l'esprit et le cœur tout saysis. Je prie continuellement
Nostre Seigneur pour vostre santé et contentement, et suis inviolablement,
Monsieur,
Vostre tres humble et fidelle serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
16 janvier 1604.
L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payees, est entre les mains
des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur
foy ; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remede.
A Monsieur des Hayes,
Gentilhomme de la Mayson du Roy,
Escuyer de Monsieur le Duc de Genevois et de Nemours.
_____
575 Cf. I Cor., ult., 10.
576 Vide supra, p. 186, not. (431).
577 Les Jésuites, bannis en 1594 par arrêt du Parlement de Paris, venaient d'être rappelés par un édit royal rendu à
Rouen le 1er septembre 1603 et enregistré au Parlement le 3 janvier suivant.
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17.10 Page 170

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CCXI. A un inconnu (Minute inédite). Réponse aux reproches
adressés au Saint, relativement au séjour qu'il projetait de faire
hors de la Savoie
578Monsieur,
Annecy, février 1604.
Je vous remercie tres humblement du soin qu'il vous plait tesmoigner a mon bien par l'advis
que le bon Pere [254] Recteur579 m'a donné de vostre part. Et ne vy jamais mon esprit party au
choix de deux inconveniens, comme je l'ay eu en ceste occasion ; mais ayant tout consideré, j'ay
fait election de celluy qui pouvoit recepvoir plus de remede et qui ne tumboit pas si droittement
sur le service des ames, aymant mieux m'exposer a la mercy de l'opinion des bons qu'a la cruauté
de la calomnie des mauvais. Pleut a Dieu que l'advis me fust arrivé en un tems auquel j'eusse peu
regaigner ma liberté sans la perte de tant d'affaires ecclesiastiques ; j'eusse bien tost treuvé la
resoulution. J'accuse fort vollontier la pauvreté de mon esprit, qui, regardant touttes choses en leur
face naturelle, n'a sceu penetrer jusques a ce succes.
Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray bien tost appres Pasques, avec un dessein
inviollable de ne jamais sortir du diocese, je ne dis plus sans le congé, mais bien sans le
commandement de Son Altesse, et espere que les jours suyvans jugeront les precedens de [255]
ma vie et que le dernier les jugera tous580. Le Pere Recteur me fera ce bien de vous dire plus de
particularités sur ce suject, et je prieray Dieu pour vostre prosperité, demeurant sans fin,
Monsieur,
Vostre tres humble serviteur.
_____
578 [Cette lettre et la suivante, conservées à la Visitation de Turin, sont écrites sur le même feuillet. La minute que
nous donnons ci-dessous en seconde leçon est de la main du Saint et occupe la première page ; la seconde et la
troisième pages sont demeurées en blanc, et la quatrième contient les deux minutes reproduites dans notre texte, sous
les numéros CCXI et CCXII. Elles sont écrites par secrétaire.]
Monsieur,
Je vous remercie tres humblement du soin quil vous a pleu me tesmoigner de mon bien par l'advis que le bon
P. Recteur m'a donné de vostre part. Pleut a Dieu quil me fut arrivé en un tems auquel j'eusse peu recouvrer ma liberté
sans la perte de mon honneur et de tous les affaires ecclesiastiques que par force je doy traitter a Dijon. Je ne me vy
jamais l'esprit parti entre deux desplaysirs et pertes comme je l'ay eü au choix que j'ay deu faire d'aller ou de demeurer.
Mais ayant tout consideré, j'ay [preferé la perte du costé ou j'ay veu...] fait election du mal qui pouvoit recevoir plus
de remede et qui ne tumboit pas si droittement sur le service des ames. J'accuse fort volontiers mon enfance qui,
[prenant] regardant toutes choses selon leur face naturelle, n'a pas sceu [discerner ce que je devoy...] considerer cet
evenement.
Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray immediatement apres Pasques, avec un inviolable dessein
de ne jamais sortir de mon diocæse de ce costé la, je ne diray plus sans le congé, mais sans le commandement expres
[de ceux desquels...] de S. A. [desquelz je crains maintenant le... a l'intention desquelz... duquel j'ay tous-jours tant
craint de... desiré de me ranger...] et espere que les jours suivans jugeront les precedens de ma vie, et le dernier les
jugera tous. Le P. Recteur, auquel je doy des-ja tant, m'obligera bien encor de vous dire quelque particularité [de
l'ennuy avec lequel je m'en vay, puisque ce n'est...] sur ce sujet.
Je prie Nostre Seigneur quil vous comble de ses graces, et je suis sans fin, Monsieur,
Vostre…
579 Le P. Jean Fourier, recteur de Chambéry (voir ci-dessus, note (351), p. 156).
580 Cf. I Cor., III, 13.
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18 Pages 171-180

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18.1 Page 171

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CCXII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute).
Annonce de son prochain départ pour Dijon. Protestation de
fidélité
Annecy, février 1604.
Monseigneur,
Il y a quelque tems que monsieur de Villette m'asseura de la part de Vostre Altesse qu'elle
auroit aggreable que j'allasse a Dijon ce Caresme et que j'y preschasse, pour y avoir plus de faveur
aux affaires ecclesiastiques de Gex que je dois traitter avec la court de Parlement de ce pays la.
Sur ceste asseurance je m'y en vay, Monseigneur, toujours esgal a moy mesme au desir extreme
que j'ay de rendre tres humble service et obeissance a Vostre Altesse, avec touttes les preuves
d'un'inviollable fidellité. Je n'y seray que le moins que je pourray, comme y estant hors de l'air de
ma tranquilité.
Que pleut a Dieu, Monseigneur, que les nouvelles qui courent il y a quelques moys de deça
de la restitution de Gex a Vostre Altesse ne soyent autant certaines qu'elles sont desirables ; j'en
auroy ce particulier contentement de voir la sainte religion asseuree en tout mon diocese, sans
employer ny tant de peine ni tant de soing comme je suis obligé de faire maintenant. [256]
Je fay en toutte humilité la reverence a Vostre Altesse et prie Dieu pour sa prosperité,
desirant l'honneur d'estre toutto ma vie advoüé,
Monseigneur,
Son tres humble et tres obeissant serviteur et orateur.
_____
CCXIII. A Sa Sainteté Clément VIII (Minute). Difficultés que
présente l'administration de la partie française du diocèse de
Genève. Le Saint contraint de se rendre à Dijon y prêchera le
Carême
Annecy, fin février 1604.
Beatissimo Padre,
Très Saint Père,
Frà le molte miserie di questa diocesi,
una è la divisione della giurisditione temporale
di essa, essendo che, se bene la maggior parte
è sottoposta al Serenissimo Duca di Savoya,
nientedimanco una parte notabilissima è sotto
alla corona di Francia. Et da questa diversità de
Principi nasce in me una necessità di trattar et
star bene con ambidue, et con li loro
luogotenenti et Parlamenti, o vero Senati ; nel
che non ho poca difficoltà, massime dalla
banda di Francia, essendo che loro sanno ch' io
[257] sonno Savoyardo et che della Savoya
sonno feudatario. Et perchè il Parlamento di
Parmi les nombreuses difficultés que
présente l'administration de ce diocèse, l'une
des plus considérables vient de ce qu'il est
soumis à deux juridictions temporelles
différentes ; bien qu'il soit en grande partie
sous la domination du Sérénissime duc de
Savoie, néanmoins une partie très considérable
est soumise à la couronne de France. Cette
diversité de souverains m'oblige
nécessairement à traiter et à demeurer en
bonne intelligence avec tous deux, ainsi
qu'avec leurs représentants et leurs Parlements
ou Sénats ; ce qui ne me cause pas peu
171/340

18.2 Page 172

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Digione è superiore di quella parte della
diocesi che è in Francia, cinque difficoltà in
questa mutatione ho da trattare con esso.
La prima è per conto del balliagio di
Gex, per li beni ecclesiastici del quale (se bene
sonno pochi, perchè in tre luoghi soli vi si fa
essercitio catholico) bisogna litigare con un
Consigliere di esso Parlamento. La seconda,
del modo di visitare quella parte della diocesi,
perchè è prohibito di cavare alcun denario dal
popolo, nè per fabriche di chiesa, nè per altro.
La terza, che quelli popoli nuovamente
separati dalla Savoya domandano un vicario
foraneo. La quarta, che se bene per li ufficii
fatti con diligentia dall' Illmo signor Nuntio
Apostolico di Francia non si tratta più di
stabilir l'essercitio heretico nel luogo di
Sessel581, tuttavia vengo avvertito che se io
[258] non dò particolare informatione delle
circonstanze che debbono impedire tal
stabilimento, non sarà la cosa sradicata, ma
solamente quietata. Et la quinta, che molti
Catholici di Gex che per via dell'editto della
libertà, che chiamano, potrebbono haver
l'essercitio catholico nelle loro parrochie, non
hanno chi proponga le loro suppliche, nè chi ne
faccia la sollecitatione.
Per questo, Beatissimo Padre, son
sforzato di andare, doppo di haver havuta
licentia da Sua Altezza di Savoya, in detto
Digione, fuori della diocesi, ma capo della
parte della diocesi che hora è in Francia ; dove
io farò quel tanto che Iddio mi concederà in
servitio di quelle negotiationi sopra scritte, et
del tutto darò raguaglio ad ambiduoi l' Illmi
signori Nunzii di Vostra Santità, di Francia et
di Savoya. Non crederò giamai che Vostra
Beatitudine debba riprovar questa poca
absentia che son sforzato di fare per li bisogni
della diocesi, laquale io lascio molto ben
provista nelle cose spirituali et spero di
rivedere fra duoi mesi ; massime perchè quelli
signori di quella città, sapendo la necessità mia
di andare costì, mi hanno pregato di volervi
d'embarras, surtout à l'égard de la France, où
l'on sait que je [257] suis savoyard et feudataire
de la Savoie. Or, parce que la partie de ce
diocèse qui appartient à la France relève du
Parlement de Dijon, je dois traiter avec lui pour
cinq chefs différents.
La première question est relative au
bailliage de Gex ; quoique les biens
ecclésiastiques soient peu considérables dans
ce bailliage (l'exercice du culte catholique
n'ayant été rétabli que dans trois lieux
seulement), il faut néanmoins plaider contre un
conseiller dudit Parlement. La seconde
concerne la manière de visiter cette partie du
diocèse, car il est défendu d'exiger aucun
argent du peuple, soit pour la bâtisse des
églises, soit pour autre chose. La troisième
difficulté vient de ce que ces populations,
récemment détachées de la Savoie, demandent
un vicaire forain. La quatrième est celle-ci :
grâce à la diligente intervention de Mgr
l'Illustrissime Nonce de France, il n'est plus
question d'établir le culte hérétique à Seyssel ;
toutefois, à [258] moins que je ne donne un
mémoire particulier des circonstances qui
doivent en empêcher l'établissement, ce projet
ne sera point abandonné, mais seulement
ajourné. Et en cinquième lieu, bon nombre de
Catholiques de Gex qui, moyennant l'édit
appelé de liberté, pourraient obtenir l'exercice
de la religion dans leurs paroisses, n'ont
personne pour présenter leurs requêtes ni pour
en solliciter l'entérinement.
C'est pourquoi, Très Saint Père, après
m'être muni de l'autorisation de Son Altesse de
Savoie, je suis contraint d'aller à Dijon, ville
située hors de mon diocèse, mais dont relève
cette partie du diocèse appartenant à la France.
Là je travaillerai, selon que Dieu m'en donnera
le moyen, à l'arrangement des affaires
indiquées ci-dessus, et je rendrai compte de
tout aux deux Nonces de Votre Sainteté en
France et en Savoie. Jamais je ne pourrai croire
que Votre Béatitude doive désapprouver cette
581 On lit dans une lettre du Nonce de Savoie au Cardinal Aldobrandino en date du 25 octobre 1603 (Archives
Vaticanes, Borghese, série III, 95, c3) :
« Monsignor Vescovo di Geneva, con una di 18 del presente, mi scrive con molta amaritudine che nella terra
di Sesel, dominio hora del Re di Francia et diocesi di lui, si tratta di metter l'essercitio heretico ; et pure non vi è delli
habitanti nè anco uno heretico, nè vi fu mai tale essercitio, essendosi conservata sempre quella terra senza corrutione
alcuna. »
Le 10 janvier 1604 Mgr del Bufalo, Nonce de France, écrivait au même Cardinal : « M. Le Grand... mi ha
mandato ad assicurare che al detto luogo di Sesel non si metterà altrimenti il maledetto essercitio heretico. » (Ibid.,
Francia, vol. 49.)
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18.3 Page 173

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fare le prediche quadragesimali, et stimando courte absence que je suis contraint de faire
[259] che quella fatica giovarebbe a cavar con pour les besoins du diocèse. Je le laisse fort
più prestezza et favore li negotii miei dalle bien pourvu de secours spirituels, et j'espère le
mani loro, ho liberamente acconsentito. revoir dans deux mois. Surtout les notables de
Nientedimeno non ho voluto lasciar di dirne Dijon, sachant que je devais me rendre dans
conto a Vostra Santità, sì come io desidero di leur ville, m'ont prié d'y prêcher [259] le
fare di tutte le mie attioni, lequali dal Carême. J'y ai volontiers consenti, pensant que
beneplacito Apostolico in tutto et per tutto cet apostolat contribuerait à terminer plus
hanno da esser regolate.
promptement et plus heureusement les affaires
Et così, chiedendo la santa benedittione que j'ai avec eux. Néanmoins je n'ai pas voulu
da Vostra Beatitudine, bascioli con humiltà li manquer de rendre compte à Votre Sainteté de
santi piedi.
cette détermination, comme je désire faire de
F. V. di G. toutes mes actions, qui doivent en tout et
partout être réglées par le bon plaisir
apostolique.
Je sollicite donc la sainte bénédiction
de Votre Béatitude et je baise très humblement
ses pieds sacrés.
F. E. de G.
_____
CCXIV. A M. Jacques de Vallon582. Condoléances sur la mort de
son père.
Monsieur mon Cosin,
Annecy, fin février 1604.
Je puis dire que ce fut sans ma faute que nous laissasmes retourner vostre laquais sans
response a la lettre que vous aves pris la peyne de m'escrire. M. Deage fut celuy qui me trompa,
ayant luy mesme le premier esté trompé par sa surdité ; car il me dit que vostre laquais [260] estoit
sorti de la ville le soir pour faire son partement plus matin, qui me garda d'escrire comme je devois.
Je suis trop long a faire cette excuse, mays pardonnés moy. Ce que je crains [est] le deschet de
l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre,
s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme
est la patience qu'il vous a pleu avoir a ma priere a l'endroit de M. de Bellecombe583 ; de laquelle
ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant]
de la voir employer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a
faire l'appointement que vous desires.
J'ay sceu le trespas de monsieur vostre pere, mon Oncle584, bien tost apres qu'il fut advenu,
et en ressentis les afflictions que je devois a l'amitié de laquelle il avoit tous-jours honnoré nostre
mayson et a la perte que vous aves faitte, laquelle je sçeus bien [apprehender] par la memoire de
celle que peu d'annees auparavant j'avois l'ait moy mesme sur un pareil sujet. Je n'attendis pas,
582 Jacques de Gex, seigneur de Vallon, Morillon, Arbusigny, Couvette, Châtelard du Foug et Montfort, baron de
Saint-Christophe (1612), gentilhomme de la chambre du duc de Nemours. Sa femme était Antoinette-Françoise
Vidomne de Charmoisy. Il mourut le 8 mars 1631.
583 Jean-François de Thoyre, seigneur de Bellecombe, Siriez, Cholex, Chateaublanc d'Onion, Gravernel, etc., et
coseigneur de la Bastie-Dardel. Il mourut le 10 mars 1615. Deux de ses seigneuries provenaient de sa femme,
Françoise de Cholex, dame de Bellecombe (contrat dotal du 1er mai 1564).
584 Charles de Gex, seigneur de Vallon, était mort le 31 janvier de cette année. Il était allié à la famille de Sales par sa
femme, Michelle Martin du Fresnoy (contrat dotal du 7 janvier 1555), cousine de Mde Boisy au second degré.
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croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies
adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la premiere nouvelle ; et n'eusse pas retardé non
plus a vous escrire pour vous faire la ceremonieuse585 offrande du service de nostre mayson et du
mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans
qu'il soit necessaire d'en renouveller si souvent [261] les reconnoissances. Et quant aux
consolations, je sçai qui vous estes, et ma cousine aussi, et laisse au bon Jesus, lequel vous aves
en vostre esprit, a vous faire cet office. J'en dis de mesme de M. du Villars mon cousin586
_____
CCXV. A la Baronne de Chantal
26 avril 1604 587.
Dieu, ce me semble, m'a donné a vous588 ; je m'en asseure toutes les heures plus fort. C'est
tout ce que je vous puis dire ; recommandés moy a vostre bon Ange589. [262]
_____
585 Il est fort douteux que cet adjectif ait été employé ici par saint François de Sales ; mais l'Autographe n'ayant pu
être recouvré, les éditeurs sont contraints de se contenter du texte donné par Hérissant, quoiqu'il soit fautif en plusieurs
endroits. Les mots qu'il a été facile de rétablir d'après le sens, sont placés entre crochets.
586 Claude de Gex, seigneur du Villard, frère de M. de Vallon.
587 D'après la Mère de Chaugy ce billet, qui est inséré dans le Procès de Canonisation de sainte Jeanne-Françoise de
Chantal, lui fut écrit « a la premiere disnee » que le Saint « fit au partir de Dijon. » Or, il avait quitté cette ville le 26
avril, accompagné d'une escorte nombreuse, qui le suivit jusqu'à Beaune. C'étaient six des échevins députés par le
corps de ville, et en outre « les sieurs de Vellezelle, de Villars fils, Robin et son frere, le sieur advocat Morel, le maistre
des enfans de la Sainte-Chapelle, le sieur Blondeau... avec vingt deux chevaux et des serviteurs de pied. » (Archives
municipales de Dijon, Registre des Délibérations de la Chambre de Ville.)
588 [Charles-Auguste de Sales (Histoire du B. François de Sales, liv. VI) donne ce billet avec de légères variantes ;
nous les indiquons ici.]
a vous pour le service de vostre ame
589 dire maintenant.
[M. Hamon (Vie de saint François de Sales, tome I, liv. IV, chap. III) a publié, sans en signaler la source, la
leçon suivante, reproduite par Vivès et Migne :]
Dieu, ce me semble, m'a donné à vous ; je m'en assure à toutes les heures davantage. Je prie la Bonté divine
de nous mettre souvent ensemble dans les sacrées plaies de Jésus-Christ, et de nous y faire rendre la vie que nous en
avons reçue. Je vous recommande à votre bon Ange ; faites-en autant pour moi qui vous suis dédié en Jésus-Christ.
FRANÇOIS, E. de Genève.
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CCXVI. La même590. Le désir de la sainteté et l'amour de la
viduité sont pour une veuve les deux supports de l'édifice
spirituel : comment les affermir. Amour de Dieu et de la
sainte Eglise. Devoir de prier pour les pasteurs et
prédicateurs. Envoi d'un écrit de dévotion.
Annecy, 3 mai 1604.
Madame,
C'est tous-jours pour vous asseurer davantage que j'observeray soigneusement la promesse
que je vous ay faite de vous escrire le plus souvent que je pourray. Plus je me suis esloigné de vous
selon l'exterieur, plus me sens-je joint et lié selon l'interieur. Je ne cesseray jamais de prier nostre
bon Dieu qu'il luy plaise de parfaire en vous son saint ouvrage591, c'est a dire le bon desir et dessein
[263] de parvenir a la perfection de la vie chrestienne ; desir lequel vous deves cherir et nourrir
tendrement en vostre cœur, comme une besoigne du Saint Esprit et une estincelle de son feu divin.
J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme : chacun le va voir et cherit
pour l'amour da plantateur ; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que
Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer
590 Ce n'est pas une simple note biographique, ce seraient de longues pages que réclamerait la mémoire de cette femme
éminente dont la vie, pendant dix-huit ans, s'identifia presque avec celle de saint François de Sales.
C'est elle qui va désormais occuper la plus large place dans la correspondance du Saint ; elle qui recevra la
confidence de ses plus intimes pensées, qui sera le plus cher objet de son affection, mais affection si haute, si
transfigurée par la charité divine, qu'on se demande ce qu'il faut admirer le plus, de sa délicate pureté ou de sa profonde
tendresse. Tour à tour, la veuve désolée, avec l'évocation de ses joies évanouies, avec ses douleurs toujours présentes,
la mère de famille avec ses craintes et ses espérances, revivront, comme par une sorte de réverbération, sous la plume
de saint François de Sales. Cette correspondance nous permettra de saisir sui le vif la docilité de la disciple et la
sagesse du directeur, concourant dans une parfaite harmonie à préparer ce chef-d'œuvre de la grâce qu'on appelle une
âme de sainte. Résumons en quelques mots cette féconde existence.
Jeanne-Françoise, fille de Bénigne Frémyot, second président au Parlement de Bourgogne, et de Marguerite
de Berbisey, était née à Dijon le 23 janvier 1572. Son union avec Christophe de Rabutin, baron de Chantal (contrat
dotal du 38 décembre 1592), fut bénie par la naissance de six enfants, dont deux moururent en bas âge. Rien n'avait
troublé le bonheur de sa vie conjugale lorsqu'un tragique accident de chasse la rendit veuve à vingt-huit ans. Se
retournant alors avec l'énergie d'une âme toute virile vers Jésus, l'Epoux qui ne meurt jamais, elle fit vœu de chasteté
perpétuelle, et s'adonna tout entière aux œuvres de piété et de miséricorde. Quatre ans plus tard, saint François de
Sales étant venu prêcher le Carême à Dijon, ces deux grandes âmes, qui avaient été révélées l'une à l'autre dans de
mystérieuses visions, se reconnurent à leur première rencontre (5 mars 1604), et dès lors s'établirent entre elles ces
relations dont nous allons suivre les phases diverses et les merveilleux résultats.
Après avoir donné sa fille aînée, Marie-Aimée, en mariage à Bernard de Sales, l'un des frères cadets de
l'Evêque de Genève, la baronne de Chantal devint osons-nous dire la fondatrice, car sou humilité récusa toujours
ce titre, du moins la pierre fondamentale de l'Ordre de la Visitation (6 juin 1610). De concert avec le saint Evêque,
elle en fixa les Règles, en détermina les pratiques, et contribua, soit par un concours personnel, soit par ses conseils,
à l'établissement de quatre-vingt-six monastères de cet Institut.
Quand le saint Fondateur eut quitté la terre, elle fit écrire sa Vie (1624), publier ses Epistres spirituelles
(1626), ses Vrays Entretiens spirituels (1629), et seconda le commandeur de Sillery dans la préparation de l'édition
des Œuvres du Bienheureux François de Sales (1641). C'est encore elle qui fit commencer le Procès de Béatification
du grand Evêque dont elle avait été la plus ardente admiratrice. Le recueil de Lettres qui forme la majeure partie de
ses Œuvres (Paris, Plon, 1874-1879) renferme, outre l'autobiographie de la Sainte et la peinture de la Visitation à son
âge d'or, les documents d'une spiritualité aussi sûre que forte et élevée, commentaire original de la doctrine de saint
François de Sales. On lui doit aussi le livre des Réponses sur les Règles et Constitutions de son Ordre, ouvrage si
rempli de sagesse et d'onction que saint Vincent de Paul ne pouvait le lire sans verser des larmes.
Cette grande Servante de Dieu, dont la liturgie célèbre « l'admirable force d'esprit, » mourut au Monastère
de Moulins entre les bras de la duchesse de Montmorency, le 13 décembre 1641. Elle a été béatifiée par Benoît XIV
le 13 novembre 1751, et canonisée par Clément XIII le 16 juillet 1767.
591 Cf. Philip., I, 6.
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plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy : Dieu
vous croisse, o bel arbre planté ; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre
fruit a maturité592, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber
les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger. Madame, ce desir doit estre en vous
comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de
fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble ; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les
occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne
jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont
les fleurs de l'arbre de vostre dessein ; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre
imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs : c'est la l'une des colomnes de
vostre tabernacle.
L'autre est l'amour de vostre viduité, amour saint et desirable pour autant de raysons qu'il
y a d'estoilles au ciel, et sans lequel la viduité est mesprisable et fause. Saint Paul593 nous
commande d'honnorer les vefves qui sont vrayement vefves ; mays celles qui n'ayment pas leur
viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié. Ce ne sont pas celles desquelles il est
dit594 : Benissant je beniray la vefve ; et ailleurs595, que Dieu est le juge, protecteur et defenseur
des vefves. Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour ; faites le croistre tous les jours
de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre
bonheur est appuyé sur ces deux colomnes. Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre
est point esbranlee, par quelque devote meditation et consideration pareille a celle de laquelle je
vous envoye une copie, et que j'ay communiquee avec quelque fruit a des autres ames que j'ay en
charge. Ne vous lies pas toutefois a cette mesme meditation, car je ne la vous envoye pas a cet
effect, mais seulement pour vous faire voir a quoy doit tendre l'examen et espreuve de soy mesme
que vous deves faire tous les moys, affin que vous sachies vous en prevaloir plus aysement. Que
si vous aymes mieux repeter cette mesme meditation, elle ne vous sera pas inutile. Mais je dis, si
vous l'aymes mieux, car en tout et par tout je desire que vous ayés une sainte liberté d'esprit
touchant les moyens de vous perfectionner ; pourveu que les deux colomnes en soyent conservees
et affermies, il n'importe pas beaucoup comment.
Gardés vous des scrupules et vous reposes entierement [265] sur ce que je vous ay dit de
bouche, car je l'ay dit en Nostre Seigneur. Tenes vous fort en la presence de Dieu par les moyens
que vous sçaves. Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche
plus de cheminer en la perfection. Jettés doucement vostre cœur es playes de Nostre Seigneur, et
non pas a force de bras ; ayés une extreme confiance en sa misericorde et bonté qu'il ne vous
abandonnera point, mays ne laissés pas pour cela de vous bien prendre a sa sainte Croix.
Apres l'amour de Nostre Seigneur je vous recommande celuy de son espouse l'Eglise, de
cette chere et douce colombe laquelle seule peut pondre et faire esclorre les colombeaux et
colombelles a l'Espoux. Loués Dieu cent fois le jour d'estre « fille de l'Eglise, » a l'exemple de la
Mere Therese qui repetoit souvent ce mot a l'heure de sa mort avec une extreme consolation596.
Jettés vos yeux sur l'Espoux et sur l'Espouse, et dites a l'Espoux : O que vous estes Espoux d'une
belle Espouse ! et a l'Espouse : Hé, que vous estes Espouse d'un divin Espoux ! Ayés grande
compassion a tous les pasteurs et predicateurs de l'Eglise, et voyés comme ilz sont espars sur toute
la face de la terre, car il n'y a province au monde ou il n'y en ayt plusieurs. Priés Dieu pour eux
affin qu'en se sauvant ilz procurent fructueusement le salut des ames ; et en cet endroit, je vous
supplie de ne jamais m'oublier, puisque Dieu me donne tant de volonté de ne jamais vous oublier
aussi.
592 Cf. Ps. I, 3.
593 I Tim., V, 3.
594 Ps. CXXXI, 15.
595 Pss. LXVII, 6, CXLV, 9.
596 Ribera, Vita Matris Teresiæ, (Salmant., 1590), l. III, c. XV.
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Je vous envoye un escrit touchant la perfection de la vie de tous les Chrestiens597. Je l'ay
dressé non pour vous, mays pour plusieurs autres ; neanmoins vous verrés en quoy vous le pourrés
faire valoir pour vous. Escrives-moy, je vous supplie, le plus souvent que vous pourres, avec toute
la confiance que vous sçaures ; car l'extreme desir que j'ay de vostre bien et advancement me
donnera de l'affliction si je ne sçay souvent a quoy vous en estes. [266] Recommandés moy a
Nostre Seigneur, car j'en ay plus de besoin que nul homme du monde. Je le supplie qu'il vous
donne abondamment son saint amour, et a tout ce qui vous appartient.
Je suis sans fin et vous supplie me tenir pour
Vostre serviteur tout asseuré et dedié en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le jour Sainte Croix 1604
_____
CCXVII. A la Présidente Brulart598. En quoi consiste la
perfection propre aux femmes du monde : s'unir à Dieu par la
méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les
fréquentes oraisons jaculatoires. S'unir au prochain par
l'affabilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance envers
ses proches. Rendre la piété aimable en la rendant utile et
agréable à tous.
Annecy, 3 mai 1604.
Madame,
Je ne vous puis pas donner tout a coup ce que je vous ay promis, car je n'ay pas asses
d'heures franches pour mettre tout ensemble ce que j'ay a vous dire sur le sujet que vous avés desiré
vous estre expliqué par moy. Je vous le diray a plusieurs fois, et outre la commodité que j'en auray,
vous aurés aussi cellela, que vous aures du tems pour bien remascher mes advis. [267]
Vous avés un grand desir de la perfection chrestienne : c'est le desir le plus genereux que
vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours. Les moyens de parvenir a la
perfection sont divers selon la diversité des vocations ; car les Religieux, les vefves et mariés
doivent tous rechercher cette perfection, mais non pas par mesme moyen. A vous, Madame, qui
estes mariee, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend
d'eux.
Le moyen pour s'unir a Dieu ce doit estre principalement l'usage des Sacremens et
l'orayson. Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys
que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progres que vous aurés fait au
service de Dieu et selon le conseil de vos peres spirituelz, vous pourres vous communier plus
souvent. Mais quant a la Confession, je vous conseilleray bien de la frequenter encor plus,
principalement sil vous arrivoit quelque imperfection delaquelle vostre conscience fut affligee,
597 L'écrit ici mentionné, ainsi que ceux dont il est question dans les deux lettres suivantes (pp. 269 et 271), sera publié
parmi les Opuscules de saint François de Sales.
598 Cette Présidente était Marie Bourgeois, fille de Claude Bourgeois, seigneur de Crépy, d'Origny, et de Françoise de
Montholon. Elle avait épousé Nicolas Brûlart, baron de la Borde, qui remplit d'abord la charge de maître des requêtes,
devint président au Parlement de Bourgogne (1602), puis premier président (1610) par la démission de son père. Mme
Brûlart mourut le 22 juillet 1622, et fut inhumée chez les Cordeliers de Dijon.
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comm'il en arrive bien souvent au commencement de la vie spirituelle. Neanmoins, si vous n'avies
pas les commodités requises pour se confesser, la contrition et repentance suppleeroit.
Quant a l'orayson, vous la devés fort frequenter, specialement la meditation, a laquelle vous
estes assés propre, ce me semble. Faittes en donques tous les jours une petite heure le matin avant
que de sortir, ou bien avant le souper, et gardés vous bien de la faire ni apres le disner ni apres le
souper, car cela gasteroit vostre santé. Et pour vous ayder a la bien faire, il faut qu'avant icelle
vous sachies le point sur lequel vous devés mediter, affin que, commençant l'orayson, vous ayes
vostre matiere preste. Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz
des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade599, Bellintani600, [268]
Capillia601, Bruno602, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés
attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de
les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je
vous donnay le Jeudy Saint603.
Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les
heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et
vostre cœur en Dieu. Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de l'orayson et meditation604,
car il ni en a point qui vous instruise mieux ni avec plus de mouvemens. Je voudroy quil ne se
passast aucun jour sans que vous donnassies une demi heure ou un'heure a la lecture de quelque
livre spirituel, car cela vous serviroit de prædication. Voyla les principaux moyens de se bien unir
avec Dieu.
Quant a ceux qui servent pour se bien unir avec le prochain, ilz sont en grand nombre, mais
je n'en diray que quelques-uns. Il faut considerer le prochain en Dieu, qui veut que nous l'aymions
et caressions. C'est l'advis de saint Paul605, qui ordonne aux serviteurs de servir Dieu en leurs
maistres et leurs maistres en Dieu. Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant
extérieurement ; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point
laisser pour cela, car ceste repugnance de la partie inferieure en fin sera vaincue de l'habitude et
bonn'inclination qui sera produite par la repetition des actions. Il faut rapporter a ce point les
oraysons et meditations, car apres avoir demandé l'amour de Dieu il faut tous-jours demander [269]
celuy des prochains, et particulierement de ceux ausquelz nostre volonté n'a null'inclination.
Je vous conseille de prendre quelquefois la peyne de visiter les hospitaux, consoler les
malades, considerer leurs infirmités, attendrir vostre cœur sur icelles et prier pour eux en leur
faysant quelqu'assistence. Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari,
vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux
eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive
quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des
conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees ; car en tout cela il
faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain
en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu.
Vous ne devés pas seulement estre devote et aymer la devotion, mais vous la deves rendre
aymable a un chacun. Or, vous la rendres aymable si vous la rendes utile et aggreable. Les malades
599 Devotes contemplations et spirituelles instructions sur la Vie, Passion, Mort, Resurrection et Ascension de N. S. J.
C. Traduict de l'espagnol de R. P. Louis de Grenade par F. de Belleforest. Paris, De la Noue, 1572. Cf. le Memorial,
le Supplement au Memorial, etc.
600 Vide supra, p. 190, not. (442).
601 Capiglia (Capilla) André, Chartreux espagnol, évêque d'Urgel, mort en 1610. Méditations sur les Evangiles... et
festes des Saincts, divisées en trois Parties. Composées en espagnol par le P. Dom André Capiglia, prieur de la.
Chartreuse dicte Porta Cœli, nouvellement traduictes en françoyspar R.G.A. G. Paris, De la Noue, 1601.
602 Bruno Vincent, Jésuite italien (1532-1594). Méditations sur les Mysteres de la Passion et Résurrection de Jesus
Christ Nostre Seigneur... traduites d'italien en françoys par Philibert Du Sault, chanoine de Bourdeaux. Douay,
Baltazar Bellere, 1596.
603 Vide supra, p. 266, not. (597).
604 Vide ubi contra.
605 Ephes., ult., 5-7.
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aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés ; vostre famille, si elle vous
reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a
reprendre, et ainsy du reste ; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist
vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés ; messieurs
vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a
leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu. Bref, il faut, tant qu'il est possible,
rendre nostre devotion attrayante.
J'ay fait un petit advertissement sur le sujet de la perfection de la vie chrestienne606, dont
je vous envoye une copie que je desire estre communiquee a Madame du Puis d'Orbe. Prenes-la
en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entierement affectionnee a vostre
bien spirituel, et qui ne desire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit. [270]
Je vous supplie de me donner quelque part en vos prieres et Communions, comm'aussi je
vous asseure que je vous feray toute ma vie part aux miennes et seray sans fin,
Madame,
Vostre serviteur plus affectionné en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
3 mai 1604.
A Madame
Madame la Præsidente Brulart.
A Dijon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Religieux des SS. Cœurs, dits de Picpus, à
Paris.
_____
CCXVIII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe607.
Moyens à employer pour la réforme de son monastère : bons
exemples, douceur, fidélité aux exercices spirituels.
Annecy, 3 mai 1604.
Madame,
J'ay envoyé a madame la presidente Brulart, vostre seur un escrit que je desire vous estre
communiqué608 ; non pas que celuy que je vous ay donné609 ne suffise pour vous et pour ce tems,
606 Vide supra, p. 266, not. (597).
607 L'abbaye royale du Puits-d'Orbe était située dans le bailliage d'Auxois, sur les confins de la Bourgogne et de la
Champagne. Il est difficile d'indiquer la date de fondation de ce couvent, dont l'église fut consacrée en 1129.
L'Abbesse qui le gouvernait en 1604 était Rose Bourgeois de Crépy, sœur cadette de la présidente Brûlart.
Probablement, selon l'abus régnant à cette époque, le titre de cadette, de par la volonté de son père, lui avait tenu lieu
de vocation à la vie religieuse. Néanmoins, touchée par les exhortations de saint François de Sales, elle résolut de
réformer non seulement sa vie privée mais encore son abbaye, et à cet effet elle entretint une correspondance suivie
avec le saint Evêque. Les oppositions qui se produisirent au-dedans et les influences défavorables du dehors firent
échouer ce projet. Le transfert de la Communauté à Châtillon-sur-Seine (21 décembre 1619) ne ramena pas la
régularité. Dans la suite, les irrésolutions de l'Abbesse, son insubordination envers l'Evêque de Langres, dans le
diocèse duquel était située l'abbaye, compliquèrent encore les difficultés. Plus heureuse que Rose Bourgeois, Jeanne
de Chauvigny de Saint-Agoulin, qui lui succéda (Bulle du 25 mai 1657), parvint à rendre au monastère la prospérité
et la ferveur.
608 Vide contra.
609 Vide supra, p. 266, not. (597).
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mais affin que vous ayés tous-jours plus d'esclaircissement en vostre esprit, a l'advancement
duquel je me sens tant obligé que je ne suis de rien plus desireux en ce monde, non seulement pour
cette grande confiance que Dieu vous a donnee en mon endroit, mays [271] aussi pour celle qu'il
me donne que vous servires beaucoup a sa gloire. N'en doutés point, Madame, et ayés bon courage.
Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mere
Therese, car vous verrés le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera
sans doute a reformer vostre Monastere, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle,
puisque vous estes Superieure perpetuelle. Mais tenes la methode que je vous ay dite, de
commencer par l'exemple ; et bien qu'il vous semblera prouffiter peu au commencement, ayés
neanmoins de la patience, et vous verrés ce que Dieu fera. Je vous recommande sur tout l'esprit de
douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les ames. Tenes bon et ferme en ce
commencement a bien faire tous vos exercices, et prepares vous aux tentations et contradictions610
; car le malin esprit vous en suscitera infiniment pour empescher le bien qu'il prevoit devoir sortir
de vostre resolution ; mais Dieu sera vostre protecteur. Je l'en supplie de tout mon cœur et l'en
supplieray tous les jours de ma vie.
Je vous prie de me recommander a sa misericorde, et croire que je suis, autant que vous le
sçauries desirer et que je puis,
Madame,
Vostre serviteur tres affectionné en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le jour Sainte Croix, 3 mai 1604.
Mon compagnon611 m'a dit en chemin que vous desiries [272] venir a Saint Claude et qu'a
cette occasion j'auray le bien de vous voir. Je vous prie qu'en ce cas la je le sçache avant le tems,
affin que je me puisse treuver en lieu et loysir propre a vostre consolation.
A Madame l'Abbesse du Puis d'Orbe.
En son Monastere.
_____
610 Cf. Ecclus., II, 1.
611 Quel est celui de ses compagnons de voyage que le Saint désigne ici ? Nous ne saurions le préciser. Le Registre
des Délibérations de la Chambre de Ville de Dijon en mentionne deux. C'est d'abord « le sieur Brunet, homme d'Eglise,
» auquel fut délivrée « la somme de cent cinquante livres pour fournir aux frais de voyage » du saint Evêque, « pour
s'en retourner avec sa suite en sa maison, et pour ceux emploies a venir en cette ville. » C'est ensuite « le sieur de Saint
Pol, durant cinq jours entiers... logé chez Me Regné avec son cheval... qu'il ramenoit pour la monture dudit sieur de
Genefve pour son retour. »
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CCXIX. A un Calviniste612 (Minute). Sans certaines conditions
les conférences sont infructueuses. Les hérétiques doivent
prouver leurs négations. Prières pour les morts. Canonicité
des Livres des Machabées et de l'Apocalypse. Promesse de
ne pas refuser une conférence avec les Genevois s'ils la
demandent.
[Annecy, mai 1604.]
Monsieur,
Mon dessein ne fut pas d'entrer en aucune conference avec vous ; la prochaine necessité de
mon despart m'en ostoit entierement l'occasion. Si les conferences ne se [273] font bien
conditionnees et accompagnees de loysir et de commodités de les parachever, elles sont
infructueuses. Je ne regarde qu'a la gloire de Dieu et613 le salut du prochain ; ou cela ne peut estre
procuré, je ne fay point de conference.
Vous sçavés bien ce que je veux dire quand je parle du Livre des Maccabees II en a deux,
et deux font un cors de livre. Je ne prendray pas la peyne de vous en dire d'avantage, car je ne
piquotte point. Il est vray que nous disons et affermons, et que vous niés et rejettés. L'Eglise a
tous-jours esté combattue par cette mesme façon ; mais vos negatives doivent estre preuvees par
une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver,
quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention. Les
jurisconsultes vous le tesmoigneront, puisque c'est d'eux614 que la maxime est tiree615 : vous n'en
refuseres pas l'explication.
La priere pour les trespassés a esté faitte par toute l'ancienne Eglise, Calvin mesme le
reconnoist616 ; les Peres l'ont preuvee par l'authorité du Livre des Maccabees et l'usage general de
leurs predecesseurs. Voyés la fin et le commencement du livre de saint Augustin, qu'il a fait sur ce
sujet617. Nous marchons sur leurs pas et suivons leurs traces. Ni les Livres des Maccabees, ni
l'Apocalipse n'ont pas esté si tost reconneus que les autres ; l'un et l'autre neanmoins le fut
esgalement au Concile de Carthage, ou saint Augustin assista618. On a douté loysiblement de
quelques Livres canoniques pour un tems, desquelz il n'est pas loysible de douter maintenant ; les
passages que j'ay cités sont si expres qu'ilz ne peuvent estre divertis a autre sens.
Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et
les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations : vous verrés [274] que les parties
principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui
est maintenant. On me dit que Dieu a mis en vous beaucoup de dons de nature ; n'en abusés pas
612 La date de cette minute est conjecturée d'abord par l'écriture ; en outre il est très vraisemblable qu'elle a suivi de
près le Carême de 1604. Durant cette station, en effet, le Saint, d'après Charles-Auguste de Sales, « le plus souvent
traictoit des matieres controversees entre les Catholiques et huguenots... lesquels il peschoit tous les jours a Nostre
Seigneur, au grand bien de son Eglise. » Lui-même écrit (voir lettre du 14 août 1604) : « Quelques huguenotz se sont
convertis » alors. Un certain émoi dut à cette occasion se produire parmi les calvinistes de Dijon, et l'exemple du
fameux ministre Cassegrain, qui proposa une dispute publique au Prédicateur, fut probablement suivi par quelqu'autre
de ses coreligionnaires, car évidemment cette lettre n'est pas destinée à Cassegrain. A ce dernier le saint Evêque était
prêt à accorder une conférence, tandis qu'il répond ici par un refus à une proposition semblable.
613 et [ne me veux nullement acquerir de la reputation...]
614 [La moitié de l'Autographe ayant été coupée, le texte, à partir d'ici jusqu'à ligne 6 de la page suivante, est emprunté
à l'édition de 1641.]
615 Vide tom. præced. hujus Edit., Epist. LXI.
616 Instit., l. III, c. V, § 10.
617 De Cura pro Mortuis gerenda.
618 Prosp., Chronic.
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pour forclorre ceux de la grace, et consideres attentivement les qualités de la part en laquelle vous
desires conferer.
Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous
sommes trop esloignés de sejour ; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois ? Si
la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas
aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes.
Conferes a vostre salut l'attentive meditation sur nos raysons et sur les anciens Peres, et j'y
confereray mes pauvres et chetives prieres, que je presenteray a la misericorde de nostre Sauveur,
auquel et pour l'amour duquel je vous offre mon service et suis
Vostre serviteur bien humble,
FRANÇ., E. de Geneve.
Revu en partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Soleure.
_____
CCXX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Pauvreté du
prieuré de Bellevaux. Le Prieur est digne des libéralités de
Son Altesse
619Monseigneur,
Annecy, 29 mai 1604.
J'ay receu commandement de Vostre Altesse de luy donner advis certain de l'estat du
prieuré et monastere de Bellevaux620, par ce que sil est si miserable que l'on [275] luy a fait
entendre, elle veut relascher les decimes au Prieur621. J'obeis donques a la voulonté de Vostre
Altesse, et sur une particuliere connoissance que j'ay de la verité, je la puis asseurer que ce
monastere, qui fust jadis asses celebre, est presque ruiné quant aux bastimens, et tellement appauvri
quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur ; et pour
la presente annee, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup pres, dequoy
supporter les charges. A quoy adjoustant l'indigence du nouveau Prieur622 et le desir quil a de
resider et bien faire son devoir, la conclusion ne peut estre sinon que Vostre Altesse fera une sainte
aulmosne d'exercer sa liberalité en ce sujet.
Je fay tres humblement la reverence a Vostre Altesse, priant Nostre Seigneur quil multiplie
ses faveurs et sur elle et sur ses desirs, et demeurant, comme je dois,
Monseigneur,
Tres humble et tres-obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le 29 may 1604.
619 Cette lettre est écrite par secrétaire, sauf la clausule et la date qui sont de la main du Saint.
620 Le prieuré clunisien de Bellevaux en Bauges, dans le diocèse de Genève fondé en 1078 par Nanthelme de Miolans,
subsista jusqu'en 1788. D'après l'historien Besson, « l'église fut sacrée en grande solennité et avec un concours
prodigieux de peuple, qui s'y rendit de toute part, environ l'an 1090, par Boson, archevêque de Tarentaise, assisté de
Boson, évêque d'Aoste, et de Conon, évêque de Maurienne. »
621 Les décimes étaient une des formes de l'impôt perçu par les ducs de Savoie sur les biens ecclésiastiques. Charles-
Emmanuel Ier, pour lever cet impôt, avait obtenu en 1587 une autorisation du Saint-Siège qui fut pendant longues
années renouvelée de trois en trois ans.
622 Aimé ou Aimon Mermonio de Luyrieu avait été institué prieur commendataire de Bellevaux le 24 mai 1603. Le 30
janvier 1626, il permuta ce bénéfice contre le doyenné de Sallanches. (R. E.)
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A Son Altesse.
Revu sur l'original appartenant au comte Olivieri, à Turin. [276]
_____
CCXXI. A la Baronne de Chantal. Il rassure Chantal sur
l'inquiétude qu'elle éprouve de l'avoir consulté à l'insu de son
directeur. L'unité de direction ne doit pas nuire à la liberté
d'esprit. Lettre reçue de l'Archevêque de Bourges
Annecy, 14 juin 1604.
Madame,
Ce m'a esté une tres grande consolation d'avoir eü la lettre que vous m'escrivites le 30 de
may. Toutes ses parties sont aggreables : la souvenance que vous avés de moy en vos prieres, car
cela tesmoigne vostre charité ; le memoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme,
car encor que de mon costé il ni aÿe eu autre chose qu'imperfection, si est ce que ç'a tous-jours
esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile ; le desir que vous aves
de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir. Tout cela donques me console,
comm'aussi ce que vous m'escrivés que le Reverend Pere que le Seigneur vous a baillé pour
directeur623 avoit treuvé fort bon que pendant mon sejour a Dijon vous m'aves communiqué
623 On aimerait de connaître avec quelques détails cet homme bizarre, presque célèbre à cause de son étrangeté même.
Ses contemporains, par charité sans doute, n'ont parlé de lui qu'en des termes fort vagues. De leurs témoignages on
peut induire toutefois que sa prudence et son désintéressement n'étaient pas à la hauteur de son zèle.
Voici d'après la Mère de Chaugy (Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise Frémyot de
Chantal, Ire Partie, chap. XI) dans quelles circonstances la baronne de Chantal fit la rencontre de ce « Reverend Pere
» : « Etant allée à Notre-Dame de l'Etang... elle y trouva un bon Religieux et quelques âmes dévotes. Ces personnes,
qui étaient des enfants spirituels de ce bon Père, la pressèrent fort de communiquer de son âme avec lui, à quoi elle se
soumit pour leur condescendre, et fut tout étonnée qu'il l'engageât à le prendre pour directeur... Croyant que c'était la
volonté du souverain Maître, » elle « se laissa lier par ce berger, lequel, étant bien aise d'avoir cette sainte brebis entre
ses mains, l'attacha à sa direction par quatre vœux : le premier, qu'elle lui obéirait ; le second, qu'elle ne le changerait
jamais ; le troisième, de lui garder la fidélité du secret en ce qu'il lui dirait ; le quatrième, de ne conférer de son intérieur
qu'avec lui. »
Pendant plus de deux ans cette inexorable servitude pesa sur la Sainte, « inquiétée plutôt que dirigée par la
voix de ce pasteur, » qui « la tenait en une anxiété perpétuelle. » Sur ces entrefaites, saint François de Sales vint
prêcher le Carême à Dijon. Bien qu'elle sût, par une révélation surnaturelle, que le Ciel avait destiné le saint Prélat à
sa conduite intérieure, elle ne lui ouvrit pas d'abord son âme. Dans ce même temps le farouche « berger » s'absenta.
Pressée d'une tentation violente, la pieuse veuve se crut en droit de demander lumière et consolation à l'Evêque de
Genève, et, après de douloureuses perplexités, résolut même de le prendre définitivement pour guide. Mais bientôt,
troublée par de nouvelles alarmes, elle se reprocha cette démarche comme une transgression des promesses qui la
liaient à l'autorité du premier directeur. De là des craintes, de cruelles inquiétudes, d'angoissants scrupules, que le
Saint s'efforcera de dissiper dans la plupart des lettres écrites durant la fin de l'année 1604.
A partir de cette époque le « bon Pere » rentre dans l'ombre, et depuis, un mystère, impénétrable semble-t-il,
enveloppe son nom. Les recherches les plus minutieuses faites par les éditeurs, et celles qu'ont entreprises pour eux
quelques érudits Dijonnais, n'ont pu réussir à percer l'incognito derrière lequel il se dérobe. Etait-il à demeure sur la
sainte colline ? Serait-ce un Religieux, venu de Dijon au sanctuaire vénéré ? Mgr Bougaud a-t-il eu quelque raison
sérieuse d'avancer, dans son Histoire de sainte Chantal, qu'il appartenait à l'Ordre des Minimes ? Nous ne saurions le
dire. Il est sûr toutefois que la chapelle de Notre-Dame-d'Etang dépendait de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Les
moines en confiaient la desserte à un chapelain, alors Nicolas Briet (lettres de provision du 21 avril 1587), et à quelques
ermites. Ne faudrait-il point chercher le mystérieux personnage dans ce groupe, ou plus vraisemblablement encore
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vostr'ame, et que mesme il ne treuveroit pas mauvais que vous me donnassies quelquefois de vos
lettres.
Madame, si vous vous en resouvenés, je vous dis bien cela mesme, quand vous me dites
que vous craignés de [277] l'avoir offencé ayant receu les petitz advis que je vous donnay
verbalement sur le sujet de vostre affliction interieure qui vous troubloit en la sainte orayson. Car
je vous dis qu'en cela vous ne sçauries avoir fait faute, puisque le mal vous pressoit et vostre
medecin spirituel estoit absent ; que cela n'estoit pas changer de directeur, ce que vous ne pouviés
faire sans perte bien grande, mais que c'estoit seulement se soulager pour l'attendre ; que mes advis
ne s'estendoyent que sur le mal present, qui requeroit un remede present, et partant ne pouvoyent
nullement prejudicier a la conduitte generale de vostre premier directeur. Et quant au scrupule que
vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute vostre vie, je vous dis que vous
n'aviés non plus contrevenu aux loix de la submission que les ames devotes doivent a leur pere
spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la pratique
seroit tous-jours mesuree par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la presence
de son œil et la plus grande lumiere spirituelle, avec la plus entiere connoissance qu'il a de vostre
capacité, luy donnent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis ; joint que les
advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien [278] accordans
avec ceux du Pere directeur. Mays quand vous m'eustes nommé le personnage, resouvenés vous,
je vous supplie, que je vous dis avec pleyne confiance qu'il me connoissoit et m'avoit fait le bien
de me promettre un jour son amitié, et que je m'asseurois quil ne treuveroit point mauvaise la
communication que vous avies eüe avec moy, tant je le tenois de mes amis. Vous voyes donq,
Madame, que je jugeay fort bien de tout cela, et n'employay guere de tems ni de consideration pour
me resoudre a ce jugement. Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est
veritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guere
esloignés d'affections et conceptions.
Je loüe infiniment le respect religieux que vous portes a vostre directeur et vous exhorte de
soigneusement y perseverer ; mais si faut il que je vous die encor ce mot. Ce respect vous doit sans
doute contenir en la sainte conduite a laquelle vous vous estes si heureusement rangee, mais il ne
vous doit pas gehenner, ni estouffer la juste liberté que l'Esprit de Dieu donne a ceux quil
possede624. Pour certain, ni recevoir les advis et enseignemens des autres, ni recourir a eux en
l'absence du directeur, n'est nullement contraire a ce respect, pourveu que le directeur et son
authorité soit tous-jours præferé. Beni soit Dieu. [279]
Je vous ay voulu resouvenir de tout ce que je vous ay dit en presence, et y adjouster ce que
j'ay pensé en escrivant pour vous representer pour un bon coup mon opinion sur ce scrupule ; et
si, j'ose bien me promettre que si vous la proposes a vostre directeur la premiere fois que vous le
verres, il se treuvera autant conforme avec moy en cet endroit comm'il l'a esté en l'autre. Mais je
laisse cela a vostre discretion, de luy proposer ou non ; bien vous supplieray-je de le saluer a mon
nom et l'asseurer de mon service. Je l'ay longuement honnoré avant que de l'avoir veu ; l'ayant veu,
mon affection s'en est accreùe, et m'estant apperceu du fruit quil a fait a Dijon (car vous n'estes
pas seule), je luy ay donné et voué autant de cœur et de service quil en sçauroit desirer de moy. Je
vous cheris en luy et luy en vous, et l'un et l'autre en Jesus Christ625.
Monsieur l'Archevesque626 m'a escrit une lettre si excessive en faveurs que ma misere en
est accablee ; il le faut pardonner a sa courtoisie et naturelle bonté, mais je m'en plains a vous par
ce que cela me met en danger de vanité. Vous ne m'escrives pas de la santé de monsieur vostre
parmi les Religieux de l'abbaye ? Plusieurs fois en effet un « Pere de Saint Benigne » est mentionné dans la
correspondance de saint François de Sales, avec des réticences qui donnent jour à quelques conjectures.
624 II Cor., III, 17.
625 Des paroles d'une telle courtoisie à l'égard d'un tel homme paraîtraient singulièrement exagérées sous la plume du
Saint, si la lettre du 24 juin (voir ci-après, p. 282) n'expliquait les délicates raisons de prudence et de charité qui les
ont dictées.
626 André Frémyot, archevêque de Bourges, frère de la Sainte.
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pere, et toutefois j'en suis extrement desireux ; ni de monsieur vostre oncle627 que je vous avois
supplié de saluer de ma part.
Au demeurant, puisque le Pere directeur vous permet de m'escrire quelquefois, faites le, je
vous prie, de bon cœur, encor que cela vous donnera de la distraction, car ce sera charité. Je suis
en un lieu et en une occupation qui me rend digne de quelque compassion, et ce m'est consolation
de recevoir, parmi la presse de tant de fascheuses et difficiles affaires, des nouvelles de vos
semblables ; [280] ce m'est une rosee. Je vous tesmoigne par cette longueur combien mon esprit
aggree la conversation du vostre. Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son amour et sil
luy plait, pour son amour. Je l'en supplie, et vous salue bien humblement,628 donnant la sainte
benediction a vos petitz enfans, si vous estes a Chantal ; car si vous estes a Dijon je ne le voudrois
entreprendre en la presence de monsieur leur oncle, bien que leur petit agenouillement et vostre
demande me fit faire une pareille laute a mon despart.
Dieu soit vostre cœur et vostre ame, Madame, et je suis
Vostre plus humble et affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
14 juin 1604.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
Revu sur l'Autographe conservé dans la salle Capitulaire de Notre-Dame, à Paris.
_____
CCXXII. A M. Charles d'Albigny. Opportunité de quelques
modifications dans les lois relatives à l'immunité des églises
Annecy, 20 juin 1604.
Monsieur,
Le desir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre
chastiés selon leurs demerites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq. J'ay eu tant
de distractions pour ne l'avoir pas voulu permettre629, que j'ay bien occasion aussi de mon [281]
costé de souhaitter que les loix de l'immunité des eglises soyent moderëes a cet effect. Ce n'est
neanmoins pas a moy de le faire, qui suis sujet ; c'est pourquoy j'ay supplié Monsieur le Nonce de
m'en faire venir un petit mot de declaration qui me descharge de leur rigueur, laquelle, ce me
semble, n'est pas sortable en ce tems, en ce lieu, en ces occasions.
Je vous supplie, Monsieur, d'avoir aggreable que j'attende puisque ma condition le requiert,
en laquelle je prie Dieu tous les jours pour vous, et suis,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS, H. de Geneve.
20 juin 1604.
A Monsieur Monsieur d'Albigni,
627 Probablement Claude Frémyot, seigneur d'Is-sur-Tille, qui avait épousé Marthe de Berbisey. D'abord contrôleur en
la Chancellerie près le Parlement de Dijon, il résigna cet office en 1577, et fut, la même année, nommé président en
la Chambre des Comptes, charge qu'il exerça jusqu'en 1611.
628 La suite de cette phrase est inédite, ainsi que les lignes 21-24 de la page précédente.
629 Le Saint avait eu, entre autres, maints ennuis au sujet d'un soldat espagnol, Antoine Garcia, retiré de force de
l'église de Faverges, où il s'était réfugié pour jouir du bénéfice de l'immunité.
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19.6 Page 186

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Chevallier de l'Ordre de S. A. et son lieutenant general deça les mons.
Revu sur l'Autographe conservé à Florence, dans l'oratoire privé de Mgr Donat Velluti-Zati, duc
San Clemente, évêque de Pescia (Toscane).
_____
CCXXIII. A la Baronne de Chantal. Encore l'unité de direction
et la liberté qu'elle comporte ; comment l'entendait sainte
Thérèse, et comment il faut la pratiquer à son imitation.
Protestation d'entier dévouement. Combien sont indissolubles
les liens formés par la charité. Secret que doit garder le
pénitent sur ce qui est dit en confession. Chercher un remède
à la tristesse et à l'ennui dans les plaies de Notre-Seigneur.
Mystérieuse formation du Christ dans l'âme chrétienne
630Madame,
Annecy, 24 juin 1604.
L'autre lettre vous servira pour contenter le bon Pere a qui vous desires la pouvoir
monstrer631. J'y ay fourré [282] beaucoup de choses pour empescher le soupçon qu'il eut peu
prendre qu'elle fut escritte a dessein, et l'ay neanmoins escritte avec toute verité et sincerité, ainsy
que je doy tous-jours faire ; mais non pas avec tant de liberté comme cellecy, en laquelle je desire
vous parler cœur a cœur.
Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient
de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté
630 [Un fragment inédit d'une première leçon de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy ; il est ici reproduit in
extenso :]
Madame, Je vous ay escrit l'autre lettre en sorte que je pense que vous la pourrés faire voir a qui vous desirés.
J'y ay fourré beaucoup de choses pour empescher le soupçon qu'on eut peu prendre qu'elle fut escritte a dessein. Je
l'ay faitte avec sincerité et verité, comme je doy faire en toutes occasions, mais non pas avec tant de liberté comme
celleci, en laquelle je vous parle, ce me semble, cœur a cœur.
La peyne que vostre esprit reçoit de la difficulté qu'on luy a proposee touchant l'unité du pere spirituel me
semble avoir fort peu de fondement ; car toute la confiance que vous aves en moy selon Dieu n'est point contraire a
l'unité du pere spirituel, puisque, comme je vous dis, en toutes occurrences ou mon advis sera dissemblable au sien,
le sien doit estre præferé, si que en tout et par tout son authorité demeure solidement conservee sur vostre volonté. La
plus grande obeissance des Religieux et Religieuses ne s'estend ni peut s'estendre plus loin que cela. Peu au paravant
que je receusse vostre lettre, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mere Therese, pour delasser mon
esprit qui estoit recreu des affaires quil avoit portees le long du jour, et je treuvay qu'ell'avoit voüee toute obeissance
au P. Gracien, de son Ordre, pour toutes les occasions esquelles celle des superieurs et superieures ne la previendroit
point. Vous voÿés bien qu'en cela ell'avoit divers devoirs d'obeissance, et tous deux par differens veuz. Mais, outre
cela, elle ne laissoit pas d'avoir des intimes et confidens amis spirituelz, avec lesquelz elle communiquoit de l'estat de
son ame, les oyoit et suivoit leurs advis en tout ce qui ne se treuvoit pas contraire a l'obeissance vouée.
Madame, vous n'aves point de devoir d'obeissance en mon endroit, car je ne l'ay jamais entendu comme cela
; seulement vous ay-je promis et asseuré qu'en tout ce que mes foibles forces pourront porter, je serviray de toute mon
ame au bien et a l'advancement de vostre esprit, et n'espargneray ni soin ni travail pour ce service. L'ardant desir que
vous aves eü de mon assistence en ce qui regarde vostre conduitte, et l'extrem'inclination que je ressenti (sic) de vous
contenter ne me permirent pas d…
631 Vide supra, pp. 277-280.
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propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne ; mais cela n'empesche nullement
le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que
l'on reçoit d'ailleurs. Peu auparavant que je receusse vos lettres, un soir je prins en main un livre
qui parle de la bonne Mere Therese632, pour delasser mon ame des travaux de la journée, et je
treuvay qu'ell'avoit fait vœu d'obeissance particuliere au P. Gracian, de son Ordre633, pour faire
toute sa vie ce quil luy ordonneroit qui ne seroit contraire a Dieu ni a l'obeissance des superieurs
[283] ordinaires de l'Eglise et de son Ordre. Outre cela, elle ne laissoit pas d'avoir tous-jours
quelque particulier et grand confident auquel elle se communiquoit, et duquel elle recevoit les
advis et conseilz pour les prattiquer soigneusement, et s'en prævaloir en tout ce qui ne seroit
contraire a l'obedience vouée ; dont elle se treuva fort bien, comm'elle mesme a tesmoigné en
plusieurs endroitz de ses escritz634. C'est pour vous dire que l'unité de pere spirituel ne forclost
point la confiance et communication avec un autre, pourveu que l'obeissance promise demeure
ferme en son rang et soit præferee.
Arrestés vous-la, je vous supplie, et ne vous mettes nullement en peyne en quel degré vous
me devés tenir, car tout cela n'est que tentation et vaine subtilité. Que vous importe-il de sçavoir
si vous me pouves tenir pour vostre pere spirituel ou non, pourveu que vous sachies quell'est mon
ame en vostre endroit et que je sache quell'est la vostre au mien ? Je sçai que vous aves une entiere
et parfaitte confiance en mon affection ; de cela je n'en doute nullement, et en reçoi de la
consolation. Sachés aussi, je vous supplie, et croyes-le bien, que j'ay une vive et extraordinaire
volonté de servir vostre esprit de toute l'estendue de mes forces. Je ne vous sçaurois pas expliquer
ni la qualité ni la grandeur de cett'affection que j'ay a vostre service spirituel ; mais je vous diray
bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray cherement, et que tous les jours
je la voy croistre et s'augmenter notablement. Sil m'estoit bien [284] seant je vous en dirois
davantage, et avec verité, mais il faut que je m'arreste la. Maintenant, ma chere Dame, vous voyes
asses clairement la mesure avec laquelle vous me pouves employer, et combien vous pouves avoir
de confiance en moy. Faites valoir mon affection, usés de tout ce que Dieu m'a donné pour le
service de vostre esprit : me voyla tout vostre, et ne penses plus sous quelle qualité ni en quel degré
je le suis. Dieu m'a donné a vous ; tenes moy pour vostre en luy et m'appelles ce quil vous plaira,
il n'en importe.
Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent
former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast
aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé
par saint Paul le lien de perfection635, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit
jamais aucun relaschement. Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz
d'obeissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences ; mais celuy de la charité
croit avec le tems et prend nouvelles forces par la duree. Il est exempt du tranchant de la mort, de
laquelle la faux fauche tout sinon la charité : La dilection est aussi forte que la mort et plus dure
que l'enfer, dit Salomon636. Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce
nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz
s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et
presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté. Leur force n'est que suavité, leur
violence n'est que douceur ; rien de si pliable que cela, rien de si ferme que cela. Tenes moy
donques pour bien estroittement lié avec vous, et ne vous souciés pas d'en sçavoir d'avantage,
sinon que ce lien n'est contraire a aucun autre lien, soit de vœu soit de mariage. Demeurés donques
entierement en repos de ce costé-la. Obeisses a vostre premier conducteur filialement et librement,
et servés vous de moy charitablement et franchement. [285]
632 Vide supra, p. 266.
633 Jérôme Gratien de Aldorete, né à Valladolid en 1545, avait pris l'habit des Carmes le 25 mars 1572. Il mourut à
Bruxelles (1614), en grande réputation de vertu.
634 Vide loca apud Riberam, ubi p. 266.
635 Coloss., III, 14.
636 Cant., ult., 6 ; cf. I Cor., XIII, 8.
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Je respons a un autr'article de vostre lettre. Vous aves eu crainte de tumber en quelque
duplicité quand vous aves dit que vous m'avies communiqué vostre esprit et que vous m'avies
demandé quelques advis. Je suis consolé que vous aves en horreur la finesse et duplicité, car il ni
a guere de vice qui soit plus contraire a l'embonpoint et grace de l'esprit. Mais si est ce que ce n'eut
pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous
avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment
effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne. Neanmoins je loüe vostre candeur
et me resjouïs que vous l'aÿés dit, comm'aussi tout le reste, bien que vous devés estre ferme en la
resolution que je vous donnay, que ce qui se dit au secret de la Pœnitence est tellement sacré quil
ne se doit pas dire hors d'icelle. Et quicomque vous demande si vous aves dit ce que vous aves dit
avec le seau (sic) tressaint de la Confession, vous luy pouves hardiment et sans peril de duplicité
dire que nanni : il ni a nulle difficulté en cela. Mais bien, beni soit Dieu ; j'aime mieux que vous
excedies en naïfveté que si vous en manquiés. Toutefois, un autre coup, demeurés ferme, et tenes
pour non dit et totalement tëu ce qui est couvert du voyle sacramentai. Et ce pendant ne vous mettes
nullement en scrupule, car vous n'aves point offencé le disant, bien qu'a l'adventure vous eussies
mieux fait le celant, a cause de la reverence du Sacrement, qui doit estre si grande qu'hors iceluy
il ne soit rien mentionné de ce qui s'y dit. Je me resouviens bien ou vous me parlastes sur ce sujet
la premiere fois.
Vous me dites que peut estre auray-je le bien de vous voir environ la septembre. Ce me
sera un'extreme consolation, comm'aussi de voir madame Brulart et madamoyselle de Vilars637.
Le sachant, je m'essayeray de vous donner autant de loysir quil me sera possible, et prieray Dieu
[286] particulierement affin que je vous puisse estre autant utile a toules comme je suis affectionné.
J'ay reprins la plume plus de douze fois pour vous escrire ces deux feüilles, et sembloit que
l'ennemi me procuroit des distractions et affaires pour m'empescher de ce faire. Interpretés a bien
cette longueur, car j'en ay usé pour eschapper, sil m'est possible, les repliques et scrupules qui
naissent asses volontiers es espritz de vostre sexe. Gardes vous en, je vous supplie, et ayes bon
courage.
Quand il vous surviendra quelqu'ennuy, ou interieur ou exterieur, prenes entre vos bras vos
deux resolutions et colomnes de l'edifice, et, comme une mere sauve ses enfans d'un danger, portés-
les es playes de Nostre Seigneur et le pries quil les vous garde et vous avec elles, et attendés la
dedans ces sainte cavernes638 jusques a ce que la tempeste soit passee. Vous aures des
contradictions et amertumes ; les tranchees et convulsions de l'enfantement spirituel ne sont pas
moindres que celles du corporel : vous aves essaÿé les unes639 et les autres. Je me suis
souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit640
: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse ; mais apres l'enfantement elle oublie le mal
passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres
et repetes souvent. Nos ames doivent enfanter non pas hors d'elles mesmes mais en elles mesmes,
un enfant masle, le plus doux, gracieux et beau qui se peut desirer. C'est le bon Jesus qu'il nous
faut enfanter et produire en nous mesmes641 ; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu
qui en est le Pere. Je parle comme cela, car je sçay vos bons desirs ; mais courage, car il faut bien
souffrir pour l'enfanter. L'Enfant aussi merite bien qu'on endure pour l'avoir et pour estre sa mere.
C'est trop vous entretenir ; je m'arreste, priant ce celeste [287] Enfant qu'il vous rende digne
de ses graces et faveurs, et nous face mourir pour luy, ou au moins en luy. Madame, pries-le pour
moy, qui suis fort miserable et accablé de moy mesme et des autres, qui est une charge intolerable
si Celuy qui m'a des-ja porté avec tous mes pechés sur la Croix642 ne me porte encores au Ciel. Au
637 « Madamoyselle de Vilars » est l'une des correspondantes du Saint : sa note biographique, avec les lettres qui lui
ont été adressées, paraîtra dans le volume suivant.
638 Cant., II, 14 ; cf. III Reg., XIX, 9.
639 [L’Autographe de la fin de cette lettre n’ayant pu être retrouvé, ce qui suit est emprunté au texte de l’édition de
1626.]
640 Joan., XVI, 21.
641 Cf. Galat., IV, 19.
642 I Petri, XI, 24.
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demeurant, je ne dis jamais la sainte Messe sans vous et ce qui vous touche de plus pres ; je ne
communie point sans vous, je suis en fin autant vostre que vous sçauries souhaitter. Gardes vous
des empressemens, des melancholies, des scrupules. Vous ne voudries pour rien du monde
offencer Dieu, c'est bien asses pour vivre joyeuse.
Ma bonne mere est vostre servante, et tous ses enfans vos serviteurs ; elle vous remercie
tres humblement de vostre bienveuillance. Mon frere643 se sent infiniment obligé a la souvenance
que vous aves de luy et la contrechange par la continuelle memoire qu'il a de vous a l'autel ; il est
absent, maintenant que j'escris. Je desire sçavoir le nom et l'aage de vos enfans, parce que je les
tiens pour miens selon Dieu.
Je n'ose pas presser les dames que vous me nommes du voyage parce qu'il ne me seroit pas
seant ; je le desire neanmoins, et me console en l'esperance que j'en ay.
Madame,
Vostre serviteur plus humble et entierement dedié en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve. Amen.
Le jour saint Jan, 1604.
Revu en grande partie sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [288]
_____
CCXXIV. A Sa Sainteté Clément VIII. Recommandation en
faveur d'André de Sauzéa proposé pour l'évêché de Belley
Annecy, 15 juillet 1604.
Beatissimo Padre,
Très Saint Père,
644È vacante un pezzo fa la diocæsi
Bellicense645, contigua a questa di Geneva, et
al Re Christianissimo molte persone sonno
state proposte acciò si degnasse favorirle
appresso la Santa Sede in questa occasione ; fra
le quali ciè un sacerdote francese, Andrea de
Sauzea,646 huomo di molte qualità, buon
theologo et predicatore zelante647, et di
costumi lodevoli648. Et perchè quella Chiesa
vacante, [289] se bene è molto povera, è
nientedimeno di importanza649 per essere
vicina all' heresia et su le frontiere, et che al
Le diocèse de Belley, limitrophe de
celui de Genève, est sans titulaire depuis
quelque temps. Plusieurs candidats ont été
proposés au roi très chrétien afin d'être par lui
recommandés au Saint-Siège. On distingue
entre autres, un prêtre français, André de
Sauzéa : c'est un homme plein de qualités, bon
théologien, prédicateur zélé et de mœurs
irréprochables. Or, quoique cette Eglise
vacante soit très [289] pauvre, elle est
néanmoins importante, car elle se trouve dans
le voisinage des hérétiques et sur les frontières
; le bien de ce diocèse peut contribuer
643 Le chanoine Jean-François de Sales, qui avait accompagné le Saint à Dijon.
644 [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute autographe conservée à la Visitation d'Annecy.]
[Vile et indegno sojetto com'io sono, ardisco di scrivere a V. B**...]
645 L'Evêque de Belley, Jean Godefroi de Ginod, était décédé le 12 avril de cette année 1604.
646 sonno state proposte [per nominare alla Sta Sede Apostolica...] accioche si degnasse volerli favorire appresso
V. Sta della sua nominatione ; [et sin adesso, per quanto intendo, non havera nominato nessuno...] fra li quali cie uno
chiamato Andrea di Sauzea, del regno di Francia,
647 gelante della santa fede catholica
648 André de Sauzéa étant l'un des correspondants de notre Saint, sa note biographique sera jointe à la première lettre
qui lui est adressée.
649 è tuttavia molto importante
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bene650 di questa di Geneva conduce molto la
salute651 di quella : per questo, Padre
Beatissimo,652 sapendo io che Vostra
Beatitudine, la quale ha una sollecitudine
essattissima in provedere le chiese cathedrali,
vuole usare di speciale653 providentia
Apostolica alla provisione di detta Chiesa
Bellicense, ardisco, vile et indegna creatura
ch'io sono, di supplicarla che sia servita di
voler assai gratificare quel theologo
sopranominato, ad honor del Signor Iddio et
beneficio delle anime. Nè questo desidero per
interesse mio particolare, poichè non ho
conosciuto quel personaggio se non doppo che
da [290] un anno in qua654 egli ha fatto
alquante prædiche in questa dioæsi di Geneva,
con molto gusto et frutto degli uditori655.
Riceva Vostra Beatitudine questa mia
supplica con quella sua suavissima clementia
che a me diede confìdenza di scriverle sopra
questo negotio. Et basciando i sacri piedi
Apostolici, chiedo la sua santissima
benedittione.656
Di Vostra Beatitudine,
Umilissimo et indegno servo,
FRANCO, Vescovo di Geneva.
In Annessi, alli 15 di Luglio 1604.
beaucoup à celui du diocèse de Genève. C'est
pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre
Béatitude pourvoit avec une très diligente
sollicitude les églises cathédrales et qu'Elle
veut user d'une bienveillance apostolique toute
spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose,
quelque chétif et indigne que je sois, la
supplier de favoriser le théologien susnommé,
pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le
bien des âmes. Ce n'est pas un intérêt personnel
qui me sollicite, [290] puisque je ne connais ce
personnage que depuis un an ; il a fait plusieurs
prédications dans ce diocèse de Genève, au
grand avantage et à la satisfaction des
auditeurs.
Que Votre Béatitude reçoive ma
requête avec cette très suave clémence qui m'a
donné confiance de lui écrire sur cette affaire.
C'est en luisant vos pieds sacrés et apostoliques
que je demande votre sainte bénédiction.
De Votre Béatitude,
Le très humble et indigne serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
A Annecy, le 15 juillet 1604. [291]
Revu sur une copie déclarée authentique,
conservée à Turin, Archives de l'Etat. [291]
_____
650 et che alla [sanita] consolatone
651 la sanita et conservatione
652 [Pour la suite de cet alinéa l'Autographe présente deux leçons ; la première est reproduite in extenso et les variantes
de la seconde sont signalées :]
ardisco, vile et indegna creatura com'io sono, di supplicar a V. Bne, che havendo Ella una sollecitudine
essattissima in provedere tutte le chiese cathedrali, et volendo anco particolarmente applicar essa sua cura [paterna]
Apostolica nella provisione di questa diœcæsi, si come vengo avvertito ; et dove fosse
suo beneplacito di voler favorire detto Andrea de Sauzea, só certo che appresso sua divina Maesta ne haverebbe molta
gratia, et appresso la diocæsi vacante singoiar merito. Il che, Padre Bmo, io dico non certo che io vi...] Et in questo,
Padre Bmo, non son mosso da interesse mio particolare, poiche quel theologo non é [né mio parente, né manco di...]
né anco di questa mia patria, essendo [egli francese...] anzi del regno di Francia ; ma io lo desidero perche sarebbe
una promotione utile alla salute di molte anime, et a questa diocæsi vicina di molta consolatione. Sia adunque servita
la Sta V. di volere
653 che Vostra Beatitudine há una sollecitudine essattissima in provedere tutte le chiese cathedrali et che vuole
particolarmente applicar la sua
654 che (p. 290, lig. 9) si degni favorire assai quel theologo sopranominato, a beneficio dell'anime et servitio d'Iddio
nostro Sigre. Nè a questo desiderio son mosso da interesse mio particolare, [non havendo né anco conosciuto quel
sojetto] senon doppo che da un anno in qua... essendo detto Sauzea del regno di Francia... poiche non [lo] ho né anco
conosciuto senon doppo che da Parigi essendo venuto,
655 di Geneva, [dove egli era venuto, essendo egli di paese molto discosto da questo, pur del regno di Francia.]
656 quella sua clementia suavissima [colla quale Ella dá fiducia...] dalla cognitione della quale procede questa
confidenza mia di scrivergli in questo negotio. Et basciando li piedi Apostolici di V. P. Sma, chiedo la sua santa
benedittione, restando... [La minute ne porte ni clausule ni date.]
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CCXXV. A M. Charles d'Albigny. Règlement d'une affaire
d'intérêt concernant la Sainte-Maison
Sales, 11 août 1604.
Monsieur,
Le seigneur chevalier Lobet657 m'a treuvé chez ma mere, ou je n'ay sceu luy donner autre
satisfaction que de vous supplier bien humblement, comme je fay, qu'il vous playse, Monsieur, de
faire examiner ses pretentions autant comme il se peut sommairement, en la presence des seigneurs
officiers de Son Altesse qui ont charge de la conservation des biens de la Sainte Mayson ; et je
donne des a present mon consentement a tout ce qui sera advisé et treuvé raysonnable pour
terminer cette affaire. Je diray bien neanmoins que je pense plus a propos que la Mayson retienne
le tiltre en donnant une pension sortable a la valeur du prieuré, comme seroit de la moytié ou
autrement, ainsy qu'il sera jugé ; et cela fait, a cette prochaine feste de Nostre Dame de septembre,
tout le Conseil de la Mayson se treuvant a Thonon il pourra ratifier le traitté.
Je ne voy point d'autre moyen de servir en cette affaire le seigneur Lobet, eu esgard a la
haste qu'il a de s'en retourner en Piemont, et puisque les affaires de cette Sainte Mayson ne sont
pas au pouvoir de moy seul, qui, en cette occasion et en tout'autre, feray tous-jours joindre [292]
ma volonté a vos desirs, comme doit celuy qui, priant Dieu pour vostre prosperité, sera toute sa
vie
A Sales, le 11 aoust 1604.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Biblioteca Civica.
_____
CCXXVI. A M. Claude de Blonay. Difficulté que présente la
nomination à un bénéfice
Sales, 11 août 1604.
Monsieur,
J'estois icy quand ce porteur a esté a Neci. Je voy seulement une difficulté : c'est quil me
dit que Nové est de la presentation de Montjou ; ce qu'estant, sans doute monsieur le Prævost
remuera quelque chose sur cette nouvelle provision, sinon que la pauvreté du benefice le face
desfier de treuver homme capable658. Il sera bon, re me semble, de tenir la chose secrette pour
quelque tems, cependant que je feray chercher dans les visites quid juris et que je penseray aux
remedes propres. Si j'ay le bien de voir monsieur d'Abondance je traitteray fort et ferme de Saint
657 Jean-François, fils d'Antoine Lobet ou Loubet, lequel était médecin du duc de Savoie. Ce prince avait en juillet
1601 sollicité du Saint-Siège pour le chevalier Loubet la commende du prieuré de Saint-André de Bellentre en
Tarentaise (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 64, a, et 95, d) ; mais un peu plus tard ce bénéfice avait été uni à
la Sainte-Maison de Thonon (Bulle Exigit incumbentis, 12 avril 1604). De là les réclamations de l'intéressé.
658 Le Prévôt de Montjou, soit du Grand Saint-Bernard, avait droit de présentation à la cure de Novel en Chablais. Or,
le 10 août de cette année 1604, Antoine Bron avait été institué recteur de cette paroisse sans l'intervention du Prévôt,
André Tillier, ce qui donnait lieu de redouter quelques oppositions de la part de ce dernier.
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Gingoulf, et m'essayeray de faire qu'il soit accomodé de quelque revenu659.
Je m'attens d'aller pour la septembre a Thonon, et la, [293] selon vostre advis, je
m'essayeray d'obtenir la courtoysie de monsieur Muneri, delaquelle vous m'escrivés. Je suis,
Monsieur,
Vostre confrere plus humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
XI aoust 1604.
A Monsieur
Monsieur de Blonnay.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay.
_____
CCXXVII. A Monseigneur Antoine de Revol, Évêque de Dol.
Témoignages d'affection. Carême prêché à Dijon. Eloge
des Dijonnais : fruits de salut opérés parmi eux. Conversions
dans le pays de Gex. Replique Chrestienne du ministre La
Faye. Le Saint hésite à la réfuter
Annecy, 14 août 1604.
Monsieur,
La derniere lettre que je receus de vous fut celle par laquelle vous me fistes l'honneur de
m'advertir que vous avies receu la sainte consecration660, et que vous vous retiries aupres de vostre
troupeau. Ce me fut une bien grande consolation, laquelle je vous tesmoignay par la response que
je vous fis ; car je n'eusse pas peu m'en empescher, j'en estois touché tres vivement. Mais, a ce que
M. Favier m'a fait sçavoir, vous n'aures pas receu ma lettre. Ne croyés jamais, je vous supplie,
Monsieur, que ni la memoire ni la reconnoissance du devoir que j'ay a la bienveuillance quil vous
a pleu de me promettre me puisse defaillir : non, sans doute. Je suis par tout le reste de mon ame
fort imbecille et foible ; mais j'ay l'affection fort tenante et presque immuable a l'endroit de ceux
qui me donnent le bonheur de leur amitié, comme je croy fermement que vous aves fait. Que si
vous n'aves [294] pas receu de mes lettres si souvent que j'eusse souhaitté, attribués-le a toute autre
sorte de manquement plustost qu'a celuy de l'affection. Mais non plus sur ce sujet ; nostre
communication doit estre franche, entiere et familiere.
Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les dernieres nouvelles que vous aves euës de
moy, j'ay esté perpetuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma
charge, et me semble que cette annee m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat ; mays je puis
dire aussi que nostre bon Maistre m'a beaucoup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont
fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une
seule goutte. Que Dieu est bon ! Il connoist bien mon infirmité et ma delicatesse ; c'est pourquoy
il ne me permet point de seulement gouster les eaux de Mara que premierement il ne les ayt
adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation661.
Voyla, Monsieur, en general ce que j'ay fait. Ce Caresme j'ay presché a Dijon, ou j'avois
659 Dès le XIIIe siècle Saint-Gingolph était un fief de l'abbaye d'Abondance. En 1563, l'abbé Claude de Blonay donna
ce fief en albergement à Jacques du Nant, seigneur de Grilly et de Saint-Paul ; niais dans la suite l'abbaye regretta
cette cession et en sollicita juridiquement le retrait, ce qu'elle ne put obtenir.
660 Vide supra, p. 176, not. (402).
661 Exod., XV, 23-25.
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de bonnes et importantes affaires pour cest evesché, lesquelles j'ay, par ce moyen, terminees avec
tout l'heur que je pouvois desirer. Je ne rencontray jamais un si bon et gratieux peuple, ni si doux
a recevoir les saintes impressions. Il s'y est fait quelque fruit, nonobstant mon indignité, non
seulement pour ceux qui m'ont attentivement escouté, mais aussi pour moy, qui ay reconneu en
plusieurs personnes tant de vraye pieté que j'en ay esté esmeu. Quelques huguenotz se sont
convertis ; quelques gens douteux et chancelans se sont affermis ; plusieurs ont fait des confessions
generales, mesme a moy, tant ilz avoyent de confiance en mon affection ; plusieurs ont pris
nouvelle forme de vivre, tant ce peuple est bon. Encor vous diray-je cecy : j'y ay reconneu plusieurs
centaines de personnes laïques et seculieres qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des
affaires du monde, font tous les jours leur meditation et saintz exercices de l'orayson mentale.
A mon retour, en suitte de ce que j'y avois traitté et [295] qui avoit esté le sujet qui m'avoit
fait sortir de mon diocese, je vins a Gex, ou M. le baron de Lux et quelques uns de cette court de
Parlement estoyent arrivés pour, de la part du Roy, affermir l'establissement de l'exercice
catholique que les huguenotz avoyent totalement esbranlé, et resoudre de plusieurs difficultés que
l'esprit chicaneur de l'heretique y avoit fait naistre662. Plusieurs parroisses, a cette occasion, vinrent
demander l'exercice de la sainte Eglise, qui jusques a l'heure n'avoyent pas osé663 ; et le Roy du
despuis le leur a accordé, bien que l'execution en soit un petit retardee pour des considerations que
la malice du tems donne.
Le ministre La Faye, de Geneve, a fait un livre expres contre moy664 ; il n'espargne pas la
calomnie. Il laisse a part la grande multitude de mes imperfections, qui sont sans doute blasmables,
et ne me censure que de celles que je n'ay point, par la grace de Dieu : d'ambition, d'oysiveté
exterieure, luxe en chiens de chasse et escuries, et semblables folies, qui sont non seulement
esloignees [296] de mon affection, mays incompatibles avec la necessité de mes affaires et la forme
de vie que ma charge m'impose. Or, beni soit Dieu qu'il ne sçait pas mes maladies, puisqu'il ne les
voudroit guerir que par la mesdisance. Je bransle a sçavoir si je doy respondre, et n'estoit l'opinion
de mes amis qui me combat, je serois resolu a la negative ; mesme que j'ay en main quelque petite
besoigne qui sera sans doute plus utile que celle la, et je suis si tourmenté de la multiplicité des
sollicitudes que je n'ay nul loysir d'estudier.
Monsieur, je pense que vous connoistres par cette lettre combien est grande l'asseurance
que je prens en vostre amitié, puisque je suis si long et si libre a vous dire ces menusailles de mon
particulier, lesquelles ne vous peuvent estre presentees que sous une extreme confiance de vostre
bonté. Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me
permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de
l'autre ; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France. Permettes moy, je
vous supplie, que je desire de sçavoir presque aussi particulierement de vos nouvelles comme je
662 La principale de ces difficultés était relative aux presbytères et aux cimetières ; en dépit d'une ordonnance déjà
ancienne du baron de Lux (30 novembre 1601), les calvinistes se refusaient obstinément à les restituer aux
Catholiques. Saint François de Sales se rendit à Gex pour solliciter cette restitution, et présenta à cet effet deux
suppliques qui furent apostillées le 11 mai 1604 par l'un des commissaires du roi, M. Briet, conseiller au Parlement
de Dijon. Un arrêt rendu en conséquence obligea les calvinistes à partager le cimetière avec les Catholiques et à leur
abandonner la maison presbytérale.
663 Ces paroisses, d'après un mémoire qui paraîtra parmi les Opuscules du Saint, sont Péron, Cessy, Versonnex et
Challex.
664 L'ouvrage en question parut sous le titre suivant : Replique Chrestienne a la response de M. F. de Sales, se disant
Evesque de Geneve, sur le Traictè de la vertu et adoration de la Croix, par Antoine de La Faye, Ministre de la Parole
de Dieu en l'Eglise de Geneve. De l'imprimerie de Jacob Stær, MDCIIII.
Ce livre du pasteur protestant est digne en tous points, par la violence du langage, du Brief Traitté auquel il
fait suite. Des propositions émises ou des comparaisons employées dans la Defense de l'Estendart de la sainte Croix,
l'auteur s'efforce de dégager des conclusions outrageantes pour la personne du Saint et pour son caractère. Exemple :
« Aussi ne vont les Chrestiens à la chasse apres Christ comme les chiens des veneurs qui suivent les fumees et les
passees de la beste, comme parle le Traditionneur » (c'est ainsi que La Faye désignait saint François de Sales), «
voulant faire entendre par ces manieres de parler qu'il n'est ignorant du mestier des veneurs et qu'il va à la chasse. »
Un tel ouvrage ne méritait que le mépris : malgré les instances de ses amis, le saint Evêque refusa de le réfuter. (Cf.
tome II de cette Edition, pp. XXII seq.)
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vous en dis des miennes, mais sur tout si vous ne montes pas en chaire, ou au moins si vous ne
faites pas de sermons a l'autel ; et pardonnés moy, Monsieur, si c'est trop.
Je me resjouis que M. Soulfour soit nostre commun respondant665 ; cette entremise, a mon
advis, est fort aggreable. Dieu, par sa bonté, nous rende dignes de l'office auquel il nous appelle.
Je ne suis jamais a l'autel que je ne l'en supplie, et nommement pour vous, Monsieur, de qui je me
prometz un riche contreschange, a qui je bayse tres humblement les mains, et suis inviolablement,
Monsieur,
Vostre indigne et moindre frere et tres asseuré serviteur,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
A Neci, la veille de l'Assomption, 14 aoust 1604.
_____
665 Cf. supra, p. 189.
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CCXXVIII. A M. Jean-François de Blonay666. Prochain
pèlerinage à Saint-Claude. Invitation à transmettre à l'Abbé
d'Abondance
Annecy, 18 août 1604.
Monsieur,
Je me resjouis fort des bonnes nouvelles de monsieur d'Abondance et de l'establissement
des Feüillans667. Il me treuvera en toutes occasions son fort affectionné serviteur ; mais voicy un
inconvenient. Je partiray irremissiblement le 23 de ce mois pour aller a Saint Claude rendre un viel
vœu que j'y ay et que ma mere a fait pour moy en une de mes maladies ; le 24 j'y seray, le 25 j'y
arresteray, et ne pense pas estre icy que le 27 au soir. Je deliberois de revenir a Sales, mais je
change fort volontier d'advis et me treuveray icy le 27, pour y donner une chambre a monsieur
d'Abondance selon nostre petitesse. Je vous prie de l'y semondre en mon nom, mais bien vivement
; et sii arrive devant moy, monsieur Deage le recevra et vous aussi.
Je suis, Monsieur,
Vostre confrere plus affectionné et bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVIII aoust 1604.
Monsieur le Vicaire668 respond au reste. Je differerois [298] bien mon voyage, mais j'ay
des autres assignations qui ne me laissent libre que ce tems-la pour le faire.
A Monsieur
Monsieur de Blonnay,
Prieur de St Paul.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay.
_____
666 Jean-François, fils de Claude de Blonay et de Louise de Livron (cf. ci-dessus, note (224), p. 124), avait dès sa
jeunesse été l'objet d'une prédilection spéciale de la part de saint François de Sales. C'est d'après ses conseils qu'il fut
envoyé à l'Université d'Avignon et entra dans l'état ecclésiastique ; c'est de sa main qu'il reçut tous les Ordres (sous-
diaconat : 29 septembre 1603 ; diaconat : 18 décembre 1604 ; prêtrise : 18 février 1606) ; c'est d'après les avis du Saint
qu'il régla toute sa vie. M. de Blonay devint prieur commendataire de Saint-Paul en Chablais. Il mourut à Chambéry
le 22 septembre 1642.
667 Voir la lettre au Pape en date du 27 octobre de cette même année.
668 Jean Favre, frère du célèbre président Antoine Favre, avait été d'abord chantre de l'église Notre-Dame de Bourg
(cf. le tome précédent, note (319), p. 132), puis chanoine et official de Saint-Pierre de Genève. Nommé vicaire
capitulaire au décès de Mgr de Granier, il fut maintenu par saint François de Sales dans la charge de vicaire général
jusqu'à sa mort, arrivée à Chambéry le 5 septembre 1615. Le chanoine Favre posséda plusieurs bénéfices, entre autres
la commende du prieuré d'Allondes dans le diocèse de Tarentaise.
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CCXXIX. A Monseigneur André Frémyot, Archevêque de
Bourges669. Obligation pour un Evêque de prêcher son peuple.
Des trois conditions nécessaires au prédicateur.Fin qu'il doit
se proposer : instruire et émouvoir. Objet de la prédication :
l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est
susceptible ; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples
des Saints ; interpréter le « grand livre » de la création. Eviter
les citations mythologiques. Des comparaisons et des
allégories. Disposition des matières ; différentes méthodes à
adopter selon la diversité des genres : sermons sur les mystères
et les vertus, homélies, panégyriques. La forme : du style et
de l'action. Pressante exhortation à prêcher ; rien n'est
impossible à l'amour.
Sales, 5 octobre 1604.
Monseigneur,
Il n'est rien d'impossible a l'amour ; je ne suis qu'un chetif et malotru predicateur, et il me
fait entreprendre de vous dire mon advis de la vraye façon de prescher. Je ne sçai si c'est l'amour
que vous me portes qui tire cette eau de la pierre670, ou si c'est celuy que je vous porte [299] qui
fait sortir des roses de l'espine. Permettes-moy ce mot d'amour, car je parle a la chrestienne, et ne
669 Ce Prélat, qui eut le bonheur d'être l'ami d'un Saint et le frère d'une Sainte (cf. ci-dessus, note (590), p. 263), était
né à Dijon le 26 août 1573. Le président Frémyot son père lui donna pour précepteur Claude Robert, premier auteur
de la Gallia Christiana, et l'envoya étudier la jurisprudence à Padoue sous le célèbre Pancirole. Tandis que les
traditions de sa famille l'attiraient vers la carrière parlementaire, les dignités ecclésiastiques venaient au devant de lui.
D'abord Abbé commendataire de Saint-Etienne de Dijon, et plus tard prieur de Nantua, André Frémyot, conseiller dès
1599 au Parlement de Bourgogne, entra dans les Ordres. Il n'était que sous-diacre lorsque, sur la présentation du
cardinal d'Ossat, Clément VIII le préconisa archevêque de Bourges (16 juin 1603). Sacré à Paris le 6 décembre, il
différa la célébration de sa première messe jusqu'au Jeudi-Saint de l'année suivante, et fut assisté à l'autel par l'Evêque
de Genève. A partir de cette époque s'établit entre les deux Prélats l'étroite amitié qui nous a valu celte magnifique
lettre sur la prédication, véritable chef-d'œuvre du genre1.
Mgr Frémyot favorisa l'établissement de plusieurs Communautés religieuses dans son diocèse : Capucins,
Augustins, Minimes (1615), Carmélites (1617) et enfin Religieuses de la Visitation (1618). On lui doit un traité De
Notis Ecclesiæ (1610), dédié à Henri IV, et divers écrits de moindre importance. Des causes politiques l'ayant obligé
à résigner son archevêché (1621), il obtint en compensation les abbayes de Breteuil et de Ferrières, ainsi que le prieuré
de Nogent-le-Rotrou. Quelques années plus tard (1626) il remplit une ambassade auprès d'Urbain VIII, qui l'appelait
« l'ornement des églises de France. » Ce même Pontife le nomma Commissaire apostolique pour le Procès de
Béatification de saint François de Sales. Après avoir passé de longues années dans la pratique de toutes les bonnes
œuvres et répandu d'immenses largesses dans le sein des pauvres, Mgr Frémyot mourut à Paris le 15 mai 1641, et fut
inhumé dans l'église du Ier Monastère de la Visitation.
1 On s'est longtemps demandé si cette Lettre, dont l'Autographe est actuellement introuvable, a été rédigée en français
ou en latin. Aucun doute sérieux ne nous paraît possible elle a certainement été écrite en français, car les délicates
nuances du style de notre Saint que l'on retrouve ici trahissent manifestement un texte original. (Cf. tome 1er de cette
Edition, note (40), p. LIX.)
Selon toute vraisemblance, c'est aux premiers éditeurs qu'il faut attribuer l'espèce d'analyse introduite dans
le texte. Nous la reproduisons sous forme de notes marginales, mais en caractères italiques afin de la distinguer des
autres indications.
670 Num., XX, 8 ; Ps. LXXVII, 16.
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treuvés pas estrange que je vous promette des eaux et des roses ; car ce sont des epithetes qui
conviennent a toute doctrine catholique, pour mal ageancee qu'elle soit. Je vay commencer : Dieu
y veuille mettre sa bonne main.
671Pour parler avec ordre, je considere la predication en ses quattre causes : l'efficiente, la
finale, la materielle et la formelle ; c'est a dire, qui doit prescher, pour quelle fin l'on doit prescher,
que c'est que l'on doit prescher et la façon avec laquelle on doit prescher.
672Nul ne doit prescher qu'il n'aye trois conditions : une bonne vie, une bonne doctrine, une
legitime mission.
Je ne dis rien de la mission ou vocation ; seulement je remarque que les Evesques ont non
seulement la mission, [300] mais ilz en ont les sources ministerielles, et les autres predicateurs
n'en ont que les ruysseaux. C'est leur premiere et grande charge ; on le leur dit en les consacrant673.
Ilz reçoivent a cet effect une grace speciale en la consecration laquelle ilz doivent rendre
fructueuse. Saint Paul674 en cette qualité s'escrie : Malheur a moy si je n'evangelize. Le Concile de
Trente675 : « C'est, » dit il, « le principal devoir de l'Evesque que de prescher. » Cette consideration
nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste specialement ; et c'est merveille
combien la predication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres predicateurs.
Pour abondans que soyent les ruysseaux, on se plaist de boire a la source.
Quant a la doctrine, il faut qu'elle soit suffisante, et n'est pas requis qu'elle soit excellente.
Saint François n'estoit pas docte, et neanmoins grand et bon predicateur, et en nostre aage, le
bienheureux Cardinal Borromee n'avoit de science que bien fort mediocrement : toutefois il faisoit
merveilles. J'en sçai cent exemples. Un grand homme de lettres (et c'est Erasme) a dit que le
meilleur moyen d'apprendre et de devenir sçavant c'est d'enseigner ; en preschant on devient
prescheur. Je veux seulement dire ce mot : le predicateur sçait tous-jours asses quand il ne veut
pas paroistre de sçavoir plus que ce qu'il sçait. Ne sçaurions-nous bien parler du mystere de la
Trinité ? n'en disons rien. Ne sommes nous pas asses versés pour expliquer l'In principio de saint
Jan ? laissons-le la ; il ne manque pas d'autres matieres plus utiles. Il n'est pas question qu'on fasse
tout.
Quant a la bonne vie, elle est requise en la façon que dit saint Paul de l'Evesque, et non
plus ; de façon qu'il n'est pas besoin que nous soyons meilleurs pour estre predicateurs que pour
estre Evesques. C'est donq des-ja autant de fait : Oportet, dit saint Paul676, Episcopum esse
irreprehensibilem677.
Mays je remarque que non seulement il faut que [301] l'Evesque et predicateur ne soit pas
vicieux de peché mortel, mays de plus qu'il esvite certains pechés venielz, voire mesme certaines
actions qui ne sont pas peché. Saint Bernard, nostre Docteur, dit ce mot678 : « Nugæ secularium
sunt blasphemiæ clericorum679. » Un seculier peut joüer, aller a la chasse, sortir de nuict pour aller
aux conversations, et tout cela n'est point reprehensible, et, fait par recreation, n'est nullement
peché. Mais en un Evesque, en un predicateur, si ces actions ne sont assaysonnees de cent mille
circonstances qui malaysement se peuvent rencontrer, ce sont scandales et grans scandales. On dit
: Ilz ont bon tems, ilz s'en donnent a cœur joye. Allés apres cela prescher la mortification ; on se
mocquera du prescheur. Je ne dis pas qu'on ne puisse jouer a quelque jeu bien honneste une fois
ou deux le moys par recreation ; mais que ce soit avec une grande circonspection.
La chasse, elle est interdite du tout. J'en dis de mesme des despenses superflues en festins,
en habitz, en livres ; es seculiers ce sont superfluités, es Evesques ce sont des grans pechés. Saint
671 Advis sur la vraye maniere de prescher.
672 Qui doit prescher.
673 Pontificale Rom.
674 I Cor., IX, 16.
675 Ubi supra, p. 193.
676 I Tim., III, 2.
677 Il faut que l'Evêque soit irrépréhensible.
678 De Consid., l. II, c. XIII.
679 « Les mêmes choses qui chez les séculiers ne sont que bagatelles deviennent blasphèmes chez des clercs. »
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Bernard680 nous instruit disant : Clamant pauperes post nos681 : « Nostrum est quod » expenditis,
« nobis crudeliter eripitur quidquid inaniter expenditur682. » Comme reprendrons nous les
superfluités du monde si nous faysons paroistre les nostres ?
Saint Paul dit683 : Oportet Episcopum esse hospitalem684. L'hospitalité ne consiste pas a
faire des festins, mais a recevoir volontier les personnes a table, telle que les Evesques la doivent
avoir et que le Concile de Trente determine685 : Oportet mensam Episcoporum esse frugalem686.
J'excepte certaines occasions que la prudence et charité sçavent bien discerner. [302]
An demeurant, on ne doit jamais prescher sans avoir celebré la Messe ou la vouloir
celebrer. Il n'est pas croyable, dit saint Chrysostome687, combien la bouche qui a receu le Saint
Sacrement est horrible aux demons. Et il est vray ; il semble qu'on puisse dire apres saint Paul688 :
An experimentum quæritis ejus qui loquitur in me Christus689 ? On a beaucoup plus d'asseurance,
d'ardeur et de lumiere. Quamdiu sum in mundo, dit le Sauveur690, lux sum mundi691. Chose certaine,
que Nostre Seigneur estant en nous reellement, il nous donne claireté, car il est la lumiere692. Aussi,
les disciples d'Emmaüs ayans communié, eurent les yeux ouvertz693.
Mais au fin moins faut il estre confessé, suyvant ce que Dieu dit, au rapport de David694 : Peccatori
autem dixit Deus : Quare tu enarras justitias meas et assumis testamentum meum per os tuum695
? Et saint Paul696 : Castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne cum aliis prædicaverim ipse
reprobus efficiar697. Mays c'est trop sur ce point.
698La fin est la maistresse cause de toutes choses ; c'est elle qui esmeut l'agent a l'action,
car tout agent agit et pour la fin et selon la fin. C'est elle qui donne mesure a la matiere et a la
forme : selon le dessein qu'on a de bastir une grande ou une petite mayson, on prepare la niatiere,
on dispose l'ouvrage.
Quelle donques est la fin du predicateur en l'action de prescher ? Sa fin et son intention doit
estre de faire ce que Nostre Seigneur est venu pour faire en ce monde ; et voicy ce qu'il en dit luy
mesme699 : Ego veni ut vitam habeant, et abundantius habeant700. La fin donques du [303]
predicateur est que les pecheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la
vie spirituelle l'ayent encores plus abondamment, se perfectionnans de plus en plus, et, comme il
fut dit a Hieremie701, ut evellas et destruas les vices et les pechés, et ædifices et plantes702 les
vertuz et perfections. Quand donques le predicateur est en chaire, il doit dire en son cœur : Ego
680 De Morib., et Offic. Episc., c. II, § 7.
681 Matt., XV, 23.
682 Les pauvres crient après nous : « Ce que vous prodiguez nous appartient ; toutes vos dépenses inutiles sont un vol
cruel que vous nous faites. »
683 I Tim., III, 2 ; Tit., I, 7, 8.
684 Il faut que l'Evêque soit hospitalier.
685 Sess. XXV, de Ref., c. I.
686 Il faut que la table des Evêques soit frugale.
687 Homilia XLVI (al. XLV) in Joan., § 3.
688 II Cor., XIII, 3.
689 Est-ce que vous voulez éprouver le Christ qui parle en moi ?
690 Joan., IX, 5.
691 Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
692 Ibid., I, 9 ; XII, 46.
693 Lucæ, ult., 31.
694 Ps. XLIX, 16.
695 Mais Dieu a dit au pécheur : Pourquoi oses-tu annoncer mes préceptes et parler au nom de ma loi ?
696 I Cor., IX. ult.
697 Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne sois moi-même
réprouvé.
698 De la fin du Predicateur.
699 Joan., X, 10.
700 Je suis venu afin qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient plus abondamment.
701 Cap. I, 10.
702 Afin que tu arraches et que tu détruises... et que tu édifies et que tu plantes.
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veni ut isti vitam habeant, et abundantius habeant.
Or, pour chevir de cette pretention et dessein, il faut qu'il face deux choses : c'est enseigner
et esmouvoir. Enseigner les vertuz et les vices : les vertuz pour les faire aymer, affectionner et
prattiquer ; les vices pour les faire detester, combattre et fuir. C'est, tout en somme, donner de la
lumiere a l'entendement et de la chaleur a la volonté. C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres,
le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consecration episcopale, ayans des-ja eu la
sacerdotale le jour de la Cene703, des langues de feu704 ; affin qu'ilz sceussent que la langue de
l'Evesque doit esclaircir l'entendement des auditeurs et eschauffer leurs volontés705.
Je sçai que plusieurs disent que, pour le troisiesme, le predicateur doit delecter ; mays quant
a moy, je distingue, et dis qu'il y a une delectation qui suit la doctrine et le mouvement. Car qui
est cette ame tant insensible qui ne reçoive un extreme playsir d'apprendre bien et saintement le
chemin du Ciel, qui ne ressente une consolation extreme de l'amour de Dieu ? Et pour cette
delectation, elle doit estre procuree ; mais elle n'est pas distincte de l'enseigner et esmouvoir, c'en
est une dependance. Il y a une autre sorte de delectation qui ne depend pas de l'enseigner et
esmouvoir, mays qui fait son cas a part et bien souvent empesche l'enseigner et l'esmouvoir. C'est
un certain chatouillement d'oreilles, qui provient d'une certaine elegance seculiere, mondaine et
prophane, de certaines curiosités, ageancemens de traitz, de parolles, de [304] motz, bref, qui
depend entierement de l'artifice : et quant aelle cy, je nie fort et ferme qu'un predicateur y doive
penser ; il la faut laisser aux orateurs du monde, aux charlatans et courtisans qui s'y amusent. Ilz
ne preschent pas Jesus Christ crucifié706, mais ilz se preschent eux mesmes. Non sectamur
lenocinia rhetorum, sed veritates piscatorum707 708.
Saint Paul709 deteste les auditeurs prurientes auribus710, et par consequent les predicateurs
qui leur veulent complaire. Cela est un pedantisme. Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on
dist : O qu'il est grand orateur ! o qu'il a une belle memoire ! o qu'il est sçavant ! o qu'il dit bien !
Mais je voudrois que l'on dist : O que la penitence est belle ! o qu'elle est necessaire ! Mon Dieu,
que vous estes bon, juste ! et semblable chose ; ou que l'auditeur, ayant le cœur saysi, ne peust
tesmoigner de la suffisance du predicateur que par l'amendement de sa vie. Ut vitam habeant, et
abundantius habeant711.
712Saint Paul dit en un mot a son Timothee713 : Prædica verbum714. Il faut prescher la parole
de Dieu. Prædicate Evangelium, dit le Maistre715. Saint François, duquel aujourd'huy nous faysons
la feste, explique cela, commandant a ses Freres de prescher les vertuz et les vices, l'enfer et le
Paradis716. Il y a suffisamment dequoy eu l'Escriture Sainte pour tout cela, il n'en faut pas
davantage.
Se faut-il donq point servir des Docteurs chrestiens et des livres des Saintz ? Si faut, a la
verité. Mais qu'est-ce autre chose la doctrine des Peres de l'Eglise que l'Evangile expliqué, que
l'Escriture Sainte exposee ? Il y a a dire entre l'Escriture Sainte et la doctrine des Peres comme
entre une amande entiere et une amande cassee, [305] de laquelle le noyau peut estre mangé d'un
chacun, ou comme d'un pain entier et d'un pain mis en pieces et distribué. Au contraire donq il faut
s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a communiqué le vray sens de sa
703 Lucæ, XXII, 19.
704 Act., II, 3.
705 Cf. S. Bern., Serm. II in Pent., §§ 7, 8.
706 I Cor., I, 23, II, 2.
707 Cf. Com. in I Cor. inter Op. S. Ambr. ad I, 17 ; S. Aug. Serm. LXXXVII, c. X.
708 Nous ne cherchons pas les charmes des rhéteurs, mais les vérités des pêcheurs.
709 II Tim., IV. 3.
710 Qui veulent qu'on leur chatouille les oreilles.
711 Vide supra, p. 303.
712 Ce que le Predicateur doit prescher.
713 II Ep., IV, 2.
714 Prêche la parole.
715 Marc., ult., 15.
716 Regula secunda, c. IX.
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Parole.
Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir ? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile,
rien de si beau ? Mais aussi, qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre ? Il
n'y a non plus de difference entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notee
et une musique chantee.
Et des histoires prophanes, quoy ? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on
fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appetit ; et lhors encor faut il qu'elles
soyent bien apprestees, et, comme dit saint Hierosme717, il leur faut faire comme faisoyent les
Israëlites aux femmes captives quand ilz les vouloyent espouser : il leur faut rogner les ongles et
couper les cheveux718, c'est a dire les faire entierement servir a l'Evangile et a la vraye vertu
chrestienne, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et prophanes, et faut,
comme dit la sainte Parolle719, separare pretiosum a vili720. En la valeur de Cesar l'ambition doit
estre separee et remarquee ; en celle d'Alexandre, la vanité, la fierté et superbe ; en la chasteté de
Lucrece, sa desesperee mort.
Et des fables des poëtes ? O de celles la point du tout, si ce n'est si peu et si a propos, et
avec tant de circonstances, comme contrepoisons, que chacun voye qu'on n'en veut pas faire
profession ; et tout cela si briefvement que ce soit asses. Leurs vers sont utiles : les Anciens les ont
parfois employés, pour devotz qu'ilz fussent, mesmes jusques a saint Bernard, lequel je ne sçay
pas ou il les avoit appris. Saint Paul fut le premier a citer Aratus721 et Menander722. Mays quant
aux fables, je n'en ay jamais rencontré en pas un sermon des Anciens, sauf une seule [306]
d'Ulysses et des syrenes employee par saint Ambroyse en un de ses sermons723. C'est pourquoy je
dis, ou du tout point, ou si peu que rien. Il ne faut pas mettre l'idole de Dagon avec l'Arche
d'alliance724.
Et des histoires naturelles ? Tres bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de
toutes pars cette parole ; toutes ses parties chantent la louange de l'Ouvrier. C'est un livre qui
contient la parole de Dieu, mais en un langage que chacun n'entend pas. Ceux qui l'entendent par
la meditation font fort bien de s'en servir, comme faisoit saint Anthoine725, qui n'avoit nulle autre
bibliotheque. Et saint Paul dit726 : Invisibilia Dei per ea quæ facta sunt intellecta conspiciuntur727
; et David728 : Cœli enarrant gloriam Dei729. Ce livre est bon pour les similitudes, pour les
comparaysons a minori, ad majus730 et pour mille autres choses. Les anciens. Peres en sont pleins,
et l'Escriture Sainte en mille endroitz : Vade ad formicam731 ; Sicut gallina congregat pullos
suos732 ; Quemadmodum desiderat cervus733 ; Quasi struthio in deserto734 ; Videte lilia agri735 736;
et cent mille semblables.
Mais sur tout, que le predicateur se garde bien de raconter des faux miracles, des histoires
717 Epist. LXVI, ad Pammach., § 8.
718 Deut., XXI, 11-13.
719 Jerem., XV, 19.
720 Séparer le précieux du vil.
721 Act., XVII, 28.
722 Tit., I, 12.
723 Enarr. in Ps. XLIII, § 73.
724 I Reg., V, 2.
725 Vide S. Athan., in Vita ejus.
726 Rom., I, 19, 20.
727 Les perfections invisibles de Dieu sont rendues compréhensibles par 1es choses qui ont été faites.
728 Ps. XVIII, 1.
729 Les cieux racontent la gloire de Dieu.
730 Du moindre au plus grand.
731 Prov., VI, 6.
732 Matt., XXIII, 37.
733 Ps. XLI, 1.
734 Thren., IV, 3.
735 Matt., VI, 28.
736 Va à la fourmi. Comme la poule rassemble ses poussins. Comme le cerf soupire. Comme l'autruche dans le désert.
Voyez les lis des champs.
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ridicules, comme certaines visions tirees de certains autheurs de basse ligne, choses indecentes et
qui puissent rendre nostre ministere vituperable et mesprisable.
Voyla ce qu'il me semble touchant la matiere en gros ; reste neanmoins a dire en particulier
des parties de la matiere du sermon.
La premiere partie de cette matiere ce sont les passages de l'Escriture, lesquelz a la verité
tiennent le premier [307] rang et font le fondement de l'edifice ; car en fin nous preschons la
parole737, et nostre doctrine gist en l'authorité. Ipse dixit, Hæc dicit Dominus738, disoyent tous les
Prophetes. Et Nostre Seigneur mesme739 : Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me740.
Mais il faut, tant qu'il est possible, que les passages soyent naïfvement et clairement bien
interpretés. Or, on peut bien user des passages de l'Escriture, les expliquant en l'une des quattre
manieres que les Anciens ont remarquees :
Littera facta docet ; quid credas, allegoria ;
Quid speres, anagoge ; quid agas, tropologia741.
Il n'y a pas trop bonne quantité, mais il y a de la rime, et encor plus de rayson.
Pour le regard du sens litteral, il se doit puiser dans les commentaires des Docteurs, c'est
tout ce qu'on en peut dire ; mays c'est au predicateur de le faire valoir, de peser les motz, leur
proprieté, leur emphase. Comme, par exemple, hier j'expliquois en ce village742 le commandement
: Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde, ex tota anima, ex tota mente743 744. Je pensois avec
nostre saint Bernard745 : ex toto corde, c'est a dire courageusement, vaillamment, fervemment, par
ce qu'au cœur appartient le courage ; ex tota anima, c'est a dire affectueusement, par ce que l'ame
entant qu'ame est la source des passions et affections ; ex tota mente, c'est a dire spirituellement,
discretement, par ce que mens, c'est l'esprit et partie superieure de l'ame, a laquelle appartient le
discernement et jugement pour avoir le zele [308] secundum scientiam et discretionem746 747. Ainsy
ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo748 et represente naïfvement le sens litteral,
qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre
toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles.
Quand il y a diversité d'opinions entre les Peres et Docteurs il se faut abstenir d'apporter
les opinions qui doivent estre refutees, car on ne monte pas en chaire pour disputer contre les Peres
et Docteurs catholiques ; il ne faut pas reveler les infirmités de nos maistres et ce qui leur est
eschappé comme hommes749, ut sciant gentes quoniam homines sunt750 751. Mais on peut bien
apporter plusieurs interpretations, les louant et faysant valoir toutes l'une apres l'autre, comme je
fis, le Caresme passé, de six opinions et interpretations des Peres sur ces paroles : Dicite quia servi
inutiles sumus752 753, et dessus ces autres paroles : Non est meum dare vobis754 755; car, si vous vous
en resouvenes, je tiray de chacune de tres bonnes consequences, mais je teus celle de saint Hilaire,
737 Vide supra, p. 305.
738 Lui-même l'a dit. Voici ce que dit le Seigneur.
739 Joan., VII, 16.
740 Ma doctrine n'est pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé.
741 La lettre enseigne les faits ; l'allégorie, ce que tu dois croire ; l'anagogie ce que tu dois espérer ; la tropologie, ce
que tu dois faire.
742 Au village de Thorens, où le Saint avait prêché le 3 octobre, XVIIe Dimanche après la Pentecôte, sur l'Evangile du
jour.
743 Deut., VI, 5 ; Matt. XXII, 37.
744 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit.
745 Serm. XX in Cant.
746 Rom., X, 2.
747 Selon la science et la discrétion.
748 Sic S. Thomas, Ia IIæ, Qu. XXVI, art. 3.
749 Rom., VI, 19.
750 Ps. IX, ult.
751 Afin que les peuples sachent qu'ils sont hommes.
752 Lucæ, XVII, 10.
753 Dites que nous sommes des serviteurs inutiles.
754 Matt., XX, 23.
755 Ce n'est pas à moi de vous l'accorder.
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ce me semble756 ; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois faire, parce qu'elle n'estoit pas probable.
Pour le sens allegorique, il faut que le predicateur observe quatre ou cinq pointz. Le premier
est de tirer un sens allegorique qui ne soit point trop forcé, comme font ceux qui allegorisent toutes
choses ; mais faut qu'il soit naïfvement tiré, sortant de la lettre, comme saint Paul fait, allegorisant
d'Esaü et Jacob au peuple Juif et Gentil757, de Sion ou Jerusalem a l'Eglise758.
Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la
figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais
simplement par maniere de comparayson ; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie
s'endormit de detresse759 est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix ; mais moy
j'aymerois mieux dire ainsy : Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons
reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation ; et non pas : Ainsy
qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix. Je ne voudrois pas asseurer que l'un
signifie l'autre, mays je voudrois bien comparer l'un a l'autre, car ainsy le discours est plus ferme
et moins reprehensible.
Tiercement, il faut que l'allegorie soit bienseante ; en quoy sont reprehensibles plusieurs
qui allegorisent la defense faitte en l'Escriture a la femme de ne point prendre l'homme par ses
parties deshonnestes, au Deuteronome, chapitre XXV : Si habuerint inter se jurgium viri duo, et
unus contra alterum rixari cæperit, volensque uxor alterius eruere virum suum de manu fortioris,
miseritque manum et apprehenderit verenda ejus, abscides manum illius, nec flecteris super eam
ulta misericordia ; et disent qu'elle represente le mal que fait la Synagogue de reprocher aux
Gentilz leur origine, et qu'ilz n'estoyent pas enfans d'Abraham. Cela peut avoir de l'apparence ;
mais il n'a pas de la bienseance a cause que cette defense porte une imagination dangereuse en
l'esprit de l'auditeur.
Quartement, il ne faut point faire d'allegories trop grandes, car elles perdent leur grace par
la longueur et semblent [tendre] a l'affectation.
Cinquiesmement, il faut que l'application se face clairement et avec grand jugement, pour
rapporter dextrement les parties aux parties.
Il faut presque observer les mesmes regles au sens anagogique et tropologique ; dont
l'anagogique rapporte les histoires de l'Escriture a ce qui se passera en l'autre vie, et le tropologique
les rapporte a ce qui se passe en l'ame et conscience. J'en mettray un exemple qui servira pour tous
les quatre sens. [310]
Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob : Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi
ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori760, en Genese,
XXV761, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est
a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le
plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David.
Allegoriquement, Esaü represente le peuple Juif, qui fut l'aisné en la connoissance de salut
; car les Juifz furent les premiers preschés. Jacob represente les Gentilz, qui furent les puisnés ; et
neanmoins les Gentilz ont en fin surmonté les Juifz.
Analogiquement, Esaü represente le cors, qui est l'aisné ; car avant que l'ame fust creée, le
cors fut fait et en Adam et en nous762. Jacob signifie l'esprit, qui est puisné. En l'autre vie l'esprit
surmontera et dominera sur le cors, lequel servira pleinement a l'ame et sans contradiction.
Tropologiquement, Esaü c'est l'amour propre de nous mesmes ; Jacob, l'amour de Dieu en
nostre ame. L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous ; l'amour de Dieu est puisné, car il
s'acquiert par les Sacremens et penitence ; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre,
756 Vide tom. VIII huj. Edit., pp. 9, 10.
757 Rom., IX, 11-13.
758 Galat., IV, 25, 26 ; Heb., XII, 22, 23.
759 III Reg., XIX, 4, 5.
760 Deux nations sont dans tes entrailles et deux peuples qui s'élèveront l'un contre l'autre sortiront de ton sein ; l'un
de ces peuples surmontera l'autre, et l'aîné servira le plus jeune.
761 Vers. 23.
762 Gen., II, 7 ; I Cor., XV, 45, 46.
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et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur.
Or, ces quattre sens donnent une grande, noble et bonne matiere a la predication, et font
merveilleusement bien entendre la doctrine : c'est pourquoy il s'en faut servir, mays avec les
mesmes conditions que j'ay dit estre requises a l'usage du sens allegorique.
Apres les sentences de l'Escriture, les sentences des Peres et Conciles tiennent le second
rang ; et pour le [311] regard d'icelles, je dis seulement que, si ce n'est bien rarement, il faut les
choisir courtes, aiguës et fortes. Les predicateurs qui en alleguent de longues allanguissent leur
ferveur et l'attention de la pluspart des auditeurs, outre le danger auquel ilz s'exposent de manquer
de memoire. Les courtes sentences et fortes sont comme celle de saint Augustin763 : « Qui fecit te
sine te, non » salvabit « te sine te764 ; » et l'autre765 : Qui pœnitentibus veniam promisit, tempus
pœnitendi non promisit766 ; et semblables. En vostre saint Bernard il y en a une infinité ; mais il
faut, les ayant citees en latin, les dire en françois avec efficace, et les faire valoir, les paraphrasant
et deduisant vivement.
S'ensuyvent les raysons qu'une belle nature et un bon esprit peut fort bien employer ; et
pour celles ci, elles se treuvent chez les Docteurs, et particulierement chez saint Thomas plus
aysement qu'ailleurs. Estans bien deduites, elles font une fort bonne matiere. Si vous voules parler
de quelque vertu, allés a la Table de saint Thomas, voyés ou il en parle, regardés ce qu'il dit ; vous
treuveres plusieurs raysons qui vous serviront de matiere : mays au bout de la, il ne faut pas
employer cette matiere sinon qu'on puisse fort clairement se faire entendre, au moins aux
mediocres auditeurs.
Les exemples ont une force merveilleuse et donnent un grand goust au sermon ; il faut
seulement qu'ilz soyent propres, bien proposés et mieux appliqués. Il faut choisir des histoires
belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme
font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz767, pour monstrer que nous ne
devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu ; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre
recommandable l'obeissance d'Abraham. Abraham, disent-ilz, viel ; Abraham, [312] qui n'avoit
que ce filz si beau, si sage et vertueux et si aymable ; et neanmoins, sans replique, sans murmurer
et hesiter, il le mene sur le mont, et veut bien luy mesme de ses propres mains l'immoler. Et certes,
ilz font l'application encores plus vive. Et toy, Chrestien, tu es si tenant, si froid, si peu resolu a
immoler, je ne dis pas ton filz ni ta fille, ni tous tes biens, ni une grande partie, mais un seul escu
pour l'amour de Dieu a secourir les pauvres, une seule heure de tes passetems pour servir Dieu,
une seule petite affection, etc.
Mais il faut prendre garde a ne faire pas des descriptions vaines et flacques, comme font
plusieurs escoliers qui, en lieu de proposer l'histoire naïfvement et pour les mœurs, se mettront a
descrire les beautés d'Isaac, l'espee tranchante d'Abraham, l'enceinte du lieu du sacrifice et
semblables choses' impertinentes. Il ne faut estre aussi ni si court que l'exemple ne penetre pas, ni
si long qu'il ennuye.
Il faut aussi se garder de faire des introductions de colloques entre les personnes de
l'histoire, sinon qu'elles soyent tirees des parolles de l'Escriture, ou tres probables. Comme en cette
histoire : qui introduit Isaac se lamentant sur l'autel, implorant la compassion paternelle pour
s'eschapper de la mort, ou bien Abraham disputant en soy mesme et se plaignant, il fait mal et tort
a la valeur et resolution de l'un et de l'autre. Ainsy ceux qui par la meditation ont rencontré des
colloques, doivent observer deux regles en la predication : l'une, de voir s'ilz sont solidement
fondés sur une apparente probabilité ; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit
et le predicateur et l'auditeur.
Les exemples des Saintz sont admirables, et sur tout de ceux de la province ou on presche,
comme de saint Bernard a Dijon.
763 Serm. CLXIX, c. XI.
764 « Celui qui t'a créé sans toi ne te » sauvera « pas sans toi. »
765 Idem, Enarrat. in Ps. CI, Serm. I, § 10.
766 Celui qui a promis le pardon aux pénitents, n'a pas promis le temps de faire pénitence.
767 Gen., XXII.
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Il reste un mot a dire des similitudes : elles ont une efficace incroyable a bien esclairer
l'entendement et a esmouvoir la volonté. On les tire des actions humaines, passant de l'une a l'autre
; comme de ce que font les bergers a ce que doivent faire les Evesques et pasteurs, [313] comme
fit Nostre Seigneur en la parabole de la brebis perdue768 ; des histoires naturelles, des herbes,
plantes, animaux, et de la philosophie, et en fin de tout. Les similitudes des choses triviales, estans
subtilement appliquees, sont excellentes ; comme Nostre Seigneur fait en la parabole de la
semence769. Celles qui sont tirees des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle,
c'est un double lustre ; comme celle de l'Escriture de la renovation ou rajeunissement de l'aigle770,
par nostre penitence.
Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur : c'est de faire
des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer ; et
ceci se fait par la meditation des paroles.
Exemple : David parlant du mondain, dit771 : Periit memoria eorum cum sonitu772. Je tire
deux similitudes de deux choses qui se perdent avec le son. Quand on casse un verre, en se cassant
il perit en sonnant ; ainsy les mauvais perissent avec un peu de bruit ; on parle d'eux a leur mort.
Mais comme le verre cassé demeure du tout inutile, ainsy ces miserables, sans espoir de salut,
demeurent a jamais perduz. L'autre : quand un grand riche meurt, on sonne toutes les cloches, on
luy fait des grandes funerailles ; mais, passé le son des cloches, qui le benit ? qui parle de luy ?
Personne. Saint Paul parlant de celuy qui n'a point de charité et fait quelques œuvres, il dit773 que
factus est sicut æs sonans, aut cymbalum tinniens774. On tire une similitude de la cloche, qui appelle
les autres a l'eglise et n'y entre point ; car ainsy un homme qui fait des œuvres sans charité, il edifie
les autres et les incite au Paradis, et il n'y va point luy mesme.
Or, pour rencontrer ces similitudes, il faut considerer les motz, s'ilz sont point
metaphoriques ; car quand ilz [314] le sont, tout aussi tost il y a une similitude a qui les sçait bien
descouvrir. Par exemple : Viam mandatorum tuorum cucurri cum dilatasti cor meum775 776; il faut
considerer ce mot dilatasti et celuy de cucurri, car il se prend par metaphore. Or maintenant, il faut
voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les
navires quand le vent estend leurs voiles. Les navires donques qui chomment au port, si tost que
le vent propice les saysit aux voiles et qu'il les emplit et fait enfler, elles singlent. Et certes, ainsy
le peuple. Lhors que le vent favorable du Saint Esprit entre dans nostre cœur, nostre ame court et
single dans la mer des commandemens. Et certes, qui observera cecy fera fructueusement
beaucoup de belles similitudes, esquelles similitudes il faut observer la decence a ne dire rien de
vil, abject et sale.
Apres tout cela, je vous advise qu'on se peut servir de l'Escriture par application avec
beaucoup d'heur, encores que bien souvent ce qu'on en tire ne soit pas le vray sens ; comme saint
François disoit777 que les aumosnes estoyent « panis Angelorum, » parce que les Anges les
procuroyent par leurs inspirations, et applique le passage778 : Panem Angelorum manducavit
homo779. Mays en cecy il faut estre discret et sobre.
780Il faut tenir methode sur toutes choses ; il n'y a rien qui ayde plus le predicateur, qui
768 Lucæ, XV, 4-7.
769 Matt., XIII, 3-23.
770 Ps. CII, 5.
771 Ps. IX, 7.
772 Leur mémoire a péri avec le son.
773 I Cor., XIII, 1.
774 Il est semblable à un airain sonnant ou à une cymbale retentissante.
775 Ps. CXVIII, 32.
776 J'ai couru dans la voie de vos commandements lorsque vous avez dilaté mon cœur.
777 S. Bonav., in Vita ejus, c. VII.
778 Ps. LXXVII, 25.
779 L'homme a mangé le pain des Anges.
780 De la disposition de la matiere.
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rende sa predication plus utile et qui aggree tant a l'auditeur. J'appreuve que la methode soit claire
et manifeste, et nullement cachee, comme font plusieurs qui pensent que ce soit un grand coup de
maistre de faire que nul ne connoisse leur methode. Dequoy, je vous prie, sert la methode si on ne
la voit et que l'auditeur ne la connoisse ?
Pour vous ayder en cecy, je vous diray que, ou vous [315] voules prescher quelque histoire,
comme de la Nativité, Resurrection, Assomption, ou quelque sentence de l'Escriture, comme :
Omnis qui se exaltat humiliabitur781 782, ou tout un Evangile ou il y a plusieurs sentences, ou la vie
de quelque Saint avec quelque sentence.
Quand on presche une histoire, on se peut servir de l'une de ces methodes : 1. Considerer
combien de personnages il y a en l'histoire que vous voules prescher ; puys, de chacun tirer quelque
consideration. Exemple : En la Resurrection je voy les Maries, les Anges, les gardes du sepulchre
et nostre doux Sauveur. Es Maries j'y voy la ferveur et diligence ; es Anges, la joye et jubilation
en leurs habitz blancz et en leur lumiere ; es gardes je voy la foiblesse des hommes qui
entreprennent contre Dieu ; en Jesus je voy la gloire, le triomphe de la mort, l'esperance de nostre
resurrection.
2. On peut prendre en un mystere le point principal, comme en l'exemple precedent, la
resurrection ; puys considerer ce qui a precedé ce point la et ce qui s'en est ensuyvi. La resurrection
est precedee de la mort, de la descente aux enfers, de la delivrance des Peres qui estoyent au sein
d'Abraham, de la crainte des Juifz qu'on ne desrobbe le cors ; la resurrection, en cors bienheureux
et glorieux. Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche
des dames, la response des Anges ; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre.
3. On peut en tous mysteres considerer ces pointz : qui ? pourquoy ? comment ? Qui
resuscite ? Nostre Seigneur. Pourquoy ? pour sa gloire, pour nostre bien. Comment ? glorieux,
immortel, etc. Qui est nay ? le Sauveur. Pourquoy ? pour nous sauver. Comment ? pauvrement,
nud, froid, en un estable, petit enfant.
4. Apres avoir proposé par une petite paraphrase l'histoire, on peut quelquefois en tirer trois
ou quattre considerations. La premiere, qu'est ce qu'il en faut [316] apprendre pour edifier nostre
foy ; la seconde, pour accroistre nostre esperance ; la troisiesme, pour enflammer nostre charité ;
la quatriesme, pour imiter et executer783. En l'exemple de la Resurrection : Pour la foy, nous voyons
la toute puissance de Dieu, un cors passer au travers de la pierre, estre devenu immortel, impassible
et tout spiritualisé. Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement
ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre offencé par la fraction des especes, et qu'il y
est en une façon spirituelle, quoy que reelle. Pour l'esperance : Si Jesus Christ est resuscité, nous
resusciterons, dit saint Paul784 ; il nous a frayé le chemin. Pour la charité : Tout resuscité qu'il est,
il converse neanmoins encor en terre pour instruire l'Eglise, et retarde de prendre possession du
Ciel, lieu propre des cors resuscités, pour nostre bien785. O quel amour ! Pour l'imitation : Il est
resuscité le troisiesme jour ; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et
satisfaction ? Il force la pierre ; vainquons toutes difficultés.
Quand vous voules prescher une sentence, il faut considerer a quelle vertu elle se rapporte,
comme par exemple : Qui se humiliat exaltabitur786 787; voyla le sujet de l'humilité bien clair. Mais
il y a d'autres sentences ou le sujet n'est pas si descouvert, comme : Quomodo huc intrasti non
habens vestem nuptialem788 789? Voyla la charité ; mays vous la voyes couverte d'une robbe, car la
robbe nuptiale c'est la charité. Ainsy donques, ayant descouvert en la sentence que vous voules
manier la vertu a laquelle elle vise, vous pourres reduire vostre sermon a methode, considerant en
781 Lucæ, XIV, 11.
782 Quiconque s'exalte sera humilié.
783 Conferatur Sermo XVII. tom. VII hujus Edit.
784 I Cor., VI, 14 ; Cor., IV, 14.
785 Act., I, 3.
786 Vide contra.
787 Celui qui s'humilie sera exalté.
788 Matt., XXII, 12.
789 Comment es-tu entré ici sans avoir la robe nuptiale ?
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quoy gist la vertu, les vrayes marques d'icelle, ses effectz et le moyen de l'acquerir ou exercer ; qui
a tous-jours esté ma methode, et j'ay esté consolé d'avoir rencontré le livre du Pere Rossignol,
Jesuite, conforme a cette methode. Le livre est [317] intitulé : De Actionibus Virtutum, imprimé a
Venise790 ; il vous sera fort utile.
Il y a une autre methode, monstrant combien cette vertu dont il s'agit est honnorable, utile
et delectable ou playsante, qui sont les trois biens qui se peuvent desirer. Encores peut-on traitter
autrement : c'est a sçavoir, des biens que cette vertu donne et des maux que le vice opposé apporte
; mais la premiere est la plus utile.
Quand on traitte un Evangile ou il y a plusieurs sentences, il faut regarder celles sur
lesquelles on se veut arrester, voir de quelles vertuz elles traittent, et en dire succinctement selon
ce que j'ay dit d'une seule sentence, et les autres les parcourir et paraphraser. Mais cette façon de
passer sur tout un Evangile sentencieux est moins fructueuse, d'autant que le predicateur ne
pouvant s'arrester que fort peu sur chacune sentence, ne peut les bien demesler, ni inculquer a
l'auditeur ce qu'il desire.
Quand on traitte de la vie d'un Saint la methode est diverse. Celle que j'ay tenue en l'orayson
funebre de Monsieur de Mercure est bonne791 parce qu'elle est de saint Paul792 : Ut pie erga Deum,
sobrie erga seipsum, juste erga proximum vixerit793 ; et rapporter les pieces de la vie du Saint
chacune a son rang. Ou bien de considerer ce qu'il fit agendo, qui sont ses vertuz ; patiendo, ses
souffrances, soit de martyre ou de mortification ; orando794, ses miracles. Ou bien de considerer
comme il a combattu le diable, le monde, la chair : la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est
la division de saint Jan : Omne, dit il795, quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, etc.796
Ou bien, comme je fis a Fonteynes797, sur saint Bernard : comme il faut honnorer Dieu en son
[318] Saint et le Saint en Dieu ; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint ; comme il
faut prier Dieu par l'intercession de son Saint ; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et
mettre chaque chose en son lieu.
Voyla bien asses de methodes pour commencer ; car apres un peu d'exercice vous en feres
d'autres qui vous seron propres et meilleures. Il me reste a dire pour la methode, que je mettrois
volontier les passages de l'Escriture les premiers, les raysons secondement, les similitudes
troisiesmement, et quatriesmement les exemples, s'ilz sont sacrés ; car s'ilz sont prophanes, ilz ne
sont pas propres a fermer un discours : il faut que le discours sacré soit terminé par une chose
sacree. Item, la methode veut que le commencement du sermon jusques au milieu enseigne
l'auditeur, et que despuis le milieu jusques a la fin il l'esmeuve. C'est pourquoy les discours
affectifz doivent estre logés a la fin.
Mais apres tout ceci, il faut que je vous die comme il faut remplir les pointz de vostre
sermon, et voir comment. Par exemple, vous voules traitter de la vertu d'humilité, et vous aves
disposé vos pointz en cette sorte : 1. En quoy gist cette vertu ; 2. ses marques ; 3. ses effectz ; 4.
moyen de l'acquerir. Voyla vostre disposition. Pour remplir de conceptions, vous chercheres en la
table des autheurs les motz humilitas, humilis, superbia, superbus, et verrés ce qu'ilz en disent ; et
treuvant des descriptions ou definitions, vous les mettres sous le tiltre : « En quoy gist cette vertu,
» et tascheres de bien esclaircir ce point, monstrant en quoy gist le vice contraire.
Pour remplir le second point, vous verrés humilitas ficta en la table, humilitas indiscreta798,
et semblables ; et par la vous monstreres la difference entre la fause et vraye humilité. S'il y a des
exemples de l'une et de l'autre, vous les apporteres ; et ainsy des autres deux pointz. Intelligenti
790 Rossignolo Bernardin, Jésuite piémontais (1563-1613). De Actionibus Virtutis, ex S. Scripturis et Patribus, libri
duo. Venetiis, 1603.
791 Vide tom. VII hujus Edit., p. 414.
792 Tit., II, 12.
793 Comme il vécut pieusement à l'égard de Dieu, sobrement à l'égard de lui-même, justement à l'égard du prochain.
794 Agissant... souffrant... priant.
795 I Ep., II, 16.
796 Tout ce qui est dans le monde est, ou concupiscence de la chair, etc.
797 Fontaine-lez-Dijon, lieu de naissance de saint Bernard.
798 Humilité feinte... humilité indiscrète.
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pauca799. [319]
Les autheurs ou ces matieres se treuvent sont saint Thomas800 saint Antonin801, Guillelmus
Episcopus Lugdunensis, in Summa de virtutibus et vitiis802, Summa prædicantium Philippi Diez et
tous ses Sermons803, Osorius804, Grenade en ses Œuvres spirituelles805, Hylaret en ses Sermons806,
Stella in Lucam807, Salmeron808 et Barradas809, Jesuites, sur les Evangiles. Saint Gregoire entre les
Anciens excelle, et saint Chrysostome avec saint Bernard.
Mais il faut que je die mon opinion. Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez
m'aggree infiniment : il va a la bonne foy, il a l'esprit de predication, il inculque bien, explique
bien les passages, fait de belles allegories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend
l'occasion de dire admirablement, et est fort devot et clair. Il luy manque ce qui est en Osorius, qui
est l'ordre et la methode, car il n'en tient point ; mays il me semble qu'il se le faut rendre familier
au commencement. Ce que je dis, non pour m'en estre fort servi, car je ne l'ay veu qu'apres
beaucoup de tems, mays parce que je le connois tel, et me semble que je ne me trompe pas. Il y a
un Espagnol qui a fait un gros livre qui s'appelle Sylva Allegoriarum810, lequel est tres utile a qui
le sçait bien [320] manier, comme aussi les Concordances de Benedicti811. Voyla, ce me semble,
le principal de ce qui me vient maintenant en memoire pour la matiere.
812Monsieur, c'est icy ou je desire plus de creance qu'ailleurs, parce que je ne suis pas de
l'opinion commune, et que neanmoins ce que je dis c'est la verité mesme.
La forme, dit le Philosophe813, donne l'estre et l'ame a la chose. Dites merveilles, mais ne
les dites pas bien, ce n'est rien ; dites peu et dites bien, c'est beaucoup. Comme donq faut il dire en
la predication ? Il se faut garder des quanquam et longues periodes des pedans, de leurs gestes, de
leurs mines, de leurs mouvemens : tout cela est la peste de la predication. Il faut une action libre,
noble, genereuse, naïfve, forte, sainte, grave et un peu lente. Mais pour l'avoir que faut-il faire ?
En un mot, parler affectionnement et devotement, simplement et candidement et avec confiance ;
estre bien espris de la doctrine qu'on enseigne et de ce qu'on persuade. Le souverain artifice c'est
de n'avoir point d'artifice. Il faut que nos paroles soyent enflammees, non pas par des cris et actions
desmesurees, mais par l'affection interieure ; il faut qu'elles sortent du cœur plus que de la bouche.
On a beau dire, mais le cœur parle au cœur, et la langue ne parle qu'aux oreilles.
J'ay dit qu'il faut une action libre, contre une certaine action contrainte et estudiee des
799 Pour l'intelligent, peu de mots suffisent.
800 Summa Theologiæ, etc.
801 Summula Confessionalis.
802 Guillaume Pérauld ou Pérarde, Dominicain, dix ans évêque coadjuteur de Lyon sous Philippe de Savoie, qui occupa
ce siège de 1246 à 1267.
803 R. P. F. Philippi Diez, Lusitani, Ord. Min., Conciones quadruplices in Evangelia. Salmanticæ, 1582. Diez mourut
en 1601.
804 Osorius Jérôme, Dominicain portugais, évêque de Sylves (1506-1580). Paraphrases et Commentarii in S.
Scripturam. Romæ, 1592.
805 Vide supra, pp. 189, 190.
806 Hylaret Maurice (1539-1591). Sacræ decades quinquepartitæ. Conciones Quadragesimales atque Paschales...
Collectore F. Mauricio, Franciscano Engolimensi. Lugduni, MDXCI. Sermons catholiques, etc.
807 Stella (voir ci-dessus, note (439), p. 190). Commentarii in Lucæ Evangelium. Alcala, 1578.
808 Salmeron Alphonse, Jésuite espagnol (1515-1595). Commentarii in Evangelicam Historiam et in Acta
Apostolorum. Madriti, L. Sanchez, 1598.
809 Barradas Sébastien, Jésuite portugais (1543-1613). Commentarii in Concordiam et Historiam Evangelicam.
Conimbricæ, etc., 1599-1612.
810 Sylva Allegoriarum totius S. Scripturæ, auctore F. Hieronymo Laureto, Cervariensi, monacho Benedictino in
cænobio Montisserati. Parisiis, apud Michaelem Sonnium, 1584. Lauretus était abbé de Guixoles vers 1564.
811 La Somme des pechez et les Remedes d'iceux, par F. Jean Benedicti, Frere Mineur. Lyon, Pesnot, 1584. Ce
Religieux vivait encore en 1611.
Ce qui est désigné ici sous le titre de Concordances n'est qu'une sorte de Table, par laquelle l'auteur indique
comment on peut trouver dans son livre l'interprétation morale de tous les Evangiles du Carême.
812 De la forme, c'est a dire comme il faut prescher.
813 Vide opusc. Sententias ex Aristot., etc., litt. F (inter spuria V.Bedae). Cf. Physica, l. II.
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pedans. J'ay dit noble, contre l'action rustique de quelques uns qui font profession de battre des
poings, des piedz, de l'estomach contre la chaire, crient et font des hurlemens estranges, et souvent
hors de propos. J'ay dit genereuse, contre ceux qui ont une action craintifve, comme s'ilz parloyent
a leurs peres, et non pas a leurs disciples et enfans. J'ay dit naïfve, contre tout artifice et affectation.
J'ay dit forte, [321] contre certaine action morte, molle et sans efficace. J'ay dit sainte, pour
forclorre les muguettes courtisanes et mondaines. J'ay dit grave, contre certains qui font tant de
bonnetades a l'auditoire, tant de reverences et puys tant de petites charlateries, monstrans leurs
mains, leur surplis, et faysans telz autres mouvemens indecens. J'ay dit un peu lente, pour forclorre
une certaine action courte et retroussee, qui amuse plus les yeux qu'elle ne bat au cœur.
Je dis de mesme du langage, qui doit estre clair, net et naïf, sans ostentation de motz grecz,
hebreux, nouveaux, courtisans. La tisseure doit estre naturelle, sans preface, sans ageancemens.
J'appreuve que l'on die premierement, au premier point, et secondement, au second, affin que le
peuple voye l'ordre.
Il me semble que nul, mais sur tout les Evesques, ne doivent user de flatterie envers les
assistans, fussent ilz rois, princes et Papes. Il y a bien certains traitz propres a s'acquerir la
bienveüillance, dont on peut user parlant la premiere fois a son peuple. Je suis bien d'advis qu'on
tesmoigne le desir qu'on a de son bien, qu'on commence par des salutations et benedictions, par
des souhaitz de le pouvoir bien ayder au salut ; de mesme a sa patrie : mais cela briefvement,
cordialement et sans paroles attiffees. Nos anciens Peres et tous ceux qui ont fait du fruit se sont
abstenuz de tous fatras et jolivetés mondaines. Ilz parlent cœur a cœur, esprit a esprit, comme bons
peres aux enfans. Les ordinaires appellations doivent estre, mes freres, mon peuple (si c'est le
vostre), mon cher peuple, Chrestiens auditeurs.
L'Evesque doit donner a la fin la benediction, le bonnet en teste, et icelle achevee, saluer
le peuple. On doit finir par des parolles courtes, plus animees et vigoureuses. J'appreuve le plus
souvent la recollection ou recapitulation, apres laquelle on dit quatre ou cinq motz de ferveur, ou
par maniere d'orayson, ou par maniere d'imprecation. Il est bon d'avoir certaines exclamations
familieres et judicieusement prononcees et employees, comme : O Dieu, bonté de Dieu, o bon
Dieu, Seigneur Dieu, vray Dieu, eh, helas, ah, mon Dieu ! [322]
Pour la preparation au sermon, j'appreuve qu'elle se fasse des le soir, et que le matin on
medite pour soy ce que l'on veut dire aux autres. La preparation faitte aupres du Saint Sacrement
a grande force, dit Grenade814, et je le croy.
J'ayme la predication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme
des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les deplorant.
Il est tous-jours mieux que la predication soit courte que longue, en quoy j'ay failli jusques
a present : que je m'amende. Pourveu qu'elle dure demi heure, elle ne peut estre trop courte.
Il ne faut point tesmoigner de mescontentement, s'il est possible ; mais au moins point de
cholere, comme je fis le jour de Nostre Dame quand on sonna avant que j'eusse achevé. Ce fut une
faute, sans doute avec plusieurs autres. Je n'ayme point les plaisanteries et sobriquetz ; ce n'en est
pas le lieu.
Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu
faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a
servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre.
Monsieur, que dires vous de cela ? Pardonnés moy, je vous supplie ; j'ay escrit a course de
plume, sans aucun soin ni de paroles ni d'artifice, porté du seul desir de vous tesmoigner combien
je vous suis obeissant. Je n'ay point cité les autheurs que j'ay allegués en certains endroitz ; c'est
que je suis aux chams, ou je ne les ay pas. Je me suis allegué moy mesme ; mais c'est, Monsieur,
parce que vous voules mon opinion et non celle des autres. Et quand je la prattique moy mesme,
pourquoy ne le diray-je pas ?
Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire
814 Orator Christian., l. VI, c. XIII.
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voir a personne duquel les yeux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma
tres humble supplication que [323] vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de consideration
qui vous puisse empescher ou retarder de prescher : plus tost vous commenceres, plus tost vous
reuscires. Et prescher souvent ; il n'y a que cela pour devenir maistre. Vous le pouves, Monsieur,
et vous le deves. Vostre voix est propre, vostre doctrine suffisante, vostre maintien sortable, vostre
rang tres illustre en l'Eglise. Dieu le veut, les hommes s'y attendent ; c'est la gloire de Dieu, c'est
vostre salut : hardiment, Monsieur, et courage, pour l'amour de Dieu.
Le Cardinal Borromee815, sans avoir la dixiesme partie des talens que vous aves, presche,
edifie, se fait saint. Nous ne devons pas chercher nostre honneur, mais celuy de Dieu ; et laissés
faire, Dieu cherchera le nostre. Commencés, Monsieur, une fois aux Ordres, une autre fois a
quelque Communion : dites quattre motz, et puys huit, et puys douze, jusques a demi heure ; puys
montés en chaire. Il n'est rien d'impossible a l'amour. Nostre Seigneur ne demanda pas a saint
Pierre : Es-tu sçavant ou eloquent ? pour luy dire : Pasce oves meas ; mais : Amas me816 817? Il
suffit de bien aymer pour bien dire. Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart
d'heure : « Mes enfans, aymés vous les uns les autres818, » et avec cette provision il montoit en
chaire : et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence ! Laissés
dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur819 : il commença une fois comme
vous.
Mais mon Dieu, Monsieur, que dires vous de moy qui vay si simplement avec vous ?
L'amour ne se peut taire [324] ou il y va de l'interest de celuy qu'on ayme. Monsieur, vous ay juré
fidelité, et l'on souffre beaucoup d'un serviteur fidelle et passionné. Vous alles, Monsieur, a vostre
troupeau820 : hé, que ne m'est il loysible de courir jusques la pour vous assister, comme j'eus
l'honneur de faire a vostre premiere Messe ! Je vous y accompagneray par mes vœux et desirs.
Vostre peuple vous attend pour vous voir et estre veu et reveu de vous ; de vostre commencement
ilz jugeront du reste : commencés de bonne heure a faire ce qu'il faut faire tous-jours. O qu'ilz
seront edifiés quand ilz vous verront souvent a l'autel sacrifier pour leur salut ; avec vos curés
traitter de leur edification, et en chaire parler de la parolle de reconciliation821 et prescher !
Monsieur, je ne fus jamais a l'autel sans vous recommander a Nostre Seigneur ; trop
heureux si je suis digne que quelquefois vous m'y porties en vostre memoire. Je suia et seray toute
ma vie, de cœur, d'ame, d'esprit,
Monsieur,
Vostre tres humble serviteur et tres petit et obeyssant frere,
FRANÇS, E. de Geneve.
Du 5 octobre 1604.
J'ai eu honte relisant cette lettre, et si elle estoit plus courte je la referois ; mais j'ay tant de
confiance en la solidité de vostre bienveüillance, que la voyla, Monsieur, telle qu'elle est. Pour
l'amour de Dieu, aymés moy tous-jours, et me tenes pour autant vostre serviteur qu'homme qui
vive, car je le suis. [325]
815 Saint Charles Borromée.
816 Joan., ult., 15-17.
817 Pais mes brebis... M'aimes-tu ?
818 Apud S. Hieron. Comm. in Galat. ad VI, 10.
819 Mgr Renaud de Beaune, d'abord évêque de Mende (1568), puis archevêque de Bourges (1581). Ce Prélat, dont le
zèle égalait le savoir et l'éloquence, s'était signalé par son dévouement à Henri IV. C'est même lui qui reçut l'abjuration
du roi, mais sans entente préalable avec le Saint-Siège. Aussi Clément VIII refusa-t-il longtemps de ratifier sa
nomination à l'archevêché de Sens. Mgr de Beaune n'occupa ce siège que quatre ans, et mourut à Paris le 27 septembre
1606.
820 Mgr Frémyot avait pris possession de son diocèse par procureur le 24 décembre 1603. Il y fit son entrée solennelle
le 24 octobre suivant.
821 II Cor., V, 19.
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CCXXX. Au President Bénigne Frémyot822. Intimité avec
l'Archevêque de Bourges. Affection pour toute la famille du
Président. Comment il faut se préparer à la mort : se détacher
peu à peu des choses de la terre. Considérations à faire
chaque jour. Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens et ce
qu'elle doit être pour les vieillards. Choix de lectures.
Triple baiser à donner au Crucifix.
Sales, 7 octobre 1604.
Monsieur,
La charité est esgalement facile a donner et a recevoir les bonnes impressions du prochain
; mais si a sa generale inclination on adjouste celle de quelque particuliere amitié, elle se rend
excessive en cette facilité. Monsieur de Bourges et madame de Chantal, vos chers et dignes [326]
enfans, m'ont sans doute esté trop favorables en la persiasion qu'ilz vous ont faitte de me vouloir
du bien ; car je voy bien, Monsieur, par la lettre qu'il vous a pleu de m'escrire, qu'ilz y ont employé
des couleurs desquelles ma chetifve ame ne fut onques teinte. Et vous, Monsieur, n'aves pas esté
moins aysé ni, comme je connois, moins ayse de leur donner une ample et liberale creance. La
charité, dit l'Apostre823, croit tout et se res-jouit du bien. En cela seul ilz n'auront pas sceu passer
la mesure a dire, ni vous, Monsieur, a croire que je leur ay voüé toutes mes affections, qui vous
sont par ce moyen acquises, puisqu'il sont vostres avec tout ce qu'ilz ont.
Permettes moy, Monsieur, que je laisse courir ma plume a la suitte de mes pensees pour
respondre a vostre lettre. C'est bien la verité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si
naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conferer avec luy des offices de nostre
commune vocation, avec tant de liberté que, revenant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de
simplicité, on luy a m'escouter, ou moy a luy parler. Or, Monsieur, les .amitiés fondees sur Jesus
Christ ne laissent pas d'estre respectueuses pour estre un peu fort simples et a la bonne foy. Nous
nous sommes bien couppé de la besoigne l'un a l'autre ; nos desirs de servir Dieu et son Eglise (car
je confesse que j'en ay, et luy ne sçauroit dissimuler qu'il n'en soit plein) se sont, ce me semble,
aiguisés et animés par le rencontre.
Mais, Monsieur, vous voules que je continue de mon costé cette conversation, et sur ce
sujet, par lettres. Je vous asseure que si je voulois je ne m'en sçaurois empescher ; et de fait, je luy
822 Noble et belle figure de magistrat que celle de ce Bénigne Frémyot, père de sainte Jeanne-Françoise de Chantal et
bisaïeul de Mme de Sévigné ! Il était fils de Jean Frémyot et de Guillemette Godran, et porta les titres de seigneur de
Beauregard et de Thote. Successivement maître en la Chambre des Comptes (1571), avocat général au Parlement
(1573), second président en la même Cour (16 novembre 1581), il remplissait cette dernière magistrature au moment
où se livraient les guerres de religion. Les membres les plus qualifiés du Parlement adhérèrent à la Ligue. Dès l'abord
M. Frémyot la jugea comme chacun devait l'apprécier plus tard ; il quitta Dijon, entraînant à sa suite les magistrats
fidèles au roi, et déclara le Parlement de Bourgogne transféré à Flavigny. La confiscation de ses biens, les vexations
de tous genres auxquelles ses proches furent en butte n'ébranlèrent pas la constance de l'intrépide Parlementaire. Les
ligueurs le menacèrent de tuer son fils, le futur Archevêque de Bourges, dont ils s'étaient emparés. On connaît sa
magnanime réponse : « Il vaut mieux au fils de mourir innocent, qu'au père de vivre perfide. » Aussi modeste dans la
prospérité qu'il avait paru inébranlable dans le péril, l'intègre magistrat refusa les honneurs par lesquels Henri IV
voulut plus tard reconnaître sa fidélité, et n'accepta que par dévouement les fonctions de maire de Dijon pendant les
difficiles années 1595, 1596. L'incorruptible énergie de sa foi et l'élévation de son caractère le rendaient bien digne
d'être le père d'une Sainte. Ce grand chrétien mourut à Dijon dans la nuit du 20 au 21 janvier 1611.
« Par les exemples qu'il donna comme par le rôle qu'il joua dans la politique, sa vie justifia la devise de sa
famille : Sic virtus super astra vehit. Ainsi la vertu élève au-dessus des astres. » (De la Cuisine, Histoire du Parlement
de Bourgogne.)
823 I Cor., XIII, 6, 7.
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22.1 Page 211

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envoye une lettre de quattre feuilles, et toute de cette estoffe. Non, Monsieur, je n'apporte plus
nulle consideration a ce que je suis moins que luy, ni a ce qu'il est plus que moy et en tant de façons
: « 824Amor æquat amantes825. » Je luy parle fidellement et uveo toute la confiance que mon ame
peut avoir en celle [327] que j'estime des plus franches, rondes et vigoureuses en amitié. Et quant
a madame de Chantal, j'ayme mieux ne rien dire du desir que j'ay de son bien eternel que d'en dire
trop peu. Mais M. le President des Comptes, vostre bon frere826, ne vous a-il point dit qu'il
m'aymoit aussi bien fort ? Je vous diray bien au moins que je m'en tiens pour tout asseuré. Il n'est
pas jusques au petit Celse Benigne827 et a vostre Aymee828 qui ne me connoissent et qui ne m'ayent
caressé en vostre mayson. Voyés, Monsieur, si je suis vostre, et par combien de liens. J'abuse de
vostre bonté a vous desployer si grossierement mes affections ; mais, Monsieur, quicomque me
provoque en la contention d'amitié, il faut qu'il soit bien ferme, car je ne l'espargne point.
Si faut-il que je vous obeisse encores en ce que vous me commandes de vous escrire les
principaux pointz de vostre devoir. J'ayme mieux obeir au peril de la discretion, que d'estre discret
au peril de l'obeissance. Ce [328] m'est, a la verité, une obeissance un petit aspre ; mays vous
jugeres bien qu'elle en vaut mieux. Vous excedes bien en humilité a me faire cette demande :
pourquoy ne me sera-il loysible d'exceder en simplicité a vous obeir ?
Monsieur, je sçai que vous aves fait une longue et tres honnorable vie, et tous-jours tres
constante en la sainte Eglise Catholique ; mais au bout de la, ç'a esté au monde et au maniement
de ses affaires. Chose estrange, mais que l'experience et les autheurs tesmoignent : un cheval, pour
brave et fort qu'il soit, cheminant sur les passees et alleurs du loup s'engourdit et perd le pas829. Il
n'est pas possible que vivans au monde, quoy que nous ne le touchions que des piedz, nous ne
soyons embroüillés de sa puossiere830. Nos anciens peres, Abraham et les autres, presentoyent
ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz831 ; je pense, Monsieur, que la premiere chose
qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon
Dieu en son Paradis.
Il me semble que c'est tous-jours beaucoup de reproche aux mortelz de mourir sans y avoir
pensé ; mais il est double a ceux que Nostre Seigneur a favorisés du « Bien de la viellesse832. »
824 « L'amour égale les amants. »
825 Adagium Pythagoræ attributum.
826 Claude Frémyot (voir ci-dessus, note (627), p. 280).
827 Celse-Bénigne de Rabutin Chantal, « un des plus accomplis cavaliers de France, soit pour le cors, soit pour l'esprit,
soit pour le courage, » (Histoire généalogique de la Maison de Rabutin) était par sa mère petit-fils du président
Frémyot. De brillantes qualités et de graves défauts le rendirent tour à tour l'orgueil et la désolation des siens. Ni la
virile éducation maternelle, ni les austères leçons de son aïeul et de son oncle, l'Archevêque de Bourges, ni la douce
influence de sa jeune femme, Marie de Coulanges, ne purent avoir raison de sa fougueuse humeur. Ami du prince de
Chalais et du comte de Boutteville, il faillit payer comme eux de sa tête, les plus folles aventures. Les prières et les
larmes de sa sainte mère lui obtinrent une fin plus honorable et plus chrétienne. Il mourut à l'âge de trente et un ans
(22 juillet 1627), en combattant à l'île de Ré pour la cause de l'Eglise et celle de la patrie. Le baron de Chantal ne
laissait qu'une fille, Marie de Rabutin Chantal, qui devait être la célèbre marquise de Sévigné.
828 Marie-Aimée de Rabutin Chantal, sœur cadette de Celse-Bénigne, était alors âgée de six ans. Rien de plus gracieux,
de plus attachant que la courte destinée de cette enfant, épanouie sous l'ombre protectrice de deux Saints. Elevée
d'après les conseils de saint François de Sales, c'est de sa main qu'elle reçut la bénédiction nuptiale (13 octobre 1609).
Son mariage avec Bernard de Sales, baron de Thorens, la rendit belle-sœur du saint Evêque. Mère à quatorze ans,
veuve à dix-huit (23 mai 1617), elle mourait quelques mois plus tard (7 septembre 1617), après avoir reçu le voile de
la Visitation des mains des deux Fondateurs de l'Institut. Saint François de Sales nous fera suivre lui-même dans ses
lettres les phases diverses de cette brève existence ; il racontera en termes attendris la mort admirable de celle qui, si
elle eût vécu de plus longs jours, serait devenue, dit-il, « une autre Mere de Chantal. »
829 Plin., Hist. nat., l. XXVIII, c. XLIV (al. X).
830 Cf. S. Leon., Serm. XLII (al. XLI), c. I.
831 Gen., XVIII, 4.
832 On conserve à la Bibliothèque publique de Dijon un exemplaire de l'ouvrage du Cardinal Gabriel Paleotti (voir ci-
dessus, note (29), p. 9), De Bono senectutis. Ce volume a été offert au président Frémyot par saint François de Sales
lui-même. Sur le premier feuillet de garde le Saint a écrit la dédicace suivante :
Franciscus, Episcopus Gebennensis, felicissimam senectutem at bonum optimum senectutis amplissimo D.
Benigno Fremyoto exoptans, ei hunc librum, observantiæ ac amoris pignus mittit. (François, Evêque de Genève,
211/340

22.2 Page 212

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Ceux qui s'arment avant que l'alarme se donne le sont tous-jours mieux que les autres qui, sur
l'effroy, courent ça et la au plastron, aux cuissars et au casquet. Il faut tout a l'ayse dire ses adieux
au monde, et retirer petit a petit ses affections des creatures.
Les arbres que le vent arrache ne sont pas propres pour estre transplantés parce qu'ilz
laissent leurs racines en terre ; mays qui les veut porter en une autre terre, il [329] faut que
dextrement il desengage petit a petit toutes les racines l'une apres l'autre. Et puisque de cette terre
miserable nous devons estre transplantés en celle des vivans833, il faut retirer et desengager nos
affections l'une apres l'autre de ce monde. Je ne dis pas qu'il faille rudement rompre toutes les
alliances que nous y avons contractees (il faudroit a l'adventure des effortz pour cela) ; mais il les
faut descoudre et desnouer. Ceux qui partent a l'improuveuë sont excusables de n'avoir pas pris
congé des amis et de partir en mauvais equipage, mais non pas ceux qui ont sceu l'environ du tems
de leur voyage. Il se faut tenir prestz834 ; ce n'est pas pour partir devant l'heure, mays pour l'attendre
avec plus de tranquillité.
A cet effect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de
chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est necessaire
pour faire une bienheureuse retraitte. Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost ? Je
sçai que ces pensees ne vous seront pas nouvelles ; mais il faut que la façon de les faire soit
nouvelle en la presence de Dieu, avec une tranquille attention, et plus pour esmouvoir l'affective
que pour esclairer l'intellective.
Saint Hierosme a plus d'une fois835 rapporté a la sapience des vielles gens l'histoire
d'Abisag, Sunamite, dormant sur l'estomach de David, non pour aucune volupté mais seulement
pour l'eschauffer836. La sagesse et consideration de la philosophie accompagne souvent les jeunes
gens : c'est plus pour recreer leur esprit que pour creer en leurs affections aucun bon mouvement ;
mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de
devotion. J'ay veu et joui de vostre belle bibliotheque : je vous presente, pour vostre leçon
spirituelle sur ce propos, saint Ambroyse, De bono mortis, saint Bernard, De interiori domo837, et
plusieurs homelies esparses de saint Chrysostome.
Vostre saint Bernard dit838 que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les
piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit
du monde et de ses vanités ; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le
changement des affections ; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette
supreme Bonté. C'est le vray progres d'une honneste retraitte.
On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit luy seul et premierement
l'Arabie Heureuse a l'odeur des bois aromatiques qui y sont839 ; aussi, luy seul y avoit sa pretention.
Ceux qui pretendent au païs eternel, quoy que singlans en la haute mer des affaires de ce monde,
ont un certain pressentiment du Ciel qui les anime et encourage merveilleusement ; mays il faut se
lenir en prouë et le nés tourné de ce costé la.
Nous nous devons a Dieu, a la patrie, aux parens, aux amis. A Dieu premierement, puis a
la patrie ; mais premierement a la celeste, secondement a la terrestre. Apres cela a nos proches ;
mays « nul ne vous est si proche que vous mesme, » dit nostre Seneque chrestien840. En fin aux
amis : mais n'estes vous pas le premier des vostres ? Je remarque841 que saint Paul dit a son
offre ce livre au très honoré seigneur Bénigne Frémyot, comme un témoignage de respect et d'affection, en lui
souhaitant, avec une très heureuse vieillesse, ce que la vieillesse promet de meilleur.)
833 Ps. XXVI, 13.
834 Matt., XXIV, 44.
835 Ep. LII, ad Nepotian., §§ 2, 3.
836 III Reg., I, 1-4.
837 Auctoris incerti in App. Op. S. Bern.
838 Serm. LXXXVII de Diversis.
839 Plin., Hist. nat., l. XII, c. XLII (al. XIX).
840 S. Bern., De Consid., l. I, c. V, l. II, c. III.
841 Les anciennes éditions portent : « Il remarque, » etc., ce qui est évidemment fautif ; car cette phrase, qui rapproche
deux textes de saint Paul, ne se trouve nulle part dans les Œuvres de saint Bernard.
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Timothee842 : Attende tibi et gregi ; primo tibi, deinde gregi843, dit il.
C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de
devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait
toutes les precedentes qui ne durent plus. Vous m'aves commandé que toutes les annees je vous
escrive quelque chose de cette sorte : me voyla quitte pour celle ci, en laquelle je vous supplie
d'oster le plus de vos affections de ce monde que vous pourres, et, a mesure que vous les arracheres,
de les transplanter au Ciel. Et pardonnés moy, je vous en conjure par vostre propre humilité, si ma
simplicité a esté [331] si extravagante en son obeissance que de vous escrire avec tant de longueur
et de liberté sur un simple commandement, et avec une entiere connoissance que j'ay de vostre
extreme suffisance, qui me devoit ou retenir au silence ou en une exacte moderation. Voyla des
eaux, Monsieur ; si elles sortent d'une maschoire d'asne, Samson ne laissera pas d'en boire844.
Je prie Dieu qu'il comble vos annees de ses benedictions, et suis d'une affection totalement
filiale,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble et obeissant,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 7 octobre 1604, a Sales.
_____
CCXXXI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe.
Envoi d'un écrit sur l'oraison. Méditer de préférence la Vie et
la Passion du Sauveur ; auteurs à consulter. Combien est utile
la méditation des fins dernières ; elle doit se terminer par des
actes de confiance. Exercices spirituels à faire chaque jour.
Formulaire pour la Confession dressé par le Saint en faveur
de l'Abbesse. Moyens à employer pour la réforme de son
monastère : « quatre artifices » pour inspirer l'esprit
d'obéissance. Vie commune. Clôture, gardienne de la
chasteté. — En cette œuvre procéder avec douceur. — A quel
âge admettre les jeunes filles à la première Communion
Sales, 9 octobre 1604.
Madame,
J'ay longuement retenu vostre laquay Philibert, mais ç'a esté parce que je n'ay jamais eu un
seul jour a moy, encor que je fusse aux chams ; car la charge que j'ay porte tout par tout son martyre
avec soy, et ne puis pas dire qu'une seule heure de mon tems soit a moy, sinon celles ausquelles je
suis a l'Office : tant plus desiré-je d'estre tres estroittement recommandé a vos prieres. [332]
Je vous envoye, ma chere Fille (et voyla le mot que vous voules et que mon cœur me dicte),
un escrit touchant lu façon de faire l'orayson mentale qui me semble la plus aysee et utile. Je vous
842 I Ep., IV, 16 ; cf. Act.. XX. 28.
843 Prends garde à toi et au troupeau ; premièrement à toi, puis au troupeau.
844 Judic., XV, 19.
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ay mis quelques autres exercices et des oraysons jaculatoires. Cela suffira bien pour vous enseigner
la forme qu'il faut tenir a passer la journee. Je desire que vous la communiquies a madame la
Presidente vostre seur845, et a madame de Chantal, car je pense qu'elle leur sera utile.
Quant a la matiere de vos meditations, je desire que pour l'ordinaire ce soit sur la Vie et
Mort de Nostre Seigneur, car ce sont les plus aysees et les plus proufitables. Les livres que je vous
conseille, ce sont Bruno, Jesuite ; Capiglia, Chartreux ; Bellintani, Capucin846 ; mais sur tout
Grenade, au Vray Chemin847, pour ce commencement. Bruno et Capiglia vous pourront servir pour
les festes et Dimanches, et les autres deux le long de la semaine. Mais quoy que vous voyies [en]
ces autheurs qui sont excellens, ne vous departes point de la forme que je vous ay envoyee.
Faites tous-jours l'entree de l'orayson en vous mettant en la presence de Dieu, l'invoquant
et proposant le mystere ; et apres les considerations, faites tous-jours les actes des affections, non
pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions ; apres cela l'action de graces, l'offre, la
priere ; en fin lisés bien le petit memorial que je vous envoye et le prattiqués.
Quant a la meditation de la mort, du jugement et de l'enfer, elle vous sera fort utile, et vous
en treuveres les matieres en Grenade bien au long. Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces
meditations la des quatre fins se finissent toutes par l'esperance et confiance en Dieu, et non pas
par la crainte et l'effroy ; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout
celles de la mort et de l'enfer. Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et
l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous
vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser
par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance : O port de mes esperances,
ah, vostre sang me garentira ; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres848. Retires vous en
cette affection, remerciant nostre Sauveur de son sang, l'offrant a son Pere pour vous delivrer et le
priant qu'il vous l'applique. Mais ne faillés pas a tous-jours finir par l'esperance, autrement vous
ne retireries nul prouffit de telles meditations. Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais
vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance ; car c'est la vertu la plus requise pour
impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus. Vous pourres donq faire ces meditations des quatre
fins de l'homme tous les trois mois une fois, et ce en quatre jours.
Pour l'ordre de prier la journee, il me semble de vous avoir asses esclaircie en ce petit
memorial que je vous envoye. Je vous le diray neanmoins icy un petit plus particulierement.
Sçachant que vous estes fort matineuse, je dis que le matin, estant levee, vous deves faire vostre
meditation, et l'exercice du matin que j'ay appellé preparation, a la charge que le tout ne durera au
plus que trois quartz d'heure, ne desirant pas que la meditation et l'exercice arrivent a une heure.
Apres cela vous pouves disposer de vos affaires de ce jour-la jusques a l'Office, s'il y a du tems.
A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre Chapelet qu'aucune autre priere vocale
; et, le disant, vous le pourres rompre quand il faudra observer les pointz que je vous ay marqué, a
l'Evangile, au Credo, a l'Eslevation, et puis reprendre ou vous aves laissé. Et ne doutés nullement
qu'il n'en sera que mieux dit par toutes ces interruptions ; et si vous ne le pouves achever a la
Messe, ce sera a quelque heure du jour, et ne sera besoin que de poursuivre ou vous aures laissé.
Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire [334] dire le Benedicite et les
Graces ecclesiastiques qui sont a la fin du Breviaire ; et cela vous le pourres introduire au meste
tems que vous introduires le Breviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire
que chaque Dame le die a son tour ; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous
l'observions. Estant a Annessy, je l'observe tous-jours. Un petit devant le souper il vous seroit fort
utile de prendre demi quart d'heure de recueillement a remascher la meditation du matin, sinon
qu'a cette heure-la on dist Complies au Monastere.
Le soir avant que d'aller coucher, j'appreuve que si l'eglise n'est point esloignee de vos
845 Madame Brulart.
846 Vide supra, pp. 268, 269.
847 Le Vray Chemin et adresse pour parvenir a la grace de Dieu, par Louis de Grenade. Traduict de l'espagnol en
françois par François Belle-Forest. Anvers, 1597.
848 Ps. CXVIII, 94.
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chambres, ni trop incommode, vous y allies toutes ensemble, et qu'estans arrivees et mises a
genoux et en la presence de Dieu, la semainiere fasse l'office de l'examen de conscience en cette
sorte : Pater noster, et dire secrettement le reste ; Ave Maria et Credo, et a la fin : carnis
resurrectionem, vitam æternam. Amen. Puis toutes ensemble le Confiteor jusques a mea culpa, et
s'arrester un petit demii quart d'heure a faire l'examen, puis achever mea culpa, et le reste,
Misereatur et Indulgentiam. Apres cela les Litanies de Nostre Dame, et apres, l'orayson de Nostre
Dame, ou celle qui est apres : Visita, quæsumus, Domine, habitationem, et ce qui s'ensuit. Apres
cela : In pace in idipsum849 ; les autres respondent : Dormiam et requiescam. Benedicamus Domino
; Deo gratias. Requiescant in pace. Et des cette heure-la, que chacune se retire a sa celle, apres
s'estre saluees toutes ensemble.
Au demeurant, ma chere Dame, sur tout il faut que vous la premiere, et puis les autres,
tenies un ordre non seulement pour les Offices, mais aussi pour s'aller coucher et lever ; autrement
vous ne pourres pas continuer en santé : et cela s'observe en toutes assemblees. Les veillees du soir
sont dangereuses pour la teste et l'estomach. Je conseillerois que le disner ne fust point plus tard
que dix heures, ni le souper que six, ni le coucher que de neuf a dix, et le lever entre quatre et cinq,
si quelque complexion particuliere ne requiert davantage de tems pour dormir ou n'en puisse pas
tant dormir. Mais [334] il faut que, pour n'en pas tant dormir, la cause soit bien reconneuë ; car
entre les filles, il semble que six heures soyent presque requises, et voulant faire autrement on
demeure sans vigueur le long de la journee.
Ne faites point l'orayson mentale apres disner, si ce n'est quatre heures apres, ni jamais
apres souper. Aux jours de jeusne on peut faire collation a sept heures ; et pour le regard du jeusne,
pour vous, il suffira de commencer par le vendredy et vous en contenter pour quelque tems, et
mesmement parce qu'il faut que vous soyes avec les autres et qu'il faut les conduire petit a petit.
Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous,
obeissant soigneusement au medecin, et croyes que c'est une mortification aggreable a Dieu ; et
quand vos Seurs le seront, soyes fort affectionnee a les visiter, secourir et faire servir et consoler.
Mesme s'il y en a de maladives, monstrés leur une tendre compassion, les dispensant aysement des
charges de l'Office, selon que vous jugeres convenable, car cela les gaignera infiniment.
Pour le regard des Communions et Confessions, je treuve bon que ce soit tous les huit jours,
et que le soir du samedi vous adjousties au Visita l'orayson du Saint Sacrement. Je vous envoye un
petit formulaire de Confession que j'ay dressé expres pour vous. Je n'y metz pas tout, mays
seulement ce que j'ay creu a propos pour vostre instruction. Vous le pourres communiquer a
madame Bruslart et de Chantal, et aux Religieuses que vous verres disposees a en faire prouffit.
Je n'ay pas icy les livres qui en traittent, et peut estre le disent-ilz mieux que moy ; mais il n'importe
: si vous le treuves ailleurs, tant mieux.
Quant a la reformation de vostre Mayson, ma chere Fille, il faut que vous ayes un cœur
grand et qui dure. Je vous voy dedans, sans doute ; si Dieu vous donne sa grace et quelques annees
de vie, ce sera vous qui seres employee de la divine Providence a cette sacree besoigne, et sans
beaucoup de peyne. Cela me plaist que vous estes peu de filles, la multitude engendre confusion.
Mais comment commenceres vous ? [336]
Voyci mes pensees. L'exacte reformation d'un monastere de filles consiste en l'obedience
bien observee, la pauvreté et la chasteté. Il vous faut bien garder de donner ni peu ni prou aucune
alarme de vouloir reformer ; car cela ferroit que tous les espritz chatouilleux dresseroyent leur
larmes contre vous et se roidiroyent. Sçaves vous ce qu'il faut faire ? Il faut que d'elles mesmes
elles se reformement sous vostre conduitte et qu'elles se lient a l'obeissance et pauvreté. Mais
comme quoy ? Allés de loin a loin, gaignés ces jeunes plantes qui sont la et leur inspirés l'esprit
d'obeissance ; et pour ce faire usés de trois ou quatre artifices.
Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres,
et ce devant les autres ; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance
avec des termes d'amour : Ma chere Seur, ou Fille, et semblables ; et plustost leur dire avant que
849 Ps. IV, 9.
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de le faire : Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu ?
Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois
admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.
Ce sont : Platus, Du Bien de l'Estat religieux, lequel est traduit en françois et impunie a Paris850 ;
Le Gerson des Religieux, composé par le Pere Pinel, imprimé a Lion et a Paris851 ; Le Desirant ou
Thresor de Devotion, imprimé a Paris et a Lion. Item, parler souvent de l'obedience, non pas
comme la desirant d'elles, mays comme desirant de la rendre a quelqu'un. Par exemple : Mon Dieu,
que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont
bien plus ayses ! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs
actions sont bien plus aggreables a Dieu ; et semblables petites amorces.
Le troysiesme c'est de commander si doucement et amiablement qu'on rende l'obeissance
aymable ; et, apres qu'elles vous auront obei, adjouster : Dieu vous veuille recompenser de cette
obeissance. Et ainsy vous tenir fort humble.
Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis
et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de
commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter
des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont
Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout. Et je suis experimenté de semblables
accidens pour les avoir veuz advenir en France, en des Monasteres ou il n'y a pas eu peu de peyne
d'apayser ces orages.
J'en dis de mesme de la pauvreté. Il faut les y conduire petit a petit, en sorte qu'inspirees en
cette douce façon, dans quelque tems toutes leurs pensions soyent mises ensemble en une bourse,
de laquelle on tirera tout ce qui sera necessaire, esgalement et a propos, selon la necessité d'une
chacune, comme il se fait en plusieurs monasteres de France que je sçay. Mais pourtant il ne faut
donner nulle alarme de tout cela, ains les y conduire par des douces et souëfves inspirations, a
quoy aussi serviront les livres susditz.
Quant a la chasteté il faut commencer ainsy : tesmoigner vous mesme que vous n'estes
jamais si contente que quand vous estes seule avec elles ; qu'il vous semble que c'est la plus grande
consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs ; que vous
voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles ; qu'aussi
bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes
ça et la et se mocquer des Religieuses ; et semblables petites inspirations. Mays que ce soit en sorte
qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles
seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrees des mondains ; et en fin, un jour
(il suffira bien si c'est apres une annee, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en
ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure.
Je suis consolé de sçavoir que presque tout est de jeunesse, car cet aage est propre a recevoir
les impressions. Au monastere de Montmartre, pres Paris, les jeunes, avec leur Abbesse encores
plus jeune, ont fait la reformation852.
Quand vous rencontreres des difficultés et contradictions, ne vous essayes pas de les
rompre, mais gauchisses dextrement et pliés ; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent
pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres. Ne tesmoignes pas de
vouloir vaincre ; excusés en l'une son incommodité, en l'autre son aage, et dites le moins qu'il vous
sera possible que c'est faute d'obeissance. Mais dites moy, estimés vous peu ce que vous aves des-
850 Platus (Piatti) Jérôme, Jésuite milanais, mort en 1591. La première édition de son livre parut en 1601. Voici le titre
de la seconde : Trois livres du Bien de l'Estat religieux, faicts latins par H. Platus, et françois par Philippe le Bel,
curé de Luzarches. Seconde edition, Paris, MDCVII.
851 Pinelli Luc, Jésuite italien, entré dans la Compagnie en 1562, mort en 1607. Le Gerson de la Perfection religieuse,
et de l'Obligation que chaque Religieux a de l'acquerir. Composé par le R. P. Lucas Pinelli, de Melfe, de la Compagnie
de Jesus, et en cette seconde Edition reveu par l'Autheur et augmenté presque par tout, nommement au quatriesme
Livre. Le tout nouvellement traduit de l'Italien en François. A Lyon, par Jean Pillehotte, a l'enseigne du Nom de Jesus.
MDCIV.
852 Vide supra, p. 171.
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ja fait pour l'Office, pour la table, pour le voile et semblables choses ? Seigneur Jesus ! Nostre
Seigneur demeura trois ans et demi a former le college de ses douze Apostres, encores y avoit il et
un traistre et beaucoup d'imperfections quand il mourut. Il faut avoir un cœur de longue haleyne ;
les grans desseins ne se font qu'a force de patience et de longueur de tems ; les choses qui croissent
en un jour se perdent en un autre. Courage donq, ma bonne Fille, Dieu sera avec nous.
Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree,
pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence ; et si elle vient en cette sorte,
elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part
aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en
contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang,
qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument. En particulier, je suis bien d'advis que vous
relevies son esprit avec douceur et que vous invities a en faire de mesme toutes les Dames, car
l'Apostre dit tout net853 que les plus spirituelz doivent relever les defaillans en esprit de douceur,
quand ilz viennent en esprit de penitence. Ainsy faut-il mesler la justice avec la bonté, a la façon
de nostre bon Dieu, a fin que la charité soit exercee et la discipline observee.
Je treuverois bon que l'exercice de l'examen ne se fist qu'une grosse demie heure ou trois
quartz d'heure apres souper, et que pendant les trois quartz d'heure on fist un peu de recreation a
deviser honnestement, voire a chanter des chansons spirituelles, au moins pour ce commencement.
Vos jeunes filles doivent estre communiees pour le plus tard a onze ans, presupposant
qu'elles ayent la connoissance qu'ordinairement l'on a en ce tems la. Et la premiere fois qu'elles
communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la reverence
qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Breviaire pour en remercier
Dieu toutes les annees suivantes.
Voyla, ce me semble, que je vous ay respondu a tout ce que vous me demandies, Madame
ma chere Seur. Il me reste a vous dire que, sans ceremonie, je suis entierement vostre et de toute
vostre Abbaye, ou j'espere voir un jour fleurir de toutes pars la sainte devotion ; en ce que je
pourray, je contribueray et ce que Dieu me donnera d'esprit et mes foibles prieres. Je ne manque
jamais de vous loger amplement en la memoire de la sainte Messe, et croyes que si vous vous
desires pres de moy, je me desire bien aussi pres de vous. Mais nous sommes asses pres, puisque
Dieu nous joint au desir de le servir ; demeurons en Dieu, et nous serons ensemble. Je le supplie
de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos
Religieuses, que je saluë et prie de ne point m'oublier en leurs [340] oraysons, mays de me donner
quelques uns des souspirs de devotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur esperance. Amen.
Je suis, Madame ma tres chere Seur,
Vostre frere et serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Sales, le jour de saint Denys 1604.
Prenes en bonne part, je vous prie, ma façon d'escrire si grossiere ; je n'escris qu'a854
_____
853 Galat., VI, 1.
854 Ce post-scriptum inachevé ne figure que sur un tiré à part de cette lettre jusque-là inédite, publié à Paris en 1678.
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CCXXXII. A la même. Promesse de l'aider dans la réforme de
son monastère. Recourir aux conseils du P. de Villars.
Demande de prières pour l'Evêque de Saluces récemment
décédé. Livres qu'il serait utile à l'Abbesse de consulter.
Mme de Boisy projette de placer sa fille au Puits-d'Orbe
Sales, 13 octobre 1604.
Madame ma tres chere Seur et Fille en Nostre Seigneur,
Je vous veux mettre icy quelques pointz a part, que je desire vous estre particuliers. Je vous
supplie par les entrailles de Nostre Seigneur de croire, sans aucunement douter, que je suis
entierement et irrevocablement au service de vostre ame, et que je m'y employeray de toute
l'estendue de mes forces, avec toute la fidelité que vous sçauries jamais souhaitter. Dieu le veut, et
je le connois fort bien ; je ne puis rien dire davantage. Sur ce bon fondement j'appliqueray mon
esprit et mes prieres a penser en tout ce qui sera utile et requis pour faire une parfaitte reformation
de tout vostre Monastere ; ayés seulement un grand courage et plein d'esperance. C'est tout ce qu'il
nous faut pour le present, car vous seres assaillie sans [341] doute ; mais avec l'esprit d'une douce
vaillance nous chevirons de ce bon dessein, Dieu aydant. Et pour le present, il faut bien establir
l'interieur de vos Seurs et le vostre sur tout, car c'est la vraye et solide methode ; et dans quelque
tems nous establirons l'exterieur, a l'edification de plusieurs ames. Croyés que j'y penseray a bon
escient.
Quant au desir que vous aves de refaire vos vœux entre mes mains et m'en envoyer un
escrit, puisque vous estimes que cela vous donnera tant de repos, j'en suis content, pourveu que
vous adjousties a l'escrit cette condition, a l'endroit ou vous parleres de moy : « sauf l'authorité de
tous legitimes Superieurs ; » et ne faut pas que rien de cela se sçache.
J'escris a Monsieur vostre pere et le mien une lettre propre, a mon advis, pour gaigner son
esprit a nostre dessein, lequel je ne luy depeins pas si grand comme il est parce que cela le
rebuteroit luy estant proposé tout a coup, et petit a petit il le goustera indubitablement. Je me
dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire
de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy. Je sçai que vous me tenes pour
trop vostre pour interpreter aucune chose venante de moy qu'a bien et a droitte intention. Il faut
avoir patience en ce qu'il veut ses opinions estre suivies, car il fait tout par exces d'amitié, et j'espere
qu'ainsy comme je luy escris nous gaignerons beaucoup sur luy. J'escris un mot a Madame vostre
seur855, que je ne puis qu'aymer extremement, estant ce qu'elle est. Monsieur vostre pere me semble
le desirer par la lettre qu'il m'a escritte.
J'ay bien peur que l'escrit de la meditation856 ne soit si mal fait que vous ne sachies pas le
lire ; vous prendres la peyne, s'il vous plaist, de le faire mettre au net pour le pouvoir lire avec plus
de fruit. J'estois si indisposé quand je le fis escrire, que je ne peus y mettre la main pour l'escrire,
me contentant de le dicter.
Il n'y a nulle apparence humaine que je puisse jamais avoir la consolation de voir le Puis
d'Orbe ; mais le grand desir duquel je suis porté a vostre service spirituel me [342] fait esperer que
Nostre Seigneur m'y conduira par sa providence quand il en sera tems, si ma chetifve cooperation
est requise a vostre bon dessein.
Perseverés a faire lire a la table, et mesme quelquefois en vostre chambre, en compaignie
de vos Seurs. Il faut disposer petit a petit la matiere de l'entiere reformation, et la plus grande
preparation c'est de rendre les cœurs doux, traittables et desireux de la perfection. Prevales-vous
855 Vide Epist. seq.
856 Vide supra, p. 333.
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de l'assistence du bon Pere de Villars857, lequel, en response du billet que je vous donnay a Saint
Claude858, m'escrit qu'il aura un particulier soin de vous servir. Vous feres bien de vous arrester
aux devotions que je vous ay presentees et de ne point varier sans m'en advertir ; Dieu aura
aggreable vostre humilité en mon endroit et vous les rendra fructueuses.
Monsieur l'Evesque de Saluces, est decedé despuis peu859. C'estoit l'un des plus grans
serviteurs de Dieu qui l'ust de cet aage, et de mes plus intimes amis ; il fut fait Evesque en un
mesme jour avec moy. Je vous demande un Chapelet pour son repos, car je sçai que si je fusse
trespassé devant luy, il m'en eust fait faire la charité [343] comme cela par tout ou il eust eu du
credit. Si j'eusse eu le tems a moy, je vous eusse escrit en meilleur ordre ; mais tout ce que j'escris
ce n'est que par morceaux, selon le loysir que je puis avoir. Croyés que j'ay bien besoin de vos
prieres.
Les livres que vous pouves avoir pour le present, sont : Platus, Du Bien de l'Estat de
religion ; Le Gerson des Religieux, de Luc Pinel860 ; Paul Morigie, De l'institution et
commencement des Religions861 ; les Œuvres de Grenade, imprimees nouvellement a Paris862 ;
Bellintani, De l'Orayson mentale863, les Meditations de Capiglia, Chartreux864 ; celles de saint
Bonaventure ; Le Desirant ; les Œuvres de François Arias et sur tout l'Imitation de Nostre Dame865
; les Œuvres de la Mere Therese ; le Catechisme spirituel de Cacciaguerre et ses autres Œuvres866.
Cela vous suffira, ou une partie, avec ceux que je sçai que vous aves des-ja.
Dieu, ma tres chere Seur, soit vostre conducteur, protecteur et conservateur, vostre
pretention et vostre confiance. Amen.
Vostre serviteur tres asseuré en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Madame, j'oubliois presque de vous dire que ma mere et moy avons fait un projet de vous
envoyer apres l'hiver prochain ma jeune seur que vous vistes a Saint Claude867, [344] en intention
857 Le P. Jean de Villars, né à Lyon le 20 janvier 1560, était entré dans la Compagnie de Jésus le 8 septembre 1577. Il
fit la profession des quatre vœux le 24 août 1602, et mourut dans sa ville natale le 23 avril 1626. Bien qu'il fût doué
de grands talents pour la chaire, ses supérieurs l'occupèrent de préférence à la direction des collèges. Il était en 1604
recteur à Dijon. Ses vertus, sa prudence, son expérience des voies intérieures lui acquirent l'amitié de saint François
de Sales et la confiance de plusieurs personnes de haute piété. La Baronne de Chantal entre autres le choisit pour
confesseur, et c'est même à sa persuasion qu'elle se rangea définitivement sous la conduite du saint Evêque de Genève.
858 Dans les derniers jours du mois d'août précédent, l'Evêque de Genève avait fait un pèlerinage à Saint-Claude en
compagnie de sa mère et de sa jeune sœur. Il y avait donné rendez-vous à la baronne de Chantal et à ses pieuses amies,
l'Abbesse du Puits-d'Orbe et la présidente Brûlart.
859 Juvénal Ancina, décédé le 31 août de cette même année. (Voir ci-dessus, note (24), p. 7.) Comment expliquer cette
assertion de saint François de Sales : » Il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy, » quand on sait qu'il a été lui-
même préconisé le 15 juillet et sacré le 8 décembre 1602, et son ami, préconisé le 26 août et sacré le 1er septembre de
la même année ? Peut-être Clément VIII avait-il eu le projet de les promouvoir tous deux en même temps, et, averti
de ce projet, le Saint ne l'aurait pas été des difficultés qui auraient pu en empêcher l'exécution. Dans une lettre au
bienheureux Juvénal Ancina lui-même (voir ci-dessus, p. 160) il est beaucoup moins affirmatif à cet égard.
860 Vide supra, p. 337.
861 Morigia Paul, Jésuate milanais, Général de son Ordre (1525-1604). Historia dell' origine di tutte le Religioni, libri
III. Venezia, Zoppio, 1569, 1581.
862 Idem, p 169, n. (381).
863 Idem, p. 190, n. (442).
864 Idem, p. 269, n. (601).
865 Idem, p. 190, n. (437).
866 Buonsignore Cacciaguerra (1495-1566) est l'un des compagnons de saint Philippe de Néri des plus
recommandables par son savoir et sa sainteté. Il a laissé plusieurs ouvrages spirituels très appréciés, mais aucun ne
porte le titre indiqué ici par le Saint. Le livre en question est évidemment le Dialogo spirituale del venerabile prete
Buonsignore Cacciaguerra, con la lettera a Felice, vergine di Barbarano, sua penitente. Venezia, Farri, 1575. Ce
livre, sous forme de demandes et de réponses, contient des enseignements théologiques et ascétiques pleins de sagesse
et d'onction. On doit au même auteur les Traités de la Sainte Communion et de la Tribulation, des Lettres spirituelles,
et la Vita di Felice di Barbarano.
867 Jeanne de Sales, treizième et dernier enfant de Mme de Boisy, était alors âgée de onze ans. (Voir le tome précédent,
note (101), p. 33.) Au mois de juin suivant elle fut effectivement envoyée au Puits-d'Orbe et y resta plus d'une année.
Mais comme elle n'éprouvait aucun attrait pour la vie religieuse, on la retira du Monastère. Après l'avoir laissé
séjourner quelque temps à Dijon auprès de la présidente Brûlart, sœur de l'Abbesse, Mme de Boisy voulut confier sa
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22.10 Page 220

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que si Dieu la favorise de l'inspiration d'estre Religieuse, elle le soit, le tems estant venu, par vostre
grace et assistence ; trop heureuse qu'elle sera d'arriver en cette Mayson-la a mesme tems que la
devotion s'y allumera. Que si elle n'est pas digne de ce lieu, ou moy de ce contentement, au moins
aura-elle ce bonheur, ou qu'elle aille, d'avoir esté en si bon lieu. Et le tout se fera, Dieu aydant,
sans aucune incommodité de personne, sinon celle de son esprit. Voyés, Madame ma chere Seur,
si nous voulons nous obliger bien estroittement a vostre service ; cela dit sans ceremonie.
Le 13 octobre 1604.
_____
fille à la baronne de Chantal. Elle n'y demeura pas longtemps ; une courte maladie l'emporta dans sa quatorzième
année (8 octobre 1607). La fin prématurée de cette jeune sœur a inspiré à saint François de Sales quelquesunes des
pages les plus touchantes qui soient tombées de sa plume.
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23 Pages 221-230

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23.1 Page 221

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CCXXXIII. A la Présidente Brulart. Quand faudrait-il refaire
une confession générale. Qu'est-ce que la dévotion. Deux
choses qu'une chrétienne doit observer « pour estre vrayement
devote. » Promptitude requise dans leur observance ;
quelques réflexions pour l'acquérir. Pratiques proposées pour
chaque jour. Il faut rendre la dévotion « fort avmable, »
surtout à notre famille
Sales, [13 octobre] 1604.
Madame,
Ce m'a esté un extreme contentement d'avoir eu et veu vostre lettre ; je voudrois bien que
les miennes vous en peussent donner un reciproque, et particulierement pour le remede des
inquietudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre separation. Dieu me veuille inspirer.
Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession
generale toutes [345] les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en
avois reçeu qui m'eust plus entierement contenté. C'est la vraye verité, Madame ma chere Seur ; et
croyes qu'en telles occasions je parle fort purement. Que si vous aves omis quelque chose a dire,
considerés si ç'a esté a vostre escient et volontairement ; car en ce cas la, vous devries sans doute
refaire la confession, si ce que vous auries omis estoit peché mortel, ou que vous pensassies a cette
heure la que ce le fust. Mais si ce n'est que peché veniel, ou que vous l'ayes omis par oubliance et
defaut de memoire, ne doutés point, ma chere Seur ; car, au peril de mon ame, vous n'estes
nullement obligee de refaire vostre confession, ains suffira de dire a vostre confesseur ordinaire le
point que vous aures omis : de cela j'en respons. N'ayés pas crainte non plus de n'avoir pas apporté
tant de diligence qu'il failloit a vostre confession generale ; car je vous redis fort clairement et
asseurement que si vous n'aves point fait d'omission volontaire, vous ne deves nullement refaire
la confession, laquelle, pour vray, a esté tres suffisamment faitte ; et demeurés en paix de ce costé
la. Que si vous en conferes avec le Pere Recteur868, il vous en dira le mesme, car c'est le sentiment
de l'Eglise nostre mere.
Toutes les regles du Rosaire et du Cordon n'obligent nullement ni a peché mortel ni a
veniel, ni directement ni indirectement ; et, ne les observant pas, vous ne pecheres non plus que de
laisser une autre sorte de bien a faire. Ne vous en mettes donq nullement en peyne, mays serves
Dieu gayement et en liberté d'esprit.
Vous me demandes le moyen que vous deves tenir pour acquerir la devotion et paix de
l'esprit. Ma chere Seur, vous ne me demandes pas peu ; mais je m'essayeray de vous en dire quelque
chose, car je vous le dois. Mais remarqués bien ce que je vous diray. La vertu de devotion n'est
autre chose qu'une generale inclination et promptitude de l'esprit a faire ce qu'il connoist estre
aggreable a Dieu ; c'est cette dilatation de cœur de laquelle David [346] disoit869 : J'ay couru en la
voye de vos commandemens quand vous aves estendu mon cœur. Ceux qui sont simplement gens
de bien cheminent en la voye de Dieu ; mays les devotz courent, et quand ilz sont bien devotz, ilz
volent. Maintenant je vous diray quelques regles qu'il faut observer pour estre vrayement devote.
Il faut avant toutes choses observer les commandemens generaux de Dieu et de l'Eglise,
qui sont establis pour tout fidelle chrestien, et sans cela il n'y peut avoir aucune devotion au monde
: cela, chacun le sçait. Outre les commandemens generaux, il faut soigneusement observer les
commandemens particuliers qu'un chascun a pour le regard de sa vocation ; et quicomque ne le
868 Le P. de Villars (voir ci-dessus, (857), p. 343).
869 Ps. CXVIII, 32.
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fait, quand il feroit resusciter les mortz, il ne laisse pas d'estre en peché, et damné, s'il y meurt.
Comme, par exemple, il est commandé aux Evesques de visiter leurs brebis, les enseigner,
redresser, consoler : que je demeure toute la semayne en orayson, que je jeusne toute ma vie, si je
ne fay cela je me pers. Qu'une personne face miracle estant en estat de mariage, et qu'elle ne rende
pas le devoir de mariage a sa partie ou qu'elle ne se soucie point de ses enfans, elle est pire
qu'infidelle, dit saint Paul870 ; et ainsy des autres.
Voyla donq deux sortes de commandemens qu'il faut soigneusement observer pour
fondement de toute devotion ; et neanmoins la vertu de devotion ne consiste pas a les observer,
mais a les observer avec promptitude et volontier. Or, pour acquerir cette promptitude, il faut
employer plusieurs considerations.
La premiere, c'est que Dieu le veut ainsy, et est bien la rayson que nous fassions sa volonté,
car nous ne sommes en ce monde que pour cela871. Helas, tous les jours nous luy demandons que
sa volonté soit faitte872, et quand ce vient a la faire nous avons tant de peyne ! Nous nous offrons
a Dieu si souvent, nous luy disons a tous coupz : Seigneur, je suis vostre873, voyla mon cœur ; et
quand il nous veut employer nous sommes si lasches ! Comme pouvons-nous dire que nous
sommes siens si nous ne voulons accommoder nostre volonté a la sienne ? [347]
La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui
sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la
vocation. Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux ? Rien, a la verité, sinon vostre propre
volonté, qui veut regner en vous a quel prix que ce soit ; et les choses que peut estre elle desireroit
si on ne les luy commandoit, luy estant commandees elle les rejette. De cent mille fruitz delicieux,
Eve choisit celuy qu'on luy avoit defendu874, et sans doute que si on le luy eust permis elle n'en
eust pas mangé. C'est, en un mot, que nous voulons servir Dieu, mais a nostre volonté et non pas
a la sienne. Saül avoit commandement de gaster et ruyner tout ce qu'il rencontreroit en Amalech :
il ruyna tout, horsmis ce qui estoit de pretieux, qu'il reserva et en fit sacrifice ; mais Dieu declaira
qu'il ne veut nul sacrifice contre l'obeissance875. Dieu me commande de servir aux ames, et je veux
demeurer a la contemplation : la vie contemplative est bonne, mais non pas au prejudice de
l'obeissance. Ce n'est pas a nous de choysir a nostre volonté ; il faut voir ce que Dieu veut, et si
Dieu veut que je le serve en une chose, je ne doy pas vouloir le servir en une autre. Dieu veut que
Saül le serve en qualité de roy et cappitaine, et Saül le veut servir en qualité de prestre876 : il n'y a
nulle difficulté que celle cy est plus excellente que celle la ; mais neanmoins Dieu ne se paye pas
de cela, il veut estre obei.
C'est grand cas, Dieu avoit donné de la manne aux enfans d'Israël, une viande tres
delicieuse877 ; et les voyla qu'ilz n'en veulent pas, mais recherchent en leurs desirs les aulx et les
oignons d'Egipte878. C'est nostre chetifve nature qui veut tous-jours que sa volonté soit faitte, et
non pas celle de Dieu. Or, a mesure que nous aurons moins de propre volonté, celle de Dieu sera
plus aysement observee.
3. Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et
degoustemens ; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu,
chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres : ceux qui sont Evesques
voudroyent ne l'estre pas ; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le
voudroyent estre. D'ou vient cette generale inquietude des espritz, sinon d'un certain desplaysir
que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait penser que chascun est mieux
que nous ? Mais c'est tout un : quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deça et dela, il
870 I Tim., V, 8.
871 I Petri, IV, 2.
872 Matt., VI, 10.
873 Ps. CXVIII, 94.
874 Gen., III, 1-6.
875 I Reg., XV, 3-23.
876 Ibid.. XIII, 9-13.
877 Exod., XVI, 14-31 ; Num., XI, 7-9 ; Sap., XVI, 20.
878 Num., XI, 4, 5.
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n'aura jamais repos. Ceux qui ont la fievre ne treuvent nulle place bonne ; ilz n'ont pas demeuré
un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre : ce n'est pas le lict qui en peut mais,
c'est la fievre qui les tourmente par tout. Une personne qui n'a point la fievre de la propre volonté
se contente de tout ; pourveu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu
l'employe : pourveu qu'il face sa volonté divine, ce luy est tout un.
Mais ce n'est pas tout. Il faut non seulement vouloir faire la volonté de Dieu, mais pour
estre devot, il la faut faire gayement. Si je n'estois pas Evesque, peut estre que, sachant ce que je
sçay, je ne le voudrois pas estre ; mais l'estant, non seulement je suis obligé de faire ce que cette
penible vocation requiert, mais je doy le faire joyeusement, et doy me plaire en cela et m'y aggreer.
C'est le dire de saint Paul879 : Chascun demeure en sa vocation devant Dieu. Il ne faut pas porter
la croix des autres, mais la sienne ; et pour porter chascun la sienne, Nostre Seigneur veut qu'un
chascun se renonce soy mesme880, c'est a dire a sa propre volonté. Je voudrois bien ceci et cela, je
serois mieux ici et la : ce sont tentations. Nostre Seigneur sçait bien ce qu'il fait ; faysons ce qu'il
veut, demeurons ou il nous a mis.
Mais, ma bonne Fille (permettes moy que je vous parle selon mon cœur, car je vous ayme
comme cela), vous voudries avoir quelque petite prattique pour vous conduire. Outre ce que j'ay
dit qu'il failloit considerer, 1. faites la meditation tous les jours, ou le matin avant disner, ou bien
une heure ou deux avant le souper, et ce, sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur ; et a cest [349]
effect, serves vous de Bellintani, Capucin, ou de Bruno, Jesuite881. Vostre meditation ne doit estre
que d'une grosse demi heure, et non plus, au bout de laquelle adjoustés tous-jours une consideration
de l'obeissance que Nostre Seigneur a exercee a l'endroit de Dieu son Pere, car vous treuveres que
tout ce qu'il a fait il l'a fait pour complaire a la volonté de son Pere882 ; et la dessus, esvertues vous
de vous acquerir un grand amour de la volonté de Dieu.
2. Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui
vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et
fascheuses : les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde. Saint
François et tant de Religieux de nostre aage ont baysé et rebaysé mille fois des ladres et ulcerés ;
les autres se sont confinés es desers ; les autres, sur les galeres avec les soldatz ; et tout cela pour
faire chose aggreable a Dieu. Et qu'est ce que nous faysons qui approche en difficulté a cela ?
3. Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité
que nous avons avec la volonté de Dieu : si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est
la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette
intention la.
4. Je voudrois que souvent parmi la journee vous invoquassies Dieu affin qu'il vous donnast
l'amour de vostre vocation, et que vous dissies comme saint Paul quand il fut converti : Seigneur,
que voules vous que je face883 ? Voules vous que je vous serve au plus vil ministere de vostre
mayson ? Ah, je me reputeray encor trop heureuse : pourveu que je vous serve, je ne me soucie
pas en quoy ce sera. Et venant au particulier de ce qui vous faschera, dites : Voules vous que je
face telle et telle chose ? Helas, Seigneur, encor n'en suis je pas digne ; je le feray tres volontier :
et ainsy, que vous vous humilies fort. O mon Dieu, quel thresor vous acquerres, plus grand sans
doute que vous ne sçauries estimer. [350]
5. Je voudrois que vous considerassies combien de Saintz et Saintes ont esté en vostre
vocation et estat, et qu'ilz s'y sont tous accommodés avec une grande douceur et resignation, tant
au Nouveau qu'en l'Ancien Testament : Sara, Rebecca, sainte Anne, sainte Elizabeth, saintee
Monique, sainte Paule et cent mille ; et que cela vous anime, vous recommandant a leurs prieres.
Il faut aymer ce que Dieu ayme : or, il ayme nostre vocation ; aymons-la bien aussi, et ne
nous amusons pas a penser sur celle des autres. Faysons nostre besoigne ; a chascun sa croix n'est
879 I Cor., VII, 24.
880 Matt., XVI, 24.
881 Vide supra, pp. 268, 269.
882 Joan., V, 30, VI, 38.
883 Act., IX, 6.
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pas trop. Meslés doucement l'office de Marthe a celuy de Magdeleine884 ; faites diligemment le
service de vostre vocation, et souvent revenes a vous mesme et vous mettes en esprit aux piedz de
Nostre Seigneur, et dites : Mon Seigneur, soit que je coure, soit que je m'arreste, je suis toute
vostre, et vous a moy885 ; vous estes mon premier Espoux, et tout ce que je feray, c'est pour l'amour
de vous, et cecy et cela.
Vous verrés l'exercice de l'orayson que j'envoye a Madame du Puis d'Orbe886 : tirés-en une
copie, et vous en prevalés, car je le desire. Il me semble que, faysant le matin une demi heure
d'orayson mentale, vous deves vous contenter d'ouÿr tous les jours une Messe, et, parmi la journee,
lire une demi heure de quelque livre spirituel, comme de Grenade ou de quelque autre bon autheur.
Le soir, faire l'examen de conscience, et, le long de la journee, faire des oraysons jaculatoires.
Lisés fort le Combat spirituel, je vous le recommande. Les Dimanches et festes vous pourres, outre
la Messe, ouÿr Vespres (mais cela sans adstriction) et le sermon.
N'oubliés pas de vous confesser tous les huict jours et quand vous aures quelque grand
ennuy de conscience. Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excedes
point pour le present les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude887 : demeurés ferme, et
communiés spirituellement ; Dieu recevra en conte la preparation de nostre cœur888.
Souvenes vous de ce que je vous ay si souvent dit : laites honneur a nostre devotion ; rendes
la fort aymable [351] a tous ceux qui vous connoistront, mays sur tout a vostre famille ; faites que
chascun en die du bien. Mon Dieu, que vous estes heureuse d'avoir un mari si raysonnable et souple
! vous en devés bien louer Dieu. Quand il vous surviendra quelque contradiction, resignés vous
fort en Nostre Seigneur, et vous consolés sçachant que ses faveurs ne sont que pour les bons ou
pour ceux qui se mettent en chemin de le devenir889.
Au demeurant, sçachés que mon esprit est tout vostre. Dieu sçait si jamais je vous oublie,
ni toute vostre famille, en mes foibles prieres ; je vous ay tres intimement gravee en mon ame.
Dieu soit vostre cœur et vostre vie !
FRANÇS, E. de Geneve.
_____
884 Lucæ, X, 38-43.
885 Cant., II, 16, VI, 2.
886 Vide supra, pp. 333, 342.
887 Idem, p. 343, n. (858).
888 Ps. IX, penult.
889 Cf. II Tim., III, 12.
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23.5 Page 225

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CCXXXIV. A la Baronne de Chantal. Marques de la volonté de
Dieu dans le choix d'un directeur. « Lien admirable » établi
par Dieu entre les deux Saints. Remèdes aux tentations contre
la foi. Exercices de piété à remplir chaque jour : méditation,
audition de la Messe, oraisons jaculatoires, prières du soir,
lecture spirituelle. Usage du jeûne et de la discipline.
Fréquente Communion. Pour l'éducation de ses enfants agir «
a la façon des Anges. » Assistance des pauvres et des
malades. Devoirs envers son père et son beau-père. De
l'esprit de liberté : il est insinué dans le Pater. Signes
auxquels on peut le reconnaître ; défauts qui lui sont opposés.
Exemple de plusieurs Saints. Professer une grande dévotion
envers saint Louis. Mort de l'Evêque de Saluces
Sales, 14 octobre 1604.
VIVE JESUS
Madame,
Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de moyen de me bien faire entendre par cest
escrit comme j'en ay de volonté ; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir
de moy vous series consolee, et particulierement pour les deux doutes que l'ennemy vous [352]
suggere sur lo choix que vous aves fait de moy pour estre vostre pere spirituel. Mais je m'en vay
vous dire ce que je pourray, pour exprimer en peu de paroles ce que je pense vous estre necessaire
sur ce sujet.
Pour le premier, le choix que vous aves fait a toutes les marques d'une bonne et legitime
eslection ; de cela n'en doutés plus, je vous supplie. Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a
porté presque par force et avec consolation ; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y
consentir ; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons
appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent890 ; ce que nous avons donné du
loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal
fondees ; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont
indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu.
Les mouvemens de l'esprit malin ou de l'esprit humain sont bien d'autre condition. Ilz sont
terribles et vehemens, mais sans constance. La premiere parole qu'ilz jettent a l'oreille de l'ame qui
en est agitee c'est de n'ouïr point de conseil, ou, si elle en oyt, que ce soyent des conseilz de gens
de peu et sans experience. Ilz pressent, ilz veulent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté,
et se contentent d'une courte priere, qui ne sert que de pretexte pour establir des choses les plus
importantes.
Il n'y a rien de pareil en nostre fait. Ce n'a esté ni vous ni moy qui en avons fermé le traitté
890 Le P. de Villars (voir ci-dessus, note (857), p. 343).
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23.6 Page 226

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; ç'a esté un troysiesme, qui en cela n'a peu regarder qu'a Dieu seul. La difficulté que j'y apportay
au commencement, qui ne procedoit que de la consideration que j'y devois appliquer, vous doit
entierement resoudre ; car cryés bien que ce n'estoit pas faute de tres grande inclination a vostre
service spirituel (je l'avois indicible), mais parce qu'en chose de telle consequence je ne voulois
suivre ni vostre desir ni mon inclination, ains Dieu et sa provividence. Arrestes-vous la, je vous
supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet ; dites luy hardiment que c'est Dieu qui
l'a voulu et qui l'a fait891. Ce fut Dieu qui vous embarqua en la premiere direction, propre a vostre
bien en ce tems la ; c'est Dieu qui vous a portee a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit
indigne, il vous rendra fructueuse et utile.
Pour le second, ma tres chere Seur, sçachés que, comme je viens de dire, des le
commencement que vous conferastes avec moy de vostre interieur Dieu me donna un grand amour
de vostre esprit. Quand vous vous declarastes a moy plus particulierement, ce fut un lien admirable
a mon ame pour cherir de plus en plus la vostre, qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a
vous892, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affection que je sentois en mon esprit,
et sur tout en priant Dieu pour vous. Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine
qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble ; mais seulement son effect est une grande
suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres
benedictions spirituelles. Non, je n'adjouste pas un seul brin a la verité, je parle devant le Dieu de
mon cœur893 et du vostre. Chasque affection a sa particuliere difference d'avec les autres ; celle
que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est
extremement prouffitable. Tenes cela pour une tres veritable verité et n'en doutés plus. Je n'en
voulois pas tant dire, mais un mot tire l'autre, et puis je pense que vous le mesnageres bien.
Grand cas ce me semble, ma Fille : la sainte Eglise de Dieu, a l'imitation de son Espoux,
ne nous enseigne point de prier pour nous en particulier, mais tous-jours pour nous et nos freres
Chrestiens : « Donnés nous, » dit elle, « accordés nous, » et en semblables termes qui en
comprennent plusieurs. Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler generale, de porter
mon esprit a aucune personne particuliere : despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de
nous, plusieurs particulieres personnes qui se sont recommandees a moy me viennent [354] en
memoire ; mais vous, presque ordinairement la premiere, et quand ce n'est pas la premiere, qui est
rarement, c'est la derniere pour m'y arrester davantage. Se peut-il dire plus que cela ? Mais, a
l'honneur de Dieu, que ceci ne se communique point a personne ; car j'en dis un petit trop, quoy
qu'avec toute verité et pureté. En voyla bien asses pour respondre cy apres a toutes ces suggestions,
ou au moins pour vous donner courage de vous mocquer de leur autheur et luy cracher au nés. Je
vous diray le reste un jour, ou en ce monde ou en l'autre.
Pour le troysiesme, vous me demandes les remedes au travail que vous donnent les
tentations que le malin vous fait contre la foy et l'Eglise ; car c'est cela que j'entens. Je vous en
diray ce que Dieu me donnera. Il faut, en cette tentation, tenir la posture que l'on tient en celle de
la chair : ne disputer ni peu ni prou, mais faire comme faysoyent les enfans d'Israël des os de
l'Aigneau pascal, qu'ilz ne s'essayoient nullement de rompre, mays les jettoyent au feu894. Il ne faut
nullement respondre ni faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit ; qu'il clabaude tant qu'il
voudra a la porte, il ne faut pas seulement dire : Qui va la ? Il est vray, ce me dires-vous, mais il
m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser.
C'est tout un ; patience, il se faut parler par signes : il se faut prosterner devant Dieu et demeurer
la devant ses piedz ; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que
vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler. Mays sur tout tenes vous bien
fermee dedans, et n'ouvres nullement la porte, ni pour voir qui c'est ni pour chasser cet importun ;
en fin il se lassera de crier et vous laissera en paix. Il en seroit tantost tems, me dires-vous.
891 Cf. Pss. CXIII, 11, CXXXIV, 6.
892 Vide supra, p. 262.
893 Ps. LXXII, 26.
894 Exod., XII, 10, 46 ; Joan., XIX, 36.
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Je vous prie, ayés un livre intitulé De la Tribulation, composé par le P. Ribadeneira895 en
espagnol et traduit en françois (le Pere Recteur vous dira ou il est imprimé), [355] et le lisés
soigneusement. Courage donques, le tems en sera tantost : pourveu qu'il n'entre point, il n'importe.
C'est cependant un tres bon signe que l'ennemy batte et tempeste a la porte, car c'est signe qu'il n'a
pas ce qu'il veut. S'il l'avoit eu, il ne crieroit plus ; il entreroit et s'arresteroit. Notés cela pour ne
point entrer en scrupule.
Apres ce remede je vous en donne un autre. Les tentations de la foy vont droit a
l'entendement pour l'attirer a disputer, a resver et songer la dessus. Sçaves vous ce que vous feres
pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir escalader l'intellect ? Sortés par la porte de la volonté et
luy faites une bonne charge ; c'est a dire, comme la tentation de la foy se presente pour vous
entretenir : Mais comment se peut faire cecy ? mais si cecy, mais si cela ? faites qu'en lieu de
disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et
mesme joignant a la voix interieure l'exterieure, criant : Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé
l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz ! Desloyal, infidelle, perfide, tu
presentas a la premiere femme la pomme de perdition896, et tu veux que j'y morde. Arriere, o Satan
; il est escrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu897. Non, je ne disputeray point, ni
contesteray. Eve voulant disputer se perdit ; Eve le fit et fut secluitte. Vive Jesus en qui je croy
vive l'Eglise a laquelle j'adhéré ! et semblables paroles enflammees. Il en faut dire aussi a Jesus
Christ et au Saint Esprit, telles qu'il vous suggerera, et mesme a l'Eglise : O mere des enfans de
Dieu, jamais je ne me separeray de vous ; je veux mourir et vivre en vostre giron.
Je ne sçai si je me fay bien entendre. Je veux dire qu'il faut se revancher avec des affections
et non pas avec des raysons, avec des passions et non pas avec des considerations. Il est vray qu'en
ce tems de tentation la pauvre volonté est toute seche ; mays tant mieux, ses coupz seront tant plus
terribles a l'ennemy, lequel voyant qu'en lieu de retarder vostre advancement il vous donne sujet
d'exercer mille affections vertueuses, et particulierement de la protestation de la foy, il vous
laissera en fin finale. [356]
En troysiesme lieu, il sera bon d'appliquer quelquefois cinquante ou soixante coupz de
discipline, ou trente, selon que vous seres disposee. C'est grand cas comme cette recette s'est
treuvee bonne en une ame que je connois. C'est sans doute que le sentiment exterieur divertit le
mal et l'affliction interieure, et provoque la misericorde de Dieu ; joint que le malin voyant que
l'on bat sa partisane et confederee, la chair, il craint et s'enfuit. Mais de ce troysiesme remede il en
faut user moderement, et selon le prouffit que vous en verrés reuscir par l'experience de quelques
jours.
Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut
s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture898 : Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant
esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté
avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience ; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera
le calme. Mais sur tout serves-vous du premier et second remede.
Pour le quatriesme point, je ne veux point changer les offres que vous fistes la premiere
fois que vous voüastes, ni la place qui vous fut donnee, ni tout le reste.
Quant a vos prieres quotidiennes, voyci mon advis. Le matin, faites la meditation avec la
preparation, telle que je l'ay marquee en l'escrit que j'envoye a cette intention899. Adjoustés le Pater
noster, l'Ave Maria, le Credo, le Veni Creator Spiritus, l'Ave maris Stella, l'Angele Dei et une
courte orayson pour les deux saintz Jan et les deux saintz François d'Assise et de Paule, que vous
treuveres dans le Breviaire, ou peut estre les aves vous des-ja dans le livret que vous penses
m'envoyer. Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale : « Sainte Marie et tous les Saintz,
895 Ribadeneira Pierre, Jésuite espagnol (1527-1611). Traicté de la Tribulation, escrit en Espagnol... nouvellement mis
en François par le R. P. François Solier de la mesme Compagnie. Douay, Baltazar Bellere, 1599 ; Paris, 1600.
896 Gen., III, 1-6.
897 Matt., IV, 10, 7.
898 Jacobi, I, 12.
899 Vide supra, pp. 333, 342, 351.
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veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés
par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles. Amen. » Sancta Maria et omnes Sancti, intercedi
te pro nobis ad Dominum, ut nos mereamur ab eo adjuvari et salvari qui vivit et regnat in sæcula
[357] sæculorum. Amen900. Ayant salué les Saintz qui sont au Ciel, dites un Pater noster et l'Ave
pour les fidelles trespassés et un autre pour tous les fidelles vivans. Ainsy vous aures visité toute
l'Eglise, dont l'une des parties est au Ciel, l'autre en terre et l'autre sous terre, comme saint Paul901
et saint Jan902 tesmoignent. Cela vous tiendra une heure bien ronde.
Oyés tous les jours la Messe, quand il se pourra, en la façon que j'ay descritte en l'escrit de
la meditation, et, soit a la Messe, soit le long du jour, je desire que le Chapelet se dise tous les
jours, le plus affectueusement qui se peut. Le long du jour, force oraysons jaculatoires, et
particulierement celles des heures, quand elles sonnent : c'est une devotion utile.
Le soir, avant souper, j'appreuve un petit de recollection, avec cinq Pater noster et Ave
Maria aux playes de Nostre Seigneur. Or, la recollection se pourra faire avec une entree de l'ame
en l'une des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours ; le sixiesme, dans les espines de sa
couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir
de mesme ; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur.
Le soir, environ une heure ou une heure et demie apres souper, vous vous retireres et dires
le Pater noster, l'Ave, le Credo ; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa ; puis l'examen de
conscience, apres lequel vous acheveres le mea culpa, et dirés les Litanies de Nostre Dame de
l'eglise de Lorette ; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des
Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait expres. Il est vray qu'il est malaysé a
treuver, ce me semble, et partant, ne les treuvant pas, celles de Nostre Dame suffiront. Cela vous
tiendra pres d'une demi heure. Tous les jours, une bonne demi heure de leçon spirituelle. C'est bien
asses pour tous les jours ; les festes vous y pourres adjouster d'estre a Vespres et dire l'Office de
Nostre Dame.
Mais si vous aves grand goust aux prieres que ci devant [358] vous aves faites, ne changés
pas, je vous prie, et s'il vous advient de laisser quelque chose de ce que je vous ordonne, ne vous
mettes point en scrupule, car voyci la regie generale de nostre obeissance escritte en grosses lettres
:
IL FAUT TOUT FAIRE PAR AMOUR ET RIEN PAR FORCE ; IL FAUT PLUS AYMER
L'OBEISSANCE QUE CRAINDRE LA DESOBEISSANCE.
Je vous laisse l'esprit de liberté, non pas celuy qui forclost l'obeissance, car c'est la liberté
de la chair ; mais celuy qui forclost la contrainte et le scrupule ou empressement. Si vous aymes
bien fort l'obeissance et sousmission, je veux que s'il vous vient occasion juste ou charitable de
laisser vos exercices, ce vous soit une espece d'obeissance, et que ce manquement soit suppleé par
l'amour.
Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires ; non
pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de
devotion ; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom
de Jesus, de Nostre Dame et des autres. Mais l aites tout cecy sans empressement et avec esprit de
douceur et d'amour.
Vos meditations seront sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur. J'appreuve que vous
employés les Exercices de Taulere903, les Meditations de saint Bonaventure et celles de Capiglia904
; car c'est en fin tous-jours la vie de Nostre Seigneur que ses Evangiles. Mais il faut reduire le tout
a la maniere que je vous envoye dans l'escrit. Les meditations des quatre fins de l'homme vous
seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous
representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous
900 Ex hora Primæ.
901 Philip., II, 10.
902 Apoc., V, 13.
903 Tauler Jean, Dominicain allemand (1294-1361). Exercices spirituels sur la Vie et Passion de Jesus Christ.
904 Vide supra, p. 269, not. (601).
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estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance. L'heure de la meditation ne soit
que de trois quartz au plus. J'ayme les cantiques spirituelz, mais chantés avec affection. [359]
Pour l'asnesse, j'appreuve le jeusne du vendredi et le souper sobre du samedi. J'appreuve
qu'on la matte le long de la semaine, non tant au retranchement des viandes (la sobrieté estant
gardee) comme au retranchement du choix d'icelles. J'appreuve que neanmoins on la flatte
quelquefois, en luy donnant a manger de l'avoyne que saint François luy donnoit pour la faire aller
viste905 : c'est la discipline, qui a une merveilleuse force, en piquant la chair, de resveiller l'esprit ;
seulement deux fois la semaine.
Vous ne deves pas relascher de la frequence de la Communion, sinon que vostre confesseur
le vous commande. J'ay cette consolation particuliere les festes de sçavoir que nous communions
ensemble.
Pour le cinquiesme point, c'est la verité que je cheris d'une tres particuliere dilection et
nostre Celse Benine et tout le reste de vos enfans. Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les desirer
totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des
pensees conformes a cela. Ayés les Confessions de saint Augustin, et lisés soigneusement des le
huitiesme Livre ; vous verrés sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs
choses qui vous consoleront.
Quant a Celse Benine, il faut que ce soit avec des motifz genereux, et qu'on luy plante dans
sa petite ame des pretentions au service de Dieu toutes nobles et vaillantes, et luy ravaler fort les
apprehensions de la gloire purement mondaine ; mays cela petit a petit. A mesure qu'il croistra,
nous penserons aux particularités requises, Dieu aydant. Ce pendant prenes garde, non seulement
pour luy, mais pour ses seurs, qu'ilz ne dorment que seulz, le plus qu'il se pourra, ou avec des
personnes esquelles vous puissies avoir autant de juste confiance comme en vous mesme. Il n'est
pas croyable combien cet advis est utile ; l'experience me le rend recommandable tous les jours.
Si Françoise veut de son gré estre Religieuse, bon906 ; [360] autrement je n'appreuve pas
qu'on previenne sa volonté par des resolutions, mais seulement, comme celle de toutes les autres,
par des inspirations soüefves. Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les
Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence. Cependant j'appreuve bien que vous en
facies nourrir en la Religion du Puis d'Orbe, en laquelle j'espere que la devotion va refleurir bien
tost a bon escient, et je veux que vous cooperies a cette intention. Mais a toutes ostés-leur la vanité
de l'ame : elle naist presque avec le sexe. Je sçai que vous aves les Epistres de saint Hierosme en
françois : voyés celle qu'il escrit de Pacatula907, et les autres pour la nourriture des filles908 ; elles
vous recreeront. Il faut neanmoins user de moderation ; j'ay tout dit quand j'ay dit des inspirations
soüefves.
Je voy que vous deves deux mille escuz : le plus que vous pourres, hastes-en le payement,
et gardés sur tout de retenir rien de personne, tant qu'il vous sera possible. Faites quelques petites
aumosnes, mays avec grande humilité. J'ayme la Visitation des malades, des vieux, et des femmes
principalement, et des jeunes quand ilz le sont bien fort. J'ayme la Visitation des pauvres,
specialement des femmes, avec grande humilité et debonnaireté.
Pour le sixiesme point, j'appreuve que vous partagies vostre sejour aupres de monsieur
905 Vide S. Bonav., in Vita ejus, c. V.
906 Non vraiment, Françoise de Rabutin Chantal n'avait aucun attrait pour la vie monastique. Cette enfant, alors âgée
de cinq ans, serait même devenue fort mondaine sans la surveillance de sa mère qui comprima ces tendances. En
quittant le monde, cette mère prudente ne put se résoudre à confier sa fille à des mains étrangères. Elle l'emmena en
Savoie, la fit élever sous ses yeux à la Visitation d'Annecy, et, à vingt et un ans, la donna en mariage au comte de
Toulongeon, qui mourut gouverneur de Pignerol (20 septembre 1633). Mme de Toulongeon devait lui survivre plus
d'un demi-siècle et s'attirer durant ces longues années l'estime générale par la dignité de sa conduite. Toutefois,
l'économie peut-être excessive dont elle usa dans la gestion de sa fortune, excita plus d'une fois la verve moqueuse de
son gendre, le trop fameux comte de Bussy Rabutin, et de sa nièce, la non moins railleuse marquise de Sévigné. La
vénérable douairière mourut le 4 décembre 1684, et, selon son désir, fut inhumée dans l'église de la Visitation d'Autun,
sous les dalles de la chapelle qu'elle y avait fait ériger en l'honneur de saint François de Sales.
907 Epist. CXXVIII, ad Gaudent.
908 Epp. XXII, ad Eustoch., CVII, ad Lætam, CXXX, ad Demetriad. Cf. Epist. LXXIX ad Salvinam.
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vostre pere et de monsieur vostre beau pere, et que vous vous exercies a procurer le bien de leur
ame a la façon des Anges, comme j'ay dit. Si le sejour de Dijon est un petit plus grand, il n'importe
; c'est aussi vostre premier devoir. Taschés de [361] vous rendre tous les jours plus aggreable et
humble a l'un et l'autre des peres, et procurés leur salut en esprit de douceur. Sans doute que l'hyver
vous sera plus propre a Dijon.
J'escris a monsieur vostre pere909 ; et parce qu'il m'avoit commandé de luy escrire quelque
chose pour le salut de son ame, je l'ay fait avec beaucoup de simplicité, peut estre trop. Mon advis
gist en deux pointz : l'un, qu'il face une generale reveuë de toute sa vie, pour faire une penitence
generale ou confession, c'est une chose sans laquelle nul homme d'honneur ne doit mourir ; l'autre,
qu'il s'essaye petit a petit de se desprendre des affections du monde, et luy en dis les moyens. Je
luy propose cela, a mon advis, asses clairement et doucement, et avec ce terme, qu'il faut non pas
du tout rompre les liens d'alliance qu'on a aux affaires du monde, mais les descoudre et desnoüer.
Il vous monstrera la lettre, je n'en doute point ; aydés-le a l'entendre et a la prattiquer.
Vous luy deves une grande charité a l'acheminer a une fin heureuse, et nul respect ne vous doit
empescher de vous y employer avec une humble ardeur, car c'est le premier prochain que Dieu
vous oblige d'aymer ; et la premiere partie que vous deves aymer en luy c'est son ame, et en son
ame, la conscience, et en la conscience, la pureté, et en la pureté, l'apprehension du salut eternel.
J'en dis de mesme du beau pere.
Peut estre que monsieur vostre pere, ne me connoissant pas, treuvera ma liberté mauvaise
; mais faites moy connoistre a luy, et je m'asseure qu'il m'aymera pour cette liberté plus que pour
autre chose. J'escris a Monsieur de Bourges une lettre de cinq feuilles910, ou je luy marque la façon
de prescher, et avec cela je m'espanche a luy dire mon advis de plusieurs parties de la vie d'un
Archevesque. Or, pour celuy la, je ne doute point qu'il ne l'ayt aggreable. En fin, que voules vous
plus ? pere, frere, oncle, enfans, tout cela m'est infiniment a cœur.
Pour le septiesme point, de l'esprit de liberté, je vous diray que c'est. Tout homme de bien
est libre des actions de peché mortel et n'y attache nullement son affection : [362] voyla une liberté
necessaire a salut ; je ne parie pas de celle la. La liberté de laquelle je parie c'est la liberté des
enfans bienaymés911. Et qu'est ce ? C'est un desengagement du cœur chrestien de toutes choses,
pour suivre la volonté de Dieu reconneuë. Vous entendres aysement ce que je veux dire si Dieu
me donne la grace de vous proposer les marques, signes, effectz et occasions de cette liberté.
Nous demandons a Dieu, avant toutes choses, que son nom soit sanctifié, que son royaume
advienne, que sa volonté soit faite en la terre comme au Ciel912. Tout cela n'est autre chose sinon
l'esprit de liberté ; car, pourveu que le nom de Dieu soit sanctifié, que sa Majesté regne en nous,
que sa volonté soit faite, l'esprit ne se soucie d'autre chose.
Premiere marque. Le cœur qui a cette liberté n'est point attaché aux consolations, mais
reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre. Je ne dis pas qu'il n'ayme
et qu'il ne desire les consolations, mais je dis qu'il n'engage pas son cœur en icelles. Deuxiesme
marque. Il n'engage nullement son affection aux exercices spirituelz ; de façon que si, par maladie
ou autre accident, il en est empesché, il n'en conçoit nul regret. Je ne dis pas aussi qu'il ne les ayme,
mays je dis qu'il ne s'y attache pas. 3. Il ne perd gueres sa joye, parce que nulle privation ne rend
triste celuy qui n'avoit son cœur attaché nulle part. Je ne dis pas qu'il ne la perde, mais c'est pour
peu.
Les effectz de cette liberté sont une grande suavité d'esprit, une grande douceur et
condescendance a tout ce qui n'est pas peché ou danger de peché ; c'est cette humeur doucement
pliable aux actions de toute vertu et charité. Exemple : Une ame qui s'est attachee a l'exercice de
la meditation, interrompés la, vous la verres sortir avec du chagrin, empressee et estonnee. Une
ame qui a la vraye liberté sortira avec un visage esgal et un cœur gracieux a l'endroit de l'importun
qui l'aura incommodee, car ce luy est tout un, ou de servir Dieu en meditant, ou de le servir en
909 Vide Epist. CCXXX.
910 Vid. Epist. CCXXIX.
911 Rom., VIII, 21.
912 Matt., VI, 9, 10.
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supportant le prochain ; [363] l'un et l'autre est la volonté de Dieu, mais le support du prochain est
necessaire en ce tems la. Les occasions de cette liberté sont toutes les choses qui arrivent contre
nostre inclination ; car quicomque n'est pas engagé en ses inclinations ne s'impatiente pas quand
elles sont diverties.
Cette liberté a deux vices contraires : l'instabilité et la contrainte, ou la dissolution et la
servitude. L'instabilité d'esprit ou dissolution est un certain exces de liberté par lequel on veut
changer d'exercice, d'estat de vie, sans rayson ni connoissance que ce soit la volonté de Dieu. A la
moindre occasion on change d'exercice, de dessein, de regie ; pour toute petite occurrence on laisse
sa regie et sa louable coustume, et par la, le cœur se dissipe et se perd, et est comme un verger
ouvert de tous costés, duquel les fruitz ne sont pas pour le maistre mais pour tous passans913.
La contrainte ou servitude est un certain manquement de liberté par lequel l'esprit est
accablé ou d'ennuy ou de cholere quand il ne peut faire ce qu'il a desseigné, encor qu'il puisse faire
chose meilleure. Exemple : Je desseigne de faire la meditation tous les jours au matin ; si j'ay
l'esprit d'instabilité ou dissolution, a la moindre occasion du monde je differeray au soir : pour un
chien qui ne m'aura laissé dormir, pour une lettre qu'il faudra escrire, bien que rien ne presse. Au
contraire, si j'ay l'esprit de contrainte ou servitude, je ne laisseray pas ma meditation ores qu'un
malade ayt grandement besoin de mon assistence a cette heure la, ores que j'aye un depesche de
grande importance et qui ne puisse estre bien differé ; et ainsy des autres sujetz.
Il me reste a vous dire deux ou trois exemples de cette liberté, qui vous feront mieux
connoistre ce que je ne sçay pas dire. Mais premierement il faut que je vous die qu'il faut observer
deux regles pour ne point chopper en cet endroit. C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses
exercices et les communes regles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé.
Or, la volonté de Dieu se manifeste en deux façons : par la necessite et par la charité. Je veux
prescher ce Caresme en un petit [364] lieu de mon diocese914. Si cependant je deviens malade ou
que je me rompe la jambe, je n'ay que faire de regretter et m'inquieter de ne point prescher, car
c'est chose certaine que la volonté de Dieu est que je le serve en souffrant et non pas en preschant.
Que si je ne suis pas malade, mais il se presente une occasion d'aller en un autre lieu ou, si je ne
vay, ilz se feront huguenotz, voyla la volonté de Dieu asses declairee pour me faire doucement
contourner mon dessein.
La deuxiesme regie est que, lhors qu'il faut user de liberté par charité, il faut que ce soit
sans scandale et sans injustice. Par exemple, je sçay que je serois plus utile quelque part bien loin
de mon diocese : je ne dois pas user de liberté en cela, car je scandalizerois et ferois injustice, parce
que je suis obligé icy. Ainsy, c'est une fause liberté aux femmes mariees de s'esloigner de leurs
maris sans legitime rayson, sous pretexte de devotion et charité. De maniere que cette liberté ne
prejudicie jamais aux vocations ; au contraire, elle fait que chascun se plaist en la sienne, puisque
chascun doit sçavoir que c'est la volonté de Dieu qu'on y demeure915.
Maintenant je veux que vous consideries le Cardinal Borromee qu'on va canoniser dans
peu de jours916. C'estoit l'esprit le plus exacte, roide et austere qu'il est possible d'imaginer ; il ne
beuvoit que de l'eau et ne mangeoit que du pain ; si exacte que, despuis qu'il fut Archevesque, en
vingt quatre ans, il n'entra que deux fois en la mayson de sus freres, estans malades, et deux fois
dans son jardin : et neanmoins, cet esprit si rigoureux, mangeant souvent avec les Suisses ses
voysins, pour les gaigner a mieux faire, il ne faisoit nulle917 difficulté de faire deux carouz [365]
ou brindes avec eux a chasque repas, outre ce quii avoit beu pour sa soif. Voila un trait de sainte
liberté en l'homme le plus rigoureux de cet aage. Un esprit dissolu en eut fait trop ; un esprit
contraint eut pensé pecher mortellement ; un esprit de liberté fait cela par charité.
913 Cf. Ps. LXXIX, 13.
914 La petite ville de La Roche, à trente kilomètres d'Annecy, où le Saint prêcha effectivement le Carême de 1605.
915 I Cor., VII, 20, 24.
916 A l'époque où cette lettre fut écrite, le Procès de Canonisation du saint Archevêque de Milan était si avancé qu'on
en attendait prochainement l'isssue. Dans le courant de ce même mois d'octobre l'examen de la Cause avait été confié
à trois auditeurs de Rote, sur le témoignage desquels l'affaire serait immédiatement traitée en Consistoire. Mais la
mort des Papes Clément VIII et Léon XI fit ajourner le décret de canonisation jusqu'au 1er novembre 1610.
917 Ce qui suit jusqu'à la page 369, ligne 2, est donné d'après l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
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Spiridion, un ancien Evesque, ayant receu un pelerin presque mort de faim en tems de
Caresme et en un lieu ou il ni avoit aucune chose que de la chair salee, il fit cuire cette chair et la
præsente au pelerin. Le pelerin n'en vouloit pas manger, non obstant sa necessité ; Spiridion, qui
n'en avoit nulle nécessité, en mange luy le premier par charité, affin d'oster par son exemple le
scrupule du pelerin918. Voyla une charitable liberté d'un saint homme.
Le P. Ignace de Loyole, qu'on va canoniser919, le Mercredi Saint, mange de la chair sur la
simpl'ordonnance du medecin, qui le jugeoit expedient pour un petit de mal quil avoit. Un esprit
de contrainte se fut fait prier trois jours.
Mais je vous veux præsenter un soleil au pris de tout cela, un vray esprit franc et libre de
tout engagement, et qui ne tient qu'a la volonté de Dieu. J'ay pensé souvent quell'estoit la plus
grande mortification de tous les Saintz de la vie desquelz j'ay eu connoissance, et apres plusieurs
considerations je treuvay celle ci. Saint Jan Baptiste alla au desert a l'aage de cinq ans, et sçavoit
que nostre Sauveur et le sien estoit nay tout proche de luy, c'est a dire une journee ou deux ou trois,
comme cela. Dieu sçait si ce cœur de saint Jan, touché de l'amour de son Sauveur des le ventre de
sa mere, eut desiré de jouïr de sa douce præsence. Il passe neanmoins vint et cinq ans la au desert,
sans venir une seule fois pour voir [366] Nostre Seigneur et, sortant, s'arreste a cathechiser sans
Venir a Nostre Seigneur, et attend quil vienne a luy. Apres cela, l'ayant baptisé, il ne le suit pas,
mais demeure a faire son office920. O Dieu, quelle mortification d'esprit. Estre pres de son Sauveur
et ne le voir point, l'avoir si prochre et n'en jouïr point. Et qu'est-ce cela sinon avoir son esprit
desengagé de tout, et de Dieu mesme, pour luire la volonté de Dieu et le servir ; laisser Dieu pour
Dieu, et n'aymer pas Dieu pour l'aymer tant mieux et plus purement ? Cest exemple estouffe mon
esprit de sa grandeur.
J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la necessité et charité,
mais par l'obedience ; de façon que celuy qui reçoit un commandement doit croire que c'est la
volonté de Dieu. N'est ce pas trop ? mais mon esprit court plus viste que je ne veux, porté de
l'ardeur de vous servir.
Pour le huitiesme point, resouvenes vous du jour du bienheureux Roy saint Louïs, jour
auquel vous ostastes de rechef ou de nouveau la couronne de vostre royaume a vostre propre esprit
pour la mettre aux pieds du Roy Jesus921 ; jour auquel vous renouvelastes vostre jeunesse comme
l'aigle922, vous plongeant dans la mer de la pœnitence, jour fourrier du jour æternel pour
vostr'ame923. Resouvenes vous que sur les grandes resolutions que vous declairastes de vouloir
estre toute a Dieu de cors, de cœur, d'esprit, je dis Amen de la part de toute l'Eglise nostre mere, et
a mesme tems la Sainte Vierge, avec tous les Anges et Bienheureux, firent retentir au Ciel leur
grand Amen et Alleluya. Resouvenes vous de faire estat que tout le passé n'est rien et que tous les
jours il [367] vous faut dire avec David : Tout maintenant je commence a bien aymer mon Dieu924.
Faites beaucoup pour Dieu et ne faites rien sans amour ; appliques tout a cet amour, manges et
beuvés pour cela925.
918 Sozom., Hist. Eccl., l. I, c. XI.
919 Depuis neuf ans déjà des démarches avaient été entreprises par la Compagnie de Jésus en vue d'obtenir la
canonisation de son Fondateur. Le succès paraissait si certain que saint François de Sales considérait le Procès comme
terminé avant même qu'il eût été commencé dans les formes canoniques. C'est seulement dans les premiers mois du
pontificat de Paul V que les lettres rémissoriales furent expédiées et que la Cause prit une marche régulière. La
béatification du Serviteur de Dieu eut lieu le 3 décembre 1609, et sa canonisation le 12 mars 1622.
920 Matt., III, Lucæ, III.
921 Cf. Apoc., IV, 10.
922 Ps. CII, 5.
923 Le 25 août de cette année 1604 la baronne de Chantal avait fait une confession générale au saint Evêque (voir ci-
dessus, note (858), p. 343), qui lui donna ensuite un billet écrit de sa main et conçu en ces termes : « J'accepte au nom
de Dieu la charge de vostre conduitte spirituelle, pour m'y employer avec tout le soin et fidelité qui me sera possible,
et autant que ma qualité et mes devoirs precedens me le peuvent permettre. » De son côté, elle renouvela devant le
Saint son vœu de chasteté, fit celui d'obéissance entre ses mains et lui envoya plus tard la formule de ces engagements,
comme on le voit à la page suivante. (Mémoires de la Mère de Chaugy, Ire Partie, chap. XV.)
924 Ps. LXXVI, 11.
925 Cf. I Cor., X, 31.
232/340

24.3 Page 233

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Ayes devotion a saint Louÿs et admires en luy cette grande constance. Il fut Roy a douz'ans,
eut neuf enfans, fit perpetuellement la guerre ou contre les rebelles ou contre les ennemis de la
foy, vescut passé 40 ans Roy ; et, au bout de la, apres sa mort, son confesseur, saint homme, jura
que, l'ayant confessé toute sa vie, il ne l'avoit treuvé estre tombé en peché mortel926. Il fit deux
voyages outre mer ; en tous deux il fit perte de son armee, et au dernier il mourut de peste, apres
avoir longuement visité, secouru, servi, pensé (sic) et gueri les pestiferés de son armee, et meurt
gay, constant, avec un verset de David en bouche927. Je vous donne ce Saint pour vostre special
patron pour toute cett'annee ; vous l'aures devant vos yeux avec les autres sus nommés. L'annee
qui vient, sil plait a Dieu, je vous en donneray un autre, apres que vous aures bien proffité en
l'escole de cettuyci.
Pour le neufviesme point, croyes de moy deux choses : l'une, que Dieu veut que vous vous
servies de moy, et n'en doutes point ; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut, Dieu m'assistera
de la lumiere qui me sera necessaire pour vous servir ; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnee
si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage. J'ay receu le billet de vos vœux, que je garde et regarde
soigneusement commun juste instrument de nostre alliance toute fondee en Dieu, et laquelle durera
a l'æternité, moyennant la misericorde de Celuy qui en est l'autheur.
Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs
de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son
peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi ; car nous avions esté faitz Evesques
ensemble et tout d'un jour928. Je vous demande trois Chapeletz pour son repos, asseuré que je suis
que [368] sil m'eut survescu il m'eut procuré une charité pareille vers tous ceux ou il eut eu credit.
Vous m'escrives en un endroit de vostre lettre en façon qu'il semble que vous tenes pour
resolu que nous nous reverrons un jour. Dieu le veuille, ma tres chere Seur, mais pour mon regard
je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse faire esperer d'avoir liberté d'aller de dela ; je vous
en dis la rayson en confiance estant a Saint Claude. Je suis icy lié pieds et mains ; et pour vous,
ma bonne Seur, l'incommodité du voyage passé ne vous estonne-elle point ? Mais nous verrons
entre cy et Pasques ce que Dieu voudra de nous ; sa sainte volonté soit tousjours la nostre. Je vous
prie de benir Dieu avec moy des effectz du voyage de Saint Claude ; je ne vous les puis dire, mais
ilz sont grans. Et a vostre premier loysir, escrives-moy l'histoire de vostre porte de saint Claude929,
et croyés que ce n'est point par curiosité que je la vous demande.
930Ma mere vous est tellement acquise que rien plus. J'ay esté consolé de voir que vous
appelles de si bon cœur Madame du Puis d'Orbe seur ; c'est une grand'ame, si ell'est bien assistee,
et Dieu se servira d'elle a la gloire de son nom. Aydes-la et la visites par lettres ; Dieu vous en
sçaura gré. Si je me veux croire je ne finiray [369] point cette lettre, escritte sans autre soin que de
vous respondre. Je la veux pourtant finir, vous demandant une grand'assistence de vos prieres ; et
que j'en suis necessiteux ! Je ne prie jamais sans vous avoir pour une partie du sujet de mes
supplications ; je ne salue jamais mes Anges que je ne salue le vostre ; rendes moy la pareille, et
vostre Celse Benine aussi, pour lequel je prie tous-jours et pour toute vostre compaignie. Croyes
926 Gaufridus, ejus Confessor, in Vita ejus, c. I.
927 Pss. V, 8, CXXXVII, 2.
928 Vide supra, p. 343, not. (859).
929 Voici en quels termes la Mère de Chaugy (Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise Frémyot
de Chantal, Ire Partie, chap. X) raconte cette histoire : Un matin la baronne de Chantal « étant au lit un peu assoupie,
elle se vit dans un chariot avec une troupe de gens qui allaient en voyage, et lui semblait que le chariot passait devant
une église où elle vit une quantité de personnes qui louaient Dieu avec grande jubilation et gravité. Je voulus, dit-elle
parlant de cela, m'élancer pour m'aller joindre à cette bénite troupe et entrer par la grande porte de l'église qui m'était
ouverte ; mais je fus repoussée, et j'ouïs distinctement une voix qui me dit : Il faut passer outrer, et aller plus loin ;
jamais tu n'entreras au sacré repos des enfants de Dieu que par la porte de Saint-Claude. »
Cette vision prophétique devait se réaliser le 25 août 1604 à Saint-Claude (voir ci-dessus, note (858), p. 343).
En confiant son âme à la direction de l'Evêque de Genève la sainte Veuve entrait réellement dans le « repos des enfants
de Dieu. » Elle y entra plus avant encore lorsque, six ans plus tard, par une autre coïncidence remarquable, elle
embrassa la vie religieuse le jour même de la fête de saint Claude (6 juin 1610).
930 L'Autographe de la fin de cette lettre, à partir d'ici, est conservé au second Monastère de la Visitation de Paris.
233/340

24.4 Page 234

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bien que je ne les oublie point, ni feu monsieur leur pere vostre mari931, en la sainte Messe.
Dieu soit vostre cœur, vostr'esprit, vostre ame, ma tras chere Seur, et je suis en ses
entrailles,
Vostre serviteur tres dedié,
FRANÇS, E. de Geneve.
932avec liberté par ce que c'est par homme...
Pries quelquesfois pour la reduction de ma miserable Geneve.
A Sales, le XIIII octobre 1604. [370]
_____
931 Christophe, fils unique de Guy de Rabutin Chantal et de Françoise de Cosseret, gentilhomme ordinaire de la
chambre du roi (1593), baron de Chantal et de Bourbilly, seigneur de Sauvigny, mort d'un accident de chasse (1600)
« avec une fermeté et une resignation aux volontés de Dieu, digne du mary d'une Sainte. Cette mort extraordinaire
interrompit une grande fortune que Christophle (sic) auroit faite assurement, s'il avoit vescu un âge un peu avancé (car
il n'avoit que 36 ou 37 ans quand il mourut). Il y en avoit dejà et plus de vint qu'il fesoit parler de luy à la guerre. Il se
signala particulièrement au combat de Fontaine Françoise, ou il fut blessé à la veue du Roy Henry quatriesme, et au
temoignage de ce prince, il ne contribua pas peu à la victoire. La manière dont le Roy parla de Chantal au sortir du
combat lui fit plus d'honneur dans l'esprit des justes estimateurs de la gloire que tels batons de maréchaux de France
n'en firent pendant ce règne à quelques particuliers. En ce tems là comme en celuy cy les recompenses d'honneur
n'étoient pas toujours pour les plus dignes, mais seulement pour les plus heureux. » (Histoire généalogique de la
Maison de Rabutin, par le comte de Bussy.)
932 Une partie de la marge à gauche, qui probablement contenait le commencement et la fin de cette phrase, a été
coupée. Ne devrait-on pas lire : « Je vous escris avec liberté par ce que c'est par homme de connoissance ou de
confiance ? »
234/340

24.5 Page 235

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CCXXXV. A Sa Saintete Clement VIII (Minute). Décadence de
l'observance régulière dans la plupart des monastères de Savoie.
Recours au Saint-Siège pour obtenir l'introduction des
Feuillants au monastère d'Abondance
Annecy, 27 octobre 1604.
Beatissime Pater,
Très Saint Père,
Bonis Religiosis melius nihil esse,
malis nihil pejus, et veteres dixerunt, et hac
ætate ita compertum est ut de illis cum
Hieremia933 dici merito possit : Si ficus sint
bonæ, bonas valde esse ; si malæ, malas valde.
Nulla vero urbis Catholici diæcesis malarum
istarum ficuum nocumentis adeo patet quam
ista Gebennensis, qua nulla magis bonarum
ficuum proventu recreanda foret. Hic enim,
Pater Beatissime, in ipsa certaminis acie
constituti, inimicorum vires cominus
experimur, quorum ingenium est ex moribus
nostrorum depravatis Ecclesisæ illibatam
doctrinam carpere, ac infirmas populi mentes
[371] dejicere. Quo nomine eo magis
dolendum est, inter multa Monasteria
variorum Ordinum quæ in hac diæcesi sunt
ædificata, vix unum reperiri in quo religiosa
disciplina labefactata, imo potius conculcata
penitus non fuerit ; ut ne quidem vestigium
veteris illius cœlestis flammæ appareat, adeo
obscuratum est aurum et mutatus color ejus
optimus934.
Cui quidem malo nullo præsentiore
remedio medicinam fieri posse existimant
periti rerum æestimatores, quam si ex
reformatis et recenti Spiritus Sancti igne
accensis et inflammatis Congregationibus viri
Religiosi adducantur, et in locum eorum (ut
modestissime dicam) qui terram hactenus
perperam occupaverunt935, sufficiantur. Hoc
Consilio adductus est Vespasianus Agacia ut
Monasterium Sanctæ Mariæ de Abundantia936,
cujus ille Abbas commendatarius existit,
Religiosis Sancti Bernardi Fuliensibus,
quorum bonus odor multis jam in locis
manavit, si qua fieri posset opera attribueret et
Il n'est rien de meilleur que les bons
Religieux, rien de pire que les mauvais. Les
anciens l'ont dit, et de nos jours l'expérience le
vérifie si bien qu'on pourrait justement citer à
ce propos la parole de Jérémie : Si les figues
sont bonnes, elles sont très bonnes ;
mauvaises, elles sont très mauvaises. Or, de
toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au
fléau des mauvaises figues c'est celui de
Genève, et pourtant nul n'aurait plus besoin de
se refaire par une cueillette d'excellentes
ligues. Ici, Très Saint Père, placés au front
même de la bataille, nous subissons les
premiers chocs de l'ennemi, dont c'est
précisément la tactique de profiter de la
dépravation des nôtres pour s'en prendre à la
pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser
les esprits faibles, [371] Certes, il est très
affligeant qu'entre plusieurs monastères de
divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en
puisse à peine trouver un seul où la discipline
ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux
pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un
vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or
s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré.
Le meilleur remède à ce mal, au dire de
personnes éclairées, c'est de choisir dans les
Congrégations nouvellement réformées,
embrasées et enflammées du feu du Saint-
Esprit, de vrais Religieux afin de les substituer
à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont
occupé indignement la terre. Dans cette
pensée, Vespasien Aiazza, abbé
commendataire de Notre-Dame d'Abondance,
a projeté d'attribuer et de remettre ce
Monastère aux Religieux Feuillants de Saint-
Bernard, dont la bonne odeur s'est répandue
933 Cap. XXIV, 1-3.
934 Thren., IV, 1.
935 Lucæ, XIII, 7.
936 Voir le tome précédent, note (594), p. 266.
235/340

24.6 Page 236

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committeret, amotis inde sex monachis, dans beaucoup d'endroits, après en avoir banni
omnibus propemodum senio ac disciplinæ six moines qui, presque tous usés de vieillesse,
religiosæ crassissima ignorantia, non végètent comme ensevelis dans la plus
laborantibus modo, sed pene confectis. Res grossière ignorance de la discipline [372]
sane bona et [372] omni acceptione digna937, monastique. Œuvre excellente, œuvre digne de
ut pro spinis flores in hortum Eclesiæ toute louange, de transplanter dans le jardin de
inferantur.
l'Eglise des fleurs à la place des épines !
Id autem ut succederet, omnia cum
Pour assurer le succès de l'entreprise,
Generali Fuliensis illius Congregationis parata toutes les dispositions jugées nécessaires ont
ac delineata sunt quæ in eam rem necessaria été prises et concertées avec le Général des
videbantur938 ; ita ut nihil præter unum, sed Feuillants. Il ne reste plus maintenant qu'une
illud quidem maximum ac præcipuum, chose à obtenir, mais c'est la plus sérieuse, elle
desiderari posse videatur : Sedis nimirum est capitale : je veux dire l'approbation du
Apostolicæ beneplacitum quo omnia hæc et Siège Apostolique, grâce à laquelle tout sera
fiant et facta constent ac firmentur. Cum autem effectué et ensuite fermement consolidé.
hujus rei utilitas in hanc ovilis Dominici L'utilité de cet établissement rejaillira sur cette
partem cujus curam Apostolica vestra portion du bercail du Seigneur dont votre
providentia mihi demandavit primum sollicitude apostolique m'a confié la garde.
derivanda sit, non debui committere quin ego Aussi ai-je cru de mon devoir, en baisant les
quoque humillimis ad pedum oscula precibus pieds [373] de Votre Béatitude, de la supplier
a Beatitudine Vestra efflagitem, ut suam très humblement qu'Elle daigne favoriser cette
paternam et [373] Apostolicam gratiam huic affaire de sa paternelle et apostolique
negotio liberaliter impertiri dignetur.
bienveillance.
Christus Dominus Sanctitatem
Que le Christ souverain nous conserve
Vestram quam diutissime nobis servet le plus longtemps possible Votre Sainteté dans
incolumem.
une santé parfaite.
Beatitudinis Vestræ,
De Votre Béatitude,
Indignus et humillimus servus,
Indigne et très humble serviteur,
F. E. G.
F. E. de G.
Annessii Allobrogum, XXVII Octobris
Annecy en Savoie, 27 octobre 1604.
1604.
Au Très Saint Père et Seigneur dans le
Beatissimo in Christo Patri et Domino, Christ, le Souverain Pontife Clément VIII.
Domino Clementi VIII, Pontifici
Maximo.
_____
937 I Tim., I, 15, IV, 9.
938 Dom Pierre de Saint-Bernard Matharel, profès de l'abbaye de Feuillants (1581), nommé Supérieur Général en 1601.
Il mourut le 22 mars 1606.
Un acte notarié avait été passé en présence de l'Evêque de Genève, le 26 octobre 1604, au château de Sales,
entre l'Abbé commendataire, Vespasien Ainzza (voir le tome précédent, p. 223), et dom Jean de Saint-Malachie
agissant au nom de son Supérieur. A la teneur de cet acte les Feuillants seraient définitivement substitués aux
Chanoines de Saint-Augustin à l'abbaye de Notre-Dame d'Abondance. Mais avant d'en venir à l'exécution il fallait
l'approbation du Saint-Siège : on dut l'attendre près de deux ans. Clément VIII mourut sans l'avoir accordée. C'est
seulement le 28 septembre 1606, que son successeur, Paul V, donna le Bref qui mettait les Pères Feuillants en
possession de l'abbaye. Ces Religieux y furent introduits le 7 mai suivant. Les six Chanoines qu'ils venaient remplacer
se retirèrent dans les diverses maisons de leur Ordre situées en Savoie : Thomas Bidal et Jean Cornut, à Sixt ; Jacques
de Compois et François de Thorens, à Peillonnex ; Jean de Thorens, à Saint-Jeoire près de Chambéry. Quant à Jean
Moccand, l'autorité diocésaine le maintint à Abondance en qualité de curé de la paroisse.
236/340

24.7 Page 237

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CCXXXVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Requête
pour obtenir que les Feuillants soient mis en possession de
l'abbaye d'Abondance. Recommandation en faveur du
chanoine Nouvellet
Annecy, 27 octobre 1604.
Monseigneur,
Je sçai des long tems combien Vostre Altesse desire la reformation des monasteres de deça
les mons, et qu'ell'a tous-jours jugé que le meilleur moyen d'y parvenir c'estoit d'oster par voye
raysonnable les moynes et [374] Religieux qui, jusques a present, s'y sont mal comportés, et y
mettre en leur place des autres Religieux des Congregations reformees. C'est pourquoy je ne doute
nullement que Vostre Altesse n'ayt fort aggreable le dessein que le sieur Abbé d'Abondance a fait
d'introduire en son monastere les bons Peres de Saint Bernard, lesquelz, par leur bonne vie et
doctrine, repareront les ruines que les autres ont faittes par leur mauvais exemple. Je dois
neanmoins en faire ma tres humble supplication a Vostre Altesse, comme celuy qui en recevra
autant de consolation que les peuples de ce diocæse en recevront d'ædification.
Permettes moy, Monseigneur, que je supplie encor Vostre Altesse que le bon docteur
monsieur Nouvelet puisse avoir la præbende theologale d'Evians comme les autres theologaux
præcedens l'ont eue939, puisqu'il ne la meritera pas moins qu'eux, et que cette pauvre ville n'en a
pas moins necessité maintenant qu'ell'a eu ci devant. Je confesse que le sieur Abbé est si
extremement chargé de despences quil luy sera malaysé de la payer ; mais, Monseigneur, sil
playsoit a Vostre Altesse d'ordonner que ses pensionnaires y contribuassent chascun quelque
partie, il ni auroit plus nulle difficulté. Je l'en supplie avec tout'humilité et confiance en son saint
zele au bien des ames de ses sujetz.
Je prie Dieu qu'il multiplie ses faveurs en Vostre Altesse, a laquelle faysant tres
humblement la reverence je demeure,
Monseigneur,
Son tres humble et tres obeissant orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, XXVII octobre 1604.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [375]
_____
939 Vide supra, p. 47, et tom. præced., p. 292.
237/340

24.8 Page 238

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CCXXXVII. Au même. Procès intenté par le Prévôt du Grand
Saint-Bernard au sujet de la cure des Allinges. Le Saint
implore la protection de Son Altesse
Monseigneur,
Annecy, 31 octobre 1604.
La cure des Alinges, qui ne fut onques a la disposition du Praevost de Montjou, a esté
legitimement conferee a un fort honneste prestre940 lequel, des le commencement du
restablissement de la sainte religion en ces quartiers la, y a tres utilement travaillé. Je ne fus pas
plus tost en cette charge que le sieur Praevost de Montjou m'a fait appeller pardevant Monsieur
l'Archevesque de Tharantayse941, et avec moy ledit curé, pour voir rompre toutes les provisions
faittes de laditte cure par feu Monsieur l'Evesque mon praedecesseur, de devote memoire. J'ay
respondu, Monseigneur, et suis tous-jours prest a respondre. Et neanmoins, le sieur Praevost de
Montjou m'envoye une lettre de Vostre Altesse qui me deffend de l'attaquer en proces.
Monseigneur, il a tort, et c'est a moy de supplier tres humblement Vostre Altesse de luy
commander de ne point troubler l'establissement des curés de Chablaix, qui a tant cousté et de
peynes et de soin au zele de Vostre [376] Altesse. Il a des-ja esté condamné devant les officiers de
Vostre Altesse ; il a neanmoins recouru a Sa Sainteté, laquelle a deputé Monsieur de Tharantayse,
devant lequel il me fait appeller, et ou, j'espere, son tort sera reconnu sil ne cesse de nous travailler.
Vostre Altesse a la Mayson de Saint Bernard en sa protection, mais elle n'a pas moins sous
sa grace et singuliere faveur cette miserable evesché de Geneve, pour conserver, avec ses
commandemens, les droitz de l'un'et de l'autre ; qui est tout ce que je puis souhaitter en cette
occasion particuliere, en laquelle j'ay trois grans advantages. C'est quil s'agist non de mes actions,
mais de celles de feu Monsieur mon prædecesseur, que Vostre Allesse a tous-jours jugé fort
homme de bien ; je suis defendeur et en possession, et mon adversaire en cette cause a esté tous-
jours condamné jusques a present. Avec ces raysons, je me prometz que Vostre Altesse aura
aggreables mes procedures, et qu'en sachant les fondamens (sic), elle commandera au sieur
Prævost de cesser et faire cesser les siennes.
Je prie Nostre Seigneur quil comble Vostre Altesse et sa couronne de toute felicité et
prosperité, et luy faysant tres humble reverence, je demeure, comme je doy et veux toute ma vie,
Monseigneur,
Tres humble et tres-obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le XXXI octobre 1604.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [377]
_____
940 Ce « fort honneste prestre » était Pierre Mogenier ou Mojonier, natif de Sixt, institué (7 juin 1601) par Mgr de
Granier curé de la paroisse des Allinges, qu'il desservait par dévouement depuis cinq ans. De son côté, le Prévôt du
Grand Saint-Bernard faisait valoir des droits sur cette cure, de laquelle il s'était complètement désintéressé pendant
que les revenus avaient été saisis par les protestants ou attribués aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. Aussitôt
la réorganisation du culte catholique, il avait nommé curé des Allinges Nicolas Perret, l'un de ses Religieux (21 octobre
1597). L'Evêque de Genève ne tint nul compte de cette nomination. De là, un procès qui se prolongea durant la plus
grande partie de l'épiscopat de saint François de Sales, et se termina par une transaction le 21 mai 1618.
941 Mgr Jean-François Berliet (voir ci-dessus, note (50), p. 23).
238/340

24.9 Page 239

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CCXXXVIII. A M. Pierre-Léonard de Roncas Baron de Chatel-
Argent942. Même sujet.
Annecy, 31 octobre 1604.
Monsieur,
Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne
poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et
moy de l'autre. Je proteste, Monsieur, que ledit sieur Prævost tient tort de l'audience du Prince ;
car je ne l'ay jamais tiré en instance et ne pensois guere en luy quand, tout aussi tost que je fus en
cette charge, il me fit citer et le pauvre curé, auquel il a fait faire de la despense fort hors de propos,
et a moy aussi. J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les
officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais
de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin
commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la. Je m'asseure que
sur ces fondemens Son Altesse aura aggreables mes procedures, et n'approuvera pas celles de mon
adversaire, lequel ayant de gayeté de cœur, ce semble, choysi le parti de l'assaillant et l'exerceant
de tout son pouvoir, ne doit pas ni ne peut, sans avoir tort de moy, me faire prohiber celuy du
defendant. [378]
Monsieur, j'ay veu que la lettre qu'il a pleu a Son Altesse m'envoyer estoit sortie de vostre
main, qui m'a fait croire que je devoys vous supplier de prendre en protection mon droit pour ce
sujet, comme je vous supplie bien humblement, me resouvenant que vous m'aves fait l'honneur de
m'aimer il y a long tems, et me promettant la mesme faveur encor maintenant que je suis,
Monsieur,
XXXI octobre 1604, a Neci.
A Monsieur
Monsieur de Chastelargent,
Conseiller et Secretaire d'Estat de S. A.
Vostre serviteur plus humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de la Grande Maîtrise des Saints Maurice et
Lazare.
_____
942 Pierre-Léonard de Roncas, baron de Châtel-Argent, premier secrétaire d'Etat (avril 1603), remplit vingt-deux
ambassades à Rome, en Allemagne, en Espagne et en France. Mais tous les éminents services rendus à son prince ne
l'empêchèrent pas de partager la disgrâce du marquis de Simiane (voir ci-dessus, note (405), p. 178). Plus heureux
toutefois que ce dernier, le baron de Châtel-Argent, après avoir subi une longue réclusion à Ivrée, recouvra non
seulement la liberté, mais encore la faveur de ses souverains, dont il jouit jusqu'à sa mort (1639).
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24.10 Page 240

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CCXXXIX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. L'Abbé
d'Abondance n'est pas en mesure de fournir une pension à M.
Nouvellet. Prière au prince de vouloir bien intervenir
Annecy, 12 novembre 1604.
Monseigneur,
Le bon homme monsieur Nouvelet avoit esté prouveu de la charge theologale d'Evian, et
par consequent de la præbende dïcelle. Mais monsieur l'Abbé d'Abondance se treuve fort
empesché a la vouloir payer, d'autant quil entre en une bonne despense pour introduire les Peres
Feuillans en son Abbaye, et que d'ailleurs il est fort chargé de pensions ; il dit neanmoins que si
ceux qui ont les pensions vouloyent supporter charitablement la moytié de laditte praebende, il
contribueroit volontiers l'autre moytié. [379]
Mais cela ne se peut ni attendre ni esperer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse
qui le commandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des ames qui en seroyent assistees et
du bon monsieur Nouvelet, duquel la pauvreté seroit soulagee et la viellesse consolee, et qui ne
respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prosperité de Vostre Altesse,
de Messeigneurs ses enfans et de la posterité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine
Majesté, comm'estant,
Monseigneur,
Tres humble et tres obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse,
FRANÇS, E. de Geneve.
XII novembre 1604, a Neci.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
_____
CCXL. A la Baronne de Chantal. Conseils relatifs au règlement
d'une affaire d'intérêt. D'une certaine impuissance spirituelle
et des tentations qui en dérivent. Lutte entre la partie
supérieure et la partie inférieure de l'âme. Combattre les
désirs empressés. Indifférence à pratiquer dans l'acceptation
des croix. On peut se plaindre à Notre-Seigneur. Choix de
lectures. Avis sur la manière de faire l'aumône. Joie du
Saint dans l'attente d'une grande épreuve. Respect dû à un
ancien directeur. Deux sortes de bonnes volontés : l'une qui
remplit l'enfer, l'autre le Paradis
Annecy, 21 novembre 1604.
Madame ma tres chere Seur,
240/340

25 Pages 241-250

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25.1 Page 241

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Nostre glorieuse et tressainte Maistresse et Reyne, la Vierge Marie, de laquelle nous
celebrons aujourdhuy la Presentation, veuille presenter nos cœurs a son Filz et nous donner le sien.
Vostre messager m'est arrivé au [380] plus fort et malaysé endroit que je puisse presque rencontrer
en la navigation que je fay sur la mer tempestueuse de ce diocæse, et n'est pas croyable combien
vos lettres m'ont apporté de consolation. Je suis seulement en peyne si je pourray tirer de la presse
de mes affaires le loysir quil faut pour vous respondre si tost comme je desire et si bien comme
vous attendés. Je diray ce que je pourray tumultuayrement, et sil me reste quelque chose apres
cela, je vous l'escriray dans bien peu de tems par homme de connoissance qui va a Dijon et revient.
Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte
de saint Claude943, et prie ce beni Saint, tesmoin de la sincerité et integrité de cœur avec laquelle
je vous cheris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assistence
du Saint Esprit qui nous est necessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise944.945
C'est asses dit une fois pour toutes : ouÿ, Dieu m'a donné a vous ; je dis uniquement, entierement,
irrevocablement946.
Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui
vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire
pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour
d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux. C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la
transaction de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la
mesme mayson, devant les mesmes tesmoins. Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et dela
s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'enorme lesion, il faut
aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif, et laysser les affaires au
mesme estat auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des [381] moulins. Car, puisque
vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire
transiger, il est bien raysonnable que la transaction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee.
Vous voules reprendre ce que vous luy avés donné, qui est la somme de 14000 francz ; rendes luy
aussi ce que vous avés de luy a cette consideration, qui est la cession de cette succession. Que si il
ni avoit nul droit en ce tems-la, il n'en aura non plus maintenant.
En cette façon je ne voy pas quil y ait rien a craindre pour nostre chere ame, car vous ne
luy faites nul tort de reprendre ce que vous luy aves donné, luy rendant ce quil vous a donné. Je ne
suis pas bien asseuré si je dis bien en ceci, parce qu'a l'adventure n'ay-je pas bien conceu le fait
avec toutes ses circonstances ; car je suis extramement dur a l'intelligence de ces choses-la. C'est
pourquoy, en ayant conferé avec des personnes entendantes au mestier et consciencieuses,
desquelles vous ne manques pas a Dijon, si mon opinion n'est pas jugee bonne ne la suivés pas,
mais la leur, car je le desire ainsy, bien que j'espere que j'auray bien deviné, selon la proposition
que vous m'en avés faitte. Prenes garde, en la poursuite du proces, de ne point relascher de la pure
et entiere charité du prochain, et faittes les sollicitations religieusement ; et, moyennant cela, ne
vous laysses nullement inquieter d'aucun scrupule, car il ni a nul danger.
Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui
se passa a Saint Claude ; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur
pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties. Pour moy, il ne me seroit pas
possible, quand je le voudrois, d'en entrer en aucune difficulté.
Je viens a vostre croix, et ne sçai si Dieu m'aura bien ouvert les yeux pour la voir en ses
quattres boutz. Je le souhaitte infiniment et l'en supplie, affin que je vous puisse dire quelque chose
bien a propos. C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de
vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce
qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité
943 Vide supra, p. 369, not. (929).
944 Cf. Pss. XIV, 1, CXLII, 10.
945 Le texte, à partir d'ici jusqu'à ligne 34 de la page suivante, a été supprimé par les premiers éditeurs.
946 Les mots qui terminent cette phrase : « je dis uniquement, entierement, irrévocablement, » ont été ajoutés par le
Saint en marge de l'Autographe,
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accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court ; et de la vient
le torment des tentations de la foy. C'est bien dit, ma chere Fille, vous vous exprimés bien ; Je ne
sçai si je vous entens bien. Vous adjoustés que neanmoins la volonté, par la grace de Dieu, ne veut
que la simplicité et fermeté en l'Eglise, et que vous mourries volontiers pour la foy d'icelle.
O Dieu soit beni, ma chere Fille, l'infirmité n'est pas a la mort, mais affin que Dieu soit
glorifié en icelle947. Vous aves deux peuples au ventre de vostre esprit, comm'il fut dit a Rebecca ;
l'un combat contre l'autre, mais en fin le plus jeune surmontera l'aisné948. L'amour propre ne meurt
jamais que quand nous mourons, il a mille moyens de se retrancher dans nostre ame, on ne l'en
sçauroit desloger ; c'est l'aisné de nostr'ame, car il est naturel, ou au moins connaturel ; il a une
legion de carabins avec luy, de mouvemens, d'actions, de passions ; il est adroit et sçait mille tours
de souplesse. De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu apres et est puisné ; il a
aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions. Ces deux enfans en un mesme ventre
s'entrebattent comm'Esau et Jacob ; c'est pour quoy Rebecca s'ecrie : M'estoit il pas mieux de
mourir que de concevoir avec tant de douleurs949 ? De ces convulsions s'ensuit un certain
degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes. Mais que vous importe-il
de savourer ou ne savourer pas, puis que vous ne laissés pas de bien manger ? Sil me failloit perdre
l'un des sentimens, je choysirois que ce fut le goust, comme moins necessaire, voire mesme que
l'odorat, ce me semble. Croyes-moy, ce n'est que le goust qui vous manque, ce n'est pas la veüe.
Vous voyes, mais sans contentement ; vous maschés le pain comme si c'estoyent des estouppes,
sans goust ni saveur. Il vous semble que vos resolutions sont sans force par ce qu'elles ne sont pas
[383] gaÿes ni joyeuses, mais vous vous trompés, car l'Apostre saint Paul bien souvent n'en avoit
que de cette sorte-la950. La pauvre Lia est un petit chassieuse et laide, mais il faut que vostre esprit
couche avec elle avant que d'avoir la belle Rachel951. Et courage, car elle ne laissera pas de faire
des beaux enfans et des œuvres aggreables a Dieu. Mais je m'arreste trop.
Vous ne vous sentes pas ferme, constante, ni bien resolue. Il y a quelque chose en moy, ce
dites vous, qui n'a jamais esté satisfait, mais je ne sçaurois dire que c'est. Je le voudrois bien
sçavoir, ma chere Fille, pour vous le dire ; mais j'espere qu'un jour, vous oyant a loysir, je
l'apprendray. Cependant, seroit-ce point peut estre une multitude de desirs qui fait des obstructions
en vostre esprit ? J'ay esté malade de cette maladie. L'oyseau attaché sur la perche se connoit
attaché et sent les secousses de sa detention et de son engagement seulement quand il veut voler ;
et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol.
Pour un remede donques, ma chere Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et
que vostre propre impuissance met une barriere a vos effortz, ne vous debattes point, ne vous
empressés point pour voler ; ayes patience que vous ayes des aisles pour voler comme les
colombes952. Je crains infiniment que vous n'ayes un petit trop d'ardeur a la proÿe, que vous ne
vous empressies et multipliies les desirs un petit trop dru. Vous voyes la beauté des clartés, la
douceur des resolutions ; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysinage du
bien vous en suscite un appetit demesuré, et cet appetit vous empresse et vous fait eslancer, mais
pour neant ; car le Maistre vous tient attachee sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos
aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses
continuellement vos forces. Il faut faire des essays, mais moderés, mais sans se debattre, mais sans
s'eschauffer.
Examines bien vostre procedure en cet endroit ; peut estre verres vous que vous bandes
trop vostr'esprit au [384] desir de ce souverain goust qu'apporte a l'ame le ressentiment de la
fermeté, constance et resolution. Vous aves la fermeté, car qu'est ce autre chose fermeté que
vouloir plus tost mourir qu'offencer ou quitter la foy ? mais vous n'en aves pas le sentiment, car si
947 Joan., XI, 4.
948 Gen., XXV, 23.
949 Cf. ibid., v. 22.
950 Rom., VII, 21-25.
951 Gen., XXIX. 16-28.
952 Ps. LIV, 7.
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vous l'avies vous auries mille joÿes. Or sus, arrestes vous, ne vous empresses point ; vous verres
que vous vous en treuveres mieux et vos aisles s'en fortifieront plus aysement. Cest empressement
donques est un defaut en vous, et c'est ce je ne sçai quoy qui n'est pas satisfait, car c'est un defaut
de resignation. Vous vous resignes bien, mais c'est avec un mais ; car vous voudries bien avoir
ceci et cela, et vous debates pour l'avoir. Un simple desir n'est pas contraire a la resignation ; mais
un pantelement de cœur, un debattement d'aysles, un'agitation de volonté, une multiplication
d'eslancemens, cela indubitablement est faute de resignation. Courage, ma chere Seur ; puisque
nostre volonté est a Dieu, sans doute nous sommes a luy. Vous avés tout ce quil faut, mais vous
n'en avés nul sentiment ; il ni a pas grande perte en cela. Sçavés vous ce quil faut faire ? Il faut
prendr'en gré de ne point voler, puisque nous n'avons pas encor nos aisles.
Vous me faites resouvenir de Moyse. Le saint homme, arrivé sur le mont de Phasga, il vit
toute la terre de promission devant ses yeux, terre a laquelle il avoit aspiré et esperé quarant'ans
continuelz, parmi les murmurations et seditions de son armee et parmi les rigueurs des desers : il
la vit et ni entra point, mais mourut en la voyant953. Il avoit vostre verre d'eau aux levres et ne
pouvoit boire. O Dieu, quelz souspirs devoit jetter cett'ame. Il mourut-la, plus heureux que
plusieurs qui moururent en la terre de promission, puisque Dieu luy fit lhonneur de l'ensepulturer
luymesme954. Or sus, sil vous failloit mourir sans boire de l'eau de la Samaritaine955, et qu'en seroit
ce pour cela, pourveu que nostr'ame fut receue a boire æternellement en la source et fontaine de
vie956 ? Ne vous empresses point a des vains desirs, et mesme ne vous empresses pas a ne vous
empresser point. Alles doucement vostre chemin, car il est bon. [385]
Saches, ma tres chere Seur, que je vous escris ces choses avec beaucoup de distractions, et
que si vous les treuves embrouïllees ce ne sera pas merveille, car je le suis moymesme, mais, Dieu
merci, sans inquietude. Voules vous connoistre si je dis vray que le defaut qui est en vous c'est de
cett'entiere resignation ? Vous voules bien avoir une croix, mais vous voules avoir le choix ; vous
la voudries commune, corporelle et de telle ou telle sorte. Et qu'est cela, ma Fille tres aymee ? Ah
non, je desire que vostre croix et la mienne soit entierement croix de Jesuschrist957 et quand a
l'imposition d'icelle et quant au choix. Le bon Dieu sçait bien ce quil fait et pourquoy ; c'est pour
nostre bien sans doute. Nostre Seigneur donna le choix a David de la verge delaquelle il seroit
affligé958 ; et, Dieu soit beni, mais il me semble que [je] n'eusse pas choysi, j'eusse laissé faire tout
a sa divine Majesté. Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer.
Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien)959, dites
moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme ? mais l'homme n'est il pas un vray neant en
comparaison de Dieu960 ? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous
les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy,
encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du
monde ; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment
? Je suis, disoit David961, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy
elle peut servir. Tant de secheresses qu'on voudra, tant de sterilités, pourveu que nous aymions
Dieu.
Mais avec tout cela vous n'estes pas encor au pais ou il ni a point de jour, car vous aves le
jour par fois et Dieu vous visite. Est il pas bon a vostre advis ? Il me semble que cette vicissitude
vous le rend bien savoureux.962 J'appreuve neanmoins que vous remonstriés a [386] nostre doux
953 Deut., ult., 1-5.
954 Ibid., v. 6.
955 Joan., IV, 15.
956 Ps. XXXV, 10.
957 Joan., XIX, 25 ; Galat., ult., 14.
958 II Reg., ult., 12-14.
959 Les mots compris dans cette parenthèse ont été également ajoutés en marge par le Saint.
960 Isaiæ, XL, 17.
961 Ps. CXVIII, 83.
962 L'original de cette lettre se composait de deux grandes feuilles ; la première, conservée à la Visitation de Turin,
contient la partie du texte qui précède. La première moitié de la feuille suivante n'a pu être recouvrée ; mais il est très
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Sauveur, mais amoureusement et sans empressement, vostre affliction, et, comme vous dites, qu'au
moins il se laisse treuver a vostre esprit ; car il se plait que nous luy racontions le mal qu'il nous
fait et que nous nous plaignions de luy, pourveu que ce soit amoureusement et humblement, et a
luy mesme, comme font les petitz enfans quand leur chere mere les a fouettés. Cependant il faut
encor un petit souffrir, et doucement. Je ne pense pas qu'il y ayt aucun mal de dire a Nostre
Seigneur : Venes dans nos ames ; non, cela n'a nulle apparence de mal.
Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu
veut que je le serve en souffrant les sterilités, les angoisses, les tentations, comme Job, comme
saint Paul, et non pas en preschant. Servés Dieu comme il veut ; vous verres qu'un jour il fera tout
ce que vous voudres et plus que vous ne sçauries vouloir. Les livres que vous lires demi heure sont
Grenade, Gerson963, la Vie de Jesus Christ mise en françois, du latin de Ludolphe Chartreux, la
Mere Therese, le Traitté de l'Affliction, que je vous ay marqué en la precedente lettre964. Hé, serons
nous pas un jour tous ensemble au Ciel a benir Dieu eternellement ? Je l'espere et m'en res-jouïs.
La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous
seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien aymer ; c'est a dire que vous
pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous donnies plus
qu'il ne faut et indiscretement. Cela donq s'entend en observant la vraye discretion, et, en ce cas
la, ce n'est [387] non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre,
dire, faire et donner selon son gré.
Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien
du tout, bien que je l'ayme extremement quand elle est appliquee a la louange de Nostre Seigneur.
Vrayement, quand vous voudres que je depesche et que je treuve du loysir sans loysir pour
vous escrire, envoyés moy ce bon homme [Rose965] ; car, sans mentir, il m'a pressé si extremement
que rien plus, et ne m'a point voulu donner de relasche, pas seulement d'un jour ; et vous dis bien
que je ne voudrois pas estre juge en un proces duquel il fust solliciteur.
Je ne puis laisser le mot de Madame, car je ne veux pas me croire plus affectionné que saint
Jan l'Evangeliste, qui neanmoins en l'Epistre sacree qu'il escrit a la sainte dame Electa966 l'appelle
Madame ; ni estre plus sage que saint Hierosme, qui appelle bien sa devote Eustochium
Madame967. Je veux bien neanmoins vous defendre de m'appeller Monseigneur ; car encor que
c'est la coustume de deça d'appeller ainsy les Evesques, ce n'est pas la coustume de dela, et j'ayme
la simplicité.
La Messe de Nostre Dame que vous voules vouer pour toutes les semaines le pourra bien
estre, mais je desire que ce ne soit que pour une annee, au bout de laquelle vous revoüeres, s'il y
eschoit ; et commencés le jour de la Conception Nostre Dame, jour de mon sacre, et auquel je fis
le grand et espouvantable vœu de la charge des ames et de mourir pour elles s'il estoit expedient.
Je devrois trembler m'en resouvenant. J'en dis de mesme du Chapelet et de l'Ave maris Stella.
Je n'ay observé ni ordre ni mesure a vous respondre ; mais ce porteur m'en a levé le moyen.
J'attens de pied coy une grande tempeste, comme je vous ay escrit au commencement, et pour mon
particulier, mais joyeusement ; et, regardant en la providence de Dieu, j'espere que ce sera pour sa
plus grande gloire et mon repos, et beaucoup d'autres choses. Je ne suis pas asseuré qu'elle arrive,
je n'en suis que menacé. Mais pourquoy vous dis-je [388] ceci ? Et pour ce que je ne m'en sçaurois
empescher ; il faut que mon cœur se dilate avec le vostre comme cela ; et puisqu'en cett'attente j'ay
de la consolation et de l'esperance de bonheur, pourquoy ne vous le dirois-je pas ? mais a vous
seule, je vous prie.
probable qu'elle n'a pas été insérée in extenso dans l'édition princeps, qu'à défaut d'original nous suivons pour les
pages 387, 388, où l'absence de transitions laisse facilement deviner des suppressions. La dernière partie de
l'Autographe est conservée à la Visitation de Nantes ; elle correspond à nos pages 389, 390.
963 Il s'agit probablement ici du livre de l'Imitation de Jésus-Christ, désigné communément alors sous le nom de l'auteur
auquel il était le plus généralement attribué. (Voir tome III de cette Edition, note (455), p. 107.)
964 Vide p. 355.
965 Vide infra, p. 396.
966 Epist. II, vv. 1, 5.
967 Epist. XXII, § 2.
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Je prie soigneusement pour nostre Celse Benigne et pour toute la petite trouppe de filles ;
je me recommande aussi a leurs prieres. Resouvenes vous de prier pour ma Geneve, affin que Dieu
la convertisse. Item, resouvenes vous de vous comporter avec un grand respect et honneur en tout
ce qui regardera le bon Pere spirituel que vous sçavés968 ; et mesme traittant avec ses disciples et
enfans spirituelz, quilz ne reconnoissent que la vraye douceur et humilité en vous. Si vous recevies
quelques reproches, tenes vous douce, humble, patiente et sans autre mot que de vraye humilité,
car il le faut.
Dieu soit a jamais vostre cœur, vostre esprit, vostre repos, et je suis,
Madame,
Vostre tres dedié serviteur en Nostre Seigneur,
F.
969Ma mere malade vous salue humblement et vous offre son tres humble service et de toute
sa mayson. Je suis si pressé que j'ay transposé les pages, mais vous les remettres par la marque. A
Dieu soit honneur et gloire970.
Jour de la Presentation de Nostre Dame, 21 novembre 1604.
J'adjouste ce matin, jour sainte Cecile, que le proverbe tiré de nostre saint Bernard971 :
L'enfer est plein de bonnes volontés ou desirs, ne vous doit nullement troubler. Il y a deux sortes
de bonnes volontés. L'une dit : Je voudrois bien faire, mais il me fasche et ne le feray pas ; l'autre
dit : [Je] veux bien faire, mais je n'ay pas tant de pouvoir que de vouloir, c'est cela qui m'arreste.
La premiere remplit l'enfer, la seconde le Paradis. La [389] premiere volonté ne fait que
commencer a vouloir et desirer, mais elle n'acheve pas de vouloir ; ses desirs n'ont pas asses de
courage, ce ne sont que des avortons de volonté, c'est pourquoy elle remplit l'enfer. Mais la seconde
produit des desirs entiers et bien formés, et c'est pour celle la que Daniel fut appellé homme de
desirs972.
Nostre Seigneur vous veuille donner la perpetuelle assistence de son Saint Esprit, ma Seur
et Fille tres aymee.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
_____
CCXLI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Ce
qu'il faut faire quand on éprouve de la difficulté à méditer.
Les longues veilles du soir « debilitent le cerveau. »
Comment on peut servir Dieu dans les maladies. « Baume
pretieux » pour les adoucir. Lectures proposées.
Obéissance au médecin. Dignité royale des malades. «
Dequoy les Anges nous portent envie. » La Messe et la
Communion au temps de maladie
Annecy, vers le 22 novembre 1604.
968 Vide supra, Epp. CCXXI, CCXXIII.
969 Les deux phrases suivantes sont inédites.
970 I Tim., I, 17.
971 Cf. Soliloq., inter Op. S. Bern., § 1.
972 Dan., IX, 23.
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Ma très chere Seur,
Nostre Seigneur vous veuille donner son Saint Esprit, pour faire et souffrir toutes choses
selon sa volonté. Vostre homme [Rose973] me presse si fort de le depescher que je ne sçai si je
pourray vous respondre entierement ; au moins vous diray je quelque chose, selon que Dieu m'en
donnera la grace.
J'ay esté consolé que [Philibert] arriva si a propos avec mes lettres974. Tous vos
degoustemens ne m'estonnent point ; ilz cesseront un jour, Dieu aydant, et si bien vous aves donné
peu de satisfaction a ce bon Pere975, [390] je m'asseure qu'il ne s'en troublera point ; car je le tiens
pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de
Dieu. Pour moy, ma chere Seur et Fille, ne doutés nullement, vous ne sçauries m'estre importune
; et si Nostre Seigneur m'avoit autant donné de liberté et de commodité de vous assister commne
j'en ay de volonté et d'affection, vous ne me verries jamais las de vous servir a la gloire de Dieu,
car jo suis pleinement vostre, et vous ne sçauries avoir trop d'asseurance de moy pour ce regard.
Touchant la meditation, je vous prie de ne point vous affliger si parfois, et mesme bien
souvent, vous n'y estes pas consolee ; mais poursuivés doucement et avec humilité et patience,
sans pour cela violenter vostre esprit, Serves-vous du livre quand vous verres vostre esprit las ;
c'est a dire lises un petit et puis medités, et puis relises encor un petit et puis medités, jusques a la
fin de vostre demie heure. La Mere Therese en usa ainsy du commencement, et dit qu'elle s'en
treuva fort bien976. Et puisque nous parlons confidemment, j'adjousteray que je l'ay ainsy essayé
et m'en suis bien treuvé. Tenes pour regie que la grace de la meditation ne se peut gaigner par
aucun effort d'esprit ; mays il faut que ce soit une douce et bien affectionnee perseverance, pleine
d'humilité.
Tous vos autres exercices vous les continueres en la façon que je vous les ay marqués. Pour
le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait ; mais si le lict vous desplait et que vous
n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus
matin ; car, ma chere Seur, il n'est pas croyable combien les longues veilles du soir sont
dangereuses et combien elles debilitent le cerveau. On ne le sent pas en jeunesse, mais on le ressent
tant plus par apres, et plusieurs personnes se sont rendues inutiles par ce moyen la.
Je viens a vostre jambe malade et qu'il faut ouvrir. Ce ne sera pas sans des douleurs
extremes ; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses
commandemens977 ! O courage, ma chere Seur ; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il
vous envoye ses livrees. Faites estat que le fer qui ouvrira vostre jambe soit l'un des cloux qui
perça les pieds de Nostre Seigneur. O quel honneur ! Il a choysi pour luy ces sortes de faveurs978,
et les a tant cheries qu'il les a portees en Paradis ; et voyla qu'il vous en fait part.
Et vous me dites que vous me laisses a penser comme vous servires Dieu pendant le tems
que vous seres sur le lict ! Et suis content d'y penser, ma bonne Fille. Sçaves vous ce que je pense
? A vostre advis, ma chere Seur, quand fut-ce que nostre Sauveur fit le plus grand service a son
Pere ? Sans doute que ce fut estant couché sur l'arbre de la croix, ayant pieds et mains percés ; ce
fut la le plus grand acte de son service. Et comme le servoit il ? En souffrant et en offrant ; ses
souffrances estoyent une odeur de suavité a son Pere979. Et voyla donques le service que vous feres
a Dieu sur vostre lict : vous souffrires et offrires vos souffrances a sa Majesté. Il sera sans doute
avec vous en cette tribulation, et vous consolera980. Voyla vostre croix qui vous arrive : embrassés-
la, et la caressés pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye. David affligé disoit a Nostre Seigneur :
J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que c'est vous, o mon Dieu, qui m'aves fait ce mal que je
973 Vide infra, p. 396.
974 Epistola CCXXXI, CCXXXII.
975 Le P. de Villars (voir ci-dessus, p. 343).
976 Vita a seipsa conscripta, c. IX ; Iter Perfect., c. XVIII.
977 Ps. CXVIII, 71 ; Jacobi, I, 12.
978 Cf. Heb., XII, 2.
979 Ephes., V, 2.
980 Ps. XC, 15.
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souffre981. Comme s'il disoit : Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction,
je ne l'aymerois pas, je la rejetterois ; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la
reçois, je l'honnore.
Ne doutés point que je ne prie fort Nostre Seigneur pour vous, affin qu'il vous face part de
sa patience, puisqu'il luy plait vous faire part de ses souffrances. Je le dois, je le feray, et seray en
esprit pres de vous pendant tout vostre mal ; non, je ne vous abandonneray point. Mays voyci un
baume pretieux pour adoucir vos douleurs. Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui
distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec
imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec
l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux
Cantiques982, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira.
Pendant ce tems la, ma chere Fille, dispenses vous de l'Office pour tous les jours que les
medecins vous le conseilleront, encor qu'il vous semblera que vous n'en ayes pas besoin : je vous
l'ordonne comme cela au nom de Dieu. Si ces lettres vous arrivent avant le coup, faites chercher
par tout le Traitté de Cacciaguerre, De la Tribulation983, et le lises pour vous preparer ; si moins,
faites-le vous lire paysiblement a quelqu'une de vos plus devotes pendant que vous seres au lict, et
croyes moy, cela vous soulagera incroyablement. Jamais je ne fus si touché d'aucun livre que de
celuy la, en une maladie tres douloureuse que j'eus en Italie984. L'obeissance que vous rendres au
medecin sera infiniment aggreable a Dieu, et mise en conte au jour du jugement.
Je ne puis vous envoyer maintenant l'escrit de la Communion, car vostre homme me presse
trop. Je vous l'envoyeray bien tost, car j'en auray commodité ; mays ce pendant vous treuveres
dans Grenade tout ce qui est requis, et dans la Prattique spirituelle985. O que j'ay esté consolé de
voir que vous aves franchi toutes difficultés pour faire tout ce que je vous escrivis touchant vos
vœux et la Confession. Ma chere Seur, il faut tous-jours faire comme cela, et Dieu sera glorifié en
vous.
Vous aures tres souvent de mes lettres et a toute occasion. Pendant que je vous penseray
affligee dans le lict, [393] je vous porteray (mais c'est a bon escient que je parle), je vous porteray
une reverence particuliere et un honneur extraordinaire, comme a une creature visitee de Dieu,
habillee de ses habitz et son espouse speciale. Quand Nostre Seigneur fut a la croix il fut declairé
Roy, mesme par ses ennemis986 ; et les ames qui sont en croix sont declairees reynes.
Vous ne sçaves pas dequoy les Anges nous portent envie. Certes, de nulle autre chose que
de ce que nous pouvons souffrir pour Nostre Seigneur, et ilz n'ont jamais rien souffert pour luy.
Saint Paul, qui avoit esté au Ciel et parmi les felicités du Paradis, ne se tenoit pour heureux qu'en
ses infirmités987 et en la Croix de Nostre Seigneur988. Quand vous aures la jambe percee, dites a
vos ennemis la parole du mesme Apostre989 : Au demeurant, que nul ne me vienne plus fascher ni
troubler, car je porte les marques et signes de mon Seigneur en mon cors. O jambe laquelle estant
981 Ps. XXXVII, 10.
982 Cap. I, 2.
983 Vide supra, p. 344, not. (866).
984 A Padoue, pendant qu'il faisait son cours de droit.
985 Il est très difficile de connaître avec certitude l'ouvrage que le Saint a voulu désigner sous ce nom. Un livre de piété
très répandu au commencement du XVIIe siècle portait le titre de Pratique spirituelle de la devote Princesse de
Parme... tant pour se convertir a Dieu que pour faire progres aux sainctes vertus. (Anvers, 1588.) Il en est un autre
intitulé Pratique spirituelle d'une servante de Dieu, à l'exemple de laquelle se peut exercer toute Religieuse ou
personne spirituelle ; fort utile pour vivre spirituellement dedans les Monasteres et hors d'iceux. Traduit d'Italien en
Francois par M. F. Gilbert de la Brosse, Angevin. A Paris, chez Pierre de Bresche, rue Saint Estienne des Grecs, à
l'image S. Christofle. MDCXXVI. Certaines indications faisant suite aux pièces préliminaires permettent de
supposer que d'autres éditions ont précédé celle de 1626.
Est-ce l'un de ces deux ouvrages que le Saint a eu en vue ? Dans le cas affirmatif ce serait plus
vraisemblablement le dernier, qui renferme un chapitre spécial sur la sainte Communion.
986 Matt., XXVII, 37.
987 II Cor., XII, 2-5, 9, 10.
988 Galat., ult., 14.
989 Ibid., v. 17.
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25.8 Page 248

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bien employee vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde ! Le Paradis
est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessees qu'avec les
jambes entieres et saines.
Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les chambres ; adorés des le lict Nostre
Seigneur a l'autel et contentes vous. Daniel ne pouvant aller au Temple se tournoit de ce costé la
pour adorer Dieu990 ; faites en de mesme. Mais je suis bien d'advis que vous communiies tous les
Dimanches et bonnes festes au lict, autant que les medecins vous le permettront : Nostre Seigneur
vous visitera volontier au lict de l'affliction991.
J'ay receu le billet joint a vostre lettre992 ; ne doutés nullement que je ne l'aye tres aggreable.
Je l'accepte de tout mon cœur, et vous prometz que j'auray le soin de vous que vous desires, autant
que Dieu m'en donnera de force et de pouvoir. Je prie sa divine Majesté qu'il vous comble de ses
graces et benedictions, et toute vostre Mayson. [394] Dieu soit eternellement beni et glorifié sur
vous, en vous et par vous. Amen.
Je suis, ma tres chere Fille,
Vostre serviteur tres affectionné en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Je vous supplie qu'il vous plaise faire recommander a Dieu un bon œuvre que je souhaitte
voir accompli, et sur tout de le recommander vous mesme pendant vos tourmens ; car en ce tems
la, vos prieres, quoy que courtes et de cœur, seront infiniment bien receuës. Demandés en ce tems
la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires.
_____
CCXLII. A la Présidente Brulart. C'est la dévotion bien réglée
que le Ciel bénit. Il faut servir Dieu à la campagne aussi bien
qu'à la ville
Annecy, vers le 22 novembre 1604.
Madame,
Je loüe Dieu de tout mon cœur de voir en vostre lettre le grand courage que vous aves de
vaincre toutes les difficultés pour estre vrayement et saintement devote en vostre vocation. Faites
le, et attendes de Dieu de grandes benedictions, plus sans doute en une heure d'une telle devotion,
bien et justement reglee, qu'en cent jours d'une devotion bigearre, melancholique et dependante de
vostre propre cervelle. Tenés ferme en ce train, et ne vous laisses nullement esbranler en cette
resolution.
Vous aves, ce me dites vous, un peu relasché de vos exercices aux chams. Et bien, il faut
retendre l'arc et recommencer avec tant plus de soin ; mais une autre fois il ne faut pas que les
chams vous apportent cette incommodité. Non, car Dieu y est aussi bien qu'en la ville. [395] Vous
aves maintenant le petit escrit de la meditation993, prattiqués le en paix et repos.
Pardonnés moy, ma chere Dame, si je trousse un peu plus court ma lettre que vous ne
desireries ; car ce bon homme Rose me tient tellement au collet pour le faire depescher qu'il ne me
donne pas le loysir de pouvoir escrire. Je prie Nostre Seigneur qu'il vous donne une singuliere
assistence en son Saint Esprit, affin que vous le servies de cœur et d'esprit selon son bon playsir.
990 Dan., VI, 10.
991 Ps. XL, 4.
992 Probablement le billet qui contenait la formule de ses vœux (voir ci-dessus, p. 342).
993 Vide supra, p. 351.
248/340

25.9 Page 249

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Priés-le pour moy, car j'en ay besoin, et jamais je ne vous oublie en mes foibles oraysons.
Si monsieur vostre mary ne me tient pas pour son serviteur il a bien tort, car je le suis tres
asseurement, et de tout ce qui vous appartient.
Dieu soit a jamais avec vous et en vostre cœur. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
_____
CCXLIII. A la Baronne de Chantal (Inédite). Deux abus à éviter
relativement au confesseur : s'attacher à sa conduite au point de
« perdre la vraye liberté ; » en changer « sans propos. »
Remarques sur divers écrits et une sorte de testament spirituel.
Message pour Mme Brûlart. Le Saint ne veut pas que ses
lettres soient communiquées
Annecy, 7 décembre 1604.
Madame,
Je ne puis laisser partir aucun messager d'ici qui s'en aille de dela sans luy donner de mes
lettres, et au moins pour vous. Cettuici aussi ne me donne pas loysir d'escrire qu'a vous.
Despuis le despart de vostre homme j'ay feuilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés,
et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil
faut tous-jours changer de [396] confesseur. Cela est contraire a l'advis de tous les serviteurs de
Dieu et a l'experience et a la rayson. Il faut donques ne point changer de confesseur quand l'on en
a rencontré un bon, si ce n'est avec beaucoup de sujet. Il est vray que c'est un grand abus de
tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la commodité, pour cela on s'en
inquiete ou trouble ; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy,
qui est Dieu, et par consequent perdre la vraye liberté. Mais aussi, d'aller changeant sans propos
c'est un'espece de dissolution, delaquelle il arrive que jamais la complexion de nostr'esprit n'est
reconnëue par nostre medecin spirituel ; et comment donques nous sçaura-il gouverner ? Or bien,
cela suffit. Tenes vous donques a vostre confesseur sans contrainte, et quand pour quelque sujet il
le faudra changer, que ce soit sans dissolution.
J'ay bien opinion que dedans ces escritz il y a plusieurs pointz de tres diffidile prattique, et
qui font une abstraction d'esprit un petit excessive a qui voudroit les empoigner de haute lutte.
Mais il faut aussi y apporter le remede convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice
qu'avec advis et moderation, et apres qu'on aura fort usé les pointz plus aysés. Je n'ay pas loysir de
vous en dire autre chose.
J'ay veu le testament des deux Religieux, par lequel l'ame se donne toute a Dieu. Il est fort
ample, et ne treuve que bon quil soit porté sur soy, et plus au cœur. C'est pour respondre a la petite
marque que vous avés mis en marge. Je voy la dedans, ma tres chere Fille, que vous aves tout
laissé a Dieu, pour estre exercee par toutes sortes d'aridités, tentations et secousses selon son bon
playsir : resouvenés vous en bien. Mais voyla que vous me dirés : C'est que les testamens n'ont
point d'effect que par la mort du testateur994. Dieu donques nous face bien mourir sur sa sainte
Croix, affin que nous soyons entierement siens. Mon Dieu, que vous estes obligee a l'amour de sa
divine bonté ! Sans doute, toutes choses bien considerees, il vous a esté expedient d'estre conduite
994 Heb., IX, 16, 17.
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25.10 Page 250

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par ou vous aves esté conduite jusques a present ; mais [397] jusques a present. O que les sentiers
de la providence que Dieu a des siens sont admirables et imperscrutables995 !
Si cet homme ne passoit a Geneve je vous eusse renvoyé tous vos papiers ; mais je
craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent,
comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust. Ce sera a la premiere
commodité. Faites moy ce bien que de saluer en mon nom madame Brulart, a laquelle je ne puis
escrire faute de loysir, et aussi n'ay je pas autre sujet que de la saluer. Tout maintenant j'ay receue
une lettre de Monsieur de Bourges du 27 aoust ; je ne sçai ou ell'a esté jusques a present. Elle ne
regarde qu'un affaire temporel ; je luy en feray response dans bien peu, ne desirant rien tant que
de me conserver sa bonne grace.
Vivons a Jesus Christ, ma chere Seur, soyons entièrement a luy. Ses sacrees mains nous
ont basti et formés996 ; qu'elles facent de nous ce quil leur plaira. Et courage, nous ne nous
sçaurions confier a des mains plus amies et favorables. J'attens tous les jours un assault, comme je
vous escrivois par la derniere997, mais il ne sçait venir. Mon Dieu qui connoist ma foiblesse ne la
voudra pas espreuver, et se sera peut estre contenté de la menace. Pries le pour moy : quil me
fortifie, et puis qu'il me charge998.
A monsieur vostre pere et oncle mille salutations. Ma chere Seur et ma Fille, tous les jours
je donne vostre cœur a Dieu avec celuy de son Filz en la sainte Messe ; donnes luy le mien, et je
vous advoüeray au jour du jugement. Dieu soit vostre amour, vostre cœur, vostre courage, et je
suis,
Ma tres chere Seur, Madame et ma Fille,
Vostre serviteur plus humble et dedié en Nostre Seigneur,
F.
Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec
vostre confesseur, mais nompas mes lettres999 qui sont un petit trop naifves et [398] cordiales pour
estre veües par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et
ronde en vostre endroit.
A Neci, VII decembre, veille de la Conception.
Dieu benie nostre Celse Benine et ses trois seurs ; c'est ainsy que je les salue. Ma mere est
tous-jours malade, mais sans danger.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal (sic),
chez Monsieur le Præsident Fremiot son Pere.
A Dijon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Grande-Chartreuse.
_____
CCXLIV. A Messieurs du Conseil de la Sainte-Maison de
Thonon. Envoi de quelques papiers
Annecy, 7 décembre 1604.
Messieurs,
995
996 Rom , XI, 33.
997 Job, X, 8.
998 Vide supra, pp. 381, 388.
999 Cf. S. Aug., Confess., l. X, cc. XXIX, XXXVII.
250/340

26 Pages 251-260

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26.1 Page 251

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Je vous envoye l'original que vous avés desiré de moy, avec quelques autres papiers qui
regardent le mesme sujet, et ne sçai pourquoy les scindiques de Thonon prenent ce biais de nier
une chose si claire et quilz ne peuvent ignorer1000. Je prie Nostre Seigneur quil vous donne
abondamment l'assistence de son Saint Esprit, et suis,
Messieurs,
Vostre serviteur plus humble en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
VII decembre 1604.
A Messieurs
Messieurs du Conseil de la Ste Mayson de Thonon.
Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Bibliothèque publique. [399]
_____
CCXLV. A M. Charles d'Albigny (Inédite). Prière de vouloir
bien donner audience à un nouveau converti
Annecy, 23 décembre 1604.
Monsieur,
Ce porteur, qui s'appelle Henri de la Rose (vulgo nativo), de Matisco, mais qui a vescu une
grande partie de son aage a Geneve, est venu a moy pour recevoir l'absolution de son hæresie,
laquelle je luy ay conferee1001. Au bout de la, il m'a parlé d'un affaire duquel je ne suis pas bien
capable, mais que j'ay estimé digne de n'estre pas entierement mesprisé. C'est pourquoy je luy ay
donné advis de passer jusques a vous, Monsieur, qui jugeres de sa proposition, laquelle, a ce quil
m'a dit, il n'a communiqué a homme du monde que a moy, qui ne l'ay pas bien entendue.
J'attens que le P. Recteur1002 aille aupres de vous, Monsieur, pour vous esclarcir sur le sujet
de vostre lettre dont il vous pleut m'honnorer, et cependant je suis pour toute ma vie,
Monsieur,
Vostre serviteur tres humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXIII décembre 1604.
A Monsieur
Monsieur d'Albigni,
Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant general deça les mons.
Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. [400]
1000 Les administrateurs de la Sainte-Maison étaient en procès avec les syndics de Thonon au sujet du prieuré de Saint-
Hippolyte, et de la cure de Tully. Ce procès se termina par une transaction le 24 juin 1605.
1001 Ce personnage qui, au témoignage du Saint (lettre du 9 mai 1609), était « l'un des plus apparens convertis qui
soyent sortis de Geneve, » avait vu tous ses biens confisqués par ses anciens coreligionnaires. Il se retira d'abord à
Annecy, où le saint Evêque pourvut à ses besoins et lui obtint ensuite une place au château de Montmélian. L'une de
ses filles entra au monastère de Sainte-Claire d'Annecy.
1002 Le P. Jean Fourier, recteur du collège de Chambéry (voir ci-dessus, note (351), p. 156).
251/340

26.2 Page 252

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CCXLVI. A M. Janus de la Faverge (Inédite). Réponse à une
lettre de recommandation. Souhaits de bonne année. Le
Saint se promet beaucoup de consolation du Carême qu'il doit
prêcher à La Roche
Annecy, 30 décembre 1604.
Monsieur mon Oncle,
J'ay receu vostre lettre par les mains de ce mesme porteur, duquel le droit sera conservé
fort soigneusement, non seulement pour le devoir que j'ay de rendre cet office a tous ceux de ce
diocæse, mais aussi pour la recommandation que vous m'en faites, laquelle aura tous-jours autant
de pouvoir sur moy que null'autre. Si monsieur le Præsident eüt esté icy, j'eusse sur le champ
essayé de faire ce que vous desirés de moy vers luy, comme je le feray, Dieu aydant, tout aussi
tost quil sera de retour de Chamberi qui sera, comm'il m'escrit, aux Rois.
Je ne voy l'heure en laquelle je me rendray au pres de vous et de vostre ville, pour le
contentement que j'en prætens1003. Le vous puisse je rendre en quelque façon reciproque, et je
l'espere de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commencement,
meilleur progres et tres bonne fin de cette nouvelle annee qui nous arrive. Son Saint Esprit veuille
tous-jours vous consoler de ses benedictions, avec madame ma bonne tante et seur, et toute vostre
suitte ; et je suis de tres grand'affection,
Monsieur mon Oncle,
Vostre serviteur, neveu et compere bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Ce 30 decembre 1604.
A Monsieur mon Oncle,
Monsieur de la Faverge.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Foras,
château de Thuyset, près de Thonon. [401]
_____
CCXLVII. A un inconnu (Fragment inédit)
[1604.]
Monsieur,
Entre plusieurs embarassemens qui rendent ma charge pesante, j'en a y un pour les cures
de Saint Sergue, Perrigni, Fessi, Lully, Brenthonoz et Lulin, desquelles les portions congrues
furent tirees par feu Monsieur mon prædecesseur, en partie sur les revenuz de l'abbaye d'Aux1004,
d…
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
1003 Vide supra, p. 365, not. (914).
1004 Cette question des « portions congrues » à donner aux curés du Chablais avait été traitée entre M. d'Albigny et
l'Evêque de Genève en septembre 1604.
252/340

26.3 Page 253

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CCXLVIII. A Monseigneur André Frémyot, Archevêque de
Bourges. (Fragment). Envoi d'un règlement de vie. Dans quel
esprit l'observer. Savoir y déroger pour servir le prochain.
Ne jamais lui sacrifier « la tressainte liberté d'esprit. »
[1604 1005].
Monseigneur,
C'est pour vous obeir que je vous envoye ce pauvre escrit, lequel, pour la plus grande partie
de ses pointz, vous sera inutile. Ce n'est pas certes qu'il ne fust desiderale que nos maysons
episcopales fussent dans ce [402] reglement, nous sçavons ce que saint Paul en dit1006 ; mais je
sçay par mon experience qu'il faut s'accommoder a la necessité du tems, du lieu, de l'occasion et
de nos occupations. Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon
reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit
plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir ;
et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien
de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer
autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage. En somme, Monseigneur,
nous devons dire avec le grand Evesque d'Hippone1007 : « Amor meus pondus meum1008. » ...
Revu sur un ancien Ms. de l'Année Suinte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.
_____
1005 C'est par suite d'une faute de lecture dans le Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation, que l'éditeur Datta
attribue à cette lettre la date de 1609. Mgr Frémyot avait réclamé les conseils de l'Evêque de Genève dès qu'il fut en
rapports avec lui (cf. ci-dessus, p. 327) ; cette lettre a donc dû être écrite dans le courant de 1604.
1006 I Tim., III, 1-5 ; Tit., I, 6-8.
1007 Confess., l. XIII, c. IX.
1008 « Mon amour est mon poids. »
253/340

26.4 Page 254

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CCXLIX. A une inconnue (Inédite). Encouragements donnés à
une résolution généreuse. Offres charitables pour la seconder.
— Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce
[1602-1604 1009.]
Je laisse a part tout le reste de vostre lettre pour louer, benir et remercier Dieu de la
resolution quil a planté en vostre ame : je le prie de nourrir et arrouser de ses benedictions ceste
plante. J'ay tous-jours esté avec vostre [403] cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé
; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est descendu dans le vostre. L'amour fait
quelquefois des præsages par la force de la simpathie. Aussi ay renversé sans dessus dessous mon
entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je
presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu
veut tant aymer que de se faire aymer par eux1010. Nous n'aurons pas besoin d'aller a Romme pour
aller en Hierusalem, c'est a dire en la paix de nos consciences ; Dieu a estendu sa main jusques icy
pour nous embrasser.
Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par
ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree
a vostre service. Mais si faut il que je vous die ce mot : le rocher d'Horeb estoit vif et dur ; sil jetta
de l'eau ce ne fut point par mollesse, ce fut que Dieu le toucha1011. Ce n'est pas pusillanimité d'avoir
tesmoigné dans les yeux le coup que l'on ressent au cœur. Que sil y a de l'extraordinaire, tant plus
doit on croire que le coup vient d'en haut, puysque les coups ordinaires n'ont pas ce pouvoir. La
terre seche ne reçoit pas si a propos le soc ni la semence ; Dieu fait pleuvoir pour semer sa grace.
Courage, Madame ; ce seroit une vraye et prodigieuse pusillanimité en un'ame bien nee de
quitter une telle resolution que celle que vous aves receu ; Dieu, qui vous l'a donnee, ne la retirera
jamais si vous ne la chassés. Conservés la donques, et croyes que je suis au grand jamais et tous-
jours.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San Vito al Tagliamento (Vénétie). [404]
_____
1009 Adresse, date, clausule, signature, tout fait défaut à cette lettre de tournure si énigmatique ; cependant l'Autographe
n'a subi aucune mutilation. C'est évidemment à dessein que l'Auteur s'entoure de mystère. Une simple initiale tient
lieu du titre à donner au destinataire (p ; 404, lig. 26). Cependant il ne nous semble pas douteux que cette M. ne doive
s'interpréter par Madame. De plus particularité que nous rencontrons ici pour la première fois plusieurs autres
mots sont représentés par une seule lettre ; c'est ainsi que l'Autographe porte v. pour vostre ; D. pour Dieu ; v. c. pour
vostre cœur ; sans d. d. pour sans dessus dessous. A en juger d'après l'écriture et l'orthographe, cette lettre doit
remonter aux débuts de l'épiscopat du Saint.
1010 Cf. Rom., VIII, 28.
1011 Exod., XVII, 6.
254/340

26.5 Page 255

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Minutes écrites par Saint François de Sales pour diverses
personnes
_____
CCL. Au Duc de Nemours, pour un père de famille (Inédite).
Instances à l'effet d'obtenir que son fils lui soit rendu
[1596-1599 1012.]
Monseigneur,
Je vous remercie en toute humilité de la faveur avec laquelle il vous a pleu m'escrire pour
me rendre doux et leger le besoin que j'ay, sur mes vieux jours, de mon filz, lequel, puysqu'il
trouveroit pardeça1013 plus de guerre qu'il ne luy seroit necessaire pour acquerir de la reputation en
sa propre patrie, ne peut avoir autre sujet d'arrester d'avantage a venir me servir que vostre
commandement. Mays, Monseigneur,1014 vous pouves [405] tousjours avoir tout autant de
serviteurs aupres de vous quil vous plaira d'en recevoir, et je ne puis me voir soulagé d'autre filz
que de celluy la. Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous
plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la
viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il
a tousjours esté et doit estre,
Monseigneur,
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
CCLI. A Sa Sainteté Clément VIII pour les Catholiques de
Thonon. Actions de grâces pour la bienveillance spéciale que
leur témoigne le Souverain Pontife
Thonon, octobre 1599.
Sanctissime Pater,
Très Saint Père,
Quod nos oves non ita pridem
errantes1015, nunc autem ad caulas Christi
reversas, tanta sollicitudine ac charitate
complectatur Sanctitas Tua, sicuti ex litteris
amantissimorum nostri virorum qui in Urbe
versantur, ac præsertim ex Archiepiscopi
Nous donc, jadis brebis égarées,
revenues maintenant à la bergerie du Christ,
nous voici l'objet de la sollicitude et de
l'affection de Votre Sainteté. C'est par les
lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est
surtout de la bouche de l'Archevêque de
1012 C'est uniquement d'après l'écriture que l'on peut conjecturer approximativement l'époque à laquelle cette minute a
été écrite. Elle semble destinée au duc de Nemours qui guerroya plusieurs fois en France pendant les dernières années
du XVIe siècle.
1013 pardeça [en sa patrie, de tres belles occasions pour s'acquerir beaucoup de reputation...]
1014 Mays [je vous supplie,] Monseigneur, [que la mesme bienveüillance avec laquelle il vous plait de favoriser le
filz, vous face faire consideration aux necessités de la viellesse du pere, et que]
1015 I Petri, II, ult.
255/340

26.6 Page 256

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Viennensis ad nos adventu [406]
cognovimus1016, illud ipsum est procul dubio,
quod ab iis qui nos per Evangelium in Christo
genuerunt1017 statim initio audivimus : unum
esse nimirum in terris Pastorem maximum, cui
sic absolute, sic indistincte suas oves Christus
commiserit, ut planum sit « non aliquas
designasse, sed assignasse omnes1018, » cuique
proinde, præter instantiam quotidianam,
sollicitudo sit omnium Ecclesiarum1019.
Principatum namque Apostolici
sacerdotii et zelum tali congruentem fastigio in
Beatitudine Tua agnoscimus, quam propterea
Petri, cujus tenes sedem, vices etiam in eo vel
maxime sustinere lætamur, quod ovibus non
præesse tantum, sed præsertim prodesse velie
videamus ; omnibus sane, nobis autem seorsim
quam impensissime. Qui ob id, ad pedes
Beatitudinis Tuæ provoluti, gratias agimus
quantas possumus maximas, præcamurque ut
ea beneficia quibus jam nostram hanc
provinciam nosque auctiores facere animo
destinavit Apostolico, pergat [407] promovere,
neve suam clementiam ullo unquam tempore
nobis deesse patiatur. Sic enim fiet ut
quemadmodum munere, sic immortalibus
meritis sit beatissima.
Ita Deus immortalis Beatitudinem
Tuam quam diutissime Ecclesiæ suæ servet
incolumem.
Sanctitatis Tuæ,
Humillimi servi ac devotissimi in Christo filii,
THONONENSES INCOLÆ CATHOLICI.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
Canonisation. [408]
Vienne, arrivé parmi [406] nous, que nous en
avons reçu l'assurance. Nous voyons là, justifié
sans aucun doute, l'enseignement recueilli à
l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont
engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile : c'est
qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême,
auquel le Christ a confié ses brebis, mais si
absolument et si indistinctement qu'il est de
toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné
quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui
a remises toutes ; » et c'est pourquoi celui-ci,
en portant le poids de ses préoccupations
quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif
sur toutes les Eglises.
Aussi reconnaissons-nous dans Votre
Béatitude la primauté du sacerdoce catholique,
avec le zèle qui convient à une dignité si
auguste. De Pierre, Elle occupe le siège, mais
Elle imite aussi et de très près la conduite, car
il est consolant de voir qu'Elle ne veut pas
seulement commander aux brebis, mais qu'Elle
tient surtout à les assister, toutes sans doute,
mais nous autres en particulier, avec un absolu
dévouement. C'est pourquoi, prosternés aux
pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les
plus vives actions de grâces. Qu'Elle daigne
continuer, nous l'en supplions, à nous et à toute
cette province, les bienfaits dont votre âme
apostolique s'est plu déjà à nous [407] enrichir.
Qu'Elle ne souffre pas que sa bienveillance
vienne jamais à nous manquer. Ainsi, non
seulement en vertu de votre charge, mais
encore par vos immortels mérites, vous aurez
droit à la bienheureuse félicité.
Dans cette vue, que Dieu immortel
daigne conserver le plus longtemps possible à
son Eglise les jours de Votre Béatitude !
Nous sommes, de Votre Sainteté,
Les serviteurs très humbles et très dévoués
fils dans le Christ,
LES HABITANTS CATHOLIQUES DE
THONON. [408]
1016 Voir ci-dessus, note (51), p. 24.
1017 I Cor., IV, 15.
1018 S. Bern., De Consid., l. II, c. VIII.
1019 II Cor., XI, 28.
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26.7 Page 257

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Minutes écrites pour Monseigneur de Granier
_____
CCLII. A Monseigneur Bonaventure Secusio, Patriarche de
Constantinople, Nonce Extraordinaire en France1020 (Inédite).
Instances pour obtenir que le Nonce intervienne auprès du roi de
France en faveur du Chablais.
Septembre 1600.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime et Révérendissime
Signore,
Seigneur,
È fama publica nella diocesi di Geneva
che Sua Maestà Christianissima ha concesso
con la republica di Berna et Geneva che
habbino da pigliar, guardare et possedere li
balliaggi di Chablais et Ternier ; il che
succedendo si rovinarebbe affatto l'essercitio
catholico in quelle bande, [409] dove sono da
cento et più parrochie, parte catholiche antiche,
et andarebbono tolti quelli popoli dall'
obedienza della santa Chiesa. Dal che
nascerebbe grandissimo scandalo apresso tutti
li buoni et grandissimo disgusto alla Santità del
Papa, la quale ha tanta sollecitudine di quelli
balliaggi, che ad utile loro particolare vi
mantiene apresso della Camera Apostolica una
missione di Giesuiti, et vi mandò è già un
pezzo il Signor Gribaldo1021, che fu già
Arcivescovo di Vienna, per vedere se vi fosse
commodità d'erigere Università di studi ; il
quale Arcivescovo vi è ancora per provedere
all' essecutione di detto dissegno. Et per quella
provincia si è eretta in Roma una particolare
Le bruit s'est répandu, dans le diocèse
de Genève, que Sa Majesté très Chrétienne a
conclu avec la république de Berne et de
Genève un accord, par lequel elle autorise
celle-ci à saisir, garder et posséder les
bailliages de Chablais et de Ternier. S'il est
vrai, ce serait la ruine totale du culte catholique
en cette région ; plus de cent paroisses, [409]
pour une partie anciennement catholiques, se
verraient ainsi soustraites à l'obéissance de la
sainte Eglise. Il en résulterait un grand
scandale pour tous les bons et une grande
douleur pour le Pape. Sa Sainteté entoure d'une
telle sollicitude ces bailliages que pour leur
utilité Elle entretient une mission de Pères
Jésuites sur les revenus de la Chambre
Apostolique. Depuis longtemps Elle y a député
Mgr Gribaldi, ancien Archevêque de Vienne,
pour examiner s'il serait possible d'y établir
une Université ; ledit Archevêque s'y trouve
encore, afin de pourvoir à l'exécution de ce
dessein. De plus, une Congrégation spéciale de
1020 Bonaventure Secusio, appelé de Caltagirone du lieu de sa naissance, Général des Mineurs Observants (1593-
1600), patriarche de Constantinople (10 mars 1599). Cet habile diplomate, auquel Clément VIII confia plusieurs
négociations importantes, avait contribué à la conclusion du traité de Vervins (1598) ; en septembre 1600 il se trouvait,
en qualité de Nonce extraordinaire, auprès de Henri IV alors à Grenoble. Saint François de Sales s'y rendit en personne
afin de remettre au Nonce la lettre qu'il avait lui-même rédigée pour Mgr de Granier. Au commencement d'octobre
suivant, Mgr Secusio accompagnait à Annecy le roi de France, et continuait à mériter l'éloge que Henri IV lui avait
donné par ces paroles : C'est un « tres habile homme et qui n'est apprentif au mestier qu'il faict. » Le Prélat diplomate
devint successivement évêque de Patti en Sicile (1601), puis archevêque de Messine (1605), d'où il fut transféré à
l'archevêché de Catane. C'est dans cette dernière ville qu'il mourut (29 mars 1618), à l'âge de cinquante ans. (Note du
R. P. Edouard d'Alençon, Capucin.)
1021 Vide supra, p. 24, not. (51).
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26.8 Page 258

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Congregatione di Prelati, chiamata della
Promotione della fede, della quale il Signor
Cardinal Aldobrandino è Prefetto, et si è
destinato il Signor Cardinal Baronio per
Protettore di essa1022.
Prélats, appelée de la Promotion de la foi, a été
érigée à Rome en faveur de cette province ; M.
le Cardinal Aldobrandino en est Préfet, et M.
le Cardinal Baronius en a été nommé
Protecteur.
Onde si supplica V. S. Illma et Rma che
si degni trattarne colla Maestà del Re
Christianissimo, acciò si degni [410] far gratia
a quelli popoli di non darli nelle mani di quelle
republiche heretiche ; o se in ogni modo li vuol
dare, li dia con questa conditione, che per
conto della religione non vi sia fatta
innovatione veruna, ma siano lasciati nel stato
nel quale si ritrovano adesso
All' Illmo et Rmo Sigre et Patron mio
osservandissimo, Il Sigre Nuntio Apostolico
apresso il Re Christianissimo.
C'est pourquoi on supplie Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de
vouloir bien traiter des affaires du Chablais
avec Sa Majesté le roi très chrétien, afin qu'il
daigne faire à ces peuples la [410] grâce de ne
pas les livrer entre les mains de ces républiques
hérétiques ; ou, si absolument il veut les livrer,
que ce soit du moins sous cette réserve, que
nulle innovation ne sera faite en ce qui
concerne la religion, mais que toutes choses
seront maintenues dans l'état où elles se
trouvent maintenant
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
Canonisation.
_____
1022 Vide supra, Epist. CXXXII.
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CCLIII. Au Cardinal François de Joyeuse1023. Les Bernois
prétendent s'emparer des bailliages de Thonon et de Ternier.
Coup-d'œil rétrospectif sur l'apostasie et sur la conversion de ces
provinces. Demande de la protection du Cardinal auprès du
roi de France.
[Septembre-octobre 1600.]
Monseigneur,
Me sentant chargé du soin du plus1024 important evesché de tout ce voysinage, ce m'a esté
une incroyable consolation d'avoir sceu que vous esties aupres de Sa Majesté, [411] car je ne
doutois pas qu'une sayson si pleyne de difficultés ne fit naistre1025 beaucoup d'occasions esquelles
ceste pauvre et tant affligee Eglise que Dieu m'a confiee auroit extreme necessité d'ayde et d'appuy
; et ne pouvois d'ailleurs souhaitter un appuy et asseurance plus ferme et solide que d'une telle
colomne du tressaint Siege Apostolique que vous estes.1026 Je loue donq Dieu qui nous a establi
pardeça ceste1027 pierre de refuge1028 ; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie,
Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste
Eglise.
J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois1029 taschent par toutes voyes d'avoir congé
de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse ; je
me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui
s'ensuivroit d'une telle saysie. Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de
ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y
planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres,
par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en
fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames)
ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege
Apostolique. De laquelle reduction, Monseigneur le Cardinal de Medicis, pour lhors Legat a
latere, a esté non seulement tesmoin, mais fut encor luy mesme instrument, en ayant conferé
l'absolution a un tres grand nombre des convertis. Dequoy ayant fait recit a Sa Sainteté, elle
m'envoya un Brief apostolique1030 affin que je reprinse les revenus ecclesiastiques de ces balliages
1023 François, fils de Guillaume vicomte de Joyeuse et de Marie de Batarnay, recommandable plus encore par son
mérite personnel que par l'illustration de sa naissance, se montrait digne du titre de « colomne du tressaint Siege
Apostolique » que lui donnait saint François de Sales. Archevêque de Narbonne à vingt ans (1582), cardinal à vingt
et un (12 décembre 1583), archevêque de Toulouse à vingt-deux, il contribua beaucoup à la réconciliation de Henri
IV avec l'Eglise Romaine. Dès lors le monarque ne cessa, comme son prédécesseur, de lui donner des preuves de
confiance. Il le choisit pour protecteur des affaires de France en Cour de Rome, le nomma en 1604 à l'archevêché de
Rouen, et plus tard le chargea de négocier la paix entre le Saint-Siège et la république de Venise (1607). C'est le
Cardinal de Joyeuse qui sacra à Reims le roi Louis XIII (17 octobre 1610), lui qui présida au nom du clergé les Etats
Généraux de 1614. Entouré de l'estime universelle, il mourut à Avignon le 27 août 1615, après avoir fait un grand
nombre de fondations pieuses. Il établit entre autres un Séminaire à Rouen, une maison d'Oratoriens à Dieppe, et une
autre de Jésuites à Pontoise ; c'est à l'église de ce dernier établissement qu'il légua son cœur.
1024 du plus [affligé et]
1025 pas qu'en une sayson si pleyne de difficultés il ne m'arrivast
1026 que vous estes. [Si que l'escarlatte sacree dont vous estes revestu ne me permet pas de paslir parmi les craintes
ausquelles ma vocation m'oblige.]
1027 Dieu [de vostre si necessaire venue en ces contrees...] qui a praeparé pardeça une telle
1028 Ps. CIII, 18.
1029 [Le bruit court icy...] J'entens un gros bruit [en ces quartiers] qui porte que les Bernois [ont instamment sollicité
aupres de S. M.... persuadent tres instamment...]
1030 Ce Bref est daté du 24 mars 1599.
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26.10 Page 260

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et, par tout ou il me sembleroit, je restablisse les eglises, y constituant absolument des curés,
pasteurs et prædicateurs. Ce que j'estois sur le point de faire1031, et cependant avois des-ja, des le
passage de mondit Seigneur Legat, establi par tout des pasteurs par provision.
Despuys, Sa Sainteté y avoit envoyé et entretenu1032 a ses propres despens une mission de
Religieux Jesuites pour avancer tous-jours tant plus ceste sainte œuvre, qu'elle jugeoit si digne
d'estre favorisee1033 qu'elle avoit mesme dressé dés quelques moys en ça une Congregation a
Romme pour cest effect, delaquelle Monseigneur le Cardinal Aldobrandino, son neveu, estoit le
chef, et avoit fait protecteur particulier de l'œuvre Monseigneur le Cardinal Baronio, avec dessein
d'y dresser une Université. Si que il sembloit que Dieu1034 voulut particulierement esclairer de son
œil de misericorde ceste province, apres tant de tenebres1035 lesquelles l'avoyent obscurcie si long
tems.
Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre
aux armes du Roy [413] le passage et chemin1036 a ces balliages, il me semble que je vous dois
supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en
singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes1037 nouvelles plantes,
lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté,
qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.
Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux1038 pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver,
seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de
leur conscience,1039 ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le
grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité,
selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur.
1040A Monseigr
Monseigr l'Illustrissime et Rme
Monseigr le Cardinal de Joieuse.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [414]
_____
1031 de faire [ce moys d'aoust passé que...]
1032 Sa Saintetéavoit [destiné] et entretenu [de fait]
1033 favorisee [de tant d'assistence]
1034 que Dieu [et le St Siege...]
1035 de tenebres [qui y avoyent duré si long...]
1036 et chemin [si aysé]
1037 de [la ste foy en] ces
1038 Entre lesquels [il en court un,] le plus aspre et dangereux [qui leur peut arriver, et le plus lamentable, a mon
advis...]
1039 [La fin de cette minute manque dans l'Autographe ; elle est donnée d'après l'édition de 1641, moins toutefois la
signature F. E. de Geneve. Cette si gnature est évidemment ajoutée à tort ; car la lettre, qui traite d'évènements arrivés
à la fin de 1600, est écrite au nom de Mgr de Granier.]
1040 [L'adresse n'est pas de la main du Saint.]
260/340

27 Pages 261-270

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27.1 Page 261

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CCLIV. A M. Nicolas de Sancy1041. Encore les affaires du
Chablais. Remerciements pour l'assurance donnée
relativement au maintien de la religion catholique dans cette
province. Il n'est pas possible d'accorder au baron du Villars
les bénéfices ecclésiastiques qu'il sollicite pour son fils.
Annecy, 6 novembre 1600.
Monsieur,
Je viens de recevoir la lettre que vous m'escrivistes a Geneve le XIIIIe d'octobre, laquelle,
quoy que tard, m'est arrivee fort a souhait pour avoir veu au fin commencement d'icelle que le Roy
vous depeschant de dela pour son service, vous commanda de tenir main de tout vostre pouvoir a
ce que l'exercice de la religion fut maintenu en son integrité, selon l'ordre et acheminement que j'y
avois ci devant donné. Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure
j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre
permission ; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que
j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes
intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement
estant en ceste ville1042 ; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere
a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions
qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres. Vous m'aves
donques infiniment obligé par ceste nouvelle asseurance que vous me faites que tout demeurera
en son integrité, [415] sans alteration d'aucun nouveau meslange ; dont je vous remercie bien
humblement.
Et touchant la provision de la cure de Saint Mathieu et doyenné de Vullionnex, que vous
desiries de moy en faveur du filz de monsieur le baron du Villars1043, je vous prie, Monsieur, de
faire consideration de l'estat auquel je suis touchant les benefices de ces balliages. Sa Sainteté
sachant fort distinctement la disposition de ces pauvres peuples, me depescha un Brief expres et
bien ample1044 par lequel elle me charge de desunir tous les benefices, tant curés qu'autres, des
balliages de Thonon et Ternier, lesquelz jusques a l'heure avoyent estés unis a la Milice de Saint
Lazare. Et outre ce, de prendre sur tous autres benefices desdits balliages, de quelle qualité qu'ilz
fussent, et sur tous biens dependantz de l'Eglise, ce qui seroit necessaire pour les portions des curés
et prædicateurs, en cas que les benefices de Saint Lazare ne fussent suffisans, avec tout pouvoir
d'unir les parroisses ensemble ou les diviser selon que je jugerois a propos.
Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la derniere execution de ceste volonté du Saint
Siege quand ces troubles de guerre survindrent, et, en consideration de la ruine de beaucoup
d'eglises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une,
selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de
Vullionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'eglise de
Vullionnex est en masures ; et du tout j'ay envoyé au Saint Siege distincte et vraye instruction. Si
que je suis obligé a suyvre ce qu'une fois pour tout j'en ay ordonné apres meure deiberation,
puisque l'advis en est allé jusques aux mains des superieurs, et que d'ailleurs malaysement se
pourroit il mieux faire. Mays sur tout, apres que j'auray levé du doyenné de Vullionnex la portion
necessaire pour le curé de Bernex en supplément de ce qui manquera d'ailleurs, je n'en puis [416]
1041 Voir ci-dessus, note (92), p. 53.
1042 Henri IV séjourna à Annecy du 5 au 9 octobre 1600.
1043 Peut-être François de Boyvin, le seul des fils du baron du Villars qui nous soit connu. Un Maximin Boyvin fut
institué curé de Saint-Girod le 9 mars 1607 ; mais nous n'avons pas de preuve qu'il fût frère du précédent.
1044 Vide supra, p. 413, not. (1030).
261/340

27.2 Page 262

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aucunement disposer au præjudice du tiers qui s'est tous-jours maintenu en possession avec
provision de Romme. Qui me fait vous supplier, Monsieur, de prendre en bonne part si je ne
rapporte au contentement de monsieur du Villars ce que vous desiries, puys quil tient au pouvoir
que je n'ay plus et non a l'affection, laquelle j'y ay tres entiere, quand ce ne seroit que pour lhonneur
que je porteray tous-jours a tout ce qu'il vous plaira me recommander.
Ce qu'attendant de tesmoigner par effect quand il plaira a sa divine Bonté m'en donner le
pouvoir, je la prieray vous donner, Monsieur, longue et heureuse vie en la benediction de sa sainte
grace.
1045Vostre bien humble et affectionné serviteur.
D'Annessi, ce 6 de novembre 1600.
A Monsieur
Monsieur de Sancy, Conseiller d'Estat, Colonnel des Suisses,
Capitaine de cinquante hommes d'armes
et commandant au duché de Chablaix et balliage de Ternier pour Sa Majesté.
Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Bernex (canton de Genève).
_____
CCLV. Au Baron François du Villars1046. Raisons qui ne
permettent pas de donner au fils de ce seigneur la cure et le
doyenné de Vuillonnex.
Annecy, 6 novembre 1600.
Monsieur,
J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a
vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre
conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre ; qui me rend autant plus
de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous
m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement,
puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege
Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon. Et quant au doyenné,
je ne sçaurois rompre la provision de Romme faitte pour monsieur d'Angeville1047, ni faire chose
quelcomque a son præjudice sans l'ouir juridiquement avec connoissance de cause.
Je me prometz tant de vostre vertu, que je luy propose la rayson ainsi simplement, estimant
qu'elle la recevra de bon cœur. Faittes moy donq ce bien, Monsieur, et croyes, je vous prie, qu'en
toutes occasions ou j'auray le pouvoir esgal a la volonté vous me rencontreres tous-jours prompt
et prest pour le contentement de vos desirs ; de quoy je prie Dieu me mettre bien tost en main les
occasions et vous donner, Monsieur, heureuse et longue vie en sa grace et protection.
1048Vostre tres affectionné serviteur.
A Monsieur
1045 La clausule n'est pas de la main du Saint.
1046 François de Boyvin, baron du Villars-sous-Salève, maître d'hôtel de la reine Louise de Lorraine, veuve de Henri
III, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, conseiller d'Etat. Nommé bailli de Gex par patentes du 16 janvier
1601, il remplissait encore cette charge en 1618. On lui doit d'importants Mémoires sur les guerres du Piémont (1559-
1569), et plusieurs autres ouvrages.
1047 Voir le tome précédent, note (358), p. 152.
1048 La clausule et l'adresse de cette lettre ne sont pas de la main du Saint, non plus que l'adresse de la lettre suivante.
262/340

27.3 Page 263

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Monsieur le baron du Vilars.
Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Bernex (canton de Genève). [418]
_____
CCLVI. A M. Nicolas de Sancy. Violences exercées contre les
Catholiques en l'absence de M. de Sancy. Recours à l'autorité
de celui-ci pour obtenir la répression définitive des protestants
Annecy, [janvier] 1601.
Monsieur,
Soudain que je me suis apperceu de vostre retour es balliages desquelz vous aves le
gouvernement, je me suis deliberé de vous faire les plaintes lesquelles pendant vostre absence j'ay
esté contraint addresser ailleurs. Les huguenotz, sachans bien quilz n'oseroyent en vostre præsence
user de la violence quilz ont accoustumé d'employer a l'advancement de leur hæresie, ne vous
eurent pas si tost perdu de vëue qu'ilz font sortir de Geneve des ministres et autres telles gens, non
seulement pour precher publiquement, mais aussi pour honnir et profaner nos eglises, renverser
nos autelz et desrobber les cloches et autres meubles sacrés, comm'ilz ont fait a Veyri, Saint Julien
et en deux lieux de Chablais, injurians et menaçans les personnes1049. Au moyen dequoy, ayans
contrains quelques uns des pasteurs catholiques d'absenter, sur tout en Ternier, ilz veulent
maintenant usurper leurs places1050.
Or, Monsieur, je sçai ce que Sa Majesté en a resolu1051, car elle m'en a donné sa parole qui
doit servir de mille asseurances. Je sçai ce que vous m'en aves escrit, en quoy [419] je prens toute
confiance. Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous facies prendre une finale
resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses
personnes ou en ses choses. Je vous en supplie et conjure par lhonneur et fidelité que vous deves
a Jesuschrist, et encor de me donner advis s'il sera besoin que je recoure derechef pour cest effect
au Roy, de la bonté et parole duquel je me prometz toute justice, mesmement estant appuyé sur le
credit de Sa Sainteté que j'imploreray, resolu que je suis de ne m'espargner en rien pour la bergerie
qui m'a esté confiee.
Je me tiens asseuré de vostre faveur en ceste occasion, laquelle attendant je prie Dieu quil
vous doint, Monsieur, le comble de ses graces et benedictions.
A Monsr de Sancy.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
1049 MM. de Sancy et de Montglat (voir ci-dessus, note (96), p. 58) avaient pris possession du fort des Allinges, au
nom du roi de France (18 décembre 1600), avec promesse de maintenir la religion catholique, rétablie depuis peu dans
le Chablais. Presque aussitôt M. de Sancy dut s'éloigner (le 22 décembre il se trouvait à Nantua). Sûrs de la tolérance
de M. de Montglat leur coreligionnaire, les hérétiques mandèrent aux Allinges le ministre Jacquemot, qui prêcha
publiquement la veille de Noël, et des déprédations de tous genres furent commises par eux dans diverses localités.
1050 Cf. Epist. CXXXVIII.
1051 en a resolu [comme tres Chrestienne qu'ell'est]
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27.4 Page 264

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CCLVII. A Sa Sainteté Clément VIII (Inédite). Les Jésuites en
Chablais : toute la province bénéficie de leur apostolat. Avec
le concours de quelques auxiliaires, ils ont évangélisé le
bailliage de Gaillard. Un collège de la Compagnie de Jésus à
Thonon serait une puissante citadelle opposée à l'hérésie.
Reste la conversion plus difficile du pays de Gex. Il faudra y
employer les mêmes Religieux, secondés par une élite de
missionnaires séculiers
Ville-en-Sallaz, mi-juillet 1601.
Beatissime Pater,
Très Saint Père,
Etsi rem Christianam quæ in hac
provincia fœlicissime promovebatur bellorum
nuper grassantium sevitia non [420]
mediocriter
turbaverit,
tamen1052
quamprimum, Beatitudinis Vestræ Apostolicis
auspiciis, tot malorum hiems et imber abiit et
recessit, vinea hæc longe suavius dedit odorem
suum, ficusque uberiores protulit grossos
suos1053. Sunt enim in oppido Tononiensi sex e
Societate Jesu Religiosorum1054, qui populum
concionibus
docent,
excipiendis
confessionibus instant, et pueros, cum
litterarum primordiis tum fidei rudimentis,
ingenti totius provinciæ bono et lætitia
instituunt. Ex iis duo, ipso Pentecostes sacro
die, adjunctis aliquot ex secularibus
sacerdotibus qui jamdudum in agro Tononiensi
operi evangelico incubuerant, in loca Genevæ
viciniora (quæ omnia balliagii de Gagliard
nomine veniunt), non minus opportuno quam
fœlici ausu irruptionem fecerunt, tanta [421]
Dei optimi maximi voluntate et animorum
contentione ut quinque hebdomadarum spatio
plus quam quingenti utriusque sexus
hominibus ex hæresis horrendo baratro sint
erepti et in album Catholicorum restituti1055.
Pro quibus sane successibus, tibi in
primis, secundum Deum, gratias quantas
La cause chrétienne faisait dans cette
province de consolants progrès, lorsque les
guerres récentes lui occasionnèrent par leur
[420] violence de sérieuses entraves ; soudain
Votre Béatitude Apostolique nous ménagea
son intervention, et aussitôt, comme par
enchantement, l'hiver et les pluies, cause de
tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin ;
cette vigne répandit son parfum, mais il était
bien plus doux ; le figuier poussa ses premières
figues, mais elles étaient beaucoup plus belles.
La cité de Thonon possède en effet six
Religieux de la Compagnie de Jésus. Ils
instruisent le peuple par leurs prédications,
s'adonnent au ministère des confessions, et
forment les enfants aux éléments des belles-
lettres aussi bien qu'aux principes de la foi.
C'est là un bienfait immense pour toute la
province ; c'est pour elle un grand sujet de
consolation. Deux d'entre eux, le jour même de
la solennité de la Pentecôte, prirent quelques
aides parmi les prêtres séculiers qui depuis
longtemps se sont voués dans le champ des
âmes de Thonon aux labeurs évangéliques,
puis, ensemble, ils entrèrent soudainement
dans les localités les plus voisines de Genève,
comprises sous le nom de bailliage de Gaillard.
C'était un coup d'audace dont le succès égala
1052 tamen [...ea pax quæ, postea ejus a Deo per summam Sedis Apostolicæ solicitudinem processit, operis
tarditatem longe lætiore successu corupensavit. Quamprimum namque hiems... tot malorum hiems transiit et imber
recessit, et Smus Sabaudiæ Dux suam ditionem a Genevensibus...]
1053 Cant., II, 11, 13.
1054 Ces six Jésuites étaient les PP. Antoine Colombat, Gérard Portail, Grégoire Guyard, Claude Nicolas, Gabriel Félix,
et le Frère coadjuteur Matthieu Salan.
1055 Cf. supra, pp. 64, 65.
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possum maximas agere debeo, Pater
Beatissime ; quandoquidem non tua tantum
cura, quæ semper erga hanc dicecesim magna
fuit, sed etiam tua liberalitate et Apostolica
charitate tuisque impensis manipulum illum
Societatis Jesu, [quem] Missionem appellant,
habemus, illiusque opere biennio integro
fruimur et gaudemus. Verum quia in dies, quæ
Salvatoris est benignitas1056, messis hæc fit
latior1057, nec plures ex illo Jesuitarum
manipulo, vinea Tononiensi avocari possunt
quin grave sentiat damnum, Beatitudinem
Vestram, quæ Domini messis vices in terris
gerit, enixe rogo ut rursum mittat operarios in
messem1058. Et quidem, si quo modo fieri
queat, nihil utilius huic provinciæ contingere
potest [422] quam si collegium Societatis Jesu
in oppido ipso Tononiensi construatur et
erigatur ; ex eo namque, non modo nunc
aliquot Religiosi in omnes hujus diocæsis
partes excurrere possent, sed etiam deinceps
plerique et sacerdote * et juvenes veluti ex
Seminario prodirent, qui circum circa per vicos
et oppida Evangelium inferrent ; atque ita
validam haberemus1059 arcem ex qua veluti ex
opposito contra Genevensis et Lausanensis
collegiorum insanos impetus dimicaremus. Est
enim oppidum Tononiense inter utramque1060
civitatem situm, ut si qui sit in eo ambidexter
miles, utramque possit impetere.
At vero, quia ut collegium hujusmodi
erigatur, nec tam cito, nec tam facile fieri,
forsitan fieri potest, et segetes jam sunt albæ
ad messem1061, interim dum majora Sanctitas
Vestra moliatur1062, satis huic operi fieri posset
ut in duplicatum campum duplicatum deinceps
mittat operariorum numerum, et Missionem
hanc ad Apostolicum duodenarium numerum
conferat. Quod quam e re [423] hac Christiana
futurum sit,1063 ex eo satis manifestum est quod
non modo parta tueri, sed pedetentim perdita
quærere neque jam quæsitas arces tantum
propugnare, sed quærendas expugnare hoc
tempore debemus. Nam præter1064 balliaggia
l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très
[421] bon, très grand, une si particulière
assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en
l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents
personnes des deux sexes furent arrachées à
l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms
rétablis sur les registres de la catholicité.
Pour toutes ces bonnes fortunes, après
Dieu, c'est à vous assurément, Très Saint Père,
c'est à vous que reviennent mes très profondes
actions de grâces. Ce n'est pas seulement à
votre bienveillance, laquelle a toujours été
insigne envers ce diocèse, c'est encore à votre
libéralité, à votre charité apostolique, c'est à
vos largesses personnelles que nous devons de
posséder parmi nous cette poignée de braves
de la Compagnie de Jésus, qu'on appelle « la
Mission. » C'est grâce à votre médiation que,
depuis deux années entières, nous avons le
bonheur de jouir de leurs travaux. Cependant,
par la bénignité du Sauveur, le champ de la
moisson s'agrandit de jour en jour ; d'autre part,
sur cette petite troupe de Jésuites quelques
hommes de plus ne peuvent être enlevés à la
vigne de Thonon sans qu'elle en reçoive un
grave préjudice. Je supplie donc instamment
Votre Béatitude, qui remplace sur terre le
Maître de la moisson, d'envoyer de nouveaux
ouvriers au champ de la récolte ; car le plus
grand service qu'on puisse [422] rendre à cette
province, ce serait, si la chose est possible, de
construire et d'ériger à Thonon même un
collège de la Compagnie de Jésus. Dès
maintenant il fournirait quelques Religieux qui
s'occuperaient à parcourir tous les quartiers du
diocèse. Dans la suite, la maison serait comme
un Séminaire, d'où bon nombre de prêtres et de
jeunes gens se répandraient de ci de là, à
travers les bourgades et les villes pour y
implanter l'Evangile. Nous aurions ainsi une
puissante citadelle, d'où prenant l'offensive
contre les communautés de Genève et de
Lausanne, nous pourrions soutenir leurs
furieuses attaques. Notre ville de Thonon est
1056 Tit., III, 4.
1057 est benignitas, in hanc messem quam latissimus patet aditus
1058 Matt., IX, ult.
1059 haberemus [propugnaculum]
1060 utramque [aludem]
1061 Joan., IV, 35.
1062 moliatur [per Christum illaca quam humillime obtestor...]
1063 futurum sit, [non facile est dicta nisi qui cognoverit...]
1064 præter [agros Tononienses...]
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Tononiense, Ternense et Gagliardense, quæ
jam plurimo labore parta tueri sane sit
sequissimum, superest balliagium Gaianum,
quod ut est valde latum, ita difficillimæ est
expugnationis ; est enim inter Bernensium et
Genevensium ditiones situm, veluti inter
letiferas paludes, quarum pestilentibus aquis
ita alluitur ut vix sanari posse videatur, nisi
prius injecto in aquas ipsas salutifero Crucis
ligno1065. Et nihilominus Francorum Rex cui ea
pars hujus diæcæsis cum reliqua quæ ultra
Rodanum est ex pacis conditionibus obtigit,
Catholicæ fidei ritus ibi restitui omnino
quantum audio decrevit ea tamen lege (Interim
[ut] appellant) ut hæresi quoque suus supersit
locus1066. Qua sane unicuique male sentiendi
[424] faciendive libertate concessa, mirum in
modum crescit Evangelii promulgandi
difficultas, cui ferendæ viribus opus est et viris
egregie cordatis. Quare si aliquot mihi e
Societate Jesu suppetant homines docti, ut esse
soient, quibus adjungam Ecclesiæ hujus meæ
Præpositum ac item nonnullos alios ex
canonicis aliisque sacerdotibus quos ad id
aptiores existimaverim, operæ prætium etiam
in tanta difficultate spero sane te facturum,
Pater Beatissime, te, inquarti, quem mihi
authoritate Apostolica, generali veluti
concursu, cooperantem agnosco. Ita etiam, ne
liberalitate et ope destituo patiaris Tuam
Beatitudinem precor quam humillime et
obtestor in Christo Domino, quem canis et
votis tuis sanctissimis propitium totis
visceribus exopto.
Pedes Apostolicos osculor.
Revu sur l'Autographe conservé à la
Visitation de Rennes. [425]
en effet placée de telle sorte entre ces deux
dernières, qu'un soldat, s'il pouvait combattre
des deux mains, pourrait les attaquer toutes
deux en même temps.
Toutefois, la fondation d'un collège de
ce genre ne serait peut-être pas si prompte ni si
facile à faire ; et pourtant les champs
blanchissent déjà pour la moisson. Aussi,
tandis que Votre Sainteté prépare de plus
grands projets, il suffirait, en attendant, que
dans ces deux chantiers Elle doublât les
ouvriers, ce qui porterait la Mission au [423]
nombre apostolique de douze. L'avantage qui
en résulterait pour la cause chrétienne est assez
évident. Non seulement, en effet, nous devons
en ce moment garder les positions acquises,
mais chercher à regagner pied à pied le terrain
perdu ; non seulement défendre les citadelles
conquises, mais tâcher d'en enlever de
nouvelles. Pour conquérir les bailliages de
Thonon, de Ternier et de Gaillard il a fallu des
labeurs extraordinaires ; c'est donc un devoir
strict de les défendre. Mais il en reste un autre,
celui de Gex, lequel, à cause de sa grande
étendue, sera d'une conquête très difficile.
Situé entre les gouvernements de Berne et de
Genève, comme entre deux marais
pestilentiels, il s'abreuve à leurs eaux
empoisonnées. Aussi semble-t-il presque
impossible de l'assainir, si tout d'abord on ne
jette dans les eaux elles-mêmes le bois
salutaire de la Croix. Cette portion de mon
diocèse, avec ce qu'il en reste au delà du
Rhône, est échue au roi de France, en vertu du
traité de paix. Il y a ordonné l'entier
rétablissement du culte catholique, je l'entends
dire du moins, mais sous la réserve (l'Intérim,
comme on l'appelle,) qui tolère une place à
l'hérésie. C'est, au fond, la liberté laissée à
chacun de mal penser et d'agir [424] de même
; voilà ce qui multiplie étrangement les
difficultés de propager l'Evangile. Pour y faire
face, il faut des trésors d'énergie et des âmes
intrépides. Si j'avais sous la main quelques
hommes de la Compagnie de Jésus, instruits
comme ils le sont d'ordinaire, je leur
adjoindrais le Prévôt de mon Eglise, et aussi
quelques chanoines et autres ecclésiastiques
qui me sembleront le plus capables pour ce
ministère. Je me plais à espérer, Très Saint
1065 Cf. Exod., XV, 23, 35.
1066 locus. [Quare sane conscientiæ libertate, ut appellant...]
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27.7 Page 267

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Père, que, malgré de si délicates difficultés,
l'importance de l'entreprise sera de vous
justement appréciée, de vous, dis-je, dont
l'autorité apostolique collabore en quelque
sorte à mon œuvre par une providence
générale. En reconnaissant ce précieux
concours, j'ose aussi prier très humblement
Votre Béatitude de ne pas nous priver de ses
libéralités et de son assistance ; je l'en conjure
dans le Christ Notre-Seigneur, à qui je
demande, du fond de mon âme, d'être propice
à votre vieillesse et à vos très saints désirs.
Je baise vos pieds apostoliques. [425]
_____
CCLVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite).
Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre
aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte ; combien il est urgent
d'obtenir cette cession
Ville-en-Sallaz, 30 juillet 1601.
Monseigneur,
Ce pendant que par l'heureuse reprise que Vostre Altesse fait de la possession de son
balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant1067 sous son authorité les ames lesquelles1068 y estoyent
perdues par l'heresie, l'ennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si
saintement faitz a Thonon. Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en
ce balliage un college de Jesuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux
scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville1069, et le remettre aux
Peres Jesuites pour le commencement dudit college, avec intention neanmoins de rembourser
ladite ville de l'argent qu'elle avoit delivré a l'achapt de ce benefice, par de bonnes1070 assignations
qu'elle leur avoyt accordees1071. A quoy personne n'avoit apporté de la difficulté pendant que les
scindiques y ont esté catholiques ; [426] mais des l'annee passee, que la guerre ouvrit la porte a
ceste poignee d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement
de la ville, les ditz Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que1072
lesditz scindiques se sont opposés a leur1073 jouissance, sous prætexte que les assignations n'ont
pas eu effect ; ce que la guerre a causé. Si que, par ces menees, le dessein du college est presque
1067 [Les variantes qui suivent sont tirées d'une première minute autographe conservée à la Visitation de Rennes.]
l'Eglise regaigne
1068 qui
1069 Vostre Altesse, laquelle avoit bien jugé que pour bien establir la religion en ce balliage un college de Peres
Jesuites estoit extremement requis, avoyt, selon son zele, commandé a ceux de la ville de Thonon de vuider leurs
mains du prieuré qui y est
1070 de rembourser la ville de l'argent delivré pour l'achapt dudit prieuré, par des legitimes
1071 Cf. supra, pp. 25, 33.
1072 que la guerre — bailla le cœur a ceste poignee d'heretiques, laquelle y est de reste, de faire des scindiques de leur
ligue, les Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et particulierement maintenant que, par escrit,
1073 la
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aneanti ; dont les Peres Jesuites se fussent retirés1074, silz n'eussent esté retenuz par les offices que
ceux ausquelz ilz ont de l'amitié y ont apporté1075.
C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier
humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remede qu'elle connoistra bien y estre
propre ; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et1076 heureuse santé, demeurant,
Monseigneur,…
1077De Ville en Sala, pres de Geneve, le 30 julliet 1601.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [427]
_____
CCLIX. Au Roi de France Henri IV (Inédite). Espoir que la
conversion du pays de Gex sera facilitée par la réunion de ce
territoire à la France. Recours à la protection de Sa Majesté
Ville-en-Sallaz, 5 août 1601.
Sire,
Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est
dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree1078, croyant que
leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise
Catholique. Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens
redevable de supplier tres humblement Vostre Majesté qu'en suite de l'Interim publié par tout le
royaume, il luy plaise donner libre et favorable acces a l'exercice catholique en ce petit coin de
Gex, lequel meshuy depend de ce grand theatre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les
actions royales, et, qu'en execution, les biens ecclesiastiques jadis destinés a ce service, soyent
restablis a ceux qui le feront et ausquelz ilz appartiennent, avec les temples et eglises.
La bonté et justice de ceste requeste m'en promet un favorable appoinctement, comme la
grandeur du courage de Vostre Majesté m'asseure d'une pleine et soudaine jouissance du bien que
j'en pretens, qui n'est principalement que la gloire de nostre bon Dieu, l'establissement de laquelle
est l'unique gloire de la tres chrestienne couronne qu'il a donnee a Vostre Majesté, et laquelle je le
supplie luy vouloir tres longuement conserver en toute felicité et pour son service, desirant vivre
tous-jours en l'honneur d'estre,
Sire, de Vostre Majesté,
Tres humble et tres obeyssant serviteur.
De Ville en Sallaz, pres de Geneve, ce 5 aoust 1601.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [428]
_____
1074 n'ont pas couru a leur prouffit depuis le recommencement de la guerre ; [ce qui n'a pu estre fait...] Ce qui a
reduit le dessein du college presque a neant, et eut esté cause de la retraitte des Jesuites qui y sont
1075 fait
1076 Vostre Altesse de ce mot de requeste, par laquelle je la supplie d'apporter le remede qu'elle sçaura bien
reconnoistre propre a ce des-ordre ; et je supplieray Dieu, comme je fais tous-jours, pour son
1077 [La minute de Rennes n'est pas datée.]
1078 Vide supra, p. 71, not. (116).
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CCLX. A Monseigneur Gaspard Silingardo, Évêque de Modène,
Nonce Apostolique en France1079. Sollicitations pour obtenir
l'intervention du Nonce dans les affaires du pays de Gex.
Ville-en-Sallaz, 10 août 1601.
1080Illustrissimo et Reverendissimo
Mon très honoré, Illustrissime et
Signore mio osservandissimo,
Révérendissime Seigneur,
Essendo il paese di Gex, vicino a
Geneva, di questa mia diocæsi, ridutto
nuovamente alla ubedienza del Re
Christianissimo coll'aver gl'habitatori di esso
fatti li giuramenti, hommagi et fedeltà da farsi
in simil caso, ho mandato espresso al signore
Barone di Lux, luoghotenente di Sua Maestà in
detto paese, alla quale ancora ho scritto,
acciochè ivi si restituisca l'essercitio della
santa fede catholica, et che le chiese siano
applicate, insieme colle loro entrate, alli
pastori et altri che appartengono
canonicamente, sì come si è fatto per tutta la
Francia [429] col mezzo dello editto de l'
Interim1081. Et perchè questa è opra santissima
et molto desiderata da Sua Beatitudine,
supplico V. S. Illma et Rma che si degni fare viva
instantia appresso di quella corona, sapendo
certo che coll'authorità sua potrà far riuscir
questo negotio efficacemente et subito,
essendo io præparato [a] far quanto mi
toccarà1082. Et di questo ricorso che hò a V. S.
Illma et Rma ne dò pur adesso raguaglio alla
Santità di Nostro Signore, laquale so certo che
haverà gratissimi et charissimi il zelo et
sollecitudine quali in questa occasione si
spenderanno da V. S. Illma et Rma, alla quale
bascio humilmente le mani, preghando il
Signore Iddio che gli dia ogni vero contento.
Di V. S. Ilima et Rma,
Humil servitor.
De Villa in Salla, apresso Geneva, allix
d'Agosto 1601.
Le pays de Gex, qui avoisine Genève et
fait partie de mon diocèse, a été soumis de
nouveau à la domination du roi très chrétien :
les serments, hommages et protestations de
fidélité usités en pareil cas ont été rendus par
les habitants. En conséquence j'ai recouru à M.
le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce
pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le
rétablissement du culte catholique et la
restitution des églises, avec leurs revenus, aux
pasteurs et autres qui en sont les possesseurs
canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute
la [429] France conformément à l'édit de
l'Interim. Et parce qu'il s'agit d'une œuvre très
sainte et fort désirée de Sa Béatitude, je supplie
Votre Seigneurie de daigner présenter à cette
couronne de vives instances ; car je suis certain
qu'Elle pourra, grâce à sa haute influence,
conclure cette négociation avec autant de
bonheur que de promptitude ; de mon côté je
suis prêt à faire tout ce qui dépendra de moi. Je
préviens aussi maintenant Sa Sainteté de mon
recours à Votre Seigneurie, et je suis sûr que le
zèle et la sollicitude que vous emploierez en
cette occasion lui seront très agréables et
précieux. Je vous baise humblement les mains,
priant Dieu notre Seigneur de vous accorder
tout vrai contentement.
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime,
L'humble serviteur.
De Ville-en-Sallaz, près de Genève, le
10 août 1601.
1079 Ce Prélat, transféré du siège de Ripatransone à celui de Modène (19 février 1593), fut accrédité en qualité de
Nonce auprès de Henri IV au commencement de l'année 1599 (voir note (18), p. 4) et demeura en France jusqu'au
mois d'août 1601. Saint François de Sales ignorait encore, quand il écrivit cette lettre, que le destinataire était rappelé
en Italie. Mgr Silingardo mourut en 1607.
1080 Le texte original de cette lettre est publié ici pour la première fois. L'éditeur Migne s'est borné à donner une
traduction française.
1081 Vide supra, Epp. CXLII, CXLIII.
1082 subito, et io non manco di præparare quanto [fia bisogno dal canto mio.]
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27.10 Page 270

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All' Illmo et Rmo Sigr mio
osservandissimo,
Monsigr il Vescovo di Modena,
Nuntio Apostolico apresso Sua Maestà
Christianissima. In Parigi.
A mon très honoré, Illustrissime et
Révérendissime Seigneur,
Mgr l'Evêque de Modène,
Nonce Apostolique auprès de Sa
Majesté très Chrétienne. A Paris. [430]
Revu sur l'Autographe conserve à Milan,
Archives Trivulzio. [430]
_____
CCLXI. Au Cardinal César Baronius (Inédite). L'Evêque de
Genève a choisi le Prévôt de son église cathédrale pour
coadjuteur avec future succession. Difficultés qui entravent la
poursuite de l'affaire. Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une
réduction des frais exigés par la Chambre Apostolique
Ville-en-Sallaz, 10 août 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
mio osservandissimo,
Reverendissime Seigneur,
Supplicai alla Santità di Nostro
Signore, sonno circa duoi anni, che si degnasse
conferire la coadiutoria di questo mio
vescovato, cum futura successione, nella
persona del signor Prævosto della mia
Chiesa1083 ; et col favor di V. S. Illma et Rma,
Sua Beatitudine si contentò di gratificarmi, sì
che, procedendosi a l'essame, fu ritrovato
capace et approbato1084. Nientedimeno, parte
per l'ingiuria della guerra che sopragiunse,
parte anco perchè detto Prævosto non ha le
commodità necessarie a tal impresa,
l'essecutione di quella gratia si è ritardata sin
adesso, che non dubitando punto che quello
che una volta piacque a Sua Santità glie sia
anco sempre grato, et vedendo ogni hora
aggravarsi l' età mia et moltiplicarsi [431] le
occasioni di faticare in questa vigna, ricorro
l'altra volta alla bontà di V. S. Illma et Rma,
acciò si degni adoprar il suo santo zelo nell'
aiuto mio per vincere la difficoltà del
mancamento della commodità di detto
Prævosto, la qual sola ci resta. Et certo, se le
fatighe da lui fatte da molti anni in qua nella
Il y a environ deux ans j'ai supplié Sa
Sainteté de daigner accorder la coadjutorerie
de mon évêché, avec future succession, à M. le
Prévôt de mon église cathédrale, et, grâce à la
protection de Votre Seigneurie Illustrissime et
Révérendissime, Sa Béatitude voulut bien me
l'accorder ; aussi le candidat, ayant été soumis
à l'examen, fut jugé capable et agréé.
Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui
survint alors, soit encore parce que le Prévôt
manque des ressources nécessaires, la
concession de cette faveur est restée jusqu'ici
sans effet. Je ne doute point, cependant, que ce
qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne
lui soit toujours agréable ; c'est pourquoi, me
voyant accablé sous le poids des années, et les
occasions [431] de travailler en cette vigne se
multipliant de plus en plus, je recours de
nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin
qu'Elle daigne employer son saint zèle pour
m'aider à triompher de la difficulté que crée la
situation gênée dudit Prévôt ; c'est la seule qui
nous reste à surmonter. Assurément, si les
travaux qu'il a, pendant plusieurs années,
1083 Cf. supra, pp. 72-74.
1084 Vide supra, Epist. CXXII, et tom. præced., p. 268, not. (598).
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28 Pages 271-280

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28.1 Page 271

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conversione de gl' hæretici et quelle che egli è soutenus pour la conversion des hérétiques, et
per fare in questo faticoso campo saranno ceux qu'il est sur le point d'entreprendre en ce
poste in consideratione, credo che la Santa champ laborieux sont pris en considération, je
Sede glie moltiplicarà le gratie et sminuirà le crois que Sa Sainteté lui multipliera ses faveurs
spese che altrimente sarebbono da farsi et che et réduira les frais qu'il devrait faire et que,
egli non può fare.
sans cette réduction, il n'est pas en mesure de
Dal canto mio, è chiaro che alla soutenir.
elettione di tal coadiutore non son mosso da
De mon côté, il est évident que, dans le
alcun rispetto humano di sangue o parentela, choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par
nè da preghiere che me ne siano state fatte ; ma aucune vue personnelle, par aucune
solo da puro desiderio della maggior gloria considération du sang ou de la parenté, ni par
d'Iddio et servitio della santa Chiesa. Onde aucune sollicitation étrangère ; mon seul et
spero anco nella providentia divina et della unique mobile, c'est le désir de la plus grande
Sede Apostolica che da nessuna humana gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise.
difficoltà potrà esser impedito questo mio C'est pourquoi j'espère aussi de la providence
intento, massime si (sic) V. S. Illma et Rma vi divine et de celle du Siège Apostolique
concorre col favor della sua solita carità et qu'aucune difficulté humaine ne pourra
benignità, laquai sola mi fa animo di entraver l'exécution de mon projet, surtout si
supplicamela. [432]
Votre Seigneurie veut bien l'appuyer par un
Et basciandoli humilmente le mani, effet de sa charité et de sa débonnaireté
glie priegho da nostro Signor Iddio ogni vero accoutumées, qui seules m'encouragent à l'en
contento.
supplier. [432]
En vous baisant
Di V. S. Illma et Rma, humblement les mains, je vous souhaite de
Humil servitor. Dieu notre Seigneur tout vrai contentement.
De Villa in Sala, appresso Geneva, alli
De Votre Seigneurie Illustrissime et
X di Agosto 1601.
Révérendissime,
All' Illmo et Rmo Sigr mio
L'humble serviteur.
osservandissimo,
De Ville-en-Sallaz, près de Genève, le
Monsigr il Cardinal Baronio. Roma.
10 août 1601.
A mon très honoré, Illustrissime et
Revu sur l'Autographe conserve à la
Révérendissime Seigneur,
Visitation de Turin.
Mgr le Cardinal Baronius. Rome.
_____
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28.2 Page 272

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CCLXII. Au Cardinal Pierre Aldobrandino (Inédite). Nouvelles
sollicitations pour le rétablissement du culte catholique dans le
pays de Gex
Ville-en-Sallaz, 11 août 1601.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
Mon très honoré, Illustrissime et
et Padron mio colendissimo,
Révérendissime Seigneur,
1085Havendo adesso il Re
Christianissimo pigliato il possesso et ricevute
le fedeltà del paese di Gex, che è di [433]
questa diocæsi et sin adesso era occupato da
Genevrini, ho subito scritto a Sua Maestà
Christianissima1086 et al signor Barone di Lux,
suo luogotenente in detto paese1087,
domandando che l'essercitio catholico vi fosse
stabilito, con restitutione delle chiese et beni
ecclesiastici ad uso della santa religione
catholica, sì come si è fatto in tutto il regno di
Francia1088. Et per haver questo mio intento
con più prontezza et efficacia, ho pregato
Monsignor Nuntio Apostolico apresso quella
corona1089 che vi volesse concorrere colla sua
sollecitatione1090.
Et perchè so che la Santità di Nostro
Signore haverà a caro questo negotio1091, et che
V. S. Illma et Rma si adopra sempre con gran
zelo in simili disegni1092, io la supplico
humilmente che si degni dar ordine a detto
Signor Nuntio acciò che faccia quest'officio
caldamente et con fervore1093 ; [434] poichè il
signor Barone di Lux mi fa dire che non
solamente questa sollecitatone sarà molto
fruttuosa, ma che sarà gratissima ad esso
signor Ré, il quale ha dichiarato di volerlo fare
in ogni modo1094, se ben per certi rispetti
soprasede a l'essecutione sin tanto che glie ne
Le roi très chrétien vient de prendre
possession du pays de Gex, et il a reçu le
serment de fidélité des habitants. Ce pays, qui
fait partie [433] de mon diocèse, a été jusqu'à
présent occupé par les Genevois. J'ai aussitôt
écrit à Sa Majesté très Chrétienne et à M. le
baron de Lux, son lieutenant dans le susdit
pays, pour solliciter le rétablissement du culte
catholique, et la réapplication au service
religieux des églises et des biens
ecclésiastiques, comme il a été fait dans tout le
royaume de France. Et pour réussir plus
promptement et plus efficacement dans ce
dessein, j'ai prié Mgr le Nonce Apostolique
auprès de cette couronne de vouloir bien
joindre ses sollicitations aux nôtres.
Comme je sais que Sa Sainteté agrée
fort cette négociation, et que Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime intervient
toujours avec beaucoup de zèle en semblables
rencontres, je la supplie très humblement de
donner ordre audit M. le Nonce de presser
vivement et chaleureusement cette poursuite ;
car M. le baron de Lux me fait dire [434] que
non seulement elle sera très fructueuse, mais
encore très agréable au roi. Sa Majesté a
déclaré être absolument résolue à entériner
notre requête, bien que, pour certaines
considérations, elle sursoie à l'exécution
1085 Cf. supra, pp. 72, 76.
1086 Epist. CCLIX.
1087 [Les variantes de cette lettre et de la suivante sont tirées de premières minutes autographes conservées à la
Visitation d'Annecy.]
questa mia diocæsi et è stato occupato sin adesso da Genevrini, ho subito mandato dal Sr Barone di Lux,
suo luogotenente in detto paese, et anco scritto a Sua Maestà
1088 et beni ecclesiastici alli pastori et sacerdoti che a tal essercitio saranno destinati.
1089 ho supplicato Monsigr il Nuntio Apostolico apresso quella corona acciò
1090 Vide supra, Epist. CCLX.
1091 a caro che questo negotio riesca
1092 imprese
1093 dar ordine al sopradetto Sigr Nuntio accio che in questa occasione faccia ufficii caldissimi et solleciti vivamente
1094 non solamente detta sollecitatone sarà fruttuosa, ma che sarà grata al signor Ré, il quale ha fatto dichiaratione
di volerlo fare
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28.3 Page 273

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sia fatta instantia.
jusqu'à ce qu'on ait présenté des instances.
Spero adunque nella Providentia divina
J'espère donc de la divine Providence et
et nella bontà et grandessa d'animo di V. S. de la bonté et magnanimité de Votre
Illma et Rma di veder presto questo segnalato Seigneurie, que je verrai bientôt aboutir cette
effetto, a magior gloria di sua divina Maestà, négociation à la plus grande gloire de sa divine
laquale io pregho che la conservi molti anni a Majesté. Je la prie vous conserver de longues
beneficio della santa Chiesa. Et le bascio années pour le bien de la sainte Eglise, et je
humilmente le mani.1095
vous baise humblement les mains.
Di V. S. Illma et Rma,
De Votre Seigneurie Illustrissime et
Humilissimo servitore.
Révérendissime,
De Villa in Sala, alli XI d'Agosto 1601.
Le très humble serviteur.
All' Illmo et Rmo Padron et Signor mio
De Ville-en-Sallaz, le 11 août 1601.
osservandissimo,
A mon très honoré, Illustrissime et
Il Sigr Cardinale Aldobrandino.
Révérendissime Seigneur,
In Roma.
M. le Cardinal Aldobrandino.
A Rome. [435]
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de
Canonisation. [435]
_____
CCLXIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Combien il
serait nécessaire d'établir à Thonon un collège de Jésuites. On
pourrait en attendant confier à ces Religieux celui d'Annecy.
Intervention de Son Altesse sollicitée à cet effet
Thonon, 14 septembre 1601.
Monseigneur,
1096La multiplication des peuples lesquelz1097 se vont d'heure a autre reduysans au giron de
l'Eglise, sous l'heureuse authorité de Vostre Altesse, fait de plus en plus1098 croistre la necessité
d'ouvriers et pasteurs ecclesiastiques ; a laquelle il me sera des ores impossible de bien prouvoir
s'il ne se fait1099 quelque college de Peres Jesuites en ce mien diocæse, duquel, comme d'un
Seminaire, je puisse retirer gens capables a cest effect1100. C'est pour cela, Monseigneur, que j'ay
ci devant supplié Vostre Altesse pour l'erection d'un bon college en ceste ville de Thonon1101, a
quoy Vostre Altesse avoit liberalement entendu.
Mays voyant maintenant que sa bonne volonté ne pourra pas si tost estre mise en son entier
effect1102 pour les difficultés que le tems y a despuis fait naistre, j'ay estimé qu'en attendant de voir
sur pied le college de ceste ville, il seroit fort a propos que lesdits Peres Jesuites entrassent au
college d'Annessi, pour disposer les escoliers qui y sont a ce dessein, et donner advancement a
1095 [Ici se termine la minute d'Annecy.]
1096 [Je voy tous les jours croistre, par la grace de Dieu et sous l'authorité de V. A., la necessité de bons ouvriers et
pasteurs en ce mien diocæse par...]
1097 lesquelz par la grace de Dieu et sous l'authorité de V. A.,
1098 l'Eglise, [met tous les jours en plus grand besoin...] fait tous les jours
1099 a laquelle [malaysement pourray-je...] il me sera impossible de prouvoir si l'on ne dresse
1100 retirer des gens capables et propres a ce dessein.
1101 Vide supra, Epist. CCLVIII.
1102 de Thonon Mays voyant maintenant que ce bon œuvre ne pourra pas si tost estre mis a fin
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28.4 Page 274

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ceux qui se commencent a former1103 en la petite escole [436] quilz ont icy, laquelle il seroit sur
tout requis de continuer1104. Et pour ce que tout cecy doit dependre du bon playsir de Vostre
Altesse, je la supplie tres humblement d'en escrire au R. P. General de l'Ordre1105, a ce qu'il
commande au Provincial de ceste Province1106 de faire1107 entrer quelques Peres audit college
d'Annessi, ou par ce moyen ilz pourront suppleer au besoin1108 que la retardation du college de
ceste ville peut apporter,1109 auquel, par apres, ilz pourront estre transferés lhors qu'il sera dressé.
La mesme bonté de Vostre Altesse qui me fait oser l'importuner si souvent pour ces bonnes
causes, m'en fait encor esperer favorable issue, laquelle attendant, je continueray mes prieres a
Dieu tout puissant,1110 quil luy playse donner a Vostre Altesse, Monseigneur, parfaitte et longue
prosperité1111 pour le bien et conservation de son peuple1112 et accroissement de la sainte
religion1113.
De Vostre Altesse,
Tres humble serviteur et orateur.
De Thonon, le 14 septembre 1601.
A Son Altesse.
Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. [437]
_____
CCLXIV. A M. Charles d'Albigny. Ordres à donner pour la
restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage de Gaillard
Thonon, 15 septembre 1601.
Monsieur,
Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis
au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge ; et par ce que
monsieur de Rovinoz, juge du lieu1114, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour
les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains
du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge
sur l'abbaye de Bellerive1115 et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir
de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant
1103 j'ay consideré quil seroit fort a propos de loger lesdits Peres Jesuites au college d'Annessi, lequel est desja tout
dressé ; ou, en attendant que celluyci fut sur pied, ilz pourroyent donner advancement aux escoliers qui se commencent
a former [icy a Thonon, ou aussi il ne faudroit pas laisser saus...]
1104 il seroit requis sur toutes choses de faire continuer.
1105 Le T. R. P. Claude Aquaviva, qui gouverna la Compagnie de 1581 à 1615.
1106 Le Provincial de Lyon était alors le P. Christophe Balthazar.
1107 du bon playsir de V. M., je supplie tres humblement V. A. d'escrire au R. P. General de leur Ordre, a ce qu'il
donne ordre que jusques a ce que le college de Thonon soit erigé, le P. Provincial de ceste province face
1108 d'Annessi pour y instruire la jeunesse ; et par ce moyen on pourroit suppleer au besoin de pasteurs
1109 [La suite de cette phrase ne se trouve pas dans la première minute.]
1110 ces bonnes — œuvres m'en promet encor favorable succes, lequel attendant je continueray a prier sa divine Majesté
1111 et longue santé, avec toute felicité et contentement,
1112 ses peuples
1113 foy. [Clausule, date et adresse manquent dans l'Autographe.]
1114 Claude du Rouvenoz, juge de Gaillard et lieutenant en la judicature mage de Ternier et Gaillard ; il mourut vers
1634.
1115 L'abbaye de Bellerive, de l'Ordre de Citeaux, avait été détruite par les Genevois en 1535. Tous les biens furent
saisis par eux, ainsi que ceux de la paroisse voisine, et, afin d'en jouir avec quelque apparence de légalité, ces
hérétiques, en percevant les revenus, s'attribuaient le titre de curés de Collonges.
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28.5 Page 275

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necessaire a l'autre.
Ce que me promettant de vostre zele et prudence, je prieray Dieu qu'il accroisse en vous
ses saintes graces, et demeureray,
Monsieur,
1116Vostre bien humble et affectionné serviteur.
A Thonon, le 15 septembre 1601.
A Monsieur
Monsieur d'Albigni,
Lieutenant general deça les montz pour S. A.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [438]
_____
CCLXV. Au Baron de Lux (Inédite). Désir de « voir sous la
faucille de la parole de Dieu » la moisson du pays de Gex.
Chanoine mandé pour apprendre ce que l'on peut se promettre à
cet égard. Le Pape « attend de jour a autre les premieres
nouvelles » de cette évangélisation
Ville-en-Sallaz, 8 octobre 1601.
Monsieur,
Aiant donné le dernier ordre a l'establissement des eglises et pasteurs des balliages de
Chablaix et Ternier, et jetté des bons commencemens de semblables effectz au balliage de Galliard,
je vay m'entretenant en ce voysinage pour attendre le tems d'en pouvoir faire de mesme au balliage
de Gex, selon le bon playsir de Sa Majesté tres Chrestienne. A ceste intention, j'ay retenu quelques
bons hommes d'Eglise, de mes chanoynes et autres1117, que je n'ay voulu employer ailleurs, pour
les reserver a ceste moisson, laquelle je desire extremement voir sous la faucille de la parole de
Dieu et instruction catholique. Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera,
je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre
; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur
de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de
mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les
premieres nouvelles.
Je ne vous prieray pas de prester l'ayde de vostre faveur a un si saint souhait, car je sçai
que vostre pieté vous y tient tout entierement dedié ; mays je prieray bien Dieu quil luy plaise vous
maintenir et accroistre en [439] ceste chrestienne et sainte affection, et de me donner le bon heur
de pouvoir tesmoigner combien je desire estre,
Monsieur,
Vostre bien humble serviteur.
1118De Ville en Salaz, pres Geneve, ce 8 octobre 1601.
A Monsieur
Monsieur le Baron de Lux, Chevalier des deux Ordres,
1116 La clausule n'est pas de la main du Saint.
1117 Vide supra, p. 80.
1118 La date et l'adresse ne sont pas de la main du Saint.
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28.6 Page 276

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Lieutenant pour Sa Majesté au duché de Bourgoigne et pays de Bresse, Byeugey,
Varromey, etc., etc.
Revu sur l'Autographe conservé à l'évêché de Fribourg.
_____
CCLXVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite).
Manque de ressources pour assurer le service religieux dans
trois paroisses récemment converties, celle de Thonon entre
autres. On pourrait y pourvoir au moyen des revenus de
l'abbaye de Filly
Ville-en-Sallaz, 9 octobre 1601.
Monseigneur,
Je me suis essayé d'establir les eglises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu
merci1119, en la façon [440] de laquelle je donnay n'a guere advis a Vostre Altesse ; n'en demeurant
que trois1120 pour l'establissement desquelles je n'ay encor peu1121 treuver les moyens necessaires,
et entre autres pour celle de Thonon, en1122 laquelle Sa Sainteté m'avoit ordonné par son Brief1123
que j'establisse huit præstres avec un curé, outre trois prædicateurs qui devoyent estre communs
pour les deux balliages. Et neanmoins, a cause du manquement de moyens1124, j'avois reduit les
neuf præstres a cinq, y comprenant le curé,1125 sans y mettre aucun autre prædicateur.
Mays voyant qu'apres avoir tant retranché du premier dessein, que je ne pouvois plus
restraindre le nombre sans faire grand præjudice au service divin1126, et que non obstant tout cela
il ne se trouvoit pas asses de moyens pour1127 assortir ladite eglise de Thonon, je suis contraint de
laisser en arriere cest article particulier au proces verbal que j'envoÿe au Saint Siege Apostolique
pour le regard de tout le reste1128 ; et cependant recourir a la bonté de Vostre Altesse, la suppliant
tres humblement de ne vouloir pas abandonner ce bon œuvre en ceste derniere necessité, a laquelle
1119 [Les variantes qui suivent sont extraites d'une première minute autographe conservée à la Visitation d'Annecy.]
Monseigneur, Je donnay n'a gueres advis a Vostre Altesse de l'establissement [que j'ay fait en Chablaix... que
j'ay ordonné des eglises et pasteurs de Chablaix et Ternier, desquelles il en demeure encores deux ou trois a prouvoir
; et eusse bien desiré la pouvoir asseurer de...] des eglises de Chablaix et Ternier ; et eusse bien desiré [pouvoir suivre
par tout...] y pouvoir faire, pour l'advancement de lhonneur de Dieu, ce que Sa Sainteté m'avoit tres étroittement
ordonné par son Brief...
[Je donnay n'a gueres advis a V. A. de l'establissement des eglises fait en vos balliages de Chablaix et Ternier,
sauf de celle de la ville de Thonon, pour laquelle je n'avoy pas trouvé les moyens selon la necessité, comme je n'ay
pas encor peu trouver despuys.J
Je me suis essayé de faire l'establissement des eglises de Chablaix et Ternier ; ce que j'ay presque fait
1120 a Vostre Altesse ; et n'en reste plus que deux
1121 sceu
1122 pour
1123 Vide supra, p. 413, not. (1030).
1124 avec un curé, et que, pour le reste des deux balliages, je constituasse l'entretenement a trois prædicateurs qui
fussent comme les colomnes de tout l'edifice. Et neanmoins, [ayant trouvé... rencontré une si grande...] a cause du
grand manquement de moyens pour ce faire
1125 le curé, [et sans praetendre... et laissant en arriere... et avoit laissé en arriere les trois prædicateurs...]
1126 que sans faire grand præjudice au service de Dieu, je ne pouvois restraindre d'avantage le nombre
1127 pour [bien assortir cest'eglise de Thonon, laquelle est en ce besoin...]
1128 cest article au proces verbal que j'en envoye au St Siege Apostolique
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28.7 Page 277

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je ne pense pas qu'on puysse donner remede1129 que prenant encor le reste de l'abbaÿe [441] de
Filly1130 1131 pour l'y appliquer. Attendu mesme qu'aussi bien sera-il requis de procurer vers Sa
Sainteté quelque recompense pour la Milice de Saint Maurice, en contrechange des biens qui ont
estés appliqués aux1132 autres cures des balliages ; si que, par mesme moyen et avec mesme facilité,
on la pourroit obtenir1133 pour ce reste de Filly.
Ce que je represente fort volontier a Vostre Altesse, dautant que comme ça esté par son
soin et pieté que la reduction de ces peuples a receu son commencement et progres, aussi en doit
elle recevoir son compliment et perfection1134. Dequoy je supplie Dieu luy faire la grace, et de la
nous conserver longuement en tres heureuse santé et prosperité, comm'ayant ce bien d'estre,
Monseigneur,
De Vostre Altesse,
Tres humble serviteur et orateur.
De Ville en Sala, pres Geneve, le g octobre 1601.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe conservé à l'évêché de Fribourg. [442]
_____
1129 je ne [voys pas meilleur moyen...] pense pas qu'on puisse mieux donner ordre
1130 Vide tom. præced, p. 252, not. (563).
1131 de Filly [lequel pourra suffire a tous ces besoins,]
1132 de Saint Maurice, des biens qui leur ont esté levés pour l'establissement des
1133 obtenir encores
1134 Comme ça esté par le soin et pieté de Vostre Altesse que ces peuples ont esté remis en l'Eglise, aussi devons nous
attendre d'icelle tout ce qui... que la reduction de ces peuples a receu son commencement et son progres, aussi en doit
elle attendre son compliment et perfection. [Ici se termine la première minute.]
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28.8 Page 278

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CCLXVII. Au même (Inédite). Rien ne s'est fait pour l'emploi
des revenus ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les
Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. Force a été de
passer outre à leurs protestations, tout en sauvegardant leurs
intérêts. Il est urgent de pourvoir de pasteurs Thonon et deux
autres localités
Gex, 50 novembre 1601.
Monseigneur,
J'avois des-ja amplement donné advis a Vostre Altesse de tout ce que j'avois fait en
Chablais et Ternier pour l'establissement des cures1135, quandj'ay receu la lettre quil luy a pleu
m'escrire, du ... octobre1136, par voye du seigneur chevallier Bergeraz1137, par laquelle j'ay conneu
que mon action avoit esté bien mal1138 representee a Vostre Altesse, en ce qu'on luy a dit que j'avois
procedé sans ouÿr les seigneurs de la Milice de Saint Maurice ; car j'ay trop de bons et
irreprochables tesmoins au contraire, qui m'ont veu ouïr fort au long toutes les raysons et
allegations que ledit sieur Bergeraz a voulu advancer, comme procureur general de ladite Milice,
et, avec luy encores, le sieur juge de Prez1139, conseil ordinaire d'icelle. Il est vray que, n'ayant pas
jugé lesdites raysons considerables pour empescher ledit establissement des curés, sans lequel des
lhors toutes les eglises demeuroyent despourvëues, puysque les pasteurs, entretenuz jusques a
l'heure avec tous les artifices possibles, estoyent resoluz d'abandonner silz ne se voyoyent en
asseurance de leurs [443] provisions, ayant sur ce prins l'advis de1140 gens tres zeléz au service de
Vostre Altesse et qui sont capables de semblables conseilz, sans la presence desquelz je n'ay rien
voulu faire, je passay outre a l'execution du Brief ; en telle sorte neanmoins, que je retranchay de
beaucoup son estendue, laquelle si j'eusse voulu suyvre, j'eusse esté contraint de lever tout le bien
d'Eglise que ladite Milice tient es balliages : encor ni eut il pas esté suffisant. Mays le respect que
je porte aux intentions de Vostre Altesse m'a fait tenir le plus court quil m'a esté possible, et en
telle sorte que, n'ayant du tout rien touché a Ripaille1141, je n'ay prins de Filly et Doveynoz sinon
justement ce qui estoit requis pour les curés des parroisses riere lesquelles ces deux benefices
prenoyent les diesmes ; et ce, pour autant quil estoyt impossible de faire autrement.
Et avec tout cela, le demeurant de ces deux benefices est si bon que, quant a Filly, le revenu
de messieurs les Chevalliers y est aussi grand, ou peu s'en faut, quil estoit au paravant (ce que j'ay
assigné aux curés n'estant de plus grande valeur que ce qui estoit ci devant assigné aux ministres
huguenotz sur laditte Abbaye) ; si que lesdits seigneurs Chevalliers ne sont que peu ou point
interessés pour cest esgard. Et quant a Doveynoz, bien que Vostre Altesse l'avoit entierement
layssé pour estre employé a l'entretenement des pasteurs, si est ce que j'ay laissé au prieuré une
bonne piece de revenu de laquelle je n'ay encor aucunement disposé, attendant la resolution que
Vostre Altesse me donneroit pour la dotation de la cure de Thonon et de deux autres qui sont aux
chams, lesquelles ne sont pas appointees de ce qui leur est necessaire. Sur quoy j'ay, par une
mienne lettre1142, demandé tres humblement la bonté de Vostre Altesse a secours, affin quil luy
pleut me permettre de prendre encor d'avantage sur lesdits benefices que j'ay espargnés, ou bien
1135 Vid. Epist. præced.
1136 La place de la date est restée en blanc dans l'Autographe.
1137 Thomas Bergera (voir le tome précédent, note (538), p. 231).
1138 mon action [et information n'avoit encor pas esté bien]
1139 Claude de Prez (voir ibid., note (367), p. 162).
1140 l'advis de [Monseigneur le Rme de Vienne, des Peres Jesuites et de tous ceux que j'estimay propres...]
1141 Vide tom. præced., p. 252, not. (563).
1142 Epist. præced.
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28.9 Page 279

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me donner les moyens d'y appliquer quelqu'autre revenu, ne treuvant aucun autre expedient pour
eviter le scandale, [444] qui sera extremement grand si Thonon et les autres deux lieux demeurent
destitués de curés.
J'ay bien voulu ainsy particulariser a Vostre Altesse ce que j'ay fait pour, par apres, la
supplier en toute humilité, comme je fay, quil luy plaise ne point croire ceux qui luy parleront de
moy au contraire de ce que je luy en escris. Aussi n'en sçauroient ilz jamais rien prouver, puysque
la verité est que j'ay tous-jours eu en singuliere recommandation l'honneur que je dois aux volontés
de Vostre Altesse en tout le progres de cest'œuvre, de laquelle ell'a esté le principal instrument
sous la main de Dieu,1143 lequel je prie tous-jours quil luy playse multiplier ses saintes benedictions
sur la personne et les catholiques desseins d'icelle, a laquelle faysant humble reverence je demeure
a jamais,
Monseigneur,
1144Tres humble serviteur et orateur.
De Gex, ce XXX de novembre 1601.
A Son Altesse.
A Turin.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
CCLXVIII. Au Roi de France Henri IV. Trois curés établis dans
le pays de Gex. « La bonté du commencement » fait « desirer
le progres » de la conversion de ce bailliage. Ce qu'à cet effet
l'on attend de la protection du roi de France
Annecy, décembre 1601.
Sire,
Sur le bon playsir de Vostre Majesté, qu'elle me delaira par sa lettre1145, j'ay esté en son
balliage de Gex, [445] et y ay establi des ecclesiastiques pour l'exercice de la sainte religion
catholique es lieux que M. le baron de Lux m'a assigné, qui ne sont que trois en nombre1146 ;
beaucoup moins, a la verité, que je n'avois conceu en mon esperance, laquelle, portee de la
grandeur de la pieté qui reluit en la couronne de Vostre Majesté, n'aspiroit a rien moins qu'au
tout1147. J'espere neanmoins encor ; et, par la bonté du commencement que je vois, je suis tousjours
tant plus invité d'en desirer le progres et compliment, lequel aussi nostre Saint Pere me commande
d'attendre de la justice, equité et zele de Vostre Majesté, comme je fay, plein d'asseurance que
ceste main royale, qui ne sçait laisser aucun de ses ouvrages imparfait, ayant donné
commencement au restablissement de la sainte religion en ce petit coin de mon diocese, qui a
l'honneur d'estre une piece de vostre grand royaume, ne tardera point d'y apporter la perfection que
le Saint Siege en attend, que son edit promet1148, et que je luy demande tres humblement, avec la
faveur de sa grace ; suppliant nostre Sauveur, pour la gloire duquel je presente ceste requeste, qu'il
1143 de Dieu, [et me suis comporté en sorte...]
1144 [La clausule, la date et l'adresse ne sont pas de la main du Saint.]
1145 Vide supra, p. 81, not. (134).
1146 Vide supra, p. 90, not. (155).
1147 Cf. Epist. CCLIX.
1148 L'édit de Nantes.
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28.10 Page 280

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comble de benedictions le sceptre tres chrestien qu'il a mis en la main de Vostre Majesté, et,
qu'apres le luy avoir maintenu longuement, il le fasse heureusement passer en celle de
Monseigneur le Dauphin, pour l'appuy de l'Eglise et religion catholique, qui est tout le bien
qu'apres l'eternelle felicite peut souhaitter pour Vostre Majesté,
Sire,
Le tres humble et tres obeissant serviteur et orateur de Vostre Majesté.
_____
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29 Pages 281-290

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29.1 Page 281

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Suppliques
_____
CCLXIX. A Sa Sainteté Clément VIII (Minute inédite).
L'Evêque de Genève sollicite l'autorisation de communiquer la
faculté d'absoudre les hérétiques et de lire leurs ouvrages. Il
serait nécessaire de subvenir à la gène des nouveaux convertis
par la fondation d'un établissement approprié à leurs besoins.
Contributions généreuses, mais insuffisantes, faites dans ce but
par le duc de Savoie et d'autres personnes
Rome, commencement de janvier 1599.
Beatissimo Padre,
Très Saint Père,
Restando ancora nella diocesi di
Geneva molti heretici et alcuni rilapsi, quali
sforzati dalli soldati nelle guerre passate fecero
professione della fede catholica et dipoi, per
authorità [di] contraria forza, sonno ricaduti,
delli quali tutti mediante la gratia divina, per
mezzo di predicatori, si spera una santa
conversione ; per tanto si supplica
humilissimamente, per parte del Vescovo di
Geneva, che sì come è carigo et debito suo di
richiamare dette pecorelle smarrite alla Chiesa
del Signore, così [447] habbia ancora piena
facoltà di aprirli (sic) la porta di essa ogni volta
che con vero pentimento ritornaranno,
absolvendoli di ogni heresia nella quale
saranno caduti et etiandio ricaduti1149. Et
perchè vi sonno molti tali li quali non hanno
ardimento di comparire o vero venire inanzi
del Vescovo, comme sonno per lo più gli
huomini vecchi et le donne, massime gravide,
per tanto si supplica che havendoli (sic)
compassione, detto Vescovo possa ancora
communicare detta facoltà di assolvere li
heretici ad alquanti giudicarà da lui degni, in
diversi luoghi della sua diocesi.
Di più, perchè a predicatori che a
questo effetto della conversione degli heretici
sonno adoprati è necessario di leggere libri
Il reste encore dans le diocèse de
Genève beaucoup d'hérétiques et quelques
relaps ; ceux-ci, subissant la pression de la
force armée au cours des dernières guerres, ont
fait profession de la foi catholique, et ensuite,
violentés par une pression contraire, sont
retombés dans l'hérésie. On espère la
conversion de tous, moyennant la grâce divine,
par le ministère des prédicateurs. C'est
pourquoi Votre Sainteté est très humblement
suppliée de la part de l'Evêque de Genève, qui
a la mission et le devoir de rappeler à l'Eglise
du Seigneur les brebis [447] égarées, de lui
accorder plein pouvoir de leur en ouvrir la
porte toutes les fois qu'elles reviendront avec
un vrai repentir, en les absolvant de toute
hérésie, lapses ou relapses. Plusieurs n'osent
comparaître devant l'Evêque, comme sont pour
la plupart les hommes âgés et les femmes,
surtout quand elles sont enceintes ; en
conséquence, Votre Sainteté est suppliée de les
prendre en pitié, et d'autoriser encore ledit
Evêque à communiquer le pouvoir d'absoudre
les hérétiques, en différents lieux de son
diocèse, à ceux qu'il en estimera dignes.
En outre, comme il est nécessaire aux
prédicateurs qui travaillent à la conversion des
hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les
1149 Cf. supra, p. 2.
281/340

29.2 Page 282

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prohibiti, massime quelli che ogni giorno si
mandano fuori dalli Genevrini et altri vicini,
per rifutarli più commodamente, però si
supplica humilissimamente che possa detto
Vescovo dare licentia a quelli che giudicarà
espediente, di leggere et havere detti libri,
mentre in questo si adoperano, come al
Preposito della Cathedrale di Geneva. Et
queste gratie si domandano ad quinquennium,
ad Dei gloriam et honorem. [448]
Fra le molte migliaia di persone che per
bontà del Signore Iddio si sonno ridotte et
convertite alla santa Chiesa questo ultimo anno
passato nelli confini et luoghi vicini a Geneva,
se ne trovano molti quali, o per esser usciti
dalla città istessa di Geneva come da altra, o
per haver nelli traffichi con Genevrini la
miglior parte delle commodità necessarie a
questa misera vita mortale, vengono per questa
sua (sic) santa conversione privi et falliti
affatto di tutti li loro beni et commodità
humane ; onde crescendo tuttavia, per somma
misericordia divina, il numero di questi tali, nè
sapendosi come provederli, è parso bene et
espediente, anzi necessario, al Vescovo di
detta diocesi et alli predicatori et altre persone
zelanti che in quella opera s'affatigano, di
tentare [di] fondar una qualche casa di
misericordia o albergo di virtù, nella quale
questi, horamai banniti per Christo, et massime
li putti et ragazzi maschi et femmine, potessero
esser ricevuti, insegnati et ammaestrati
christianamente, ciascheduno secondo la sua
capacità, in qualche arte o scientia col mezzo
della quale si possano poi guadagnare il pane.
[449]
Ma tale dissegno et espediente,
suggerito et inspirato dalla carità, non può
senza gran carità riuscire in effetto, essendo
impossibile di fondar detto albergo se non per
mezzo di limosine o vero di applicatione di
qualche intrate ecclesiastiche. Per tanto il
signor Duca di Savoya vedendo quanto pia sia
questa opra, havendo già speso parecchie
migliaia di scudi per le cose sacre in quelle
bande, ha di più dato per questo particolare
dieci millia scudi di limosina ; et uno delli
nuovamente convertiti, gentilhuomo
honorato1150, spinto dalla vera compassione
verso quelli che, tocchi dal Spirito Santo,
réfuter plus commodément, ceux surtout que
les Genevois et autres gens du voisinage font
paraître chaque jour, l'Evêque demande très
humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il
jugera convenable, tel le Prévôt de la
cathédrale de Genève, à lire et garder les livres
susdits pendant qu'ils travaillent à cette
mission. Et ces permissions sont demandées
pour cinq ans, à la gloire et honneur de Dieu.
[448]
Parmi les milliers de personnes qui, par
la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont
converties et soumises à la sainte Eglise cette
année dernière aux environs ou sur les confins
du territoire de Genève, bon nombre ont été,
par suite de leur conversion, dépouillées de
tous leurs biens : les unes, parce qu'elles sont
sorties de Genève ou de quelque autre ville ; et
d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur
commerce avec les Genevois la majeure partie
des ressources nécessaires à cette misérable vie
temporelle. Or, comme par la divine
miséricorde, le nombre de ces personnes
augmente, on ne sait comment pourvoir à leur
entretien. Il a donc semblé bon, expédient et
même nécessaire à l'Evêque de ce diocèse,
ainsi qu'aux prédicateurs et autres personnes
zélées qui s'adonnent à cette œuvre, d'essayer
de fonder une maison de miséricorde ou
hospice de vertu. Là, ces bannis pour le Christ,
surtout les enfants et les jeunes gens des deux
sexes, pourraient être accueillis, élevés et
instruits chrétiennement. On enseignerait à
chacun selon sa capacité, ou les sciences ou
quelque métier qui lui permettrait ensuite de
gagner sa vie. [449]
Mais un tel projet, suggéré et inspiré
par la charité, ne peut aboutir sans une grande
charité ; car il est impossible d'établir cet
hospice autrement que par des aumônes ou par
l'application de quelques revenus
ecclésiastiques. En conséquence le duc de
Savoie voyant combien cette fondation serait
une œuvre d'excellente piété, après avoir déjà
dépensé plusieurs milliers d'écus en ces
contrées pour le culte divin, a voulu encore
donner dix mille écus pour cette œuvre
particulière. L'un des nouveaux convertis,
gentilhomme distingué, poussé par une
véritable compassion envers ceux qui, touchés
1150 M. d'Avully (voir ci-dessus, p. 25).
282/340

29.3 Page 283

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abbracciano la santa fede, ha dato otto miglia de l'Esprit-Saint, embrassent la sainte foi, a
scudi di limosina, et alcuni altri certe piccole donné huit mille écus d'aumône ; quelques
somme secondo la loro capacità ; tutte le quali autres personnes ont fait de petites offrandes
somme non arrivano a quello che si richiede proportionnées à leurs ressources. Tout cela
per dar un saldo fondamento a questa piissima néanmoins n'atteint pas la somme qui serait
impresa. Il che fa
nécessaire pour établir sur un fondement solide
cette très pieuse entreprise. Ce qui fait que
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de [450]
Canonisation. [450]
_____
CCLXX. Au Cardinal Aldobrandino (Minute inédite). Prière de
plaider auprès de Sa Sainteté divers intérêts du diocèse de
Genève : entretien des curés, création de prébendes théologales,
requête des chanoines de la cathédrale, décimes de l'Evêque
Rome, 12 janvier 1599 1151.
Illustrissimo et Reverendissimo
Illustrissime et Révérendissime
Signor,
Seigneur,
Si supplica humilissimamente a V. S.
Illma et Rma si degni mettere in consideratione
appresso Sua Santità circa le difficoltà che
occorrono nelli articoli proposti per parte del
Vescovo di Geneva1152 :
1153Quanto all' applicatione delli
beneficii per sustentatione de'pastori necessarii
alle parrochie ridotte alla fede : Che li beni
delle cure son in parte alienati con authorità
Apostolica,1154 et in parte rovinati et deserti
[451] per la poca cura che li possessori ne han
havuta ; per tanto non bastariano in modo
nessuno per stabilir detti pastori. Che de jure si
deve dar portion congrua sopra li altri
beneficii, et fu l'intentione della Bolla di
unione, laquale vuole che si debbano dare1155
almeno cinquanta ducati per chiascheduno
pastore1156 supra detti beneficii
indistintamente. Et che in summa, quelli popoli
Au sujet des difficultés qui se
rencontrent dans les articles proposés de la part
de l'Evêque de Genève, Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime est très
humblement suppliée de soumettre ce qui suit
à la considération de Sa Sainteté :
Quant à l'application des bénéfices à
l'entretien des pasteurs des paroisses revenues
à la vraie foi : Que les biens des cures sont en
partie aliénés de par l'autorité apostolique, et
en partie ruinés et [451] abandonnés par suite
du peu de soin qu'en ont eu les possesseurs ;
partant ils ne suffiraient en aucune manière à
l'entretien des susdits pasteurs. Qu'en droit il
faut prélever la portion congrue sur les autres
bénéfices, d'après la teneur de la Bulle d'union
qui exige que cinquante ducats au moins soient
donnés à chaque pasteur sur lesdits bénéfices
indistinctement. Qu'on doit enfin donner à ces
peuples qui demandent du pain des prêtres
1151 Cette date est ajoutée sur l'Autographe par le notaire apostolique du Procès de Canonisation.
1152 Cf. Epist. CXXI.
1153 [Quanto alla provisione delle parrochie ridotte : Che l'entrata delle cure non basta per nessun conto alla decente
sustentatione delli pastori necessarii, et è de jure che se glie dia portione congrua sopra gli altri benefìcii.]
1154 Che [essendosi alienati in parte] li beni delle cure, con authorita Apostolica, [mentre quelli paesi furono privi
dell' essercitio catholico,]
1155 che si [possano pigliare...]
1156 per [la sustentatione de pastori]
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29.4 Page 284

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petunt panem, dandi sunt qui frangant eis1157 ;
et non è modo più conveniente che
applicandovi le decime et primitie che essi a
questo effetto pagano1158 : Et quos non pavisti
occidisti1159.
Quanto alle præbende theologali : Che
se bene il Concilio non obliga che si
stabiliscano altrove che nei luoghi insigni1160,
obligando al meno, però non esclude il più,
anzi lo desidera et lauda. Che li luoghi dove si
metteriano sonno insigni nel paese. Che li
monasterii le pr0bende delli quali se
domandano sonno, da uno in poi, in luoghi
deserti et lontani dalla moltitudine1161 ; sì che
li theologi [452] loro, se pur ne havessero,
sariano poco giovevoli alla diocæse ; onde,
applicando quelle præbende alla sustentatione
de' theologi, sariano infinitamente più utili al
ben publico.
Quanto alla dispensatione colli
canonici di Geneva per haver1162 una
parrochiale : Che potranno a vicende servire in
dette1163 chiese1164 ; che questa gratia si è usata
con loro da altri Pontefici in simile occasione ;
et questo non succedendo, bisognarà dispensar
con loro sopra il statuto loro confirmato et
stabilito da Martino Papa1165, di non dover
esser ricevuto per canonico chi non è nobile ex
utroque parente, o dottore,1166 o provedergli
con altro modo di decente sustentatione sin
tanto che si restituiscano li beni occupati dalli
hæretici. [453]
Quanto alle decime del Vescovo : Che
per haver lui solo, senza altro, ottenuto dal
signor Duca di Savoya che li dodeci millia
scudi d' oro che si danno dal clero di Savoya a
detto signor Duca si riducessero in scudi di
moneta, non ha devuto premerlo più per suo
bisogno particolare ;1167 et che detto clero
pour le leur rompre. Or, il n'est pas de moyen
plus convenable que d'appliquer à cette œuvre
les dîmes et les prémices que les fidèles payent
à cet effet. « Et vous avez tué ceux que vous
n'avez pas nourris. »
Quant aux prébendes théologales : Bien
que le Concile n'oblige à les établir que dans
les localités considérables, en exigeant le
moins il n'exclut pas le plus ; au contraire, il le
désire et le loue. Que les localités où
s'établiraient telles prébendes sont
considérables dans le pays. Que les monastères
desquels on demande les prébendes sont, à une
exception près, situés en des lieux inhabités et
éloignés des [452] centres ; de sorte que leurs
théologaux, si toutefois ils en avaient, seraient
peu utiles au diocèse, tandis qu'en appliquant
ces prébendes à l'entretien de chanoines
théologaux, elles seraient infiniment plus
utiles au bien public.
Quant à la dispense sollicitée par les
chanoines de Genève pour avoir une église
paroissiale : Qu'ils pourront desservir ces
églises de temps en temps ; que ce privilège
leur a été concédé par d'autres Pontifes en
semblable occasion ; que si on le leur refuse il
faudra les dispenser du statut établi et confirmé
par le Pape Martin (à la teneur de ce statut, ils
ne peuvent admettre dans leur Chapitre
personne qui ne soit noble ex utroque parente,
ou docteur) ; ou bien il faudra pourvoir
convenablement à leur entretien d'une autre
manière, jusqu'à ce que l'on recouvre les
revenus usurpés par les hérétiques. [453]
Quant aux décimes de l'Evêque : Que
lui seul, sans le concours d'aucun autre, ayant
obtenu du duc de Savoie que les douze mille
écus d'or que le clergé de Savoie donne à ce
prince fussent payés en écus de monnaie, il n'a
1157 Thren., IV, 4.
1158 pagano ; [altrimente corre quella sententia]
1159 Decreti Ia Pars, Dist. LXXXVI, c. XXI, ubi hæc verba S. Ambrosio tribuuntur.
1160 si stabiliscano [se non nelli] luoghi insigni, [non esclude però il piu...]
1161 dalla moltitudine [senza disciplina]
1162 per haver [cura... un beneficio curato...]
1163 in dette [parrochiali]
1164 Pour éclaircir l'obscurité que présente ici le texte, nous croyons utile de citer le passage corrélatif d'une Requête
rédigée par le Saint pour être présentée au Saint-Siège, et qui sera publiée parmi les Opuscules :
« ... Si supplica che possano [i canonici], insieme con loro canonicato, ottenere et ritener chiese parrochiali,
mettendovi vicarii idonei et visitandole a certi tempi. » « On demande que les chanoines puissent, avec leur
canonicat, obtenir et garder des églises paroissiales, y mettant des vicaires capables et les visitant à certains temps. ».
1165 Vide tom. præced. hujus Edit., p. 131, not. (315).
1166 o dottore, [perche di questa qualita non se truova ;]
1167 particolari ; [ma gli altri beneficiali essendo...]
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29.5 Page 285

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godendosi del favore ottenuto da lui, non
sentirà molto incommodo di sgravarlo della
sua parte del pagamento, il quale non eccede
cento scudi.
Et in generale si supplica a Sua
Signoria Illma et Rma di mettere in
consideratione quale et quante siano le
necessità di quella diocæsi,1168 chè extremis
malis extrema sunt adhibenda remedia, et
salus populi suprema lex1169
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme A.
Morrison, à Londres. [454]
pas cru devoir faire instance pour ses intérêts
personnels, et le clergé, jouissant de la faveur
qu'il lui a obtenue, ne sera pas grevé beaucoup
de décharger l'Evêque de la contribution qui lui
incomberait, laquelle n'excède pas cent écus.
Et en somme, Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime est suppliée de
considérer combien graves et combien
nombreux sont les besoins de ce diocèse, car «
aux maux extrêmes il faut appliquer des
remèdes extrêmes, et le salut du peuple est la
suprême loi. »…[454]
1168 diocæsi, [per laquale non se demanda la mezza parte di...]
1169 Inter leges perditas XII Tabularum (juxta plures).
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29.6 Page 286

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Appendice [455]
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29.7 Page 287

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Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice
avec le texte des Lettres de saint François de Sales. [456]
287/340

29.8 Page 288

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Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques
correspondants
_____
A. Lettres de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie
_____
I
A Reverend, cher, bien amé et feal, le Prevost de Geneve, Le Duc de Savoye.
Reverend, cher, bien amé et feal,
Ceux de la Religion de Sainct Maurice et Lazare nous ont faict entendre le prejudice que
leur appourteroit l'union du prieuré de Sainct Jean hors les murs de Geneve a la Collegiale de
Viry1170, si elle s'en ensuivoit, ainsy qu'au Baron de Viry en avons accordé le placet ; ce qu'avons
faict, ne Nous resouvenant que ledict prieuré fust approprié a ladicte Religion. Qui Nous faict a
present vous dire que n'avez a en faire plus aulcune poursuitte, ains vous en despartir, n'estant
nostre intention de en rien prejudicier a ladicte Religion.
A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde.
D'Ast, ce 11 janvier 1599.
CHARLES EMANUEL.
BOURSIER.
Au Prevost de Sales.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [457]
_____
II
A nostre tres cher, bien amé et feal, le Prevost de Sales, Le Duc de Savoye.
Tres cher, bien amé et feal,
Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a
monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion ; ce qui Nous a appourté un singulier contentement,
comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous
asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant,
avec tant de louange et satisfaction nostre. Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté
tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost
que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour
l'entretenement des curez1171, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y
exercer religieusement ce qui est de leur charge ; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de
tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve.
Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le
Pere Cherubin1172 a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict
1170 Vide tom. præced., Append. C, Epist. VII ; cf. supra, p. 105, not. (192), et p. 115, not. (206).
1171 Cf. supra, p. 18.
1172 Vide tom. præced., p. 98, not. (244).
288/340

29.9 Page 289

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Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle ; et Nous en envoyerez
les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que
verrons estre convenable.
Et touchant le sieur d'Avully1173, de Vallon1174 et Dame du Four, Nous treuvons tres
raisonnable ce que vous en escripvez, et ne leur sera rien innové qu'au preallable ilz n'ayent leur
recompense.
A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde.
De Chambery, ce 28 apvril 1600.
CHARLES EMANUEL.
BOURSIER.
Au Prevost de Sales.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [458]
_____
III
Tres Reverend, tres cher, bien amé et feal Conseiller et devost Orateur,
1175Parce que les bonnes œuvres sont tousjours contrepesees par sinistres relations, et que
bien souvent les publiques mesmes ont besoin d'appui particulier pour les soustenir et deffendre,
aussy est il necessaire que, pour les balancer au poix de la raison, l'on y prenne les expedientz plus
necessaires. Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa
Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que
vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que
concerne le spirituel ; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice
de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue,
et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion
Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur
les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe. Et d'aultant qu'il faut faire
le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire
que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice,
et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte
attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien
; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a
la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue
l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour
me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus.
Ce qu'attendant, prions Dieu quil vous ait en sa sainte et digne garde.
De Thurin, ce 25e d'octobre 1603.
Le Duc de Savoye,
C. EMANUEL.
BOURSIER.
A l'Evesque de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [459]
_____
1173 Idem, p. 198, not. (462).
1174 Probablement Gui Joly, seigneur de Vallon.
1175 Vide Epp. CCIV.
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29.10 Page 290

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IV
Tres Reverend, tres cher, bien amé et feal Conseiller et devost Orateur,
1176Il y a quelques sepmaines que Nous vous escripvismes sur quelque mauvays rapport
qu'a esté faict a Sa Sainteté de la conversion des heretiques des baillages, luy ayant este donné a
entendre que tout estoit en son premier estat, et que les curez n'ont point esté retablis en leurs
eglises. Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien
autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et
qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus
part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y
continuent avec un grand zele. Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy
qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle
faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa
Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx. Et fault qu'elle soit en bonne forme.
A tant prions Dieu quil vous ait en sa garde.
De Thurin, ce 22 novembre 1603.
Le Duc de Savoye,
C. EMANUEL.
BOURSIER.
A tres Reverend, tres cher, bien amé et feal Conseiller et devost Orateur,
L'Evesque de Geneve.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy. [460]
(La signature est autographe.)
_____
1176 Vide Epist. præced.
290/340

30 Pages 291-300

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30.1 Page 291

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B. Lettres de Mgr Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce
Apostolique a Turin1177
_____
I
Molto Reverendo Signore,
Fui avvisato dal Serenissimo signor Duca che V. S. doveva partir per Roma per procurar
la restitutione delle cure et beneficii di Ciables et l'espeditione d'altri negotii attinenti alla religione
cattolica in quelle parti, et per lettere poi di Monsignor di San Paolo1178 intesi ch'Ella era già partita.
Et se V. S. mi havesse dato avviso in tempo di questa sua risolutione, non haverei mancato
d'accompagnarla con lettere alli signori Cardinali di Santa Severina1179 et Aldobrandino1180, se ben
per diverse mie relationi sia notissimo a Sua Santità et alli suddetti Signori il merito della persona
sua.
Mentre io stavo aspettando con gran desiderio di haver nova della giunta di V. S. a Roma,
mi è capitata la sua di 18 di Decembre che mi ha data gran consolatione, havendo inteso il suo
arrivo con salute, insieme col signor Vicario di Geneva1181. Io spero che V. S. a quest' hora haverà
riportato qualche buona risolutione delli negotii delli quali mi scrive ; ma con tutto ciò io non ho
voluto lasciare, conforme alla sua dimanda, di raccommandarlo vivamente al signor Cardinal
Aldobrandino et Santa Severina con alligate mie lettere, le quali V. S., secondo il suo bisogno,
potrà presentare.
Credo che Ella haverà già inteso l'infortunio del nostro Padre Fra Cherubino1182, il quale,
al principio di Decembre, cominciò a patir delirio nell' intelletto et è andato sempre crescendo, si
come mi ha avvisato il Padre Guardiano di Annessi1183 et il Padre Provinciale1184, con lettere di 12
di Gennaro. Onde, per ricordo (sic) di Monsignor di Geneva, io ho risposto a quelli Padri che lo
levino quanto prima di Tonone et lo riducano in qualche loco delicioso dove, lontano da
occupationi, forse potrebbe, con la gratia di Dio, ricuperar l'uso della [461] ragione. Questo
accidente mi è doluto in estremo ; ma finalmente bisogna conformarsi in quello che dispone la
divina Providentia. Io ne diedi conto, con l'ordinario passato, al signor Cardinale di Santa Severina,
et con quella occasione supplicai Sua Signoria Illma a voler procurar da Nostro Signore che V. S.,
con favorevole speditione, fosse quanto prima rimandata a Tonone, poichè senza la sua presentia
io vedevo intorbidato il negotio della conversione.
Sua Altezza sarà qui in Saluzzo fra tre o quattro giorni, dove io le parlarò a lungo ; et si va
discorrendo che venendo il Re di Francia a Lione a primavera, forse potrebbe tornare in Savoia.
Haverebbe Sua Altezza desiderio che Nostro Signore mi commandasse che io andassi, fatto
Pasqua, a visitare li cleri di Savoia, et massime li regolari ; ma stante il contagio et la desolatione
del paese, io non so che frutto si potrebbe fare, se ben dal canto mio io sarò sempre pronto di
esseguir quello che mi sarà commandato. Et [se] questo carico mi venisse commesso, V. S.
haverebbe da essere mio compagno individuo.
Con che fo fine, et me le raccommando di cuore, insieme con lo signor Vicario.
Di V. S. molto Reverenda,
1177 Ces lettres, la troisième exceptée, sont revues sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. Elles sont
inédites, sauf les lettres III, VI.
1178 Vide tom. præced. p. 356, not. (785).
1179 Idem, p. 257, not. (579).
1180 Vide supra, p. 81, not. (133).
1181 Idem, p. 5, not. (20), et tom. præced., p. 71, not. (173).
1182 Vide supra, p. 4.
1183 Le P. Théodose de Bergame.
1184 Le P. Ange d'Avignon.
291/340

30.2 Page 292

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Di Saluzzo, a 28 di Gennaro, 1599.
Al Molto Rdo
Sigre Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
A Roma.
_____
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
II
Molto Reverendo Signore,
Tengo l'ultima di V. S. delli 17 di Gennaro, ricevuta a 4 di Febraro, con la quale mi sono
rallegrato sommamente di havere inteso che Ella habbia havuta grata audientia da Nostro Signore
et riportata speranza di essere ben spedita. Io vorrei che gli ordini di Sua Santità venissero precisi
et precettivi, perchè venendo commessi a me Ella sa le difficoltà che si passano con li ministri di
Sua Altezza, laquale se ben sia zelantissimo Principe, nondimeno, per opera di ministri, molte
volte l'essecutione non è conforme alla intentione. Con tutto ciò, se il negotio verrà commesso a
me, io non mancarò di darle tutto quell'aiuto che humanamente per me sarà possibile. [462]
Fra Cherubino continua tuttavia nel suo delirio, et tanto più è necessario il presto ritorno di
V. S., senza laquale, in cambio di far maggior progresso, dubito che si perderebbe l'acquistato. Et
in questo proposito io ho scritto a Sua Santità tutto che ho giudicato a proposito per ottenere quanto
prima favorevole espeditione di tutti li negotii per li quali V. S. è andata a Roma, et per la
coadiutoria che desidera in persona sua Monsignor di Geneva.
Ho scritto vivamente al signor Abbate dell' Abundantia1185 che in ogni modo mi faccia
piacere di deputare giudice di quel loco il signor Pietro Ducrest1186, et spero senza fallo che mi
gratificarà, et V. S. ne sarà avvisata ; laquale se potesse vedere l'infinito amore che le porto, si
avvarrebbe di me con più libertà et confidentia. Io, per dar qualche stabilimento alla riforma di
questo clero, credo che sarò astretto di fermarmi a Saluzzo per tutta Quaresima, et venendo V. S.
qua, l'abbracciarò et goderò con infinito mio contento.
Et in tanto, la saluto di cuore, col signor Vicario di Geneva.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Di Saluzzo, a XI di Febraro 1599.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigre Prevosto di Geneva.
A Roma.
_____
III
Molto Reverendo Signore,
1187Son restato maravigliato che dopo la partita di V. S. da Piemonte io non habbia havute
più lettere sue, le quali desideravo principalmente per intendere la sua salute et di Monsignor Rmo
di Geneva, et per sapere qualche progresso delle cose di Tonone, et che risolutione Ella habbia
riportata dal Parlamento di Ciamberi circa l'entrate che si dovevano applicare alli curati dalla
1185 Vide tom. præced. p. 223, not. (514).
1186 Idem, p. 159, not. (357).
1187 Vide Epist. CXXVII.
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Religione di San Lazaro1188.
Nostro Signore, per dar principio ad aiutar l' opera di Tonone, si è risoluto di mantenerci
sei Gesuiti a spese sue, et me ha ordinato che, giunti che saranno, io li rimetta trentasei scudi d'oro
il mese, a ragione di sei scudi d'oro il mese per ciascuno, delli spogli di Piemonte. Il P. Generale1189,
conforme alla volontà di Nostro Signore, ha dato ordine al P. Provinciale di Lione1190 di mandar
detti Padri quanto [463] prima a Tonone, et V. S. ne potrà anco far instanza al medesimo
Provinciale per affrettar la loro venuta ; li quali arrivati che saranno, V. S. me ne potrà dar avviso,
col modo che haverò da tenere a far la rimessa delli suddetti dinari.
Circa il memoriale che V. S. mi lasciò sopra diversi capi che concernevano il servitio della
Chiesa di Geneva, io ne ho fatto più volte instanza a Sua Santità, laquale, pochi giorni sono, mi
fece scrivere dal signor Cardinale Aldobrandino che haverebbe spedito un Breve in persona mia,
dandomi facoltà di provedere a tutto ; et bisognerebbe che qualcuno lo sollecitasse a Roma a nome
di Monsignor Vescovo. Tra li suddetti capi ce n'è uno, del quale mando a V. S. copia, che patisce
difficoltà per essere assai oscuro, et sopra il quale io non ho potuta dare altra informatione. Per
intelligentia di esso si desidera di sapere da V. S. se le prebende monacali1191 che si hanno da
applicare per la sustentatione de'canonici theologali siano vacanti, oppure [se] si ha da fare
l'applicatione per quando vacaranno. Di più, quanti priorati o monasterii si trovino nella diocesi di
Geneva per poter fare la soppressione di una prebenda monacale per priorato o monasterio, et di
più, se ci sia stato mai essempio che dette prebende monacali siano state applicate a canonici
secolari, et in che maniera li monaci accettarebbono questa soppressione. Di più, perchè V. S. dice
che questi canonici theologali sono necessariissimi in molti luoghi, si desidera sapere in quanti
luoghi sono erette queste chiese collegiate ; perchè altre volte si dice che la diocesi di Geneva è
copiosa di cure, ma non di chiese collegiate dove ci siano canonici theologali, non potendone
essere più di uno per chiesa con l'assegnamento della prebenda theologale.
Però V. S. sarà contenta di darmi quanto prima distinta informatione sopra tutti questi
particolari che sono necessarii di sapere prima che si faccia la soppressione delle prebende
monacali ; et me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Dal Mondovì, al primo di Settembre 1599.
Al Molto Revdo Sigr
Il Sigr Prevosto di Geneva.
A Tonone.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation d'Annecy. [464]
_____
IV
Molto Reverendo Signore,
1192Mi è stata di gran consolatione l' ultima di V. S. di 23 di Settembre, per haver inteso il
donativo fatto da Sua Altezza di dodici mila scudi per la fundatione del collegio ; et se saranno
riscossi effettivamente si potrà sperare che habbia da passare innanzi. In tanto, in essecutione
dell'ordine che ho da Sua Santità, mando al Padre Stefano Bartolone, Rettore del collegio di
1188 Cf. Epist. CXXVI.
1189 Vide supra, p. 437, not. (1105).
1190 Idem, p. 26. not. (55).
1191 Cf. supra, p. 452.
1192 Vide Epp. CXXVII, CXXX.
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Gamberi1193, cento et otto scudi d'oro, a fiorini tredici et grossi tre di Piemonte per scudo, per
pagare alli sei Padri Gesuiti che hanno da stare a Tonone, a ragione di [sei] scudi d'oro il mese per
uno ; et V. S. mi darà avviso del giorno che arrivano et quando comminci a correre il tempo, acciò
si possa notare al libro de'conti della Camera Apostolica, et di mano in mano io mandarò
anticipatamente ogni tre mesi il loro stipendio.
Ho mandato a Nostro Signore la relatione di Monsignor di Vienna sopra le cose di
Tonone1194, laquale è tanto favorevole che io spero che Sua Santità allargarà tanto più la mano in
promoverle ; et dal canto mio io ho fatto tutti gli officii possibili. Starò aspettando l'informatione
di V. S. sopra le prebende monacali che vorrebbe che Sua Santità supprimesse per erigere delle
prebende theologali canonicali, et V. S., di gratia, rilegga ben la mia lettera del primo di Settembre,
acciò l'informatione sia distinta et chiara come Sua Santità desidera.
Aspetto con le prime lettere la facoltà di poter dispensare a quelli poveri huomini che
contrassero matrimonio non sapendo che fussero parenti, et ne darò subito avviso a V. S., alla
quale ricordando secondo il solito l'infinita affettione che le porto, me le offero et raccommando
di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Di Mondovì, a XIIII di Ottobre 1599.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Prevosto di Genova.
A Tonone. [465]
_____
V
Molto Reverendo Signore,
1195Il Padre Fra Cherubino mi ha scritta l'alligata lettera di Roma, laquai ho voluto mandare
a V. S. acciò riceva quella medesima consolatione che ho sentita io delle gratie che Nostro Signore
ha concedute alla Casa di Tonone, per le quali essendosi già segnata la supplica, si trovarà tanto
più innanzi la speditione quanto che sarà giunta l'informatione di Monsignor Arcivescovo di
Vienna che si aspettava. Io me ne rallegro con V. S. di cuore, et l'assicuro che mentre mi fermarò
qui non lasciarò di far appresso Sua Santità tutti gli officii possibili, come ho fatto per lo passato.
Et con questo fine, me le raccommando di cuore, et bascio le mani alli Revmi Monsignori
Di Vienna et di Geneva. Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Di Mondovì, a 20 di Ottobre 1599.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Prevosto di Geneva.
Ciamberi.
_____
1193 Vide supra, p. 26, not. (56).
1194 Idem, p. 2, not. (10), (11).
1195 Vide Epist. CXXXIII.
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VI
Molto Reverendo Signore,
1196Nostro Signore mi ha conceduto facultà di potere assolvere et dispensare quelli poveri
huomini che havendo contratto et consumato il matrimonio, si trovarono parenti in terzo et quarto,
et qui alligata mando l'assolutione et dispensa commessa al signor Vicario di Geneva. Sto
aspettando risposta da V. S. delle prebende monacali da erigersi in prebende theologali canonicali,
acciò di tutte le cose attenenti alla diocesi di Geneva si possa fare insieme una espeditione.
A Sua Santità è stata gratissima la relatione di Monsignor Arcivescovo di Vienna intorno
alle cose di Tonone, et hora spero che infallibilmente si spediranno le Bolle dell' unione delli tre
priorati che ha fatto a quella Casa, et insieme, di cinque cento scudi di pensione, per venticinque
anni, sopra la Chiesa di Bizansone, con gli altri privilegi che già haverà veduti con la lettera del
Padre Fra Cherubino che le mandai. Onde spero in Dio che il frutto crescerà sempre [466] più col
mezzo della diligentia di V. S. che è stata principal strumento di quest'opera.
Con che fo fine, et me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Dal Mondovì, a 2 di Novembre 1599.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Prevosto di Geneva.
_____
VII
Molto Reverendo Signore,
1197A 5 del presente di Decembre ho ricevuta la lettera di V. S. di 15 del passato, con due
alligate di Monsignor Arcivescovo di Vienna, et mi è stato gratissimo d'intendere la sua venuta a
Gamberi et che in Sua Altezza habbia trovata la solita buona dispositione, et miglior hora del solito
nelli ministri. Mi è stato anco caro che la presenza di Monsignor di Vienna porti giovamento alle
cose di Tonone et che habbia ricuperato da Geneva un suo nepote1198.
Ho anco veduto, con mio dispiacere, che un altro mio piego di 20 di Ottobre, con una lettera
di Fra Cherubino scritta a me, non le sia capitato, nel quale si contenevano le gratie concedute da
Nostro Signore, quali io scrissi in compendio con la mia di 2 di Novembre. Et acciò Ella l'intenda
meglio, le mando copia di quella lettera che il Padre Cherubino scrisse a me, non ostante che io
veda che le potrà esser capitato appresso l'originale.
Circa quel punto che V. S. mi ha communicato confidentemente, che a Sua Altezza sia
parso strano di non essere stata avvisata prima di ogni altro di quello che si è risoluto in Roma
circa le cose di Tonone, io rispondo che il Padre Fra Cherubino non ha mossa parola senza
partecipatione del Ambasciador di Sua Altezza1199, al qual toccava di darne conto al suo Principe
; perchè io, in questo particolare, non havendo ricevute altre lettere che quelle del Padre Cherubino,
stavo aspettando l'avviso più sicuro per lettere del signor Cardinale Aldobrandino, senza le quali
non mi soglio movere a dar avviso, nè spendere il nome di Nostro Signore, et senza espressa
commissione. Et quando quelle gratie mi fussero state scritte dal suddetto Cardinale, io non haverei
mancato di darne avviso a Sua Altezza, come soglio [467] fare in tutte le occorrenze ; laquale, in
cinque anni che io son qua, ha potuto conoscere la mia osservanza.
Ho veduto l'informatione che V. S. mi ha mandata circa le prebende theologali che
1196 Vide Epp. XXVI, CXXVII, CXXX.
1197 Vide Epist. CXXX.
1198 Vide supra, p. 35, not. (66).
1199 Idem, p. 105, not. (191).
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Monsignor di Geneva desidererebbe di erigere nella sua diocesi, laquale ho mandata a Nostro
Signore, havendone ritenuta copia appresso di me per tutto quello che mi si potesse replicare. Io
non ho mancato di supplicare instantemente Nostro Signore così di questo come di tutti li altri capi
che Ella mi lasciò nel suo memoriale per servitio di Monsignore di Geneva ; et se qualche uno
sollecitasse appresso il signor Cardinale Aldobrandino, che si trova oppresso di occupationi, si
haverebbono più presto le speditioni per le quali V. S. sia certa che io fo caldissimo officio.
Il Padre Bartolone mi ha scritto di haver mandato un predicatore in Tonone et sollecitato il
Padre Provinciale, che sta in Avignone, a mandar li altri cinque ; ma perchè mostra che non
poteranno venire così presto, bisogna che V. S. lo tenga sollecitato et si sappia servire a tempo
della gratia di Nostro Signore. Dico di più a V. S. che bisogna tenermi avvisato più spesso delle
cose di là, perchè non è mezzo più efficace di tener scaldato Nostro Signore che andarlo
raguagliando del frutto che si fa alla giornata.
Spero clic Sua Altezza partirà senza fallo per Francia et che Dio benedetto lo favorirà di
farlo tornar ben espedito. Et con questo fine, a V. S. mi offero et raccommando di cuore, et bascio
le mani a Monsignor di Geneva.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
In Mondovì, a 7 di Decembre 1599.
Al Molto Revdo Sigr
Il Sigr Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
_____
VIII
Molto Reverendo Signore,
1200L'ultima di V. S. di 9 Decembre, scrittami da Gamberi, mi capitò alli 29 di Gennaro1201,
et intesi con la solita mia consolatione la sua salute et che fusse di ritorno per Annessi in Tonone
; dove [468] aspettarò continue nove delle cose di quelle parti per poter tener raguagliata Sua
Santità et scaldarla con questo mezzo a favorir tanto più la Casa del refugio di Tonone.
Circa il dubbio mosso dal Padre Rettore di Gesuiti1202, se la facoltà conceduta da Sua
Santità a V. S. et al Signor Vescovo di Geneva di poter assolvere li heretici cessi o habbia a
continuare nell' Anno Santo, io probabilmente credo che l'intentione di Sua Beatitudine sia di farla
usare ; ma con tuttociò ne ho scritto a Sua Santità medesima, et sapremo meglio la sua intentione.
Mi è dispiaciuta la sentenza del Senato di Gamberi con laquale ha confermato il possesso
all' avversario di V. S., et son di parere che Ella proseguisca le sue ragioni in Roma, dove io non
mancarò di aiutarla con tutte le mie forze, come son obligato. È venuto avviso qua che Beza1203
sia stato cacciato da Geneva, ma non havendomene scritto V. S. altro con questa sua, credo che
non sia vero. Et perchè Sua Santità desidera di esser raguagliata minutamente di tutte le mutationi
et accidenti di quella città, V. S. non mancarà di tenermene avvisato et scrivermi distintamente,
perchè io mandarò le medesime lettere sue in mano di Sua Santità.
Ha havuta Sua Beatitudine l'informatione che Ella mi mandò circa l'erettione delle
prebende da farsi nella diocesi di Geneva, et il signor Cardinal Aldobrandino mi risponde che
bisogna che vi sia a Roma un sollecitatore per ricorrere da Sua Signoria Illma per poter espedire
quel negotio et quelli altri capi lasciati già nel suo memoriale, attinenti alla medesima diocesi di
Geneva. Io diedi conto a Sua Santità del bisogno che si haveva di dar per habitatione alli Padri
Gesuiti il monasterio di Frati di Sant'Agostino di Tonone, et mandai a Sua Santità la lettera che
1200 Vide Epist. CXXXI.
1201 Ceci est évidemment un lapsus calami, la présente lettre étant du 4 janvier.
1202 Vide supra, p. 465.
1203 Vide tom. præced., p. 268, not. (599).
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Monsignor Vescovo di Geneva mi scrisse in questo proposito ; laquale mi ordina ch'io faccia
intendere al suddetto Monsignore che la sua volontà è che quella casa o monasterio si dia ad tempus
alli Padri Gesuiti senza prejudiciare alle ragioni de' Frati, perchè con lo tempo si potrà forse trovar
modo di dar satisfattione all'una et all'altra parte. Et mando a V. S. copia di duoi capitoli di lettere
del Signor Cardinal Aldobrandino in questi propositi, acciò intenda meglio la volontà di Sua
Santità et la sua ; onde V. S. mi potrà avvisare del nome del sollecitatore o procuratore che haverà
da ricorrere al signor Cardinal Aldobrandino per l'espeditione delle prebende et altri capi, perchè
io li mandarò una mia lettera che li darà introduttione a Sua Signoria Illma.
Io mi trovo in estrema afflittione essendo piaciuto al Signore Iddio di privarmi del signor
Cardinal Caietano, mio padrone, con il quale restano estinte tutte le mie consolationi humane.
Prego V. S. ad [469] baver memoria nelli suoi sacrificii di quell' anima benedetta, et con basciar
le mani a Monsignor Arcivescovo di Vienna, a lei mi offero et raccommando di cuore. Di V. S.
molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Dal Mondovì, a dì 4 di Gennaro 1600.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
_____
IX
Molto Reverendo Signore,
1204Più presto del solito m'è venuta l ultima di V. S. di 17 di Gennaro scritta d'Annessi, l'
havendo io ricevuta a 30 ; et all'istesso tempo essendomi occorso di scrivere a Roma, mandai
l'alligato plico di V. S. al signor Presidente Fabro1205, diretto al mio agente che haverà cura di
recapitarlo subito. Mi sono rallegrato di haver inteso prima [della malattia] la convalescenza di V.
S., et spero che con la consolatione spirituale che goderà a Tonone ripigliarà anco le forze del
corpo.
Io ho un dolore intensissimo d'intendere che il signor Novelletto1206 et altre persone
ecclesiastiche di valore non si possino trattenere costì per mancamento di commodità, et se bene
la volontà di Nostro Signore sia ottima, nondimeno si vada dilatando per puro difetto di persone
che sollecitino a Roma. Io non manco di prendere qual si voglia occasione per sollecitare et
importunare ; ma finalmente le lettere non operano come fa la viva voce et come farei con la
presenza se mi trovassi in Savoia. Il Padre Fra Cherubino era buono instrumento per scaldare et
sollecitare, ma li suoi Superiori con lo tenendo lontano da Roma mi fanno dubitare che non lo
tengano del tutto risanato del suo humore malinconico ; onde, in absentia sua, sarebbe manco male
di darne carico al signor Presidente Fabro, che tirasse inanti l'unione delli priorati conceduti da
Nostro Signore alla Casa di Tonone : che havuta questa gratia, si potrebbe appresso tentare qualche
altro aiuto da Sua Beatitudine.
Quanto alla visita di Savoia, io, se ben sia stracchissimo et poco atto, non son per ricusar
mai nissuna fatica in servitio di Dio benedetto et della religione cattolica ; ma non conviene che io
sia quello che lo propona o lo ricordi. Quando la Sua Santità lo me commandi, [470] io sarò
prontissimo a obedire ; et in quel caso, li Cavallieri di San Lazaro credo che si risolverebbono di
rendere più facilmente le loro commende, perchè io [non] vorrei se non una facoltà assai ampia da
Sua Santità, et se non la sapessi mettere in essecutione sarebbe mia colpa.
Io scrissi a V. S. a lungo a 4 di Gennaro et aspetto risposta di quelle lettere, et in particolare
che il Signor Vescovo di Geneva dia conto a qualche sollecitatore in Roma appresso il signor
1204 Vide Epist. CXXXIII.
1205 Vide tom. præced., p. 18, not. (68).
1206 Vide supra, p. 47, not. (80).
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Cardinale Aldobrandino per haver la speditione delle prebende theologali et altri capi concernenti
alla sua diocesi, sopra li quali mi ha scritto ultimamente Sua Signoria che ne farà spedire Breve
speciale quando vi sia persona che lo solleciti.
Et con questo fine, a V. S. mi offero con tutto l'animo et bascio le mani al Signor
Arcivescovo di Vienna et a monsieur d'Avully.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Di Mondovì, al 1º di Febraro 1600.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigre Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
_____
X
Molto Reverendo Signore,
A 4 di Gennaro io scrissi a lungo a V. S. et medesimamente al primo di Febraro, et starò
aspettando ch' Ella me accusi la ricevuta di esse, con la data delle giornate, per poter far li duplicati
in caso che qualcuna di esse fusse smarrita ; et V. S. si ricordi di tener sempre quest' ordine nel
darmi risposta.
Ho ricevuta l' ultima sua di 24 di Gennaro et me son tanto rallegrato del suo ritorno a
Tonone quanto mi son contristato della morte inaspettata del signor Prior di Tarentasa1207, havendo
io perduto un grand'amico et una persona molto honorata, et la quale poteva essere molto utile al
Signor Arcivescovo1208 et alla Chiesa di Tarentasa. Però questo è il fine della conditione humana,
et ci resta di pregar Dio benedetto a darli requie, et a noi gratia di servirlo finchè giunga l' hora
nostra. [471]
Io ho ricevuto due lettere del Padre Bonaldo1209 che non contengono altro se non che si fa
frutto ; ma perchè Nostro Signore non si contenta delle cose universali, et V. S. è anco informata
della diligentia esquisita del signor Cardinale di Santa Severina, io essorto il Padre a scrivermi più
spesso et più minutamente di tutto quello che passa così circa le scole come circa la conversione
degli heretici et devotione delli Cattolici. Mando al Padre Rettore di Gamberi1210 un' altra polizza
di cento et otto scudi d'oro per l'altro trimestre, et mi contento che l'altro sia comminciato al primo
di Novembre, se ben loro non giunsero se non verso la fine di Decembre ; et questi 108 scudi
serviranno per Febraro, Marzo et Aprile.
Et perchè presuppongo che in questo tempo V. S. si trovi molto occupata nelle solite sue
fatiche delle prediche non aggiungerò altro, se non assicurarla ch' io la tengo sempre scolpita nel
cuore, sì come merita la singolare sua virtù et bontà. Et me le offero et raccommando con tutto l'
animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Dal Mondovì, a 24 di Febraro 1600.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
_____
1207 Jean-Philippe Chevallard, docteur ès droits, vicaire general de l'Archevêque de Tarentaise.
1208 Vide supra, p. 23, not. (50).
1209 Le P. François Bonald, de la Compagnie de Jésus.
1210 Vide supra, p. 465.
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XI
Molto Reverendo Signore,
Per via di Gamberi ho ricevuta una lettera di V. S. di 12 di Marzo, et poi dal signor Barone
di Civrone1211 me ne è stata mandata un'altra di 24, nella quale mi ha accusate le mie di 14 di
Gennaro et del primo et vintiquattro di Febraro. Quella di 12 io ho mandata in mano di Nostro
Signore acciò gli serva per ricordo et stimolo di effettuar qualche cosa circa le gratie di Tononc ;
et presto haveremo risposta circa li capi di convalidare li matrimonii contratti in grado prohibito
senza dispensa, et di ottener l'altra per quella figliola che si vuol maritare con quello suo parente
in quarto, et la risolutione circa l'assolvere gli usurarii.
Intanto ho sentito molto piacere che li Padri della missione facciano [472] frutto et che il
numero degli heretici di Tonone sia ridotto a poco, et che nell' abbadia dell' Abundantia V. S.
habbia trovato minor scandalo di quel che si supponeva ; et poichè l'Abbate della Novalesa1212 ci
tiene manco monaci di quel che doverebbe, io dò facultà a V. S., in caso che esso se li habbia
appropriati a sé, di sequestrar in questa ricolta prossima li frutti della sua badia, per impiegar a
beneficio d'essa Chiesa tutta quella portione che esso indebitamente si ha tolta : et così l'esseguisca
in mio nome.
Ho sentito dispiacere infinito che il Signor Arcivescovo di Vienna resti tanto gravato del
mal dell'occhio destro, et spero in Dio che col caldo et con un cauterio se ne potrà liberare. V. S.
gli basci caramente le mani da mia parte, chè io non gli scrivo per non darli gravezza di leggere la
lettera et di rispondere. Et a V. S. mi offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
Dal Mondovì, a 20 di Aprile 1600.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Prevosto di Geneva.
_____
XII
Molto Reverendo Signore,
Dal signor Barone di Civrone mi fu mandata pochi giorni sono una lettera di V. S. di 20 di
Aprile, con un'altra inclusa di Sua Altezza per il signor Abbate della Novalesa, nella quale si
ricercava a voler dar tre prebende della sua badia dell'Abondanza al signor dottor Novelletto ; et
conforme a l'instantia di V. S., non mancai anchor io di scriverli efficacissimamente, se ben non
era necessario che io m'interponessi dove concorreva l'authorità di Sua Altezza1213. Il suddetto
signor Abbate mi ha risposto quello che V. S. vederà dall'alligata sua lettera, offerendo di darli una
prebenda che solo dice esser vacante et che, per servire Sua Altezza, l'haverebbe tolta ad un suo
parente al quale l' haveva promessa. Io haverei desiderato di ottener più per il suddetto signor
dottor Novelletto, il quale V. S. potrà render sicuro che mi trovarà prontissimo a farli sempre
servitio. [473]
1214Mandai a Nostro Signore la lettera che V. S. mi scrisse in materia delle usure et delle
convalidationi de' matrimonii, et supplicai anco Sua Santità a volermi dar facoltà di poter dispensar
gratis quella figliola che voleva contrarre matrimonio con un suo parente in quarto grado. Sua
1211 Vide tom. præced., p. 45, not. (129).
1212 Cf. tom. præced., p. 292, not. (668).
1213 Cf. supra, p. 47.
1214 Ce second alinéa est public ici pour la première fois d'après le texte original ; il a été donné on substance dans la
version latine et dans la version française de l'Histoire de saint François de Sales par son neveu Charles-Auguste.
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Beatitudine si è contentata di darmela benignamente, et qui alligata V. S. haverà la speditione.
Quanto poi alla convalidatione de' matrimonii et la remissione delle usure, il modo che V. S.
propose piacque a Sua Santità et se ne è contentata, dandomi tutta la facultà necessaria, come V.
S. vederà dalle alligate copie di tre lettere del signor Cardinale Aldobrandino. Questa medesima
facultà la subdelego a V. S. acciò faccia tutto quello che potessi far io se fussi presente ; et sapendo
io la sua prudentia et circonspettione, mi assicuro anco che l'usarà in quello modo et a quel tempo
che giudicarà espediente per beneficio di quelle anime.
Et con questo fine, me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
In Mondovì, a 16 di Maggio 1600.
Al Molto Rdo Sigre,
Il Sigr Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
In Tonone.
_____
XIII
Molto Reverendo Signore,
1215Nel mese di Luglio hebbi una lunga lettera di V. S. nella qual mi dava particolare avviso
del frutto che havevano fatto li Padri Gesuiti nel balliaggio di Galiart ; ma da tre mesi in qua mi
son trovato sempre in letto, tanto gravemente indisposto che non è stato possibile di farli risposta.
Mandai bene l'istessa lettera di V. S. a Sua Santità, laquai la lesse con molto gusto et mi ordinò di
dar animo a quelli Padri et a V. S. di continuar nella conversione di quelle parti, perchè dal canto
suo rilaverebbe sempre favorita et protetta vivamente. Et perchè in quella lettera V. S. proponeva
il caso di quella damigella [474] che haveva fatto voto di castità et non li bastava l'animo di
osservarlo, Sua Santità mi ha commesso di dar facultà a V. S. in nome suo che, parendoli
espediente, col parer dei Padri Gesuiti, di dispensarla o commutarla, faccia quello che giudicarà
più a proposito.
Ho poi ricevuta l'altra di V. S. di 20 di Agosto scrittami da Ciamberi, et non mancarò di
mandar subito le lettere di Monsignor Vescovo di Geneva a Nostro Signore et al Cardinal
Aldobrandino1216 ; et aggiungerò io per lettere quelli officii che sono obligato per la ricuperatione
delli beni ecclesiastici nel balliaggio di Gex, et giunto a Roma ne farò tanto più viva instantia con
Sua Santità in voce.
Io sto aspettando il mio successore1217 per la settimana seguente, al quale non lasciarò di
raccommandare con ogni caldezza possibile la missione di Tonone et raguagliarlo particolarmente
della qualità di Monsignor Vescovo et di molti meriti di V. S. ; et se le forze me lo permetteranno,
io partirò subito di qua per dar fine a questa nuntiatura, laquale ha durato sette anni, con infiniti
miei travagli. In ogni loco portarò scolpita V. S. nel cuore, con desiderio ardentissimo di farle
servitio ; et me le raccommando con tutto l'animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. CESARE, Arcivescovo di Bari.
In Torino, a v di Settembre 1601.
Al Molto Revdo Sigre,
Il Sigr Francesco di Sales, Prevosto di Geneva.
A Ciamberi.
1215 Vide Epp. CXL, CXLII, CXLIII.
1216 Epist. CCLXXII.
1217 Vide supra, p. 75, not. (122).
300/340

31 Pages 301-310

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31.1 Page 301

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C. Lettres de Mgr Antoine de Revol, Évêque de Dol
_____
I
Monsieur,
1218Je suis honteux d'avoir esté si long temps a vous respondre ; je desirois satisfaire a vostre
memoire affin de vous en donner advis par mesme moien. J'y ay apporté tout le soing et invention
quy m'a esté possible, quy est d'ou a procedé cette longueur. En fin, apres m'estre informé
exactement en cette ville, je me suis aidé de Monsieur Favier pour y emploier un sien amy sur le
lieu, quy est un honneste gentilhomme, chanoine en l'Eglise de Poictiers, duquel vous verrez, sil
vous plaist, la responce que je vous envoie. Que si vous estimez que par cette voie il se puisse
quelque chose davantage, commandez moy librement, comme vous pouvez, faisant estat,
Monsieur, que je confesse de ne devoir point tant a homme du monde qu'a vous, l'obligation que
je vous ay estant infinie par les bons offices que vous me rendez d'un bien quy n'a point de fin.
Que pleust a Dieu que pour resentiment de tant de faveur je peusse vous rendre aultant de service
comme je vous en presente de remercimentz ; vous verriez de quel courage je recognoistroy le
plain pouvoir que vous avez sur moy, dont attendant qu'il s'offre quelque occasion, je vous supplie,
Monsieur, de prendre toute creance de ma disposition a l'obeissance que je vous doibz.
Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus pres de la lettre qu'il me sera
possible, et premierement pour ce quy est de l'eslection de Monsieur du Val1219, tant pour prendre
de la conduitte de luy en la vie que vous m'avez proposee, que pour me servir de la Lettre
Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay differé d'user attendant que j'eusse
asseurance de l'expedition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la
composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout. Aussy que j'ay doubté si j'en avois
bien grand besoing, d'autant que despuis, les parties ont revocqué toutes promesses suspectes, et :
quod consensu et pacto contractuel est, contrario consensu et pacto dissolvitur, et obligatio inde
nata (quy est icy ex delicto per pactum illicitum contracta) ipso jure tollitur. De faict, ma partie
m'a promis et juré de se contenter de ce quy luy sera legitimement permis, et de reparer avec moy
ce que nous aurons mal faict. Pour tesmoignage, il m'a desja relasché un [476] prieuré qu'il avoit
faict mettre quelque temps au paravant en mon nom et qu'il m'avoit faict promettre de luy rendre,
protestant de ne se vouloir jamais mesler de beneffice plus qu'il ne luy sera permis. Cela estant, et
les susdites maximes veritables jure Poli, comme elles le sont jure fori, il y a que doubter s'il est
besoing d'aultre remede. Toutesfois, je ne m'en croirey pas ; saint Hyerosme disoit de soy : Ea
etiam de quibus me scire arbitrabar interrogare me solitum, quanto magis de iis super quibus
anceps eram ! J'en enquerrey ceux que vous m'avez nommé, ou, si vous me faictes ce bien de
m'adjouster vostre advis, j'en serey encor plus asseuré, n'ayant point tant de creance a nul aultre
qu'a vous.
J'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principalement de tous ceux du
premier temps, selon vostre division ; entre lesquelz, apres Grenade que j'ay tout en sa langue, au
moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila ; mais il les fauldroit avoir aussy
en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est tres mal faicte. Je les lirey soigneusement
et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins, Monsieur, me departir tousjours de voz
bons discours et instructions par les vostres, que je prise et cheris par dessus tout, et ou je trouve
plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne
exemple a tous ceux quy ont charge en cet estat.
Je vous baise tres humblement les mains, et suis a jamais,
Monsieur,
1218 Vide Epist. CLXXXIV.
1219 Vide supra, p. 188, not. (434).
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31.2 Page 302

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A Paris, ce 1er d'aoust 1603.
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
REVOL, nommé Ev. de Dol.
A Monsieur
Monsieur l'Evesque de Geneve.
A Annessy.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
_____
II
Monsieur,
1220Je n'ay pas oublié le devoir que je vous ay, encor qu'il y ait long temps que je ne vous
en aye rendu des effectz. J'attendoy de sçavoir si l'on vous auroit rendu celles que je vous escrivis
sur la reception de la lettre de Rome quil vous pleust m'envoier1221, desirant en avoir des nouvelles
advant que de vous importuner d'aultres lettres. En fin, n'en ayant sceu rien apprendre, j'ay creu
qu'en tout cas vous n'auriez point desagreable ce tesmoignage de l'affection que je vous doy, [477]
vous suppliant de prendre en bonne part que je vous rende conte de moy despuis le temps que vous
n'avez eu des miennes, et que je vous donne advis jusques ou je suis advancé en la profession dont
vous m'avez faict l'honneur de me donner les premieres instructions1222.
Je vous direy donc, Monsieur, qu'en fin j'ay eu mes expeditions de Rome avec la grace de
nostre Sainct Pere telle que je la pouvoy esperer, sinon que j'eusse eu le gratis entier. Je les receuz
quelques jours advant les festes de Noel passé, et me disposoy apres au sacre, que je receuz le jour
de la feste des Roys de la main de Monsieur l'Archevesque d'Aix1223, assisté de Messieurs de
Bologne1224 et de Mascon1225, aiant auparavant usé de la preparation dont vous me fistes ce bien
de m'advertir, le mieux qu'il m'a esté possible ; non pas toutes fois si bien que j'eusse desiré.
Il ne reste maintenant que de m'aller rendre au lieu ou je suis envoié ; ce que je suis prest
de faire dans quelques jours, avec l'aide de Dieu, et de commencer a mettre la main a l'œuvre ; ou,
si je ne craignoy de vous estre importun, je vous supplieroy volontiers, continuant ce que vous
avez commencé en moy, de me vouloir assister de voz bons advis et conseilz, que je mettrey peine
d'ensuivre au plus pres quil me sera possible, sil vous plaist de m'en favoriser. Je ne vous direy pas
combien je m'en tiendrey vostre obligé, quy vous suis desja tout acquis, et suis entierement a vous
par tant d'occasions que je desespere de vous en pouvoir jamais assez donner de recognoissance ;
vous suppliant neantmoins de croire qu'il ne se descouvrira aulcun endroict de le pouvoir faire que
vous ne me voiez efforcer en mon debvoir.
Et sur cette asseurance de mon service, je vous supplie de m'aimer et me conserver
l'honneur de voz bonnes graces, priant Dieu, Monsieur, qu'il vous donne, en tres parfaicte santé,
tres longue et tres heureuse vie.
Vostre tres humble serviteur et confrere indigne,
ANTOINE REVOL, EV. de Dol.
A Paris, ce XXe janvier 1604.
Si vous me faictes l'honneur, Monsieur, de me donner de voz nouvelles, vous pourrez
addresser a M. de Soulfour1226 pour les bailler a M. Favier, quy me les fera asseurément tenir en
1220 Vide Epist. CCXXVII.
1221 Vide supra, p. 187.
1222 Epist. CLXXXIV.
1223 Paul Hurault de l'Hospital, archevêque d'Aix de 1595 à 1624.
1224 Claude Dormy ou d'Ormy, évêque de Boulogne de 1600 à 1626.
1225 Gaspard Dinet, évêque de Macon de 1599 à 1619.
1226 Vide supra, p. 116, not. (207), et p. 297.
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31.3 Page 303

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vostre maison de Dol.
A Monsieur
Monsieur l'Evesque de Geneve.
A Annessy.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [478]
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D. Lettre de Mgr André Frémyot, Archevêque de Bourges
Monsieur,
1227Je ne vous escris pas pour me ramentevoir en vostre memoire ; je sçay l'honneur que
vous me faictes de m'aymer, et le rang que vous tenez en la mienne me promet que j'ay quelque
place en la vostre. Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres ; ainsi, cherissant voz
merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour
vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous
m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme. Et a la verité, Monsieur, il faudroit
n'avoir ni jugement ni recognoissance si, apres avoir heu lhonneur de vostre frequentation, l'on
pouvoit vivre sans vous cherir et sans avoir du regret de vostre absence. Pour moy, je la supporte
avec tant d'impatience, que, n'estoit la creance que j'ay que ce n'est pas estre tout a faict separé de
vous que d'estre en vostre esprit, je blasmerois le jour que je vis reluire tant de rares vertus en vous,
puis qu'il failloit en estre si tost et si long temps privé. Mais je me trompe ; il m'en est resté une
image si vive et si bien representee, que bien souvent je prends la figure pour le vray naturel, tant
les sainctes impressions ont de force en nos ames que ce qu'elles ont une fois gravé y demeure
perpetuellement. Les vostres, qui sont de cette qualité, auront le mesme effect et me rendront
constant en la resolution d'estre toute ma vie,
Monsieur,
Vostre tres humble frere et serviteur,
ANDRÉ, Ar. de Bourges.
A Dijon, ce 7 juin [1604].
A Monsieur
Monsieur le Reverendissime
Evesque et Prince de Geneve.
A Nicy.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Roussy de Sales,
au chateau de Thorens-Sales. [479]
1227 Vide supra, p. 280.
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E. Lettre du Maire et des Échevins de Dijon1228
Monsieur,
1229La reputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quartiers, du zele et affection
qu'aves a l'honneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancement de son
Eglise Catholicque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une priere aultant pleine
d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz.
C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme prochain nous
soyons instruictz par vos sainctes et doctes predications. Ce vous sera beaucoup d'incommodité,
voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir ; touteffois, tascherons par tous les moiens a
nous possibles de vous en reverer.
Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en
supplier de nostre part ; mais le peril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que
nous a faict Monsieur Brunet1230 de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre
supplication, et mesme vous la presenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle,
recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais,
Voz bien humbles et plus affectionnés amys et serviteurs,
LES VICONTE MAJEUR ET ESCHEVINS DE LA VILLE DE DIJON.
Par ordre :
MARTIN.
A Monsieur
Monsieur de Salles,
Evesque et Prince de Genefve, estant de present a Nicy.
Revu sur l'Autographe inédit, conservé à la Visitation d'Annecy. [480]
1228 Cette lettre n'est pas datée ; mais la délibération municipale en laquelle il a été décidé que l'Evêque de Genève
serait prié de prêcher le Carême à Dijon s'est tenue le 12 août 1603 ; il est tres probable que l'invitation a été faite sans
délai puisque la réponse du Saint est datée du 22 août.
1229 Vide Epist. CXCVIII.
1230 Vide supra, p. 272, not. (611).
305/340

31.6 Page 306

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F. Lettre de M. Charles d'Orlié1231
Monsieur,
Je me resjoüys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie
en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beaucoup plus en l'ample et grande evesché de Geneve,
comme serviteur tres humble et tres ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour
mieux dire, des le berceau ; me resjouyssant d'ailleurs du bien et bon heur que, par ce moyen,
arrive a voz diocezes. lit encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pastorale
meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre
Reverendissime Seigneurie, bruslant du zele de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire,
portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocesains. Tesmoingt en est ce
peuple Chablasien, pour laisser vos autres merites a part, lequel, comme fidele Apostre d'iceluy,
avez engendré en Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ.
Ce n'est pour user d'aucune flatterie, ains seulement pour vous tesmoigner par ces
presentes, continuation du tres humble service et obeissance que j'ay voué a Vostre
Reverendissime Seigneurie, comme aussy pour ne me perdre et esgarer en l'haute mer de vos
louanges. Attendant doncques l'honneur de voz commandementz, je supplie tres humblement
Vostre Reverendissime Seigneurie qu'il luy plaise s'acheminer bien tost par deça pour donner ordre
aux affaires de ceste Saincte Maison erigee en ce lieu, et notamment pour l'ouverture de
l'Université, qu'il convient faire ce mois en ceste ville et ensuivant le tres expres commandement
que j'en ay de Son Altesse. De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre
Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a
Monsieur Grandis1232, a Monsieur Theodore1233, a Monsieur Chevallier1234 et autres qu'il vous
plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier1235), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre
licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la
sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez ; vous
asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien
qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la
conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par
les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur
recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet.
Attendant donc vostre arrivee en ce pays, et sur tout vostre prompte et favorable response,
avec vostre permission je baise tres humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie,
comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu,
Monsieur,
De Vostre Reverendissime Seigneurie,
Tres humble et tres obeissant serviteur,
CHARLES D'ORLIÉ.
A Tonon, maison vostre, ce 5 decembre 1602.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le IId Procès de Canonisation. [482]
1231 Charles d'Orlié ou d'Orlier, juge-maje du Chablais, fils de Claude (voir ci-dessus, p. 158).
1232 Vide tom. præced., p. 299, not. (685).
1233 Théodore Warouf, originaire de Gouda en Hollande, chanoine de Saint-Pierre de Genève et de la collégiale de La
Roche.
1234 Idem, pp. 255, not. (575), 344, not. (768) ?
1235 Vide supra, p. 156, not. (357).
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Table de correspondance de cette nouvelle edition avec
les précédentes, et indication de la provenance des
manuscrits
NOUVELLE
ÉDITION
CXXI
CXXII (fragment)
CXXIII
CXXIV
CXXV
CXXVI
CXXVII
CXXVIII
CXXIX
CXXX
CXXXI
CXXXII
CXXXIII
CXXXIV
CXXXV
CXXXVI
CXXXVII
PROVENANCE DES
MSS.
PÉRIGIEUX.
Visitation
ANNECY. Visitation
(Ancien Ms. de
l’Année Sainte)
PARME. Pensionnat
de Sainte-Ursule
TURIN. Gde Maîtrise
des SS. Maurice et
Lazare
CAROUGE.
(GENEVE) Mlle de
Vuÿ
ROME. Archives
Vaticanes (Savoia, 36)
Idem
TURIN. Archiv. de
l’Etat
CHAMBERY.
Archives du Sénat de
Savoie
ROME. Archives
Vaticanes (Sav., 36)
Ier Procès de Canonis.
Idem
ANNECY. Visitation
ROMANS. Visitation
ROME. Archives
Vaticanes (Sav., 38,
Copie)
ANNECY. Visit.
(Copie)
MILAN. Archives du
prince Trivulzio
PREMIÈRE
PUBLICATION1236
Datta, I, p. 193
Année Sainte de la
Visitation (1689)
Procès de
Canonisation du B.
Ancina (1731)
Revue Savoisienne,
janvier 1880
………………………
Pératé, La mission de
F. de S. dans le
Chablais (1886)
Ibid.
Datta, I, p. 234
Mugnier, S. Fr. de S.
Docteur en droit, etc.
(Chambéry, 1885)
Pératé
………………………
………………………
Datta, I, p. 240
………………………
Pératé
………………………
………………………
ÉDITIONS
MODERNES
Vivès, VIII,
p. 147
Migne, VI, col. 547
Viv. XI, p. 3
Mig. V, col. 363
Mig. VI, col. 1068
Viv. VII, p. 91
Mig. VI, col. 575
Inédite
Inédite
Viv. IX, p. 302
Mig. VI, col. 580
[483]
Inédite
Mig. VI, col. 918
Inédite
1236 C'est sous toutes réserves que nous indiquons les publications dans lesquelles les lettres ont paru pour la première
fois. Voir à l'Avant-Propos du tome précédent des détails sur l'origine et la valeur de ces diverses publications.
La numérotation des pièces étant souvent très fautive dans les éditions du XVIIe siècle, quand nous devrons
remonter à ces éditions, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous nous bornerons à indiquer la série, soit le
Livre dans lequel elles sont insérées.
307/340

31.8 Page 308

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CXXXVIII
CXXXIX
CXL
CXLI
CXLII
CXLIII
CXLIV
CXLV
CXLVI
CXLVII
CXLVIII
CXLIX
CL
CLI
CLII
CLIII
CLIV
CLV
CLVI
CLVII
CLVIII
CLIX
CLX
CLXI
CLXII
lignes 1-
4
suite
ROME. Archives
Vaticanes (Borghese,
III, 11)
DÔLE. Ecole libre de
N.-D. du Mont-
Roland
ROME. Archives
Vaticanes (Borghese,
IV, 281)
BESANÇON. Mme
Doroz
Ier Procès de Canonis.
ROME. Archives
Vaticanes (Borghese,
IV, 281)
TURIN. Visitation
………………………
Ier Procès de Canonis.
CHAMBÉRY.
Archives du Sénat de
Savoie
BESANÇON. Mme
Doroz
ROME. Visitation
ANNECY. Visitation
CHAMBÉRY.
Archives du Sénat de
Savoie
Ier Procès de Canonis.
CHAMBÉRY.
Archives du Sénat de
Savoie
Ier Procès de Canonis.
Idem
Idem
………………………
CHAMBÉRY.
Archives du Sénat de
Savoie
PARIS. Carmel rue
Denfert-Rochereau
ANNECY. Visitation
PARIS. Marquis de
Pimodan
TURIN. Visitation
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
(1883)
Etudes religieuses S.
J., mai 1900
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
………………………
………………………
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
Datta, I, p. 246
Hérissant, I, p. 123
………………………
Mugnier
………………………
Datta, I, p. 249
………………………
Mugnier
………………………
Mugnier
………………………
………………………
………………………
Œuvres 1652, l. VII
Mugnier
Etudes religieuses S.
J., mars 1868
………………………
………………………
………………………
Revue Sav., mars 1880
Inédite
Inédite
Viv. IX, p. 310
Mig. VI, col. 584
Viv. IX, p. 325
Mig. V, col. 373
Inédite
Inédite
Viv. IX, p. 313
Mig. VI, col. 585
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
Viv. V, p. 460
Mig. IV, col. 1555,
et V, col. 367
Viv. XI, p. 379
Mig. V, col. 1411
Inédite
Inédite
308/340

31.9 Page 309

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CLXIII (fragments)
CLXIV
CLXV
CLXVI
CLXVII
texte
définitif
minute
texte
CLXVIII
CLXIX
varinates
p. 143,
var.
(292)
CLXX
CLXXI
CLXXII
CLXXIII
CLXXIV
CLXXV
CLXXVI
texte
variante
(386)
autres
var.
CLXXVII
CLXXVIII (fragment)
CLXXIX
CLXXX
CLXXXI
CLXXXII
Ier Procès de Canonis.
MARIN (Chablais).
Archives de Blonay
………………………
………………………
ANNECY. Archives
de la ville (Copie)
………………………
………………………
PARIS. Bibliothèque
Mazarine (Copie)
CASORZO
(Piémont). Archives
publiques
CAROUGE (Genève).
Mlle Vuÿ
CHAMBERY.
Bibliothèque publique
PARAY-LE-
MONIAL. Visitation
ANNECY. Visitation
NANCY. Visitation
………………………
………………………
ANNECY. Visitation
PARIS. Visit. (1re Mre)
MOIRANS (Isère).
Presbytère
RUFFIA (Turin).
Château de Ruffia
Ier Procès de Canonis.
………………………
SIENNE. Archives de
l’Etat
………………………
ANNECY. Visitation
………………………
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
[484]
Epistres spirituelles
1626 (texte français),
1629 (texte latin), l. 1
Ibid.
Despine de Serand S.
Fr. de S., ses Reliques
sous la Terreur (1865)
Epistres spirituelles
1626, l. VII
Hérissant, I, p. 136
Vuÿ, La Philothée, II
(1879), p. 274
………………………
Isographie des
hommes célèbres
(Paris, 1828-1830), t.
III
………………………
………………………
Epistres spirituelles
1626, l. II
Œuvres 1641, t. II,
epist. XI
………………………
………………………
………………………
Epistres spirituelles
1626, l. V
Pératé
Epistres spirituelles
1626, l. III
Datta, I, p. 277
Inédite
Viv. XI, p. 329
Mig. V, col. 376
Viv. VI, p. 105
Mig. V, col. 397
Viv. VI, p. 90
Mig. V, c. 189 et
394
Viv. VI, p. 73
Mig. V, col. 379
Mig. VI, col. 1069
Viv. VI, pp. 101 et
554 (post-scriptum)
Mig. V, col. 395
Inédite
Inédite
Viv. X, p. 1
Mig. V, col. 399
Viv. XI, p. 470
Mig. V, col. 1499
Inédite
Inédite
Inédit
Viv. X, p. 9
Mig. V, col. 407
Viv. XII, p. 105
Mig. V, col. 1588
Viv. IX, p. 399
309/340

31.10 Page 310

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CLXXXIII
CLXXXIV
CLXXXV
CLXXXVI
CLXXXVII
CLXXXVIII
CLXXXIX
CXC
CXCI
CXCII
CXCIII
CXCIV
CXCV
CXCVI
CXCVII
CXCVIII
CXCIX
CC
CCI
CCII
CCIII
CCIV
CCV
CCVI
CCVII (fragment)
CCVIII
CCIX
CCX
Idem (Copie)
………………………
PARIS. Visit. (1re Mre)
SIENNE. Evêché
St-SEINE (cöte-d’Or).
Vtesse de Saint-Seine
ANNECY. M. Vuillet
TURIN. Archiv. de
l’Etat (Copie)
………………………
ANNECY. Visitation
Idem
Idem
SIENNE. Marquis
Chigi
CAROUGE (Genève).
Mlle Vuÿ
BOLOGNE.
Visitation
TURIN. Archiv. de
l’Etat (Copie)
DIJON. Archives
municipales
CHAMBÉRY. M.
Coppier
LONDRES. M.
Pearson
………………………
Ier Procès de Canonis.
………………………
Ier Procès de Canonis.
Idem
………………………
ANNECY. Visitation
………………………
ANNECY. Visitation
………………………
………………………
Epistres spirituelles
1629, l. I
………………………
Datta, I, p. 265
………………………
………………………
Datta, I, p. 280
Epistres spirituelles
1626, l. IV
Datta, II, p. 284
………………………
………………………
Datta, I, p. 266
J. Vuÿ, La Philothée,
II, p. 278
………………………
………………………
………………………
………………………
Datta, I, p. 267
Ibid. p. 273
………………………
Datta, I, p. 275
Epistres spirituelles
1626, (texte français),
1629 (texte latin), l. 1.
………………………
Hauteville, La Maison
naturelle de S. Fr. de
Sales (1669), Ire Partie
………………………
Epistres spirituelles
1626, (texte français),
1629 (texte latin), l. 1.
………………………
Hérissant, Opuscules,
II, p. 315
Mig. VI, col. 603
Mig. IX, col. 57
Viv. VI, p. 133
Mig. IV, col. 37
Inédite
Viv. VI, p. 112
Mig. VI, col. 595
[485]
Inédite
Mig. VI, col. 1345
Viv. VII, p. 97
Mig. VI, col. 605
Viv. XII, p. 118
Mig. V, col. 1603
Viv. IX, p. 540
Mig. VI, col. 796
Inédite
Inédite
Viv. VII, p. 93
Mig. VI, col. 596
Inédite
Inédite
Mig. VI, col. 923
Inédite
Viv. VII, p. 94
Mig. VI, col. 597
Viv. VII, p. 94
Mig. VI, col. 601
Inédite
Viv. IX, p. 337
Mig. VI, col. 601
Viv. VI, p. 159
Mig. V, col. 409
Inédite
Viv. VII, p. 89
Mig. V, col. 364
Inédite
Viv. VII, p. 240
Mig. V, col. 1400
Mig. VI, col. 932
Viv. VII, p. 98
Mig. V, col. 421
310/340

32 Pages 311-320

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32.1 Page 311

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CCXI (texte et 2e
leçon)
CCXII
CCXIII
CCXIV
texte
CCXV
variantes
CCXVI
autre
leçon
CCXVII
CCXVIII
CCXIX
CCXX
CCXXI
CCXXII
CCXXIII
CCXXIV
pp. 282-
287 (ll.
1-19)
suite
variante
(630)
texte
définitif
TURIN. Visitation
Idem
………………………
………………………
Procès de Canonis. de
Ste J.-F. de Chantal
………………………
………………………
………………………
PARIS. Maison-Mère
des Religieux des SS.
CC.
………………………
SOLEURE. Visitation
(fragments ; voir
remarque (614), p.
274)
TURIN. Comte
Olivieri
PARIS. Salle
capitulaire de Notre-
Dame
FLORENCE. Mgr San
Clemente, Ev. de
Pescia
ANNECY. Visitation
………………………
ANNECY. Visitation
TURIN. Archiv. de
l’Etat (Copie)
………………………
Epistres spirituelles
1626, l. 1.
Ibid., 1626, (texte
français), 1629 (texte
latin), l. 1.
Hérissant, VI, p. 236
Vie de Ste J.-F. de
Chantal, par le P.
Fichet1237, Ire Partie,
chap. XI
Vie du Saint par
Charles-Auguste, liv.
VI
Hamon, Vie de S. Fr.
de S. (1854), t. I, l. IV,
c. III
Epistres spirituelles
1626, l. IV
Ibid., l. III
Hérissant, I, p. 254
Œuvres 1641, t. II,
epist. XVI
Datta, I, p. 281
Epistres spirituelles
1626, l. II
Datta, I, p. 282
Epistres spirituelles
1626, l. II
Datta, I, p. 283
Inédits
Viv. VI, p. 176
Mig. V, col. 427
Viv. VI, p. 177
Mig. V, col. 425
Viv. XII, p. 142
Mig. V, col. 1623
[486]
Viv. X, p. 11
Mig. V, col. 428
Viv. X, p. 22
Mig. V, col. 446
Viv. X, p. 123
Mig. V, col. 547
Viv. VI, p. 187
Mig. V, col. 445
Viv. IX, p. 563
Mig. V, col. 1618
Viv. VII, p. 104
Mig. VI, col. 605
Viv. X, p. 25
Mig. V, col. 452
(voir not. (629),
p.281)
Viv. VI, p. 193
Mig. VI, col. 606
Viv. X, p. 29
Mig. V, col. 454
Viv. VII, p. 105
Mig. VI, col. 607
1237 Les saintes Reliques de l'Erothée, en la sainte vie de la Mere Jeanne Françoise de Fremiot (sic), Baronne de
Chantal, premiere Superieure, et Fondatrice de l'Ordre de la Visitation sainte Marie. Excellent original de sainteté,
et vray pourtrait de l'Espouse de Jesus. De la main du R. P. Alexandre Fichet, Theologien, de la Compagnie de Jesus.
A Lyon, chez Vincent de Cœursillys, en ruë Tupin, à l'enseigne de la fleur de Lis. MDCLXII.
311/340

32.2 Page 312

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CCXXV
minute
CCXXVI
CCXXVII
CCXXVIII
CCXXIX
CCXXX
CCXXXI
CCXXXII
CCXXXIII
CCXXXI
V
pp. 352-
365
pp. 366-
369 (ll.
1, 2)
fin
CCXXXV
CCXXXVI
CCXXXVII
CCXXXVIII
CCXXXIX
CCXL
texte
incomplet
ANNECY. Visitation
TURIN. Bibl. Civica
MARIN (Chablais).
Archives de Blonay
………………………
MARIN (Chablais).
Archives de Blonay
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
Datta, I, p. 285
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
Hérissant, I, p. 278
Mémoires de
l’Académ. Salés., t. VI
Epistres spirituelles
1626, l. I
Ibid., l. III
Lettre spirituelle à une
Abbesse (1678)1238
Hérissant, Opuscules,
II, p. 320
Epistres spirituelles
1626, l. III
Viv. VII, p. 107
Mig. VI, col. 607
Viv. IX, p. 341
Mig. V, col. 460
Viv. V, p. 500
Mig. IV, col. 467 et
V, col. 463 (deux
Iers alinéas)
Viv. X, p. 36
Mig. V, col. 463
[487]
Viv. VI, p. 198
Mig. V, col. 473
Viv. VII, p. 108
Mig. V, col. 487
Viv. X, p. 48
Mig. V, col. 480
………………………
Viv. X, p. 56
ANNECY. Visitation Ibid., l. II
PARIS. Visit. (2d Mre)
………………………
TURIN. Archiv. de
l’Etat
Ibid., 1626, (texte
français), 1629 (texte
latin), l. I.
Datta, I, p. 286
Idem
Ibid., p. 288
TURIN. Gde Maîtrise
des SS. Maurice et
Lazare
TURIN. Archiv. de
l’Etat
………………………
Revue Savoisienne,
janvier 1880
Ibid., p. 290
Epistres spirituelles
1626, l. V
Mig. V, col. 490
Viv. VII, p. 112
Mig. V, col. 505
Viv. VII, p. 115
Mig. VI, col. 609
Viv. VII, p. 117
Mig. VI, col. 610
Viv. VII, p. 122
Mig. VI, col. 611
Mig. V, col. 511
1238 Lettre spirituelle de Saint François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, ecrite à une Abbesse de son temps,
touchant la maniere de bien gouverner son Monastere. Tres utile à tous Superieurs et Superieures de Communauté
Religieuse, et à toutes les personnes qui ont quelque authorité sur les autres. Premiere Edition, non encore mise en
lumiere. A Paris, chez Jacques de Laize-de-Bresche, rue S. Jacques devant S. Benoist, à l'Image S. Joseph.
MDCLXXVIII.
Sur l'exemplaire de cette plaquette conservé au 1er Monastère de la Visitation de Paris on lit la note suivante,
d'une très ancienne écriture :
« Agres sil vous plaist ma Reverende (sic) cette lettre dont jay veu l'original escrit de la main de vostre St
Fondateur, et vous souvenes en vos Stes Communions et stes oraisons de vostre plus humble et plus affectionné en
Jesus et Marie.
« Fr. COSME DE MANTE, Capucin ind. »
312/340

32.3 Page 313

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CCXLI
(voir. n.
(945), p.
381
pp. 387,
388 (ll. 1-
36)
suite
CCXLII
CCXLIII
CCXLIV
CCXLV
CCXLVI
CCXLVII (fragment)
CCXLVIII
CCXLIX
CCL
CCLI
CCLII
CCLIII
CCLIV
CCLV
CCLVI
CCLVII
CCLVIII
CCLIX
CCLX
CCLXI
CCLXII
CCLXIII
CCLXIV
CCLXV
CCLXVI
texte
variantes
texte
variantes
texte
variantes
texte
variantes
TURIN. Visitation
………………………
………………………
………………………
GRANDE-
CHARTREUSE
GENEVE. Bibliot.
publ.
ANNECY. Visit.
(Copie)
THUYSET (Thonon).
Comte de Foras
ANNECY. Visitation
Idem. (Ancien Ms. de
l’Année Sainte)
SAN VITO AL
TAGLIAMENTO
(Vénétie). Visitation
ANNECY. Visitation
Ier Procès de Canonis.
Idem
TURIN. Visitation
BERNEX (canton de
Genève). Presbytère
Idem
ANNECY. Visitation
RENNES. Visitation
Ier Procès de Canonis.
RENNES. Visitation
Ier Procès de Canonis.
MILAN. Archives du
prince Trivulzio
TURIN. Visitation
Ier Procès de Canonis.
ANNECY. Visitation
Idem (Copie)
Idem (Autographe)
Idem
FRIBOURG. Evêché
Idem
ANNECY. Visitation
Datta, I, p. 293
………………………
Epistres spirituelles
1626, l. V
Œuvres 1641, t. II,
epist. XXXVI
………………………
Datta, I, p. 301
………………………
………………………
………………………
Datta, II, p. 32
………………………
………………………
Vie du Saint par
Charles-Auguste, liv.
III
………………………
Œuvres 1641, t. II,
epist. II
Fleury, Hist. de
l’Eglise de Genève
(1880), t. II
Ibid.
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
………………………
Ibid. VI, col. 613
Viv. X, p. 76
Viv. X, p. 42
Mig. V, col. 468
Viv. XII, p. 96
Mig. V, col. 1582
Inédite
Viv. VII, p. 124
Mig. VI, col. 619
Inédite
Inédite [488]
Inédit
Viv. VII, p. 153
Mig. VI, col. 649
Inédite
Inédite
Viv. VIII, p. 134
Mig. V, col. 348
Inédite
Viv. IX, p. 321
Mig. V, col. 370
Mig. VI, col. 917
Inédite
Inédite
Inédite
Mig. VI, col. 919
(traduction)
Inédite
Inédite
Mig. VI, col. 920
Mig. IX, col. 46
Inédite
Inédite
313/340

32.4 Page 314

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CCLXVII
CCLXVIII
CCLXIX
CCLXX
Idem
………………………
Ier Procès de Canonis.
LONDRES. Mme A.
Morrison
………………………
Epistres spirituelles
1626, l. I
………………………
………………………
Inédite
Viv. IX, p. 326
Mig. V, col. 373
Inédite
Inédite
314/340

32.5 Page 315

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APPENDICE
A
I
Ier Procès de Canonis. ………………………
Inédite
II
Idem
Datta, I, p. 245
Viv. IX, p. 308
Mig. VI, col. 583
III
IId Procès de Canonis. Ibid., p. 268
Viv. IX, p. 336
Mig. VI, col. 597
Viv. IX, p. 338
IV
ANNECY. Visitation Ibid., p. 276
Mig. VI, col. 602
[489]
B
I
Ier Procès de Canonis. ………………………
Inédite
II
Idem
………………………
Inédite
III
ANNECY. Visitation
(Ancienne copie)
Datta, I, p. 230
Viv. IX, p. 294
Mig. VI, col. 573
IV
Ier Procès de Canonis. ………………………
Inédite
V
Idem
………………………
Inédite
VI
Idem
Datta, I, p. 235
Viv. IX, p. 298
Mig. VI, col. 577
VII
Idem
………………………
Inédite
VIII
Idem
………………………
Inédite
IX
Idem
………………………
Inédite
X
Idem
………………………
Inédite
XI
Idem
………………………
Inédite
1er alinéa Idem
………………………
Inédit
XII
suite
Idem
Cf. Vie du Saint, par Cf. Viv. IX, p. 309
Charles-Aug., liv. IV Cf. Mig. V, col. 367
XIII
Idem
………………………
Inédite
C
I
ANNECY. Visitation ……………………… Mig. IX, col. 57
II
Idem
……………………… Ibid., col. 61
THORENS-SALES.
D
Comte de Roussy de ……………………… Mig. IX, col. 64
Sales
E
ANNECY. Visitation ………………………
Inédite
F
IId Procès de Canonis. ………………………
Inédite [490]
315/340

32.6 Page 316

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Index des principales notes historiques et biographiques
contenues dans ce volume1239
_____
ABONDANCE (Introduction des Feuillants à l'abbaye d')
ACY Antoine Hennequin (seigneur d')
ALBIGNY Charles de Simiane de Gordes (seigneur d')
ALDOBRANDINO Pierre, Cardinal
ANCINA Jean-Juvénal (Bienheureux), Oratorien, Evêque de Saluces
ARRIGONI Pompée, Cardinal
Pages
»
»
»
»
»
373
121
178
81
7, 343
3
BARGE Louis de la
BARONIUS (Baronio) César, Cardinal
BARTOLONI Etienne, Jésuite
BASTIE Jacques de Champier (baron de la)
BEAUCOUSIN Richard, Vicaire de la Chartreuse de Paris
BEAULIEU Madeleine de la Barge (dame de)
BEAUNE Renaud (de), Archevêque de Sens
BEAUVILLIERS Marie (de), Abbesse de Montmartre
BELLECOMBE Jean-François de Thoyre (seigneur de)
BELLEVAUX (prieuré de)
BENZONI Rutilius, Evêque de Lorette et Recanati
BERLIET Jean-François, Archevêque de Tarentaise
BERULLE Louise Séguier (dame de)
BERULLE Pierre, Cardinal de
BIANCHETTI Laurent, Cardinal
BIRON Charles de Gontaud (duc de)
BLONAY Claude de
BLONAY Jean-François de
BOCHUT Antoine
BOISY Françoise de Sionnaz (dame de)
BOLLIETTE OU BOULLIETTE Guillaume, Cordelier
BONIER Louis
BOURGEOIS Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe
BOZIO Thomas, Oratorien
BRETONNIERE Charles Chaliveau de la
BROGLIA Charles, Archevêque de Turin
BROSSES Pierre de
BRULART Marie Bourgeois (dame)
BUCCIO Philippe
BURGIAT ou DUBORJAL François, curé de Beaumont
»
216
»
42
»
26
»
208
»
118
»
216
»
324
»
171
»
261
»
275
»
8
»
23
»
159
»
155
»
3
»
98
»
124
»
298
[491]
»
46
»
244
»
174
»
223
»
271
»
12
»
214
»
224
»
210
»
267
»
5
»
179
CACCIAGUERRA Buonsignore, Oratorien
CASTORIO Bernardin, Jésuite
CHANTAL Celse-Bénigne de Rabutin (baron de)
»
344
»
20
»
328
1239 Dans cet Index on a donné aux personnages une désignation identique à celle que leur attribue le texte des Lettres.
Saint François de Sales emploie communément le nom sous lequel ils sont le plus connus : c'est tantôt le nom
patronymique, tantôt celui de quelque seigneurie. D'autres fois il ne les désigne que par leur charge : dans ce cas, cette
indication est ajoutée à la suite du nom.
316/340

32.7 Page 317

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CHANTAL Christophe de Rabutin (baron de)
»
CHANTAL Françoise de Rabutin
»
CHANTAL Jeanne-Françoise Frémyot (Sainte), baronne de
»
CHANTAL Marie-Aimée de Rabutin
»
CHAPITRES DE LA CATHEDRALE ET DE N.-D. DE LIESSE (Différend »
au sujet de la procession du Saint-Sacrement)
CHARMOISY Claude Vidomne de Chaumont (seigneur de)
»
CHEMIN Nicolas Luillier ? du
»
CONTAMINE-SUR-ARVE (prieuré de)
»
CONTI François de Bourbon (prince de)
»
CONTI Jeanne de Coëme (princesse de)
»
COSTANTINI Antoine-François, primicier de Lorette
»
DIRECTEUR (premier) de la baronne de Chantal
»
DUNANT Antoine, curé d'Abondance
»
DUNGHEN ou DUNGEN Rodolphe Janssen (van den)
»
DUVAL ou DU VAL André
»
ENTREMONT (monastère d')
»
EXCOFFIER Jacques
»
FAVIER Pierre du Noyer de Lescheraine
»
FILLES-DIEU (Communauté des)
»
FLOCCARD Louis
»
FOURIER Jean, Jésuite
»
FREMYOT André, Archevêque de Bourges
»
FREMYOT Bénigne
»
FREMYOT Claude
»
GABALEONE Jean-Baptiste
»
GALESIUS, Cordelier
»
GALLEMAND Jacques
»
GALLETTI Thomas, Oratorien
»
GALLONIO Antoine, Oratorien
»
GENTIL Jean, Jésuite, Provincial de Lyon
»
GOTTRY Nicolas
»
GRATIEN Jérôme de Aldorete, Carme
»
GRIBALDI Pompée
»
GRIBALDI Vespasien, Archevêque de Vienne
»
HAYES Antoine des
»
JOYEUSE François, Cardinal de
»
LESDIGUIERES François de Bonne (duc de)
»
LOBET ou LOUBET Jean-François
»
LOCQUET Nicolas
»
LORNAY François de Menthon (de), doyen de Notre-Dame d'Annecy
»
LUX Edme de Malain (baron de)
»
370
360
263,
367,
369
328
211
216
120
241
11
11
8
277
250
247
188
241
222
154
136
60
[492]
156
299
326
280
225
102
118
12
12
26
46
283
35
24
251
411
100
292
199
186
80
317/340

32.8 Page 318

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LUYRIEU Aimé Mermonio (de), Prieur de Bellevaux
MACHET Claude
MALLIANS Jean-Marin de
MANEUVRE Jean Hennequin (seigneur de)
MASIUS Gysbertus, Evêque de Bois-le-Duc
MATHAREL Pierre de Saint-Bernard, Général des Feuillants
MATTEI ou MATHKI Jérôme, Cardinal
MÈDIO Jacques de
MERCŒUR Françoise de Lorraine (duchesse de)
MERCŒUR Marie de Luxembourg (duchesse de)
MERCŒUR Philippe-Emmanuel de Lorraine (duc de)
MESSA Edmond de
MILLIET François-Amédée
MILLIET Louis
MILLIET Philibert-François, Evêque de Maurienne
MIUCET ou MYEUSSET (familles)
MOGENIER ou MOJONIER Pierre, curé des Allinges
MONTGLAT Robert de Harlay (baron de)
MONTMARTRE (abbaye de)
MOYRON François Paquellet (coseigneur de)
MOYRON Jean Paquellet de
MUGNIER ou MUNERI Guérin
NEMOURS Anne d'Este (duchesse de Genevois et de)
NEMOURS Henri de Savoie (duc de Genevois et de)
NOUVELLET Claude-Etienne
ORLEANS Catherine (d'), princesse de Longueville
ORLIE ou ORLIER Claude d'
OSSAT Arnaud, Cardinal d'
PALEOTTI Alphonse, Cardinal-Archevêque de Bologne
PEILLONNEX (prieuré de)
PIERRE DE SAINT-BERNARD. Voir MATHAREL
PORTE Antoine Perret (seigneur de la)
POTHON Aaron
PRANGINS Nicolas de Diesbach (seigneur de)
PUITS-D'ORBE (abbaye du)
QUOEX Antoine de
QUOEX Bernardine de Chissé (dame de)
QUOEX Claude de
QUOEX Philippe de
REVOL Antoine (de), Evêque de Dol
REYDET Jean
RONCAS Pierre-Léonard (de), baron de Châtel-Argent
ROSE Henri de la
ROUVENOZ Claude du
»
276
»
96
»
108
»
121
»
246
»
373
»
3
»
49
»
111
»
111
»
110
»
157
»
195
»
219
»
195
[493]
»
95
»
376
»
58,
419
»
172
»
103
»
196
»
126
»
184
»
211
»
47
»
131
»
158
»
99
»
9
»
242
»
73
»
194
»
49
»
125
»
271
»
104
»
100
»
84
»
30
»
176
»
85
»
378
»
400
»
438
318/340

32.9 Page 319

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RUFFIA Joseph Cambiano (seigneur de)
»
SAINTE-BEUVE Madeleine Luillier (dame de)
»
SAINTE-CLAIRE Jacques Orlandin ou Orlandini (seigneur de)
»
SAINTE-MAISON de Thonon
»
SAINT-EVROUL François Sacquespée de Selincourt, Abbé de
»
SAINT-SEPULCRE (prieuré du)
»
SALES Jeanne de
»
SALES Louis (de), seigneur de la Thuille
»
SALES Louis (de), chanoine
»
SANCY Nicolas de Harlay (seigneur de)
»
SANTEUIL Denis
»
SAVOIE Don Amedeo ou Amé de
»
SCAGLIA Philibert-Gérard, ambassadeur de Savoie auprès du Saint-Siège
»
SECUSIO Bonaventure (de Caltagirone), Patriarche de Constantinople, »
Nonce extraordinaire en France
SEGUIER Anne, Religieuse aux Filles-Dieu
»
SEGUIER D'AUTRY Marie Tudert (dame)
»
SEGUIER Jérôme
»
SILINGARDO Gaspard, Evêque de Modène, Nonce en France
»
SIXT (Visite canonique du monastère de)
»
SOISSONS Charles de Bourbon (comte de)
»
SOTO François, Oratorien
»
SOULFOUR Anne (de), Religieuse aux Filles-Dieu
»
SOULFOUR Nicolas de
»
TALLOIRES (prieuré de)
»
TARTARINI ou TARTARINO Conrad, Evêque de Forlì, Nonce à Turin
»
TILLIER ou DE TILLIER André, Prévôt du Grand-Saint-Bernard
»
TOLOSA Paul, Evêque de Bovino, Nonce à Turin
»
VALLON Charles de Gex (seigneur de)
»
VALLON Jacques de Gex (seigneur de)
»
VILLARS François de Boyvin (baron de)
»
VILLARS Jean (de), Jésuite
»
VILLEROY Nicolas de Neuville (seigneur de)
»
13
121
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105
[494]
104
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[495]
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32.10 Page 320

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Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans
une acception inusitée aujourd'hui qui se trouvent dans les
Lettres de Saint François de Sales contenues en ce volume
_____
(Les mots distingués par une * ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)
A pour avec (v. p. 349, lig. 1).
* ACCOISER (s') se calmer (voir p. 337). Cf. le lat. ACQUIESCERE.
* ACCOMODÉ pour pourvu (voir p. 295).
ACCORDANT qui concorde, qui a la même volonté (v. p. 279).
ADDRESSE pour moyen de faire parvenir, conduite, direction morale (v. pp. X, 278).
*ADDRESSER pour introduire, façonner, diriger (v. pp. 139, 188, 190).
ADSTRICTION du lat. ASTRICTIO, obligation (v. p. 351).
* ADVENTURE (a l', par) peut-être.
* ADVEU pour approbation, agrément (v. p. 113).
AFFECTIONNEMENT avec affection, avec ardeur (v. pp. 107, 321, 418).
AFFECTIVE (l') la faculté d'affection (v. p. 330).
*AGEANCEMENTdisposition prise en vue de l'agrément, ornement (v. p. 322).
* AINS mais, mais plutôt, mais encore.
* ALANGUIR, ALLANGUIR rendre languissant (v. pp. 312, 384).
ALLANGUISSEMENT langueur (v. p. 205).
ALLEURE pour chemin parcouru par la bête (v. p. 329).
* AMIABLE, AMIABLEMENT aimable, aimablement.
* A PEU QUE à peu de chose près, peu s'en faut (v. p. 209).
* APPARENT du lat. APPARENS, éclatant (v. p. 86).
APPOINCTEMENT pour accommodement, résolution (voir p. 428). Cf. l'ital.
APPUNTAMENTO.
APPOINTÉ pourvu (voir page 444).
* APPREHENDER du lat. APPREHENDERE, comprendre, saisir par l'esprit (v. p. 261).
* APPREHENSION action de saisir par l'esprit, d'apprécier (v. pp. 192, 360, 362).
APPRINS participe passé du verbe apprendre (v. p. 86).
* APPRIVOISER pour familiariser (v. p. 30). [497]
ARREMENS du lat. ARREMENTA, errements (v. p. 49). Cf. le Glossaire de Du Cange.
ARRESTER pour différer (v. pp. 108, 405).
* ARTIFICE pour adresse, habile combinaison de moyens (v. pp. 323, 443). Cf. le lat.
ARTIFICIUM.
ASSEURÉ pour ferme, stable (v. p. 404).
ASSEURÉ (estre) pour être en assurance, en sécurité (v. p. 148).
* ASSEUREMENT pour avec certitude (v. p. 116).
* ASSEURER (s') pour se mettre en sûreté (v. p. 183).
* ASSORTIR pour pourvoir, fournir (v. pp. 111, 441).
* A TANT là-dessus (v. p. 49).
ATTENDRE A (s) pour compter sur (v. p. 169).
ATTIFFÉ orné (v. p. 322).
* AUCUN, AUCUNE pour un, quelque, une, quelqu'une (v. pp. 330, 350).
* AUCUNEMENT quelque peu (v.pp. 144, 359).
AUTOUR pour environ (v. p. 103).
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33.1 Page 321

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*AYSE pour joie, consolation (v. p. 252).
AYSÉ pour accommodant (v. p. 60).
* BAILLER donner.
BAYSEMAIN formule de civilité, de compliment (v. p. 97).
* BIGEARRE bigarre.
BONNEMENT pour facilement (v. p. 3).
BONNETADE salutation faite en tirant son bonnet (v. p. 322).
BOURGEOIS (estre) au figuré, avoir pris pied (v. p. 143).
BRICOLE action de chanceler, de trébucher (v. p. 168). Cf. l'ital. BARCOLLAMENTO,
BARCOLLARE.
BRINDE toast (v. p. 366). Cf. l'ital. BRINDISI.
* CADENE du lat. CATENA, chaîne, lien (v. p. 117).
CAPABLE (estre) pour avoir l'intelligence d'une affaire, la comprendre, la saisir (v. p. 400).
Cf. l'ital. ESSER CAPACE.
CAPABLE (rendre) pour instruire, informer (v. p. 106).
CARABIN soldat de cavalerie légère au XVIe siècle (v. p. 383).
CARESSER pour faire bon accueil, traiter avec bienveillance, avec affection (v. pp. 30, 269).
CAROUZ (faire des) trinquer (voir p. 365). De l'allemand GARAUS. Voir le Dictionre de
Hatzfeld et Darmesteter au mot carrousse.
* CASQUET ancien terme militaire : casque léger et ouvert (v. p. 329).
* CE pour ceci, cela.
CELEBRE du lat. CELEBER, solennel (v. p. 250).
CELLE du lat. CELLA, cellule (voir p. 335).
* CEPENDANT, CE PENDANT pour pendant, pendant ce temps (voir pp. 49, 61, 104 etc.)
CESTE employé substantivement pour cette lettre (v. p. 86).
* CETTUY CI, CESTE CI celui-ci, celle-ci.
* CHACUNE pour chaque (voir p. 318).
CHAMS (aux) pour à la campagne (v. pp. 395, 444).
CHARLATERIE charlatanerie (v. p. 325).
CHEMIN (en) pour acheminé (voir p. 4).
* CHEVIR venir à bout (v. pp. 78, 194, 232 etc.)
CIRCONSTANCE terme de rhétorique : lieu commun comprenant ce qui a rapport à la
personne, à la chose, au lieu, à la manière, au temps (v. p. 306). Cf. le Dictionre de Littré.
CLAUSURE du lat. CLAUSURA, clôture (v. p. 339).
* COMME pour comment (v. pp. 181, 302, 318, etc.)
COMME QUOY locution interrogative, pour comment (v. p. 337).
* COMMODITÉ pour facilité, moyen de recourir à (v. pp. 217, 274, 397).
COMPLIMENT pour complément (v. pp. 442, 446.) [498]
COMTE, CONTE pour compte (v. pp. 5, 124, 156, etc.)
CONCASSEURE fracture (voir p. 148). Cf. lat. CONQUASSARE.
CONCURRIR du lat. CONCURRERE, concourir (v. var. (395), p. 172).
* CONFERER du lat. CONFERRE, contribuer (v. p. 275).
CONFORMEMENT pour d'un commun accord (v. p. 60).
CONSIDERABLE pour digne de considération (v. pp. 192, 443).
* CONTEMPLATION (en) pour en considération (v. p. 201).
CONTENT pour comptant (voir p. 219).
* CONTENTION du lat. CONTENTIO, forte opposition, lutte (v. pp. 149, 328).
* CONTREROLLER contrôler (v. p. 167).
CONTREROLLEUX contrôleur (v. p. 270).
* CONVERSATION pour commerce, société (v. p. 177).
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* COSTER coûter (v. p. 102).
COUCHER pour exposer par écrit (v. p. 208).
* COURAGE pour cœur, générosité (v. pp. 205, 428).
COURAGE (de) pour courageusement (v. p. 102).
COURTISAN pour obséquieux, adulateur (v. p. 322).
* CREANCE pour confiance, croyance (v. p. 327).
CROISTRE pour faire croître (voir p. 264).
* CURIEUX du lat. CURIOSUS, subtil (v. p. 195).
* CUYDER du lat. COGITARE, penser, croire, présumer (v. pp. 88, 89, 96).
* CY pour ce temps-ci (v. p. 5).
DEÇA (de) ici, de ce côté-ci, en deçà (v. pp. 4, 179, 374, etc.)
* DEDUIRE, DESDUIRE exposer en détail (v. pp. 312, 381). Du lat. DEDUCERE.
DEFAUT 3e personne du présent de l'indicatif du verbe DEFAILLIR, manquer (v. pp. 135, var.
(238), 151, 206).
DEGOUSTEMENT dégoût (voir pp. 383, 390).
* DELA (de) là-bas, de ce côté-là, près de vous, dans cette région (voir pp. 1, 369, 415, etc.)
* DELIBERER (se) se décider, se résoudre (v. p. 419).
DEMEURANT (le) le surplus, ce qui reste (v. pp. 200, 444).
DEPESCHER, DESPECHER pour donner satisfaction (v. p. 60), congédier (p. 118), se hâter
(p. 388), renvoyer (p. 390), envoyer (p. 415, etc.)
DESENGAGEMENT affranchissement, détachement (v. p. 363).
* DESENGAGER affranchir, dégager, détacher (v. pp. 202, 330, 367).
* DESIDERABLE du lat. DESIDERABILIS, désirable (v. p. 402).
DESOLÉ pour dévasté, ruiné (voir p. 198).
* DES-ORES maintenant, désormais (v. pp. 115, 436).
DESPLOYER pour faire paraître, manifester (v. p. 328).
* DESPRENDRE (se) se dégager (v. p. 362).
* DESSEIGNER former un dessein, projeter (v. p. 364).
* DESSUS pour sur (v. p. 309).
* DESVELOPPER (se) se dégager (v. p. 110).
* DEVANT pour avant (v. pp. 298, 330, etc.)
* DEVERS devant (v. p. 210).
* DEVUIDER pour parcourir (voir p. 204). Cf. le Dictionre de Hatzfeld et Darmesteter.
* DEXTRE du lat. DEXTER, à la droite (v. p. 166).
* DEXTREMENT adroitement (voir pp. 310, 330, 339).
DIESME dime (v. pp. 438, 444).
* DILATION du lat. DILATIO, action de différer, de retarder (v. p. 61).
DISPENSER (se) s'autoriser à, ne pas mentionner (v. pp. 102, 342).
DISSEMBLABLE du lat. DISSIMILIS, différent (v. var. (630), p. 283).
DISTRACTION pour importunité, ennui (v. p. 281). [499]
* DIVERTIR détourner, distraire (v. pp. 121, 274), prévenir (p. 203), faire diversion à (p.
357). Du lat.
DIVERTERE.
* DOINT ancienne forme de la 3e personne du subjonctif présent du verbe donner (v. p. 420).
* DOMMAGEABLE préjudiciable (v. p. 412).
* DONT pour d'où, ce dont, c'est pourquoi (v. pp. 186, 416, 427, etc.)
* DOUTER, DOUTER (se) du lat. DUBITARE, redouter, craindre (v. pp. 391, 200).
DROITEMENT pour directement (v. p. 255).
* DRU en grande quantité (v. p. 384).
* DU DESPUIS depuis (v. p. 296).
* DUISANT capable, convenable (v. p. 126).
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DUPLICAT duplicata (v. p. 210).
* DU TOUT pour tout à fait, complètement.
EFFAIT (d') effectivement (v. p. 87).
* EFFICACE pour force (v. pp. 312, 313, 322). Du lat. EFFICACIA ; cf. le Dictionre de
Richelet.
* EMBARRASSEMENT difficulté, embarras (v. pp. 170, 402).
* EMPESCHÉ pour embarrassé (v. p. 104).
* EN ÇA ancien terme de palais pour jusqu'à présent (v. pp. 185, 413). Cf. L'ITAL. IN QUA.
ENCENSEURthuriféraire (v. p. 186).
ENDOMMAGÉ pour blessé (voir p. 170).
ENDROIT (en cest) pour en cela, en ce sujet (v. p. 147).
EN ESTRE qui existe (v. p. 95). Du lat. IN ESSE.
* ENSEMBLEMENT ensemble (voir p. 114).
* ENSEPULTURER donner la sépulture (v. p. 385). Du lat. SEPULTURA.
* ENSUIVRE, ENSUYVRE (s') pour suivre (v. pp. 312, 335).
ENTENDANT pour entendu (voir p. 382).
ENTENDRE pour acquiescer (voir p. 436).
ENTR'ENTENDRE (s') s'entendre l'un l'autre (v. p. 200).
ENTREPRINSE pour affaire (voir p. 104).
* ENTRETENEMENT entretien (v. pp. 199, 209, etc.)
* ENTRETENIR (s') pour s'arrêter, séjourner (v. p. 439).
* ESCLAIRCIR pour éclairer (voir pp. 304, 334, 381).
ESLANCEMENT pour mouvement, élan (v. pp. 204, 385).
* ESMOUVOIR pour exciter, mouvoir (v. pp. 137, 303).
* ESTABLIR pour décider (voir p. 353). Cf. le lat. STABILIS.
ESTROITTEMENT, ÉTROITTEMENT pour fortement, strictement (v. p. 193, et var. (1119),
p. 440, etc.) Cf. l'ital. STRETTAMENTE.
ESVENTER flairer ; au figuré, observer, chercher à pénétrer (voir pp. 102, 118). Cf. le
Dictionre de Hatzfeld et Darmesteter.
* ET SI pour toutefois (v. p. 280).
* EXACTE pour sévère, rigoureux (v. p. 365). Du lat. EXACTUS.
* FAILLY pour manqué (v. p. 185). Du lat. populaire FALLIRE.
* FATRAS amas de choses fastidieuses, paroles ou écrits (v. p. 322). Cf. le Dictionre de Littré.
FAUTE (a) à défaut (v. pp. 126, 218).
FAUTE (estre en) pour être dépourvu (v. p. 102).
FAUTE (ne faire) pour ne pas manquer (v. p. 226).
FERMÉ pour conclu, arrêté (voir p. 353). Du lat. FIRMARE, rendre ferme, stable.
FLACQUE du lat. FLACCUS, flasque (v. p. 313).
FLEURI du lat. FLORIDUS, excellent (v. p. 180).
FLUIDEMENT (escrire) en style coulant (v. p. 193).
FONDAMENT du lat. FUNDAMENTUM, fondement (v. p. 377).
* FORCE (a) par force (v. p. 144).
* FORCLORRE exclure (v. pp. 275, 284, etc.) [500]
FORME pour manière (v. pp. 295, 297). Cf. l'ital. FORMA.
* FORTUNE (par) par hasard (voir p. 189).
* FOURRIER avant-coureur (voir p. 367).
FRAGRANT du lat. FRAGRANS, odorant, parfumé (v. p. 163).
* GARDERpour empêcher (v. p. 206).
GARDIATEUR du bas-lat. GARDIATOR, gardien (v. p. 192).
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33.4 Page 324

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GASTER pour détruire (v. p. 348).
* GAUCHIR prendre les choses de biais (v. p. 339).
* GOURMANDER pour lire avidement (v. p. 190). Cf. le Dictionre de Hatzfeld et Darmesteter.
GOUVERNER pour être en relation avec (v. p. 118).
* GUERDON récompense (v. p. 163). Cf. l'ital. GUIDERDONE.
HEBERGE du bas-lat. HEBERGAGIUM, HEREBERGAGIUM, logis, demeure, (v. p. 29).
* HEUR bonne fortune, bonheur (v. p. 293, 315).
HUGUENOTISME pour protestantisme (v. 78).
* IMBECILLE du lat. IMBECILUS, impuissant, incapable (v. p. 294).
* IMBECILLITÉ du lat. IMBECILLITAS, impuissance, faiblesse, incapacité (v. p. 263).
IMPERSCRUTABLE du lat. IMPERSCRUTABILIS, inscrutable (v. p. 398).
* IMPERTINENCE pour déraison (v. p. 167).
* IMPERTINENT hors de propos (v. p. 313). Négatif de PERTINENT (lat. PERTINENS), à
propos.
* IMPETRER du lat. IMPETRARE, obtenir par supplication (v. p. 381).
* IMPROUVEUË (a l') à l'improviste (v. p. 330).
INCOMMODER pour contrevenir, nuire à (v. pp. 79, 99).
* INCOMMODITÉ du lat. INCOMMODITAS, difficulté, préjudice (voir pp. 221, 395).
INDECENT du lat. INDECENS, inconvenant, messéant (v. pp. 307, 322).
INTELLECT du lat. INTELLECTUS, intelligence (v. p. 356).
INTELLECTIVE (l') faculté de concevoir (v. p. 330).
* INTERESSÉ pour lésé (v. p. 444).
JOLIVETÉ trait d'esprit (v. p. 322). Du bas-lat. JOLIVITAS, ornement. Cf. le P. Monet,
Parallele des langues franc, et lat., et le Glossaire du tome III de cette Edition, au mot JOLIITE.
* JOURD'HUY (ce) aujourd'hui (v. var. (272), p. 140).
JUSQUES A L'HEURE pour jusqu'alors (v. p. 443).
* LAI laïque (v. p. 49).
* LA OU pour au contraire (voir p. 165).
LEÇON pour lecture (v. pp. 330, 358).
* LEVER du bas-lat. LEVARE, ôter, prélever, enlever (v. pp. 388, 416, 444).
* LHORS pour alors, en ce temps-la.
* LIBERTINAGE état de celui qui s'affranchit de toute règle (v. p. 403).
* MACULE du lat. MACULA, tache, souillure (v. p. 139).
MADAMOISELLE appellation usitée jadis à l'égard de toute femme mariée qui n'était pas
noble, ou qui, étant noble, n'était pas titrée (voir pp. 119, 121, 156).
MAIN (tout d'une) pour tout d'un trait (v. p. 218).
MAINTENANCE action de maintenir (v. p. 200).
* MALOTRU misérable (v. p. 299).
* MANQUEMENT pour manque (v. pp. 364, 441).
MARINE pour maritime (v. p. 264).
* MARRI, MARRY fâché ; adjectif participe de l'ancien verbe marrir. Cf. le Dictionre de
Hatzfeld et Darmesteter.
MEMOIRE pour memento (v. p. 340.)
MENUSAILLE menuaille ; quantité de choses petites (v. p. 297). [501]
* MESHUY aujourd'hui, désormais.
* MESMEMENT même, surtout.
MIS A FIN terminé (v. var. (1102), p. 436).
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33.5 Page 325

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MONASTIQUE du grec MONOS (seul), personnel, privé (v. p. 189).
MOYEN pour ressource pécuniaire (v. pp. 147, 148).
MUGUETTE flatterie, adulation (v. p. 322).
NANNI nenni (v. pp. 200, 286).
NE pour ni (v. p. 3, lig. 1).
NON PLUS pour rien plus, plus rien (v. pp. 252, 295).
* NOURRIR pour élever, entretenir (v. pp. 148, 208, 264, etc.)
* NOURRITURE pour éducation (v. p. 361).
* OBEDIENCE du lat. OBEDIENTIA, obéissance (v. pp. 337, 367).
* OFFICE pour assistance, service (v. p. 427).
OFFRE pour offrande (v. pp. 333, 357).
* ONQUES du lat. UNQUAM, jamais.
ORES QUE bien que (v. p. 364).
* OR SUS parole d'encouragement. Cf. l'ital. ORSÙ.
* OUBLIANCE de l'ancien ital. OBLIANZA, oubli (v. p. 346).
OUTRE (bien) pour extrêmement (v. p. 29).
OYT (elle)3e personne du présent de l'indicatif du verbe ouïr (v. p. 353).
PANTELEMENT action de panteler, de haleter (v. p. 385).
PAR au lieu de pour (v. p. 165, lig. 3).
* PARACHEVER compléter, parfaire (v. p. 274).
* PAR APRES après, ensuite, dans la suite.
* PARDEÇA de ce côté-ci (voir pp. 405, 412).
PARDELA (au) au-delà (v. p. 79).
PAR EXPRES pour expressément (v. p. 87).
PARTEMENT départ (v. p. 261). Cf. l'ancien ital. PARTIMENTO, partenza.
PARTIE familier : femme a l'égard du mari (v. pp. 16, 100, 117).
PARTY pour partagé, hésitant (v. p. 255). Du lat. PARTIRI, PARTIRE, partager.
* PASSEE trace laissée en passant par certains animaux (v. p. 329).
PATRIOTTE pour compatriote (v. p. 31).
PENSIONNETTE petite pension (v. p. 139).
* PETIT (un) pour un peu (v. pp. 102, 146, 203, etc.)
* PIEÇA il y a longtemps, il y a quelque temps ; étym., PIECE et A (v. pp. 88, 418).
PLANTATEUR du lat. PLANTATOR, planteur (v. p. 264).
* PLAYSANT pour agréable (voir p. 318).
PLEIN (a) complètement (v. p. 102). Cf. l'ital. APPIENO.
PLEUVRA pour fera pleuvoir (voir p. 200).
POIX pour poids, contrôle (v. p. 3).
* POUR à cause de (v. p. 144).
* POUR AUTANT pour d'autant (v. pp. 125, 444).
* POUR CE pour parce.
POUR CE REGARD, POUR MON REGARD pour quant à cela, quant à moi (v. pp. 79, 391,
369).
* PREIGNANT pressant (v. p. 139).
* PREMIER pour en premier lieu, le premier (v. p. 99).
* PRENDRE (en) pour en être, arriver (v. p. 168).
PRENDRE (se) pour s'attacher (v. p. 266).
* PRESCHEUR prédicateur (voir p. 301).
* PRINS participe passé du verbe prendre (v. pp. 108, 115, 444).
* PRIS pour prix (v. p. 3).
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* PRIS (au) en comparaison (v. p. 366).
* PRISE pour récolte (v. p. 219).
* PROBATION du lat. PROBATIO, épreuve (v. p. 391).
* PROCEDURE pour manière de procéder (v. p. 384).
PROGRES (au) pour dans la continuation, dans la suite (v. pp. 85, 96). [502]
* PROU beaucoup, assez.
* PROUVOIR pourvoir.
PUREMENT pour sincèrement, franchement (v. p. 346).
* PURGER pour nettoyer, purifier (v. pp. 145, 190).
* QUAND pour quant (v. pp. 2, 368, etc.)
* QUANT ET QUANT avec, simultanément (v. pp. 103, 199).
QUARTEMENT quatrièmement (v. p. 310).
QUE CE FUT pour ce quil en sera (v. p. 100).
QUI pour ce qui (v. pp. 102, 121, etc.)
RAFRAISCHIR pour renouveler (v. p. 201).
* RAMENTEVOIR rappeler, ressouvenir (v. pp. 156, 201).
RATE pour quote-part (v. p. 2). De l'ital. RATA.
RECOMPENSE pour compensation, dédommagement (v. p. 442).
* RECONNOISSANCE pour protestation, aveu (v. pp. 204, 262, 265).
* RECREU épuisé de fatigue (voir pp. 97, 168, et var. (630), p. 283) ; participe passé de l'ancien
verbe SE RECROIRE, se rendre. Voir le Dictionre de Hatzfeld et Darmesteter.
REDUCTION pour conversion (voir pp. 370, 413, 442, etc.) Cf. le lat. REDUCTIO, action de
ramener.
* REDUYRE pour convertir (voir p. 436). Du lat. REDUCERE.
REFORMATION du lat. REFORMATA, réforme (v. pp. 336, 341, etc.)
RELASCHEMENT pour cession (v. p. 252).
REMUEMENT pour déplacement (v. p. 2).
* REPENTANCE repentir (voir p. 268). Cf. l'ital. RIPENTENZA.
* REPRESENTER pour présenter une seconde fois (v. p. 121).
REPRINS participe passé du verbe reprendre (v. p. 212, 287).
* RESIGNER (se) pour s'abandonner, se confier (v. p. 147).
RESOLUTION du lat. RESOLUTIO, solution, décision (v. p. 286).
RESPECT (pour ce) à cet égard (v. p. 86). Cf. l'ital. RISPETTO A QUESTO.
* RESSENTIR pour répercuter (voir p. 307).
RESSENTIR A pour s'inspirer de (v. p. 323).
* RESSENTIMENT pour sentiment (v. p. 385).
RESTABLI pour restitué (v. p. 428).
* RETARDATION action de remettre à plus tard (v. pp. 104, 437).
* RETIREMENT action de se retirer, de s'isoler (v. p. 270).
RETROUSSEE (action) rapide, brusque (v. p. 322).
RIERE dans le territoire de (voir pp. 83, 444). Cf. le Dictionre de Godefroy.
ROIDE pour rigide (v. p. 365).
ROMPRE pour détruire, annuler (v. p. 376).
* SANS PLUS pour exclusivement (v. p. 342).
* SAPIENCE du lat. SAPIENTIA, sagesse (v. p. 330).
* SCRUPULE pour reste de difficulté, de doute (v. p. 166). Du lat. SCRUPULUM.
SEMAINIERE celle qui est de semaine pour officier dans une Communauté religieuse (v. p.
335).
* SEMONCE pour invitation, sollicitation (v. var. (420), p. 184).
326/340

33.7 Page 327

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* SEMONDRE inviter, presser (v. p. 298).
* SI pour toutefois.
* SI BIEN bien que (v. pp. 112 115, etc.)
* SI EST CE QUE néanmoins il n'en est pas moins vrai que.
SI FAUT locution affirmative (voir p. 305).
* SIGNE (a ce) de l'ital. A TAL SEGNO, à ce point (v. p. 204).
SI MOINS pour sinon (v. pp. 124, 393).
* SI QUE de sorte que, si bien que.
* SOUEFVE suave. [503]
* SOUVENTESFOIS souvent, maintefois (v. pp. 287, 350).
SUBMISSION du lat. SUBMISSIO, soumission (v. p. 278).
* SUFFISANCE capacité intellectuelle (v. pp. 175, 305, etc.) Du lat. SUFFICIENTIA.
* SUITTE pour famille (v. p. 401).
* TANT pour d'autant, autant (voir pp. 5, 389, 391, etc.)
TENANT fortement attaché (v. pp. 198, 294), dur à émouvoir (p. 313).
* TENDRE pour faible, délicat (v. p. 165).
TENIR COURT pour restreindre (v. p. 444).
TENIR TORT se prévaloir à tort (v. p. 378).
TISSEURE pour texture (v. p. 322).
* TOUT PAR TOUT partout (voir p. 332).
* TREMBLE-TERRE tremblement de terre (v. p. 316).
* TRIVIAL pour connu, familier (v. p. 314). Cf. le lat. TRIVIALIS.
TROUSSER COURT abréger (voir p. 396).
TROUSSER MARCHÉ conclure un marché (v. p. 353).
TUMULTUAYREMENT pour en bloc, confusément (v. p. 381).
* VERS pour auprès de (v. pp. 3, 369, etc.)
* VIANDE pour mets, aliment, nourriture (v. pp. 148, 181, 348, 360, etc.)
* VISITATION du lat. VISITATIO, visite (v. pp. 4, 361).
* VITUPERABLE méprisable (voir p. 307). Du lat. VITUPERARE.
* VOLLERIES suite de vols (voir p. 185). [504]
327/340

33.8 Page 328

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Errata
_____
Page 30,
» 121,
» 134,
» 183,
» 184,
» 226,
» 243,
» 329,
» 351,
note (57) :
note (220) :
remarque
(236) :
note (415) :
ligne 10 :
note (556) :
note :
note (832) :
en marge :
24 janvier 1618 lire : 23.
Marie Luillier lire : Madeleine.
1629 lire : 1626.
qui survécut encore neuf ans lire : quatre.
digne est juste lire : et juste.
Bernard de Lucinge lire : Daniel.
1695 lire : 1665.
voir… note (29) lire : note (28) ; at bonum lire : ac.
Lucæ, X, 38-43 lire : 38-42. [506]
328/340

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Table des matières
_____
Avant-Propos ………………………………………………………………………… V
Avis au Lecteur ………………………………………………………………………. XII
_____
ANNÉE 1599
LETTRE
CXXI
CXXII
CXXIII
CXXIV
CXXV
CXXVI
CXXVII
CXXVIII
CXXIX
CXXX
CXXXI
A Mgr DE GRANIER.Réponses faites par le Saint-Siège à diverses
requêtes présentées au nom de l'Evêque de Genève. Bel ordre de la
Cour romaine. Eloge de plusieurs Cardinaux. L'Evêque de
Modène nommé nonce en France. Accident survenu au P. Chérubin.
Dévouement du prieur de Contamine et du seigneur Bonesio.
Prochain retour en Savoie ……………………………………………..
AU CHANOINE DE SALES. Succès du Prévôt dans l'examen
public qu'il vient de subir devant le Pape ……………………………..
AU PÈRE ANCINA. Bienveillant accueil reçu de l'Evêque de
Lorette et de l'Archevêque de Bologne sur la recommandation du P.
Ancina ; estime que professe pour ce dernier le duc de Savoie.
Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à
l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du
Chablais. Voyage projeté de Charles-Emmanuel en France.
Divers messages ………………………………………………………
AU CHEVALIER DE RUFFIA. Invitation à se rendre en Chablais
A M. D'AVULLY. Réclamation d'une somme due à M. de Boisy ..
A Mgr RICCARDI. Retard que les Chevaliers des Saints Maurice et
Lazare apportent à l'exécution du Bref apostolique. Activité des
Genevois pour entraver les conversions. Persévérance des convertis
; grâces qu'ils reçoivent de Dieu.Demande de diverses faveurs ……
AU MÊME. Réception de deux lettres du Nonce. Eloge de Mgr
de Vienne. Largesses du duc de Savoie ; son projet d'établir un
collège de Jésuites à Thonon. Prochaine arrivée de ces Religieux.
Détails matériels …………………………………………………..
AU DUC DE SAVOIE. Bonne harmonie qui règne entre
l'Archevêque de Vienne et l'Evêque de Genève. Espérances que fait
concevoir le collège des Pères Jésuites ……………………………….
A M. DE QUOEX. Lettre reçue de M. de Quoex.
Recommandation en faveur de trois jeunes gentilshommes ………….
A Mgr RICCARDI. Rupture des communications entre Annecy et
Chambéry. Libéralités du duc de Savoie pour le Chablais.
Arrivée d'un Père Jésuite à Thonon, où cinq autres sont encore
attendus. Les intérêts de la mission activement poursuivis à
Rome.Aumône faite par le duc à une protestante convertie.
Prochain départ de Son Altesse pour la France ……………………….
AU MÊME (Inedite). Ordres donnés par le duc de Savoie en faveur
de la maison de refuge projetée à Thonon. Il est urgent que les
pouvoirs spéciaux concédés aux missionnaires ne soient pas suspendus
pendant l'année du Jubilé. Procès relatif à la cure du Petit-Bornand
1
6
7
13
16
17
23
[507]
29
30
31
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33.10 Page 330

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ANNÉE 1600
CXXXII AU CARDINAL BARONIUS (Inédite). Bienveillance du Saint-
Siège pour la mission du Chablais. Joie de savoir le Cardinal
nommé protecteur de cette œuvre …………………………………….. 42
CXXXIII A Mgr RICCARDI. Réception de plusieurs lettres. Eloge de
quelques ecclésiastiques. Les bonnes intentions du duc de Savoie
en faveur du chanoine Nouvellet restent sans effet …………………… 45
CXXXIV A M. POTHON (Inédite). Demande de pièces nécessaires à la
poursuite d'un procès …………………………………………………. 49
CXXXV A Mgr RICCARDI. Dangers que courent les Catholiques du
Chablais ; leur constance en face du péril. Indisposition de Mgr de
Genève. L'Archevêque de Vienne expulsé par les Valaisans ……… 50
ANNÉE 1601
CXXXVI
CXXXVII
CXXXVIII
CXXXIX
CXL
CXLI
CXLII
CXLIII
CXLIV
CXLV
CXLVI
CXLVII
A Mgr DE GRANIER. Envoi de deux lettres. Aggravation de la
maladie de M. de Boisy ……………………………………………….
AU PÈRE ANCINA (Inédite). Remerciements pour l'intérêt qu'il
porte au Chablais. Tribulations qui ont fondu sur cette province.
Espoir d'une prochaine paix. Les poursuites entreprises au sujet de
la coadjutorerie de Genève restent stationnaires ………………………
A Mgr RICCARDI. Constance des Catholiques de Thonon et de
Ternier opprimés par les Genevois. Prière de solliciter les
prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet ……………………
A M. D'AVULLY. Le Saint rend compte de son intervention auprès
du duc de Nemours pour le règlement d'une affaire d'intérêt …………
A Mgr RICCARDI. Regret d'apprendre le rappel du Nonce.
Nouvelles conversions en Chablais. Mauvais vouloir de ceux qui
devraient les favoriser. Succès de la mission entreprise dans le
bailliage de Gaillard. Espoir de ramener à la vraie foi le pays de
Gex. Demande de quelques faveurs. Travaux apostoliques de
l'Archevêque de Vienne et de l'Evêque de Genève ……………………
A DES AMIS (Inèdite). Départ précipité pour traiter des intérêts de
la religion dans le pays de Gex ………………………………………..
A Mgr RICCARDI (Inédite). Le pays de Gex soumis à la France ;
intention du roi d'y rétablir la religion catholique ; opposition des
Genevois ; démarches faites pour en triompher. Reprise des
poursuites commencées au sujet de la coadjutorerie ………………….
A Mgr TARTARINI. Prière de s'intéresser à la restitution des biens
ecclésiastiques du pays de Gex ……………………………………….
AU DUC DE SAVOIE.Obstination de quelques hérétiques de
Thonon. Mesures à prendre pour en triompher ……………………
AU BARON DE LUX. Mgr de Granier est prêt à évangéliser le pays
de Gex ………………………………………………………………...
AU CARDINAL ALDOBRANDINO (Inédite). Henri IV demande
l'évangélisation du pays de Gex. Son désir de restituer au clergé les
biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois. Démarches à faire
pour obtenir cette restitution ………………………………………….
A M. DE QUOEX. Bonnes intentions du roi de France en faveur
des Catholiques. Formalités à remplir pour en obtenir la mise à
exécution ……………………….……………………………………..
53
54
57
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34.1 Page 331

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CXLVIII
CXLIX
CL
Mémoire ……………………….……………………………………...
A UN INCONNU (Inédite). Le Saint s'estime heureux d'entrer en
relation avec ce personnage et lui promet des documents historiques ..
A Mgr TARTARINI. Evangélisation des bailliages de Gex et de
Gaillard. Prochain voyage du Saint à Paris pour négocier la
restitution des biens ecclésiastiques. Avantages qu'apportera
l'établissement de la Sainte-Maison ; moyens de lui assurer des
ressources. Renseignements sur Jules-César Paschali et sa famille..
A M. DE SALES, SON FRERE (Inédite). Voies de conciliation à
prendre au sujet d'un procès. Ne pas refuser les avances du
procureur Chappaz ……………………………………………………
86
87
89
95
[509]
ANNÉE 1602
CLI
CLII
CLIII
CLIV
CLV
CLVI
CLVII
CLVIII
CLIX
CLX
CLXI
A M. DE QUOEX. Départ du Saint pour Dijon et Paris afin de
solliciter le rétablissement de la religion dans le pays de Gex.
Nécessité d'obtenir la médiation du Saint-Siège auprès du roi de
France. Influence du Cardinal d'Ossat sur le monarque.
Nouvelles de Mme de Quoex. Divers messages. Bon vouloir du
baron de Lux ; oppositions de Lesdiguières …………………………..
A Mgr DE GRANIER (Inédite). Compte-rendu de sa négociation à
la cour de France. Envoi d'une lettre du Nonce de Paris …………..
A M. DE QUOEX. Réponse à deux lettres précédemment reçues.
Affaire d'intérêt. Lenteur des négociations poursuivies à la cour.
Un mot sur les dépenses à faire au sujet de la coadjutorerie. Le
Saint est invité à prêcher le Carême à la chapelle de la reine. Le P.
Juvénal Ancina désire se rendre à Thonon. Différends soulevés au
sujet d'un prieuré ……………………….……………………………..
A Mgr DE GRANIER (Inédite). Difficulté et lenteur des poursuites
faites à Paris ; espérance de les voir aboutir …………………………..
AU MÊME (Inédite). Annonce de la visite de M. de Mallians.
Crainte d'échouer dans sa négociation auprès du roi de France ………
AU MÊME (Inédite). Nouvelles espérances. Le Saint a prêché
devant le roi ; il est invité à prononcer l'oraison funèbre du duc de
Mercœur ……………………….……………………………………...
A LA DUCHESSE DE MERCŒUR. — Il condescend à laisser
imprimer l'oraison funèbre du duc de Mercœur, et demande qu'elle soit
dédiée à la fille de ce prince …………………………………………..
A M. DE QUOEX. Démarches faites auprès de la duchesse de
Nemours pour obtenir à M. de Quoex l'autorisation de quitter Rome.
Cause du mécontentement du président Favre. Affaire de la
coadjutorerie. Faveur dont le Saint jouit à la cour de France.
Divers messages ……………………….……………………………...
A M. DE SOULFOUR. Remerciements des avances affectueuses
qui lui sont faites. Intérêt pour le monastère des Filles-Dieu.
Eloge de M. Gallemand. Regret de n'avoir pu se rendre à Pontoise.
Le P. Vicaire de la Chartreuse envoyé à Cahors …………………..
A UNE DAME INCONNUE. Recommandation en faveur d'un
ecclésiastique pauvre ……………………….…………………………
A M. DU CHEMIN (Inédite). Impossibilité de se rendre à
Chancenay. Prière de l'excuser auprès de MM. d'Acy et de
Maneuvre. Témoignages d'affection ……………………………….
98
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108
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113
116
119
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CLXII AU DUC DE SAVOIE. Retour de Paris. Protestations de
soumission et de dévouement. Demande de la protection de Son
Altesse ………………………………………………………………... 123
CLXIII A M. MARIN (Fragments inédits). Douleur de la mort de Mgr de
Granier. Indifférence relativement à la dignité episcopale ……….. 124
CLXIV A M. DE BLONAY. Achat de la terre de Thorens par la famille de
Sales. Nécessité de contracter un emprunt pour payer ce domaine.
Prière d'intervenir à cet effet auprès de M. de Prangins …………… 124
CLXV A S. S. CLÉMENT VIII. Compte-rendu des négociations faites à la
cour de France. Eloge de Mgr de Granier : son zèle apostolique, sa
piété. Remerciements pour la remise des droits d'annates.
Soumission au Saint-Siège …………………………………………… 127
CLXVI AU MÊME. Combien l'établissement des Carmélites en France
contribuerait à la gloire de Dieu. Trois ecclésiastiques de grande
vertu désignés pour Supérieurs. Approbation apostolique sollicitée
pour l'exécution de ce projet …………………………………………. 131
CLXVII AUX SYNDICS D'ANNECY. Réponse à leur lettre de félicitation.. 134
CLXVIII AUX RELIGIEUSES DU MONASTERE DES FILLES-DIEU.
Témoignages d'estime et d'affection pour leur Communauté.
Pressante exhortation à supprimer les pensions particulières.
Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté. Danger des
exemptions et des dispenses. Confiance que les Religieux doivent
avoir en la divine Providence. Conseils à prendre pour réformer leur
monastère …………………………………………………………….. 136
CLXIX A M. DE LA FAVERGE Espoir de le voir à Sales le samedi suivant.
Remerciements pour l'hospitalité offerte à Mgr Gribaldi …………. 152
CLXX A M. FAVIER. Prière de lui continuer son amitié et d'appuyer une
requête présentée au Sénat ……………………………………………. 154
CLXXI A M. DE BÉRULLE. Combien il se réjouirait de le voir venir en
Savoie. Le Saint consacré évêque ; retraite préparatoire faite sous
la direction du P. Fourier. La perfection absolue impossible en ce
monde. Divers messages ………………………………………….. 155
ANNÉE 1603
CLXXII A M. D'ORLIÉ (Inédite). Remerciements pour l'affection qu'il lui
porte. Assurance de dévouement ………………………………….. 158
CLXXIII A Mgr ANCINA (Inédite). Consécration du Saint ; son entrée dans
sa ville épiscopale. Il réclame les conseils de [511] Mgr Ancina et
la continuation de son affection. Remerciements. Projet de
pèlerinage à Notre-Dame de Mondovi ; espérance de le revoir à cette
occasion ……………………………………………………………… 159
CLXXIV — A LA SŒUR DE SOULFOUR. — Caractères auxquels on peut
reconnaître les consolations célestes. Ne pas subtiliser dans le
service de Dieu et supporter ses propres imperfections. La
confiance et la simplicité sont particulièrement nécessaires.
Combien le Saint apprécie la nouvelle traduction de l'Institution
spirituelle de Louis de Blois. — Messages pour Sœur Anne Séguier... 163
CLXXV A L'ABBESSE DE MONTMARTRE. Souhaits pour la prospérité
de l'abbaye. — Prudence et charité qu'il faut apporter à l'œuvre de la
réforme. Recourir aux conseils de quelques personnes de piété ….. 171
CLXXVI AU PÈRE BOULUETTE (Inédit). Billet d'affaires ………………. 174
332/340

34.3 Page 333

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CLXXVII
CLXXVIII
CLXXIX
CLXXX
CLXXXI
CLXXXII
CLXXXIII
CLXXXIV
CLXXXV
CLXXXVI
CLXXXVII
CLXXXVIII
CLXXXIX
CXC
CXCI
CXCII
CXCIII
AU CHEVALIER DE RUFFIA (Inèdite). Réponse à une lettre de
félicitation …………………………………………………………….
A M. DE REVOL (Fragment inédit) ………………………………….
A UNE TANTE. Condoléances sur la mort de son mari
A M. D'ALBIGNY. Prochain départ pour le Piémont. Désir
d'obtenir une lettre de recommandation auprès du duc. Il implore sa
protection pour un curé fait prisonnier par les Genevois ………………
A Mlle DE SOULFOUR. Ne pas chercher au loin des directeurs à
consulter. La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la
perfection ; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et
restreindre les autres. Promesse de prières. Souvenir conservé à
Sœur Anne Séguier ……………………………………………………
A LA DUCHESSE DE NEMOURS. But du voyage à Turin, dont
le Saint est revenu depuis trois jours. Le duc de Savoie parti pour
Nice. Les ecclésiastiques persécutés par les Genevois …………….
A M. DE MENTHON DE LORNAV. Ordonnance relative au choix
des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-
Dieu
A M. DE REVOL. Envoi d'une pièce sollicitée pour lui à Rome.
Obligation pour un évêque de transformer sa vie. Il lui serait utile
de se lier avec quelques grands serviteurs de Dieu ; éloge de plusieurs
d'entre eux. Livres à consulter surtout pendant cette première année.
Avoir une grande dévotion aux saints Anges. L'Evêque est tenu
de prêcher son peuple …………………………………………………
A M. DE. LA PORTE (Inèdite). Dispositions bienveillantes du duc
de Savoie envers Mme de Mercœur. —Jugement d'un procès entre cette
princesse et don Amédée de Savoie. Le Saint s'excuse de n'avoir pu
achever le payement de la terre de Thorens …………………………..
A M. D'ALBIGNY. Réclamations au sujet d'une mesure contraire
aux immunités ecclésiastiques ………………………………………..
A M. DE SOULFOUR (Inèdite). Abandon et désolation de cent
églises aux environs de Genève. Union de prières. Projet d'écrire
à M. Asseline. Divers messages ……………………………………
AUX CHANOINES DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-JACQUES
DE SALLANCHES. Il les engage à accepter une fondation qui leur
est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur ……………….
A M. D'ALBIGNY. Il sollicite une place pour le neveu de l'Evêque
défunt …………………………………………………………………
A Mlle DE SOULFOUR. Suites que laissent certaines infirmités
spirituelles : leur utilité. La perfection absolue impossible en ce
monde. Avoir de grandes prétentions au service de Dieu, mais ne
pas s'étonner si elles ne peuvent être entièrement réalisées. Ne pas
se préoccuper des dangers à venir. Assurance de dévouement ……
A UN INCONNU. Remerciements pour une lettre reçue.
Assurance de dévouement …………………………………………….
AU BARON DE LUX (Inédite). Prière de s'opposer aux prétentions
injustes d'un gentilhomme …………………………………………….
AU DUC DE NEMOURS (Inédite). Exposé des différends qui
existent entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre-Dame de
Liesse pour une question de préséance. Les usages des Chapitres de
Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy ………………………..
Autre minute de la même lettre (Inédite) ……………………………..
175
176
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180
184
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187
[512]
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202
207
208
211
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34.4 Page 334

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CXCIV
CXCV
CXCVI
CXCVII
CXCVIII
CXCIX
CC
CCI
CCII
CCIII
CCIV
CCV
CCVI
CCVII
CCVIII
CCIX
A M. D'ALBIGNY. Prière de s'intéresser à un créancier de la
Sainte-Maison de Thonon …………………………………………….
A M. DE CHARMOISY. Mme de Beaulieu demandée en mariage
par M. de Sainte-Claire ; avantages que présenterait cette alliance.
Elle désire à ce sujet l'avis de M. de Charmoisy ………………………
A M. D'ALBIGNY (Inédite). Il implore la continuation de sa
protection pour la Sainte-Maison de Thonon …………………………
A M. DE LA PORTE (Inédite). Recommandation en faveur d'un
homme qui désirait affermer la terre de Duingt. Plusieurs affaires
d'intérêt seraient à terminer. Encore un mot sur le payement de
Thorens ……………………………………………………………….
AU MAIRE ET AUX ECHEVINS DE DIJON. Réponse à
l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon …………
A M. EXCOFFIER (Inédite). Ordre de biner. Encouragement à
se rendre plus capable de ses fonctions ………………………………
A M. BONIER. Prière de lui envoyer le bilan des comptes de la
Sainte-Maison ………………………………………………………...
A Mgr BROGLIA. Affaires d'intérêt concernant la Sainte-Maison..
AU PRIEUR ET AUX RELIGIEUX DU MONASTÈRE DE SIXT
(Inédite). Désir de connaître les résultats obtenus par la visite
épiscopale. Assurance de dévouement …………………………….
AU DUC DE SAVOIE. Envoi d'une attestation relative à la
conversion des bailliages de Chablais, Gaillard et Ternier ……………
A S. S. CLÉMENT VIII. Exposé des causes qui ont provoqué
l'apostasie du Chablais : pression exercée par les Genevois. Envoi
de missionnaires. Zèle déployé par le duc de Savoie ; éloge de ce
prince. Conversion de toute la province ……………………………
A Mgr TOLOSA (Inédite). Tous les monastères de Savoie, ceux des
Chartreux exceptés, ont besoin de réforme ; autorité requise à celui qui
entreprendrait cette œuvre. — Utilité de l'intervention du Sénat.
Différentes mesures proposées. Monastères à supprimer.
Situation anormale de ceux de Sixt et de Peillonnex …………………
A Mme DE BOISY. Allusion aux tribulations endurées durant la
mission du Chablais. Témoignages d'affection ……………………
A UN PRÉLAT (Fragment inédit). Difficultés que suscite une
mesure récemment imposée …………………………………………..
A Mgr MASIUS. Union créée entre les deux Prélats par les
persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques.
Recommandation en faveur de Rodolphe van Dunghen ; éloge de ce
personnage ……………………………………………………………
A M. DUNANT. Ordre de transférer à d'autres jours des aumônes
générales ……………………………………………………………...
215
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220
222
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228
239
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245
246
250
ANNÉE 1604
CCX A M. DES HAYES. Félicitations pour le pardon accordé à un
contradicteur. Remerciements. Désir de terminer sans procès un
différend avec l'Archevêque de Bourges. Le Saint n'abandonne
jamais l'étude de la théologie. Affaire d'intérêt. Estime pour les
Pères Jésuites : joie de les savoir rentrés en France ………………….. 251
CCXI A UN INCONNU (Inédite). Réponse aux reproches adressés au
Saint, relativement au séjour qu'il projetait de faire hors de la Savoie254
334/340

34.5 Page 335

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CCXII AU DUC DE SAVOIE. Annonce de son prochain départ pour
Dijon. Protestation de fidélité …………………………………….. 256
CCXIII A S. S. CLÉMENT VIII. Difficultés que présente l'administration
de la partie française du diocèse de Genève. Le Saint contraint de
se rendre à Dijon y prêchera le Carême ………………………………. 257
CCXIV A M. DE VALLON. Condoléances sur la mort de son père ………. 260
CCXV A LA BARONNE DE CHANTAL …………………………………... 262
CCXVI A LA MÊME. Le désir de la sainteté et l'amour de la viduité sont
pour une veuve les deux supports de l'édifice spirituel : comment les
affermir. Amour de Dieu et de la sainte Eglise. Devoir de prier
pour les pasteurs et prédicateurs. Envoi d'un écrit de dévotion …… 263
CCXVII A LA PRÉSIDENTE BRULART. En quoi consiste la perfection
propre aux femmes du monde : s'unir à Dieu par la méditation, l'usage
des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons
jaculatoires. — S'unir au prochain par l'affabilité, les œuvres de
miséricorde, la condescendance envers ses proches. Rendre la piété
aimable en la rendant utile et agréable à tous ………………………… 267
CCXVIII A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Moyens à employer pour la
réforme de son monastère : bons exemples, douceur, fidélité aux
exercices spirituels …………………………………………………… 271
CCXIX A UN CALVINISTE. Sans certaines conditions les conférences
sont infructueuses. Les hérétiques doivent prouver leurs négations.
Prières pour les morts. Canonicité des Livres des Machabées et
de l'Apocalypse. Promesse de ne pas refuser une conférence avec
les Genevois s'ils la demandent ………………………………………. 273
CCXX AU DUC DE SAVOIE. Pauvreté du prieuré de Bellevaux. Le
Prieur est digne des libéralités de Son Altesse ……………………….. 275
CCXXI A LA BARONNE DE CHANTAL. Il rassure Mgr de Chantal sur
l'inquiétude qu'elle éprouve de l'avoir consulté à l'insu de son directeur.
L'unité de direction ne doit pas nuire à la liberté d'esprit. Lettre
reçue de l'Archevêque de Bourges …………………………………… 277
CCXXII A M. D'ALBIGNY. Opportunité de quelques modifications dans
les lois relatives à l'immunité des églises …………………………….. 281
CCXXIII A LA BARONNE DE CHANTAL. Encore l'unité de direction et la
liberté qu'elle comporte ; comment l'entendait sainte Thérèse, et
comment il faut la pratiquer à son imitation. Protestation d'entier
dévouement. Combien sont indissolubles les liens formés par la
charité. Secret que doit garder le pénitent sur ce qui est dit en
confession. Chercher un remède à la [515] tristesse et à l'ennui dans
les plaies de Notre-Seigneur. Mystérieuse formation du Christ dans
l'âme chrétienne ………………………………………………………. 282
CCXXIV A S. S. CLÉMENT VIII. Recommandation en faveur d'André de
Sauzéa proposé pour l'évêché de Belley ……………………………… 289
CCXXV A M. D'ALBIGNY. Règlement d'une affaire d'intérêt concernant la
Sainte-Maison ………………………………………………………... 292
CCXXVI A M. DE BLONAY. Difficulté que présente la nomination à un
bénéfice ………………………………………………………………. 293
CCXXVII A Mgr DE REVOL. Témoignages d'affection. Carême prêché à
Dijon. Eloge des Dijonnais : fruits de salut opérés parmi eux.
Conversions dans le pays de Gex. Replique Chrestienne du ministre
La Faye. Le Saint hésite à la réfuter ………………………………. 294
CCXXVIII A M. DE BLONAY. Prochain pèlerinage à Saint-Claude. 298
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Invitation à transmettre à l'Abbé d'Abondance ………………………..
CCXXIX A Mgr FRÉMYOT. Obligation pour un Evêque de prêcher son
peuple. Des trois conditions nécessaires au prédicateur.Fin qu'il
doit se proposer : instruire et émouvoir. Objet de la prédication :
l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est
susceptible ; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des
Saints ; interpréter le « grand livre » de la création. Eviter les
citations mythologiques. Des comparaisons et des allégories.
Disposition des matières ; différentes méthodes à adopter selon la
diversité des genres : sermons sur les mystères et les vertus, homélies,
panégyriques. La forme : du style et de l'action. Pressante
exhortation à prêcher ; rien n'est impossible à l'amour ……………….. 299
CCXXX AU PRESIDENT FRÉMYOT. Intimité avec l'Archevêque de
Bourges. Affection pour toute la famille du Président. Comment
il faut se préparer à la mort : se détacher peu à peu des choses de la
terre. Considérations à faire chaque jour. Ce qu'est la sagesse
pour les jeunes gens et ce qu'elle doit être pour les vieillards. Choix
de lectures. Triple baiser à donner au Crucifix ……………………. 326
CCXXXI A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Envoi d'un écrit sur l'oraison.
Méditer de préférence la Vie et la Passion du Sauveur ; auteurs à
consulter. Combien est utile la méditation des fins dernières ; elle
doit se terminer par des actes de confiance. Exercices spirituels à
faire chaque jour. Formulaire pour la Confession dressé par le Saint
en faveur de l'Abbesse. Moyens à employer pour la réforme de son
monastère : « quatre artifices » pour inspirer l'esprit d'obéissance.
Vie commune. [516] Clôture, gardienne de la chasteté. En cette
œuvre procéder avec douceur. — A quel âge admettre les jeunes filles
à la première Communion ……………………………………………. 332
CCXXXII A LA MÊME. Promesse de l'aider dans la réforme de son
monastère. Recourir aux conseils du P. de Villars. Demande de
prières pour l'Evêque de Saluces récemment décédé. Livres qu'il
serait utile à l'Abbesse de consulter. Mme de Boisy projette de placer
sa fille au Puits-d'Orbe ……………………………………………….. 341
CCXXXIII A LA PRÉSIDENTE BRULART. Quand faudrait-il refaire une
confession générale. Qu'est-ce que la dévotion. Deux choses
qu'une chrétienne doit observer « pour estre vrayement devote. »
Promptitude requise dans leur observance ; quelques réflexions pour
l'acquérir. Pratiques proposées pour chaque jour. Il faut rendre
la dévotion « fort avmable, » surtout à notre famille …………………. 345
CCXXXIV A LA BARONNE DE CHANTAL. Marques de la volonté de Dieu
dans le choix d'un directeur. « Lien admirable » établi par Dieu
entre les deux Saints. Remèdes aux tentations contre la foi.
Exercices de piété à remplir chaque jour : méditation, audition de la
Messe, oraisons jaculatoires, prières du soir, lecture spirituelle.
Usage du jeûne et de la discipline. Fréquente Communion. Pour
l'éducation de ses enfants agir « a la façon des Anges. » Assistance
des pauvres et des malades. Devoirs envers son père et son beau-
père. De l'esprit de liberté : il est insinué dans le Pater. Signes
auxquels on peut le reconnaître ; défauts qui lui sont opposés.
Exemple de plusieurs Saints. Professer une grande dévotion envers
saint Louis. Mort de l'Evêque de Saluces …………………………. 352
CCXXXV A S. S. CLÉMENT VIII. Décadence de l'observance régulière dans 371
336/340

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CCXXXVI
CCXXXVII
CCXXXVIII
CCXXXIX
CCXL
CCXLI
CCXLII
CCXLIII
CCXLIV
CCXLV
CCXLVI
CCXLVII
CCXLVIII
CCXLIX
la plupart des monastères de Savoie. Recours au Saint-Siège pour
obtenir l'introduction des Feuillants au monastère d'Abondance
AU DUC DE SAVOIE. Requête pour obtenir que les Feuillants
soient mis en possession de l'abbaye d'Abondance.
Recommandation en faveur du chanoine Nouvellet ………………….
AU MÊME. Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard
au sujet de la cure des Allinges. Le Saint implore la protection de
Son Altesse ……………………………………………………………
A M. DE RONCAS. Même sujet ………………………………….
AU DUC DE SAVOIE. L'Abbé d'Abondance n'est pas en mesure
de fournir une pension à M. Nouvellet. Prière au prince de vouloir
bien intervenir ………………………………………………………...
A LA BARONNE DE CHANTAL. Conseils relatifs au règlement
d'une affaire d'intérêt. D'une certaine impuissance spirituelle et des
tentations qui en dérivent. Lutte entre la partie supérieure et la partie
inférieure de l'âme. Combattre les désirs empressés. Indifférence
à pratiquer dans l'acceptation des croix. On peut se plaindre à Notre-
Seigneur. Choix de lectures. Avis sur la manière de faire
l'aumône. Joie du Saint dans l'attente d'une grande épreuve.
Respect dû à un ancien directeur. Deux sortes de bonnes volontés :
l'une qui remplit l'enfer, l'autre le Paradis …………………………….
A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE.Ce qu'il faut faire quand on
éprouve de la difficulté à méditer. Les longues veilles du soir «
debilitent le cerveau. » Comment on peut servir Dieu dans les
maladies. « Baume pretieux » pour les adoucir. Lectures
proposées. Obéissance au médecin. Dignité royale des malades.
« Dequoy les Anges nous portent envie. » La Messe et la
Communion au temps de maladie …………………………………….
A LA PRÉSIDENTE BRULART. C'est la dévotion bien réglée que
le Ciel bénit. Il faut servir Dieu à la campagne aussi bien qu'à la
ville
……………………………………………………………………
A LA BARONNE DE CHANTAL (Inédite). Deux abus à éviter
relativement au confesseur : s'attacher à sa conduite au point de «
perdre la vraye liberté ; » en changer « sans propos. » Remarques
sur divers écrits et une sorte de testament spirituel. Message pour
Mme Brûlart. Le Saint ne veut pas que ses lettres soient
communiquées ………………………………………………………..
A MESSIEURS DU CONSEIL DE LA SAINTE-MAISON DE
THONON. Envoi de quelques papiers …………………………….
A M. D'ALBIGNY (Inédite). Prière de vouloir bien donner
audience à un nouveau converti ………………………………………
A M. DE LA FAVERGE (Inédite). Réponse à une lettre de
recommandation. Souhaits de bonne année. Le Saint se promet
beaucoup de consolation du Carême qu'il doit prêcher à La Roche …..
A UN INCONNU (Fragment inédit) …………………………………
A Mgr FRÉMYOT. Envoi d'un règlement de vie. Dans quel esprit
l'observer. Savoir y déroger pour servir le prochain. Ne jamais
lui sacrifier « la tressainte liberté d'esprit. » ………………………….
A UNE INCONNUE (Inédite). Encouragements donnés à une
résolution généreuse. Offres charitables pour la seconder. Un
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cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce ……………
MINUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES
POUR DIVERSES PERSONNES
CCL AU DUC DE NEMOURS, pour un père de famille (Inédite).
Instances à l'effet d'obtenir que son fils lui soit rendu ……………….. 405
CCLI A S. S. CLÉMENT VIII, pour les Catholiques de Thonon. Actions
de grâces pour la bienveillance spéciale que leur témoigne le
Souverain Pontife …………………………………………………….. 406
MINUTES ÉCRITES POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER
CCLII
CCLIII
CCLIV
CCLV
CCLVI
CCLVII
CCLVIII
CCLIX
CCLX
CCLXI
CCLXII
A Mgr SECUSIO (Inédite). Instances pour obtenir que le Nonce
intervienne auprès du roi de France en faveur du Chablais ……………
AU CARDINAL DE JOYEUSE. Les Bernois prétendent s'emparer
des bailliages de Thonon et de Ternier. Coup-d'œil rétrospectif sur
l'apostasie et sur la conversion de ces provinces. Demande de la
protection du Cardinal auprès du roi de France ……………………….
A M. DE SANCY. Encore les affaires du Chablais.
Remerciements pour l'assurance donnée relativement au maintien de
la religion catholique dans cette province. Il n'est pas possible
d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésiastiques qu'il
sollicite pour son fils ………………………………………………….
AU BARON DU VILLARS. Raisons qui ne permettent pas de
donner au fils de ce seigneur la cure et le doyenné de Vuillonnex ……
A M. DE SANCY. Violences exercées contre les Catholiques en
l'absence de M. de Sancy. Recours à l'autorité de celui-ci pour
obtenir la répression définitive des protestants ……………………….
A S. S. CLÉMENT VIII (Inédite). Les Jésuites en Chablais : toute
la province bénéficie de leur apostolat. Avec le concours de
quelques auxiliaires, ils ont évangélisé le bailliage de Gaillard. Un
collège de la Compagnie de Jésus à Thonon serait une puissante
citadelle opposée à l'hérésie. Reste la conversion plus difficile du
pays de Gex. Il faudra y employer les mêmes Religieux, secondés
par une élite de missionnaires séculiers ………………………………
AU DUC DE SAVOIE (Inédite). Plaintes contre les syndics de
Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-
Hippolyte ; combien il est urgent d'obtenir cette cession ……………..
AU ROI DE FRANCE (Inédite). Espoir que la conversion du pays
de Gex sera facilitée par la réunion de ce territoire à la France.
Recours à la protection de Sa Majesté ………………………………..
A Mgr SILINGARDO. Sollicitations pour obtenir l'intervention du
Nonce dans les affaires du pays de Gex ………………………………
AU CARDINAL BARONIUS (Inédite). L'Evêque de Genève a
choisi le Prévôt de son église cathédrale pour coadjuteur avec future
succession. Difficultés qui entravent la poursuite de l'affaire. Le
Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la
Chambre Apostolique ………………………………………………...
AU CARDINAL ALDOBRANDINO (Inédite). Nouvelles
sollicitations pour le rétablissement du culte catholique dans le pays
de Gex ………………………………………………………………..
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CCLXIII
CCLXIV
CCLXV
CCLXVI
CCLXVII
CCLXVIII
AU DUC DE SAVOIE. Combien il serait nécessaire d'établir à
Thonon un collège de Jésuites. On pourrait en attendant confier à
ces Religieux celui d'Annecy. Intervention de Son Altesse sollicitée
à cet effet ……………………………………………………………...
A M. D'ALBIGNY. Ordres à donner pour la restitution des revenus
ecclésiastiques du bailliage de Gaillard ……………………………….
AU BARON DE LUX (Inédite). Désir de « voir sous la faucille de
la parole de Dieu » la moisson du pays de Gex. Chanoine mandé
pour apprendre ce que l'on peut se promettre à cet égard. Le Pape «
attend de jour a autre les premieres nouvelles » de cette évangélisation
AU DUC DE SAVOIE (Inédite). Manque de ressources pour
assurer le service religieux dans trois paroisses récemment converties,
celle de Thonon entre autres. On pourrait y pourvoir au moyen des
revenus de l'abbaye de Filly …………………………………………..
AU MÊME (Inédite). Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus
ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des
Saints Maurice et Lazare. Force a été de passer outre à leurs
protestations, tout en sauvegardant leurs intérêts. Il est urgent de
pourvoir de pasteurs Thonon et deux autres localités …………………
AU ROI DE FRANCE. Trois curés établis dans le pays de Gex.
« La bonté du commencement » fait « desirer le progres » de la
conversion de ce bailliage. Ce qu'à cet effet l'on attend de la
protection du roi de France ……………………………………………
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[520]
SUPPLIQUES
CCLXIX A S. S. CLÉMENT VIII (Inédite). L'Evêque de Genève sollicite
l'autorisation de communiquer la faculté d'absoudre les hérétiques et
de lire leurs ouvrages. Il serait nécessaire de subvenir à la gène des
nouveaux convertis par la fondation d'un établissement approprié à
leurs besoins. Contributions généreuses, mais insuffisantes, faites
dans ce but par le duc de Savoie et d'autres personnes ………………. 447
CCLXX AU CARDINAL ALDOBRANDINO (Inédite). Prière de plaider
auprès de Sa Sainteté divers intérêts du diocèse de Genève : entretien
des curés, création de prébendes théologales, requête des chanoines de
la cathédrale, décimes de l'Evêque …………………………………… 451
_____
APPENDICE
LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES
PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A LETTRES DE CHARLES-EMMANUEL Ier, DUC DE SAVOIE
I ………………………………………………………………………………………..... 457
II ……………………………………………………………………………………….... 458
III ………………………………………………………………………………………... 459
IV ……………………………………………………………………………………….. 460
B LETTRES DE Mgr JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
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I ………………………………………………………………………………………….
II …………………………………………………………………………………………
III ………………………………………………………………………………………..
IV ………………………………………………………………………………………..
V …………………………………………………………………………………………
VI ………………………………………………………………………………………..
VII ……………………………………………………………………………………….
VIII ………………………………………………………………………………………
IX ………………………………………………………………………………………..
X …………………………………………………………………………………………
XI ………………………………………………………………………………………..
XII ……………………………………………………………………………………….
XIII ………………………………………………………………………………………
461
462
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465
466
466
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471
472
473
474
[521]
C LETTRES DE Mgr ANTOINE DE REVOL, ÉVÊQUE DE DOL
I …………………………………………………………………………………………. 476
II ………………………………………………………………………………………… 477
D LETTRE DE Mgr ANDRÉ FRÉMYOT, ARCHEVÊQUE DE BOURGES
479
E LETTRE DU MAIRE ET DES ÉCHEVINS DE DIJON
480
F LETTRE DE M. CHARLES D'ORLIÉ
481
_____
Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de
la provenance des Manuscrits
Index des principales Notes historiques et biographiques
Glossaire des locutions et des mots surannés
Errata
483
491
497
506
[522]
_______________________________________
Annecy, imprimé par J. NIERAT, 1902. 8254
340/340