1989_DGODB_Le_Salesien_Coadjuteur


1989_DGODB_Le_Salesien_Coadjuteur

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1.1 Page 1

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LE SALESIEN
COADJUTEUR
Histoire
identité
pastorale des vocations
et formation
Editions S.D.B. - Rome 1989

1.2 Page 2

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Editions S.D.B. hors commerce
Direction générale des Œuvres de Don Bosco
Boîte postale 9092
Via della Pisana, 1111
1 - 00163 Rome - Aurelio
Traduction française: (1991)
Œuvres de Don Bosco
rue du Dahlia, 11
B - 1030 BRUXELLES
Œuvres et Missions de Don Bosco
14, rue Roger-Radisson
F - 69322 LYON-CEDEX 05
Salésiens de Don Bosco
393 bis, rue des Pyrénées
F - 75020 PARIS
Tip. «Don Bosco» - Via Prenestina, 468 · 00171 Roma - Tel. 25.82.640 Finito di stampare nel novembre 1991

1.3 Page 3

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TABLE DES MATIERES
Présentation ........................................................................................ 13
O. INTRODUCTION ........................................................................... 17
1. NOTES HISTORIQUES SUR LE SALESIEN COADJUTEUR ... 20
1.1 APERÇU HISTORIQUE .. .. .. .. .. .. ... . .. .... .. .. .. .. . ... . .. .. . ... . .. .. . .. ... .. .. . 20
11.1 Dans le monachisme ... ...... .. ...... .. ................................ 20
11.2 Dans les ordres mendiants ... ........................................ 21
11.3 Dans les ordres et les congrégations religieuses modernes 22
1.2 LE RELIGIEUX LAIC DANS LA CONGREGATION SALESIENNE ... 23
12.1 Les origines. L'époque de Don Bosco .......................... 23
A. Au départ de cette nécessité: la naissance et les be-
soins des ateliers et des écoles d'arts et métiers à
l'Oratoire ..... ...... ...... .......... ...... ......... ...... ... ......... .... 25
a. La naissance des ateliers ................................... 26
b. Jean Bosco et son expérience du travail .......... .. 28
c. Les ateliers et les collaborateurs ........................ 29
B. Le coadjuteur: du collaborateur laïc au religieux laïc 30
C. Les premiers « salésiens coadjuteurs» ..... .. ... .... .. ... .. 33
a. Quelques dates .................................................. 34
b. Provenance et fonctions ..................................... 37
D. La pensée de Don Bosco dans les dix dernières an-
nées de sa vie, source et point de référence ........... 39
a. La pensée de Don Bosco .................................... 40
b. Evénements salésiens 1880-1886 ......................... 54
c. Le document de 1886 (CG4) .............................. 57
12.2 Le développement de l'idée dans le sillage des origines:
de don Rua à Vatican II ........ ...... ... ............ ... ......... .... 59
A. Rectorat de don Michel Rua (1888-1910) ................. 59
a. Des ateliers aux écoles professionnelles .............. 59
b. Quelques données statistiques .. .......................... 59
c. Les documents ................................................... 60
5

1.4 Page 4

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B. Dans la Congrégation en expansion: du rectorat du
Père Paul Albera (1910-1921) à celui du Père René
Ziggiotti (1952-1965) et au Concile Vatican II ......... 64
a. Après la première guerre mondiale .................... 64
b. Rectorat du Père Philippe Rinaldi (1922-1931) ... 65
c. Rectorat du Père Pierre Ricaldone (1932-1951) ... 69
d. Rectorat du Père René Ziggiotti (1952-1965) ....... 73
12.3 Dans le travail de rénovation de la période post-
conciliaire .................................................................... 75
2. L'IDENTITE DE LA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR:
APPROFONDISSEMENTS THEOLOGIQUES ...... .. .. ... ......... .... 78
2.0 PREAMBULE ........................................................................ 78
2.1 IDENTITE: SES NOMBREUSES SIGNIFICATIONS ...................... 79
21.1 L'identité salésienne: aspects quantitatif et qualitatif ..... 79
21.2 L'identité salésienne: aspects personnel et communautaire 80
21.3 L'identité salésienne: aspect relationnel ........................ 81
21.4 L'identité salésienne: la réalité et l'idéal ....................... 81
21.5 L'identité salésienne institutionnelle .............................. 82
21.6 L'identité salésienne exprimée: né~essité et limites ....... 83
21.7 Le cheminement historique de l'identité salésienne ....... 84
21. 8 Le sens de l'identité «collective» ................................. 85
2.2 QUELQUES ASPECTS GENERAUX DE L'IDENTITE DU SALESIEN
COADJUTEUR: CRITERES .. ... . .. .. .. ... . .. .. . ... . .. .. . ... .. .. .. . .. ... .. . ... .. .. 86
22.1 La consistance numérique et la situation géographique . 86
22.2 Les appellations de «coadjuteur» et de «salésien laïc» . 88
22.3 Influence des structures ............................................... 90
22.4 Les valeurs économiques et esthétiques ........................ 93
22.5 Incidence de la culture sur l'identité salésienne ............ 95
A. Culture et cultures .................................... ........ ..... 95
B. L'Eglise, la Congrégation et les cultures ................. 96
C. Les lieux de production et le réseau de diffusion ... 97
D. Un système culturel ..... .......................................... 98
a. Une histoire et un calendrier salésiens .............. 98
b. Une géographie et une onomastique salésiennes . 98
c. Une liturgie et une sensibilité éthique salésiennes 99
d. Une pensée philosophique, théologique et sociale à
la base du Système préventif .......................... .. 99
e. Une «politique» salésienne ................................. 100
f. Une hagiographie salésienne ..... .... ............ .. ...... .. 100
6

1.5 Page 5

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E. Incidence de la culture sur l'identité du salésien
coadjuteur .............................................................. 101
2.3 TRAITS FONDAMENTAUX DE L'IDENTITE DU SALESIEN COADfü-
TEUR .................................................................................. 102
23.1 Dans la Famille salésienne, la communauté SDB est une
communauté originale .................................................. 102
A. Une communauté fraternelle ... ..... ...... .... ..... .... .. ... .. 103
B. Une communauté apostolique ouverte à la sécularité 105
23.2 La vocation du salésien coadjuteur se caractérise par la
laïcité .......................................................................... 108
A. Laïcité en référence avec la création ...................... 109
B. Laïcité en référence avec la mission de l'Eglise ...... 111
a. La «laïcité» propre aux fidèles laïcs est liée à leur
« caractère séculier» ............................................ 112
b. La laïcité ou sécularité consacrée ...................... 114
C. Laïcité en référence avec la vie religieuse .............. 115
23.3 Caractéristiques de la vocation du salésien coadjuteur .. 116
A. Une vocation qui se greffe sur la vocation chrétienne 117
B. Une vocation qui pratique radicalement un style
évangélique de vie et d'action ................................. 118
C. Une vocation religieuse laïque ................................ 119
a. Le salésien coadjuteur vit sa vocation de laïc en
tant que religieux salésien ........ .. ............. ........... 119
b. Le salésien coadjuteur vit sa vocation communau-
taire de religieux en tant que laïc salésien ........ 120
D. Une vocation au service de la mission salésienne .. 122
E. Une vocation salésienne concrète et complète ......... 123
F. Une vocation originale ............................................ 124
G. Une vocation porteuse de signification ................... 125
2.4 RECIPROCITE ESSENTIELLE ENTRE LES SALESIENS LAICS ET
LES SALESIENS PRETRES ...................................................... 125
24.1 Réciprocité des vocations ............................................. 126
24.2 Complémentarité fraternelle ......................................... 127
A Complémentarité au niveau de la conscience person-
nelle ........................................................................ 128
B. Complémentarité au niveau de l'apostolat .............. 129
24.3 Influence de la réciprocité et de la complémentarité sur
l'identité ...................................................................... 130
A. La réciprocité et la complémentarité caractérisent
notre identité personnelle ...... .. ................... ............. 130
B. La réciprocité et la complémentarité caractérisent la
Congrégation et ses communautés .......................... 131
7

1.6 Page 6

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24.4 Participation à la vie et au gouvernement de la Congréga-
tion ............................................................................. 132
A. La responsabilité du salésien coadjuteur dans les
structures d'animation et de gouvernement ............ 133
B. Le service du supérieur salésien comme prêtre ...... 134
2.5 L'ACTION APOSTOLIQUE DU SALESIEN COADJUTEUR .............. 134
25.1 Les fondements de l'apostolat du salésien coadjuteur ... 135
A. La vocation chrétienne commune à l'apostolat ....... 135
B. La manière salésienne de participer à la mission de
l'Eglise ................................................................... 136
25.2 Toute la vie du salésien coadjuteur est apostolique ...... 136
25.3 Le «monde du travail», champ d'action privilégié du sa-
lésien laïc .................................................................... 138
25.4 Une contribution spécifique à l'ouverture de la Congréga-
tion à la sécularité ....................................................... 139
2.6 QUELQUES TRAITS DE LA VIE SPIRITUELLE DU SALESIEN
COADJUTEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
26 .1 La vie spirituelle, c'est vivre l'esprit salésien ................ 141
26;2 Le salésien coadjuteur vit comme salésien laïc les atti-
tudes et les comportements propres à l'esprit salésien .. 142
A. Il vit avec joie et reconnaissance sa vocation salé-
sienne '..................................................................... 142
B. Il vit en communion d'esprit et d'action avec les sa-
lésiens prêtres ......................................................... 143
C. Il vit dans le « monde du travail» certaines valeurs
de l'esprit salésien .................................................. 143
D. Il vit auprès des jeunes et des fidèles laïcs dans l'op-
timisme, l'ardeur au travail et la tempérance ........ 144
E. En vivant et en travaillant selon l'esprit salésien, il
célèbre la liturgie de la vie .................................... 145
F. Il vit de façon caractéristique sa dévotion à Marie 145
26.3 L'esprit de notre Fondateur, lieu d'unité ...................... 146
26.4 Les témoins héroïques de la sainteté salésienne laïque .. 146
3. LA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR DANS LA
PASTORALE SALESIENNE DES VOCATIONS ....................... 148
3.1 LA PASTORALE DES VOCATIONS ...................................... 148
31.1 Organisation pastorale du travail pour les vocations ..... 148
31.2 Les références fondamentales pour une pastorale des vo-
cations ......................................................................... 151
8

1.7 Page 7

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31.3 Les tâches de la pastorale des vocations ...................... 153
31.4 Le cheminement de la vocation ................................... 155
3.2 LA PASTORALE DE LA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR 156
32.1 Raconter Don Bosco .................................................... 157
32.2 Présenter l'expérience actuelle ...................................... 160
32.3 Mettre en contact avec des modèles ............................ 162
32.4 Approfondir le caractère laïque .................................... 164
3.3 ACCUEIL ET ACCOMPAGNEMENT DE LA VOCATION DU SALE-
SIEN COADJUTEUR .. .. . ... .. .. . ... .. .. .. .. ... .. .. .. .. .. . .. .. .. . .. .. .. .. ... . .. .. .. 166
33.1 Objectifs de l'accompagnement .................................... 166
33.2 L'assistance individuelle ............................................... 168
33.3 Le groupe de jeunes .................................................... 169
33.4 Communauté d'accueil et d'accompagnement ............... 171
A. Le juvénat .............................................................. 172
B. Communautés de référence ..... ............................... 175
C. Insertion dans une communauté salésienne ........... 176
3.4 CONCLUSION: ANIMER, PRIER .............................................. 177
4 DIRECTIVES POUR LA FORMATION DU SALESIEN COADJU-
TEUR .................................................................................... 181
4.0 INTRODUCTION .................................................................... 181
40.1 Un engagement extraordinaire dans la formation ......... 181
40.2 Les raisons profondes .................................................. 182
4.1 LES CONTENUS GENERAUX DE LA FORMATION ..................... 183
41. 1 Les contenus spécifiques .............................................. 184
41.2 L'organisation des contenus ......................................... 185
41.3 Un processus unitaire et complexe ............................... 186
4.2 SPECIFIER LES VALEURS ...................................................... 187
42.1 Dans « une alliance particulière » .. . •. . .. . •.. . .. •. •. .. . •••.. . •. .. .. 187
42.2 La mission apostolique ................................................ 191
A. Les valeurs et les attitudes du « sens pastoral» ...... 191
B. Capacité pour l'action ............................................ 193
C. Fonctions, ministères et champs d'action ............... 193
D. Educateur de la foi dans le « monde du travail» ... 196
9

1.8 Page 8

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42.3 La communion dans la communauté ........................... 199
42.4 Un style de vie dans la radicalité de l'Evangile ............ 200
42.5 La «laïcité» du salésien coadjuteur: une façon d'être et
de travailler ................................................................. 203
42.6 Une croissance constante en «humanité» .... .... ......... .. .. 206
A. Une bonne santé psychique: l'intégration ............... 207
B. Les vertus sociales ................................................. 209
C. La maturité intellectuelle: intelligence, capacité de
réflexion et de jugement ......................................... 210
4.3 UNE METHODE: MOTIVER LES COMPORTEMENTS ET EN FAIRE
L'EXPERIENCE . .. .. . .. .. .. .. .. . .. ... . .. ... .. . ... . ... .. . .. .. .. . .. .. . ... .. . ... .. . .. .. 211
43.1 Un aspect préalable et décisif: les motivations premières 211
43.2 «Faire l'expérience» .................................................... 214
A. Un principe méthodologique ................................... 214
B. La finalité .............................................................. 215
C. Quelques conditions ............................................... 215
a. Dans les «activités» ........................................... 216
b. Activités dont les «motifs» sont vrais et authenti-
ques ................................................................... 216
c. Expérience, conscience, communication ............. 217
d. La communauté, lieu où se fait la communion 219
e. Une communauté riche en « modèles» ............... 220
4.4 QUELQUES PHASES DE LA FORMATION INITIALE ................... 221
44 .1 Le postnoviciat ............................................................ 221
A. Les objectifs ........................................................... 223
a. Intégration de la foi, de la vie et de la culture . 223
b. Maturation de la vocation salésienne ............. .... 224
c. Formation intellectuelle plus directe et plus spéci-
fique .................................................................. 224
B. Orientations pour les études .. .............................. .. 225
a. Critère: un savoir unifié .................................... 225
b. Les sciences humaines ..... .. ...... .......................... 225
c. Les disciplines philosophiques .. .......................... 225
d. L'harmonie avec la conjoncture historique ........ 226
44.2 Après le stage pratique ................................................ 227
A. Principes et critères ....... ............ ........................ ..... 227
B. Les objectifs ........................................................... 228
C. Aspects du curriculum de la formation ..... ............. 229
10

1.9 Page 9

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5. CONCLUSION
232
Bibliographie ............................................................................. 234
Index analytique ....................................................................... 237
11

1.10 Page 10

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2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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Présentation
Chers confrères,
Je vous présente le volume: «LE SALESIEN COADJUTEUR». Il a
été voulu par le CG22 (Cf. doc. n° 9) dans le but d'« approfon-
dir l'identité de la vocation du salésien laïc ainsi que sa si-
gnification essentielle pour la vie et la mission de la Congréga-
tion, en tenant compte de la réflexion en cours dans l'Eglise» (ib.).
Pour répondre à ce désir, il considère les différentes
dimensions de cette vocation: son histoire, sa théologie et sa
spiritualité, sa pastorale et sa formation. Elles sont distinctes
entre elles, mais ne font qu'un dans l'exprérience personnelle
du salésien et de la Congrégation.
Il obéit à la volonté de l'assemblée capitulaire, et répond à
l'estime et aux éloges qu'elle a exprimés pour cette forme de
vocation et pour les salésiens qui sont appelés à la vivre.
A toutes les réflexions que vous rencontrerez je voudrais
ajouter quelques observations personnelles. Elles vous aideront,
je crois, à mieux comprendre la nature et les objectifs de ce
texte et les sérieux engagements pratiques qui s'en dégagent.
1. Approfondir et mettre à jour cette identité et s'engager par
conséquent dans les secteurs pratiques de la pastorale des
vocations et de la formation, cela veut dire:
- Faire le point, avant tout, sur ce problème qui a déjà
longuement été traité dans la Congrégation, en particulier
au cours de ces derniers temps;
Réveiller encore l'intérêt pour le but vivant et vital non pas
d'une «catégorie» de salésiens, mais de la Congrégation tout
entière. Le livre traite «du» salésien coadjuteur, non «des»
salésiens coadjuteurs seulement. La vocation du salésien laïc
concerne la signification essentielle de la vie et de la mission
de notre Société.
13

2.2 Page 12

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2. Ce travail a naturellement obligé ses auteurs à prendre
connaissance de ce que la Congrégation et l'Eglise ont pensé,
discuté et décidé dans leurs expériences et documents officiels
divers. Et dans son contenu et son langage, le texte a dû suivre
les directives et poursuivre les objectifs précis assignés par le
CG22 au dicastère pour la formation.
3. Le but principal est de fournir un cadre de référence à
jour pour la compréhension authentique et ouverte du profil du
salésien coadjuteur, considéré en lui-même et dans ses
relations. Le premier objectif du CG22, semble-t-il, n'était pas
de proposer sur le salésien coadjuteur un matériel édifiant
adapté à son animation spirituelle - cela aussi, certes - ; mais
d'approfondir le profil du salésien laïc en tenant compte de la
réflexion en cours dans l'Eglise.
Il invite à se placer aux points de vue de la pastorale et de
la formation, de l'histoire et de la théologie. Cela implique un
choix de sujets et de problèmes, d'instruments et de méthodes,
parfois pas toujours faciles à traiter, mais importants. Ce qui
suppose aussi un choix des destinataires. En premier lieu ceux
qui ont des charges spécifiques et des responsabilités directes en
fait de pastorale des vocations et de formation: les provinciaux,
les conseillers provinciaux, les membres des commissions, les
directeurs, les formateurs et ceux qui travaillent dans la
pastorale. Ce dossier leur servira à transmettre aux commu-
nautés la substance, les méthodes et les moyens qu,'il suggère
pour leur donner une connaissance et une conviction plus
salésiennes, renforcer le sens de leur responsabilité, et les pous-
ser à prendre des initiatives concrètes de pastorale pour les voca-
tions et leur formation.
4. Les objectifs proposés pourront parfois paraître trop
exigeants et trop élevés, ou peut-être aussi, du moins en partie,
peu en rapport avec les conditions réelles du problème.
Je dirais qu'il s'agit des deux aspects à la fois. Je
m'explique. Il ne faut pas considérer les idéaux comme un
jugement sur ce qui est, mais comme un appel à orienter
sincèrement notre vie vers ce qu'il nous faut devenir. Alors cet
idéal (il en faut!) exprime la richesse de notre vocation ainsi
14

2.3 Page 13

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que le sens du don privilégié que Dieu nous offre et qu'il est
disposé à rendre réel et à développer peu à peu, avec notre
collaboration, bien plus qu'un jugement sur une vie, la nôtre,
que nous percevons avec toutes ses limites et si loin de la
perfection. Ne nous décourageons donc pas!
Chers confrères, j'ai estimé important de faire ces
considérations pour vous aider à comprendre ce texte. Il en
complète d'autres publiés auparavant qui parlent de profils et
de tâches importantes au service de la vie et de la mission
salésiennes. Il nous montre le long chemin que la Congrégation
a parcouru pour en prendre conscience et l'exprimer, et ce n'est
pas rien. Nous souhaitons que les résultats concrets fassent le
même progrès.
J'estime enfin devoir remercier ceux qui ont collaboré à la
composition et à la rédaction de ce dernier texte, 1 vous
souhaiter et vous demander ce que Don Bosco a souhaité et
demandé aux vingt-deux novices coadjuteurs dans le discours
programme qu'il leur fit à San Benigno: « Votre nombre
grandira; mais il faut surtout qu'il grandisse en bonté et en
énergie».
Mettons-nous au travail avec la passion salésienne!
Saluts cordiaux dans le Seigneur.
Rome, 24 mai 1989.
Père Egidio Vigano
Recteur majeur
1 Les Pères Barroero, Midali, Natali, Semeraro et Vecchi coordonnés par le
dicastère pour la formation.
15

2.4 Page 14

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2.5 Page 15

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O. INTRODUCTION
Le CG22 a donné peu d'orientations pratiques. Il en consacre
cependant une aux salésiens coadjuteurs. Il pris le temps de
réfléchir à ce problème parce qu'il est réel et pas facile, et qu'il
avait besoin d'une solution.
L'assemblée a donc voulu:
- qu'on approfondisse « aux différents niveaux la richesse de
l'identité de la vocation du salésien laïc ainsi que sa
signification essentielle pour la vie et la mission de la
Congrégation, en tenant compte de la réflexion en cours dans
l'Eglise»;
- que dans le cadre de la pastorale des vocations et de leur
formation, les provinces en ressentent l'urgence et multiplient
les initiatives;
- qu'on favorise une meilleure insertion du salésien coadjuteur
dans les structures d'animation et de responsabilité. 1
En août 1980, le Recteur majeur avait déjà commencé et
développé une réflexion sur ce « sujet vital » dans sa lettre: « La
composante laïque de la communauté salésienne». Il s'agit,
affirmait-il, non seulement du confrère coadjuteur, mais de
chacun de nous; de nous tous ensemble, de la communauté et
de son originalité salésienne, de la Congrégation et de ses
dimensions co-essentielles.2
Depuis lors, différentes rencontres provinciales, inter-
provinciales et régionales se sont penchées sérieusement sur
le problème sans attendre les Chapitres provinciaux de
I Cf. CG22, documents: n. 9.
2 Cf. E. VIGANô, La Composante laïque de la communauté salésienne, en
ACS 298 pp. 3-57.
17

2.6 Page 16

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mi-sexennat. C'était pour mettre fin aux recherches et aux
clarifications et entamer les essais de réalisation et d'application
pratique. Et le travail a été bon, en particulier pour la pastorale
des vocations et la formation. On en a tenté une évaluation et
publié des conclusions.3
Les Chapitres avaient accordé une grande importance à ce
sujet, mais ils parlaient davantage des projets à réaliser que des
réalisations concrètes déjà en cours ou mises sur pied. Et ils
soulignaient quelques axes communs de formation:
- Une formation spirituelle capable d'amener le confrère à être
« un homme de Dieu », un éducateur de la foi parmi les
jeunes et le peuple, qui complète l'action du salésien prêtre;
- Une formation apostolique particulièrement sensible au
monde du travail et attentive à la dimension missionnaire;
- Une formation intellectuelle qui, sur la base commune,
réponde au style particulier de cette forme spéciale de
vocation.
Il fallait insister sur ces différents points à cause des
exigences de la vie et de la mission salésienne « sur place », et vu
le nombre, les aptitudes et la disponibilité des sujets.
Cette publication: « LE SALESIEN COADJUTEUR», demandée par le
CG22, se situe au cœur de cet effort. Elle veut l'accompagner et
le motiver davantage.
Le moment nous semble bon pour la sortir, car nous
disposons à présent d'un matériel suffisant:
- La réflexion sur l'expérience de l'Eglise et de la Congré-
gation, qui tient compte aussi des tout derniers documents;
- L'information fournie par les Actes des différentes rencontres
sur les salésiens coadjuteurs à propos de l'organisation et de
la marche des expériences, pastorales et formatives, en cours;
- Le dialogue direct sur le sujet au cours des « visites
d'ensemble».
3 Cf. P. NATAL!, La Formation du salésien coadjuteur: une conscience et
une prise en charge croissantes, en ACG 323, pp. 26-36.
18

2.7 Page 17

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Le texte comporte quatre chapitres.
Le premier a un caractère historique: « NOTES HISTORIQUES SUR
LE SALESIEN COADJUTEUR». D'abord une courte notice sur la
genèse et l'histoire des différents types de religieux laïcs dans
les différents ordres et Congrégations; puis une recherche sur
les origines du salésien coadjuteur et son développement au
cours de notre histoire et de notre tradition.
- Son profil s'est précisé avec le temps. Le second chapitre
l'approfondit dans une perspective théologique et spirituelle,
compte tenu, évidemment, de toute la recherche qui s'est
faite au niveau de la Congrégation et de l'Eglise. Il s'intitule:
« L'IDENTITE DE LA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR».
- Pour proposer et accompagner comme il se doit cette forme
de vocation, la pastorale peut tirer profit des acquis de cette
recherche qui permettent de mieux en comprendre les
valeurs. C'est le troisième chapitre: « LA VocATION DU SALESIEN
COADJUTEUR DANS LA PASTORALE SALESIENNE DES VOCATIONS».
- Enfin le quatrième chapitre montre comment le processus de
la formation doit assumer toutes ces valeurs; car elles
justifient les comportements et suggèrent la méthode la mieux
adaptée pour les assimiler personnellement: « DIRECTIVES POUR
LA FORMATION DU SALESIEN COADJUTEUR».
Il est clair que les « modèles » de salésiens laïcs qui vivent et
agissent avec sainteté, ardeur et joie dans la simplicité et le
travail de chaque jour ont plus de valeur que les mots et les
livres. Ces pages pourront aussi contribuer à motiver et à nourrir
leur vie et l'appel qu'elle constitue pour les jeunes. Elles seront
davantage encore utiles aux confrères à qui l'obéissance confie la
tâche de proposer la vocation et de la former.
19

2.8 Page 18

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1. NOTES HISTORIQUES SUR LE SALESIEN COADJUTEUR
1.1 APERÇU HISTORIQUE
Il est connu que l'histoire de la vie religieuse est riche et
complexe. Il est possible de l'étudier à de nombreux points de
vue: charismatique, institutionnel et général.
La succession des différentes formes de vie religieuse
«laïque» est à situer au creux de cette évolution multiple, sous
peine d'en faire une lecture non objective, voire déformée. Mais
pour introduire le véritable sujet de ce chapitre, nous nous
contentons de quelques lignes, et nous renvoyons éventuellement
aux études spécialisées peu nombreuses sur la question, par une
bibliographie annexe. 1
11. l Dans le monachisme
Les origines du monachisme, en particulier en Orient,
constituent un phénomène extrêmement complexe. On peut
cependant affirmer que les premiers moines étaient en général de
simples «laïcs » et que le sacerdoce était une exception chez
eux.2
1 L'essentiel de la matière de cette « note historique» est pris dans M.
SAUVAGE, art. Fratello en Dizionario degli lstituti di Perfezione (dir. Pelliccia G. -
Rocca G.), Vol. N, Rome 1977, col. 762-794. On y trouve une bibliographie sur
ce thème particulier aux col. 792-794. Il est utile de consulter les Actes des
différents congrès sur le profil du religieux laïc qui se sont tenus dans chaque
institut ou en différentes régions géographiques et linguistiques, pour se pencher
également sur les siècles passés. Ainsi par exemple la relation de T. TURRISI sur
La Figura storico-giuridica del religiosa fratello dalle origini al Vaticano II, en
Il Fratello religioso nella comunità ecclesiale oggi, Rome 1983, pp. 25-49.
2 Cf. G. M. CoLOMBAS, El monacato primitivo, 1, Madrid 1974 pp. 64-68.
20

2.9 Page 19

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«Au cours des premiers siècles du moyen âge, le monachisme
se développe en Occident et l'évolution de la société chrétienne
contribue à rapprocher les moines de l'état clérical, alors que
jusqu'à cette époque ils se situaient plus près des laïcs. [...] Le
nombre des moines-prêtres augmente dans les communautés,
mais il est difficile d'avancer des statistiques précises: on parle
de 20 p. 1OO de prêtres et de diacres à la fin du huitième siècle,
de 60 p. 100 au neuvième et de 75 p. 100 au dixième». 3
Au douzième siècle, en particulier avec les chartreux et les
cisterciens, les «convers» laïcs assument une caractéristique
propre et prennent un grand développement. «Les avis des
spécialistes sur les raisons de l'institution des frères convers sont
divergents. [...] Le premier canon conciliaire qui parle d'eux
date du deuxième Concile œcuménique du Latran (1139): ils y
figurent sur la liste des sujets qui ne peuvent pas contracter de
mariage valide. [...] L'Eglise reconnaissait donc aux convers un
statut religieux authentique comme aux moines». 4
11.2 Dans les ordres mendiants
Les dominicains et les franciscains ont à leur début une
forme de vie et de mission différente; leur conception du profil
du religieux laïc est donc différente elle aussi.
L'ordre des «frères prêcheurs » (dominicains) est clérical dès
ses origines, mais saint Dominique y adjoint les «frères convers»
pour leur confier les responsabilités matérielles des couvents. «A
l'origine, ils sont les compagnons de leurs confrères prêtres et les
différences entre les uns et les autres sont à rechercher au
niveau des fonctions et non à celui de l'état religieux ». 5
Par contre, la majorité des premiers compagnons de saint
François étaient des laïcs. Les textes législatifs franciscains ne
parlent donc pas de frère «convers», mais de frère «laïc».
3 M. SAUVAGE, o. c., col. 766.
4 lb. col. 766.
5 lb. col. 768.
21

2.10 Page 20

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Cependant chez les frères ,mineurs également se vérifie bientôt
un rapide processus de cléricalisation. Un phénomène analogue a
lieu dans l'ordre du Carmel.
«Avec le Concile de Trente (session XXII, De reformatione,
c. 4), toutes les charges de supérieurs, dans les familles reli-
gieuses cléricales, furent réservées aux prêtres, mais les
familles franciscaines protestèrent contre cette décison; ils
durent cependant s'y conformer par la suite».6
11.3 Dans les ordres et les congrégations religieuses modernes
Au seizième siècle surgirent les nouveaux ordres: les théatins,
les barnabites, les somasques, les jésuites et d'autres encore,
composés en majorité de «clercs». Mais tous ont également des
religieux laïcs qui vivent avec les religieux prêtres, avec des
charges diverses.
«Dans la plupart des congrégations cléricales fondées aux
dix-huitième et dix-neuvième siècles, à côté des prêtres se
trouvent des frères laïcs qui reçoivent des appellations diverses
(coadjuteurs, coopérateurs, auxiliaires etc.). Ces religieux
exercent en général des charges matérielles; dans certains
ordres, surtout missionnaires, ils ont été engagés dans des tâches
apostoliques (catéchistes en particulier), mais ce n'est souvent
resté qu'à l'état de souhait à cause des difficultés».7
Nous pourrions conclure par cette remarque: « L'histoire des
membres laïcs des congrégations religieuses n'a pas fait l'objet de
nombreuses recherches historiques. Si une certaine attention
s'est portée sur les ordres de fondation ancienne, les
congrégations issues au dix-neuvième siècle n'en ont retenu que
bien peu dans l'ensemble... ».8
6 lb. col. 769.
7 lb. col. 770.
8 P. STELLA, Cattolicesimo in Italia e laicato nelle Congregazioni religiose. Il
casa dei coadiutori salesiani (1854-1974), en Salesianum XXXVII (1975), 411.
22

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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***
Par la force des choses, cet exposé trop sommaire d'un vécu
très long et complexe a quelque peu tronqué et par conséquent
faussé les proportions entre ses différentes étapes et les formes
qu'il a progressivement prises. Il sera cependant possible de
mieux comprendre la réalité du religieux laïc si on la replace
dans son vrai contexte à l'aide d'une des « histoires de la vie
religieuse» disponibles aujourd'hui dans diverses langues. Par
exemple L. HOLTZ (1986) en allemand; A. LOPEZ AMAT (1987) et J.
ALVAREZ GOMEZ (1989) en espagnol; J. LOZANO (1988) en anglais;
AuGÉ-SAsTRE-BORRIELLO (1988) en italien. Nous y renvoyons le
lecteur et l'invitons à les lire. C'était un des buts de cet aperçu
historique.
1.2 LE RELIGIEUX IAIC DANS LA CONGREGATION SALESIENNE
12.1 Les origines. L'époque de Don Bosco
La Société salésienne a fait ses premiers pas à Turin. Cette
ville a été le centre politique des mesures qui ont, comme on le
sait, supprimé les ordres et les congrégations après 1848; mais
aussi le sommet économique de la première révolution pré-
industrielle en Italie. Depuis tout un temps déjà, le milieu
ecclésial catholique montrait lui aussi des signes évidents de crise
et cherchait une nouvelle identité. Dans le cadre des commu-
nautés religieuses traditionnelles en particulier, l'illuminisme
faisait des ravages, et de nombreuses tentatives de renouvelle-
ment et de réforme étaient souvent tombées dans le vide ou
restées lettre morte. 9
9 La dernière tentative, après celles de Pie VII immédiatement après son
retour d'exil à Rome, et celles de Léon XII, limitées aux ordres et aux
congrégations existant dans les Etats pontificaux, a été celle de Pie IX qui
institua en 1847 une Congrégation sur l'état des Réguliers et envoya le 7 août de
la même année à tous les évêques des différents Etats italiens une lettre circulaire
dans laquelle il invitait « à fournir les renseignements nécessaires sur l'état des
Réguliers... ; à préciser les causes des abus qui auraient pu s'introduire dans ces
23

3.2 Page 22

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Dès le début du dix-neuvième siècle, après la suppression par
Napoléon des ordres et des congrégations, puis leur rétablis-
sement laborieux, s'étaient fait entendre des voix sensibles et aver-
ties pour réclamer un changement équilibré dans leur composi-
tion et leur structure. Ce n'est qu'ainsi qu'ils pourraient vraiment
être «utiles à Dieu et à la société».
Les congrégations très nombreuses apparues alors
n'échappèrent pas aux impératifs de l'époque. Bien qu'avec de
fortes différences, elles oscillèrent entre «le modèle traditionnel
et remis en vigueur» et le «modèle nouveau» de l'association
d'origine privée de laïcs catholiques, où la «laïcité» précisément
jouait un rôle différent de l'«oblat» ou du «convers» tradition-
nels. Ce modèle d'association se présentait comme le témoin
d'une réalité évangélique fondamentale: la possibilité de se sanc-
tifier ouverte à tous, sans distinction de catégories et en pleine
égalité de droits. Sous l'aiguillon des principes pas toujours
sains ni désintéressés de la Révolution française, la théologie
morale de l'époque fut amenée à retourner aux vérités anciennes
et à les remettre opportunément en honneur. La littérature
et l'expérience historique de saint François de Sales offrirent
aux ecclésiastiques ayant charge d'âmes une référence solide
pour parler à nouveau de la «sainteté des laïcs» et l'estimer
comme leur appartenant de plein droit.
Renforcée par ses vertus et son naturel, la formation humaine
et religieuse de Don Bosco fut marquée par cette manière de
voir. Elle se retrouve tout entière dans son projet de congréga-
tion ouverte - on pourrait dire «naturellement » ouverte - aux
prêtres et aux laïcs, unis entre eux par la recherche commune
de la perfection et de la charité chrétienne.
« Pour expliquer l'apparition du profil du " coadjuteur ", il ne
suffit pas de faire appel à des raisons historiques ni à la faveur
du moment, à la conformité à la tradition, à des intérêts ni à des
corporations religieuses, et à indiquer les moyens les plus convenables et les plus
efficaces pour les faire disparaître». Toute la documentation, qui est conservée
dans les Archives secrètes du Vatican, atteste avec précision le malaise diffus et
le besoin de repenser concrètement les structures religieuses compte tenu des
exigences nouvelles de l'époque.
24

3.3 Page 23

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raisons d'organisation. Le motif est avant tout surnaturel: la
volonté d'étendre l'expérience et la perfection chrétiennes, avec
toute leur élévation et leur noblesse, au plus grand nombre
possible d'âmes de toutes catégories ». 10
A. Au départ de cette nécessité: la naissance et les besoins cil:'~
ateliers et des écoles d'arts et métiers à l'Oratoire
C'est une nécessité banale, mais de nature à suggerer à des
hommes intelligents et courageux les plus L"<1 raurdinaires entre-
prises, qui dicta à Don Bosco l'idée dl' funder ses ateliers pour
artisans.
D'autres l'avaient déjà préccdé. A l'ombre de la Restauration,
il est possible de rencontrer des écoles d'arts et métiers fondées
par d'authentiques pionniers. Jean Bosco n'avait que six ans
lorsque l'entreprenant chanoine de Brescia, Louis Pavoni, ouvrit
l'Institut Saint-Barnabé pour les jeunes gens pauvres avec une
première série d'ateliers qui, en l'espace de dix ans, compta la
typographie et la chalcographie, la reliure et la papeterie,
l'orfèvrerie, la menuiserie, la ferronnerie et la cordonnerie. 11
C'est parmi les garçons formés dans ces ateliers que le chanoine
Pavoni pouvait trouver ses meilleurs collaborateurs qui deve-
naient ensuite prêtres ou frères « coadjuteurs » pour continuer
à enseigner dans les mêmes ateliers. Pavoni mourut en 1849
et il ne semble pas, au stade actuel des recherches, qu'il ait eu
une influence directe sur le futur organisateur des ateliers du
Valdocco. 12
10 P. BRAIDO, Religiosi nuovi per il monda del lavoro, Rome 1961, pp.
16-17.
11 Voir les Actes du congrès d'étude Lodovico Pavoni e il sua tempo.
1784-1849., Brescia 30 mars 1985.
12 Deux indications se trouvent dans une lettre de Rosmini à Don Bosco et
l'autre dans une allusion à une «mission à Brescia» de son ami l'abbé P. Ponte,
à l'époque directeur de l'Oratoire Saint-Louis à Porta Nuova, jusqu'à la fin de
1849. Il est très probable que Don Bosco ait été directemnent lié au moins à la
production de la typographie de l'Institut Saint-Barnabé qui édita entre autres
l' Opera omnia de saint François de Sales.
25

3.4 Page 24

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a. La naissance des ateliers
Ce fut précisément en 1853, dans un local étroit du Val-
docco, que Don Bosco commença à réaliser ses ateliers.
Préoccupé des besoins matériels, intellectuels et moraux d'un
bon nombre de garçons et de jeunes travailleurs, Don Bosco
s'était déjà employé à leur trouver un emploi dans les boutiques
artisanales de Turin et souvent même à conclure pour eux des
contrats d'apprentissage. Les archives centrales salésiennes
conservent les exemplaires de ces contrats conclus en faveur de
Joseph Bardane (1851), de Joseph Odasso (1852) et de Félix
Paoletti (1855).
Mais envoyer chaque jour ses jeunes gens dans les boutiques
et les ateliers se révéla plein d'inconvénients et de risques:
« Bientôt, écrit à ce sujet l'historien Danilo Veneruso, Jean Bosco
se rendit compte que cette façon de faire ne correspondait pas
du tout à la psychologie des jeunes, aux finalités de l'éducation
chrétienne ni même aux besoins de production de la société
contemporaine. Ce qu'il faisait pour aider les jeunes à court et à
moyen termes pouvait résoudre leurs besoins immédiats, mais
pas le problème de leur avenir. A la suite de ses expériences, il
vit clairement que pour les aider, il devait unir deux choses: un
programme d'éducation, avec des objectifs clairs, et la réponse
active et consciente du jeune à éduquer. Cet apprentissage
complexe était le seul moyen de mettre ce dernier en mesure
d'utiliser sa capacité et sa liberté pour se gouverner lui-même et
de collaborer à sa croissance personnelle et sociale ». 13
C'est Don Bosco lui-même qui, à différentes reprises, a
exprimé les raisons qui l'ont poussé à adjoindre les ateliers
internes à ses cours du dimanche et du soir, commencés en
1845, et à sa « société de secours mutuels», fondée en 1850 :
« Nous n'avions encore aucun atelier dans la maison, écrit-il. Nos
élèves allaient au travail ou aux cours à Turin, et cela au grand
dam des bonnes mœurs. Les compagnons qu'ils rencontraient, ce
13 Cf. D. VENERUSO, Dai laboratori agli istituti professionali, en P. BRAIDO,
Don Bosco nella Chiesa a servizio dell'umanità. Srudi e Testimonianze., LAS
Rome 1988, p. 133.
26

3.5 Page 25

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qu'ils entendaient et voyaient, tout cela rendait vain ce que nous
pouvions faire ou dire à l'Oratoire ».14
Don Bosco commença par prendre en charge les cordonniers
et les tailleurs. Il s'empressa d'écrire un « Règlement des
ateliers» adapté pour les différents maîtres d'apprentissage. 15 Ils
devaient « instruire les apprentis et faire en sorte qu'ils ne
manquent pas de travail». L'année suivante s'ajouta un atelier de
reliure qui, en l'espace d'un an, était déjà en mesure d'accepter
des commandes de travaux. 16 A la fin de 1856 s'ouvrit l'atelier
des menuisiers. Quant aux ateliers de typographie et de forge,
même si Don Bosco en caressait le projet dès le début, le coût et
la complexité des machines et de l'outillage, ainsi que la
nécessité de locaux adaptés, imposèrent d'attendre les années
60.17 Le Père Lemoyne signale aussi des locaux destinés aux
teinturiers et aux chapcliers. 18
Il est possible de se faire une idée complète des ateliers
existant à l'Oratoire à partir d'un .lpl'rçu de la Pieuse Société de
saint François de Sales daté du 23 fé\\1ier 1874 et rédigé pour la
S. Congrégation des Evêques et Réguliers en \\·Ul' de l'approba-
tion des Constitutions: « Dans différents ateliers <le !'Etablisse-
ment, y est-il écrit, les artisans exercent divers métiers: c01don-
nier, tailleur, forgeron, menuisier, ébéniste, réparateur, libraire,·
relieur, compositeur, typographe, chapelier, musique, dessin, fon-
deur de caractères, stéréotypiste, chalcographe et lithographe ». 19
14 MO 205; éd. fr. 200. [Pour la signification de ces sigles, se reporter à
« DON Bosco » dans la bibliographie] .
Voir encore dans « Invito ad una lotteria d'oggetti in Torino a favore degli
Oratori » [Invitation à une loterie d'objets à Turin en faveur des Oratoires],
janvier 1862.
15 Cf. MB IV, 660. Sur les raisons et les modalités de l'implantation des
ateliers à l'intérieur du Valdocco, voir P. STELLA, Don Bosco nella storia econo-
mica e sociale (1815-1870), Rome 1980, pp. 243-249, 383-386.
16 On trouve des demandes dans ce sens dans plusieurs numéros du journal
local l'Armonia de cette année-là: cf. MB V, 540.
17 La typographie débutera le 31 décembre 1861 et l'atelier de forge en
même temps que les travaux du Sanctuaire de Marie Auxiliatrice en 1862.
18 MB VII, 116.
19 MB X, 946.
27

3.6 Page 26

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b. Jean Bosco et son expérience du travail
L'orientation et la décision de Don Bosco pour un éventail
aussi large de « métiers » ne sont pas le fruit du hasard. Son
expérience personnelle et sa connaissance des jeunes ont joué un
rôle important.
De souche et de mentalité paysanne, il avait su intégrer à son
vécu originel caractéristique du monde agricole l'expérience de
la vie artisanale que les nécessités et les situations lui avaient
offerte. A 15 ans, lorsqu'il fréquentait l'école publique de
Castelnuovo, il eut la possibilité d'apprendre la musique et la
couture chez l'« honnête homme» Robert Giovanni qui le gardait
en pension: « Je m'adonnai de tout cœur à la musique, écrira-t-il
dans ses mémoires. [...] Très vite je réussis à coudre des
boutons, à ourler une étoffe, à faire des coutures simples ou
doubles. J'appris bien vite à confectionner des caleçons, des
gilets, des culottes, des vestes. Il me semblait que j'étais devenu
un maître tailleur de première force ». 20
A Chieri, en 1833 et 1834, pour continuer ses études, il fut
obligé de travailler comme garçon de café et, en peu de temps,
il assimila les secrets de son employeur: « Au milieu de l'année,
j'étais capable de préparer café et chocolat. Je connaissais
proportions et recettes pour confectionner des bonbons, des
liqueurs, de la crème glacée, des boissons rafraîchissantes ».2'
Ses occupations scolaires lui firent préférer les
travauxd'intérieur et pas trop lourds, mais dès qu'arrivaient les
vacances, malgré sa soutane de séminariste, il s'adonnait à des
activités plus dures et plus exigeantes: « Je fabriquais au tour
toutes sortes d'objets: fuseaux, taquets, toupies, boules, balles. Je
confectionnais des habits, taillais et cousais des chaussures,
travaillais le fer ou le bois. J'ai encore en ma maison de
Murialdo un pupitre, une table et quelques chaises qui me
rappellent les chefs-d'œuvre de mes vacances. Je m'employais
aussi à faucher l'herbe dans les prairies ou à moissonner le blé
20 MO, 45; éd. fr. 53-54.
21 MO, 62 S.; éd, fr. 71.
28

3.7 Page 27

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dans les champs. Je taillais et nettoyais la vigne, je faisais la
vendange, je cueillais et pressais le raisin, etc.». 22
C'est à juste titre que son troisième successeur, le Père
Philippe Rinaldi, écrira: «La Providence a fait en sorte que Don
Bosco exerce à peu près tous les métiers: il a été agriculteur,
tailleur, cordonnier, forgeron, menuisier, typographe pour que
ses fils coadjuteurs puissent dire avec une sainte fierté: Don
Bosco a exercé lui aussi mon métier! C'est ce qui a fait de notre
vénérable fondateur le modèle parfait des prêtres, mais aussi des
coadjuteurs ». 23
L'expérience du travail manuel a rendu Don Bosco capable
d'en comprendre la valeur en vue d'une formation humaine
valable et complète. Malgré ses études de séminariste, il n'a
jamais sous-estimé les activités profanes comme s'il fallait s'en
garder pour ne pas compromettre la dignité et l'esprit
ecclésiastique. 24
Tout en partageant cette préoccupation (il répétait souvent
aux salésiens coadjuteurs: «Vous pouvez faire ce qui n'est pas
accordé aux prêtres»), Don Bosco avait une haute estime du
travail pour sa valeur sociale et éducative. Le travail développait
chez les jeunes le sens de la solidarité envers leurs camarades,
spécialement dans les moments de danger moral et de besoin
matériel, et il les habituait au dialogue et à la responsabilité.
c. Les ateliers et les collaborateurs
Avec la création des ateliers internes, le point le plus délicat
et le plus urgent à résoudre fut celui du personnel chargé
d'enseigner et d'éduquer. Le problème ne trouva sa solution
qu'« après de laborieuses expériences. Don Bosco lui-même en a
résumé les phases à l'occasion d'une discussion survenue au
22 MO, 95 s.; éd. fr. 104.
23 24 juillet 1927.
24 Les prescriptions synodales et les manuels de formation ecclésiastique du
dix-neuvième siècle ne cessaient de répéter qu'il ne convenait pas que le prêtre
s'occupe personnellement de travaux «serviles ou profanes»: voir A. GAMBASIN,
Gerarchia e laicato in Italia nel seconda Ottocento, Antenore Ed., Padoue, 1969,
330 p.
29

3.8 Page 28

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Chapitre supeneur, le 14 décembre 1885: il refit alors l'histoire
de ses artisans à l'Oratoire [...] et énuméra les différents essais
qu'il avait faits avant d'arriver à une formule satisfaisante. [...]
Tant qu'il ne lui fut pas possible de se passer de chefs d'atelier
venus de l'extérieur, Don Bosco en fut réduit à les décharger de
toute tâche disciplinaire ou économique, mais il confiait ces
postes à des coadjuteurs salésiens, dont les premiers furent
Joseph Rossi, Joseph Buzzetti et le Chevalier Oreglia di S.
Stefano. Mais comment trouver des moniteurs à lui? [Parmi les
artisans de l'Oratoire], il y en eut toujours qui se sentaient
davantage attirés vers lui et dont il prenait un soin particulier
dans l'intention de s'en faire des collaborateurs. Ceux-ci
finissaient facilement par se décider à rester toujours avec Don
Bosco, et nous connaissons bien la valeur que cette expression
prenait à l'Oratoire. [...] Ils revenaient comme moniteurs dans
les ateliers où ils avaient été élèves ».25
Ainsi donc au début, c'était Don Bosco lui-même qui était
I'«assistant» et le premier «Maître» des arts et métiers. Puis,
avec réalisme, il eut recours à des experts en la matière et
appela à l'Oratoire de véritables moniteurs salariés. Le recrute-
ment de ces maîtres se révéla bientôt exigeant et sélectif: «Pour
qu'ils soient capables de former les élèves, il faut qu'ils aient
une moralité, un comportement et une science peu ordi-
naires, et par conséquent qu'ils soient bien payés».26
Il était difficile de trouver des gens possédant à la fois la
compétence professionnelle et les aptitudes morales et édu-
catives. Don Bosco entrevit la solution dans le choix de colla-
borateurs laïcs, résidant de préférence de manière stable à
l'Oratoire et en provenant.
B. Le coadjuteur: du collaborateur laïc au· religieux laïc
Puisqu'il ne voyait aucune barrière à mettre dans le domaine
de la perfection chrétienne et de l'apostolat, Don Bosco eut en
25 E. CERIA, Annali della Società Salesiana, Vol. 1, Turin 1941, pp. 651-652.
26 D'un mémorandum de Don Bosco au président du Comité des typo-
graphes de Turin en 1872: cf. Epistolario II, pp. 233-234 (date incomplète).
30

3.9 Page 29

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fait, dès les débuts de son œuvre, la collaboration concrète et
efficace des laïcs. Ce qui lui permit de constater directement la
valeur et l'impact de leur présence pour l'éducation des jeunes.
Les témoignages et les documents dont nous disposons ne
nous permettent certes pas d'établir si le salésien coadjuteur tel
qu'il se profile aujourd'hui est né de l'expérience et du génie de
Don Bosco en même temps que la Congrégation elle-même. On
estime plutôt que cette forme de vocation a dû mûrir d'une
façon normale et progressive: au début, Don Bosco la gérait
selon les manières de faire de son époque et de son milieu, puis
il la modifia et l'adapta aux besoins de son institution.
Le terme ou la qualification de «coadjuteur», qui se
rencontre pour la première fois dans les registres d'inscription
des jeunes gens du Valdocco en décembre 1854 à côté du nom
d'Alexis Peano, âgé de trente ans, ne comporte aucune
signification religieuse.27 Il manifestait la délicatesse et le respect
de Don Bosco envers ceux que d'autres appelaient simplement
des «domestiques». Il exprimait surtout un trait particulier de
la présence de ces laïcs parmi les jeunes: ils n'étaient pas
de simples subordonnés, mais des parties prenantes, des
collaborateurs. Le terme n'a donc pas la signification que nous
lui donnons aujourd'hui, mais il en porte le germe.
Dans un écrit encore inédit: Storia del Coadiutore salesiano
[Histoire du Coadjuteur salésien], rédigé sur un agenda de 1930
conservé aux Archives centrales salésiennes, le Père Joseph
Vespignani dit explicitement que « le nom de coadjuteur fut le
premier que Don Bosco donna à tous ses compagnons et arnis
qui avaient compris l'importance de l'œuvre des Oratoires,
c'est-à-dire d'instruire, d'assister et de guider dans les devoirs de
la vie chrétienne la pauvre jeunesse abandonnée».
La qualification de « coadjuteur » continuera longtemps à
désigner de façon générale les collaborateurs laïcs résidant au
Valdocco, qu'ils aient ou non fait profession dans la Société de
27 A. Peano entra à l'Oratoire en décembre 1854; il y resta moins de trois
mois, car il le quitta le 23 février 1855. Cf. P. STELLA, Cattolicesimo... , o. c.,
p. 413.
31

3.10 Page 30

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saint François de Sales. Jusqu'aux années 80, il y aura ce que P.
Stella appelle «la condition fluide des origines: des coadjuteurs
avec et sans vœux ». 28 « Les lacunes et les réticences des
Constitutions de 1868 [elles-mêmes] étaient peut-être le reflet
d'une situation volontairement fluide, vu que dans la vie
quotidienne il n'y avait pas de distinction formelle entre les
abbés de Don Bosco et ceux du diocèse, entre les coadjuteurs
avec vœux et ceux qui n'étaient que des hôtes ou des travailleurs
salariés ». 29 Il faudra arriver au CG3 de 1883 pour établir la
distinction 30 et réserver officiellement cette appellation aux
salésiens laïcs.
Ceux qui, au cours des vingt premières années de l'Oratoire,
sont appelés «coadjuteurs» sont environ une vingtaine, et leur
âge varie de 14 à 69 ans avec une moyenne de plus de 34 ans.
Plusieurs d'entre eux payent une pension minime et touchent un
salaire régulier en qualité de véritables employés ou de
travailleurs dans les ateliers d'arts et métiers de Don Bosco. Leur
présence au Valdocco est en général très irrégulière et
normalement de courte durée. Il s'agit probablement de quelques
uns de ces nombreux jeunes attirés de la province dans la
capitale par les usines qui, à Turin, commençaient à absorber de
la main d'œuvre. Ils trouvaient chez Don Bosco un premier
point d'attache jusqu'à leur embauche, sans obligation ni lien de
nature religieuse autres que ceux du bon chrétien.
Dans la turbulence du Valdocco dominée par la présence de
Don Bosco, confesseur et père spirituel, et imprégnée des
caractéristiques de son tempérament et de son idéal, les
«coadjuteurs» se trouvèrent mêlés, comme en famille et sans
28 Ibidem.
29 lb., p. 412.
30 Dans le compte rendu de la séance du 6 au matin, écrit par le Père G.
Marenco, on lit en effet cette remarque: « La question est posée de savoir s'il
convient ou non de laisser le nom de coadjuteur aux membres séculiers ou de le
remplacer par celui de confrère. Don Bosco et bien d'autres estiment qu'ils ne
faut rien changer, mais qu'il convient simplement de ne pas donner le nom de
coadjuteurs aux familiers». Rome, Arch. centr. sa!., Verbali del terza Capitolo
Generale tenuto al Collegio di Valsa lice nel settembre del 1883; cf. aussi en
MB XVI, 411 s.
32

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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distinction, aux différents groupes ou catégories qui y vivaient
(prêtres, abbés salésiens, séminaristes, étudiants et artisans). Le
tout dans un climat de famille et de participation active, malgré
les différences d'état.
Dans le secteur des artisans, le nombre et la qualité des laïcs
devinrent de plus en plus importants et indispensables. C'est
précisément parmi ces collaborateurs laïcs, de mieux en mieux
intégrés à l'esprit et au style voulus par Don Bosco, que
commença à prendre corps la réalité du « salésien coadjuteur».
Le passage était simplement intérieur, mais essentiel, sans
aucune nouveauté d'habit ni d'occupation. Car les travailleurs
laïcs qui désiraient rester avec Don Bosco et s'établir au
Valdocco étaient presque tous d'origine rurale ou populaire
urbaine. On sait que ces milieux sont « attachés à la religion»,
qu'ils maintiennent vivaces le sens de la Providence, l'observance
religieuse, le respect du clergé, la dévotion à Marie et la
fréquentation des sacrements.
L'élément le plus neuf et le plus remarquable, qui constituait
une inappréciable garantie de sécurité pour ces premiers
collaborateurs à cette époque de mobilité sociale, c'était la
certitude de pouvoir rester avec Don Bosco qui leur garantissait
« travail, pain et paradis».
Dans son texte inédit cité plus haut, le Père G. Vespignani
confirme· le fait: « En se faisant salésien, le coadjuteur de Don
Bosco ne pensait généralement pas vraiment à accepter une
règle ni à faire des vœux: il voulait rester avec Don Bosco pour
l'aider à réaliser ce qu'il voulait: c'est là qu'il plaçait son
bonheur. Le reste: la régularité, la perfection religieuse, la
profession des vœux, devait venir par après, selon les indications
de Don Bosco».
C. Les premiers « salésiens coadjuteurs»
Le profil caractéristique du « salésien coadjuteur » se prec1sa
au fil des vingt premières années de vie de la Société de saint
François de Sales. Pour le définir, «il n'est pas facile d'établir si
les motivations ont toutes été présentes à la fois chez Don Bosco
dès le début, ou si elles sont apparues progressivement au fil du
33

4.2 Page 32

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temps, parallèlement au développement progressif de son œuvre
[...]. Le tempérament particulier de Don Bosco, sa façon d'agir
et les précautions qu'il a dû prendre pour présenter sa nouvelle
Congrégation aussi bien aux jeunes candidats et aux membres
hypothétiques qu'au public et aux autorités, la méthode
caractéristique de progressivité qu'il adoptait pour mettre ses
œuvres sur "pied, la préférence qu'il accordait en général aux
faits et aux réalisations par rapport aux théories et aux
réglementations, et, par conséquent, le manque de documents à
ce sujet dans les premières années, ne facilitent pas la
réponse ».31
a. Quelques dates ainsi que quelques figures de base de la
première période donnent les grandes lignes qui permettent de
voir comment, à partir de 1860, il s'opère peu à peu une
distinction entre les «salésiens coadjuteurs » proprement dits et
les autres soi-disant «coadjuteurs » laïcs en général.
Dans l'assemblée du 18 décembre 1859, acte de naissance
officiel de la Société de saint François de Sales, ne figurent pas
les salésiens coadjuteurs.32 Mais le 2 février 1860 a déjà lieu
l'acceptation du premier confrère laïc. Le procès-verbal du
Chapitre de la Société dit que ce jour-là, le « jeune Rossi Joseph
di Matteo, de Mezzanabigli [...] fut admis à la pratique des
règles de cette Société »,33 formule qui, dans l'intention de Don
Bosco, équivalait à l'épreuve du noviciat. Joseph Rossi avait 24
ans; il fit ses vœux triennaux quatre ans après, le 19 septemble
1864, et ses vœux perpétuels en 1868; il mourut salésien le 29
octobre 1908. Le registre d'inscriptions du Valdocco le
mentionne avec la qualification professionnelle de « proviseur».
Avec le jeune Joseph Rossi, le terme de «coadjuteur» déjà en
usage comme nous l'avons vu, dans les inscriptions des registres
du Valdocco, passe dans la terminologie courante du vocabulaire
salésien. En effet, à peine trois mois plus tard, dans la lettre du
31 P. BRAIDo, Religiosi nuovi... , o. c., pp. 20-21.
32 Cf. MB VI, 335.
33 MB VI, 479
34

4.3 Page 33

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11 juin 1860 adressée à Mgr Fransoni, archevêque de Turin en
exil, pour demander l'approbation de l'exemplaire annexe de la
Règle, apparaît le titre de «coadjuteur» 34 inscrit en face des
noms de Joseph Rossi et de Joseph Gaia, avec celui de «prêtre »
et d '« abbé» en face des autres signataires.
A ces deux premières adhésions s'en adjoignent bientôt
d'autres. Leurs noms et leurs fonctions suffisent à eux seuls à
bien caractériser l'intention de Don Bosco et la signification de
son institution naissante: le chevalier Frédéric Oreglia di S.
Stefano, «factotum administratif», et Gaia, cuisinier, sont les
premiers à prononcer les vœux le 14 mai 1862, date des
premières professions religieuses officielles de la Société
salésienne. Rossi, dont nous avons déjà parlé, linger, chef
d'atelier et proviseur général, la fera deux ans plus tard. André
Pelazza, admis en 1863 et puis pendant près de quarante ans
responsable réputé de la typographie et de la papeterie
salésienne, mourut salésien le 23 septembre 1905. Ensuite Pierre
Enria, lui aussi profès en 1878 et depuis son adolescence chez
Don Bosco, dont il fut l'infirmier irremplaçable. Joseph Buzzetti
profès en 1877, bras droit et homme de confiance de toutes les
premières réalisations d'avant-garde. Marcel Rossi, Joseph
Dogliani, Dominique Palestrino, attachés d'une manière très
personnelle à trois institutions-clés du Valdocco: la conciergerie,
la musique et la sacristie du sanctuaire de Marie Auxiliatrice.
Gioia, Scavini, Belmonte et Molinari, qui firent partie de la
première expédition missionnaire en Argentine. Tout secteur et
toute réalisation importante dans le développement constant de
la Congrégation comportait désormais la présence du salésien
laïc en même temps que du salésien prêtre ou de l'abbé.
« Entre 1860 et 1870, les coadjuteurs salésiens avaient une vie
qui ne différait guère de celle des artisans, des moniteurs et des
subalternes dans la famille de l'Oratoire; pas plus que les prêtres
et les abbés salésiens ne se distinguaient des abbés du diocèse
qui logeaient au Valdocco.
« A différents points de vue, cette situation reflétait la
34 E. CERIA, Annali... , o. c., I, p. 36.
35

4.4 Page 34

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prudence qui caractérisait à l'époque beaucoup d'entreprises de
Don Bosco. Après les premières expéditions missionnaires, il dira
aux salésiens combien il avait d'abord été réticent à propager
précisément l'appellation de "salésiens". Car s'il pouvait craindre
chez ses collaborateurs des réactions de rejet, comme Jean
Cagliero lorsqu'il se vit invité pour la première fois en 1854-55 à
s'inscrire dans la congrégation salésienne, Don Bosco 'vivait aussi
dans l'appréhension des difficultés fiscales. Ce n'est qu'après
1871, après la loi des garanties, dans un climat de séparatisme
affirmé et de respect, qu'on peut voir Don Bosco multiplier ses
initiatives pour donner à la congrégation salésienne une place
officielle dans la société italienne et dans le monde ». 35
Mieux encore, la première expédition missionnaire de 1875
provoque un changement notable chez Don Bosco: il renonce à
sa prudence et à sa réserve pour lancer de la propagande et faire
connaître sa pieuse Société sur une vaste échelle. 36 Les lettres
qui lui parviennent d'Ar.gentine dans les premiers mois de 1876
créent un puissant climat d'enthousiasme et confirment Don
Bosco sur l'opportunité de la formule «prêtres, abbés,
coadjuteurs» mêlés, sans catégories ni distinctions, dans l'identité
commune de «salésiens». Le vicaire général de Buenos Aires
exprime un jugement favorable sur la situation, nouvelle dans
l'histoire des ordres religieux, à propos de l'équipe des premiers
salésiens installés à San Nicolas: «Fagnano est infatigable,
Tomatis intrépide, Cassinis constant, Allavena robuste, Molinari
inlassable, Gioia imbattable, Scavini imperturbable dans son
travail scientifique, manuel et religieux. [... ] Le collège marche
tout à fait bien. Les Pères salésiens se portent à merveille et sont
35 P. STELLA, Cattolicesimo... , o. c., pp. 414-415.
36 Cela explique probablement pourquoi, dans les documents plus privés, la
mention de coadjuteur, comme membre laïc de la Congrégation, est très claire
(voir, par exemple, la toute première rédaction des Constitutions, certainement
antérieure à 1863). Tandis qu'elle n'apparaît pas ou n'entrera que tardivement,
vers les années 70, sans grande différence avec la catégorie des familiers, dans la
documentation à la portée de tous (voir les Règlements pour les jeunes gens et
pour les Supérieurs, ainsi que les Souvenirs confidentiels aux directeurs et
autres textes semblables).
36

4.5 Page 35

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estimés en ville, et leur renommée s'étend déjà à toute
l'Amérique du Sud ».37
Ainsi, ce qui fixa peu à peu les traits les plus significatifs du
profil du salésien coadjuteur et sa place dans la Congrégation, ce
fut l'expérience concrète du Valdocco entre 1858 et 1888, le
poids des événements de nature économique et sociale (il suffit
de penser à l'origine des jeunes provenant de la campagne ou
des régions défavorisées, ainsi qu'aux débuts de la révolution
industrielle) et la conscience progressive de la solidité du projet
salésien dans le monde. Les données statistiques sont le reflet de
cette situation: en 1870, les salésiens coadjuteurs, profès et
novices, étaient 23; les prêtres, 26.
b. Provenance et fonctions
Il est également bon de connaître les milieux d'origine des
salésiens laïcs et la diversité des charges qui leur étaient confiées.
Les toutes premières vocations de coadjuteurs arrivèrent de
l'extérieur. Le cas du chevalier Frédéric Oreglia de S. Stefano
l'illustre bien. Mais la pépinière naturelle et typique de ces
vocations resta le Valdocco avec son monde varié d'ateliers pour
artisans et d'autres services. L'étude des données personnelles de
la première génération des salésiens coadjuteurs le confirme. A
part quelques cas particuliers, elle révèle un cheminement fort
semblable: rencontre et connaissance fortuite de Don Bosco hors
du Valdocco, transfert à Turin sans aucune intention de s'y
établir, premières charges sur un rythme croissant dans les
fonctions les plus diverses selon les besoins et les aptitudes peu à
peu mises en valeur, vie en communauté avec un caractère de
permanence, demande d'admission et profession religieuse.
A noter le cheminement progressif de nature nettement
éducative et religieuse, qui transformait ces collaborateurs
37 E. CERIA, Annali.. ,, o. c., I, p. 258. Voir encore les autres lettres
parvenues à Turin après l'arrivée de la première expédition missionnaire de
1875: elles se caractérisent immédiatement par le- regroupement des différentes
catégories des prêtres, des abbés et des coadjuteurs sous la réalité unique de « fils
de Don Bosco».
37

4.6 Page 36

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temporaires, amis ou admirateurs Uamais subalternes!) de Don
Bosco en véritables coresponsables à plein temps de différents
secteurs, logistiques ou administratifs. Au début de 1870, en
effet, nous trouvons déjà les noms de Joseph Rossi et d'André
Pelazza comme représentants légaux devant l'Etat de différents
biens immobiliers; Joseph Rossi sera appelé au CG4 comme
représentant des salésiens coadjuteurs et responsable des écoles
d'arts et métiers; à cause de la publication de son manuel
Método di taglio [méthode de coupe], qui lui valut le titre de
« professeur » et de « chevalier de la Couronne »; le maître tailleur
Pierre Cenci fut souvent chargé de représenter officiellement la
section des tailleurs dans différents concours nationaux et
expositions; après avoir longtemps géré avec brio l'entreprise des
Letture Cattoliche, de la Biblioteca della gioventù italiana et du
Bollettino Salesiano, Joseph Gambino devint en 1891 le « gérant
responsable » de toute la Libreria editrice salesiana [Maison des
éditions salésiennes].
Naturellement, ils n'étaient pas tous attachés à un secteur
spécialisé. Certains d'entre eux faisaient un peu de tout, comme
Pierre Enria ou Pierre Nasi. Ils passaient tranquillement de la
salle de musique au théâtre, à la cuisine, au salon de coiffure, à
l'infirmerie et à la recherche de travail pour les ateliers, au point
de devenir, comme aimait leur répéter Don Bosco, « non
seulement utiles, mais nécessaires». Certains cumulaient même
deux fonctions, portier et cuisinier, importantes parce qu'avec le
directeur, elles assuraient, selon la formule, la « bonne marche
d'une maison salésienne». Marcel Rossi, par exemple, fut
concierge durant quarante-huit ans, tandis que Joseph Falco,
François Mascheroni et Joseph Ruffatto furent des cuisiniers
fameux pour leur dévouement.
Tout ce savoir-faire et cet empressement au travail ne
suffisent cependant pas à eux seuls à caractériser ces hommes:
dans leur frugalité et leur ténacité, ils n'étaient après tout guère
différents de toutes ces figures piémontaises de la même époque
qui ont donné un grand développement à bien des réalisations.
Ce qui permet de comprendre ces charges, humbles ou
hautement professionnelles, exercées par les salésiens
coadjuteurs, c'est leur coresponsabilité apostolique et éducative,
38

4.7 Page 37

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l'aide directe ou indirecte qu'ils apportaient au prêtre pour le
salut des âmes. Le perdre de vue, c'est leur ôter toute âme et
tout but; c'est réduire à rien les affirmations fondamentales et
les convictions de Don Bosco pour qui le coadjuteur était un
apôtre et un éducateur, et même « un autentique ouvrier
évangélique»: « Telle est ma conception du coadjuteur salésien,
expliquera-t-il lui-même dans son discours-programme de 1883.
J'ai un grand besoin d'en avoir beaucoup pour m'aider de cette
façon». 38
D. La pensée de Don Bosco, dans les dix dernières années de sa
vie, source et point de comparaison
Dans les premières années déjà, avons-nous vu, le salésien
coadjuteur tenait une place réelle dans la vie de la Congrégation,
avec des fonctions et des attributions inédites et certainement
différentes de celles du profil parallèle du « frère convers »
traditionnel. Mais les textes dont nous disposons qui en parlent
formellement sont rares et peu explicites. Nous avons rappelé
certaines raisons qui expliquent la réserve de Don Bosco. Sans
compter qu'il se souciait davantage, cela s'explique, des voca-
tions sacerdotales, et que le portrait qu'il se faisait du salésien
coadjuteur n'était qu'une ébauche, le bouton d'une fleur qui
devait encore éclore.39 De plus, son indiscutable prudence 40 le
portait à prendre du recul avant de se convaincre de l'opportu-
38 MB XVI, 313.
39 Notre analyse rejoint celle de P. Braido, qui a le mérite d'avoir ouvert la
voie à la réflexion sur la documentation dont nous disposons à propos du profil
du salésien coadjuteur; il mentionne explicitement les facteurs qui pourraient
expliquer la «réticence de Don Bosco à exposer des théories plus explicites sur le
sujet»: Cf. P. BRAIDO, Religiosi nuovi... , o. c., p. 23.
40 Dans une conférence qu'il fit au Valdocco le 30 octobre 1876 à deux cent
vingt-huit profès, novices et aspirants, Don Bosco apporta lui-même cette
précision: «Je puis vous assurer au nom du Seigneur que tous ceux qui ont déjà
fait profession sont absolument appelés, parce qu'avant de les accepter, j'ai
voulu bien les connaître [c'est nous qui soulignons] et si je les ai acceptés, c'est
un signe certain que je les ai estimés adaptés [adattati] à cette grande entreprise.
De son côté, le supérieur est obligé sous peine de faute grave à ne pas accepter
ceux qu'il ne croit pas appelés» (MB XII, 560 s).
39

4.8 Page 38

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nité de recruter de jeunes artisans, car ils étaient assez éloignés
et différents des étudiants auxquels s'adressait traditionnelle-
ment, voire exclusivement, l'appel à la vocation.
D'ailleurs, elle caractérise bien notre Père, la pondération qui
s'exprime, par exemple, dans sa réflexion après avoir lu la lettre
du recteur du séminaire de Montpellier, curieux de connaître les
secrets de son projet pastoral: « J'ai toujours été de l'avant
comme me l'inspirait le Seigneur et l'exigeaient les circon-
stances ». 41 Il est certain qu'en cette affaire Don Bosco ne se
laissa pas entraîner par la hâte. Longtemps, il évita de parler en
public de son projet aux élèves de l'Oratoire, ou du moins il ne
le fit jamais en fait. Il se contentait, selon sa stratégie qui nous
est désormais familière, de proposer à certains jeunes gens de
l'aider et, lorsqu'ils avaient donné leur consentement, il leur
apprenait peu à peu à collaborer dans la confiance et à se
dévouer tout entiers jusqu'à la profession religieuse.
a. La pensée de Don Bosco
Ce n'est qu'en 1876, pour les raisons que nous avons déjà
fait valoir, qu'il introduit du neuf dans sa manière de présenter
et de justifier la vocation du salésien coadjuteur.
« Lorsque le 31 mars 1876, Don Bosco fit pour la première
fois à ses jeunes artisans du Valdocco la "révélation " explicite
de la vocation du coadjuteur salésien, deux faits très parlants
surtout les avaient préparés à comprendre:
1) La réalité effective: " Malgré la longue réserve que Don
Bosco avait observée pour parler en public des coadjuteurs, le
registre de cette année (1876) mentionnait déjà 28 profès
perpétuels, 22 triennaux, 28 novices et 25 aspirants". (E. CERIA,
Annali 1, 707);
2) Le départ des salésiens pour l'Amérique du Sud, qui
suscita à l'Oratoire une fermentation d'enthousiasme même pour
les laïcs qui collaboraient avec le prêtre au travail d'évangéli-
sation et de civilisation ». 42
41 MB XVIII, 126 S.
42 P. BRAIDO, Religiosi nuovi... , o. c., p. 24-25.
40

4.9 Page 39

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La préparation et le départ de· la première expédition pour
l'Argentine créèrent d'excellentes conditions pour ce changement
et représentèrent au mieux pour Don Bosco les « circonstances »
auxquelles il avait fait allusion à propos de la lettre de
Montpellier. Car les nouvelles reçues des missionnaires arrivés à
destination et de ceux qui les voyaient travailler, débarrassaient
le terrain de toute difficulté et fournissaient une occasion en or
de faire comprendre aux jeunes ce qu'étaient ces «coadjuteurs»,
partis quelques mois plus tôt pour l'Argentine, et pourquoi ils
méritaient eux aussi le nom de « missionnaires salésiens», exac-
tement comme ceux qui, en soutane, avaient quitté le Valdocco
pour des terres aussi éloignées.
Le soir du 19 mars 18761 dans la conférence où étaient
également présents les aînés des artisans, au cours de la fête en
l'honneur de saint Joseph qu'ils célébraient avec beaucoup de
ferveur, Don Bosco donna les précisions suivantes: « Notez bien
que le terme "ouvriers» ne désigne pas seulement ici, comme
l'un ou l'autre pourrait le croire, les prêtres, les prédicateurs et
les confesseurs... Les ouvriers, ce sont tous ceux qui, d'une
façon ou d'une autre, travaillent au salut des âmes; tout comme
dans un champ, les ouvriers ne sont pas seulement ceux qui
récoltent le grain, mais bien tous les autres. Voyez quelle variété
d'ouvriers dans un champ... Ainsi, dans l'Eglise, il faut toutes
sortes d'ouvriers, oui, d'ouvriers de toutes espèces... Oh, s'il
était possible d'avoir beaucoup de prêtres à envoyer dans chaque
région de la terre, chaque ville, chaque village, chaque bourg et
chaque campagne, et convertir ainsi le monde! Mais beaucoup
de prêtres, il n'est pas possible d'en avoir; il faut donc que
d'autres y aillent aussi. Et puis, comment les prêtres peuvent-ils
être disponibles pour le ministère s'ils n'ont personne pour leur
cuire le pain et les repas? s'ils doivent faire eux-mêmes leurs
chaussures et leurs habits? Le prêtre a besoin d'être aidé; et je
ne crois pas me tromper en affirmant que tous, tant que vous
êtes ici, prêtres, étudiants, artisans et coadjuteurs, vous pouvez
être d'authentiques ouvriers de l'Evangile et faire du bien dans la
vigne du Seigneur [...]. Quelqu'un va peut-être me demander:
- Mais, Don Bosco, qu'est-ce que vous voulez insinuer avec tout
cela? Qu'est-ce que vous voulez nous dire? Pourquoi nous
41

4.10 Page 40

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parlez-vous de tout ça ce soir? Oh, mes chers amis! Le cri
"Operarii autem pauci n [Mais les ouvriers sont peu nombreux]
ne s'est pas fait seulement entendre dans le passé, mais à nous à
notre époque, plus impérieusement que jamais. Pour la
Congrégation salésienne, la moisson prend de jour en jour des
proportions si énormes que, je dirais bien, on ne sait plus par
quel bout commencer... De la République d'Argentine nous
avons des nouvelles poignantes du Père Cagliero... Oh comme je
voudrais vous voir tous pleins d'élan travailler comme autant
d'Apôtres! C'est à cela que tendent toutes mes pensées, tous mes
efforts, toutes mes fatigues». 43
Les déclarations de Don Bosco tombaient en terrain déjà
travaillé pour comprendre ce langage avec ses nuances et ses
sous-entendus. Elles préparaient dans l'immédiat ce qu'on peut
appeler «la première manifestation» de tout ce qui avait été
longuement expérimenté et vécu au sein du noyau religieux de
l'Oratoire.
Une dizaine de jours plus tard déjà, en effet, le 31 du même
mois, Don Bosco semble reprendre le fil du discours pour en
préciser les points essentiels. Le Père Ceria rapporte le fait sans
cacher sa surprise: «Jamais jusqu'alors, écrit-il, notre bien-
heureux Fondateur ne s'était expliqué en public avec autant de
clarté sur ce sujet. Il est probable que la conférence du jour de
saint Joseph ne cherchait qu'à ouvrir la voie. Il est en tout
cas certain que l'impression produite alors par ses paroles avait
préparé excellemment le terrain ».44 Dans le genre littéraire
typique du «mot du soir», adressé en particulier aux jeunes
artisans internes du Valdocco, Don Bosco parla explicitement de
la vocation des religieux laïcs et de la manière dont elle devait se
développer dans la Congrégation. «Je crois que vous savez déjà
presque tous ce qu'est la Congrégation de saint François de
Sales. Elle n'est pas faite uniquement pour les prêtres ou les
43 MB XII, 625 s: Il s'agit d'une conférence donnée dans l'église de saint
François de Sales aux salésiens du Valdocco, à laquelle assistaient aussi les
novices, les aspirants et les jeunes artisans des classes supérieures qu'elle pouvait
intéresser. Un auditoire de deux cent cinq personnes (ibidem, 141).
44 MB XII, 149.
42

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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étudiants, mais aussi pour les artisans. C'est un groupement de
prêtres, d'abbés, de laïcs, en particulier des artisans, qui désirent
s'unir pour chercher à se faire du bien les uns aux autres et
aussi à faire du bien aux autres. Rappelez-vous donc bien que
peuvent entrer dans la Congrégation non seulement ceux qui
veulent ensuite se faire prêtres, mais aussi qu'une partie
importante de ses membres se compose de séculiers». 45 « Peut
en faire partie, précise Don Bosco pour exprimer immédiatement
son intention dernière, quiconque veut sauver son âme». 46
Cette option comporte deux traits caractéristiques et spéci-
fiques de l'œuvre salésienne: l'apostolat, en particulier celui
de la jeunesse, comme le laisse deviner tout le contexte, et
l'égalité absolue dans la vie fraternelle en commun. Ce que dit
Don Bosco à ce propos est volontairement décisif et clair:
« Remarquez aussi qu'entre les membres de la Congrégation il
n'y a aucune distinction: tous sont traités de la même façon,
qu'ils soient artisans, abbés ou prêtres. Nous nous considérons
tous comme des frères et la soupe que je mange, les autres l'ont
aussi, et ce sont les mêmes plats et le même vin, qui servent
pour Don Bosco, le Père Lazzero et le Père Chiala, votre
directeur, qu'on donne à quiconque fait partie de la Congré-
gation». 47
Il était naturellement nécessaire de faire clairement mention
des «circonstances» dont nous avons parlé: «Ainsi, s'il y en a un
qui désire aller en Amérique, en entrant dans la Congrégation il
a la possibilité d'y aller... Vous avez vu que l'année dernière,
vous aviez ici plusieurs camarades: à présent ils sont là-bas
comme missionnaires et font beaucoup de bien. Quand ils étaient
ici, rien ne les distinguait de vous: ils étaient comme vous. A
présent qu'ils sont là, ils sont heureux d'une manière extra-
ordinaire. Vous avez tous bien connu Gioia qui était cordon-
nier: ces jours-ci, j'ai appris qu'il est devenu un parfait factotum:
cuisinier, cordonnier, catéchiste. Vous avez aussi connu
45 MB XII, 151.
46 ibidem.
47 MB XII, 152.
43

5.2 Page 42

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Scavini, un menms1er, qui est arrivé ici tout gamin, et qui est
maintenant chef d'atelier avec une vingtaine de garçons sous
ses ordres et nous savons que depuis le peu de temps qu'il est
là, il a déjà réalisé beaucoup. Et Belmonte? Il semblait qu'il ne
possédait aucun don personnel particulier lorsqu'il était parmi
nous, et nous connaissons aujourd'hui beaucoup de bonnes
choses sur son compte: il est sacristain, musicien, catéchiste et
nous pouvons dire que c'est lui le majordome de la maison de
Buenos Aires. Et si vous le voulez, ajoutez encore Molinari, si
doué en musique. L'année dernière, ils étaient tous parmi nous
comme simples artisans, et à présent ils sont là, des modèles
estimés et honorés ».48
A part les derniers points liés aux événements « américains »
tout récents, Don Bosco n'ajoutait rien de nouveau ni de
différent à ce que les novices salésiens, et en particulier les
coadjuteurs, avaient, depuis des années déjà, appris à apprécier
et à vivre. En effet, une note du Père César Chiala, qui résumait
une allocution faite par le saint aux novices coadjuteurs quatre
ans plus tôt, en 1872, exprimait déjà l'essentiel de ce nous
venons de rapporter: « Le but de la Société est de sauver notre
âme ainsi que celle d'autrui, en particulier celle des jeunes...
Nulle part ailleurs que dans une congrégation ne se vérifie la
vérité de la communion des saints, où tout ce qu'on fait profite
aussi aux autres. En effet, celui qui prêche, qui confesse, au
bout d'un certain temps a besoin de manger: comment ferait-il
s'il n'y avait pas de cuisinier? Le savant professeur doit aussi
s'habiller, se chausser: que ferait-il sans tailleur ni cordonnier?
C'est comme pour le corps: la tête a plus d'importance que la
jambe, l'œil que le pied, mais ils sont l'un comme l'autre
nécessaires au corps: il suffit qu'une épine se plante dans le
pied, pour qu'aussitôt les yeux, les mains et la tête se mettent en
mouvement pour soulager le malheureux pied. Ici aussi vient à
point l'exemple de la fabrication des montres: toutes les pièces,
48 Ibidem.
44

5.3 Page 43

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réalisées avec exactitude et précision se combinent ensemble
pour donner une montre parfaite ». 49
Il y a donc identité de vue pour l'essentiel, mais aussi un
développement évident et une adaptation progressive aux
événements et aux besoins concrets des circonstances. Même si,
de temps à autre, la mention explicite de la dimension éducative
et apostolique semble laissée dans l'ombre. Témoin la Circulaire
pour la recherche des vocations de coadjuteurs,50 que Don
Bosco fit imprimer et expédier aux curés en janvier 1880. Elle
révèle qu'il était désormais possible de parler en toute liberté et
en public, même hors des murs de l'Oratoire, de la «Pieuse
Société Salésienne fondée par l'Abbé Jean Bosco». Mais surtout
qu'il désirait faire connaître sur une plus vaste échelle non
seulement l'existence de la composante laïque de la nouvelle
Congrégation, mais plus encore sa nécessité: « La multiplication
des oeuvres, explique le Père Ceria dans la présentation de cette
lettre, entraînait la nécessité de recruter un nombre proportionné
de coadjuteurs ».51 Mais il lui semble que le rôle assigné à cette
composante est trop restreint: une simple collaboration maté-
rielle à la marche des instituts, sans aucune mention d'éven-
tuelles tâches de nature apostolique et éducative. Il demande
en effet des jeunes gens «disposés à s'occuper de n'importe
quel travail; par exemple aux champs, au jardin, à la cuisine, à
la boulangerie, assurer l'entretien des réfectoires, la propreté
dans la maison; et s'ils ont une instruction suffisante, ils trouve-
ront place dans les bureaux comme secrétaires. Au cas où ils
seraient compétents dans un des métiers que nous exerçons
dans nos instituts, ils pourraient le continuer dans nos différents
ateliers. Ils devaient avoir entre 20 et 35 ans environ».52
Prise en soi, cette lettre pourrait donner lieu à cette interpré-
tation réductrice, mais elle est à resituer dans son contexte et
49 MB X, 1085 s.
50 MB XIV, 783 S.
51 MB XIV, 394.
52 Ibidem: Selon E. Ceria, la lettre aurait dû faire connaître le « caractère »
des coadjuteurs « à ne pas confondre avec celui des convers traditionnels», alors
qu'elle est justement de teneur opposée.
45

5.4 Page 44

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dans l'optique de Don Bosco. Pour lui, le salésien coadjuteur
peut et doit être, comme nous l'avons vu plus haut, un « ouvrier
évangélique» et par conséquent, sa présence et son service
auprès des jeunes ne peut évidemment pas se contenter de
n'être qu'une simple fonction administrative. La dimension
apostolique et éducative a toujours été tellement de soi que les
officielles « Délibérations des troisième et quatrième Chapitres
généraux de la Pieuse Société salésienne, tenus à Valsalice en
septembre 1883 et 1886»,53 n'ont guère éprouvé le besoin d'en
dire grand-chose. Une incise figure dans la quatrième délibéra-
tion du « Réglement pour les patronages», 54 au cours du CG3
de 1883: « Que tous les confrères salésiens, tant ecclésiastiques
que laïques, s'estiment heureux d'y apporter leur concours et
se persuadent qu'il s'agit là d'un apostolat de la plus haute im-
portance». Cette remarque peut paraître sans intérêt si l'on ne
tient pas compte de l'ensemble des documents du Chapitre
tout entier, qui consacre deux « thèmes » au salésien coadjuteur:
le document IV (Formation des confrères coadjuteurs) et le
document V (Orientation à donner à la section professionnelle
dans les maisons salésiennes et moyens pour développer la voca-
tion des jeunes artisans), discutés dans les séances du 6 septembre
et dont nous possédons un procès verbal résumé qu'il est bon
de reproduire ici.
« 6 septembre au matin. A 9 h.15, don Rua ouvre la séance
par les prières habituelles. Le rapporteur, le Père Belmonte,
donne lecture des travaux réalisés sur le thème IV à propos de
la formation des confrères coadjuteurs. Don Bosco entre et on
donne lecture du thème V à propos le l'orientation [à donner à
la section professionnelle dans les maisons salésiennes] etc. à
cause de son lien avec la formation [des confrères coadjuteurs]
etc. On demande s'il convient ou non de laisser le nom de
coadjuteurs aux confrères séculiers ou de le remplacer par celui
de confrères. D. Bosco et beaucoup d'autres estiment qu'il ne
faut rien changer, mais qu'il ne convient pas de donner le nom
53 Edité par la Tip. Salesiana, S. Benigno Canavese 1887.
54 Retranscrit en MB XVIII, 702-704.
46

5.5 Page 45

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de coadjuteurs aux familiers. En relation avec cette question, le
confrère Barale relève un peu de négligence chez les anciens et
les nouveaux venus. Avec beaucoup d'à-propos, Don Bosco relit
à ce sujet: "Tous les membres se considéreront comme des
frères etc." (chap. 11, art. 1). Ensuite le Père Bonetti propose un
article ainsi conçu: "Tous les confrères, les prêtres comme les
laïcs, se considéreront... " Don Bosco fait observer qu'il convient
de conserver intactes les dénominations utilisées par la
Congrégation des Evêques et Réguliers « Frères coadjuteurs».
« 6 septembre au soir. [...] La question se pose de savoir s'il
est nécessaire d'ouvrir un noviciat spécial pour les novices
artisans. D. Bosco estime qu'il serait préférable pour eux de les
séparer des autres artisans. Presque tous pensent qu'il faut créer
un noviciat séparé. Cette délibération particulière reste en
suspens. On essaiera de réaliser quelque chose à S. Benigno». 55
La préoccupation de l'assemblée capitulaire ne porte donc
pas sur l'activité apostolique du salésien coadjuteur, mais sur
une meilleure connaissance de son identité et sa place au sein de
la Congrégation. Il s'agit, en effet, de sa dénomination, de la né-
cessité de le distinguer clairement des familiers, de l'opportunité
d'un noviciat séparé « du reste des autres artisans» (ce qui se
concrétisa, mais « paradoxalement » pour les clercs!).56
Tous ces problèmes n'étaient guère concevables avant 1874.
Mais ils prirent du sens et de l'importance avec les événements
et les changements provoqués par la mise sur pied de la Congré-
gation, après le long cheminement qui aboutit à l'approbation
définitive des Constitutions par le Saint-Siège. Voici un résumé
des faits les plus significatifs.
En 1875, la mission en Argentine constitua la première
expansion hors d'Europe avec d'importantes répercussions à
l'extérieur et à l'intérieur de la structure originelle de la
Congrégation. Le premier embryon de la Famille salésienne prit
de plus en plus de consistance et de dévelopement avec la
55 Transcription du Père G. Marenco, secrétaire du CG3, conseivée aux
Archives centrales salésiennes; voir aussi ce qu'en dit MB XVI, 411 s.
56 Cf. E. CERIA, Annali... , o. c., 1, p. 470 et MB XVI, 413 s.
47

5.6 Page 46

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branche féminine, les Filles de Marie Auxiliatrice, et la branche
laïque, l'association des Coopérateurs. A partir de 1877, la vie
salésienne fut comme scandée et marquée, tous les trois ans, par
les orientations et les délibérations des Chapitres généraux qui
ne furent présidés par Don Bosco en personne que jusqu'en
1886.
Entre temps, l'important développement de la Congrégation
et la clôture canonique imposée pour les Filles de Marie
Auxiliatrice exigèrent un accroissement du ·personnel masculin
rémunéré ou des salésiens coadjuteurs. Ils furent appelés à
remplir des tâches et des services domestiques qui n'existaient
pas auparavant ou qui étaient assurés par du personnel féminin
bénévole, comme l'avaient fait, à la suite de maman Marguerite
et de la maman de don Rua, plusieurs mamans qui résidaient au
Valdocco, jusqu'en 1872.
A la suite de la controverse avec Mgr Gastaldi, le problème
de la formation des candidats au sacerdoce s'ajouta à tous ceux
qui se posaient déjà. D'où un changement dans la physionomie
originelle de l'Oratoire. Il fallut s'organiser de manière à faire
face aux rigueurs des visites canoniques soucieuses de la fidélité
des jeunes lévites à l'esprit ecclésiastique. Il fut nécessaire aussi
d'ouvrir un noviciat spécialement pour eux et de leur donner
comme maître le Père Jules Barberis.
Tous ces· événements: la croissance de la Congrégation, la
multiplication des familiers, la singulière séparation du noviciat
d'avec la branche ecclésiastique, devaient avoir des répercussions
sur le profil et la valeur du salésien coadjuteur. On le
différencia de plus en plus des abbés et des prêtres, et on
l'utilisa davantage dans les services réservés aux familiers, à qui
l'on avait habituellement donné jusque là le nom de «coadju-
teurs»: tout cela devait peu à peu conduire à déprécier l'image
du confrère laïc.
Ces causes de discrimination et de malaise, en effet, se
manifestaient par moments plus que d'habitude dans certaines
communautés: bien que salésiens sur le même pied que les
autres, certains se plaignaient de se sentir traités comme des
«familiers » ou même des «domestiques ». Malgré le fil des ans et
48

5.7 Page 47

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une meilleure prise de conscience, cette doléance subreptice
réapparaîtra à plusieurs reprises dans les documents salésiens.57
Cette forme diffuse de malaise revint en différentes occasions
sur les lèvres de certains coadjuteurs formés au contact direct de
Don Bosco dont ils avaient savouré « le miel» (selon le mot de A.
Pelazza), autrement dit la délicatesse, l'affection, la compréhen-
sion. Certaines réactions se comprennent mieux si l'on tient
compte des situations très variées des salésiens laïcs: certains
étaient presque analphabètes, mais dotés d'un solide bon sens;
d'autres avaient une qualification professionnelle. La formation
particulière était presque nulle. Aussi, lorsque la charité
s'anémiait, les problèmes surgissaient. En outre, depuis des siècles,
les bons chrétiens considéraient le prêtre comme une sorte de
super-chrétien et comme une autorité intangible. Cette menta-
lité - qui s'est d'ailleurs rapidement réduite à la fin du siècle
pour les raisons que nous connaissons tous - rendait plus odieux
le comportement de certains prêtres salésiens qui traitaient
les coadjuteurs comme du personnel de service. Il suffit de
lire certaines propositions avancées par des coadjuteurs au
CG3 (1883), pour se convaincre que le «cléricalisme» était un
fait. D'où les propos pleins de fougue de Don Bosco en faveur
des coadjuteurs. D'ailleurs il s'agit surtout d'un problème de
personnes. où la charité était (et est) vécue en profondeur,
les communautés étaient (et sont) harmonieuses et sereines.
Malgré leur conc1s1on et leur sobriété, les documents
conservés semblent prendre force et couleur lorsqu'ils relatent la
57 On connaît la circulaire écrite par don Rua aux provmciaux et aux
directeurs à ce sujet le 1er novembre 1906 : « Encore un mot concernant nos
confrères coadjuteurs (...) Je voudrais aussi que vous leur témoigniez tous une
affection vraiment fraternelle et que vous la manifestiez en les traitant avec
bonté, en les écoutant quand ils vous confient leurs peines, en vous montrant
soucieux de leur santé et en pourvoyant à leurs besoins. Il faut que les faits et
pas seulement les paroles montrent que vous les considérez vraiment comme des
frères. C'est chaque fois pour moi comme un coup de poignard dans le cœur
lorsque j'entends parfois des coadjuteurs se plaindre qu'ils ne sont pas considérés
comme des frères, mais comme des domestiques. Evitez donc tout ce qui
pourrait leur donner prétexte de penser runs1 ». En Lettere circolari di Don
Michele Rua ai Salesiani, Rome 1965, p. 425.
49

5.8 Page 48

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réaction immédiate et sans équivoque de Don Bosco. Toutes les
fois qu'il pressentit ce risque, il s'empressa de combattre toute
déviation et toute éventuelle dépréciation du profil du salésien
coadjuteur dans sa Congrégation.
Ses prises de position et ses interventions prennent un ton
toujours plus résolu et lucide pendant et après le CG3, au cours
des cinq dernières années de sa vie, en particulier à l'occasion de
sa première visite au nouveau noviciat pour coadjuteurs et du
dernier Chapitre général avant sa mort.
L'institution du noviciat pour coadjuteurs à S. Benigno
Canavese à l'automne 1883 fut un événement de portée
historique. Il fit progresser la diversifibation du salésien coad-
juteur. Le discours tenu par Don Bosco aux vingt-deux novices
coadjuteurs le 19 octobre 1883 à S. Benigno, peut à bon droit,
pour son contexte comme pour ses idées, se définir comme un
jalon sur le parcours qui a conduit à la clarification du profil
idéal du salésien coadjuteur, «une conception du coadjuteur»
que Dcm Bosco lui-même déclare n'avoir jamais eu jusqu'ici
«le temps ni l'occasion de bien exposer».58 Plus d'un spécialiste
a vu avec raison dans cette courte intervention familiale de
S. Benigno, «la pensée définitive»,59 la «conception même du
coadjuteur salésien»,60 «les propos peut-être les plus impor-
tants» que Don Bosco ait jamais adressés aux salésiens laïcs.61
Il est donc utile et opportun de reproduire dans son intégra-
lité la transcription que nous en a livrée le Père Jules Barberis,
et d'en dégager ensuite les points les plus importants: « L'Evangile
de ce matin, commença Don Bosco, disait: "Soyez sans crainte,
petit troupeau n. Vous êtes aussi le " petit troupeau n, mais
58 MB XVI, 312.
59 A propos de l'intervention de Don Bosco au CG4 de 1886 et de ce petit
discours du 19 octobre 1883, le Père M. WIRTH affirme textuellement: « C'est là
qu'il faut chercher, semble-t-il, la pensée définitive de Don Bosco sur cette
question»: Don Bosco et les Salésiens, LOC, Turin 1970, p. 121.
°6 C'est le titre que le Père Braido donne au texte de S. Benigno, reporté en
appendice dans la section «Documents» de son étude Religiosi nuovi..., o. c.,
p. 62.
61 C'est ce qu'affirme P. STELLA, Cattolicesimo... , o. c., p. 422.
50

5.9 Page 49

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vous n'avez pas à craindre, " soyez sans crainte n, parce que
vous allez vous accroître. Je suis très heureux que l'année de
probation ait commencé régulièrement pour les artisans. C'est la
première fois que je viens à S. Benigno depuis que vous y êtes.
Je suis venu pour la prise d'habit des clercs, mais je ne
m'arrête qu'un jour, et je ne veux pas vous quitter sans
sans vous adresser quelques mots à vous en particulier. Je
vais vous exposer deux réflexions. La première pour vous
faire connaître mon idée du coadjuteur salésien. Je n'ai jamais
eu le temps ni l'occasion de l'exposer comme il faut. Vous
êtes donc réunis ici pour apprendre votre rôle et vous former
dans le religion et la piété. Pourquoi? parce que j'ai besoin
d'aides. Il y a des choses que les abbés et les prêtres ne
peuvent faire, et c'est vous qui les ferez. J'ai besoin de pouvoir
prendre l'un d'entre vous, l'envoyer dans une typographie et lui
dire: - Tu dois t'en occuper et la faire marcher comme il faut.
Envoyer un autre dans une librairie et lui dire: - Dirige-la de
manière que tout aille bien. En envoyer un autre dans une
maison et lui dire: - Tu veilleras à ce que cet atelier ou ces
ateliers fonctionnent dans l'ordre et que rien ne cloche; tu
veilleras à ce que les travaux soient faits comme il faut. J'ai
besoin d'avoir dans la maison quelqu'un à qui il soit possible de
confier les choses importantes, le maniement de l'argent, le
contentieux; qui représente la maison au dehors. J'ai besoin que
marche bien ce qui concerne la cuisine, la conciergerie; que tout
se fasse à temps, que rien ne se gaspille, que personne ne sorte,
etc. J'ai besoin de gens à qui pouvoir confier ces charges. Vous
devez être ceux-là. En un mot, vous ne devez pas être de ceux
qui travaillent directement ou peinent à la tâche, mais bien de
ceux qui dirigent. Par rapport aux autres ouvriers, vous devez
être comme des patrons et non comme des domestiques, bien
entendu selon la règle et dans les limites nécessaires. En tant que
patrons des ateliers, c'est vous qui en avez la direction. Telle est
l'idée que je me fais du coadjuteur salésien. J'ai un très grand
besoin d'aides de ce genre. Aussi j'aime que vos habits soient
propres et en rapport avec votre situation, que vous ayez des
cellules et des lits convenables, parce que vous n'êtes pas des
51

5.10 Page 50

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domestiques, mais des patrons, non des subordonnés, mrus des
supérieurs.
« A présent, voici ma deuxième réflexion. Puisque vous devez
apporter votre collaboration dans des domaines importants et
délicats, vous devez acquérir de nombreuses vertus, et puisque
vous devez commander aux autres, vous devez avant tout
donner le bon exemple. Il faut que là où se trouve l'un de vous,
on puisse être certain qu'il y aura de l'ordre, de la moralité, du
bien. "Si le sel devient fade ... "
« Concluons donc comme nous avons commencé: Soyez sans
crainte, petit troupeau. Ne craignez pas puisque votre nombre
augmentera; mais il faut surtout croître en bonté et en énergie.
Alors vous serez comme des lions invincibles et vous pourrez
faire beaucoup de bien. Ensuite, "votre Père a trouvé bon de
vous donner le Royaume". Le Royaume et non l'esclavage, mais
surtout vous aurez le Royaume éternel». 62
Sur les lèvres de Don Bosco et dans leur contexte, ces
paroles n'ont rien d'étonnant ni de neuf. Mais il faut remarquer
son insistance et sa fermeté sur quelques idées-forces: tout
d'abord que le coadjuteur doit répondre parfaitement à des
besoins typiquement « profanes », en particulier à ceux qu'une
certaine théologie du sacerdoce de l'époque ne voyait guère d'un
bon œil dans les presbytères et moins encore dans les séminaires,
et qu'il doit faire ce que l'anticléricalisme de l'époque ne
permettait pas au prêtre dans les milieux populaires. Mais parce
qu'elle est différente de celle des abbés et des prêtres, et par
conséquent sujette à des discriminations éventuelles, 63 cette tâche
doit s'exercer avec la plénitude des droits et de l'autorité.
62 MB XVI, 312 S.
63 Il n'est guère nécessaire de faire remarquer comment Don Bosco devait
s'en tirer avec sagesse au milieu de ces tensions opposées: d'un côté il ne voulait
pas s'opposer aux prescriptions précises qui provenaient des conceptions de la
théologie courante, de la législation canonique, des Synodes et des autorités
locales qui voulaient que soient respectés et sauvegardés la dignité et l'esprit
ecclésiastiques (c'est ce qui l'avait amené à la décision de séparer les noviciats et
par conséquent à admettre une certaine discrimination!); de l'autre il ne désirait
pas introduire au sein de sa famille religieuse le germe d'une mentalité de classes
dont il ne serait plus possible de venir à bout, parce qu'elle était contraire à la
52

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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Le terme « patron » revient trois fois, pour insister sur la
totale égalité et la participation entière des salésiens coadjuteurs
aux avantages spirituels et temporels de la Congrégation. Le ton
emphatique délibéré de Don Bosco visait, comme le dira plus
tard le témoin qui a rédigé le document en question, à « relever
le moral abattu des confrères coadjuteurs ».64
La seconde idée bien soulignée dans la conclusion du discours
de S. Benigno expose à nouveau une idée qui va de soi dans le
projet salésien, mais sur laquelle il était bon de revenir, sous
peine de dénaturer le concept de « patron ». Don Bosco
s'empresse de rappeler que tout n'a de sens qu'en fonction de
l'éducation et de l'apostolat. Sans quoi, les termes employés ne
correspondent plus à ce qu'ils veulent dire. En effet, moins de
quarante ans plus tard, au cours du CG12 (1922), quelqu'un
exprimera sa perplexité à propos du compte rendu de la
conférence de S. Benigno « pour y avoir noté des expressions qui
pourraient mal s'interpréter» et mettra en doute son authenti-
cité.65 Les témoignages qui se donnèrent immédiatement après
conception qu'il avait des laïcs et en fait profondément étrangère à son
expérience.
64 D'après le Père Stella, cette situation de malaise provernait moins du sec-
teur ecclésiastique que du milieu des coadjuteurs eux-mêmes, «ceux qui avaient
une culture plus poussée et étaient plus conscients de leur valeur professionnelle.
C'est peut-être à eux (les typographes, les libraires, les tailleurs...) que Don Bosco
entendait donner directement la réplique» (Cattolicesimo..., o. c., p. 425).
65 L'« affaire» éclata au cours de la dixième réunion capitulaire du 28 avril,
alors que le relateur, le Père Pedemonte, chargé de parler du thème n. v sur les
coadjuteurs, le fit en se servant du compte rendu manuscrit de la conférence de
Don Bosco à S. Benigno, dont il est question à présent, et qui avait été trouvé
dans les archives de cette maison. Au cours de la onzième séance, celle du 29
avril, le Père Costa émit les doutes et les difficultés dont nous avons parlé, ce qui
provoqua une vive discussion sur l'historicité et l'authenticité du document
«incriminé». Intervinrent comme garants de la véridicité de ce qui était écrit le
Père Nay, préfet à S. Benigno en 1883, le Père Jules Barberis, son rédacteur, et
le Père Fascie. Le Recteur majeur «confirme les dires du Père Nay et ajoute
qu'au troisième Chapitre général, où l'on avait proposé de maintenir les
coadjuteurs en situation inférieure et faire d'eux une catégorie distincte, etc.,
Don Bosco s'était opposé avec une émotion visible et s'était écrié: "Non, non,
non; les confrères coadjuteurs sont comme tous les autres"»: dans les Archives
centrales salésiennes, Verbali del XII Capitolo Generale (1922), AS 04.
53

6.2 Page 52

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et le type de réflexion qui en résulta aboutirent à la conclu-
sion opposée et firent ressortir, comme le dira ensuite le Père
Ceria à ce propos («Ici, Don Bosco doit s'expliquer par Don
Bosco») 66 qu'il est important de ne pas prendre de façon isolée
les paroles et les expressions utilisées par la saint.67
Moins de trois ans après sa visite à S. Benigno, en des assises
au retentissement bien plus large et plus officiel, le CG4 tenu à
Valsalice en septembre 1886, Don Bosco eut la possibilité de
revenir pour une mise au point sur les traits caractéristiques du
profil et de la fonction du salésien laïc. Le document, intitulé
précisément « Des coadjuteurs », constitue la réponse donnée au
second thème: «Orientation à donner à la s~ction professionnelle
dans les maisons salésiennes et moyens de développer la vocation
des jeunes artisans». Les termes et le genre littéraire du
document rédigé et approuvé par le Chapitre portent la marque
du langage théologique de l'époque et l'accent clérical. Ils sont
en particulier un reflet fidèle de la situation historique de la
Congrégation, appelée à développer partout ses institutions et à
faire face à des engagements pastoraux de plus en plus vastes.
Les travaux de ce CG4, le dernier présidé par Don Bosco,
s'éclairent et deviennent plus compréhensibles quand ils sont lus
à la lumière des événements salésiens des années 1880-1886.
b. Evénements salésiens 1880-1886
Le décret contre les Congrégations religieuses du 29 mars
1880 en France 68 avait certainement poussé les directeurs des
trois maisons françaises qui existaient alors, ainsi que Don
66 E. CERIA, Annali..., o. c., 1. 704.
67 C'est la conclusion qui se trouve dans le procès verbal de la douzième
assemblée capitulaire (1°' mai 1922): « A neuf heures s'ouvre la séance par les
prières prescrites. Après la lecture du procès verbal, on fait observer qu'il
vaudrait mieux dire que les différentes expressions utilisées par Don Bosco dans
sa conférence tenue à S. Benigno en 1883, ne sont pas à prendre isolément, mais
à interpréter dans le sens des autres conférences dites par Don Bosco en d'autres
circonstances précises »: AS 04.
68 Voir tout le chap. XXXII de E. CERIA, Annali..., o. c., 1, pp. 362-369.
54

6.3 Page 53

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Bosco 69 et tout le cadre directeur de la Congrégation à une
stratégie de prévention attentive. Cette vague anticléricale
confirmait fortement l'avantage et l'opportunité de pouvoir
disposer d'un nombre toujours plus grand de salésiens laïcs. Ils
seraient en mesure de « faire le bien davantage et avec plus de
liberté» que les abbés et les prêtres en soutane.
Entre temps, les contacts avec le Saint-Siège devenaient plus
étroits, à cause de l'importante correspondance qu'exigeaient les
« rapports triennaux», et surtout du projet, devenu plus tard une
réalité providentielle, de la première présence salésienne dans la
ville même de Rome. Ils contribuèrent certainement à donner à
la Congrégation une place toujours plus prec1se et plus
importante dans le vaste ensemble des « œuvres catholiques». Le
CG4 de 1886 traita la question.
L'expansion des salésiens, ainsi que des Filles de Marie
Auxiliatrice sous la conduite de Mère Catherine Daghero, après
la mort récente de S. Marie Dominique Mazzarello (1881),
n'intéressait pas seulement le territoire italien et ses différentes
régions, mais aussi l'Europe avec les premières fondations en
Espagne, et l'Amérique latine avec ses progrès en Argentine et
ses œuvres récentes en Uruguay et au Brésil.
La première pénétration des salésiens dans le monde des
Indios, juste à l'aube des années quatre-vingts,7° prenait aussi de
l'importance, et le romantisme religieux de la fin du dix-huitième
siècle appuiera l'entreprise de tout le pouvoir de séduction dont
il disposait. L'archevêque de Buenos Aires, Mgr Aneyros, qui
bénéficia de l'aide des salésiens en faveur des émigrés italiens de
69 Les directives écrites par Don Bosco au Père Ronchail, directeur, sont
intéressantes. La dernière concerne le secteur dont nous nous occupons: « Qu'il
soit bien clair, conseillait Don Bosco, que nous sommes ici pour l'agriculture et
les arts et métiers. (...) pour former des surveillants, des maîres d'école et
spécialement des typographes, des chalcographes et des fondeurs de caractères »:
Epistolario IV, Don Bosco au Père Ronchail, Rome 23 mars 1880.
°7 Ceria écrivait en effet que « les missions salésiennes d'Amérique, enten-
dues au sens strict du terme, débutèrent en 1879, puisque c'est cette année-
là qu'eut lieu le premier contact des missionnaires salésiens avec les Indiens de
la Pampa et de la Patagonie, terres immenses et en très grande partie encore
inexplorées»: Annali... , o. c., 1, p. 378.
55

6.4 Page 54

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son diocèse, estima que «l'heure avait sonné» d'«offrir Don
Bosco toute) la Patagonie qui lui tenait tant à cœur». 71 La
réponse de Turin s'est voulue fidèle à l'engagement exprimé
dans la phrase prophétique bien connue du saint à l'occasion de
la première expédition missionnaire: «Nous commençons une
grande œuvre ». 72
Le songe missionnaire de San Benigno de 1883 73 n'avait fait
que stimuler l'enthousiasme et la sympathie pour les initiatives
en faveur du «nouveau monde».
L'arrivée à Turin du cardinal Alimonda date d'alors. C'est
l'année suivante que sont enfin accordés les privilèges demandés,
et en 1885 que Léon XIII donne à Don Bosco un vicaire avec
droit de succession. C'est don Michel Rua qui fut choisi: il avait
quarante-huit ans accomplis, dont plus de quarante passés aux
côtés de notre Fondateur. Sa nomination fut annoncée par une
circulaire dont l'en-tête portait pour la première fois le blason
officiel de la Congrégation. 74
71 «Je vous conjure, écrivait le 5 août de cette année-là Mgr Aneyros dans
un style cher aux prélats de l'époque, par les entrailles nùséricordieuses de Notre
Seigneur Jésus-Christ, de vous hâter de venir à mon aide pour secourir un grand
nombre de pauvres âmes abandonnées».
72 Dans l'espace de quatre ans, en effet, le travail réalisé en Patagonie fut
notable: le rapport officiel envoyé au Saint-Siège - même s'il faut prendre avec la
prudence qui s'impose la générosité des chiffres - parle de plus de 500 baptêmes
d'indiens en 1883 et d'un total de 5328 baptêmes de 1879 à 1883; de deux
collèges à Patagones, l'un de 69 garçons et l'autre de 93 filles; de vastes explo-
rations sur 1137 km.
73 « C'était la fête qui précédait celle de sainte Rose de Lima (30 août) et j'ai
eu un songe... »: voilà comment Don Bosco raconta l'événement le 4 septembre
de la même année aux membres du troisième Chapitre général. Voir E. CERIA,
Annali. .. , o. c., I, pp. 423-434. Le songe a eu un retentissement tout particulier
avec la fondation de Brasilia.
74 On utilisa le dessin du blason qui avait été fait par le prof. Boidi pour
l'église du Sacré-Cœur de Rome. La circulaire imprimée avec la date «Toussaint
1885 » fut ensuite gardée par Don Bosco, qui la relut, la retoucha et la fit
réimprimer avec la date du 8 décembre, fête de l'Immaculée: cf. E. CERIA,
Annali. .. , o. c., I, pp. 530 s.
56

6.5 Page 55

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c. Le document de 1886 (CG4)
Ces événements de la vie salésienne sont à placer à leur tour
dans le contexte plus large de la vie de l'Eglise et de la société
d'alors. Et c'est dans ce cadre global qu'il faut lire et analyser le
document «Des coadjuteurs» du CG4 (1886). La conception du
profil du salésien laïc n'a pas changé chez les capitulaires de
Valsalice; mais même si leur langage est à la fois théologique et
ascétique, juridique et administratif, ils entendent bien réaffirmer
que, dans le nombre toujours croissant des engagements de
l'apostolat et des structures salésiennes, les «fonctions»
spécifiques du confrère coadjuteur restent toujours d'«aider les
prêtres dans les œuvres de charité chrétienne propres à la
Congrégation [...] en dirigeant et en administrant les diverses
entreprises de notre Pieuse Société, en devenant maîtres
d'apprentissage dans les ateliers, ou catéchistes dans les
patronages, et spécialement dans nos missions étrangères».
La liste de ces attributions est fidèle à l'idée première bien
connue de Don Bosco qui reconnaît au religieux laïc une grande
marge de responsabilité et d'autorité; mais elle est aussitôt mise
en relation avec le caractère et la nature cléricale de la
Congrégation, car la S. Congrégation des Evêques et Réguliers
n'avait pas cessé d'exiger des garanties sur ce point avant et
après l'approbation des Règles.
Le noviciat pour seuls coadjuteurs avait été érigé également
parce qu'il pouvait disposer d'un atelier et surtout pour réserver
aux abbés une formation spécifique à l'esprit ecclésiastique. Mais
dans le climat surchauffé de revendication sociale et de
promotion de la classe ouvrière qu'a connu la fin du
dix-neuvième siècle, il pouvait présenter le risque concret de
nourrir chez les confrères coadjuteurs un esprit de revendication
ou le sentiment de se trouver en situation inférieure vis-à-vis des
prêtres auxquels seuls les Constitutions donnaient accès à la
charge de «supérieurs».75
75 Il se déduit de toutes façons de la lecture de l'Elenco des Salésiens qu'en
réalité l'unique noviciat pour seuls novices coadjuteurs fut celui de S. Benigno.
Mais il cessa pratiquement de remplir cette fonction au cours de la première
57

6.6 Page 56

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C'est pourquoi le document capitulaire accorde à la question
la place qui lui revient, et utilise un langage et un style
emphatique (voir l'emploi des majuscules) en rapport avec
l'importance du sujet.
« 1. A tout moment et en toute circonstance, (les Coadjuteurs)
feront preuve de respect à l'égard des Supérieurs et des Prêtres,
et verront en eux des Pères et des Frères avec qui ils doivent
vivre unis par un lien de charité fraternelle pour ne former
qu'un seul cœur et une seule âme (Règ. ch. II, 2).
« 2. Ils s 'acquiteront avec soin de la charge qui leur sera
assignée quelle qu'elle soit, et se rappelleront que ce n'est pas
l'importance qui rend une action agréable à Dieu, mais l'esprit
de sacrifice et d'amour avec lequel elle est faite.
« 3. Ils n'accepteront pas de travaux ni de commandes
étrangères à leur charge sans l'autorisation expresse des
Supérieurs.
« 4. En tout lieu et en toute circonstance, dans la maison ou
au-dehors, dans les paroles et les actions, qu'ils se montrent
toujours bons religieux; car ce n'est pas l'habit qui fait le
religieux, mais la pratique des vertus religieuses; et aux yeux de
Dieu et des hommes, un religieux habillé en laïc, mais
exemplaire et fervent, vaut mieux qu'un autre paré d'habits
distingués, mais tiède et relâché». 76
guerre mondiale. En 1.919 il ne comptait plus que trois novices coadjuteurs
militaires et en 1920 il cessa ses activités comme noviciat. Il y eut à cette époque
d'autres noviciats comportant une majorité de novices coadjuteurs, mais avec
quelques novices clercs mêlés à eux.
76 Délibérations des troisième et quatrième Chapitres généraux de la Pieuse
Société salésienne qui se sont tenus à Valsalice en septembre 1883-1886, S.
Benigno Canavese 1887, pp. 16-17.
58

6.7 Page 57

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12.2 Le développement de l'idée dans le sillon des origines:
de don Rua à Vatican II
A. Rectorat de don Michel Rua (1888-1910)
a. Des ateliers aux écoles professionnelles
Les orientations du CG4 tracent une ligne de conduite qui
reprend les diverses expériences maintes fois revues et corrigées
par Don Bosco. Dans l'éducation des «artisans», note le Père
Ceria, notre saint ne voulait pas se limiter aux ateliers: «son
idéal, c'était les vraies écoles professionnelles; ce fut le travail
d'une époque dont il ne put voir que l'aurore ».77
C'est au cours du rectorat de don Rua (1888-1910) que
s'amorce la transformation. Les Chapitres generaux, en
particulier le septième (1895), le huitième (1898) et le dixième
(1904) se font l'écho des nouvelles exigences en la matière.
A partir de 1898, les écoles professionnelles dépendent du
Père Joseph Bertello (1848-1910): il les multiplie sur une grande
échelle et en codifie l'organisation technique, culturelle et
éducative.
Ces modifications amènent des changements importants dans
le monde des confrères coadjuteurs: les nouvelles recrues ne
proviennent plus, la plupart du temps, des collaborateurs jeunes
ou moins jeunes, ni des familles déjà insérée à titres divers dans
l'activité salésienne, mais de plus en plus du secteur «scolaire»
artisanal ou professionnel.
b. Quelques données statistiques
Quant au nombre des confrères coadjuteurs, l'allure des
courbes révèle deux périodes différentes: au cours des deux
décennies 1880-1900, l'accroissement est important: il passe de
182 à plus de 1061 profès coadjuteurs. Mais ensuite (1900-1920),
il ralentit considérablement: de 1061 à 1350. Sur le total des
salésiens, le pourcentage des coadjuteurs était de 30 p. 1OO en
1900, il tombe à 26,4 p. 100 en 1920. Cette période enregistre
77 E. CERIA, Annali... , o. c., 1, p. 653.
59

6.8 Page 58

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par contre une nette montée du niveau culturel moyen (les
analphabètes disparaissent complètement), un progrès dans
l'acquisition des titres professionnels et une importante
diminution des rôles de simple main d'œuvre. 78
c. Les documents
Les documents de l'époque reviennent de temps à autre sur
le profil et les tâches du confrère coadjuteur, et reprennent les
indications fondamentales données par notre Fondateur et les
Chapitres généraux. Ils insistent sur la nécessité d'intensifier leur
recrutement, sur la coresponsabilité particulière qui leur incombe
dans l'éducation et sur leur rôle irremplaçable dans l'apostolat et
les missions.
La Lettre circulaire que don Rua écrit le 31 janvier 1897
à l'occasion du neuvième anniversaire de la mort de Don Bosco,
aborde précisément ces sujets: « Vu le caractère particulier de
notre Pieuse Société, une moisson très abondante n'est pas
réservée seulement aux ecclésiastiques; mais nos très chers
confrères coadjuteurs sont eux aussi appelés à exercer un
véritable apostolat en faveur de la jeunesse dans toutes nos
maisons et spécialement dans nos écoles professionnelles. Voilà
pourquoi il est nécessaire de cultiver les vocations religieuses
également parmi nos jeunes artisans et les coadjuteurs. C'est
spécialement pour la qualité de ses écoles professionnelles que la
Société salésienne est très désirée en Amérique, en Afrique, en
Asie et en diverses nations d'Europe. Ce fut précisément aussi
pour préparer parmi nos ouvriers des coadjuteurs salésiens
exemplaires que le CG4 a tracé de nombreuses règles empreintes
de zèle, de charité et de prudence pour l'orientation morale,
intellectuelle et professionnelle de nos élèves. [...] Et si j'insiste
pour que soient cultivées les vocations, je ne propose rien de
nouveau, je ne sollicite rien d'extraordinaire, mais je vous
demande simplement d'imiter les exemples de Don Bosco et
78 Cf. P. STELIA, Cattolicesimo... , o. c., p. 420.
60

6.9 Page 59

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d'observer les lois que, dans le désir d'un plus grand bien, nous
nous sommes imposées au cours de nos Chapitres généraux». 79
Don Rua confirme le changement notable qui s'est vérifié
dans le secteur des vocations, pour décrire en détail la stratégie
à suivre: « Il est absolument nécessaire d'observer quels sont les
jeunes artisans qui présentent l'un ou l'autre signe de vocation,
de les entretenir comme aspirants, de leur faire prendre part à
des exercices spirituels pendant les vacances, de recevoir [...] les
demandes de ceux qui désirent être admis quand ils ont atteint
l'âge de seize ou de dix-sept ans ».80
L'arinée suivante, dans la Lettre circulaire du 24 juin 1898,
don Rua insiste encore: « Non seulement je vous exhorte à
soigner les jeunes qui donnent de bonnes espérances pour l'état
ecclésiastique, mais aussi ceux qui pourront devenir de bons
coadjuteurs et de bons maîtres d'apprentissage. Vous savez que
de partout, et en particulier des lieux de missions, nous
parviennent des demandes tout à fait extraordinaires d'implanter
des ateliers, des maisons d'arts et métiers, parce qu'un des
besoins les plus grands de la société moderne est d'éduquer
chrétiennement l'ouvrier ».81
Beaucoup de jeunes de nos collèges appartenaient préci-
sément à des familles touchées par la crise économique. Les
salésiens coadjuteurs qui s'occupaient d'eux avaient une position
sociale stable et sûre en qualité de techniciens et de maîtres
d'ateliers, et témoignaient pleinement de la réponse chrétienne
aux problèmes sociaux de l'époque. C'était pour ceux qui étaient
plus disposés à réfléchir sur la vocation, une invitation puissante
à prendre la même orientation, vu qu'ils manquaient souvent
d'autres débouchés professionnels.
Il est frappant de constater que six nouveaux noviciats furent
fondés précisément au cours de ces années-là: à Lorena au Brésil
(1880), à Bernai en Argentine (1885), à Santiago-Macul au Chili
79 En M. RuA, Lettere circolari, o. c. (31 janvier 1910), pp. 187-189.
80 Ibidem.
81 M. RUA, Lettere circolari, o. c. (24 juin 1898), p. 207 s.
61

6.10 Page 60

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(1895), à Genzano près de Rome (1896), à Arequipa au Pérou
(1897) et à Burwash près de Londres (1897). 82
L'aube du nouveau siècle faisait espérer pour le monde
salésien un plus grand engagement dans la mission parce que le
personnel augmentait en nombre et en qualité. Une lettre de don
Rua du début de l'année 1900 nous fait part de nouvelles et de
communications qui nous permettent de mieux connaître la
situation: «Je dois aussi envoyer un mot de louange méritée aux
directeurs et aux préfets de nos maisons dont le zèle et le
savoir-faire ont su trouver et cultiver des germes de vocation
salésienne parmi ceux qui vivent chez nous, et leur faire prendre
racine. C'est excellent pour l'avantage qu'en tirent les âmes qui
entrent dans l'état religieux et parce qu'augmente le nombre des
confrères coadjuteurs dont notre Pieuse Société a tant besoin. A
ce sujet je suis heureux de vous dire que le désir que j'ai
exprimé dans d'autres lettres de voir se multiplier les maisons de
noviciat pour coadjuteurs et artisans a été entendu, puisque j'ai
la joie de vous annoncer que ces maisons sont déjà au nombre
de sept et produisent des fruits consolants. Il est souhaitable que
leur nombre augmente et que toutes les provinces en aient
autant que possible au moins une ». 83
L'œuvre salésienne ne cesse de s'accroître et de s'étendre.
C'est pourquoi ces rappels officiels cherchent à remédier à une
certaine chute d'intérêt pour la nouveauté du confrère coadju-
teur, même si elle ne se perçoit qu'à peine. Un rapide coup
d'œil sur la production abondante et vivante d'imprimés et sur
la propagande salésienne de l'époque, ainsi que sur les sujets
choisis et débattus pour les fameux congrès de Coopérateurs
(Bologne en 1895 et Buenos Aires cinq ans après), suffit à
montrer comment baisse l'attention pour la composante laïque
de la Congrégation. La préparation et le retentissement des
premières phases du procès de canonisation de Don Bosco ne
servirent même qu'à diffuser toujours davantage dans le monde
l'image du salésien en soutane comme prolongement naturel et
82 Cf. M. RuA, Lettere circolari, o. c. (n° 18, 20 janvier 1898).
83 M. RUA, Lettere circolari, o. c. (20 janvier 1900), pp. 245 s.
62

7 Pages 61-70

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7.1 Page 61

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logique du « saint prêtre des jeunes de Turin ». Le salésien en
habits civils passait au second plan.
En réalité, c'était plutôt l'image de marque des œuvres
salésiennes qui était menacée. Au sein des communautés,
« l'harmonisation entre les prêtres, les abbés et les coadjuteurs
l'emportait de loin sur la discrimination et l'opposition. Dans
chaque maison, la méditation en commun, le partage de la
même table, la coresponsabilité de l'assistance des jeunes, la
préparation des pièces de théâtre et des fêtes favorisaient
l'amalgame. Au niveau provincial, les exercices spirituels annuels
jouaient un rôle analogue. L'entente entre les prêtres et les laïcs
se concrétisait facilement dans le chef de coadjuteurs qui se
distinguaient par leur goût du travail, leur jovialité et leur
observance religieuse. Chaque maison pouvait compter sur l'un
ou l'autre coadjuteur qui reflétait la génération précédente.
San Benigno et Turin eurent le maître tailleur Pierre Cenci
(1871-1939), et Valdocco, entre autres, l'architecte Jules Valotti
(1881-1953). En Argentine se distinguèrent le typographe et
journaliste polémiste Charles Conci (1877-1947) et l'architecte
Henri Botta (1859-1949). L'Equateur eut Hyacinthe Pancheri
(1857-1947), hardi constructeur de routes et de ponts, et
la Belgique, le musicologue Antoine Auda .(1879-1964). Les
coadjuteurs chargés des travaux de type domestique et agricole
continuèrent à exister et comptaient parfois parmi les plus
raffinés au point de vue spirituel. Valdocco eut monsieur Joseph
Balestra (1868-1942); la Palestine, le serviteur de Dieu Simon
Srugi (1878-1943) ».84
N'empêche que don Rua éprouva le besoin d'intervenir, le
1er novembre 1906, pour repousser avec la même énergie et la
même émotion que Don Bosco le danger de les déprécier qui
pointait une fois de plus: « Il faut, écrit-il, que nous montrions
par les faits et pas seulement par les mots, que nous les
regardons comme des frères ».
84 P. STELIA, Cattolicesimo... , o. c., p. 426.
63

7.2 Page 62

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B. Dans la Congrégation en expansion: du rectorat du Père
Paul Albera (1910-1921) à celui du Père René Ziggiotti
(1952-1965) et au Concile Vatican II
a. Après la première guerre mondiale
Après la crise de la première guerre mondiale commence la
période d'histoire du salésien coadjuteur qui va du rectorat du
Père Paul Albera (1910-1921) à celui du Père René Ziggiotti
(1952-1965). Elle trace de nouveaux axes pour multiplier les
vocations et leur assurer la formation religieuse qui doit les
confirmer.
Pour faire face comme il faut à la demande de personnel, les
documents de la Congrégation reviennent sans cesse sur la
nécessité de soigner et de perfectionner la vocation des confrères
coadjuteurs. « De beaucoup d'endroits, lit-on dans une circulaire
de 1920, nous recevons des demandes insistantes de personnel,
en particulier de confrères coadjuteurs. [...] Je me permets
d'insister sur ce point, parce qu'on ne répétera jamais assez que
le progrès de nos écoles agricoles et professionnelles dépend en
très grande partie d'un personnel bien préparé au point de vue
religieux comme au point de vue technique ».85
Même teneur encore dans la lettre du 24 décembre de la
même année: «C'est surtout parmi les humbles, écrivait le même
conseiller professionnel général, le Père P. Ricaldone, éduqués
dans un milieu de simplicité de bon aloi, de familiarité franche,
de piété solide, d'étude et de travail empreints de sérieux et mis
en valeur par le dévouement et la sollicitude du personnel,
qu'éclosent et mûrissent les vocations sérieuses ».86
En 1921, le Père Albera interviendra par une circulaire "sur
les vocations "87 où, écrit le Père Braido, « il donne deux pages
parmi les plus significatives et les plus riches, qui saisisent avec
pénétration et précision le motif de la mission apostolique et
85 P. RrcALDONE, en ACS 24 juin 1920, pp. 16 s.
86 Id., en ACS 24 décembre 1920, p. 105.
87 P. ALBERA, Lettre sur les Vocations, Turin 15 mai 1921, en ACS 4 (1921)
205-207. [Sa traduction française (voir bibliographie) est désignée par le sigle
« Voc. tr. fr.» suivi de la page - N.D.T.]
64

7.3 Page 63

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éducative que le coadjuteur a en commun avec le prêtre, refuse
tout net le dualisme et affirme avec décision sa qualité de
membre d'une Congrégation effectivement éducatrice».88 Cette
lettre signale pour la première fois que c'est en premier lieu aux
confrères coadjuteurs qu'est confié le soin de découvrir et
d'accompagner les vocations: « Ces vocations de coadjuteurs, ce
sont surtout les coadjuteurs eux-mêmes qui doivent les chercher
et les cultiver, en classe d'abord et dans les ateliers où l'occasion
se présente peut-être moins souvent, mais surtout pendant les
récréations, car ils doivent alors se trouver eux aussi au milieu
des enfants et prendre une part amicale à leurs jeux et à leurs
conversations. Ici, les bons coadjuteurs peuvent exercer une
influence bien plus efficace que les clercs et les prêtres. Un clerc,
un prêtre peut tout au plus décrire aux enfants la vie du
coadjuteur salésien, tandis que le coadjuteur la vit sous leurs
yeux, il leur en présente le modèle; or, nous le savons: "Verba
movent, exempla trahunt ", si les paroles émeuvent, les exemples
entraînent ».89
b. Rectorat du Père Philippe Rinaldi (1922-1931)
Les points proposés dans la circulaire du Père Albera, surtout
les plus fondamentaux, ainsi que d'autres faits de nature
religieuse et socio-économique, formeront la base du travail
complexe et systématique réalisé au cours de la décennie
1922-1931. Le rectorat du Père Rinaldi a été défini la période « la
plus féconde et la plus fondamentale pour donner plus de relief
et de maturité à l'idée du coadjuteur». 90
Ces dix années ont vu le travail concerté du conseiller
professionnel général le Père Joseph Vespignani et du préfet
88 P. BRAIDO, Religiosi nuovi..., o. c., p. 31. C'est dans cette circulaire qu'il
est clairement répété que les coadjuteurs ne constituent pas un second ordre,
parce que dans le Congrégation les prêtres et les laïcs « jouissent tous des mêmes
droits et des .mêmes privilèges. Les saints ordres imposent sans doute de plus
grands devoirs, mais les droits sont égaux pour les prêtres et les clercs, comme
pour les coadjuteurs» - (Voc. tr. fr. p. 18).
89 Ibidem, p. 84 - (Voc. tr. fr. p. 18).
90 Ibidem, p. 31.
65

7.4 Page 64

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général le Père Pierre Ricaldone, sous l'inspiration du Père
Philippe Rinaldi, Recteur majeur.
Le thème V du CG12 était le suivant: « Sur la base de nos
Constitutions [mises en accord avec le Code de droit canon
récent]: faire en sorte que les confrères coadjuteurs aient une
culture religieuse plus solide et davantage de savoir-faire profes-
sionnel; chercher quelles autres formes d'école professionnelle
il serait possible d'adopter à côté des écoles. internes pour élèves
internes courantes chez nous ».
Et le Conseiller professionnel général (le Père Joseph Vespi-
gnani) notait dans les ACS n. 16: « Le Chapitre général qui vient
de se tenir [...] a relevé une fois de plus que le personnel
capable manque pour que nous puissions remplir notre mission
dans le domaine professionnel et agricole. En d'autres termes, on
ne sait pas aujourd'hui comment pourvoir au renouvellement du
personnel professionnel salésien dans les provinces. Chaque
année on fait de son mieux pour recruter dans chacun de nos
collèges et oratoires un contingent d'aspirants à l'habit ecclé-
siastique, mais on fait ou obtient bien peu pour le contingent
d'aspirants aux écoles professionnelles, alors que celui-ci
devrait être parallèle au premier. Il est donc nécessaire de
travailler sur ce point pour autant qu'il dépende de nous, afin de
combler le vide comme l'exige l'importance de notre apostolat.
Il faudra par conséquent, dès l'ouverture des écoles profession-
nelles et agricoles, dès la première période d'acceptation des
élèves et les premiers cours d'éducation professionnelle, chercher
les artisans et les agriculteurs qui, d'une manière ou d'une
autre, présentent les signes d'une vocation à cultiver, et
se soucier de les amener ensuite amicalement à notre but.
Pour que cette catégorie d'élèves trouve les moyens adaptés de
se former à une vie salésienne authentique à la hauteur de sa
culture professionnelle et agricole, il faudra penser sérieusement
à des centres de formation, où cette culture non seulement
s'entretiendra, mais se perfectionnera. Il est nécessaire que
chacun dans sa sphère pense et travaille dès le début à
approcher, présenter, favoriser et former les sujets qui donnent
quelque espérance. Mais vu la rareté actuelle des maîtres pro-
fessionnels salésiens disponibles qu'il faudrait retirer des maisons
66

7.5 Page 65

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centrales de formation, pour fournir les provinces, je crois de
mon devoir d'insister auprès des supérieurs pour qu'ils ne dis-
persent pas le contingent déjà formé en partie, mais qu'ils
cherchent plutôt à le rassembler de manière à pouvoir établir
des écoles de perfectionnement. Il faut commençer par les pro-
vinces plus importantes, ou constituer une maison pour les pro-
vinces de même langue, puis les augmenter par après jusqu'à
ce qu'il y en ait autant que possible une ou plusieurs dans
chaque nation. Ces maisons seront comme des pépinières
salésiennes de maîtres d'art et de chefs agricoles». 91
Le Père Vespignani justifie par l'histoire la décision prise en
1920 pour toute la Congrégation de donner un développement
décisif à l'enseignement et aux constructions du secteur scolaire
professionnel et agricole.92 Les archives centrales de la Congréga-
tion conservent différents écrits du Père Vespignani 93 sur le sujet.
Même s'ils ne se trouvent tous qu'à l'état de «notes», ces textes
constituent une « Histoire du coadjuteur salésien ». Ils ont le
mérite indiscutable de constituer un premier essai de réflexion
historique sur ce donné vécu, mais ils ne font que décrire
l'enchaînement des faits survenus du vivant de Don Bosco et qui
nous ont été normalement transmis par la tradition salésienne.
En fait, la lettre intitulée: « Le Coadjuteur salésien dans la
pensée de Don Bosco», que le Recteur majeur, le Père Philippe
Rinaldi, publia dans les Actes du Chapitre supérieur de 1927,94
91 ACS 16 (24 octobre 1922, pp. 29-30).
92 Voir la circulaire publiée en ACS le 24 décembre 1920, qui souligne
précisément la nécessité de récupérer une prérogative spécifique de l'œuvre
salésienne: à la mort de Don Bosco, les écoles professionnelles couvraient les
34% de l'œuvre salésienne; 32 ans plus tard, le secteur avait perdu 20% et se
réduisait à 14 %.
93 Il s'agit en particulier de notes pour des Conférences présentées au
scolasticat de théologie de Turin (Crocetta), d'une Conférence aux coadjuteurs
de Sampierdarena, d'une « Histoire du coadjuteur salésien» dont il a déjà été fait
mention dans ce livre, et de quelques Notes pour la discussion du thème II du
Chapitre général XIII.
94 En ACS 40 (1927) pp. 572-580. L'occasion de l'importante lettre écrite
par le Père Rinaldi fut la fondation, le 17 juillet 1927, de l'école agricole mission-
naire de Cumiana, grâce à la donation d'une grande propriété de la part des
67

7.6 Page 66

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est fondamentale. Elle se rattache tout à fait à la tradition
salésienne permanente, en particulier avec celle des origines, qui
voit dans le confrère coadjuteur un continuateur de la mission
de Don Bosco. En même temps, elle réajuste son profil en lui
appliquant les valeurs que les progrès de la théologie avaient mis
en évidence. Elle fait écho aux paroles enthousiastes de Don
Bosco et de don Rua: « Pour notre Fondateur, écrit-il, les prêtres
assument certes par l'ordination des devoirs et des respon-
sabilités plus importants, mais les droits sont égaux, pour eux
et les abbés comme pour les coadjuteurs. Ceux-ci ne constituent
pas un second ordre, mais sont de vrais salésiens tenus à la
même perfection et à pratiquer, chacun dans sa profession,
son art ou son métier, l'unique apostolat éducatif qui constitue
l'essence de la Société salésienne. [... Don Bosco] a voulu [le
salésien coadjuteur] égal à lui-même et à ses fils élevés à la
dignité du sacerdoce: les moyens, les équipements, les armes, les
appuis, le but et les mérites sont identiques pour tous, comme la
nourriture quotidienne ». 95
Il y a bien un peu d'emphase, mais surtout un ton nouveau
ou, mieux, un regard neuf sur la réalité d'autrefois: « Le
coadjuteur salésien n'est pas le second, ni l'aide, ni le bras droit
des prêtres, ses frères en religion, mais leur égal qui peut les
précéder et les surpasser dans la perfection, comme l'expérience
quotidienne le confirme amplement [...]. L'appel du Seigneur:
" Si tu veux être parfait " n'est pas seulement pour le sacerdoce
ni le petit nombre de ceux qui sont destinés à accomplir les
humbles services des communautés religieuses. Il est aussi et
plus encore pour ceux qui veulent embrasser la vie religieuse et
se consacrer par vœu à enseigner dans les écoles primaires et
secondaires, à assister jour et nuit des multitudes de jeunes, à
être dans les écoles des maîtres et des chefs pour les multiples
métiers requis par la convivialité humaine, et dans les écoles
agricoles qui préparent les maîtres destinés à enseigner la
profession que Jésus à ennoblie dans ses paraboles, puisqu'il n'a
sœurs Flandinet pour la formation du personnel missionnaire.
95 Ibidem.
68

7.7 Page 67

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pas hésité de l'appeler la profession même de son Père: "Mon
Père est l'agriculteur» [vigneron]». 96
Comme pour compléter la lettre du Père Rinaldi, le fascicule
du 24 octobre 1930 des ACS rapporte un simple commentaire du
Père Joseph Vespignani au discours historique de Don Bosco à
San Benigno Canavese en 1883, « destiné surtout à en souligner
les aspects formatifs, ascétiques et religieux».
Un élément important pour la formation du salésien
coadjuteur et pour sensibiliser davantage les esprits à son égard,
fut l'institution et l'organisation des juvénats pour coadjuteurs et
des maisons pour leur perfectionnement après le noviciat. Aux
maisons d'Ivrée, de Foglizzo et de Panango s'ajouta avec tout le
poids d'une « œuvre d~ première importance», comme la définit
le Père Rinaldi, 97 la maison de Cumiana pour les aspirants
coadjuteurs destinés à travailler dans le secteur agricole. Trois
années plus tard, en 1930, une autre donation généreuse,
l'institut du Comte Rebaudengo (Turin), devenait un centre de
formation professionnelle missionnaire. A l'institut Bernardi
Semeria, déjà érigé au Colle Don Bosco depuis 1918, débutait en
même temps le juvénat qui orientait les jeunes gens vers les
cours agricoles et professionnels et les jeunes salésiens coadju-
teurs, déjà en possession de leur qualification professionnelle
de base, pour des cours de perfectionnement.
c. Rectorat du Père Pierre Ricaldone (1932-1951)
La Lettre circulaire du Père Ricaldone sur le « noviciat» (avril
1939) montre que le noviciat unique est une bonne formule tant
pour les clercs que pour les coadjuteurs. Cette lettre contient
encore des données utiles pour faire le point sur la conception
du salésien coadjuteur à cette époque et sur les relations qui
existaient à l'intérieur de la Congrégation. « Disons tout d'abord,
bien que le canon 564 § 2 stipule qu'un local séparé sera assigné
aux novices convers, qu'il n'existe pas en fait dans notre Société
la différence qui se vérifie dans d'autres ordres religieux entre les
96 Ibidem.
97 Ibidem, p. 572.
69

7.8 Page 68

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clercs et les coadjuteurs. De plus, précisément pour renforcer
toujours l'union entre tous les confrères, il est bon que les clercs
et les coadjuteurs fraternisent dès le noviciat, vu qu'ils devront
ensuite se retrouver constamment en contact les uns avec les
autres dans nos instituts pour y appliquer le programme salésien
dans ses multiples concrétisations. La séparation au cours du
noviciat risquerait de signifier pour certains une différence
d'idéal, alors que les fils de saint Jean Bosco ont besoin de
s'épauler, de s'unir fraternellement pour réaliser les finalités
identiques de leur mission. Même s'il n'est pas prêtre, le
coadjuteur salésien est et doit être avant tout un éducateur; il
devra exercer son apostolat dans la même optique et en général
sur le même terrain que lui: le patronage, les écoles profession-
nelles et agricoles, les missions, la cour de récréation, l'école et
l'atelier, en coude à coude avec ses frères prêtres et abbés au
profit des mêmes âmes. [...] Par conséquent, la pratique en
usage chez nous exclut qu'il faille appliquer aux religieux de
notre Société le canon 558 qui dit que "dans les religions dont
les membres sont divisés en deux classes, le noviciat accom-
pli pour l'une des classes n'est pas valable pour l'autre ": dans
notre Congrégation, il n'y a qu'une seule classe de confrères. La
diversité accidentelle des attributions ne fait que compléter,
perfectionner et renforcer l'homogénéité des finalités et du
corps même de la Congrégation. Par ailleurs, l'article 12 des
Constitutions, qui parle de la forme de notre Société, dit
expressément que notre Société comporte des clercs et des laïcs
qui mènent la même vie commune. [...] Naturellement, l'union
des clercs et des coadjuteurs dans le même noviciat exige que
l'organisation de la maison qui doit les accueillir, tienne compte
de tout ce qui est requis pour la formation convenable des
diverses catégories de nos coadjuteurs, puisqu'ils proviennent
d'écoles professionnelles, agricoles et d'autres maisons et
fonctions. Il n'est pas nécessaire d'organiser en grand des ateliers
proprement dits. [...] La pratique a montré qu'il est relativement
facile de pourvoir aux besoins des tailleurs, des cordonniers, des
menuisiers, des sculpteurs; même pour les mécaniciens et les
électriciens il est possible de rassembler peu à peu l'équipement
indispensable. Et puis, il faut donner à tous, en particulier aux
70

7.9 Page 69

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élèves des écoles du livre, plus de possibilité de s'exercer dans le
dessin. Les agriculteurs auront l'occasion de travailler dans le
potager, le jardin ou des entreprises agricoles, et les autres
coadjuteurs pourront donner un coup de main efficace dans les
différents travaux domestiques ». 98
Si le noviciat unique est valable, il semble cependant
intéressant de conserver la formule du juvénat séparé et, pour
ceux qui possèdent un titre professionnel de base, d'un cours de
perfectionnement de deux ou trois années pour seuls confrères
coadjuteurs.
Avec le règlement pour toutes les maisons de formation, le
CG15 (1938) a donc approuvé celui du cours de perfectionne-
ment des confrères coadjuteurs, proposé "ad experimentum"
pour six ans. 99 La disposition fut reprise ensuite par le CG16
en 1947.
La seconde guerre mondiale, précédée de la guerre civile
d'Espagne (1936), accompagnée de la persécution nazie en
Pologne (1939) et suivie des expulsions communistes à Pékin
(1948), de l'internement de plus de 300 salésiens slovaques
(1950) et de la fermeture de nombreuses maisons dans l'Europe
née de la Conférence de Potsdam, n'affaiblirent pas la forte
trempe du Père Ricaldone: même au cours de ces années de
martyre et de violence, il estima qu'il n'était pas question de
différer l'application de ce programme de formation progressive
pour les confrères coadjuteurs. Cependant, à côté de ce canevas
idéal, il fallait toujours maintenir l'usage de destiner aux
communautés, après le noviciat, une partie des salésiens
coadjuteurs qui ne travaillaient pas dans des branches
professionnelles particulières, pour assurer dans la maison des
services de lingers, de cuisiniers, de magasiniers ou d'hommes à
tout faire. Mais le profil du coadjuteur qui tendait à se dessiner
et à s'imposer en ces années-là, précisément sous l'influence de
la préparation culturelle qui leur était impartie dans les centres
98 En ACS 93 (1939) pp. 179-181.
99 Cf. ACS 91 (janvier-février 1939) pp. 30-32.
71

7.10 Page 70

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de perfectionnement, c'était celui du salésien coadjuteur chef
d'atelier, enseignant technique, éducateur de jeunes apprentis.
En 1948 parut la revue trimestrielle Il Salesiano Coadiutore
qui traitait toutes sortes de sujets. Une des principales ru-
briques 100 s'intitulait «Vocation et vocations»: elle présentait
des interventions, des contributions et des réflexions sur le profil
et le rôle du salésien laïc. La disposition et les idées évoluèrent
au fil des ans: les articles des premières années se référaient sans
cesse aux origines et à la pensée de Don Bosco et du Père
Rinaldi; ceux des années 1954-1957 insistaient davantage sur
les «nouveautés», sur l'«apostolat» et sur la «préparation
technique ». 101
En 1950, le conseiller professionnel général de l'époque, le
Père Antoine Candela, présenta au Congrès général sur les états
de perfection qui se tint à Rome cette année-là, une relation sur
le salésien coadjuteur. Elle donne des précisions sur les sources
juridiques, historiques, religieuses et pédagogiques du profil du
religieux salésien laïc, et même du «salésien en civil ». 102 Le Père
Braido a inséré cette contribution dans son recueil de textes
«officiels» sur le salésien coadjuteur, pour plusieurs raisons.
Nous en relevons une en particulier. Cette étude, écrit-il,
«résume avec clarté les meilleurs acquis de la tradition
salésienne doctrinale et pratique sur le sujet, qui constitue une
100 Au cours des dix années que nous avons prises en considération, de
1948 à 1957, voici les rubriques (articles de fond et variés) qui apparaissent
systématiquement: Pour la Sainte Vierge; La parole du Pape; Sur des sujets
variés; Vocation et vocations; Journée du coadjuteur; Education et éducateurs;
Oratoire et catéchisme; La page professionnelle; La page sociale; Profils;
Expositions et congrès; Nouvelles et correspondance; Astérisques.
101 Voir, par exemple, les article suivants (en italien): - La vocation du
coadjuteur salésien (nov.-déc. 1954); - L'apostolat des temps nouveaux
(janv.-févr. 1955) 6; - Coadjuteurs prêtres et coadjuteurs ouvriers (janv.-févr.
1956) 7; - L'apostolat du coadjuteur dans les missions (nov.-déc. 1956) 103; -
Préparation technique du coadjuteur (nov.-déc. 1956) 112; - Le coadjuteur
travailleur et apôtre (mars-avril 1957) 29-49, (juillet-août 1957) 67; (sept.-oct.
1957) 90; - Maîtres de travail: un problème actuel (sept.-oct. 1957) 97.
102 P. BRAioo, Religiosi nuovi... , o. c., p. 187, note 6.
72

8 Pages 71-80

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8.1 Page 71

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sorte de "magistère ordinaire " de la Congrégation dans ce
secteur vital ». 103
Il vaut donc la peine d'en citer les passages les plus
significatifs. Le salésien coadjuteur se présente comme (( une
figure nouvelle, qui se dessine dans les Congrégations cléricales
d'aujourd'hui», un religieux qui (( se met aux côtés du religieux
prêtre pour partager, selon sa condition, les fatigues, les
responsabilités et les joies de l'apostoîat moderne».
La nouveauté de ces religieux laïcs par rapport aux anciens
((convers» tient, selon le Père Candela, à deux faits:
(( a) Les charges qui leur sont confiées: elles sont variées et ils
les partagent avec leurs confrères prêtres, à l'exception naturelle-
ment de celles qui relèvent du caractère sacerdotal. La souple
structure de ces sociétés et la multiplicité de leurs activités
offrent aux laïcs un vaste champ d'apostolat. Les moins instruits
se sanctifient dans les humbles travaux des différentes maisons,
et les professeurs se sanctifient en faisant cours, de la première
primaire jusqu'à l'université; les maîtres d'apprentissage dans leurs
ateliers-écoles, en toutes sortes de métiers et de spécialisations;
les agriculteurs dans les champs; d'autres dans les patronages,
comme assistants et dirigeants de groupes d'Action catholique,
de cercles sportifs, artistiques et autres. Et tout cela non seule-
ment dans les pays civilisés, mais aussi en terres demissions.
(( b) Leur nombre. La multiplicité des choses dont s'occupent
ces Sociétés exige naturellement un grand nombre de travailleurs
évangéliques même non prêtres. Dans un couvent, quelques
" convers " peuvent suffire pour assurer les travaux domestiques
de la communauté. Mais ici, il est nécessaire d'ouvrir le chemin
de la perfection à tous les laïcs qui se sentent appelés à se
sanctifier en exerçant, dans la vie de communauté, toutes les
formes de l'apostolat et de la propagande chrétienne».
d. Rectorat du Père René Ziggiotti (1952-1965)
Convoqué en janvier 1952, le CG17 prend pour premier
thème d'étude la formation culturelle, professionnelle et reli-
103 Ibidem.
73

8.2 Page 72

▲back to top
gieuse du salésien coadjuteur. C'est comme pour faire la jon-
ction entre les dernières dispositions du Père Ricaldone 104 et les
premiers engagements du Père Ziggiotti. Dans les ACS d'oc-
tobre· 1952, ce dernier présente, parmi les délibérations prises,
les « directives pour le cours de perfectionnement des confrères
coadjuteurs » et les « recommandations » sur le personnel. 105
Tout le travail de cette époque de transformations, d'appren-
tissage concret et d'organisation aboutira à la codification de
cette matière qui prendra place dans les << Règlements de la
Société salésienne» en 1954. 106
La Congrégation entrait ainsi dans la seconde moitié du xxe
siècle avec une meilleure connaissance de la nouveauté et de la
fonction essentielle du salésien coadjuteur. Les vingt années
104 Il mourut le 25 novembre 1951.
105 Certaines de ces « recommandations » sont significatives et même sin-
gulières:
« 1) Célébrer chaque année la Journée du coadjuteur (...).
« 2) Continuité, dans la mesure du possible, du personnel dirigeant dont le
travail fait fleurir les vocations.
« 3) Encourager la formation de Cercles professionnels parmi les clercs des
scolasticats pour les intéresser aux vocations chez les artisans et aux pro-
blèmes des écoles professionnelles.
« 4) Encourager la revue Il Salesiano Coadiutore et si possible la traduire en
diverses langues.
« 5) Faire lire la vie de Don Bosco à nos jeunes gens et faire connaître les
figures les plus méritantes de nos coadjuteurs.
« 6) Faciliter dans les écoles professionnelles et agricoles l'acceptation des
jeunes de condition modeste.
« 7) Sélectionner l'acceptation des jeunes et favoriser les fils de familles
nombeuses [...].
« 8) Soigner les vocations d'artisans également parmi les membres de nos
patronages (garçons de magasins, apprentis).
« 9) Insister pour que nos confrères coadjuteurs soient les premiers intéressés
à rechercher des vocations par la prière et le bon exemple.
« 10) Il est possible de trouver de bonnes vocations pour les coadjuteurs
parmi les jeunes gens, même séminaristes, qui n'ont guère de goût pour les
études ecclésiastiques, mais ont un idéal religieux et des aptitudes pour
apprendre un métier».
106 Voir l'édition de 1954, la partie 1, section 11, chapitre m: art. 58-60;
section N, art 331-333.
74

8.3 Page 73

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suivantes connaîtront une augmentation progressive globale des
salésiens avec un maximum de 21.614 profès en 1967.
Mais ce sont aussi les années où se profilent, surtout dans les
sociétés occidentales, les premiers ferments de vastes et profonds
changements. Ils ne tardent pas à avoir des répercussions sur les
structures et la vie des instituts religieux.
Quant au sort des salésiens coadjuteurs, surtout de ceux qui
sont destinés aux écoles professionnelles et agricoles, on assiste à
une lente mais inexorable diminution d'élèves et de commandes
de travaux dans les secteurs de pur artisanat comme la
menuiserie, la ferronnerie, la cordonnerie, la couture et la
reliure. La naissance et le développement de l'automatisation,
avec ses diverses possibilités de postes de travail dans l'industrie,
orientent les jeunes apprentis dans d'autres directions. Les
relations commerciales qui s'étaient créées après la seconde
guerre mondiale obligent les différents états à faire rapidement
face aux nouveaux impératifs et à modifier les cadres
professionnels disponibles. Tout cela exige la transformation des
structures scolaires et des ateliers, la révision des matières
d'apprentissage et la requalification du personnel enseignant.
Les salésiens coadjuteurs sont les premiers à subir les contre-
coups compréhensibles de ces mutations souvent drastiques.
Beaucoup d'entre eux, insérés depuis toujours dans un
secteur spécifique, se trouvent «disqualifiés» et obligés d'assumer
des activités apostoliques et éducatives nouvelles et très
différentes de celles auxquelles les avait préparés toute leur
formation antérieure. Vu leur âge moyen de 42,6 ans en 1970, il
est facile de comprendre le malaise et le déséquilibre que leur
crée cette situation. La courbe des vocations fléchit elle aussi
ainsi que le pourcentage des coadjuteurs sur le total des
salésiens; il passe de 21 (qu'on enregistrait encore dans les
années 50) à 18,35 p. 100 en 1974.
12.3 Dans le travail de rénovation de la période post-
conciliaire
A cent cinquante ans de la naissance de Don Bosco, la décla-
ration du Père Louis Ricceri, élu Recteur majeur (1965-1977),
75

8.4 Page 74

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devient un programme de travail et de gouvernement. Elle
exprime bien les connotations de ce moment de l'histoire:
« En avant avec Don Bosco vivant, aujourd'hui, pour répondre
aux exigences de notre temps et aux attentes de l'Eglise ». 107
Depuis dix ans environ, la Congrégation était entrée dans son
deuxième siècle de vie et devait être en mesure d'affronter des
situations inédites et en partie originales. Les transformations
rapides du monde, les appels qu'il lançait, les conditions
nouvelles, même au sein de l'Eglise, poussèrent à rechercher des
orientations adaptées. Ces nouvelles directives puisèrent leur
force et leur inspiration avant tout dans les documents du
Concile Vatican Il. Pour garder la fidélité essentielle et
dynamique au projet apostolique et éducatif de Don Bosco, il ne
suffisait pas d'adapter de vieilles formules, si excellentes et
décisives qu'elles aient été dans le passé, car l'accélération
incoercible du mouvement des idées imposait d'en créer de
nouvelles. Le climat unique de l'immédiate préparation du
Concile et de ses premières sessions eut l'effet d'un puissant
ferment sur la vie de la Congrégation. Quelques années déjà
avant le fameux « mai 68 », lourd des inquiétudes et des attentes
des jeunes, les salésiens s'étaient trouvés interpellés et engagés,
comme jamais dans l'histoire des Chapitres généraux précédents,
à préparer et à lancer en 1965, à travers le Chapitre général
XIX, leur renouveau et leur réorganisation. Parmi les vingt-
deux documents capitulaires, le cinquième s'intitule Le Salésien
Coadjuteur.
Dans l'esprit du renouveau conciliaire, au cours des vingt
années qui suivent, s'élaborent d'importants documents sur le
salésien coadjuteur, surtout à l'occasion des Chapitres généraux.
Vu qu'ils constituent l'objet des réflexions des pages qui suivent,
nous nous limitons ici à les indiquer dans l'ordre chronologique.
Le CG20 (1971-72), convoqué pour exécuter les directives du
« motu proprio» Ecclesiae sanctae. Préparé par deux Chapitres
provinciaux et suivi d'un troisième, il suscite un travail intense
de réflexion chez les confrères.
107 Cf. Bollettino Salesiano, Juin 1965, p. 164.
76

8.5 Page 75

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Du 31 août au 7 septembre 1975 se déroule à Rome le
Congrès mondial du salésien coadjuteur.
Le CG21 (1977-78) recueille les résultats de la première
période d'« expérimentation » des Constitutions rénovées. Parmi
les cinq documents capitulaires, le second a comme thème Le
Salésien Coadjuteur.
Les ACS n. 298 (octobre-décembre 1980) publient la lettre
importante du Recteur majeur, le Père Egidio Viganà, sur La
Composante laïque de la communauté salésienne.
En même temps que la refonte finale du texte des
Constitutions et des Règlements, le CG22 (1984) donne des
« orientations pratiques et des délibérations », dont le point 3
concerne La composante laïcale. Elle constitue une des quatre
priorités indiquées à toute la Congrégation par le Recteur
majeur, le Père Egidio Viganà, dans ACS n. 312 Ganvier-mars
1985).
Tous ces travaux s'étaient assigné le but exprimé par le Père
Ricceri à l'ouverture du Congrès mondial: « C'est la première
fois, disait-il, que la Congrégation se pose officiellement, sous
une forme aussi approfondie, large et systématique, et dans la
volonté de recherche aussi totale et aussi attachante, la grande
question suivante: le salésien coadjuteur, qu'est-il et que veut-il
être? Comment vit-il et sent-il, à la lumière de la réalité
d'aujourd'hui, l'idéal de sa vocation à la fois religieuse et laïque
au service de la mission salésienne? Quels sont les obstacles qui
s'opposent à la réalisation et au développement plein et fécond
de la vocation de l'" apôtre nouveau pour le monde nou-
veau n? » 108
***
Les chapitres qui suivent font le point sur l'état actuel de la
réflexion sur le salésien coadjuteur et du vécu qui la concrétise
aujourd'hui.
Les brefs éléments d'histoire qui ont été présentés jusqu'ici
ont eu pour but d'aider à saisir dans les expériences actuelles les
lignes de force qui se trouvent directement, ne fût-ce qu'en
germe, dans le charisme de notre Fondateur Don Bosco.
108 Atti del Convegno Mondiale Salesiano Coadiutore, Rome 1976, p. 15.
77

8.6 Page 76

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2. L'IDENTITE DE LA VOCATION DU SALESIEN COADJU-
TEUR: APPROFONDISSEMENTS THEOLOGIQUES
2.0 PRÉAMBULE
L'histoire du salésien coadjuteur vient d'être présentée dans
ses grandes lignes. Ce n'est pas l'histoire d'une idée, mais d'un
don de !'Esprit-Saint à son Eglise à travers Don Bosco. Don
Bosco l'a perçu et aimé, et il a pu reconnaître et apprécier
toujours davantage la richesse qu'il apportait à sa communauté
originale et active au service des jeunes.
Les salésiens coadjuteurs ont donné aux jeunes, spécialement
aux plus pauvres, mais ils ont également reçu du contact avec
eux le don d'être davantage ce qu'ils étaient déjà. Dans leur
histoire, nous l'avons vu, c'est clair: ils ont appris des jeunes et
de leur monde à être davantage eux-mêmes.
L'histoire nous l'enseigne: chaque vocation est un mystère
qui se manifeste, se donne, se reçoit et grandit par le fait qu'il
entre en contact avec les situations des jeunes et du peuple pour
se mettre à leur service.
Quels que soient les biais par lesquels on l'aborde, l'histoire
conduit à cette richesse toujours en mouvement du service
d'autrui et de l'épanouissement personnel.
L'identité de la vocation du salésien laïc a été peu à peu
redéfinie par les Chapitres généraux qui ont suivi le Concile, et
ont abouti à tracer avec plus de netteté le profil et le rôle du
salésien coadjuteur: il faut rappeler en particulier le CG21 qui lui
a consacré un document spécial. Toute la réflexion du Chapitre
a abouti au texte rénové des Constitutions approuvé par le
Saint-Siège.
La Congrégation tout entière s'est fortement engagée dans
ce travail difficile. Elle l'a fait à la lumière des directives de Vati-
can II, des indications officielles du Recteur majeur, de l'étude
78

8.7 Page 77

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des experts et, en particulier, de l'expérience vécue des confrères
laïcs eux-mêmes.
Nous disposons aujourd'hui d'un enseignement abondant. Il
s'agit de l'approfondir et d'en prendre de mieux en mieux
connaissance, en tenant compte de la réflexion actuelle de
l'Eglise qui est en train de faire la lumière sur deux points
particuliers:
1. Les significations et les aspects nombreux de l'identité du
salésien laïc ;
2. Les composantes de la laïcité et de la sécularité.
Ce sont les deux sujets sur lesquels nous allons réfléchir.
2.1 IDENTITE: SES NOMBREUSES SIGNIFICATIONS
Commençons par expliquer les termes pour faciliter la
recherche et mieux comprendre le travail délicat et complexe
que la Congrégation a accompli au cours de ces vingt dernières
années pour définir notre identité. Durant cette période, en effet,
on a beaucoup parlé d'identité à propos de l'Eglise, de la Famille
salésienne et, à l'intérieur de celle-ci, de notre Société, des
salésiens prêtres et des salésiens coadjuteurs. On lui a donné de
nombreux sens. En voici quelques uns parmi les principaux. 1
21.1 L'identité salésienne: aspects quantitatif et qualitatif
L'identité salésienne a un aspect quantitatif ou numérique,
comme par exemple dans les questions suivantes: Combien y
a-t-il de salésiens? Leur nombre augmente-t-il ou diminue-t-il?
Combien y a-t-il de salésiens coadjuteurs? Quel est leur pourcen-
tage par rapport aux salésiens prêtres?
Mais elle a aussi un aspect qualitatif dans des questions
I Cf. F. DESRAMAUT, Problemi di identità salesiana, en F. DESRAMAUT -
MIDALI (sous la direction de), La Vocazione salesiana. (Turin LDC 1982)
pp.19-59.
79

8.8 Page 78

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comme celles-ci: Que sommes-nous aujourd'hui dans la société
et dans l'Eglise? Que sont les salésiens coadjuteurs pour les
salésiens prêtres et pour les membres de la Famille salésienne?
Comment sont-ils considérés par les ~utres dans la société et
dans l'Eglise?
Si, comme on le verra, les problèmes les plus importants
portent plutôt sur l'aspect qualitatif de l'identité, ceux qui
concernent son aspect quantitatif ne sont pas à négliger. Dans le
cas des salésiens coadjuteurs, ils présentent même des perspec-
tives assez préoccupantes.2
21.2 L'identité salésienne: aspects personnel et communautaire
L'identité salésienne revêt encore un aspect personnel et
communautaire. Un aspect personnel lorsqu'~n considère chaque
salésien en tant que membre de la Congrégation et de la Famille
salésienne.
Elle prend un sens communautaire ou collectif quand il
s'agit du «nous», de l'ensemble des salésiens. Dans la Congréga-
tion, les relations d'amitié, de communion fraternelle, de collabo-
ration et de solidarité nous permettent d'être et d'agir comme
un «nous »; et ce « nous » a une consistance et une originalité
propres, parce qu'il se rattache à la mission salésienne commune
et à l'esprit de Don Bosco que nous partageons tous.
Le texte rénové des Constitutions utilise couramment le
«nous ». C'est pour faire ressortir l'aspect communautaire de
l'identité salésienne: l'individu fait partie d'un «nous»; chacun
est salésien non pas tout seul, mais «avec» d'autres salésiens.
Les relations entre les salésiens prêtres et les salésiens laïcs
sont des éléments constitutifs de notre identité ainsi comprise.
L'identité des uns agit sur celle des autres; il n'est donc pas
possible de les décrire et de les vivre à fond sans référer
2 Cf. E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, pp. 39-44; id., La
Società di san Francesco di Sales nel sessennio 1978-1983. Relation du Recteur
majeur (Rome 1983) 237 s.
80

8.9 Page 79

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réciproquement celle des uns à celle des autres. Par conséquent,
la présence de salésiens laïcs dans la communauté salésienne
n'est pas un fait accessoire ou marginal. Elle met en question
notre fidélité au projet communautaire et pratique de Don Bosco
et concerne de près notre identité même.3
21.3 L'identité salésienne: aspect relationnel
L'individu et le groupe n'existent que dans un corps social
plus large, le monde.
Les traits qui précisent notre identité ne sont lisibles qu'à par-
tir du réseau de relations que l'individu ou le «nous» collectif
ont avec les autres et avec l'univers religieux où ils évoluent.
Pour redéfinir l'identité de notre Société, le texte de nos
Constitutions ne décrit pas seulement ses traits internes (la
consécration apostolique et sa forme: art. 2. 3. 4.), mais aussi le
type de relation qu'elle a avec la Famille salésienne (art. 5), dans
l'Eglise (art. 6. 23), avec le monde contemporain (art. 7) et avec
l'univers religieux chrétien (la présence de Marie et de nos
Protecteurs: art. 8. 9) et non chrétien (art. 7).
Les composantes à prendre plus particulièrement en
considération sont notre nom et notre appellation, notre âge, le
nombre de nos membres, le but de la Congrégation, sa structure
juridique, les valeurs qu'on y vit ou qu'on y recherche, les
normes positives ou morales qui la gouvernent, les cultures dans
lesquelles vivent ses membres ou dont ils sont artisans.
Nous nous y arrêterons plus loin.
21.4 L'identité salésienne: la réalité et l'idéal
Dans le réseau des relations qui interviennent dans la qualité
de notre identité, il faut distinguer notre identité réelle et notre
identité idéale.
3 Cf. E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298.
81

8.10 Page 80

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L'identité réelle est celle qui est vécue et creee, d'une
manière spontanée ou consciente, par l'individu ou un groupe
dans sa façon de vivre et d'agir dans le quotidien.
Chaque salésien a son identité. Il la vit et la révèle par sa
manière de travailler, de prier et de parler, de se comporter
envers les confrères, les jeunes gens et les personnes avec qui il
est en contact. Il peut en être plus ou moins conscient. Il s'en
rend compte surtout lorsqu'il traverse des moments difficiles et
quand il fait une sorte de bilan de sa vie.
Chaque communauté salésienne, locale ou provinciale, a son
identité propre. Elle l'exprime dans son vécu quotidien. Il est
possible de la saisir dans la convivialité de chaque jour et
spécialement dans ses différentes formes de rencontres com-
munautaires et dans ses relations avec le territoire sur lequel elle
travaille.
L'identité idéale est celle qui se présente comme un but à
atteindre, comme un projet plus parfait que celui qui se vit en
fait et qui comporte toujours divers défauts.
Pour redéfinir notre identité, les Constitutions ont tenu
compte de l'expérience des salésiens et de leurs communautés
et, par conséquent, de leur identité réelle, dans son aspect qua-
litatif et communautaire. Elles se sont appuyées sur l'expérience.
Mais en même temps, elles ont essayé de définir aussi notre
identité idéale, de manière qu'elle soit le plus conforme possible
à l'Evangile, aux exemples et aux enseignements de Don Bosco
et aux indications officielles du magistère actuel de l'Eglise.
La présentation de l'identité de la vocation du salésien laïc se
référera à son identité réelle et surtout à l'identité idéale tracée
par les Constitutions.
21.5 L'identité salésienne institutionnelle
Le salésien n'est pas une île. Il appartient à une Congréga-
tion, à une communion de personnes réglée par des normes. Il
est membre d'une institution religieuse et apostolique.
Cet aspect institutionnel fait partie de l'identité individuelle et
82

9 Pages 81-90

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9.1 Page 81

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de l'identité collective des salésiens. C'est l'identité salésienne
institutionnelle.
Lorsque les Constitutions et les Règlements désignent divers
types d'activités et d'œuvres où nous travaillons comme
missionnaires des jeunes, lorsqu'elles décrivent les communautés
salésiennes à leurs différents niveaux et qu'elles donnent des
précisions et des normes pour la pratique des conseils évangé-
liques, la formation initiale et permanente et le service de l'auto-
rité, ils définissent précisément les aspects institutionnels de
notre identité.
21.6 L'identité salésienne exprimée: nécessité et limites
L'identité salésienne exprimée est notre identité réelle ou
idéale et institutionnelle telle que la décrivent les discours, les
textes et les normes.
Lorsqu'un salésien (ou une communauté) écrit ou parle de
soi, de sa vie et de ses activités, de ses relations avec les autres,
de ses attitudes et de ses comportements, de ses valeurs et de
ses projets, il exprime son identité et le fait le plus souvent sous
une forme spontanée.
Mais il y a une manière qualifiée de la manifester: lorsque
c'est fait par des autorités reconnues comme le Pape, le Recteur
majeur, les Chapitres généraux, les Supérieurs aux différents
niveaux.
Pour le faire, ils recourent aujourd'hui aux intentions et aux
exemples de notre Fondateur Don Bosco, à la tradition, en
particulier aux Constitutions et aux Règlements, texte approuvé
et officiel qui décrit les traits fondamentaux de notre identité.
Ces textes « qualifiés » sont indispensables et c'est à eux
presque exclusivement que se référera tout ce que nous dirons
sur l'identité du salésien laïc. Mais il ne faut pas en faire un
·absolu au détriment de la description spontanée de l'identité
salésienne. Avec ses limites, celle-ci anticipe et prépare souvent
les déclarations qualifiées. Si les confrères ne s'étaient pas
exprimés et n'avaient pas fait part de leurs expériences et de
leurs convictions, il n'aurait pas été possible de mener à bien le
83

9.2 Page 82

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travail complexe de la reVIson des Constitutions avec toutes la
richesse qu'elle comporte aujourd'hui.
Il faut donc se garder de réduire notre identité personnelle ou
communautaire aux réflexions qui se font à son sujet et, surtout,
de croire qu'elles suffisent à répondre aux questions qu'elle pose
aux salésiens prêtres et laïcs. Elles sont utiles et même néces-
saires pour vivre la vocation salésienne dans son authenticité.
Mais elles n'expriment pas toute la variété de l'expérience spiri-
tuelle et apostolique de la Congrégation, ni ne prétendent offrir
la solution des problèmes souvent dramatiques qu'elle présente.
21.7 Le cheminement historique de l'identité salésienne
Chaque discours essaie de fixer l'identité comme sur une
photographie. Ceux qui sont rétifs au changement la fossilisent
et semblent ignorer que la tension entre la permanence et le
dynamisme est vitale et qu'elle règle le développement des êtres
spirituels.
L'identité des individus et des institutions se modifie avec le
temps. A cinquante ans, une personne est différente de ce qu'elle
était à vingt: la vie l'a changée, même si la conscience d'elle-
même est restée. Notre Congrégation a une date de naissance.
Depuis lors, elle s'est peu à peu développée et étendue au
monde entier, elle s'est subdivisée en provinces et en régions,
elle a modifié sa physionomie juridique, elle s'est adaptée à
diverses cultures et aux différentes générations de salésiens. Tout
ce qui est advenu au cours de ces trente dernières années sous
la poussée du renouveau de Vatican II et des situations nou-
velles où nous vivons et travaillons, en est la preuve évidente.
Ce n'est pas surprenant! Au contraire, parce qu'elle est
entraînée dans des événements historiques en constante évolu-
tion, la Congrégation a dû, pour vivre et progresser dans son ser-
vice, en assumer les expressions culturelles ou prendre position à
leur sujet pour en partager ou refuser les aspects qui les carac-
térisent.
Notre identité a donc une dimension temporelle: elle est
soumise à l'évolution de l'histoire et à ses dynamismes. En ce
84

9.3 Page 83

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qui concerne les salésiens coadjuteurs, nous l'avons vu, elle
marque bien les changements et les mutations intervenues.
Notre tradition a résumé ce procesus dans la formule: « avec
Don Bosco et avec les temps»; le magistère salésien, lui, préfère
depuis longtemps parler de « fidélité dynamique». 4
21.8 Le sens de l'identité «collective»
Dans les périodes de crise des vocations, on s'interroge
souvent sur le « sens » de sa vie. Dans les années qui ont suivi le
Concile, notre Congrégation s'est demandé si le profil du salésien
coadjuteur pouvait encore avoir du sens dans un monde changé
à ce point. Certains s'étaient même résignés à sa disparition, tant
ils y croyaient peu. Ces attitudes criticables ont été dénoncées à
juste titre, mais n'en étaient pas moins réelles.5
Une identité personnelle et collective a de la valeur tant que
ses composantes sont cohérentes et significatives pour ceux
qu'elle intéresse et que ses finalités et ses valeurs sont lisibles et
crédibles pour les autres. Si elle perd sa cohérence, si elle
devient plus ou moins insignifiante, peu lisible et crédible,
l'identité perd tout intérêt et est remise en question.
L'énorme travail accompli par notre Congrégation au cours
de ces vingt dernières années a pris comme objectif de
reconquérir la certitude, pour les salésiens prêtres et les salésiens
laïcs, que leur vocation a un sens aujourd'hui dans l'Eglise: elle
est au service du vaste monde des jeunes, spécialement des plus
pauvres.
4 Cf. p. ex. CGS en particulier le document II intitulé Don Bosco à l'Ora-
toire: critère permanent de renouvellement de l'action salésienne, nn. 192-273.
5 Cf. E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 16; id. La So-
cietà... , o. c., 237 s.
85

9.4 Page 84

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2.2 QUELQUES ASPECTS GENERAUX DE L'IDENTITE DU SALESIEN
COADJUTEUR: CRITERES
Après la mise au point des différents « sens » que peut prendre
aujourd'hui l'identité salésienne, voici à présent quelques uns de
ses aspects. Certains sont essentiels et déterminants, d'autres
moins, mais restent importants.
Sont sans aucun doute déterminantes pour l'identité de notre
vocation les fins et les valeurs que nous professons: notre
consécration apostolique qui comporte l'esprit salésien, la
mission, la communauté fraternelle, la pratique des conseils
évangéliques, le dialogue avec le Seigneur dans la prière, car
elles sont en rapport avec les valeurs morales et religieuses
auxquelles nous croyons et qui nourrissent notre action et notre
vie.
Ce sont des traits si importants et si centraux pour notre
vocation qu'ils méritent une réflexion à part. Ce sera l'objet du
2.3.
Mais il nous faut d'abord parler des aspects moins importants
de notre identité, parce qu'ils en influencent diversement les
aspects essentiels et qu'ils les conditionnent au moins en partie.
Ils y a donc lieu d'en tenir compte aussi.
·
22.1 La consistance numérique et la situation géographique
La consistance numérique des salésiens, prêtres et coadju-
teurs, et leur situation géographique influencent leur identité.
La question présente un intérêt particulier pour la Congrégation.
Les supérieurs et les Chapitres généraux se sont penchés sur
elle et en ont tiré des motifs d'espérance et de préoccupation
en fonction des données offertes par les statistiques. La dernière
déclaration à ce sujet fut faite par le Recteur majeur au CG22:
« Je dois lancer un cri d'alarme. Dans la première partie [de la
relation sur l'état de notre Société], nous nous sommes arrêtés
un instant, avec une insistance intentionnelle à présenter les
données statistiques concernant, dans chaque continent, les
confrères coadjuteurs. Il en est résulté un panorama préoccupant.
86

9.5 Page 85

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Alors que dans l'Eglise on parle d'" une heure du laïcat ", il
semblerait que les instituts masculins de vie active (et nous
parmi eux) n'aient pu faire entrer cet aspect dans le processus
de renouveau de leur communauté religieuse. Quant à nous, salé-
siens, plus nous nous tournons vers nos destinataires privilégiés,
surtout dans le tiers monde, plus nous ressentons avec an-
goisse l'impact négatif de la baisse numérique des coadjuteurs.
« La communauté salésienne ne peut se passer de cette figure
caractéristique qui est le témoin prioritaire d'une de ses
composantes constitutives. Enumérons quelques uns des graves
problèmes qui restent ouverts:
- Avant tout, la baisse numérique des confrères coadjuteurs;
- Le fait qu'il y ait quelques provinces sans novices coadju-
teurs;
- La permanence chez beaucoup de confrères d'une mentalité
étrangère à ce grave problème, par ignorance ou par pré-
jugés;
- Une certaine amertume de "caste" chez certains, alimentée
par des préjugés qui considèrent les valeurs du sacerdoce ou
celles du laïcat sans partir de la synthèse de complémentarité
mutuelle propre à l'esprit salésien, mais en partant de consi-
dérations générales qui concourent à affaiblir le caractère
propre de notre communauté; [...]
- L'affaiblissement et la diminution des apports spécifiques du
ministère sacerdotal dans l'action de la communauté, en
conformité avec les critères pastoraux du système préventif;
- L'accroissement du sécularisme dans la mentalité et les
attitudes de plus d'un confrère prêtre.
« [ ...] Ce n'est pas tant une "catégorie" de confrères qui est
en cause, mais c'est la composante laïque de la communauté
salésienne elle-même qui est interpellée et qui doit être repensée
dans la fidélité à Don Bosco et à notre époque ». 6
La baisse numérique signalée fait problème, mais elle ne doit
6 E. VIGANô, La Società... , o. c., 237 s.; CG22 Rapport du Recteur majeur
(3• partie, p. 27, n° 322), Rome 1984.
87

9.6 Page 86

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pas donner lieu à des attitudes négatives comme l'amertume, le
pessimisme ou le découragement. Elle doit plutôt nous pousser à
travailler davantage pour faire mieux connaître et apprécier
notre identité de salésiens prêtres et laïcs dans la Congrégation et
dans notre vaste champ de travail; elle doit nous tenir sans cesse
attentifs à la situation locale, aux perspectives et aux nouveaux
espaces qu'elle ouvre pour promouvoir une pastorale des voca-
tions éclairée, courageuse et confiante.
22 .2 Les appellations de « Coadjuteur» et de « salésien laïc»
Choisir, accepter ou changer un nom n'est pas une simple
formalité sans importance. Qu'on le veuille ou non, le nom
classe une personne ou un groupe, révèle leur appartenance à un
monde culturel déterminé et à une gamme de valeurs et de
non-valeurs qui touchent l'identité.
Dans les ordres et les congrégations religieuses non exclu-
sivement laïques, on l'a vu, les membres laïcs sont désignés
par différents noms: convers, oblats, serviteurs, frères, confrères
coadjuteurs, auxiliaires ou disciples. Ces dénominations sont nées
en contexte chrétien et rappellent ou rappelaient aux croyants
certaines valeurs évangéliques: les convers, par exemple, la
conversion; les oblats, la donation de soi; les serviteurs, le
service chrétien; les frères ou confrères, la fraternité religieuse;
les coadjuteurs, l'aide et la collaboration; les disciples, la
pratique de l'Evangile.
Mais ces dénominations étaient aussi utilisées dans des
contextes précis. Elles n'indiquaient donc pas simplement des
valeurs évangéliques, mais aussi d'autres valeurs de la vie et des
prestations des religieux laïcs tant à l'intérieur de leur institut
que dans le cadre plus large de l'Eglise et de la société. Elles
désignaient concrètement:
- Les emplois, simples ou importants, et les rôles, le plus
souvent subalternes, des religieux laïcs;
Leur type de présence dans la vie de la communauté comme
88

9.7 Page 87

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catégorie à part ou comme frères au même titre que les
religieux prêtres;
- La relation qu'ils avaient avec eux: le service, l'aide, la
collaboration sur pied d'égalité;
- Leur degré de formation et leur niveau culturel.
Bref, les dénominations indiquaient leur statut social et
culturel, canonique et religieux, de groupe, de catégorie, de
«classe».
Pour désigner les confrères laïcs de sa Congrégation, Don
Bosco, on le sait, s'en tint à la législation canonique en vigueur
de son temps et choisit la dénomination de «coadjuteurs». Cette
dénomination faisait déjà difficulté parmi les salésiens d'alors,
mais il ne voulut pas la changer.
Le problème a resurgi au cours de ces vingt dernières années.
Dans les Chapitres généraux qui ont suivi le Concile, on discuta
s'il fallait maintenir ou changer la dénomination de «coadju-
teurs».
Certains estimaient que c'était celle que leur avait donnée
notre Fondateur Don Bosco. Elle porte des valeurs liées à notre
tradition et à un grand nombre de figures admirables de
salésiens laïcs. La modifier, c'était risquer de se couper de ses
racines et du patrimoine salésien et culturel de notre Société.
D'autres estimaient que la dénomination de «coadjuteur»
exprime bien mal la signification que lui a donnée notre tradition
et qu'elle ne peut guère se comprendre aujourd'hui en dehors de
nos milieux. Elle évoque en outre une image de dépendance, de
marginalité et de «discrimination», qu'il n'est plus possible de
proposer à des aspirants éventuels à la vie salésienne. Il était
donc utile, voire nécessaire de la changer.
Compte tenu de ces différents motifs et en particulier du fait
que «notre Société est constituée de clercs et de laïcs qui vivent
la même vocation dans une fraternelle complémentarité»,7 les
Constitutions rénovées ont choisi pour les uns et pour les autres
le substantif «Salésien» qui connote l'unique vocation, à relier
7 Const 4.
89

9.8 Page 88

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ensuite à l'apposition «coadjuteur» ou «laïc» et «prêtre», pour
spécifier la forme particulière de vocation. 8
On a donc voulu à la fois rester fidèles à la volonté de Don
Bosco et rencontrer les contenus actuels du langage et les justes
attentes des confrères. Mais on a surtout cherché à souligner
l'égalité totale entre les salésiens prêtres et les salésiens laïcs
voulue par notre Fondateur et rappelée à maintes reprises par
ses successeurs comme un aspect original de notre identité.
22.3. Influence des structures
La structure fait partie de l'identité et les divers types de
structures de la Congrégation influencent notre identité.
Nous, les salésiens, « nous sommes reconnus dans l'Eglise
comme institut religieux clérical de droit pontifical, voué aux
œuvres d'apostolat ».9 Ce sont les traits juridiques essentiels de
notre identité dans l'Eglise.10
Il est bon de noter que le caractère « clérical » de notre
Congrégation est à entendre d'une manière technique dans sa
signification «canonique» spécifique. Il exprime sous une forme
juridique un aspect de sa réalité charismatique. Il implique que
la direction, c'est-à-dire le service d'animation et de gouver-
nement des communautés, - appelée à être comme telle le centre
propulseur de la pastorale des jeunes - soit confiée, à ses diffé-
rents niveaux, à un confrère prêtre, qualifié pour cela par la
grâce du ministère sacerdotal, par sa compétence personnelle et
sa sensibilité pastorale. Mais Don Bosco a voulu, et la tradition
en a explicité les raisons, que ce service se caractérisât par une
valorisation particulière de la composante laïque. Dans la
communauté salésienne, en effet, « clercs et laïcs vivent la même
vocation dans une fraternelle complémentarité», dit l'article 4 des
Constitutions. Et l'article 45 ajoute: « Chacun est responsable
8 Const 45. 106. 116.
9 Const 4.
•0 Pour un commentaire qualifié de cette affirmation, on peut se référer au
livre Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco (Tome I p. 116 ss.).
90

9.9 Page 89

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de la rmss1on commune; il y participe avec la richesse de ses
dons et les caractéristiques laïque et sacerdotale de l'unique
vocation salésienne ».
Cet apport de richesses diverses nourrit notre esprit de
famille et exclut les attitudes susceptibles de créer de la
discrimination entre confrères.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance des autres struc-
tures:
- Les structures d'action: écoles, patronages, paroisses, centres
d'études supérieures, maisons d'édition, librairies, postes de
missions, centres d'accueil, centres de spiritualité;
- Les structures de formation: camps-écoles, juvénats, novi-
ciats, scolasticats, universités;
- Les structures de communication: Actes du Conseil général,
Bulletin salésien, bulletins provinciaux, visites des supérieurs,
rencontres communautaires à l'échelle locale, provinciale,
régionale, internationale, congrès;
- Les structures de gouvernement comme exercice de l'autorité
aux différents niveaux;
- Les structures de finance: économats et bureaux adminis-
tratifs aux différents niveaux.
Laissant provisoirement de côté celles de gouvernement, il est
bon de s'attarder quelque peu sur l'influence exercée par ces
autres structures sur l'identité salésienne, individuelle et
collective.
Les changements rapides et profonds qui se sont vérifiés ces
trente dernières années dans la société et la culture ont parfois
exige des transformations importantes dans les structures
d'action et de formation. Les nouvelles fonctions professionnelles
ont entraîné la surqualification de certains salésiens coadjuteurs.
Pour faire face aux exigences accrues des écoles professionnelles,
des centres d'édition, des instituts supérieurs, il a été nécessaire
de conquérir des qualifications universitaires et des titres
académiques. Par ailleurs, tous ces faits provoquèrent aussi la
disqualification des autres. La fermeture progressive de certains
ateliers (tailleurs, cordonniers, menuisiers), et de certaines écoles
professionnelles et agricoles contraignit un certain nombre de
91

9.10 Page 90

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salésiens coadjuteurs à abandonner des tâches professionnelles de
prestige qu'ils avaient bien souvent remplies durant de longues
années, et à s'adapter à d'autres, souvent moins qualifiées et
moins gratifiantes. Ces mêmes tâches les enlevèrent au contact
personnel et prolongé avec les jeunes, et ceux-ci ne purent plus
rencontrer ni saisir sur le vif, dans toute sa signification, le
modèle de vie du salésien laïc.
Ces faits provoquèrent en outre la perméabilité des rôles: des
emplois comme ceux de maître d'apprentissage, de directeur
d'édition, de chef d'atelier, réservés jusque là aux salésiens
coadjuteurs, furent assumés aussi par des salésiens prêtres.
Bref, les changements des structures d'action ont un impact
plus ou moins fort, mais certain, sur l'évolution de l'identité,
suscitent des problèmes d'emplois et conditionnent la courbe des
vocations.
Dans la formation initiale et permanente, il sera donc
nécessaire de bien tenir compte de ce fait préoccupant, mais
positif à bien des égards. Les changements sociaux et culturels
dûs au progrès continuel de la science et de la technique font
disparaître certaines fonctions et donnent le jour à d'autres; ils
exigent des gens formés de manière à pouvoir se requalifier
périodiquement, assumer de nouvelles tâches, et accepter de
nouvelles valeurs tout en rejetant les non-valeurs qui accom-
pagnent toujours les mutations profondes et accélérées.
Aujourd'hui, nos structures sont codifiées. Les Constitutions,
les Règlements, la Ratio (Formation SDB), les différents Direc-
toires, ainsi que notre tradition séculaire, constituent un corpus
de normes qui structure notre vie et notre action.
A côté des règles écrites, il y a aussi des usages, des cou-
tumes et des façons de faire qui ne sont pas codifiés, mais qui
agissent également sur notre manière de vivre, de travailler et
de prier.
Nos structures codifiées ont pour but de nous guider avec
sécurité vers une authentique vie salésienne. Mais elle ne
peuvent l'atteindre que si elles sont accueillies et mises en
pratique avec fidélité. C'est l'intériorisation bien plus que la
codification qui donne à la structure de l'impact sur notre
92

10 Pages 91-100

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10.1 Page 91

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identité, même si pour être intériorisée, il faut aussi qu'elle soit
codifiée et sa valeur spécifiée.
Notre identité de salésiens prêtres ou laïcs est marquée
vitalement, en bien ou en mal, par les normes qui sont
pratiquées effectivement bien plus que par celles qui ne sont que
codifiées. L'expérience, souvent malheureuse, en a été faite au
cours de la période qui a suivi le Concile, lorsqu'il s'est agi de
mettre en pratique le texte rénové des Constitutions et les
délibérations des différents Chapitres généraux.
En tout cas, l'expérience récente nous convainc toujours
davantage que le renouvellement de nos structures, surtout des
structures d'action et de formation, suppose et exige un
renouvellement de la mentalité, personnelle et communautaire,
tant chez les salésiens prêtres que chez les salésiens coadjuteurs.
Il s'agit, en fin de compte, de rénover notre identité.li
22.4 Les valeurs économiques et esthétiques
Dans la Congrégation, à côté des valeurs morales et reli-
gieuses, qui sont certainement essentielles et centrales, et dont
il sera question plus loin, il y en a d'autres qui dépendent
d'elles: les valeurs économiques et esthétiques, l'utile et le beau,
l'esprit de famille et la joie. Elles touchent notre identité dans
une mesure peut-être plus importante que ne le laisserait
supposer une vision trop idéaliste de la vie.
Les biens économiques jouent un rôle dans la vie et l'activité
des membres de notre Société. Il suffit de rappeler leur place
dans la vie de Don Bosco: que de préoccupations, de travail,
d'activités, de lettres et de confiance en la Providence, afin de
trouver l'argent nécessaire pour faire vivre ses jeunes gens, créer
un climat de joie et soutenir ses œuvres. Négliger ce secteur de
la vie de notre Fondateur, c'est rendre incompréhensibles cer-
11 Cf CGS 184; CG21 206; E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298,
pp. 45 s.; id. La Società... , o. c., pp. 236-238.
93

10.2 Page 92

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tains de ses traits et masquer en tout cas son profil d'organisa-
teur, d'éducateur des jeunes et de prêtre de la Providence. 12
Les moyens économiques sont indispensables pour atteindre
les objectifs culturels, éducatifs, pastoraux, charitables et
missionnaires que poursuit notre Congrégation dans ses multiples
œuvres et activités.
Dans l'histoire passée et récente, les salésiens coadjuteurs ont
fourni et fournissent encore une somme importante de travail de
qualité pour trouver et administrer ces biens, pour financer et
soutenir des œuvres souvent très coûteuses.
Dans la culture matérialiste actuelle, les observateurs
extérieurs, plus ou moins bienveillants ou critiques à l'égard des
institutions religieuses, sont particulièrement attentifs à ces
valeurs. Les biens immobiliers et mobiliers d'un institut peuvent
apporter un témoignage de pauvreté, de service et de partage.
Mais ils peuvent aussi constituer un contre-témoignage. En
définitive, ils ne sont pas indifférents: ils contribuent à conférer
aux religieux, prêtres ou laïcs, une image crédible, mais peuvent
aussi mettre en question leur identité, sa compréhensibilité et sa
force d'appel. L'article 77 des Constitutions nous y engage:
«A l'exemple et dans l'esprit de notre Fondateur, nous acceptons
de posséder les biens nécessaires à notre travail et nous les
gérons de telle manière que leur finalité de service apparaisse
évidente à tous. Le choix des activités et l'implantation de nos
œuvres doivent répondre aux besoins des pauvres; les struc-
tures matérielles seront simples et fonctionnelles».
Les ordres et les congrégations disposent aussi, certains plus
que d'autres, de valeurs esthétiques, d'un patrimoine architec-
tural et pictural constitué de monastères, de couvents, d'églises,
d'écoles, d'hôpitaux, de maisons, qui se caractérise par un style
particulier: sévère et austère dans certains cas, opulent et raffiné
en d'autres, sobre et joyeux en d'autres encore.
Les salésiens ont des prétentions plutôt simples en fait
d'esthétique. Ils ont cependant diffusé dans le monde des projets
12 Cf. P. STELIA, Don Bosco nella storia economica e sociale. 1875-1870
(Rome LAS 1980).
94

10.3 Page 93

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d'églises et d'écoles, des tableaux et des images, des genres de
théâtre qui ont laissé et continuent à laisser leur empreinte sur
l'identité collective de la Congrégation.
Notre patrimoine a le mérite de respecter souvent les goûts
du peuple et de s'accorder à eux; mais aussi parfois le tort de
ne pas se montrer assez ouvert aux formes architecturales et
iconographiques des pays où nous travaillons.
Cela souligne de toute façon un des nombreux côtés de la
relation de la vie salésienne avec la culture.
22.5 Incidence de la culture sur l'identité salésienne
La culture est en effet elle aussi une des composantes qui
déterminent davantage notre identité, individuelle et collective.
Avec celles que nous avons déjà signalées, et dans lesquelles elle
s'imbrique étroitement, elle contribue dans une large mesure à
conférer des traits originaux, au moins en partie, à la
physionomie de la Congrégation et des confrères.
A. Culture et cultures
Le mot culture désigne ordinairement un ensemble de
notions, de croyances, d'arts, d'habitudes et tous les autres types
d'aptitudes et d'activités constantes qui sont propres à l'homme
comme membre de la société. C'est la vie d'un peuple. Elle
comporte les valeurs qui l'animent et les non-valeurs qui
l'affaiblissent. Ces valeurs et ces non-valeurs sont partagées par
la multitude de ses membres et constituent sa "conscience
collective" qui lui confère une unité. Font aussi partie de la
culture les formes à travers lesquelles s'expriment et se dessinent
ces valeurs et ces non-valeurs: les coutumes, la langue, les
institutions et les structures de la vie sociale, lorsqu'elles ne sont
pas étouffées ni réprimées par d'autres cultures dominantes.
Il existe non pas une, mais beaucoup de cultures, selon les
peuples et les milieux: elles se caractérisent par différentes
manières de concevoir la vie, d'utiliser les choses, de s'exprimer
et d'établir des rapports avec les autres et surtout de se situer
95

10.4 Page 94

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vis-à-vis de l'Absolu, de Dieu. Certains de leurs éléments révèlent
le fond humain commun et l'action de Dieu sur l'humanité,
avant même l'annonce de l'Evangile. 13
B. L'Eglise, la Congrégation et les cultures
L'Eglise ne peut faire abstraction de ces cultures, même si
elle ne s'identifie à aucune d'elles. Elle en a besoin pour
exprimer sa foi, 14 pour approfondir son message de salut 15 et
pouvoir prendre des décisions concrètes dans son travail
d'évangélisation.
Aussi cherche-t-elle à en comprendre les éléments, ceux
qu'elle partage et ceux qui la différencient, pour pouvoir s'y
incarner, les assumer et travailler à les purifier, à les enrichir et
à les transformer afin de les ouvrir « en continuité et en
discontinuité avec la situation présente», 16 à accueillir Dieu et à
se mettre au service de l'homme.
Les ordres et les congrégations religieuses ont eux aussi une
culture propre. Elle dépend dans une certaine mesure de la
culture chrétienne d'une période historique déterminée: elle y
opère facilement une sélection et en révéle certains aspects
conformes à son charisme et plus utiles à son activité
apostolique, pour devenir ainsi une sorte de sous-culture
catholique.
Don Bosco et notre Congrégation ont fait leur choix et mis
en circulation une culture salésienne redevable, en bien des
points, de la culture chrétienne du siècle dernier et de notre
siècle. Leur génie spirituel et pédagogique s'est révélé et exprimé
plutôt dans la pratique apostolique et le moment de réflexion qui
l'accompagne toujours.
Aujourd'hui, l'article 7 des Constitutions déclare: « Ouverts
aux cultures des pays où nous travaillons, nous cherchons à les
13 Cf. Ad gentes 4.
14 Cf. PAUL VI, Evangelii nuntiandi 63.
15 Cf Lumen gentium 13.
16 Cf. PAUL VI, Evangelii nuntiandi 28.
96

10.5 Page 95

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comprendre et en accueillons les valeurs, pour incarner en elles
le message évangélique ».
La culture (ou sous-culture) salésienne a ses lieux de produc-
tion, son réseau de diffusion et un système culturel suffisamment
complet: ils sont tous reconnaissables.
C. Les lieux de production et le réseau de diffusion
Les lieux de production de la culture salésienne sont tous les
centres chargés d'élaborer des orientations doctrinales et
pratiques pour les membres des divers groupes de la Famille
salésienne. Avant tout par conséquent les maisons générales des
SDB et des FMA. Puis nos centres d'études et de formation, nos
maisons d'édition et nos différents types d'écoles. La nécessité
d'inculturer l'Evangile selon notre charisme ne pourra trouver de
réponse que dans la mesure où il y aura de ces centres actifs
d'élaboration de la culture répartis dans différents contextes et
dotés d'une qualification salésienne et scientifique.
A côté de ces centres producteurs de culture « savante », il y
en a d'autres à mettre en valeur: les écoles professionnelles de
divers types, les patronages et les centres de jeunes. Ils ont
produit dans le passé et continuent à produire, en particulier
grâce au travail des salésiens laïcs, une « culture du travail»
caractérisée par la solidarité, le partage et la valeur profession-
nelle, et une « culture populaire» aujourd'hui fortement remise
en valeur.
Le réseau de diffusion de la culture salésienne est constitué
des moyens de communication qu'elle utilise: à l'époque de Don
Bosco, la presse et, aujourd'hui, les autres masse-médias. Toutes
nos œuvres, tant qu'elles sont, transmettent elles aussi la culture
et transmettent du même coup, pour toutes sortes de raisons,
d'une manière plus ou moins filtrée, d'autres cultures rivales ou
simplement étrangères. Dans beaucoup de nations, par exemple,
à des degrés divers, nos écoles sont liées aux programmes
d'études fixés par les gouvernements laïques et travaillent avec
un personnel non salésien et, souvent même, non choisi par les
salésiens. C'est un risque pour notre identité et notre originalité
salésiennes.
97

10.6 Page 96

▲back to top
Chaque salésien, prêtre ou coadjuteur, est à son tour en
quelque sorte un récepteur et un émetteur. Dans la mesure où il
a assimilé la culture salésienne, il la diffuse autour de lui et
l'amalgame au milieu où il travaille. La puissance de ces
émetteurs est variable. Un salésien, laïc ou prêtre, qui a perdu
ou appauvri gravement son identité, devient un canal qui ne
communique pas, avec toutes les conséquences que nous
connaissons pour la pastorale et la formation des vocations.
D. Un système culturel
Ce réseau apporte dans l'Eglise et dans la société un système
culturel salésien, dont les aspects varient avec les époques et qui
mérite d'être esquissé au moins dans ses grandes lignes. Le
premier article des Constitutions se réfère globalement à ce
système culturel.
a. Une histoire et un calendrier salésiens
Les dates principales de cette histoire sainte salésienne sont
connues et souvent rappelées. Elles concernent certains moments
importants de la vie de Don Bosco marqués par la présence de
Dieu. Les Souvenirs autobiographiques de Don Bosco et les
Memorie biografiche l'attestent avec évidence.
Même si l'on est plus attentif aujourd'hui à en évaluer la
substance, il est indéniable que cette histoire sainte salésienne a
transmis et continue encore à transmettre des événements qui
sont à la racine de notre vie et de notre esprit.
Comme les autres instituts religieux, la Famille salésienne a
un calendrier propre qui s'insère dans celui de l'Eglise pour
l'adapter à sa vie personnelle. Il reprend le cycle du salut à
partir de la Toussaint et le ponctue de notes de joie et de piété:
ce sont les fêtes et les anniversaires de notre calendrier; ce sont
les rencontres de prière qui scandent les principaux moments de
la journée, du mois, de l'année.
b. Une géographie et une onomastique salésiennes
La géographie se concentre autour des lieux où ont vécu
notre Fondateur et les autres saints de sa Famille. Avec ceux du
98

10.7 Page 97

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Sacré-Cœur et de Marie Auxiliatrice, leurs noms sont titulaires,
un peu partout dans le monde, d'un certain nombre d'œuvres,
d'institutions, de lieux ecclésiastiques et civils; et ils constituent
de la sorte, avec les noms de ceux qui portent des charges
déterminées dans la Congrégation (Recteur majeur, conseillers,
provinciaux, directeurs, économes), l'onomastique salésienne.
c. Des pratiques de piété et une sensibilité éthique salé-
siennes.
Dans la tradition salésienne il y a des pratiques de piété qui
dérivent d'habitudes populaires locales et se sont propagées
ensuite dans le monde entier: le signe de la croix au lever; la
prière avant et après le travail et les repas; la visite quotidienne
au Saint-Sacrement; la récitation de !'Angélus trois fois par jour;
les trois « Je vous salue Marie» au pied du lit avant le repos de
la nuit. Dans divers pays, des pratiques religieuses locales se sont
ajoutées ou ont remplacé celles que nous venons d'énumérer.
Les salésiens ont aussi en propre une sensibilité éthique
caractéristique qui se réfère à la doctrine de saint Alphonse: une
délicatesse particulière en matière de chasteté, l'obéissance et
l'amour même personnel envers le Pape et les évêques, et une
valorisation toute particulière des sacrements de !'Eucharistie et
de la Pénitence.
d. Une pensée philosophique, théologique et sociale à la
base du Système préventif
Même si leur première formation aborde des études sérieuses
et des spécialisations exigeantes, les salésiens ont toujours préféré
la simplicité en matière de philosophie et de théologie. Aux
questions sérieuses qui reviennent constamment, ils ont donné
les réponses les plus communes, celles qui s'inspirent du bon
sens chrétien de l'époque. Dans la période qui a suivi le Concile,
le renouveau stimulé par Vatican Il les a poussés à faire des
progrès considérables. En tout cas, le système éducatif que Don
Bosco leur a laissé « en précieux héritage », les a obligés dès le
début à prendre position sur le sort des jeunes les plus
défavorisés. Et aujourd'hui plus que jamais: le Système préventif
99

10.8 Page 98

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fait désormais partie du patrimoine pédagogique de l'Eglise, et sa
pratique les conduit à rechercher et à assumer les résultats des
sciences de l'homme et de l'éducation, pour ppuvoir répondre aux
questions et aux défis de l'époque et de la condition des jeunes.
e. Une «politique» salésienne
Par tradition, la politique salésienne respecte toutes les
autorités, civiles et religieuses, et cherche à se faire partout des
amis, sans pour cela tolérer n'importe quel «ordre» établi. Elle
se propose le «bien commun», non le «pouvoir», et travaille à
éduquer à la responsabilité sociale.
Les Chapitres généraux qui ont suivi le Concile ont manifesté
un accord prof<~md avec le magistère de l'Eglise et l'esprit le plus
authentique de notre tradition pour définir le comportement du
salésien en cette matière toujours difficile et problématique:
«Nous travaillons dans les milieux populaires et pour les jeunes
défavorisés. Nous les éduquons aux responsabilités morales,
professionnelles et sociales, en collaborant avec eux; et nous
contribuons à la promotion de leurs groupes et de leurs milieux.
Nous participons, en qualité de religieux, au témoignage et à
l'engagement de l'Eglise pour la justice et pour la paix.
Volontairement indépendants de toute idéologie et de toute
politique de parti, nous rejetons tout ce qui favorise la misère,
l'injustice et la violence, et coopérons avec tous ceux qui
bâtissent une société plus digne de l'homme. La promotion à
laquelle nous travaillons selon l'esprit de l'Evangile, réalise
l'amour libérateur du Christ et constitue un signe de la présence
du Royaume de Dieu ».17
f. Une hagiographie salésienne
La Famille salésienne dispose aujourd'hui d'une riche littéra-
ture dédiée à la figure et à l'œuvre de notre Fondateur, de ses
successeurs, de saints de sa famille spirituelle, de figures
émi-nentes ou même simples, mais toutes significatives.
17 Const 33.
100

10.9 Page 99

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Il est important pour notre vie et notre action de nous référer
à ces modèles de sainteté. Ils sont les témoins d'une identité
salésienne réussie et, dans certains cas, canonisée par l'Eglise.
La connaissance progressive et approfondie de leur vie et
surtout de leurs vertus devrait absolument faire partie du
programme de la pastorale des vocations et de la formation
initiale et permanente.
E. Incidence de la culture sur l'identité du salésien coad-
juteur
La « culture » exerce une grande influence sur la vie des
salésiens coadjuteurs et sur leurs relations avec les salésiens
prêtres. Elle peut les conditionner de diverses manières. Notre
histoire a révélé la nécessité, aujourd'hui pleinement reconnue
dans les Constitutions, de respecter les capacités et les aptitudes
des confrères laïcs et de leur garantir une formation humaniste,
théologique et professionnelle adaptée. C'est insdispensable pour
qu'ils puissent avoir une qualification véritable pour produire et
répandre la culture salésienne, de type académique ou populaire
selon les cas, en particulier au service du monde du travail.
La crise qui, dans des mesures et sous des formes diverses,
traverse depuis plus de vingt ans tous les instituts religieux sans
exclure les instituts laïques, a certaines de ses racines dans la
culture: les rapides changements culturels récents ont eu des
répercussions plus ou moins profondes sur l'identité religieuse et
culturelle des différents instituts.
Par conséquent, les solutions qu'il nous faudra chercher
auront besoin d'un diagnostic lucide de la réalité des pays où
nous travaillons et d'une interprétation correcte à la lumière de
la foi. Ce n'est qu'ainsi qu'apparaîtront les besoins, les appels et,
en dernière analyse, les impératifs moraux qui devront guider
nos options et nos interventions pratiques.
101

10.10 Page 100

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2.3 TRAITS FONDAMENTAUX DE L'IDENTITE DU SALESIEN COAD-
JUTEUR
Les finalités et les valeurs morales et religieuses, avons-nous
dit [cf. n° 2.2], constituent les aspects qui qualifient le plus
profondément notre identité de salésiens, laïcs et prêtres. En
voici une large description.
23.1 Dans la Famille salésienne, la communauté SDB est une
communauté originale
Pour décrire les finalités et les valeurs, les Constitutions ont
utilisé le langage actuel qui s'inspire de Vatican IL Elles parlent
de charisme de Don Bosco, de vocation salésienne, de consécra-
tion apostolique, de mission auprès des jeunes, de communion
fraternelle, de pratique des conseils évangéliques, d'esprit de Don
Bosco.
« Identité de la vocation salésienne» est la formule par
laquelle nos textes officiels résument cette richesse de dons. 18
Elle exprime la raison profonde de ce que nous sommes et
faisons, ce qui nous qualifie et nous caractérise. Si l'identité de
notre vocation s'altère et s'affaiblit, les composantes que nous en
avons énumérées jusqu'à présent, si appréciables qu'elles soient,
se réduisent à bien peu de chose. C'est donc à bon droit que les
récents Chapitres généraux et les nouvelles Constitutions se sont
préoccupés de redéfinir avant tout l'identité de notre vocation.
Pour mener à bien ce délicat travail de discernement, ils se
sont référés à Don Bosco, à sa vie et à son œuvre, à son esprit
et, en général, à son projet apostolique. « Salésiens de Don
Bosco (SDB), dit l'article 2 des Constitutions, nous formons
une communauté de baptisés qui, dociles à la voix de l'Esprit,
entendent réaliser, dans une forme spécifique de vie religieuse, le
projet apostolique de notre Fondateur».
Ce projet entraîne « un vaste mouvement de personnes qui
18 CG21 171; CG22 chap. 20.
102

11 Pages 101-110

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11.1 Page 101

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travaillent, de diverses manières, au salut de la jeunesse». En
font partie les différents groupes de la Famille salésienne. « Par la
volonté de notre Fondateur, nous avons, dans cette famille, des
responsabilités particulières: maintenir l'unité de l'esprit, stimuler
le dialogue et la collaboration fraternelle pour un enrichissement
mutuel et une plus grande fécondité apostolique ». 19 C'est dans
ce cadre que se redessine notre identité: « Les salésiens, déclare
le CGS au début de sa réflexion sur la Famille salésienne, ne
peuvent repenser en toute vérité leur vocation dans l'Eglise sans
se référer à ceux qui sont avec eux les porteurs de la volonté du
Fondateur ».20
Et l'identité de la vocation du salésien, laïc et prêtre, a été
définie à partir de leur condition de membres de la commu-
nauté salésienne: « Le mandat apostolique que l'Eglise nous
confie est assumé et mis en œuvre en premier lieu par les com-
munautés provinciales et locales, dont les membres ont des
fonctions complémentaires, avec des tâches qui toutes sont
importantes. Ils en prennent conscience».21
C'est dans la communauté que le salésien laïc vit, travaille,
prie, témoigne de sa vocation, dans la compagnie fraternelle de
ses confrères et en coresponsabilité avec eux. C'est en elle que
se révèle à lui-même et aux autres sa véritable identité.22
A. Une communauté fraternelle
Le texte des Constitutions présente tout d'abord notre iden-
tité collective de salésiens. Dans ce cadre, il spécifie ensuite les
traits particuliers du salésien laïc et du salésien prêtre parce
qu'ils reçoivent de Dieu la vocation en vue de leur entrée dans la
communauté. « Chacun de nous, dit l'article 22, est appelé par
Dieu à faire partie de la Société salésienne ». 23 Il vit sa vocation
au sein de celle-ci avec la conscience de sa dignité de frère qu'il
19 Const 5.
°2 CGS 151.
21 Const 44.
22 Cf. CG21 171.
23 Cf. Const 22. 23. 45. 46. 52.
103

11.2 Page 102

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partage avec tous selon la volonté de Don Bosco et comme la
tradition salésienne l'a maintes fois répété: « Entre les membres
de la congrégation, affirme Don Bosco, il n'existe aucune
distinction; tous sont traités de la même façon, les artisans, les
abbés et les prêtres; nous nous considérons tous comme des
frères ».24
Le Père Rinaldi écrivit en 1927: « Lorsque [Don Bosco]
commença à penser à fonder une nouvelle société religieuse, il
voulut que tous ses membres, prêtres, abbés et laïcs, jouissent
des mêmes droits et des mêmes devoirs. Pour lui, les prêtres
assument certes par l'ordination des devoirs et des responsabi-
lités plus importants, mais les droits sont égaux, pour eux et
les abbés comme pour les coadjuteurs. Ceux-ci ne constituent
pas un second ordre, mais sont de vrais salésiens tenus à
tendre vers la même perfection et à pratiquer, chacun dans sa
profession, son art ou son métier, l'unique apostolat éducatif
qui constitue l'essence de la Société salésienne ».25
En 1930, il revint sur cette caractéristique de la vocation du
salésien laïc en ces termes: « Les coadjuteurs ne sont pas de
simples auxiliaires de la communauté, mais des religieux authen-
tiques et parfaits, comme nos prêtres; eux aussi éducateurs et
maîtres d'une partie importante de notre programme social ».26
Les Constitutions proposent encore cette fraternité salésienne
comme l'expression d'une foi vive et d'une charité évangélique:
« Vivre et travailler ensemble, dit l'article 49, est pour nous,
salésiens, une exigence fondamentale et une voie sûre pour
réaliser notre vocation. C'est pourquoi nous nous réunissons en
communautés, où nous nous aimons au point de tout partager
en esprit de famille, et où nous construisons la communion des
personnes ».
« Dieu nous appelle, affirme l'article suivant, à vivre en
communauté, en nous confiant des frères à aimer. La charité
fraternelle, la mission apostolique et la pratique des conseils
24 MB XII, 152.
25 ACS 40, p. 574.
26 ACS 55, p. 915.
104

11.3 Page 103

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évangéliques sont les liens qui façonnnent notre unité et
renforcent sans cesse notre communion. Nous formons ainsi un
seul cœur et une seule âme pour aimer et servir Dieu et pour
nous aider les uns les autres ».
« La communauté salésienne, dit l'article 51, se caractérise
par l'esprit de famille qui anime tous les moments de sa vie. [...]
Dans un climat d'amitié fraternelle nous mettons en commun les
joies et les peines, et nous partageons dans la coresponsabilité les
expériences et les projets apostoliques».
Selon l'article 52, « la communauté accueille chaque confrère
avec un cœur ouvert, l'accepte tel qu'il est et favorise sa
maturation. Elle lui offre la possibilité de déployer ses dons de
nature et de grâce. Elle pourvoit à ses besoins et le soutient dans
ses moments de difficulté, de doute, de fatigue et de maladie.
[ ...] Le confrère s'engage à construire la communauté où il vit,
et il l'aime, même si elle est imparfaite [...]. Il participe avec
générosité à la vie et au travail communs. Il remercie Dieu
d'être parmi des frères qui l'encouragent et qui l'aident ».
Dans sa communauté, le salésien laïc, à l'égal du salésien
prêtre, prend part d'une manière responsable à la programma-
tion, à la réalisation et à la révision du projet éducatif et pastoral
de la communauté.27 Il participe activement à la communion
de prière, à l'écoute de la parole de Dieu, à la célébration des
sacrements de !'Eucharistie et de la Réconciliation.28 Il est
sans cesse encouragé à rester fidèle à sa vocation spécifique
pour devenir avec ses confrères, un signe crédible de la frater-
nité instaurée sur terre par le Seigneur Jésus.29
B. Une communauté apostolique ouverte à la sécularité
Selon la pensée et la pratique de Don Bosco, la nouvelle
Société qu'il avait fondée ne devait pas s'orienter vers l'idéal
monastique de la séparation du monde, mais vers l'idéal
27 Cf. Const 65-66. 76-77. 79.
28 Cf. Const 85-95.
29 Cf. Const 24. 49. 52. 63.
105

11.4 Page 104

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religieux apostolique vécu en contact étroit avec la réalité des
jeunes et du peuple.
A partir de son expérience de prêtre séculier, Don Bosco a
voulu commencer un vaste mouvement apostolique en faveur
des jeunes et du peuple, entraîné à vivre au cœur de la réalité
sociale et culturelle qui se faisait jour. L'oratoire où il vivait, lui
et ses premiers collaborateurs, était «pour les jeunes la maison
qui accueille, la paroisse qui évangélise, l'école qui prépare à la
vie et la cour de récréation pour se rencontrer en amis et vivre
dans la joie».30
Lorsqu'il se proposa de condenser ses idées dans une «règle»,
il écrivit aussi un chapitre sur «les externes », dont le premier
article exprimait clairement la nouveauté de son projet: «N'im-
porte qui, écrivait-il, même s'il vit dans le monde, chez lui, au
sein de sa famille, peut appartenir à notre Société, etc.» 31
Cela révèle qu'il désirait vivement ouvrir son projet d'action à
des gens qui ont une vie séculière et y remplissent la mission
salésienne en pratiquant les conseils évangéliques. Plus tard, le
Père Rinaldi chercha à réaliser cet idéal. Il forma et organisa le
groupe des Zélatrices de Marie Auxiliatrice qui est devenu
aujourd'hui l'Institut des Volontaires de Don Bosco.
A la suite d'une inspiration intérieure et sur le conseil de
Pie IX, notre Fondateur constata ensuite que, pour atteindre son
but, il était indispensable d'assurer un noyau d'animateurs qui
aurait la stabilité et la consistance d'une congrégation reli-
gieuse. C'est donc à partir de son expérience apostolique sécu-
lière et ouverte à la sécularité qu'il donna à sa Société la forme
qu'elle a prise.32
Elle devait donc assumer des caractéristiques nouvelles par
rapport à d'autres instituts religieux, et chercher le moyen de
lui donner une forme adaptée aux besoins de la société civile
naissante. Et c'est ainsi que la manière familière de vivre en-
semble, la souplesse des structures, la position adoptée à propos
3° Const 40.
31 MB X, 889, 1308.
32 Cf. E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, pp. 36-39.
106

11.5 Page 105

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de la propriété des biens, la facilité d'adaptation, l'habit, le voca-
bulaire à utiliser (maison, inspecteur [provincial], directeur,
assistant), les champs d'apostolat à préférer, la proximité avec
le monde du travail devaient s'harmoniser le plus possible avec
certaines exigences de la société qui se développait de plus en
plus et recevait l'empreinte toujours plus profonde de la sécula-
risation.
Ses différentes actions éducatives et pastorales étaient, par
nature, orientées, elles aussi, à offir un témoignage et un service
ouvert au monde environnant. La spiritualité caractéristique des
salésiens se modelait sur l'humanisme de saint François de Sales
pour les orienter vers l'action et les valeurs temporelles. Elle
soutenait leur vie d'union à Dieu et leur pratique des conseils
évangéliques qui leur donnaient un nouveau souffle pour
éduquer la jeunesse en vue de la construction d'une société
fondée sur l'amour.
Pour mettre en œuvre le projet apostolique de Don Bosco, les
salésiens devaient évangéliser à travers des engagements profes-
sionnels le plus souvent séculiers: l'enseignement, l'animation
sociale et culturelle, la communication sociale, les activités ter-
tiaires, les travaux domestiques, le sport.
Dans un texte resté fameux, le Père Rinaldi a relevé cette
ouverture de la Congrégation à la sécularité. « Par l'esprit nou-
veau et en avance sur son temps, écrit-il, qu'il avait imprimé aux
Constitutions, Don Bosco avait dressé beaucoup d'obstacles à
leur approbation; mais il a travaillé, insisté, prié et fait prier
ses jeunes, et attendu plus de quinze ans; et il n'acceptait de
changer dans ses Constitutions que ce qui pouvait se concilier
avec leur caractère moderne, souple, facilement adaptable à
tous les temps et à tous les lieux. Il avait conçu une pieuse
société qui devait être une véritable congrégation religieuse sans
en avoir l'aspect extérieur traditionnel: il suffisait qu'elle eût
l'esprit religieux, qui seul conduit à la perfection des conseils
évangéliques; pour le reste, il croyait pouvoir se plier parfaite-
ment aux exigences des temps. Cette souplesse d'adaptation
à toutes les formes de bien qui ne cessent de se faire jour au
sein de l'humanité caractérise l'esprit de nos Constitutions;
et le jour où s'introduirait un changement contraire à cet
107

11.6 Page 106

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esprit, c'en serait fini pour notre pieuse société ».33
Dans notre Congrégation et ses communautés, si ouvertes à
la sécularité, le salésien coadjuteur est une présence qui la
caractérise en vertu de sa qualité de salésien laïc.
La forme de sa vocation est en partie différente de celle du
salésien prêtre, mais n'en est pas moins charismatique, déclare à
ce sujet le CG21,34 parce que la vocation à la vie salésienne
comme «coadjuteur» est un don gratuit, un charisme de !'Esprit.
A l'origine de la différence entre le salésien laïc et le salésien
prêtre il n'y a pas une négation (le fait de ne pas être prêtre), ni
un manque de qualification ecclésiale, mais un choix qui répond
à une vocation: « Le Coadjuteur a fait le choix d'un idéal
chrétien positif qui n'est pas défini par le sacrement de l'Ordre,
mais qui est constitué par un ensemble de valeurs formant par
elles-mêmes un véritable objectif de haute qualité pour sa
vocation ».35
23.2 La vocation du salésien coadjuteur se caractérise par la
laïcité
Les salésiens coadjuteurs sont les membres laïcs de notre
Société. La qualification laïque confère à leur vocation une
caractéristique concrète et complémentaire. C'est la raison pour
laquelle, à côté de l'appellation traditionnelle de salésiens coad-
juteurs, nos textes officiels recourent désormais sans faire de
distinction à la dénomination récente de salésiens laïcs.
Les derniers Chapitres généraux et les interventions des
Recteurs majeurs ont peu à peu aidé à clarifier efficacement le
type de laïcité qui caractérise le salésien coadjuteur, compte tenu
du fait qu'il est un religieux, membre d'une communauté
apostolique déterminée.
C'est un sujet complexe, névralgique pour le présent et
33 ACS 17 (1923) p. 41.
34 Cf. 179.
35 E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, pp. 11-12.
108

11.7 Page 107

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l'avenir de tous. Nous lui consacrons une large place, à cause de
son intérêt et de son importance charismatique et historique.
Cela se fera en deux temps: maintenant par une réflexion
générale sur la laïcité et ses modalités; et plus loin, au numéro
23.3, pour définir le type de laïcité qui caractérise les salésiens
coadjuteurs.
Dans le langage courant, civil et ecclésiastique, les termes de
laïc et de laïcité désignent des réalités souvent très diverses et
offrent toute une gamme de significations, dont certaines sont
précises, d'autres plutôt vagues et d'autres encore faussées.
Plusieurs peuvent s'appliquer telles quelles aux salésiens
coadjuteurs, mais quelques unes, en partie seulement ou même
pas du tout.
Il n'est guère possible de les énumérer et de les préciser
toutes. Nous nous limitons ici à ne présenter que les plus
familières, les plus reçues et les plus utiles à notre propos.
A. Laïcité en référence avec la création
Les termes de laïcité, de valeurs laïques ou de mentalité
laïque désignent souvent une raison et une volonté de respecter
l'autonomie des choses: elles ont «leur consistance, leur vérité
et leur excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois
spécifiques», parce qu'elles ont été créées par Dieu et qu'elles
sont ses créatures.36
Il revient à l'homme de les découvrir par la science, de les
respecter, de les utiliser et de les ordonner par son travail et sa
technique, et de "reconnaître les méthodes particulières à cha-
cune des sciences et techniques " ».37
Le Concile Vatican II appelle tout cela « autonomie du
temporel» et déclare que, lorsqu'elle se comprend dans le sens
qui vient d'être expliqué, «une telle exigence [...] est pleinement
légitime: non seulement elle est revendiquée par les hommes de
notre temps, mais elle correspond ~ la volonté du Créateur».38
36 Gaudium et spes 36b.
37 Th.
38 Cf. Gaudium et spes 36b.
109

11.8 Page 108

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Une juste mentalité laïque exige donc beaucoup de
savoir-faire professionnel, ce qui n'est pas souvent facile. Plus
précisément, elle s'intéresse à la réalité objective des choses; elle
ne cesse de travailler à les connaître, même si elles sont
complexes et exigent une étude rigoureuse, des connaissances
scientifiques et techniques à jour, une expérimentation attentive;
elle décrit les situations avec . lucidité, les évalue avec
pondération, programme leur amélioration avec réalisme, en
vérifie les résultats positifs ou négatifs avec sérénité, les modifie
avec courage; elle collabore avec générosité et apprécie
l'organisation.
Ces exigences constituent, entre autres, un apport positif du
développement de la sécularisation qui a marqué plus ou moins
fortement l'époque moderne et contemporaine.
En ce qui nous concerne, notre qualité de chrétiens et de
salésiens nous pousse non pas à renoncer à une compétence et
un savoir-faire professionnel reconnus, mais à les mettre
davantage encore en valeur: «Ils s'éloignent de la vérité, déclare
la constitution pastorale Gaudium et spes, ceux qui, sachant que
"nous n'avons pas ici bas de cité permanente, mais que nous
marchons vers la cité future", croient pouvoir, pour cela,
négliger leurs tâches humaines, sans s'apercevoir que la foi
même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un
devoir plus pressant ».39
Tout en ayant une valeur en elles-mêmes, les choses créées
ont aussi une référence nécessaire à Dieu dont elles ne peuvent
se passer: « La créature sans Créateur s'évanouit. Du reste, tous
les croyants, à quelque religion qu'ils appartiennent, ont toujours
entendu la voix de Dieu, et sa manifestation, dans le langage des
créatures ». 40
Le développement actuel de la sécularisation purifie la foi
chrétienne de certaines visions mythiques et irrationnelles; il
l'aide à ne pas opposer Dieu et l'homme comme s'ils étaient
deux rivaux qui se partagent le «sacré» et le «profane». Entre
39 Gaudium et spes 43a.
40 Gaudium et spes 36c.
110

11.9 Page 109

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Dieu et les créatures, en effet, il y a une relation de création
continue: Dieu «soutient tous les êtres et les fait ce qu'ils
sont». 41
Une juste mentalité laïque, éclairée par la vision chrétienne,
découvre dans la vérité, la bonté et la beauté de toutes les
choses, le rapport qui les relie à Dieu et un reflet de celui-ci; elle
sait que leur contemplation et leur utilisation correcte favorise le
dialogue reconnaissant avec leur créateur.
Mais il faut dire que le développement de la sécularisation
s'accompagne souvent d'affirmations qui soutiennent l'indépen-
dance radicale des choses comme si elles ne dépendaient pas
de Dieu et que l'homme pût en disposer sans référence au Créa-
teur. 42 L'homme naîtrait à sa liberté parce qu'il serait enfin
libéré de Dieu. Dans beaucoup de milieux, la «laïcité» n'est pas
l'autonomie légitime, mais l'indépendance totale des personnes,
des sociétés et des sciences par rapport à toute référence reli-
gieuse: une forme de laïcisme athée et de sécularisation abso-
lue provenant de la dégradation de la laïcité même entendue
dans son sens évangélique.
Face à cette situation, avoir une juste mentalité laïque, c'est,
pour le salésien, laïc et prêtre, savoir se prémunir efficacement
et lutter contre les diverses formes de matérialisme et de
laïcisme athée, d'indifférentisme religieux malheureusement pré-
sents en beaucoup de secteurs où il exerce son apostolat.
B. Laïcité en référence avec la mission de l'Eglise
En référence avec la mission de l'Eglise dans l'histoire de
l'humanité, on parle de fidèles laïcs pour les distinguer du clergé
et des religieux et pour indiquer qu'ils «exercent pour leur part,
dans l'Eglise et dans le monde, la mission qui est celle de tout le
peuple chrétien ».43 On parle de laïcité pour souligner que ces
fidèles exercent la mission de l'Eglise au cœur du monde. C'est
41 Gaudium et spes 2lc, 36b.
42 Gaudium et spes 36c.
43 Lumen gentiun 3la. Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici 9-14.
111

11.10 Page 110

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le caractère séculier qui leur est propre et dont il sera bientôt
question.
Il faut noter en effet que c'est le peuple de Dieu dans son
ensemble qui est « envoyé par le Christ au monde entier » pour y
être « le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de
l'unité de tout le genre humain». 44 Il rentre donc dans cette
mission unique et universelle de l'Eglise « de pénétrer et de
parfaire par l'esprit évangélique l'ordre temporel». 45
Mais il y a diverses manières de le réaliser: « Il est certain
que tous les membres de l'Eglise, déclare l'exhortation Christi-
fideles laici de Jean-Paul II (n° 15), participent à sa dimension
séculière; mais cela de façons diverses»: autre est la manière
particulière des fidèles laïcs, autre celle des prêtres séculiers,
autre encore celle des membres des congrégations religieuses.
Dans ce contexte, le monde est à comprendre non comme la
création, mais comme le monde des hommes, « le théâtre où se
joue l'histoire du genre humain, le monde marqué par l'effort de
l'homme, ses défaites et ses victoires [...] tombé, certes, sous
l'esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrec-
tion, [...] l'a libéré pour qu'il soit transformé selon le dessein de
Dieu et qu'il parvienne ainsi à son accomplissement».46
Réfléchissons donc sur les différentes manières dont le
chrétien peut vivre et s'engager dans le monde.
a. La ((laïcité» propre aux fidèles laïcs est liée à leur
(( caractère séculier»
Les chrétiens laïcs, déclare le décret conciliaire qui leur est
consacré, ont un (( rôle propre et absolument nécessaire dans la
mission de l'Eglise».47 Il est dû au caractère séculier qui leur est
<< propre et particulier» sans leur appartenir en exclusivité. Car il
est aussi présent, selon des modalités et à des degrés divers,
44 Lumen gentium 9b, 1.
45 Apostolicam actuositatem 5.
46 Gaudium et spes 2. Cf. JEAN-PAUL Il, Christifideles laici 15.
47 Apostolicam actuositatem 1a qui renvoie à Lumen gentium 30 et 33.
112

12 Pages 111-120

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12.1 Page 111

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dans le clergé et les instituts religieux eux-mêmes, comme nous
l'expliquerons. 48
Ce caractère séculier, appelé couramment sécularité (à ne
pas confondre avec la sécularisation ni avec la laïcisation),
concerne l'humain et la société autant que l'Eglise et la vocation.
Au sens anthropologique et sociologique, le caractère séculier
désigne le fait d'être dans le monde, de vivre dans les conditions
ordinaires de la vie familiale et sociale, et le fait de devoir
s'acquitter de tâches temporelles qui concernent la famille, la
santé, l'éducation, la science et la culture, le monde du travail,
des professions, de l'industrie, de l'économie, de la justice, de la
politique, des relations entre les peuples et de la paix. Il recouvre
« toutes » les réalités humaines temporelles avec les structures
particulières et l'évolution historique qui constituent la trame de
l'existence de chacun.49
Par rapport à l'Eglise et à la vocation, le caractère séculier
souligne l'engagement chrétien de faire en sorte que ces réalités
soient ordonnées selon Dieu, développées selon le Christ et
construites selon les inspirations de l'Evangile.50 Travailler pour
que les relations interpersonnelles dans la famille, l'équipe de
travail, la vie civile et sociale soient libérées du mal et du péché
de l'homme pour répondre aux exigences évangéliques de
justice, de fraternité, de solidarité, de liberté et de paix, voilà ce
qui distingue le caractère séculier chrétien de la simple condition
séculière commune à tous les hommes.
Pour accomplir cette mission, les fidèles laïcs travaillent à
l'intérieur de ces structures, avec des responsabilités directes.
C'est dans ce sens qu'ils les animent selon l'Evangile en guise de
ferment, 51 et qu'ils ont à exprimer une spiritualité qui adhère
fortement à leur vie et à leurs activités concrètes, à leurs capaci-
tés et à leurs aptitudes, aux dons qu'ils ont reçus de !'Esprit-
48 Cf. Lumen gentium 31 b; Gaudiun et spes 43bcd; Cf. JEAN-PAUL II,
Christifideles laici 15.
49 Cf. Lumen gentium 31 b; Apostolicam actuositatem 2b, 6-8, 11-14; Ad
gentes 32. Cf. JEAN-PAUL Il, Christifideles laid 15.
50 ib.
51 Cf. Lumen gentium 31. Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici 15.
113

12.2 Page 112

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Sffiil;t. Parmi ces formes de vie spirituelle laïque, le Concile men-
tionne explicitement les associations qui s'inspirent des Familles
religieuses, comme c'est le cas pour les Coopérateurs salésiens.52
Le salésien coadjuteur par contre est un religieux. Par sa
profession religieuse il modifie sa condition séculière: il laisse sa
famille et sa place dans les structures civiles et sociales
communes pour faire partie de la communauté salésienne. Il
modifie aussi sa mission séculière: il la remplit désormais non
plus à l'intérieur de structures séculières comme les fidèles laïcs,
mais le plus souvent dans le cadre des œuvres salésiennes et,
surtout, en conformité avec sa consécration apostolique comme
membre de la communauté salésienne.
b. La laïcité ou la sécularité consacrée est propre à ceux qui
professent les conseils évangéliques dans le monde comme les
membres des instituts séculiers.53 Ils restent dans le monde et
travaillent au milieu de celui-ci. Ils ne se soustraient pas à leur
condition séculière parce qu'ils choisissent de rester dans leur
famille et de travailler dans l'une ou l'autre des multiples
institutions civiles et sociales. Ils exercent leur apostolat au sein
de ces structures séculières. C'est pourquoi ils restent des laïcs et
des séculiers, et conservent leur «caractère séculier » dans le sens
anthropologique et ecclésiologique expliqué plus haut.
Mais en vertu de leur vocation spécifique, ils pratiquent les
conseils évangéliques tout en restant dans le monde, et de-
viennent ainsi des laïcs ou des séculiers consacrés. Ils ont un
statut théologique et juridique propre, distinct de celui des
religieux. Ils ne vivent pas en communauté, même s'ils favorisent
les relations de communion entre les membres de l'institut. Ils
n'exercent pas d'apostolat «confessionnel», c'est-à-dire au nom
de l'Eglise et de leur institut, parce que l'efficacité de leur action
et de leur témoignage chrétiens de type séculier est étroitement
liée au caractère caché et non apparent de leur présence dans la
société. Leur pratique de l'obéissance, de la pauvreté et de la
52 Cf. Apostolicam actuositatem 4.
53 Per/ectae caritatis 1la.
114

12.3 Page 113

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chasteté assume des caractéristiques séculières adaptées à leur
condition et à leur mission dans le monde. C'est le cas de
l'Institut des Volontaires de Don Bosco.54
Celui du salésien coadjuteur est différent. En se faisant reli-
gieux, il modifie sa condition et sa mission séculières. Il vit et
travaille dans une communauté religieuse, participe à la mission
qu'elle exerce au nom de l'Eglise et pratique ouvertement les
conseils évangéliques selon le projet tracé dans les Constitutions.
C'est ce qui donne à sa laïcité son caractère spécifique: cela lui
impose certes des limites, mais souligne et caractérise le témoi-
gnage et l'efficacité qui se rattachent aux différents aspects de la
mission salésienne.
C. Laïcité en référence avec la la vie religieuse
Il y a dans l'Eglise des types de laïcité et de sécularité qui
peuvent s'accorder et se réaliser avec la vocation religieuse.
Les fidèles laïcs qui se font religieux ne renoncent pas à la
laïcité entendue comme respect des réalités temporelles et
comme vision chrétienne de la création; ils la renforcent dans la
mesure où ils sont conduits et soutenus par leur donation totale
à Dieu. Par leur vie et leur activité, ils témoignent que Dieu seul
est le Créateur de tout et le Seigneur de l'humanité.
En devenant religieux, ils renouvellent l'engagement qu'ils ont
déjà pris au Baptême et à la Confirmation, de participer à la
mission commune à tous les chrétiens d'être pour leurs frères
des signes et des instruments de salut, et de remplir les fonctions
sacerdotale, prophétique et royale communes à tous les
membres du peuple de Dieu. Les différentes formes de vie
religieuse ne rendent pas étranger au monde ni à ses problèmes:
« Nul ne doit penser, déclare le Concile Vatican II, que par leur
consécration les religieux deviennent étrangers aux hommes ou
inutiles dans la cité terrestre. [...] Ils coopèrent spirituellement
avec leurs contemporains pour que la construction de la cité
terrestre ait toujours son fondement dans le Seigneur et soit
54 Voir les Constitutions des VDB.
115

12.4 Page 114

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orientée vers lui, pour que ceux qui bâtissent ne risquent pas de
peiner en vain ». 55
Les religieux laïcs ne vivent pas leur statut de religieux et de
laïcs d'une manière uniforme, mais selon le caractère propre
des instituts religieux auxquels ils appartiennent.
Beaucoup d'instituts sont laïques: « On appelle institut laïque
celui qui, reconnu comme tel par l'autorité de l'Eglise, a, en
vertu de sa nature, de son caractère et de son but, une fonction
propre déterminée par le fondateur ou sa tradition légitime, qui
n'implique pas l'exercice d'un ordre sacré ».56
D'autres instituts, comme le nôtre, comportent des ecclésias-
tiques et des laïcs, et ce sont les laïcs surtout qui réalisent la
composante laïque qui est propre à leur nature charismatique
originale.
C'est souvent par leur apostolat éducatif, pastoral, hospitalier
ou missionnaire que certains instituts laïques ou cléricaux
prennent une place vitale et profonde dans la réalité séculière.
Ils ont des contacts quotidiens avec la jeunesse et les gens de
l'endroit, avec les familles et les institutions civiles du territoire.
Mais leur intention principale et directe est de confesser Dieu
comme valeur absolue et d'apporter au cœur de ces contextes
leur témoignage de religieux et l'esprit de leur fondateur. Mais
du point de vue sociologique et personnel, la sensibilité particu-
lière qu'ils acquièrent par leur travail les conduit à assumer dans
leur vie religieuse certains aspects de la vie séculière. C'est le
cas des confrères coadjuteurs dans notre Société, qui est née à
l'aube de la civilisation industrielle pour accomplir un grand
travail éducatif et pastoral en faveur de la jeunesse et du peuple.
23.3 Caractéristiques de la vocation du salésien coadjuteur
Pour comprendre plus à fond cette caractéristique particulière
du salésien coadjuteur, il est nécessaire de la situer dans l'en-
semble de la vocation du salésien laïc.
55 Lum~n gentium 46 b.
56 CIC 558 par. 3.
116

12.5 Page 115

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A. Une vocation qui se greffe sur la vocation chrétienne
En accord avec le magistère de Vatican II, le CG21 affirme:
« La vocation du salésien coadjuteur est un développement de la
consécration conférée par le baptême et la confirmation, grâce
auxquels il vit intégralement les valeurs chrétiennes du peuple de
Dieu; sanctifié et envoyé par Dieu le Père pour le salut du
monde, il participe à la mission et à l'action du Christ, prophète,
prêtre et pasteur, et il s'insère ainsi dans la mission même de
l'Eglise qui est de témoigner de l'Evangile et de l'annoncer».
Dans ce but, il manifeste et « met en valeur les attitudes
chrétiennes fondamentales: la conscience de la dignité commune
de fils de Dieu et de frères dans le Christ, de la responsabilité
commune dans l'édification du Corps du Christ et de la vocation
commune à la sainteté. Il faut y ajouter la liberté évangélique,
don de !'Esprit Saint, un vif sentiment d'appartenance à l'église
locale présidée par .l'évêque, une nouvelle forme de présence
dans le milieu social et, enfin, la solidarité chrétienne spécia-
lement avec les plus pauvres, la sensibilité et l'ouverture aux
"signes des temps», l'attention active aux besoins concrets».57
Ces considérations générales sont reprises et exprimées dans le
texte de notre Règle de vie. « La vocation salésienne, dit l'article
6, nous situe au cœur de l'Eglise et nous met entièrement au
service de sa mission». « De notre amour pour le Christ, poursuit
l'article 13, naît inséparablement l'amour pour son Eglise, peuple
de Dieu, centre d'unité et communion de toutes les forces qui
travaillent pour le Royaume. Nous nous sentons partie vivante de
l'Eglise et cultivons en nous et dans nos communautés une
conscience ecclésiale renouvelée. Nous l'exprimons par une
fidélité filiale au successeur de Pierre et à son magistère, et
la volonté de vivre en communion et collaboration avec les
évêques, le clergé, les religieux et les laïcs». « L'Eglise parti-
culière est le lieu où la communauté vit et exprime son engage-
ment apostolique», déclare l'article 48. Et l'article 7: « Notre
vocation nous demande d'être intimement solidaires du monde et
de son histoire ». L'article 19 le complète: « Le salésien doit
57 CG21 174.
117

12.6 Page 116

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avoir le sens du concret; il est attentif aux signes des temps,
convaincu que le Seigneur se manifeste aussi à travers les
urgences du moment et des lieux».
B. Une vocation qui pratique radicalement un style évangélique
de vie et d'action
Le salésien coadjuteur est conscient <I,Ue sa vocation
salésienne tient à l'initiative de Dieu. En l'appelant à la vie
salésienne, le Père le consacre par le don de son Esprit, suscite
en lui la réponse à la vocation reçue et le soutient sans cesse
pour remplir cette tâche.
Il répond par la profession à l'initiative charitable de Dieu:
« Notre vie de disciples du Seigneur est une grâce du Père qui
nous consacre par le don de son Esprit et nous envoie pour être
apôtres des jeunes. Par la profession religieuse, nous nous
offrons nous-mêmes à Dieu pour marcher à la suite du Christ et
travailler avec Lui à la construction du Royaume».58
L'action de Dieu qui consacre n'embrasse pas seulement l'un
ou l'autre aspect' de la vie du salésien laïc, mais toute sa
personne et son action. Par sa présence active, l'Esprit du
Seigneur l'insère dans la vie divine de charité, l'anime et le
soutient pour accomplir sa mission, vivre la communion
fraternelle et pratiquer les conseils évangéliques.
A son tour, la réponse qu'il donne ne concerne pas seulement
l'un ou l'autre aspect de sa vie, mais son intégralité et sa
totalité. Par la profession religieuse il s'offre tout entier à Dieu:
ce qu'il est et ce qu'il fait pour le salut des jeunes. Il s'engage
dans la mission salésienne et dans la vie de communion. Il
trouve dans la pratique des conseils une garantie d'efficacité
surnaturelle pour sa mission, une source de fraternité et de
charité pastorale, d'élan et de dynamisme apostolique. Les vœux
le rendent en outre totalement disponible pour les autres et
l'engagent à vivre et à travailler avec les confrères pour apporter
aux jeunes un témoignage et l'annonce de l'Evangile.
La formule de la profession exprime bien cette nouveauté
58 Const 3.
118

12.7 Page 117

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dans ce qu'il est et ce qu'il fait: « Dieu Père, Tu m'as consacré à
Toi au jour de mon baptême. En réponse à l'amour de ton Fils
Jésus, le Seigneur, qui m'appelle à Le suivre de plus près, et
conduit par ton Esprit Saint, qui est lumière et force, je m'offre
totalement à Toi, en pleine liberté, et je m'engage à dépenser
toutes mes forces pour ceux auxquels Tu m'enverras, spéciale-
ment pour les jeunes les plus pauvres, à vivre dans la Société
salésienne en communion d'esprit et d'action avec mes frères,
et à participer ainsi à la vie et à la mission de ton Eglise. C'est
pourquoi [...] je fais vœu pour toujours de vivre obéissant, pauvre
et chaste, selon la voie évangélique tracée par les Constitutions
salésiennes ».59
C. Une vocation religieuse laïque
Les salésiens coadjuteurs sont les membres laïcs de notre
Congrégation. Nous reprenons à présent la réflexion que nous
avons introduite sur la laïcité (cf. n° 23.2), pour l'approfondir et
la compléter.
a. Le salésien coadjuteur vit sa vocation de laïc en tant que
religieux salésien
Pour décrire la dimension laïque du salésien coadjuteur, le
CGS s'inspire de l'enseignement de Vatican II à propos des trois
fonctions bien connues dont tous les fidèles laïcs sont rendus
participants par les sacrements de l'initiation chrétienne; mais il
les retrace à partir du fait que le confrère coadjuteur est un reli-
gieux salésien, ce qui informe son être de laïc. Il déclare ceci:
- « Le coadjuteur vit, avec les caractéristiques propres de la vie
religieuse, sa vocation de laïc qui cherche le Règne de Dieu à
travers les choses temporelles qu'il ordonne selon Dieu;
- « Il exerce son sacerdoce baptismal, sa fonction cultuelle,
prophétique et de témoignage et son service royal en
participation réelle à la mission du Christ dans l'Eglise;
59 Const 24.
119

12.8 Page 118

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- « Il accomplit avec l'intensité qui découle de sa consécration
particulière et par "mandat n de l'Eglise (donc pas individuel-
lement comme simple séculier) la mission d'évangélisation et
de sanctification non sacramentelle;
- « Il accomplit sa tâche caritative avec un plus grand dévoue-
ment au sein d'une congrégation vouée à l'éducation inté-
grale des jeunes surtout pauvres;
- « Enfin, comme religieux, il anime chrétiennement l'ordre
temporel, non à travers la sécularité à laquelle il a renoncé,
[elle est le propre des fidèles laïcs qui vivent dans le monde
et des séculiers consacrés], mais à travers la tâche très
efficace de former des jeunes qui eux-mêmes animeront
chrétiennement le travail et les autres valeurs humaines». 60
Le texte actuel des Constitutions suppose toutes ces idées
bien acquises. Il commence par tracer le caractère salésien
commun à tous les membres de la Congrégation, et ce n'est qu'à
l'intérieur de celui-ci qu'il dessine le profil particulier du salésien
laïc et du salésien prêtre. Il entend donc clairement affirmer que
le salésien coadjuteur est avant tout un salésien religieux: la
conscience d'avoir embrassé une forme spécifique de vie consa-
crée, la vie salésienne, destinée à réaliser le projet apostolique de
Don Bosco, transforme, imprègne et dirige son âme de laïc chré-
tien. 61 Il « est responsable de la mission commune; il y participe
avec la richesse de ses dons et sa caractéristique laïque ». 62
b. Le salésien coadjuteur vit sa vocation communautaire de
religieux en tant que laie salésien
Le CG21 adopte toutes les affirmations du CGS,63 et les
complète. Il définit certes la laïcité du salésien coadjuteur à
partir de sa vocation religieuse, mais montre aussi et surtout
comment sa caractéristique laïque spécifie et informe toute sa
vie religieuse. Cette caractéristique complémentaire est essen-
60 CGS 149.
61 Cf. Const 2.
62 Const 45.
63 Cf. CG21 178 qui reprend le texte de CGS 149.
120

12.9 Page 119

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tielle. Il vit en tant que laïc l'ensemble des valeurs communau-
taires qui font la vocation salésienne.64 Car le fait d'être laïc
influence la manière dont le confrère vit et agit comme religieux
salésien en communion avec les autres confrères. Voici les
passages qui nous intéressent davantage.
Le CG21 déclare avant tout que « la dimension laïque est la
forme concrète sous laquelle le salésien coadjuteur vit et agit
comme religieux salésien. C'est là sa caractéristique spécifique,
une valeur essentielle de son identité ».
Il conçoit cette laïcité non pas d'une manière négative,
comme s'il suffisait de ne pas être prêtre pour être laïc, mais
positive, comme « l'ensemble des valeurs qui constituent le
chrétien laïc qualifié par la consécration religieuse salésienne ».
Il ne réduit pas cette laïcité à une série de services ou de
fonctions que le salésien laïc accomplit dans le cadre de sa com-
munauté: la laïcité, déclare-t-il, « ne se réduit pas à un simple
service ou à une simple fonction».
Mais il l'élargit à la totalité de la vie: « La dimension laïque
imprègne toute la vie du salésien coadjuteur: la mission salé-
sienne, la vie de communauté, l'action apostolique, la profession
religieuse, la prière et la vie spirituelle sont vécues par lui comme
religieux salésien laïc».
Il signale qu'en vertu de cette caractéristique laïque, « son
existence entière se transforme en un témoignage salésien
concret soit à l'égard de ses confrères prêtres, soit à l'égard des
destinataires de son apostolat, soit, en général, à l'égard de tous
les groupes de la Famille salésienne. Et ceci fait assumer à la
communauté salésienne elle-même un aspect tout particulier
voulu par Don Bosco: enrichie, en effet, de la dimension laïque,
elle est capable d'aborder le monde d'une manière apostolique
plus efficace ». 65
En particulier, il ne l'isole pas de la dimension sacerdotale
corrélative.66 La Congrégation est formée de prêtres et de laïcs
64 Const 3.
65 CG21 178.
66 lb.
121

12.10 Page 120

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unis entre eux par de solides liens malgré les différences. Si l'on
considère chaque salésien « en dehors des liens de communion
qui les unissent vitalement entre eux, on risque de tomber dans
une vision individualiste ou, pis encore, dans une vision de
classes de la vie salésienne». 67
Le texte actuel des Constitutions reprend en quelques mots la
progression de ce cheminement: « Le salésien coadjuteur porte
dans tous les domaines éducatifs et pastoraux la valeur propre
de son caractère laïque qui le rend, d'une façon spécifique,
témoin du Royaume de Dieu dans le monde, proche des jeunes
et des réalités du travail ».68
D. Une vocation au service de la mission salésienne
Pour réaliser son projet de vie et d'action apostolique, Don
Bosco a estimé nécessaire l'apport du religieux laïc.
Il a voulu que la Société de saint François de Sales fût une
« réunion de prêtres, de clercs et de laïcs, en particulier des
artisans, qui désirent s'unir de manière à se faire du bien entre
eux et à faire aussi du bien aux autres ».69
Dans le visage qu'il a donné à cette Société, Don Bosco a
établi qu'elle ne serait pas constituée uniquement d'ecclésiasti-
ques, ni seulement de laïcs, mais d'ecclésiastiques et de laïcs unis
par une unique communion de vie et de travail. Fidèle à cette
intention, l'article 4 des Constitutions s'exprime en ces termes:
« Notre Société est constituée de clercs et de laïcs qui vivent
la même vocation dans une fraternelle complémentarité».
Chaque salésien, laïc ou prêtre, est partie prenante de la
mission qui est confiée à la communauté et coresponsable de sa
mise en œuvre concrète: « Le mandat apostolique que l'Eglise
nous confie est assumé et mis en œuvre en premier lieu par les
communautés provinciales et locales, dont les membres ont des
fonctions complémentaires, avec des tâches qui toutes sont im-
67 CG2J 179.
68 Const 45.
69 MB XII, 151.
122

13 Pages 121-130

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13.1 Page 121

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portantes ».70 « La communauté locale, souligne l'article 175, se
compose de confrères qui [...], en unité d'esprit sous l'autorité
du supérieur, travaillent en coresponsabilité à la mission aposto-
lique». Et l'article 45 spécifie: « Chacun de nous est respon-
sable de la mission commune; il y participe avec la richesse de
ses dons ei les caractéristiques laïque et sacerdotale de l'unique
vocation salésienne ».
E. Une vocation salésienne concrète et complète
Dieu appelle chaque homme par son nom et en vue d'une
mission concrète à remplir au sein de son peuple, à un moment
précis de l'histoire.
Celle du salésien coadjuteur comme celle du salésien prêtre
est un appel que Dieu adresse à chacun pour qu'il se réalise
lui-même: « Chacun de nous, écrit l'article 22 des Constitutions,
est appelé par Dieu à faire partie de la Société salésienne. Pour
cela, il reçoit de Lui des dons personnels».
L'appel n'est pas générique, mais spécifique: on est appelé à
être concrètement salésien prêtre ou salésien laie. Pour réaliser
son projet apostolique, en effet, Don Bosco a fondé une Congréga-
tion « constituée de clercs et de laïcs ». C'est la forme de notre
Société: elle est, dit l'article 4, « constituée de clercs et de laïcs
qui vivent la même vocation dans une fraternelle complémen-
tarité».
Certes chacun découvre toujours sa vocation concrète à
travers un cheminement de discernement progressif. La pastorale
des vocations et la formation initiale ont pour but d'accompa-
gner ce cheminement.
Dans le peuple de Dieu, l'Esprit du Seigneur distribue des
dons divers, dont la racine est toujours la vocation chrétienne
commune.71 Ces dons permettent à chaque baptisé de la réaliser
à sa manière en fonction de sa personnalité. Chaque forme de
vocation est donc un don complet en soi. Le décret conciliaire
sur la vie consacrée déclare à ce sujet: « La vie religieuse laïque,
°7 Const 44.
71 Cf. Lumen gentium 7c. 12b.
123

13.2 Page 122

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qu'il s'agisse des hommes ou des femmes, constitue en soi un
état complet de la profession des conseils évangéliques. [...] Le
Concile [...] confirme dans leur vocation ceux qui la suivent ». 72
Dans notre Congrégation, il y a une vocation salésienne
commune qui se vit selon des modalités distinctes, laïque et
presbytérale. Il n'y a donc pas deux valeurs ni deux degrés
différents de vocations, comme si la vocation du salésien prêtre
était complète et celle du salésien laïc incomplète, ou vice-versa.
Selon l'article 3 des Constitutions, la vocation du salésien
coadjuteur comporte tous les éléments inhérents à notre
consécration apostolique salésienne: l'alliance particulière avec
Dieu, la mission, la communion fraternelle, la pratique des
conseils évangéliques, l'esprit salésien avec lequel se vit cette
consécration.
Par conséquent, le salésien coadjuteur participe à la
réalisation du projet de vie et d'action de la communauté à titre
propre et non dérivé, en vertu de sa vocation personnelle et du
mandat de l'Eglise qui lui est propre. « Le mandat ecclésial que
l'Eglise nous confie» 73 a sa racine dans le libre don de la
vocation salésienne. L'Eglise le reconnaît et intervient pour lui
faire porter des fruits.
F. Une vocation originale
Le Père Rinaldi a écrit que « le coadjuteur salésien est une
création géniale du grand cœur de Don Bosco, création inspirée
par la Vierge Auxiliatrice ». 74 Il a in~isté sur cette « modernité
géniale» et en a exposé les motifs: «Le coadjuteur salésien n'est
pas le second, ni l'aide, ni le bras droit des prêtres, ses frères en
religion, mais leur égal qui peut les précéder· et les surpasser
dans la perfection, comme le confirme amplement l'expérience
quotidienne». 75
Le CG21 a approfondi le sujet et déclaré en outre que cette
72 Perfectae caritatis lOa.
73 Cf. Perfectae caritatis Bab.
74 ACS 40, p. 574.
75 lb.
124

13.3 Page 123

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vocation « est caractéristique par rapport aux autres: à l'intérieur
de l'Eglise, puisqu'elle est au service de la mission salésienne; et
à l'intérieur de la Famille salésienne, puisqu'elle est vécue
comme religieux laïc au sein d'une communauté, avec des
caractéristiques propres héritées du Fondateur». 76
G. Une vocation porteuse de signification
Pour jouir d'une bonne santé, a-t-on dit, une personne ou un
groupe doit avoir une identité dont le sens est compréhensible et
valable.
Il est certain qu'à vivre et à travailler avec Don Bosco, les
salésiens coadjuteurs qui ont répondu avec générosité à leur
vocation ont trouvé un sens à leur vie. Leur témoignage quoti-
dien a fait que d'autres ont été attirés et se sont faits eux aussi
salésiens laïcs.
Même s'il a été peu connu et parfois mal compris, leur profil
a bien souvent joui d'une grande considération dans le cadre de
la Famille salésienne comme dans les milieux civils et ecclésiaux.
Non seulement, comme l'écrivait le Père Rinaldi, parce que c'est
« un genre de vie de perfection et d'apostolat [...] accessible aux
personnes de toute condition»,77 mais aussi parce qu'il « em-
brasse toutes les dimensions de la vie et offre la possibilité d'épa-
nouir la personnalité tout entière»,78 et, dans la perspective de la
mission, qu'il répond tout à fait, aux exigences des divers lieux
et des diverses cultures, en particulier du « monde du travail». 79
2.4 RECIPROCITE ESSENTIELLE ENTRE LES SALESIENS IAICS ET LES
SALESIENS PRETRES
Le réseau de relations qui, dans la Congrégation, unit les sa-
lésiens coadjuteurs et les salésiens prêtres fait partie de l'identité
de leur vocation.
76 CG21 173.
77 Cf. ACS, pp. 575-577.
78 CG21 173.
79 Cf. E. VIGANô, La Società... , o. c., 322.
125

13.4 Page 124

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Nos assemblées capitulaires, en particulier le CG21 et le
CG22, sont revenues à plusieurs reprises sur la question.
24.1 Réciprocité des vocations
Au sujet de la forme et du caractère de notre Société, l'art. 4
des Constitutions affirme: « Notre Société est constituée de clercs
et de laïcs». Elle a un visage original dans l'Eglise, un visage
« religieux et séculier», comme a dit Pie IX; 80 elle a sa manière
propre de vivre et d'agir, adaptée à la nouveauté des temps et à
son type de service éducatif et pastoral. Cette forme particulière
dépend précisément du fait qu'elle « est constituée de clercs et de
laïcs». Il s'agit de sa constitution charismatique. C'est ainsi
qu'elle a été voulue par notre Fondateur. Cette société,
déclare-t-il dans le texte des Constitutions de 1875, « se compose
de prêtres, de clercs et de laïques». Et plus loin: « Tous les
confrères vivent en commun, n'ayant d'autre lien d'union que
celui de la charité fraternelle et des vœux simples, qui les unit de
façon à former un seul cœur et une seule âme».81
C'est ainsi que se concrétisait la même vocation « en vivant
avec Don Bosco » dans le premier oratoire. Cette « expérience
d'Esprit-Saint » que notre Fondateur a commencée et que l'Eglise
a reconnue comme un don du Seigneur, comme un « cha-
risme», 82 est un des points fondamentaux qui font que la Con-
grégation correspond à la volonté de Dieu.
C'est notre charisme communautaire: « Chacun de nous est
appelé par Dieu à faire partie de la société salésienne»,83 à vivre,
en vertu de sa vocation même, en étroite communion avec les
autres.
Le Baptême et la Confirmation unissent déjà entre eux les
salésiens coadjuteurs et les salésiens prêtres dans la communion
ecclésiale. Mais la vocation salésienne ajoute un lien nouveau
so MB XIII, 82 S.
81 Constitutions 1875, chap. I, 1 et II, 1.
82 PAUL VI, Evangelica testificatio 11; Mutuae relationes 11.
83 Const 22.
126

13.5 Page 125

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entre la forme de vocation des uns et celle des autres de manière
qu'il y ait une réelle réciprocité de vocation entre eux.
Corrélation et réciprocité ne signifient pas subordination ni
juxtaposition, pas plus que la perte ou la fusion des caractéris-
tiques propres, respectivement laïques ou sacerdotales. Mais bien
communion réciproque et communication entre salésiens qui
ont des caractéristiques propres: elles signifient échange des
valeurs respectives et participation paritaire à la réalisation du
projet apostolique de Don Bosco.84
A ce propos, le VIr successeur de Don Bosco déclare: « Les
différences qui existent dans la figure et dans le rôle des
confrères ne doivent pas être considérées comme des limites ou
des degrés, mais comme des sources de richesse commune; non
point comme le manque de quelque chose, mais comme la
capacité d'intégrer les valeurs des autres; comme un apport
harmonieux à un type original de communauté religieuse et
apostolique ».85
24.2 Complémentarité fraternelle
L'article 4 des Constitutions précise encore que les clercs et
les laïcs « vivent la même vocation dans une fraternelle com-
plémentarité». Il ne s'agit pas d'une complémentarité quel-
conque, mais d'un « type particulier de fusion et de complé-
mentarité organique».86 Elle exige un dosage équilibré entre
la composante laïque et la composante sacerdotale, non pas fixé
une fois pour toutes, mais ouvert à l'évaluation continuelle qui
accepte de rectifier et d'adapter aux temps et aux lieux.
La « même vocation » et la « complémentarité fraternelle»
exigent en général la pleine égalité des confrères dans la
profession religieuse, la réciprocité essentielle entre les clercs et
les laïcs, la formation adaptée en vue de cette corrélation
réciproque de la vie.
84 Cf. CG21 194.
85 E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 8.
86 CG21 196.
127

13.6 Page 126

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A. Complémentarité au niveau de la conscience personnelle
Pour que les valeurs idéales de la fraternité et de la
complémentarité deviennent des valeurs réelles vécues dans le
quotidien, il faut que tous les salésiens sans exception en soient
pleinement conscients et convaincus. Elles doivent s'enraciner
toujours davantage dans leur conscience et se manifester dans
leurs attitudes intérieures et extérieures.
Le Recteur majeur a déclaré à ce sujet: « Chaque confrère,
" clerc " ou "laïc ", s'il a véritablement conscience d'être
" membre n, se sent coresponsable du tout: il y apporte le don
de soi et de sa vocation typique. La composante sacerdotale et la
composante laïque ne sont pas l'addition extrinsèque de deux
dimensions confiées chacune à des catégories de confrères en soi
différents qui cheminent parallèlement et constituent des forces
séparées, mais une communauté qui est le véritable sujet de
l'unique mission salésienne.
« Cela exige pour chaque confrère une formation originale de
la personnalité; ainsi le cœur du salésien prêtre se sent
intimement attiré et entraîné dans la dimension laïque de la
communauté et le cœur du salésien laïc se sent, de son côté,
intimement attiré et entraîné dans la dimension sacerdotale.
C'est la communauté salésienne, en chacun de ses membres, qui
témoigne des sensibilités et réalise des engagements qui sont
simultanément de prêtres et de laïcs».87
Les communautés doivent développer ces attitudes, car c'est
en vivant cette conviction dans toutes ses conséquences qu'on
effacera dans la Congrégation toute espèce de mentalité
cléricaliste portée à déprécier les valeurs de la laïcité, et toute
mentalité laïciste hostile ou du moins indifférente à celles du
sacerdoce. Ces états d'esprit fâcheux constituent des sources de
tension et d'animosité, de fermeture et de discrimination, et
dénaturent notre communion apostolique spécifique.88
87 CG22 80.
88 Cf. ib.
128

13.7 Page 127

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B. Complémentarité au niveau de l'apostolat
Au niveau de l'activité apostolique, quel est l'apport de la
complémentarité fraternelle entre les salésiens coadjuteurs et
prêtres? L'article 45 des Constitutions affirme: « La présence
significative et complémentaire des salésiens clercs et laïcs dans
la communauté constitue un élément essentiel de sa physiono-
mie et de sa plénitude apostolique». Par conséquent, la commu-
nauté ne serait plus pleinement elle-même si la présence des uns
ou des autres venait à faire défaut.
Dans l'intention de Don Bosco, les jeunes doivent être
abordés par des activités faites avec eux, mais en étroite
collaboration avec les salésiens prêtres et laïcs, frères dans la
même communauté religieuse.89
L'article 44 des Constitutions reprend cette conviction: dans
les communautés provinciales et locales, « les membres ont des
fonctions complémentaires, avec des tâches qui toutes sont
importantes. Ils en prennent conscience: la cohésion et la
coresponsabilité fraternelle permettent d'atteindre les objectifs
pastoraux ». Et l'article suivant précise: « Chacun de nous est
responsable de la mission commune; il y participe avec la
richesse de ses dons et les caractéristiques laïque et sacerdotale
de l'unique vocation salésienne».
Quant à la composante laïque en particulier, sa participation
enrichit l'action apostolique de la communauté: les prêtres ont
sous les yeux les valeurs de la vie religieuse laïque et sont
sollicités en permanence à demander la collaboration vivante des
laïcs. Elle rappelle au salésien prêtre que sa tâche apostolique est
très concrète et complexe et qu'elle va bien au-delà de l'activité
sacerdotale et catéchétique au sens strict.s9h
La présence significative et crédible du salésien coadjuteur
« rend témoignage des valeurs de la vie religieuse laïque comme
contre-partie de la vie religieuse sacerdotale; elle présente à tous
ceux qui ne se sentent pas appelés à une vie religieuse
consacrée, un modèle plus proche de vie chrétienne, de
89 Cf. Le Projet de vie des SDB, o. c., commentaire de l'art 48, vers la fin.
s9b Cf. CG21 195.
129

13.8 Page 128

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sanctification du travail, d'apostolat laïque». Elle permet à la
communauté une incarnation particulière dans le monde et une
présence spéciale dans la mission de l'Eglise.8""
24.3 Influence de la réciprocité et de la complémentarité sur
l'identité
La réciprocité et la complémentarité entre les salésiens laïcs
et les salésiens prêtres ont une influence sur l'identité des uns et
des autres, sur celle des communautés et de la Congrégation
tout entière.
A. La réciprocité et la complémentarité caractérisent notre
identité personnelle
« Parce que corrélatifs entre eux, à l'intérieur de la commu-
nauté salésienne, le salésien prêtre et le salésien coadjuteur se
caractérisent et s'influencent mutuellement: il n'est pas possible
de définir d'une manière adéquate l'identité du salésien coadju-
teur sans se référer à l'identité du salésien prêtre et vice-versa. La
crise d'identité ou le changement de présentation de l'un en-
traîne des perturbations plus ou moins profondes chez l'autre.
Leurs richesses spirituelles s'alimentent mutuellement et la pau-
vreté de leur propre vie spirituelle - laïque d'une part, presby-
térale de l'autre - a des répercussions négatives de l'une sur
l'autre.
« Afin que la communauté salésienne reste fidèle à ce projet
original et que ses membres développent fidèlement leur propre
physionomie caractéristique, il faudra que prêtres et coadjuteurs
se comprennent, qu'ils s'ouvrent les uns aux autres pour
contempler en eux le don de Dieu. 90 "Ainsi se réalise cet
échange admirable où chacun est lui-même, mais pour les autres
et tous pour ceux auxquels ils sont envoyés. Au fond, un prêtre
qui ne considérerait pas ainsi son propre frère coadjuteur et en
89C lb.
°9 CG21 196.
130

13.9 Page 129

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diminuerait la présence réelle et la portée prophétique, celui-là
serait en lutte contre sa signification propre"». 91 Et vice-versa.
Cette même inquiétude devrait troubler la conscience de
tous. 92
B. La réciprocité et la complémentarité caractérisent la Con-
grégation et ses communautés
« La présence significative et complémentaire des salésiens
clercs et laïcs dans la communauté constitue un élément essen-
tiel de sa physionomie», lit-on à l'article 45 des Constitutions.
Il réaffirme ainsi la volonté explicite de Don Bosco, rappelée
d'ailleurs à maintes reprises au cours de notre histoire, au sujet
de la forme de notre Société. 93
Le Salésien coadjuteur est « nécessaire à l'œuvre salésienne »,
écrit le Père Rinaldi. 94 Le CG19 l'a déclaré « élément essentiel de
la Société salésienne. C'est pourquoi, sans les coadjuteurs, notre
Congrégation ne serait plus celle que voulut Don Bosco ».95
Le CG21 en a expliqué les raisons: « La vocation spécifique
du religieux salésien laïc influe sur le ton global de la Congré-
gation et la définit en même temps que sa dimension sacerdo-
tale. Le thème du salésien coadjuteur, poursuit-il en citant une
déclaration du sixième successeur de Don Bosco, "touche à
l'image même de la Congrégation... Se demander ce qu'est le
salésien coadjuteur, cela signifie immédiatement se demander:
quelle est la nature de la Congrégation, sa mission, son esprit?
Pourquoi la Congrégation, voulue et fondée par Don Bosco,
n'est-elle pensable que comme une communauté apostolique de
laïcs consacrés et de clercs? A y regarder de près, les problèmes
des salésiens coadjuteurs s'identifient aux problèmes de la Congré-
gation: ce sont nos problèmes les plus vrais, les plus essentiels".
« La Congrégation, conclut le texte capitulaire, doit donc
91 lb. citant Atti Convegno Mondiale Salesiano Coadiutore - Rome 1975, p.
307-308.
92 Cf. ib.
93 Cf. Const 4.
94 ACS (1927), p. 621.
95 CGJ9 147.
131

13.10 Page 130

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demeurer fidèle à sa nature charismatique voulue par Don
Bosco. Et non seulement d'une fidélité théorique ou doctrinale,
mais d'une fidélité concrète et historique. Elle ne doit donc pas
se limiter à affirmer qu'elle est cléricale et laïque, mais l'être
vraiment et visiblement dans la conscience, dans les compor-
tements, dans la vie et dans les. manifestations extérieures. [...]
On peut, peut-être, ajouter que, lorsque la proportion entre les
salésiens coadjuteurs et les salésiens prêtres est compromise dans
une province, nous n'y donnons plus un témoignage complet et
exact de ce que nous sommes sur le plan charismatique».96
Le septième successeur de Don Bosco est revenu sur le même
sujet dans sa lettre que nous avons déjà citée sur La Composante
laïque de la communauté salésienne, ainsi que dans certaines
interventions au CG22. 97 « Il ne s'agit pas simplement de tel ou
tel confrère qui, pour son propre compte et d'une façon
désinvolte et presque arbitraire, éprouverait une inclination
personnelle vers un engagement plus ou moins ministériel ou
profane; il s'agit de la communauté salésienne dans sa vitalité
organique, ou bien de la Congrégation comme telle, qui a
comme composante essentielle de sa physionomie un sens
particulier à la fois de la consécration de l'Ordre et de la
situation laïque, qui s'interpénètrent dans une synthèse originale
de vie commune». 98
Toutes ces raisons expliquent le « cri d'alarme» que le
Recteur majeur a élevé au CG22. 99
24.4 Participation à la vie et au gouvernement de la Congré-
gation
Les structures d'animation et de gouvernement ont une
influence sur l'identité de la personne et du groupe. Après avoir
96 CG21 197-198.
97 Cf. E. VIGANO, La composante... , o. c., en ACS 298; Id., La Società... , o.
c., 320-322; CG22 79-82.
98 E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 16
99 E. VIGANO, La Società... , o. c., 322; CG22 81.
132

14 Pages 131-140

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14.1 Page 131

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clarifié les rapports de réciprocité et de complémentarité qui
unissent les salésiens laïcs et les salésiens prêtres dans la
communauté et dans la Congrégation, il est maintenant possible
de préciser et de mieux comprendre la responsabilité des
salésiens laïcs dans les structures d'animation et de gouverne-
ment, ainsi que le service du supérieur salésien comme prêtre.
A. La responsabilité du salésien coadjuteur dans les structures
d'animation et de gouvernement
Notre histoire évoque bien tout ce que le salésien coadjuteur
a apporté à la vie de la communauté par sa présence dans les
postes de responsabilité directe et les organes d'animation et de
gouvernement, à tous les niveaux. 100
Au niveau local, il exerce des rôles divers et des
responsabilités dans la communauté religieuse autant que dans la
communauté éducative: il est directeur, chef d'atelier, directeur
technique, directeur d'édition, économe... , membre du Conseil
de la communauté. 101
Au niveau provincial, il participe à toutes les structures
d'animation de la province: comités, secrétariats; il fait partie
du Conseil provincial 102 et peut être délégué au Chapitre pro-
vincial. 103
Au niveau mondial, il peut être membre du Chapitre géné-
ral 104 et conseiller du Conseil général de la Congrégation. 105
Il offre donc une contribution responsable et effective,
corrélative et organique,106 à l'animation de la communauté
fraternelle et apostolique, avec une autorité réelle basée sur
les principes de la participation, de la subsidiarité et de la
décentralisation. 107
°10 Cf. CG21 192.
101 Cf. Const 44. 45. 51. 66. 176. 178-179.
102 Cf. Const 161. 163-166. 169.
103 Cf. Const 170-174.
104 Cf. Const 145-151.
105 Cf. Const 141.
106 Cf. Const 44. 45. 51. 66.
107 Cf. Const 120. 122-124.
133

14.2 Page 132

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Cette autorité, il l'exerce « au nom et à l'imitation du Christ,
comme un service rendu à des frères dans l'esprit de Don Bosco,
pour la recherche et l'accomplissement de la volonté du
Père ». 108
B. Le service du supérieur salésien comme prêtre.
Le service du supérieur salésien se conçoit et s'exerce dans la
perspective de la réciprocité et de la complémentarité qui est à
la base des relations entre les salésiens laïcs et les salésiens
prêtres. Il cherche à les renforcer en accord avec le caractère
formellement pastoral de la mission qui caractérise la com-
munauté.
Il s'agit d'un service que notre tradition, comme le précise
l'article 121 des Constitutions, confie à « un confrère prêtre qui,
par la grâce du ministère presbytéral et l'expérience pastorale,
soutient et oriente l'esprit et l'action de ses frères ». 109 Les uns
comme les autres ont besoin de lui et de son ministère.
C'est pour assurer l'optique pastorale dans nos activités et
dans nos œuvres: non seulement celle qui est commune à tous
les fidèles en tant que sujets actifs de la mission de l'Eglise, mais
celle qui est spécifiquement liée à l'exercice du ministère
presbytéral. « Chaque communauté, en effet, est appelée à être
une sorte de "station missionnaire" pour la jeunesse. Celui qui
guide la communauté doit posséder les critères du "pasteur ",
qui donnent à la mission commune une particulière connotation
ecclésiale ». 110
2.5 L'ACTION APOSTOLIQUE DU SALESIEN COADJUTEUR
On a déjà fait allusion plus d'une fois à l'action apostolique
du salésien coadjuteur. Mais il faut compléter ce chapitre par
quelques considérations à propos:
108 Cf. Const 121.
109 lb.
110 Le Projet de vie SDB, p. 115, ainsi que le commentaire de l'art. 124 sur
la qualification sacerdotale.
134

14.3 Page 133

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- des fondements de l'apostolat du salésien coadjuteur;
- du caractère apostolique de toute sa vie;
- du «monde du travail», champ d'action privilégié du salésien
laïc.
25.1 Les fondements de l'apostolat du salésien coadjuteur
Son apostolat se fonde sur la consécration qu'il a reçue au
Baptême et à la Confirmation. Elle trouve sa réalisation pratique
et sa plénitude dans la consécration apostolique de sa profession
salésienne.
A. La vocation chrétienne commune à l'apostolat
Comme tous les chrétiens, le salésien coadjuteur est appelé à
participer à la mission de l'Eglise en vertu des sacrements du
Baptême et de la Confirmation. C'est une vérité que le Concile a
soulignée à plusieurs reprises. Voici quelques unes de ses
déclarations:
«De sa nature, l'Eglise, durant son pèlerinage sur terre, est
missionnaire ».111 « La vocation chrétienne est aussi par nature,
vocation à l'apostolat ». 112 « Il n'y a aucun membre [de l'Eglise]
qui n'ait sa part dans la mission du corps [mystique] tout
entier». 113 « Les pasteurs sacrés [... ] savent qu'ils n'ont pas été
institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l'ensemble
de la mission salutaire de l'Eglise à l'égard du monde ».114
Dans les sacrements du Baptême et de la Confirmation, les fi-
dèles sont conformés au Christ prêtre, prophète, roi et Seigneur.
Ils ont par conséquent le droit et le devoir d'exercer une action
apostolique de sanctification ou de culte, de prophétie ou de
111 Ad gentes 2a. Voir ib. 35; Lumen gentium 9b. 17.
112 Apostolicam actuositatem 2a.
113 Prebyterorum ordinis 2a. Voir aussi Lumen gentium 13ab. 17. 30. 32a;
Ad gentes 5. 6g. 10. 35-37.
114 Lumen gentium 30. 32c.
135

14.4 Page 134

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témoignage, de royauté ou de rénovation de l'ordre temporel,
de manière que celui-ci soit conforme au plan de Dieu. 115
B. La manière salésienne de participer à la mission de l'Eglise
Les vocations spécifiques sont variées et par conséquent aussi
les manières de vivre la consécration baptismale, de participer à
la mission de l'Eglise et de mener à bien l'action apostolique
commune à tous les chrétiens.
Notre consécration apostolique est la manière salésienne de
vivre la consécration reçue au Baptême et à la Confirmation.
Notre mission en faveur des jeunes et du peuple est la manière
salésienne de participer à la mission de l'Eglise. Notre service
éducatif et pastoral en faveur des jeunes et des milieux
populaires est la manière salésienne de participer à l'action
évangélisatrice de l'Eglise. 116
Le chrétien qui se fait salésien coadjuteur s'engage à
accomplir la mission de l'Eglise et les trois fonctions propres au
Christ, en participant à la réalisation du projet apostolique de
Don Bosco, comme membre éducateur et évangélisateur d'une
communauté.
Sa consécration apostolique reçue dans la profession reli-
gieuse est la manière salésienne de vivre la consécration bap-
tismale et de réaliser sa vocation d'apôtre. 117
25.2 Toute la vie du salésien coadjuteur est apostolique
C'est toute la vie et toute l'activité du fidèle chrétien, et pas
seulement l'un ou l'autre moment, qui doivent être apostoliques.
De même toute la vie et toute l'activité du salésien coadjuteur
doivent se transformer en apostolat.
L'apostolat ne consiste pas uniquement en quelques actions
comme la catéchèse, la prédication, l'administration des
115 Cf. Lumen gentium 10-12. 34-36; Apostolicam actuositatem 2b. 3a.
116 Cf Const 6. 31.
117 Cf. ib.
136

14.5 Page 135

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sacrements. Le Concile Vatican Il, qui se réfère à la pensée
biblique, y inclut toutes les actions qui tendent à faire que le
monde entier soit ordonné au Christ, en d'autres termes, que les
gens vivent et travaillent en communion de foi, d'espérance et
d'amour avec Dieu et entre eux selon l'exemple que le Seigneur
Jésus nous a donné. 118
Il s'en dégage deux conséquences pratiques.
La première, c'est que les prestations fournies par les
salésiens coadjuteurs, les services domestiques, les activités
tertiaires, les tâches culturelles et éducatives, se sont pas à
considérer simplement comme des métiers, des professions ou
des actions profanes. Une mentalité chrétienne correcte
n'accepte pas de les réduire ainsi: cela reviendrait à adopter,
peut-être sans s'en rendre compte, des attitudes et des
comportements laïcisants. Pour que des actions deviennent de
l'apostolat, l'intention droite ne suffit pas. Les offrir au Seigneur
peut certes contribuer à les rendre bonnes, mais il est possible
d'agir avec une intention droite et, en même temps, de mal
accomplir un travail, par exemple par incompétence. Il faut donc
considérer le travail comme une tâche confiée à chacun par le
Créateur, à réaliser d'une manière honnête et compétente, et à
destiner au service du prochain. Le savoir-faire reste un aspect
important de tout apostolat authentique. 119
La seconde conséquence, c'est que les activités effectuées par
les salésiens coadjuteurs ne constituent pas une espèce
d'apostolat indirect, mais une participation vivante et consciente
à l'apostolat direct de sa communauté. L'Evangile se prêche
pour être vécu; et vivre l'Evangile, c'est introduire dans les
relations interpersonnelles les valeurs qu'il propose.
Lorsque le salésien coadjuteur veille à ce que ses relations
avec ceux qu'il côtoie dans son travail ou ses services soient
empreintes de respect, de compréhension, de justice et de
charité fraternelle, il fait de son activité un apostolat parce qu'il
118 Cf. Apostolicam actuositatem 2a.
119 Cf. Gaudium et spes 67. 72.
137

14.6 Page 136

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vit l'Evangile, en témoigne par les faits et le fait rayonner par
son comportement.
Le CG21 rappelle à bon droit « qu'il est nécessaire de confir-
mer et de bien exposer la dimension apostolique du travail et de
l'action éducatrice du salésien coadjuteur et de ne pas se conten-
ter de présenter le seul aspect professionnel de son activité ». 120
25.3 Le « monde du travail», champ d'action privilégié du
salésien laïc
De par leur nature et le milieu socio-culturel où elles se
déploient, certaines activités peuvent se révéler mieux en accord
avec l'identité laïque du salésien coadjuteur et plus valable pour
elle. A condition qu'il les effectue en qualité de religieux salésien
laïc et, par conséquent, pour exprimer qu'il est toujours et
partout un membre actif d'une communauté éducatrice et
évangélisatrice. Le CG21 en particulier est intervenu à ce propos.
« Vu l'importance et l'influence que le "monde du travail"
a dans de nombreuses nations, il apparaît clairement que
les activités concernant ces milieux du travail se présentent, non
pas comme les seules, mais comme étant les plus significatives
pour l'action apostolique du salésien coadjuteur dans ces do-
maines ». 121
« Déjà, Don Bosco, avec la sensibilité propre à son temps,
avait souligné que l'une des tâches les plus caractéristiques du
salésien coadjuteur devait être d'animer chrétiennement le
monde du travail dont il avait saisi certaines valeurs encore
actuelles aujourd'hui: le caractère d'ascèse et de sévère auto-
discipline; le témoignage et l'efficacité apologétique des religieux
travailleurs face à une opinion publique particulièrement sensible
à la signification du travail ». 122
Aujourd'hui, le « monde du travail» a fait beaucoup de
chemin, en vertu de sa nature même et de la réflexion qu'il a
°12 CG21 182.
121 CG21 183.
122 lb.
138

14.7 Page 137

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suscitée: Rerum novarum de Léon XIII, Quadragesimo anno de
Pie XI, Mater et magistra de Jean XXIII, Gaudium et spes de
Vatican II, Populorum progressio de Paul VI, Laborem exercens,
Sollicitudo rei socialis [et Centesimus annus] de Jean-Paul IL
C'est un phénomène vaste et complexe où apparaissent de
nombreuses catégories sociales qui ont leurs caractéristiques
propres, dépendent les unes des autres et connaissent bien
souvent des tensions et des conflits. Il engendre des droits et les
devoirs qui leur correspondent. Il crée de nouveaux modèles de
culture et forge de nouveaux types d'humanité. Il est un puissant
facteur de développement personnel. Les situations d' exploita-
tion, de marginalité et de chômage ou de travail à temps partiel
posent de graves problèmes éducatifs et pastoraux en particulier
pour les jeunes.
Pour les chrétiens, il est possible d'y vivre et d'y exprimer
une spiritualité spécifique. Par le travail en effet, le fidèle
participe à l'œuvre du Créateur, marche à la suite du Christ,
« l'homme du travail», partage avec lui le chemin douloureux
marqué par la croix, mais soutenu par l'espérance et la certitude
de la résurrection. 123
Le salésien coadjuteur rappelle constamment à toute la
communauté ses responsabilités urgentes et communes envers le
monde du travail.
25.4 Une contribution spécifique à l'ouverture de la Congré-
gation à la sécularité
Il faut souligner l'importance de la contribution des salésiens
laïcs pour permettre à notre société d'assumer des caracté-
ristiques séculières compatibles avec l'esprit religieux.
1. - Leurs activités et leurs fonctions, dont il sera plus
amplement question dans le chapitre 4 sur la formation, sont le
plus souvent séculières, c'est-à-dire communes à celles des gens
du monde. Les œuvres où ils travaillent, salésiennes ou non, peu
123 Cf. p. ex. JEAN-PAUL II Laborem exercens 25-27.
139

14.8 Page 138

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importe, ont surtout un caractère profane. Ce sont des écoles
techniques et professionnelles, des centres de jeunes, des œuvres
éducatives et culturelles, et elles sont désormais grand ouvertes
au milieu socio-culturel dans lequel elles ont pris place.
2. - Le travail et la présence parmi les jeunes exigent aussi
d'adopter certaines conditions de vie propres aux séculiers, et
permettent, voire suggèrent de leur demander de travailler avec
nous: à nos collaborateurs laïcs, aux parents des élèves, à la
clientèle plus ou moins large de nos œuvres nombreuses.
3. - Et comme il est parfois nécessaire de rejoindre les jeunes
et les classes populaires dans leur milieu afin de leur être plus
proches, de les aimer dans le Christ, de soulager leur indigence
en épousant leurs aspirations légitimes vers une société plus
humaine, les salésiens laïcs sont amenés par leur service même à
vivre dans une condition séculière et à l'animer chrétiennement.
Bref, même si elle est nécessairement limitée par leur qualité
de religieux, la sécularité des salésiens coadjuteurs reste
cependant par ailleurs très large et souvent bien plus qu'il n'est
possible aux salésiens prêtres. « Il y a des choses, avait dit Don
Bosco aux confrères coadjuteurs, que les prêtres et les abbés ne
peuvent faire, et c'est vous qui les ferez »: 124 ce sont précisé-
ment celles que la condition du salésien laïc donne la possibilité
et la capacité de réaliser. 125
2.6 QUELQUES TRAITS DE LA VIE SPIRITUELLE DU SALESIEN
COADJUTEUR
La « vie spirituelle », c'est la manière concrète dont le croyant
accueille, expérimente, approfondit et vit la présence en lui de
l'Esprit-Saint. C'est l'ensemble des attitudes intérieures et exté-
rieures par lesquelles le chrétien, docile à l'action de l'Esprit du
Seigneur, vit sa vocation apostolique spécifique dans l'Eglise et
dans le monde.
124 MB XVI, 313.
125 Cf. E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, pp. 20. 30. 36-39.
140

14.9 Page 139

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26.1 La vie spirituelle, c'est vivre l'esprit salésien
Dans l'Eglise, il y a beaucoup de façons de vivre une vie
spirituelle authentique conforme à l'Evangile. Pour nous, fils de
Don Bosco, la vie spirituelle fait immédiatement référence à
l'esprit salésien, c'est-à-dire au style original de vie et d'action
que notre Fondateur a vécu et nous a transmis en précieux
héritage.
C'est moins une doctrine (mais ce l'est aussi, évidemment)
qu'un ensemble d'attitudes et de comportements que les disciples
de Don Bosco assument et expriment dans leur vie et leur travail
pour réaliser son projet apostolique. 126
Le salésien coadjuteur est appelé à vivre et à témoigner dans
la communauté une expérience évangélique qui réponde à la
forme spécifique de sa vocation. Il est appelé à vivre l'esprit
salésien en confrère laïc.
Conformément aux grands axes de l'esprit salésien, le centre
et la synthèse de la vie spirituelle du salésien coadjuteur est « la
charité pastorale [...] marquée par le dynamisme juvénile [...].
C'est un élan apostolique qui nous fait chercher les funes et ne
servir que Dieu seul ». 127
Suivant les exemples et les enseignements de son Fondateur
et père, il trouve « son modèle et sa source dans le cœur même
du Christ, apôtre du Père» pour toute sa vie spirituelle et
apostolique. Il rend grâce au Père d'appeler tous les hommes au
salut; il a conscience de participer à la prédilection du Christ
pour les jeunes pauvres, et d'être un collaborateur de Dieu, un
instrument humble, mais aussi nécessaire et efficace; dans son
action, il adopte une « attitude de Bon Pasteur qui conquiert par
la douceur et le don de soi »; il a un sens profond de la
fraternité humaine et vit dans la communion fraternelle avec
tous, à l'exemple du Seigneur Jésus. 128
Quand il travaille en qualité de salésien laïc au salut de la
126 Cf. Const 10.
127 lb.
128 Cf. Const 11.
141

14.10 Page 140

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jeunesse, il « fait l'expérience de la paternité de Dieu et ravive
continuellement en lui-même la dimension divine de son activité.
[...] Il entretient son union avec Dieu, conscient qu'il faut prier
sans cesse, en un dialogue simple et cordial avec le Christ vivant
et avec le Père qu'il sent tout proche. [Il est] attentif à la
présence de l' Esprit». 129
Il accomplit sa mission apostolique, vit la communion
fraternelle et pratique les conseils évangéliques « dans un unique
mouvement de charité envers Dieu et envers nos frères»: c'est le
da mihi animas [donne-moi des âmes] qui a caractérisé la vie et
l'activité de son Fondateur et sa manière de contempler Dieu;
c'est la façon concrète par laquelle, à l'exemple de Don Bosco,
le confrère coadjuteur rencontre Dieu qui est à l'œuvre en
chacun des hommes et se manifeste dans les événements pour le
salut de l'humanité. ' 30
26.2 Le salésien coadjuteur vit comme salésien laïc les atti-
tudes et les comportements propres à l'esprit salésien
A. Il vit avec joie et reconnaissance sa vocation salésienne
Conscient du don précieux de sa vocation, il est reconnaissant
au Père. Il la vit avec joie comme salésien laïc: il la considère
comme une valeur positive et complète, riche de sens et essen-
tielle pour la Congrégation. 131
Conscient de sa responsabilité, il met sa confiance dans la
fidélité de Dieu qui l'a aimé le premier, et il renouvelle chaque
jour sa réponse à l'Alliance spéciale que le Seigneur a conclue
avec lui dans sa profession religieuse. Il en fait son unique raison
de vivre et l'unique chemin de sa sanctification. 132
129 Const 12.
°13 Const 3. 12. 19. 21. 95.
131 Voir plus haut au n° 23.3.
132 Cf. Const 196. 14. 2. 22.
142

15 Pages 141-150

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15.1 Page 141

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B. Il vit en communion d'esprit et d'action avec les salésiens
prêtres
Appelé à réaliser le projet apostolique commun avec ses
confrères prêtres et à mener avec eux une vie de fraternité, de
travail et de prière, il a le « sens du nous» et s'identifie
personnellement avec la vie de la communauté.
Aussi veille-t-il à ce que sa vie spirituelle et son action
apostolique se caractérisent par des relations d'intime commu-
nion et de collaboration effective avec les salésiens prêtres. 133
Il a soin d'éliminer de sa manière de penser, de parler et
d'agir toute mentalité, tout geste ou toute expression qui
pourraient révéler d'une façon quelconque un sentiment de
malaise, de récrimination ou, pis encore, de ressentiment ou
d'aversion. Il a la générosité de pardonner et d'oublier les
manques d'égards et les torts subis. 134
Il exprime dans sa vie pratique son sens vivant de l'Eglise
comme famille où tous sont fils du même Père, frères de
l'unique Seigneur, et partagent la même responsabilité, bien que
dans des ministères et des rôles différents, d'édifier le Corps du
Christ et d'étendre son Règne. 135
Il a conscience de l'originalité de sa contribution et de son
besoin d'aide pour la mener à bien. 136
C. Il vit dans « le monde du travail» certaines valeurs de
l'esprit salésien
Le champ privilégié de son action apostolique est habituelle-
ment le « monde du travail» avec toutes ses caractéristiques: la
solidarité, le sens du concret, l'adaptation, les différentes formes
de tensions et de conflits. 137
Il peut ainsi faire une expérience personnelle et particulière
de certaines valeurs de l'esprit salésien et en témoigner: le sens
133 Cf. Const 16. 44. 45. 49-52.
134 Cf. Const 52. 90. 91.
135 Cf. Const 4. 13. 57.
136 Cf. Const 44. 45. 49-51.
137 Voir plus haut au n° 25.3.
143

15.2 Page 142

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du concret et des urgences, l'esprit d'initiative et de créativité, la
capacité de prendre du recul, la solidarité effective, l'esprit de
famille. 13s
D. Il vit auprès des jeunes et des fidèles laïcs dans l'optimisme,
l'ardeur au travail et la tempérance
Sa condition laïque et le type de travail qu'il accomplit
d'ordinaire lui permettent d'être proche des jeunes et des fidèles
laïcs d'une manière caractéristique. 139 Il a une façon originale de
donner un style salésien à ses relations: la simplicité, l'ouverture
et la cordialité, la manière délicate. Il cultive les vertus sociales
recommandées par Vatican II aux fidèles laïcs: «la probité,
l'esprit de justice, la sincérité, la délicatesse, la force d'âme »,
« l'art de vivre .ensemble, de coopérer fraternellement et de
savoir dialoguer ». 140
Le type de travail auquel il se consacre le rend proche de la
création, de la technique, de l'art et l'encourage à garder l'opti-
misme salésien. Il sait prendre et accueillir avec reconnaissance
les valeurs terrestres; il admire la création et le pouvoir que
Dieu y confie à l'homme; il se réjouit des progrès de la science
et des techniques. Mais il est également bien conscient que ce
progrès ne s'accompagne malheureusement pas toujours du déve-
loppement humain, moral et religieux qui devrait correspondre.
Il prend alors un sage recul, sans pour cela tomber dans le
pessimisme, la méfiance ni le découragement. En face des diffi-
cultés et des problèmes qu'il rencontre dans son travail, il sait
rester serein et toujours joyeux. 141
Suivant l'exemple de Don Bosco, il « se donne à sa mission
avec une ardeur infatigable et le souci de bien faire toute chose
avec simplicité et mesure. Il sait que son travail le fait participer
à l'action créatrice de Dieu et coopérer avec le Christ à la
construction du Royaume.
138 Cf. Const 19. 18. 79.
139 Voir plus haut au n° 25.4.
140 Cf. Apostolicam actuositatem 4; Const 15-17.
141 Cf. Const 17.
144

15.3 Page 143

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« La tempérance renforce en lui la garde du cœur et la maî-
trise de soi, et l'aide à rester serein. Il ne recherche pas de péni-
tences extraordinaires, mais accepte les exigences quotidiennes et
les renoncements de la vie apostolique: il est prêt à supporter
la chaleur et le froid, la soif et la faim, les fatigues et le mé-
pris, chaque fois que sont en jeu la gloire de Dieu et le salut
des âmes». 142
« Par [son] labeur quotidien, [il s'associe] aux pauvres qui
vivent du fruit de leur peine, et [il témoigne] de la valeur
humaine et chrétienne du travail ». 143
E. En vivant et en travaillant selon l'esprit salésien, il célèbre
la liturgie de la vie
Consacré par l'Esprit, le salésien coadjuteur devient un
temple spirituel, participe au sacerdoce du Christ et peut offrir à
Dieu, comme « sacrifice spirituel», tout ce qu'il est et tout ce
qu'il fait: ses initiatives apostoliques, son travail quotidien, ses
activités de détente spirituelle et corporelle, ainsi que les
difficultés de la vie. 144
Dans sa vie et son travail, il s'emploie à réaliser « l'activité
infatigable sanctifiée par la prière et l'union à Dieu, qui doit être
la caractéristique des fils de saint Jean Bosco», et à célébrer
ainsi « la liturgie de la vie ». 145
F. Il vit de façon caractéristique sa dévotion à Marie
La profession religieuse est capable « d'assurer aux chrétiens
une conformité plus grande avec la condition de virginité et de
pauvreté que le Christ Seigneur a voulue pour lui-même et qu'a
embrassée la Vierge sa Mère ». 146 C'est ce que déclare la Consti-
tution dogmatique Lumen gentium. Et le Décret Apostolicam
142 Const 18.
143 Const 78.
144 Cf. Lumen gentium lOa. 34b.
145 Const 95.
146 Lumen gentium 46b; Perfectae caritatis 25.
145

15.4 Page 144

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actuositatem ajoute que les laïcs trouvent en Marie «l'exemple
parfait de cette vie spirituelle et apostolique ». 147
Les dimensions religieuse et laïque se retrouvent en elle dans
toute leur perfection. En vertu de sa vocation, le salésien
coadjuteur a besoin de l'imiter et de lui ressembler. Il a pour
Marie, Auxiliatrice et Mère de l'Eglise, une vénération filiale,
pour imiter l'intimité apostolique de Don Bosco.
26.3 L'esprit de notre Fondateur, lieu d'unité
Les Constitutions reconnaissent aux disciples que l'Esprit-
Saint a voulu susciter pour Don Bosco et sa mission, deux
formes de vocation, le salésien prêtre et le salésien laïc, avec
la spiritualité qui en dérive.
C'est donc l'esprit salésien qui permet aux coadjuteurs et aux
prêtres d'unifier, au niveau de la réflexion et de la vie, leurs
spiritualités différentes, l'une laïque et l'autre sacerdotale. Le
CGS le décrit comme «notre style particulier de pensée et de
sentiment, de vie et d'action, dans la mise en œuvre de la
vocation et de la mission spécifiques que l'Esprit-Saint ne cesse
de nous donner ». 148
Non seulement l'esprit salésien contient et informe la spiritua-
lité religieuse du laïc et du prêtre, mais il en fait un projet
unitaire avec les caractéristiques salésiennes. Cette unification
et cette spécification ont été perçues avec finesse par le Père
Rinaldi: « Notre sainteté, écrivait-il, ne consiste pas tellement
à pratiquer le système de vie que nous avons embrassée par
la profession salésienne, ni non plus à imiter simplement les
vertus de notre Père, mais bien à faire que la vie salésienne que
nous avons embrassée et que l'imitation des vertus de notre
Père Don Bosco soient animées par l'esprit dont il vivait et
qui le poussait à .pratiquer personnellement les vertus ». 149
147 Apostolicam actuositatem 4 vers la fin.
148 CGS 86.
149 ACS 10 (1929), p. 733.
146

15.5 Page 145

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26.4 Les témoins héroïques de la sainteté salésienne laïque
Les traits de vie spirituelle développés jusqu'ici ne constituent
pas un idéal abstrait. Ce sont des valeurs vécues dans le concret,
hier et aujourd'hui, par les salésiens coadjuteurs fidèles à Don
Bosco.
Il vaut la peine de retranscrire ici cette déclaration officielle
du CG21: « La profondeur de la vie spirituelle arrive au maxi-
mum et devient richesse pour toute la Congrégation quand, à
l'imitation de Don Bosco, elle atteint la perfection de la charité
au degré héroïque. Nous avons des motifs suffisants pour croire
que ce don a été concédé à de nombreux salésiens coadjuteurs.
Chaque confrère a présents à l'esprit ces confrères qui ont
réalisé cette plénitude dans des lieux divers et dans des situations
différentes, parfois sans éclat et dans un esprit de sacrifice
complet. Bon nombre sont entrés dans l'histoire de la Con-
grégation. Certains d'entre eux, martyrs pour la foi ou héros de
la charité, sont candidats à la gloire des autels.
« Tous ces témoignages nous offrent une preuve supplémen-
taire de la richesse charismatique contenue dans la vocation
salésienne laïque ». 150
°15 CG21 191.
147

15.6 Page 146

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3. LA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR
DANS LA PASTORALE SALESIENNE DES VOCATIONS
Le CG22 a demandé de faire le point sur l'identité du salésien
coadjuteur et à être plus actifs et plus efficaces pour la pastorale
des vocations et pour leur formation. La grâce de Dieu ne fait
pas de nous «quelqu'un» pour nos beaux yeux. Les dons de
Dieu sont accordés pour être mis au service de nos frères et
pour que son Règne croisse en eux.
C'est donc en vue d'une mission que l'histoire nous a fait
connaître la naissance et le développement de cette forme de
vocation. L'approfondissement qui en a été fait nous a permis
d'en découvrir l'originalité, la beauté et l'efficacité pratique.
Il faut donc rechercher ce don là où il est. Celui qui le
possède doit le reconnaître, le faire mûrir en lui et le rendre
toujours plus conscient et plus certain. Il doit rechercher les
valeurs qu'il comporte et travailler à les identifier et à les
intérioriser. La théologie, la pastorale des vocations et la forma-
tion ont à jouer dans cette tâche un rôle distinct, mais néces-
saire, progressif et continu.
3.1 LA PASTORALE DES VOCATIONS
31.1 Organisation pastorale du travail pour les vocations
Avant d'inviter des jeunes à assumer un projet précis de vie
chrétienne, il faut toujours s'appuyer sur une vision au moins
partielle de la vocation en général et de la pastorale des
vocations. Pour atteindre son but, ce livre n'a cependant pas
besoin de faire un exposé complet de la réflexion actuelle de
l'Eglise et de la Congrégation. 1
1 Cf. * Sviluppi della cura pastorale delle vocazioni nelle Chiese particolari:
esperienze del passato e programmi per l'awenire, Thème général du deuxième
148

15.7 Page 147

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Notre sujet est particulier et limité: la vocation salésienne
laïque. Il suffit donc de connaître les notions générales sur
lesquelles elle s'appuie. Un rappel succinct de celles qui sont
nécessaires à la pastorale des vocations suffira pour nous éclairer
et orienter le travail qui vise à promouvoir cette vocation
particulière. Il s'agit de la pastorale. Ce mot évoque l'Eglise.
C'est que la pastorale est l'œuvre de l'Eglise et, en communion
avec elle, de toute communauté et de tout individu qui cherche
à éveiller la foi au Christ, à former et à renforcer les
communautés de croyants et à mêler à l'histoire des hommes le
levain de l'Evangile. De la sorte, les hommes se rendent compte
qu'un Dieu sauveur est présent dans leur vie et qu'ils peuvent
correspondre à cette grâce par la conversion pour entrer en
communion avec le Seigneur et entre eux.
Sur cet objectif se greffe celui de disposer notre cœur à
percevoir le dialogue personnel que Dieu instaure avec chacun
de nous depuis le premier moment de notre existence et tout le
long de notre vie pour nous faire participer activement à son
dessein de salut. L'Eglise est donc le «milieu» où se fait l'expé-
rience de l'appel de Dieu et se découvre l'originalité des diverses
vocations; le lieu où les vocations s'éveillent, sont reconnues,
mûrissent et s'engagent au service de la communauté.
Dans ce sens, la pastorale des vocations est un objectif
essentiel et une aide apportée par la communauté chrétienne à
chacun de ses membres et aux hommes de bonne volonté pour
qu'ils découvrent et réalisent le plan de Dieu dans leur vie.2 Elle
Congrès international pour les vocations, organisé par les Congrégations pour les
Eglises orientales, pour les Religieux et les Instituts séculiers, pour !'Evangélisa-
tion des peuples, pour l'Education catholique. Document final, Rome, Ed. Rogate
ergo, 1982.
* Documents des Eglises locales, p. ex. Conférence épiscopale italienne, Vocationi
nella Chiesa italiana. Piano pastorale per le vocazioni, Bologne, EDB, 1985.
* CG21, La Fécondité en vocations de notre action pastorale, Documents
capitulaires, nn. 106-119, Rome 1978.
* Dicastère de la pastorale des jeunes, Perspectives essentielles pour un plan
provincial de pastorale des vocations, Bruxelles 1989. '[Traduction de Lineamenti
Essenziali per un Piano lspettoriale di Pastorale Vocazionale, Rome 1981].
2 Cf. CG21 106.
149

15.8 Page 148

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s'adresse donc à chacun, durant toute sa vie, selon son état et sa
situation. Car la réponse à l'appel du Seigneur n'est pas à
considérer comme donnée une fois pour toutes: elle est à renou-
veler sans cesse.
Mais la pastorale des vocations s'intéresse tout particulière-
ment à la jeunesse, période où, en général, la maturation
de l'identité personnelle aboutit à prendre les décisions qui
marquent le cours de l'existence.
L'orientation de la vocation et la croissance personnelle se
tiennent de si près qu'il n'est pas facile de bien les distinguer
l'une de l'autre. La maturation humaine et chrétienne, en effet,
a pour but de rendre la personne capable de choix libres et
efficaces. C'est pourquoi la pastorale des vocations est en
relation étroite avec la pastorale des jeunes, c'est-à-dire à
l'ensemble des activités qui tendent à éduquer les jeunes à la foi,
vécue dans la communauté ecclésiale. C'est une des conclusions
définitives de la pratique actuelle: « La pastorale des vocations
trouve son espace vital dans la pastorale des jeunes. La pastorale
des jeunes n'est complète et efficace que lorsqu'elle s'ouvre à la
dimension de la vocation».3
Cette affirmation concerne moins l'organisation que le
concept même de la pastorale des vocations. Elle est à com-
prendre dans un double sens:
1. - Le développement de chaque vocation repose sur la
maturation spirituelle de la personne qui place progressivement
Dieu et sa volonté au centre de son existence. La pastorale des
vocations, en effet, qui est « l'action adjuvante offerte aux
préadolescents, adolescents, jeunes et adultes dans la construc-
tion de leur identité chrétienne, doit être extrêmement respec-
tueuse de [...] l'appel de Dieu [et de] l'action de l'Esprit Saint
qui se révèle tout au long du cours de la vie à l'intérieur des
situations singulières de l'histoire personnelle et sociale».4
2. - Dans toute activité pastorale qui s'adresse aux jeunes,
3 Sviluppi. .. , o. c., n. 42.
4 CG21 112.
150

15.9 Page 149

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«l'orientation à une vocation [doit être] présente de façon
"explicite" et "systématique", comme dimension essentielle».5
31.2 Les références fondamentales pour une pastorale des
vocations
Certaines convictions animent de l'intérieur cette action de la
communauté chrétienne.
1. - La première concerne la nature même de la vocation.
Elle est une initiative gratuite de Dieu qui se révèle à la
conscience comme un appel personnel d'amour. Ce qui ne peut
manquer d'avoir des conséquences concrètes et pratiques.
C'est ainsi qu'elle apparaît dans !'Ecriture sainte, en
particulier dans les Evangiles: «Viens et suis-moi»; « Ce n'est pas
vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis». Le
Seigneur appelle à «rester avec lui »; 6 il appelle à entrer dans la
connaissance vitale de son mystère, à s'attacher totalement à lui
et à faire le choix radical de son amour. Il invite du même coup,
par une mission, à collaborer au salut des hommes: «Il
convoqua les douze [...]. Il les envoya proclamer le Royaume de
Dieu et faire des guérisons ».7
Cette manière de considérer la vocation nous renvoie aux
motivations qui la rendent authentique: elles doivent se trouver
au moins en germe quand on la propose, et se purifier au cours
de l'accompagnement qui suit. Elle offre aussi le critère fonda-
mental pour discerner les routes d'une véritable pastorale des vo-
cations et indiquer comment il faut encourager les vocations.
Tout est à voir comme une «grâce», une rencontre mystérieuse
entre Dieu et le jeune au cœur de sa liberté.
2. - Cette première conviction en entraîne une deuxième:
c'est celui qui est appelé qui est le responsable principal et, à
certains moments, exclusif du développement de sa vocation et
de sa décison. Ce qui ne mûrit pas dans son cœur en toute
5 CG21 113.
6 Cf. Jn 1, 39; Jn 15, 16; Mc 3, 14.
7 Cf. Le 1-6.
151

15.10 Page 150

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liberté et générosité perdra irrémédiablement toute consistance
dans ses relations avec Dieu et avec sa vie personnelle.
La découverte et l'accueil de l'initiative de Dieu, en effet, se
réalisent à travers un échange profond où le sujet doit écouter et
répondre de façon personnelle. La vocation est un appel et une
initiative de Dieu: elle naît et se développe dans la trame des
expériences de la vie, des dynamismes et des options libres de la
personne. Elle a ses racines dans son histoire. Sa manifestation à
la conscience et son élucidation progressive sont favorisées ou
empêchées par toutes les décisions du sujet vis-à-vis de Dieu et
de sa grâce.
.- Il en découle deux nécessités pédagogiques fondamentales:
- Créer autour de la personne des conditions favorables à
l'écoute et à la docilité;
- Rendre possibles les décisions personnelles intérieures et
motivées selon les différents âges.
Pour orienter les vocations, il faut donc proposer et suggérer,
mais aussi rester conscient du rôle primordial joué par le
sujet.
L'orientation est à prendre comme un cheminement ou un
parcours intérieur du sujet qui évalue sa disponibilité, se situe en
face des signes de l'appel de Dieu et assume les engagements qui
lui permettent de répondre. C'est lui qui s'oriente.
Animer ou encourager, c'est offrir à ce parcours un appui et
un accompagnement. C'est ne pas se substituer au sujet et veiller
à ne pas le rendre dépendant dans ses décisions. C'est aider la li-
berté à surmonter les conditionnements personnels ou du milieu,
la générosité à dépasser les intérêts immédiats même légitimes,
l'intelligence à découvrir les projets de Dieu et lui apprendre à
en discerner les signes.
Une troisième nécessité apparaît pour l'efficacité et le
développement de la pastorale des vocations: l'intervention de
«médiations» concrètes, en d'autres termes de communautés ou
de personnes qui veulent aider à percevoir l'appel de Dieu et à y
répondre. A sa naissance, chacun a reçu en germe un ensemble
d'aptitudes et de qualités à faire fructifier. Les milieux, les
personnes, les enseignements, les activités les développent et
152

16 Pages 151-160

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16.1 Page 151

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révèlent de nouvelles possibilités d'exprimer son amour et de
s'engager.
La pastorale des vocations consiste à réaliser les médiations
efficaces aux bons moments. Certains coups de pouce ne
peuvent venir que des communautés, d'autres, de ceux qui en
ont le mandat ou qui sont particulièrement doués. Il s'agit de
deux sortes de médiations complémentaires, nécessaires l'une et
l'autre.
Laisser le soin de «rechercher» des vocations à des individus
sans veiller au témoignage d'un milieu communautaire ni aux
relations du candidat avec la communauté met en question la
crédibilité.
Exclure l'invitation personnelle et attendre que tout vienne du
milieu ou de l'intériorité, c'est méconnaître les lois de l'incar-
nation et mettre en danger l'épanouissement de nombreuses
dispositions.
Le Christ nous donne l'exemple de la médiation pour les
vocations. A la fascination exercée par sa personne et son
enseignement, il joignait l'appel personnel.
31.3 Les tâches de la pastorale des vocations
Après avoir établi les références fondamentales qui doivent
inspirer la pastorale des vocations, il faut en expliciter les tâches.
Quatre verbes les résument: prier, annoncer, appeler,
accueillir.
- « La prière n'est pas un moyen pour recevoir le don des
appels divins, mais le moyen essentiel commandé par le
Seigneur».8 L'exemple de Jésus et la pratique de l'Eglise,
exprimée aujourd'hui dans des invitations officielles au niveau
mondial (cf. Journée mondiale des vocations) et dans de
nombreuses initiatives de groupes, la remettent au premier
plan: elle est une intercession pour obtenir des vocations,
une expérience qui peut provoquer leur éveil, et un itiné-
raire pour les aider à mûrir.
8 Sviluppi..., o. c., n. 23.
153

16.2 Page 152

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- L'annonce de la vocation se fait à travers le témoignage et la
parole.9 Elle consiste à présenter sous forme d'expérience,
plutôt que de simple information, le grand appel universel du
Seigneur à la vie et à la foi et, en relation avec lui, l'appel
ultérieur à un amour plus grand et à la sainteté. Une
catéchèse progressive montre les dons du Royaume qui
deviennent la richesse de la communauté: le sacerdoce
ministériel, la marche à la suite du Christ, la consécration
séculière, la possibilité missionnaire. Elle fait voir qu'ils sont
aussi destinés à construire la communauté et qu'ils ne sont
pas des privilèges individuels. Elle fait prendre conscience des
besoins du monde, à travers lesquels Dieu appelle à prendre
part à son amour pour l'homme, et des possibilités de service
qui existent dans l'Eglise.
Le document du deuxième Congrès mondial pour les voca-
tions parle d'« évangéliser la vocation» et explicite le sens de
cette expression en ces termes: « Il est urgent d'avoir une
catéchèse qui sache tout d'abord conduire les croyants, en
particulier les jeunes, à considérer la vie chrétienne comme
une réponse à l'appel de Dieu. Toute la catéchèse acquiert
ainsi une relation avec la vocation. La catéchèse proprement
dite, à son tour, fait ressortir le caractère particulier de la
vocation sacerdotale, diaconale, religieuse, missionnaire, consa-
crée dans la vie ·séculière, afin que la communauté croyante
en comprenne l'importance pour le Royaume de Dieu ». 10
- Mais il ne suffit pas d'annoncer. Celui qui aide doit parfois
prononcer l'appel personnel, quand il a découvert que le
sujet possède les conditions nécessaires. Ne pas ouvrir des
perspectives d'amour et d'engagement par excès de prudence
ou par peur de s'immiscer dans un avenir personnel qui
comporte une marge d'incertitude, c'est priver le jeune de
possibilités auxquelles il a droit.
Voilà pourquoi, aujourd'hui, après une période de réserve
excessive, on parle de « retrouver le courage d'appeler». Le
9 lb. n. 25-28.
10 lb. n. 15.
154

16.3 Page 153

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CG21 l'exprime en ces termes: « Le respect du plan de Dieu
sur chaque personne demande que, amenant chacun à une
compréhension de soi et de la réalité communautaire hu-
maine et ecclésiale à la lumière de la foi, on ait en outre le
courage de l'aider, avec une totale honnêteté et intégrité, à
envisager avec disponibilité toutes les vocations possibles dans
l'Eglise [...]. Un jeune chrétien ne peut exclure d'envisager
même les hypothèses de la vie consacrée et du sacerdoce. Ne
pas lui proposer d'examiner de telles possibilités limite sa
liberté au lieu de la respecter». 11
- Il y a enfin l'accueil et l'accompagnement. « C'est un service
d'écoute, de miséricorde, d'espérance... ».12 Cette tâche re-
quiert de la part des animateurs le respect de la liberté du
jeune, la connaissance de la doctrine et l'expérience pratique
du discernement et de la direction spirituelle, l'attention aux
signes des différentes vocations.
L'accueil se fait de façon solidaire par tous ceux qui entrent
en contact avec une vocation, même s'il doit ensuite se
réaliser surtout par des personnes et des communautés dé-
terminées.
31.4 Le cheminement de la vocation
Ces tâches permettent à la pastorale d'aider les jeunes à
parcourir le cheminement typique de la maturation de leur
vocation.
- Tout d'abord créer chez le jeune le désir et le goût pour une
forme de vie chrétienne engagée, et le rendre capable de se
mettre à l'écoute de Dieu. C'est accepter avec joie la réalité
de Dieu dans sa vie comme une relation préférentielle et une
présence déterminante.
- Ensuite assister le jeune par des informations et des expé-
riences, lorsqu'il se sent attiré vers une large gamme précise
de valeurs, de modèles et d'activités.
11 CG21 113.
12 Sviluppi... , o. c., n. 131.
155

16.4 Page 154

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- Quand l'attention du jeune se focalise sur un idéal particulier
de vie ou de personne, saisi dans son originalité comme cor-
respondant à ses attentes existentielles personnelles, l'accom-
pagner dans ses premiers pas vers une première décision.
- Sur cette voie, il est important de discerner les «signes» qui
rendent l'appel de Dieu perceptible par celui qui le reçoit et
par ceux qui, de la part de l'Eglise, doivent porter un
jugement sur sa réalité et sa valeur.
Les principaux signes sont: l'intérêt, l'absence de contre-
indications absolues ou relatives, les dispositions générales
qui garantissent le développement d'une personnalité reli-
gieuse et les dispositions particulières pour le style de vie qu'il
envisage, les motivations dont il s'agit d'apprécier la valeur
et l'authenticité.
- Accompagner la réponse libre donnée à l'appel par le sujet.
Elle est dynamique et progressive. Elle peut connaître des
arrêts et des reculs. Plus encore que les aptitudes naturelles,
si importantes qu'elles soient, le plus déterminant dans ce
dynamisme est la formation spirituelle et l'ouverture à la
grâce.
3.2 lA PASTORALE DE lA VOCATION DU SALESIEN COADJUTEUR
Compte tenu des critères précédents qui orientent toute la
pastorale des vocations, il est possible d'expliciter encore
quelques points particuliers pour seconder. la vocation salé-
sienne laïque. Ils portent surtout sur deux moments ou deux
tâches: l'annonce-proposition et l'accueil-accompagnement.
Il y a une certaine difficulté à présenter aux jeunes le profil
religieux, spirituel et apostolique du salésien coadjuteur dans
toute sa richesse, d'une manière compréhensible et proche de
leurs aspirations.
Les différents congrès sur la vocation du religieux laïc en ont
cherché les causes:
- Le rôle peu apparent du « fidèle laïc » dans la communauté
chrétienne,
156

16.5 Page 155

▲back to top
- L'absence de modèles de référence,
- La mentalité «cléricale» de certaines communautés reli-
gieuses,
- L'absence de signes distinctifs chez le religieu.x laïc,
- Un passé qui le faisait considérer comme un subalterne dans
Les familles religieuses en majorité «sacerdotales»,
- L'organisation de la pastorale des vocations,
- La tendance naturelle des jeunes à lier la vocation au service
réligieux du peuple.
La Congrégation est en train de découvrir des chemins
adaptés pour aider les jeunes à saisir l'originalité et la beauté de
cette vocation.
32.1 Raconter Don Bosco
Le premier de ces chemins est de raconter aux jeunes
l'histoire de Don Bosco, de ses intuitions, de la fondation de la
Congrégation salésienne à partir de son expérience originale de
charité pastorale. C'est l'amour pour les jeunes en situation de
pauvreté qui a poussé Don Bosco à prendre en charge la totalité
de leur vie à travers un projet de promotion complète. Il pensait
à leur salut éternel, mais celui-ci était lié aux problèmes
immédiats de leur existence: le travail, l'instruction, la maison.
Lorsqu'il étendit son travail apostolique aux milieux popu-
laires, il garda ses caractéristiques: en même temps que le ser-
vice sacerdotal de la prédication et du dévouement religieux, il
prit à cœur des problèmes comme l'émigration, la diffusion de la
culture chrétienne par la presse et l'organisation de la collabo-
ration à des fins sociales.
C'est ainsi qu'il mit sur pieds et développa une œuvre qui
comportait une église, mais aussi des ateliers, une école, des
terrains de jeu; on y enseignait la prière, le catéchisme et la
fréquentation des sacrements; mais on y impartissait aussi
l'apprentissage des métiers et l'instruction, on y préparait les
jeunes à la vie sociale, on y cultivait la musique, le théâtre et
· d'autres formes d'expression.
157

16.6 Page 156

▲back to top
Le projet de Don Bosco était donc de former de «bons
chrétiens » pour la communauté ecclésiale par les moyens dont
elle dispose; mais aussi (puisqu'il s'agissait de bons chrétiens)
d'« honnêtes citoyens» pour la société civile, capables de
responsabilité dans le travail et de créativité dans la participation.
Les croyants voyaient donc dans son initiative une «œuvre
pie et religieuse» liée à l'Eglise; et tous les autres, une
réalisation éducative de solidarité humaine, d'intérêt social et de
promotion.
Don Bosco lui-même présentait volontiers son œuvre comme
«méritant de la société civile» et proposait à tous de collaborer,
aux croyants autant qu'à ceux qui n'avaient que de simples
sentiments humanitaires. Il intéressait à son œuvre les pouvoirs
séculiers, intervenait dans le domaine de la culture, entrait en
contact avec des personnes et des organismes de l'Etat, toujours
en vue du bien de ses garçons.
Pour mener à bien son projet complexe en faveur des jeunes
et des milieux populaires, il réunit dès le début autour de lui des
prêtres et des abbés. Mais il demanda aussi et obtint la collabo-
ration d'un grand nombre de personnes non ecclésiastiques
et qui lui apportèrent aussi leur amitié, leur compétence, leur
enthousiasme apostolique et leur prestige social.
C'est ainsi que lorsque Dieu lui inspira de créer la Congré-
gation salésienne, Don Bosco la conçut et la fonda comme «un
groupement de prêtres, d'abbés et de laïcs, en particulier des
artisans, qui désirent se regrouper pour chercher à se faire du
bien les uns aux autres et aussi à faire du bien aux autres ». 13
La Congrégation salésienne est née, nous l'avons vu, avec
deux composantes qui se complètent intimement, se soutiennent
réciproquement et se révèlent comme nécessaires l'une à l'autre
pour mener à bien sa mission originale auprès des jeunes et du
peuple: les prêtres et les laïcs.
Dès le début, tous furent appelés à suivre radicalement le
Christ et à vivre dans la sainteté, vécurent dans l'égalité et la fra-
ternité sous la direction paternelle de Don Bosco et orientèrent
13 MB XII, 151.
158

16.7 Page 157

▲back to top
leurs aptitudes spécifiques vers le même but au souffle de la
même charité pastorale: les uns, le ministère sacerdotal, et les
autres, leurs compétences dans l'administration, les relations
publiques, la direction des ateliers, les charges de confiance
pour la gestion des maisons, les activités artistiques.
Le profil du « religieux laïc», appelé «coadjuteur», retint
l'attention de Don Bosco toute sa vie durant. Né d'une inspira-
tion divine comme nécessaire à sa mission auprès des jeunes, il
le perfectionna au fur et à mesure que la Congrégation prenait de
l'extension et que de nouveaux candidats l'étoffaient de réalisa-
tions originales.
Dans sa Congrégation, ce profil ne fut pas un complément
marginal, mais un élément constitutif. Don Bosco a toujours
estimé ses religieux laïcs aussi indispensables que les prêtres pour
mener à bien la mission que Dieu lui avait confiée. Il suffit de
rappeler à ce sujet comment il agissait envers les coadjuteurs, la
confiance totale qu'il leur témoignait, ses propos sur l'impor-
tance de leurs tâches et de leurs responsabilités, leur participation
à la vie de la Congrégation.
C'est ainsi que s'est développée la vocation salésienne et
qu'elle peut se vivre aujourd'hui sous deux formes distinctes:
- Le sacerdoce qui s'exerce surtout dans le ministère de la
parole, de la sanctification par les sacrements et l'animation
de la communauté chrétienne;
- Le laïcat qui met ses compétences, sa sollicitude et ses
aptitudes professionnelles séculières au service de la charité,
du témoignage et de l'annonce du Christ.
Chacune de ces formes de vocation focalise et exprime une
caractéristique qui se retrouve dans toute la Congrégation, en
chaque communauté et en chaque confrère.
Comme Don Bosco, en effet, chaque prêtre salésien a le don
et la capacité de prendre en charge les problèmes de la vie des
jeunes et pas simplement de les aider à prendre place dans
l'Eglise. Il est un éducateur. Chaque coadjuteur est un messager
de l'Evangile, capable de conduire les jeunes au Christ et pas
simplement de leur enseigner une discipline ou un métier. Il est
un apôtre.
159

16.8 Page 158

▲back to top
Dans communauté, c'est ensemble qu'ils accomplissent le
service de la promotion intégrale des jeunes avec des attribu-
tions, des compétences et des charges complémentaires, toutes
nécessaires au but unique.
Mais le coadjuteur assume et exprime, maintient vivante et
focalise la capacité de Don Bosco et de la Congrégation de
travailler en milieu séculier: il porte sur les réalités profanes un
regard à la fois pastoral et technique, et est proche des hommes
et de leurs activités temporelles nécessaires à l'épanouissement
de la vie.
C'est ainsi qu'il confère à la communauté une physionomie
originale et qu'il lui permet de prendre place et d'intervenir dans
l'Eglise et le monde sous des formes multiples. La communauté
salésienne n'est pas constituée de prêtres, mais de gens qui
suivent le Christ pour les jeunes et veulent être pour eux « signes
et porteurs de l'amour de Dieu» [Const 2].
32.2 Présenter l'expérience actuelle
Pour donner une image valable de l'identité apostolique de la
communauté salésienne, il est donc avantageux de raconter la
vie de Don Bosco. Mais il est encore possible de s'y prendre par
un autre biais: s'arrêter sur l'existence concrète du salésien
coadjuteur aujourd'hui: ce qu'il est, comment il vit, ce qu'il
fait, comment il progresse spirituellement.
Il entend un appel de Dieu. C'est une vocation véritable et
originale: se donner tout entier au Seigneur, mettre à la dispo-
sition de son Royaume ses capacités et ses qualités humaines,
avec ses compétences professionnelles. Il les engage pour suivre
radicalement le Christ et les oriente par amour vers le salut des
jeunes.
Par son appel, Dieu le consacre, l'unit de façon particulière à
lui et à son œuvre et lui communique son Esprit pour qu'il vive
en plénitude la grâce et la foi reçues au Baptême.
Comme le salésien prêtre, il se situe donc au cœur de l'Eglise
et participe publiquement à sa mission à travers l'engagement de
160

16.9 Page 159

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la Congrégation salésienne en faveur des jeunes et du peuple.
C'est par mandat de l'Eglise et en son nom qu'il éduque et évan-
gélise dans les secteurs et selon le style de l'apostolat salésien.
Et c'est à travers cet apostolat reconnu publiquement qu'il
anime chrétiennement l'ordre temporel auquel le relie, même
après sa profession religieuse, sa vocation de laïc.
Les formes de son action apostolique sont multiples, selon les
besoins de la mission salésienne en faveur des jeunes d'au-
jourd'hui. On le voit donc, toujours avec des compétences spéci-
fiques et dans un esprit apostolique, occupé à préparer des
jeunes au travail, pris par l'enseignement et l'animation des
loisirs, chargé de planifier, d'administrer et d'entretenir nos
œuvres, lancé dans la communication sociale pour l'éducation et
l'évangélisation des gens les plus humbles, consacré à la promo-
tion sociale des secteurs défavorisés, adonné à la recherche
scientifique et à la création artistique, apportant sa contribution
irremplaçable dans les missions.
Mais son travail en faveur des jeunes, en union avec ses
autres frères, laïcs et prêtres, lui donne l'expérience profonde de
Jésus-Christ et développe sa vie spirituelle dans laquelle l'esprit
salésien opère la fusion caractéristique de sa consécration reli-
gieuse et de son caractère laïque.
Il reproduit dans sa vie le cœur et le style de Don Bosco et
est appelé autant que les prêtres à lui ressembler. Il se sent
identifié au Christ et participant de son amour patient lorsqu'il
enseigne, guérit, accueille les jeunes et les pauvres, construit un
monde nouveau.
Il est conscient et heureux d'être un humble collaborateur de
Dieu pour le salut des hommes, en particulier des jeunes qui en
ont le plus besoin; il vit son appartenance profonde à l'Eglise et
se sent en communion avec toutes les forces qui travaillent en
vue du salut; il partage la fraternité apostolique de la com-
munauté salésienne, sait ce qu'il lui apporte et rend grâce de ce
qu'il reçoit de ses frères prêtres; il fait l'expérience des valeurs
qui sont liées à sa laïcité et dont il vient d'être question.
Tout cela rend le coadjuteur et la mission salésienne
particulièrement sympathiques aux jeunes et aux gens du peuple.
161

16.10 Page 160

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Il se fait aimer et est toujours disponible quand son intervention
peut être utile.
Pour devenir tel, il reçoit une préparation qui comporte à la
fois une formation religieuse salésienne, une qualification
apostolique qui l'habilite au travail pastoral, une compétence
culturelle éducative qui l'aidera à développer chez les jeunes la
foi et leurs qualités humaines, et une qualification professionnelle
adaptée à son caractère de religieux laïc.
32.3 Mettre en contact avec des modèles
Pour rendre cet idéal accessible et crédible, le chemin le plus
efficace est l'expérience, en d'autres termes le contact avec la
communauté salésienne et avec des « modèles» de coadju-
teurs.
C'est dans la communauté qu'il est possible de saisir la
complémentarité des vocations qui font la richesse de la mission
salésienne et de percevoir la fraternité qui unit tous ses membres
dans l'égalité, l'amour fraternel, la joie et le service de Dieu. Son
témoignage conscient de son originalité à la fois presbytérale et
laïque, sa manière adaptée de remplir sa mission et les relations
de ses membres entre eux sont plus efficaces que les mots.
Il faut rappeler ici une des orientations du CG21 à propos de
la pastorale des vocations: « Partir de la personne du salésien, de
la vie de la communauté [...]. L'authenticité de notre être de
chrétiens et de salésiens est fondamentale, comme l'est une
image de la Congrégation qui présente une identité salésienne
"claire n [ •••], qui soit vraiment en harmonie avec les jeunes et
s'exprime en un don joyeux de soi-même. Le témoignage et
l'action de chaque confrère sera toujours le stimulant le plus fort
et la médiation la plus efficace pour aider les jeunes à donner
une réponse généreuse au Christ ». 14
Malgré leurs limites inévitables, les modèles révèlent les traits
caractéristiques de la vocation salésienne laïque. Ils peuvent
14 CG21 112b.
162

17 Pages 161-170

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17.1 Page 161

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raconter leur expenence personnelle, faire connaître les raisons
de leur choix, décrire leur propre cheminement. Voilà pourquoi,
aux différents niveaux de la pastorale des vocations, il est
souhaitable que chaque équipe ou du moins chaque activité
destinée à proposer la vocation compte un confrère coadjuteur
dont la présence constitue un appel et une réponse pour les
jeunes: une invitation à apprécier la valeur de la vocation
salésienne laïque, et une réponse à leurs questions concrètes sur
sa nature et la manière de la vivre.
Le témoignage des modèles doit se compléter par le contact
avec les milieux de leur activité la plus caractéristique: les écoles
professionnelles et techniques, les centres de jeunesse, les centres
de communication sociale, etc. Ces milieux donnent une idée
immédiate de la portée d'une compétence laïque assumée dans
la consécration religieuse et dans la mission apostolique. C'est
pourquoi, dès les premiers temps de la Congrégation, pour
proposer la vocation de salésien coadjuteur, on a toujours
préféré les milieux où les jeunes étaient préparés au travail, ou
ceux où les adultes étaient déjà engagés religieusement dans le
monde.
A côté des modèles vivants, il est possible de présenter des
profils de coadjuteurs exemplaires du passé et de souligner les
traits et les événements qui font ressortir l'originalité et la beauté
de la vie consacrée à Dieu pour les jeunes. La Congrégation
dispose d'une série d'opuscules qui présentent des figures
exceptionnelles de coadjuteurs d'époques différentes, de toute
region, qui ont travaillé dans les circonstances les plus
inattendues et dans les champs d'apostolat les plus divers. 15
Il s'en trouve plusieurs parmi eux, reconnus « saints » par les
gens et les confrères, qui révèlent à quel niveau de charité
15 Cf. * E. CERIA, Profili di 33 coadiutori salesiani, LDC, Colle Don Bosco
1952.
* E. BIANCO, La mana laica di Don Bosco. Il Coadiutore salesiano, LDC, Turin
1982.
* E. BIANCO, J. E. Rico, Salesiano coadjutor, Ed. ces, Madrid 1984.
* E. FORTI, Fedeli a Don Bosco in Terra Santa. Profili di otto coadiutori sale-
siani, LDC, Turin 1988.
163

17.2 Page 162

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héroïque et à quelle expenence intense de Dieu peut conduire
cette vocation quand la réponse est généreuse. 16
Si elles sont présentées et étudiées avec pédagogie, ces
biographies constituent le «catéchisme » le plus réel, le plus
efficace et le plus complet sur la vocation du coadjuteur salésien.
32.4 Approfondir le caractère laïque
Les récits de la vie et de l'œuvre de Don Bosco, la
description de la vie actuelle dans les communautés salésiennes
et la présentation de modèles d'aujourd'hui et d'hier, supposènt
toujours une certaine idée de la laïcité et de ce qui la concerne:
la nature de l'engagement laïque, les rapports qui relient les
réalités temporelles, le salut et la sainteté, et la possibilité d'unir
une laïcité authentique à la consécration religieuse radicale et
publique.
Celui qui présente les diverses vocations doit donner une
vision juste et riche de l'expérience laïque. Les images, les
allusions et même les sous-entendus sont à contrôler pour ne pas
renforcer l'idée trop répandue dans la mentalité courante que le
monde et l'expérience religieuse sont dissociés et incompatibles.
Les réalités de la vie dans le monde (milieu, travail, famille,
culture, science, art, technique, politique) peuvent constituer le
lieu et l'objet d'un don total de soi au Seigneur. Elle ne sont pas
«étrangères» à la relation de l'homme avec Dieu, mais font
partie de l'histoire de son salut.
Elles portent en effet la marque de l'œuvre créatrice de Dieu
et ont été assumées par le Christ quand il s'est fait totalement
homme; Dieu y est présent et y agit en sauveur à travers la
16 Cf. * R. ENTRAIGAS, El pariente de todos los pobres, Ed. Don Bosco,
Buenos Aires 1961.
* E. BIANCO, Artemide Zatti, il parente di tutti i poveri, LDC, Turin 1978.
* E. FORTI, Un buon samaritano. Simone Srugi, Salesiano Coadiutore, Scuola
Grafica Don Bosco, Ge-Sampierdarena 1967.
* E. FoRTI, Da Nazareth qualcosa di buono. Servo di Dio Simone Srugi, Ed.
SDB, Rome 1981.
164

17.3 Page 163

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médiation humaine; elles peuvent être «consacrées» par l'accom-
plissement du dessein de Dieu sur elles.
C'est en elles que s'engage d'une manière radicale la charité
chrétienne pour les transformer en les ordonnant à Dieu et en
les faisant servir au bien temporel et éternel de l'homme.
L'expérience laïque peut se vivre sous diverses formes. A
présent, c'est en particulier la laïcité «consacrée» que nous
allons considérer. Pour les autres formes, nous renvoyons à ce
qui a déjà été écrit [en particulier au n° 23.2].
La laïcité consacrée est propre à ceux qui, sans laisser
tomber leur relation essentielle avec les réalités séculières,
soulignent qu'elles sont destinées au salut ultime et témoignent
qu'elles ne peuvent servir au bien de l'homme que dans l'esprit
des béatitudes et en référence au Christ. C'est pourquoi ils font
profession publique de suivre le Christ à travers les conseils
évangéliques, entrent dans une communauté religieuse et
assument une tâche apostolique qui comporte leur option laïque.
Se mettre radicalement à la suite du Christ n'est donc pas lié
au caractère particulier de la prêtrise. Imiter le Christ et
s'identifier avec lui peut se faire dans la condition laïque. Ce ne
sera pas moins riche de sens ni moins radical sans le ministère
sacerdotal.
A titre de confirmation, il suffit de rappeler la multiplicité des
formes de la vie religieuse et des manières de suivre le Christ de-
puis les premiers temps du christianisme (cfr. chap. 1). On pour-
rait aussi commenter certains passages du Concile Vatican II:
« La vie religieuse laïque [...] constitue en soi un état complet
de la profession des conseils évangéliques ». 17 Dieu appelle les
prêtres et les laïcs «pour jouir dans la vie de l'Eglise de ce don
spécial et servir la mission salutaire de l'Eglise, chacun à sa
manière ». 18
Il nous a semblé particulièrement nécessaire et urgent d'insis-
ter sur les points à faire valoir en proposant cette vocation:
l'esprit salésien, la consécration religieuse, le caractère laïque.
17 Perfectae caritatis 10.
18 Lumen Gentium 43.
165

17.4 Page 164

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Le langage doit varier selon que la présentation s'adresse à
des adolescents, à des jeunes gens ou à des adultes, et en
fonction du niveau de leurs connaissances religieuses. Il faudra à
l'occasion utiliser des images, des récits, des expériences, des
modèles, du matériel audiovisuel. Mais il est important que tout
cela exprime l'annonce véritable qui résulte d'une juste compré-
hension de l'Eglise et des particularités de la vocation salésienne
religieuse.
3.3 ACCUEIL ET ACCOMPAGNEMENT DE LA VOCATION DU SALESŒN
COADJUTEUR
33.1 Objectifs de l'accompagnement
Comme toute autre vocation, celle du salésien coadjuteur a
besoin elle aussi d'être accueillie et accompagnée pour que ses
dispositions puissent mûrir et aboutir à un choix conscient et
définitif. « Lorsqu'un jeune ou un adulte entend l'appel de Dieu
et qu'il a demandé et reçu les conseils nécessaires, il éprouve
le besoin et le désir de se faire aider et guider pour trouver sa
voie avec plus de clarté et la suivre. C'est le problème de
l'accompagnement ». 19
Les objectifs de cet accompagnement se situent à deux
niveaux.
1. - Développer les aptitudes et les conditions qui disposent
à écouter Dieu et à lui répondre avec générosité. Cet objectif
plus général est le principal. Il s'agit de former à la vie spirituelle
à travers la participation à la vie de la communauté chrétienne,
l'intériorisation des attitudes évangéliques fondamentales et la
pratique de la vie chrétienne: le sens de la présence de Dieu, la
référence existentielle au Christ, l'assiduité à la prière, l'écoute
de la Parole de Dieu, la vie de la grâce, l'effort ascétique, la
fréquentation des sacrements, l'engagement apostolique.
18 Cf. Sviluppi... , o. c.
166

17.5 Page 165

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Ce sont les éléments fondamentaux qui doivent favoriser le
développement harmonieux de la personnalité en l'aidant:
- à se donner une image objective d'elle-même et à s'accepter
avec sérénité;
- à trouver un équilibre positif entre ses tensions internes
(pulsions, idéaux, projets);
- à s'ouvrir avec générosité aux autres et à établir avec eux des
relations sincères .et constantes;
- à s'enrichir au contact de la réalité et à élargir sa culture;
- à devenir capable d'envisager et de réaliser son avenir en
termes évangéliques.
2. - Cultiver les comportements, organiser les connaissances
et développer le savoir-faire qu'exige cette vocation particulière.
Ces objectifs sont plus spécifiques.
Les deux niveaux se complètent mutuellement et sont inter-
dépendants. Il n'est pas possible de voir plus clair dans sa voca-
tion sans progresser dans la foi ni croître intérieurement dans le
Christ. Par contre, tout effort sincère pour discerner la volonté
de Dieu sur notre vie apporte avec lui une ouverture à la grâce.
Mais il y a des périodes où le sujet doit prêter une attention
plus particulière à tel ou tel de ces niveaux selon la phase de
maturation où il se trouve.
Dans l'accompagnement initial, c'est le premier niveau
surtout qui est déterminant. Il faut donner à la formation
humaine et chrétienne les bases qui garantiront l'authenticité de
la réponse qui sera donnée à la vocation de consécration
particulière quelle qu'elle soit. C'est sur cet effort principal, qui
ouvre surtout à la générosité et dispose au discernement, que
l'information et l'expérience permettront de greffer ce qui
caractérise la vocation du salésien laïc.
L'accueil et l'accompagnement se réalisent selon diverses
formes et activités simultanées: l'assistance spirituelle indivi-
duelle, la participation à des expériences qui permettent d'appro-
fondir la vocation personnelle, l'intégration dans un milieu
adapté au développement et au discernement des germes de la
vocation: tout cela conduira à une première décision suffisam-
ment motivée.
167

17.6 Page 166

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33.2 L'assistance individuelle
L'assistance individuelle est toujours nécessaire, même
lorsque le candidat est accueilli dans un milieu. C'est souvent la
seule forme possible d'accompagnement. Elle devient aussi une
direction spirituelle quand s'amorce le dialogue pédagogique et
l'entretien en vue de l'orientation. C'est « un service d'écoute et
d'aide en vue d'une clarification intérieure, d'une expérience de
la vie spirituelle et de l'espérance. [...] La personne qui exerce
ce ministère doit respecter la liberté du cheminement du jeune,
car le cheminement est toujours personnel».20
Elle a des finalités spécifiques bien claires:
- Créer une situation interpersonnelle de confiance, de manière
que le garçon puisse devenir plus libre pour saisir les interpel-
lations de la réalité et les signes de Dieu qui l'appellent;
- Lui offrir les données qui lui permettent de voir clair en
lui-même et dans les motivations de ce qu'il fait et de ce qu'il
désire;
- Le rendre conscient de la grâce de Dieu et l'aider à évaluer la
réponse qu'il lui donne, en. posant les bases d'une solide
spiritualité chrétienne;
- Accompagner et orienter ses efforts pour convertir sa menta-
lité et ses comportements (critères de vie, ascèse, vertus);
- Renforcer et compléter sa pratique chrétienne (prière,
s a c r e m e n t s ... );
- Equilibrer les tendances nuisibles à la croissance chrétienne
(inconstance, laxisme, scrupules, dévotions exagérées,
intimisme ... ).
Ce service peut être rendu par tout salésien engagé dans la
formation chrétienne des jeunes: les directeurs, les confesseurs,
les animateurs de la pastorale, les enseignants. « Tout pasteur
d'âme ou tout autre responsable éprouve la nécessité de prêter
attention aux jeunes et aux adultes [...] dont les qualités
particulières suscitent l'intérêt. [...] Apprendre à reconnaître les
20 lb. n. 50.
168

17.7 Page 167

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signes d'une vocation et développer l'art du discernement et de
la direction spirituelle font partie du programme de la formation
et du cadre habituel des activités du pasteur d'âmes et des
autres responsables de l'accompagnement des vocations ».21
A part les actes sacramentels, il n'est requis ni d'être prêtre
ni laïc pour accompagner une vocation sacerdotale ou laïque
dans son premier accueil.
Mais chez tout qui l'exerce, ce service comporte plusieurs
exigences:
- Accepter la responsabilité d'assister le cheminement d'une
vocation et de se mettre personnellement à l'écoute dans la
prière;
- Faire preuve de maturité et de joie pour son choix personnel;
- Mettre à jour sa formation théologique et acquérir une
certaine connaissance de la psychologie des jeunes en général
et de ce qui concerne la vocation en particulier;
- Devenir capable de dialoguer avec compétence;
- Apporter à la recherche un véritable appui et garantir les
conditions qui la rendent authentique.
Dans la pratique salésienne, derrière tous ceux qui exercent
l'accompagnement, il y a la communauté: sous la conduite du
directeur, elle établit les critères communs, suggère les moyens
adaptés et aide au discernement.
33.3 Le groupe de jeunes
« Les églises particulières réalisent différentes expenences:
Des groupes pour échanger les expériences de foi et d'apostolat;
Des groupes pour réfléchir sur l'orientation à donner à sa vie;
Des groupes pour approfondir la vocation en vue d'options consa-
crées».
« Le groupe joue un rôle particulièrement efficace pour la
maturation humaine et chrétienne, la conquête de l'équilibre
21 lb. n. 50.
169

17.8 Page 168

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affectif, la consolidation de la foi, en particulier dans les milieux
où règnent l'indifférence et l'incrédulité ».22
La pratique salésienne connaît deux types de groupes: les
groupes éducatifs et apostoliques, et ceux qui sont spécifique-
ment axés sur la vocation.
Les facteurs favorables à l'éveil des vocations sont nombreux
dans l'un comme dans l'autre.
A. - Apport des groupes éducatifs et apostoliques:
- Une première expérience élémentaire de communauté, qui
porte à voir, à juger et à agir ensemble, crée une habitude de
vigilance qui permet de réagir chrétiennement en face des
différents événements.
- L'activité apostolique que suscitent les groupes constitue un
premier essai de don de soi, une rencontre des besoins de ses
frères et une expérience de l'énergie transformante de la
présence de Dieu.
- C'est dans les groupes que s'opère la rencontre personnelle,
nécessaire pour trouver son identité, avec les diverses
vocations dans lesquelles s'exprime la mission de l'Eglise: les
prêtres, les laïcs, les religieux, les parents, les dirigeants.
' - Le climat de réflexion exerce à opérer avec joie des choix en
vue du bien des hommes, de l'Eglise et de sa mission de
salut.
- Le groupe crée facilement une relation personnelle qui
permet aux éducateurs de découvrir les dispositions et les
inclinations des jeunes et de les aider à concrétiser leurs
i d é a u x . 23
B. - Les groupes axés sur les vocations ont en outre
quelques éléments plus spécifiques:
- Ils sont constitués d'adolescents et de jeunes qui désirent
réfléchir avec plus de profondeur sur leur vocation. Ils
22 lb. n. 51.
23 Cf. Dicastère de la pastorale des jeunes, Perspectives... , o. c. Cf. aussi
Sviluppi..., o. c., n. 51.
170

17.9 Page 169

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s'organisent donc pour réaliser une expenence destinée à
favoriser la recherche de la volonté de Dieu par rapport à
l'avenir de leurs membres.
- Leur programme comporte donc un ensemble de thèmes qui
se situent aux deux niveaux d'objectifs dont il a été question
au n° 33.1. Les rencontres régulières d'approfondissement
donnent à ces groupes les caractéristiques d'un «milieu»
orienté vers la vocation. Un animateur des vocations oriente
les groupes. Il accompagne chaque jeune avec une attention
particulière à leur choix de vie et, le cas échéant, les dirige
vers un directeur spirituel. Les engagements du groupe et de
chaque membre sont choisis en fonction des vocations à
orienter. C'est avec le plus de largeur de vue possible qu'on
choisit les relations les plus parlantes et les plus éclairantes au
point de vue de la vocation.
- Pour la maturation des germes de vocation salésienne laïque,
les groupes offrent la possibilité de rencontrer des modèles et
des milieux, et permettent de présenter des éléments de
doctrine, d'histoire et d'expériences dont nous avons parlé.
- Pour souligner la complémentarité des différentes vocations,
les camps de travail permettent des expériences qui déve-
loppent les attitudes propres à la vocation laïque: l'anima-
tion des milieux éducatifs, le volontariat, l'aide au développe-
ment, la présence sur le territoire. Tout cela aide à percevoir
l'incidence de la foi sur les réalités du monde.
Mais ce n'est pas l'activité prise dans sa matérialité qui forme
et qui inspire. Il faut que l'animateur fasse ressortir les valeurs
qu'elle contient, l'énergie qui l'entraîne, les raisons et les buts
qui donnent une signification évangélique particulière aux presta-
tions et aux engagements.
33.4 Communauté d'accueil et d'accompagnement
Il faut enfin concevoir et préparer des milieux adaptés pour
développer chez les candidats les germes et les dispositions pour
la vocation laïque.
Ces milieux sont variés. Car ils doivent s'harmoniser aux
171

17.10 Page 170

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diverses conditions des sujets, comme leur nombre, leur âge,
l'opportunité ou non de les détacher de leur milieu familial, les
programmes de leurs études. Mais c'est la nature de la vocation
salésienne qui inspire la ligne pédagogique à concrétiser dans la
forme et le style de la communauté, son contenu et ses
expériences éducatives.
Les Règlements généraux 24 et la pratique de la Congrégation
indiquent trois types de milieux d'accueil: le juvénat, 25 la com-
munauté pour jeunes candidats (communauté de référence),26
une communauté salésienne où le jeune est inséré.27
A. Le juvénat
Sa nature et son bùt sont décrits à l'article 17 des Règle-
ments: «Le juvénat est un centre d'orientation pour les voca-
tions salésiennes. En se maintenant ouvert au milieu social et
en contact avec les familles, il aide les adolescents et les jeunes
qui montrent des aptitudes à la vie religieuse ou au sacerdoce,
à reconnaître leur vocation apostolique personnelle et à y
répondre».
Ce qui spécifie son projet peut se résumer comme suit: 28
- Une communauté d'éducateurs préparés et disponibles pour
l'orientation des vocations;
- Un milieu où les caractéristiques de l'esprit et du style éduca-
tif salésien sont soignées et vécues à la fois par les éducateurs
et les jeunes;
- Des objectifs spécifiques évalués périodiquement qui com-
portent la formation humaine et chrétienne de base, le dé-
veloppement des germes de vocation salésienne et une
première option personnelle à travers le discernement des
signes, en vue du noviciat;
- Un programme de contenus humains, chrétiens et salésiens
24 Cf. art. 16. 17.
25 Règ 17.
26 CG21 118.
27 Règ 16.
28 Dicastère de la pastorale des jeunes, Perspectives... , o. c., n. 49-50.
172

18 Pages 171-180

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18.1 Page 171

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(informations, connaissances, expenences, savoir-faire) de
nature à rejoindre les objectifs;
- Un programme d'études, semblable à celui des jeunes de leur
âge, reconnu au plan civil, avec des compléments culturels et
religieux;
- Une ouverture normale aux familles, au milieu humain et
ecclésial, aux manifestations légitimes de la vie des jeunes.
Les manières de réaliser ces points fondamentaux dépendent
de beaucoup de facteurs, dont les principaux sont l'âge des desti-
nataires et le point où ils en sont dans leur décision à propos
de leur vocation (dispositions, intentions, décisions exprimées).
Si des circonstances particulières demandent d'organiser un
milieu ,de ce genre pour toute la période qui va de la
préadolescence à l'immédiat prénoviciat, il est nécessaire de le
diviser en deux phases: « une d'orientation et de recherche
encore générales, l'autre plus clairement centrée sur l'hypothèse
d'une vocation salésienne ».29
La différence entre les deux phases porte sur le style de la
communauté (coresponsabilité des jeunes, personnalisation, place
laissée à l'autodétermination, engagements apostoliques), la
sélection des candidats auxquels il est demandé d'expliciter
progressivement leur intention d'embrasser la vie salésienne,
même si elle n'est pas encore définitive, et de s'engager
davantage dans ce que comporte leur vocation.
La manière différente d'organiser les deux phases suggère de
créer des milieux distincts. Pour l'accueil des candidats coadju-
teurs salésiens, deux possibilités se présentent: le juvénat spéci-
fique et le juvénat intégré.
1. - Le juvénat spécifique a pour but de renforcer et de faire
mûrir les germes de vocation salésienne laïque. Il suit les direc-
tives de l'article 17 des Règlements et les dernières dispositions
pratiques suggérées par les documents du dicastère pour la
pastorale des jeunes. Mais il les applique avec des caracté-
ristiques propres:
29 Cf. CG21 118. Cf. aussi Dicastère de la Pastorale des jeunes, Perspec-
tives... , o. c., n. 48.
173

18.2 Page 172

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- Une majorité significative de confrères coadjuteurs dans la
communauté;
- Un programme d'études et de qualifications orienté vers la
préparation technique professionnelle;
- Une réflexion plus poussée sur l'histoire et sur les caracté-
ristiques de la vocation laïque;
- L'accent mis dans la vie communautaire sur les attitudes et
les aptitudes qui caractérisent cette vocation.
Mais comme aux candidats pour le sacerdoce salésien, le
juvénat pour coadjuteurs propose lui aussi, de façon claire et
positive, les deux formes possibles de la vocation salésienne, et
reste ouvert à une orientation plus large des vocations. Cette
formule permet un contact plus fréquent et plus direct avec des
modèles de coadjuteurs, une expérience plus immédiate de ce
qui caractérise la vocation salésienne laïque et un accom-
pagnement plus spécifique. Elle peut encore écarter le danger
d'étouffer chez certains les dispositions à cette vocation par un
milieu où, faute de pédagogie, domineraient les invitations au
ministère sacerdotal.
La formule est valable lorsque les candidats sont assez
nombreux (taux de natalité, formes de promotion, disponibilité
des familles) pour permettre de constituer un milieu particulier
bien structuré; lorsqu'ils ont l'âge et la maturité suffisants pour
avoir une première intention personnelle motivée, et que les
programmes d'études comportent des différences par rapport à
ceux du juvénat pour aspirants au sacerdoce.
2. - Les circonstances amènent cependant un bon nombre de
provinces à adopter la forme intégrée, c'est-à-dire qui accueille
dans un milieu unique tous les aspirants à la vie salésienne,
sacerdotale ou laïque.
Les raisons fondamentales s'appuient sur les critères qui
guident le projet éducatif et pastoral: pourvoir à la formation
chrétienne, accompagner les premiers pas des vocations sur la
base commune de l'esprit salésien et laisser le temps de choisir,
au moment de la maturité, la forme sous laquelle elle sera
vécue.
174

18.3 Page 173

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L'avantage escompté est de faire comprendre par la vie que
l'appel à la consécration apostolique selon le projet de Don
Bosco est le même pour tous; de rendre dès le début tous les
candidats capables de vivre ensemble, dans l'estime et la
complémentarité réciproques, selon le style des communautés
salésiennes.
Les raisons contingentes tiennent compte du nombre des
candidats et de la possibilité de répondre dans un même milieu
aux impératifs des études, qui dépendent fortement du contexte
socio-culturel.
Quand on adopte cette modalité, il faut assurer une présence
importante et qualifiée de salésiens coadjuteurs parmi le
personnel dirigeant, ainsi que dans les rôles de premier plan, et
veiller à ce que - cela ne vaut pas uniquement pour cette phase
- le milieu ne mette pas trop en avant les raisons de choisir le
sacerdoce. Car c'est la vocation salésienne à la vie consacrée et à
la mission en faveur des jeunes qu'il faut faire valoir, tout en
accompagnant chacun dans son discernement et son choix.
B. Communautés de référence
« Un soin opportun de ces jeunes peut encore être assuré sous
d'autres formes: communauté de référence pour la voca-
tion... ». 30
Dans le plan de travail préparé pour le deuxième Congrès
international pour les vocations (1982), il est dit: « Le petit
séminaire n'est pas à considérer comme la seule structure où
peut croître et mûrir une vocation. Mais il faut intensifier le
travail pour la vocation chez les jeunes et les adolescents par des
formes nouvelles et des expériences qui complètent le séminaire
même». 31
Ces autres formes font partie de la tradition de la vie reli-
gieuse et redeviennent fréquentes aujourd'hui. La vie religieuse
a trouvé dans ses communautés, en particulier aux époques de
forte tension charismatique, le meilleur milieu pour la croissance
°3 CG21 118.
31 Revue Seminarium, octobre-décembre 1981, p. 991.
175

18.4 Page 174

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des vocations. L'exemple de l'Oratoire de Don Bosco au Val-
docco est éloquent.
Les circonstances locales et les impératifs pastoraux peuvent
conseiller la création de petites communautés d'accueil, dont la
finalité est identique au juvénat, mais la manière de procéder
différente pour mieux répondre à la situation de certains jeunes
de contextes culturels et ecclésiaux particuliers.
Les communautés de ce genre se caractérisent par la
personnalisation des relations et la coresponsabilité. Elles
tiennent compte de la diversité des candidats, les maintiennent
en rapport avec leur milieu familial et les autres jeunes, profitent
des nombreuses structures scolaires qu'ils fréquentent selon leurs
différents types d'études, évaluent leur possibilité de réagir aux
influences positives ou négatives qui les assaillent.
Mais il est indispensable qu'elles garantissent et guident le
développement des vocations, et que leur programme et leurs
méthodes ne soient pas laissés à des décisions individuelles, mais
assumées en toute responsabilité par la communauté provin-
ciale. 32
Dans ces communautés comme dans les juvénats, il est
également possible de séparer ou de réunir les candidats à la vie
salésienne sacerdotale ou à la consécration laïque. Les raisons
qui viennent d'être exposées en A jouent en faveur de l'une ou
de l'autre solution.
C. Insertion dans une communauté salésienne
Il y a enfin l'insertion du candidat dans une communauté
normalement engagée dans le travail salésien, reconnue suscep-
tible d'accompagner une vocation.33
En principe, toute communauté de la province devrait
pouvoir servir de milieu, d'exemple et de soutien pour les
nouvelles vocations. Car chacune d'elles vit les caractéristiques
de la mission salésienne, fusionne en un type religieux unique la
vocation sacerdotale et la vocation laïque, et est appelée à
32 Cf. CG21 118.
33 Cf. ib.
176

18.5 Page 175

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prendre en charge le service typique de la pastorale salésienne
qu'est le soin des vocations.34
Il doit donc être possible de lui demander d'être à même
d'offir aux candidats des informations sur la vie salésienne, une
assistance spirituelle et le moyen de faire une expérience
authentique.
Quels que soient alors les choix estimés les plus judicieux,
c'est la façon d'éviter la distinction entre les communautés
capables d'accueillir et celles qui ne le sont pas. Le CG21
recommandait d'aborder le problème des vocations à partir de la
personne du salésien et de la vie de la communauté.
« L'authenticité de notre être de chrétiens et de salésiens est
fondamentale, comme l'est une image de la Congrégation qui
présente une identité salésienne " claire " (dans ses motivations
évangéliques, dans ses destinataires et dans son projet éducatif)
[...]. Le témoignage et l'action de chaque confrère sera toujours
le stimulant le plus fort et la médiation la plus efficace pour
aider les jeunes à donner une réponse généreuse au Christ».35
Pour ceux qui s'orientent vers la vie salésienne laïque, il
faudra préférer les communautés où cette vocation a des
représentants plus remarquables et plus attirants.
3.4 CONCLUSION: ANIMER, PRIER
Tout ce qui vient de se dire est confié à des responsabilités
précises qui agissent communautairement. Puisqu'elle comporte
des interventions multiples et convergentes, la pastorale des
vocations a besoin de la conviction et de l'accord du grand
nombre, de la participation active des communautés, de la
coordination des rôles et de la collaboration de tous pour réaliser
les programmes. Le tout s'appuie sur une confiance totale en la
grâce et sur la volonté de servir le Seigneur, l'Eglise et les
jeunes. La pastorale des vocations implique et suppose une
34 Cf. Const 28. 37.
35 CG21 112.
177

18.6 Page 176

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tension spirituelle, une connaissance à jour des problèmes
spécifiques, des méthodes rajeunies, une bonne organisation et
un soutien matériel.
L'animation est alors nécessaire. Elle permet de passer de la
simple action individuelle à l'engagement communautaire, des
interventions occasionnelles et sectorielles aux plans organisés et
durables, du «secteur» séparé des vocations à son intégration
dans un programme complet de pastorale des jeunes, des
interventions fonctionnelles (pour avoir...) au travail éducatif
(pour que chacun croisse selon le plan de Dieu).36
Tant au niveau provincial que local, l'animation a besoin de
la responsabilité de ceux qui gouvernent et de certains
appuis.
Les premiers définissent l'orientation de la pastorale des
vocations et lui assurent une large place dans l'ensemble de la
pastorale des jeunes. C'est le rôle du provincial et du directeur
avec leurs Conseils. Les autres ont à l'animer, la stimuler,
l'appuyer et la coordonner. Ces tâches peuvent être remplies par
des personnes ou des équipes. Mais «plus que des personnes
" déléguées pour agir ", elles doivent être des informateurs et des
promoteurs des diverses communautés locales». 37
Pour la vocation du salésien coadjuteur, l'animation veillera
d'abord à garantir l'esprit et le témoignage de chaque commu-
nauté.
L'esprit, c'est avoir une juste vision de l'originalité de la mis-
sion, de la communauté et du charisme salésiens, et la traduire
dans ce que nous disons et organisons, et dans nos évaluations.
Le témoignage se porte par la vie de la communauté, les
relations qui se vivent en elle, l'appréciation des côtés laïques du
travail salésien pour rejoindre ses objectifs éducatifs et pastoraux.
Mais avec l'esprit et le témoignage, il faudra faire en sorte
que l'orientation des vocations figure explicitement dans le projet
éducatif et pastoral avec des activités et des moments différents
pour les trois niveaux:
36 Dicastère de la pastorale des jeunes, Perspectives... , o. c., n. 53.
37 CG21 114.
178

18.7 Page 177

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- Pour tous les jeunes,
- Pour ceux qui donnent des signes de vocations particulières,
- Et pour ceux qui s'orientent vers la vie salésienne.38
La vocation salésienne laïque est aussi à présenter à tous avec
toute la gamme de ses diverses possibilités.
Il faudra donc, toujours avec la coordination des dirigeants et
des animateurs, traduire les directives en objectifs réalisables à la
mesure des jeunes concrets auxquels s'adressent nos interven-
tions; et en expériences possibles auxquelles s'intéressent tous les
membres de la communauté, chacun avec des apports différents
(milieu, relation, dialogue personnel, moments particuliers).
Il est encore nécessaire d'évaluer et de reprendre périodique-
ment le projet. Ce qui permettra de tirer profit des expériences
réussies et de tenter de nouvelles voies pour présenter la vo-
cation du salésien coadjuteur.
Le plus important dans l'animation, c'est de maintenir la
communauté dans un état permanent de prière pour les
vocations. Nous avons déjà dit à ce sujet que c'était là un des
devoirs fondamentaux de la pastorale des vocations.
La prière, c'est une invocation et une demande, mais aussi
un effort de prise de conscience devant Dieu, de méditation,
d'ouverture à ses desseins, de communion avec ceux qui nous
ont précédés sur le chemin que nous cherchons à parcourir. Des
intentions, des formules de prières, des lectures, nos inter-
cesseurs (les salésiens coadjuteurs serviteurs de Dieu!) 39 nous
aideront à inclure la préoccupation de la vocation salésienne
laïque dans le désir que nous exprimons chaque jour au Sei-
gneur: «qu'il envoie des ouvriers pour sa moisson» (Mt 9, 38;
Le 10, 2).
En particulier il ne faudra jamais oublier ce qu'affirment les
Constitutions sur le climat de joie et de famille qui caractérise la
38 Cf. Const 6. 28. 37.
39 Les coadjuteurs salésiens Artémis Zatti et Simon Srugi. Cf. les biographies
citées à la note 16.
179

18.8 Page 178

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communauté salésienne: « Pareil témoignage suscite chez les
jeunes le désir de connaître et de suivre la vocation salé-
sienne ». 40
40 Const 16.
180

18.9 Page 179

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4. DIRECTIVES POUR LA FORMATION DU SALESIEN
COADJUTEUR .
4.0. INTRODUCTION
Dans son discours de clôture du CG22, le Recteur majeur a
commenté l'originalité du profil du salésien coadjuteur et nous a
invités à réajuster notre sensibilité salésienne et à rajeunir notre
formation. Il a fait remarquer comment certains problèmes
demeuraient ouverts dans la Congrégation: le nombre des voca-
tions, et plus fondamentalement, un certain manque de sensibi-
lité et de compréhension vis-à-vis de la «dimension laïque» qui
caractérise notre vocation et se rattache à la forme particulière
de nos communautés et à la réalisation de leur mission. 1 Il ne
s'agit pas simplement de faire quelque chose - cela aussi -,
mais, plus profondément, de «se convertir» à une sensibilité
salésienne plus authentique, ce qui entraîne la nécessité d'inter-
ventions appropriées.
40.1 Un engagement extraordinaire dans la formation
La formation tout entière, initiale et permanante, et la
formation de tous, aide cette conversion: «Je veux encore
insister, a-t-il dit, sur l'attention à porter à la formation. Après
tout ce que nous avons dit, elle ne peut concerner uniquement
les jeunes Coadjuteurs, mais elle doit s'adresser à tous les
confrères, même Prêtres et Abbés, durant toute la durée de la
formation aussi bien initiale que permanente. Sans une attention
extraordinaire à la formation, je ne crois pas que l'on puisse
I Cf. CG22 79-86.
181

18.10 Page 180

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obtenir des changements radicaux en peu de temps. Mais si l'on
organise une formation vraiment renouvelée dans ses modalités,
surtout pour les jeunes générations, l'avenir sera certainement
prometteur». 2
Dans la Congrégation, l'engagement commun poursuit avec
sérieux ces objectifs. L'analyse des Directoires provinciaux et ce
qui en résulte le prouvent. Les provinces cherchent à organiser
entre elles des parcours de formation souples et harmonisés.
Elles attestent une volonté de faire dans l'immédiat tout ce qui
est possible et de passer enfin à la phase des réalisations
concrètes.3 Elles acceptent le défi des premiers pas, sans être
toujours certaines des résultats et malgré l'indifférence de
quelques uns. Enfin, elles ont compris la nécessité de la colla-
boration interprovinciale pour réaliser plus facilement toutes les
conditions qui rendront fructueuses les phases de la formation. 4
Les provinces ont donc commencé à « réagir et à se montrer
créatives»,5 à concrétiser l'« attention extraordinaire à la forma-
tion» dont parle le Recteur majeur, en s'aidant réciproquement
- pour améliorer ensemble les programmes et les structures.6
40.2 Les raisons profondes
Tout ce travail a de profondes raisons et se présente comme
urgent. Il se justifie par la nature de la vocation salésienne
autant que par le milieu et la condition du monde des jeunes.
Le but de la formation du salésien coadjuteur n'est pas
seulement de l'aider à réaliser sa forme spécifique de vocation,
mais aussi d'enrichir celle du salésien prêtre et de la
communauté. Si les dons particuliers de l'une ou de l'autre
2 E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 49.
3 Cf. CG22 9; Formation SDB 407. 474.
4 Cf. Formation SDB 412.
5 Cf. P. NATALl, La Formation du Salésien coadjuteur, en ACG 323,
pp. 26-36.
6 Cf. ib.
182

19 Pages 181-190

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19.1 Page 181

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venaient à faire défaut ou à s'affaiblir, le salésien prêtre et le
salésien laïc auraient tous les deux à en souffrir puisqu'ils ne
peuvent se suffire à eux-mêmes. La communauté elle-même en
pâtirait, puisque qu'elle tire son efficacité de la communion de
ces deux formes. Il n'est pas possible d'être des salésiens prêtres
ni des salésiens laïcs de façon isolée. Chaque forme de vocation
est concrète et complète en elle-même, mais sa relation à l'autre
fait partie de sa réalité concrète et complète.
Il s'agit là de la caractéristique de notre charisme.7
C'est une première raison de se former. Une raison pour ainsi
dire interne à notre charisme. Mais il y en a d'autres qui
tiennent au milieu où nous vivons.
D'abord, l'adaptation constante à laquelle nous contraignent
tous le pluralisme, les rythmes toujours plus accélérés et les
transformations rapides du monde. Ensuite, la charité pastorale
particulière à laquelle nous pousse notre forme de vie: elle nous
oblige à tenir compte des nouveautés qui apparaissent dans le
monde des jeunes et dans la conscience de l'Eglise.8 Car notre
qualité d'éducateurs nous tourne vers les jeunes: ils sont toujours
nouveaux et si sensibles aux changements que nous ne pouvons
pas nous consacrer à leur service sans nous imposer constam-
ment l'effort de nous former pour nous adapter et pour innover.
Rappelons-nous à ce sujet l'article 19 des Constitutions qui
s'intitule: « Créativité et souplesse». C'est un trait de notre esprit.
4.1 LES CONTENUS GENERAUX DE IA FORMATION
A la suite de la lettre du Recteur majeur: La Composante
laïque de la communauté salésienne (ACS n° 298, oct.-déc.
1980), nous voudrions situer ces « axes pour la formation» du
salésien coadjuteur par rapport au plan d'ensemble.
7 Cf. CG21 194-198.
8 Cf. Formation SDB 74-83.
183

19.2 Page 182

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41.1 Les contenus spécifiques
Le Recteur majeur s'est précisément fait l'écho d'un point qui
a préoccupé le CG21, l'«absence de contenus spécifiques pour la
formation du salésien prêtre et du salésien coadjuteur», 9 et il en
a signalé quelques uns «dont il faudra se souvenir à tous les
stades de la formation et qu'il faudra intégrer constamment au
double niveau de l'" étude-réflexion" et de la "pratique-expé-
rience ". Ces éléments sont les suivants:
- "Une formation religieuse et salésienne" qui aide le Coad-
juteurs à comprendre l'originalité propre de notre Société;
- "Une préparation pédagogique, humaine et salésienne adé-
quate";
- Une compétence apostolique suffisante d'approfondissement
"théologique et catéchétique ";
- " Une préparation technique et professionnelle ", selon les
capacités et les possibilités de chacun en fonction du
" caractère éducatif et pastoral " de notre vocation;
- "Une éducation sociale et politique qui le prépare à l'action
éducative spécifique, en particulier dans le monde du
travail ". 10
« Certes, en tout cela, a-t-il conclu, il faudra tenir compte du
pluralisme caractéristique de la dimension laïque dans la Congré-
gation et des possibilités concrètes de chaque candidat ». 11
Certaines de ces indications font appel à des valeurs
humaines et de grâce; d'autres, à des façons de faire qui
disposent à l'action; d'autres encore, à des compétences à
acquérir.
Il faut donc entrer dans un processus de formation qui aide à
identifier les valeurs de la consécration apostolique laïque, déjà
indiquées en grande partie dans les pages qui précèdent, en
particulier au chapitre 2; un processus qui aide à les assimiler
9 E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 51; cf CG21 247.
10 E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 51-52; cf. CG21 302.
11 Cf. E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 52.
184

19.3 Page 183

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pour qu'elles deviennent le moteur premier des pensées, des
décisions et du travail, le moteur premier des manières de faire
et d'agir, avec des méthodes et des moyens adaptés.
La réflexion portera sur l'ensemble de la formation
éléments dont il faudra se souvenir à tous les stades», a écrit
le Recteur majeur), 12 même si pour plusieurs d'entre eux, après
le noviciat et après le stage pratique, la formation est plus
particularisée et plus directe, compte tenu de la complexité et de
l'importance de ces périodes.
41.2 L'organisation des contenus
Nous allons donc traiter des valeurs et des attitudes parti-
culières de la consécration apostolique du salésien coadjuteur.
Nous commencerons par préciser celles qui valent pour tous
les salésiens, dans « l'alliance particulière que le Seigneur a
scellée avec nous »: 13
- La mission,
- La communauté fraternelle,
- Un style de vie évangélique assumée de façon radicale.
Nous insisterons ensuite sur celles qui sont les plus décisives
pour sa formation de laïc:
- Sa laïcité, qui est la dimension constitutive du salésien coad-
juteur et la sensibilité caractéristique avec laquelle il vit ces
valeurs;
- Son humanité, sur laquelle se greffent comme un don les
valeurs et les attitudes de la consécration apostolique, et à
partir de laquelle elles s'expriment dans le témoignage, l'an-
nonce et la charité pastorale;
- La méthode pour les assimiler. Aucune valeur de la vocation
ne vaut « pour elle-même »: elle doit entrer dans la vie per-
sonnelle et devenir la motivation première de ses choix;
12 ib. p. 51.
13 Const 195.
185

19.4 Page 184

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- Sa formation intellectuelle et les cycles d'études qu'il lui faut
suivre, surtout après le noviciat et après le stage pratique.
41.3 Un processus unitaire et complexe
Il est facile de comprendre que le processus est unitaire:
« Toute la formation tend à développer l'identité des salésiens du
point de vue de leur vocation » et trouve en elle « les racines de
son unité ». 14 Il est donc nécessaire de se faire l'idée la plus sûre
et la plus vraie possible de l'identité salésienne. 15
C'est aussi un processus complexe. Sa finalité est unique,
mais elle se vit sous des formes spécifiques et complémentaires.
C'est comme laïc ou comme prêtre qu'on devient éducateur-
évangélisateur des jeunes. La vocation est commune, salésienne
au même titre, mais les services et les ministères sont différents
et complémentaires. 16
Voilà pourquoi le salésien prêtre et le salésien coadjuteur
reçoivent l'un et l'autre au départ une même formation. Elle
« suit d'ordinaire un curriculum de niveau égal, avec les mêmes
phases et avec des objectifs et des contenus semblables. Les dif-
férences sont déterminées par la vocation spécifique de chacun,
les dons et les aptitudes personnelles, et par les tâches de notre
apostolat ». 17
Ce processus de formation est complexe également parce
qu'il entend développer toutes les dimensions personnelles de la
vocation, pour les harmoniser et les unifièr dans la vie, avec
équilibre et sans amputation. 18 Il entend aussi, pour lui en
assurer les fruits, écarter tout ce qui pourrait y mettre obstacle,
et choisir les méthodes et les moyens adaptés. C'est important et
nécessaire pour aboutir à une « formation rénovée ».
14 CG21 242; Const 97. 102.
15 Cf. CG21 242.
16 Cf. Const 98. 4.
17 Const 106.
18 Cf. Const 102; CG21 262.
186

19.5 Page 185

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4.2 SPECIFIER LES VALEURS
L'article 3 des Constitutions constitue un bon cadre de
référence. Les valeurs y figurent avec clarté et dans un certain
ordre. Elles sont distinctes l'une de l'autre, mais inséparables;
elles s'influencent donc réciproquement, mais ne sont pas inter-
changeables: « Notre vie de disciples du Seigneur, dit l'article,
est une grâce du Père qui nous consacre par le don de son
Esprit et nous envoie pour être apôtres des jeunes. Par la pro-
fession religieuse, nous nous offrons nous-mêmes à Dieu pour
marcher à la suite du Christ et travailler avec Lui à la
construction du Royaume. La mission apostolique, la commu-
nauté fraternelle et la pratique des conseils évangéliques sont
les éléments inséparables de notre vie consacrée, vécus dans un
unique mouvement de charité envers Dieu et envers nos frères.
La mission donne à toute notre existence son allure concrète;
elle spécifie notre rôle dans l'Eglise et détermine notre place
parmi les familles religieuse ».
42.1 Dans « une alliance particulière»
Dans << une alliance particulière», la mission apostolique, la
communauté fraternelle, un style de vie assumé selon la
radicalité de l'Evangile constituent les valeurs particulières de la
consécration du salésien.
Ce sont ces valeurs qui lui confèrent son authenticité et qui le
motivent dans son être et son agir lorsqu'il les vit « dans un
unique mouvement de charité envers Dieu et envers [ses]
frères».
Il n'est pas inutile de les rappeler. Se passer d'elles fausse
tout. 19 Jean-Paul II l'a souligné devant l'assemblée plénière de la
Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers: << Il est
nécessaire de souligner combien la formation du religieux doit
viser d'une manière spéciale à atteindre la sagesse du cœur, cette
19 Const 3; Cf. 23. 26. 40. 49. 50. 63. 64. 73. 82. 85. 88. 125.
187

19.6 Page 186

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sagesse, don de !'Esprit, qui fait vraiment d'eux des intimes du
Seigneur et des connaisseurs en profondeur de sa volonté. Cette
sagesse contribue beaucoup plus au salut du monde que la
multiplicité d'activités extérieures qui ne seraient pas animées de
cet esprit surnaturel ».20
La grâce donnée à Don Bosco et partagée à ses fils est au
centre d'un mystère d'Alliance. Car elle est fondamentalement
une expérience théologale particulière: suivre le Christ pour
construire le Royaume de Dieu dans les jeunes et en nous-
mêmes,21 être uni au Père qui nous consacre et nous envoie,22
et être attentifs et dociles à l'Esprit, source de sanctification
et de renouveau.23
Pour que ce mystère reste vivant et anime de sa force chaque
activité, il faut cultiver les attitudes qui lui correspondent: 24
- La place centrale et absolue du Christ Seigneur qui commu-
nique dans le Père et dans !'Esprit sa force et son amour;
- Le don de la paternité de Dieu qui ravive sans cesse la
dimension divine de nos activités;
- Le sentiment de notre appartenance filiale personnelle, qui se
manifeste en participant, comme salésien laïc,25 dans l'Eglise,
à sa charité paternelle et trouve en elle «l'origine ultime et la
source qui alimente en permanence la mission salésienne» ;26
- La présence enfin de !'Esprit-Saint, dont on est prêt à
accueillir l'initiative et l'action pour croître dans l'amour de
Dieu et des jeunes.27
20 Osservatore Romano du 2-12-88 [Documentation catholique n° 1977
(5-2-89) p. 108].
21 Cf. Const 3. 11. 23.
22 Cf. Const 3.
23 Cf. PAUL VI, Evangelica testificatio 11. 12; CGS 3; Const 1.
24 Cf. ACS 296, pp. 4-5; Const 23.
25 Cf. Const 12.
26 CG2J 579.
27 Cf. pour - 1. Participation à la vie liturgique: Const 87-89; CGS 283-288.
240. 540. 664;
- 2. Ecoute de la Parole de Dieu: CGS 494. 540. 557; Le Directeur salésien,
nn. 240-242;
188

19.7 Page 187

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Il ne faut pas croire que tout est fait lorsqu'on connaît les
valeurs, qu'on les apprécie et les cultive avec goût ou qu'on
s'enthousiasme pour elles. Tout cela est excellent, mais insuf-
fisant. Après avoir appris ce que signifie être salésien (valeurs et
manières de faire), il faut le devenir « en vivant et en travaillant
pour la mission commune»,28 à certaines conditions. Il faut
donc progresser («processus») pour se former, utiliser les
moyens et les méthodes que les sciences de l'éducation et notre
tradition estiment les plus conformes à notre esprit et les plus
efficaces pour atteindre le but.
Il ne s'agit pas d'une généralité abstraite, comme si les
valeurs étaient des réalités en soi. Elles se vivent dans des formes
de vocations distinctes. Le salésien prêtre les vit en tant que
prêtre, le salésien laïc comme religieux laïc et, vu ses caracté-
ristiques originales, la communauté a besoin de la présence de
l'un et de l'autre pour être salésienne.
Ces valeurs se vivent dans un contexte historique précis.
Cette « alliance particulière», scellée par la profession perpétuelle,
se réalise dans le temps. Elle a une date. Elle s'inscrit dans un
contexte historique qui ne cesse de provoquer l'expérience et la
sensibilité de l'homme en continuelle recherche du sens qu'il
porte en lui. S'évangéliser et évangéliser, c'est traduire en un
- 3. Prière personnelle: Const 83. 88. 93; Sacrosanctum Concilium 7. 10. 11.
14. 19. 48; Le Directeur salésien, n. 186; CGS 574-579.
- 4. Eucharistie et Office divin: Const 88. 89; CGS 542-544; Sacrosanctum Con-
cilium 10. 47-48; Lumen gentium 11; Presbyterorun ordinis 5bc. 6e.
- 5. Vie et action comme prière: Const 21. 85. 95; CGS 532-537. 550. 555f.
677;
- 6. Sens et usage du sacrement de la Réconciliation: Const 84. 90; Ratio Fun-
damentalis Institutionis Sacerdotalis [Normes fondamentales pour la forma-
tion des futurs prêtres (Instruction de la congrégation pour l'Education catho-
lique, 6 janvier 1970)], 55; Presbyterorun ordinis 18b;
- 7. Les moments de renouvellement: Const 91;
- 8. Dévotions salésiennes: Marie Auxiliatrice: Règ 74; Sacrosanctum Concilium
13; CGS 531-545; E. VIGANô, Marie renouvelle la Famille salésienne de Don
Bosco, en ACS 289 (janvier-juin 1978), pp. 3-36.
28 Const 99.
189

19.8 Page 188

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projet culturel crédible, parce qu'on le vit, l'interprétation que le
Seigneur donne à l'existence humaine.
Il faut repenser la culture à la lumière de la révélation et la
révélation à la lumière de la promotion humaine.
L'homme moderne, les jeunes d'aujourd'hui, sont plus
réalistes et plus pragmatiques. Ceux qui vont vers eux pour leur
proposer le salut ne peuvent ignorer les aspects concrets de leur
vie, les points auxquels ils sont sensibles, leurs situations réelles,
les relations qu'ils vivent avec le monde économique, social et
politique. Ils doivent chercher la réponse que le message chrétien
peut offrir à toutes ces questions. Elles sont personnelles, mais
aussi toujours plus sociales, publiques et interpersonnelles,
toujours plus pratiques et concrètes. Ainsi les réalités terrestres,
le travail, la paix, le développement, la politique, le jeu, la
culture ont fait, avec plus ou moins de bonheur, l'objet de la
réflexion théologique et de la théologie de la vie religieuse. Ces
réflexions ont peu à peu cessé de considérer ces réalités en
elles-mêmes pour s'intéresser à l'homme et à sa promotion.
Elles se sont laissé influencer en cela par la manière nouvelle
de concevoir le rapport homme-monde, présente dans
l'introduction de la constitution pastorale Gaudium et spes. Là,
les réalités terrestres ne se situent plus face à l'homme pour
réclamer leur signification. Mais elles sont considérées en fonc-
tion de l'homme, comme des instruments de son développement.
Le regard se porte sur l'homme et son pouvoir d'agir et, par
conséquent, sur son importance sociale. Certains problèmes
comme celui du développement, en effet, sont abordés dans
le cadre plus vaste de la société et des grandes masses, et sous
cet angle, ils cessent d'être des problèmes d'éthique individuelle
pour se transformer en problèmes d'éthique sociale.
Celui qui, par vocation, a reçu le don de préférer les jeunes
devra vivre une expérience concrète de foi et d'humanité qui
témoigne et annonce le caractère absolu d'un Dieu qui sauve
dans ce contexte-là. Il devra mettre en valeur ce qui caractérise
sa vocation religieuse qui, parce que laïque, lui donne plus de
facilité pour comprendre les gens, se mettre à l'unisson avec eux
et agir.
190

19.9 Page 189

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42.2 La mission apostolique
Cette alliance est la source intarissable de la mission: elle la
suscite, l'enrichit de grâce actuelle et lui donne de s'adapter.
Don Bosco a réalisé sa consécration en se donnant aux
jeunes, en particulier aux plus pauvres: consacré par Dieu
«pour» les jeunes, offert à Dieu «en la personne» des jeunes. Il
leur appartenait tout entier, ne vivait que pour eux et, en même
temps, trouvait sa réalisation en eux. Pour lui, aimer les jeunes,
ce n'était pas seulement susciter leur affection, mais aussi se
sentir attiré, subjugué par eux, être conscient du rôle irrempla-
çable qu'ils jouent dans sa vie personnelle.29 Pour le salésien,
c'est la charité pastorale, fruit par excellence de la formation
religieuse et humaine, qui donne sens et unité aux deux pôles
autour desquels tourne sa vie: Dieu et les jeunes. Il éprouve le
besoin d'une présence intense à celui qui l'envoie et, en même
temps, à ceux auxquels il est envoyé.30 En concrétisant ces aspi-
rations là où il est envoyé par le travail qui lui est assigné,
il exprime la valeur et la signification de la vocation originale
du salésien coadjuteur.
A. Les valeurs et les attitudes du « sens pastoral»
Le désir d'une intense présence à celui qui l'envoie poussera
le salésien coadjuteur à partager l'angoisse de Jésus pour l'avè-
nement du Royaume; 31 à saisir dans l'histoire le dessein de Dieu
qui œuvre pour le salut, et le mystère d'iniquité qui s'y oppose.
C'est pour cela qu'il s'éduquera à un sens profond de l'Eglise,
puisque «évangéliser n'est pour personne un acte individuel et
isolé, mais c'est un acte profondément ecclésial. [...] Aucun
évangélisateur n'est le maître absolu de son évangélisation».32
Il saura développer sa spiritualité eucharistique et mariale qui
29 Cf. P. STELLA, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, vol. Il,
p. 473.
3° Cf. Formation SDB 74; CGS 26.
31 Mt 6, 10.
32 PAUL VI, Evangelii nuntiandi 60.
191

19.10 Page 190

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fait de lui un coopérateur de Dieu: « Des choses divines, disait
Don Bosco, la plus divine est de coopérer avec Dieu au salut
des âmes ».33 L'esprit de prière lui fera découvrir et apprécier les
«lois que nous appelons apostoliques »34 qui exigent aussi la fer-
veur de nos capacités et de notre compétence. Il nourrira enfin
sa vie de confiance, d'esprit d'initiative et de joie, même dans
les fatigues. 35
Le désir d'une intense présence aux jeunes auxquels il est
envoyé engage son «sens du concret » à développer dans la com-
munauté et en lui-même la faculté de percevoir leurs besoins.
Lesquels? Par exemple:
- Le sens de l'homme comme liberté qui construit son projet
de vie et utilise le monde comme un matériau à élaborer
d'une façon créative;
- Le sens moral qui perçoit l'histoire comme un devoir et une
responsabilité;
- Le sens de la participation qui fait prendre conscience, au-
jourd'hui, que la culture humaine est une «culture socialisée»
et que les efforts pour bâtir et défendre la cité terrestre sont
inefficaces quand ils ne sont pas communautaires;
- Le sens de l'avenir qui voit que l'histoire est une libération
progressive et intégrale, et que son salut et son déroulement
sont les dimensions de la même «liberté ».
La communauté prendra alors le visage d'une fraternité qui
descend du ciel, mais qui vient aussi de la terre, vu que pour
nous le Fils de Dieu «s'est dépouillé, devenant l'image même du
serviteur et se faisant semblable aux hommes» (Phil 2, 7); d'une
communauté faite de personnes qui sont des signes d'autres
Personnes, le Père, le Fils et l'Esprit-Saint; de personnes qui se
voient et se comprennent comme un signe et qui veulent devenir
une proposition et une réponse pour celui qui vit.
33 MB IX, 220; 13, 629.
34 Cf. Formation SDB 77.
35 Cf. Formation SDB 75-77.
192

20 Pages 191-200

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20.1 Page 191

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B. Capacité pour l'action
Le « sens du concret» et le désir d'offrir le salut ou de le
promouvoir là où il est déjà en germe porte les salésiens
coadjuteurs à s'équiper «concrètement»: en d'autres termes, à
se rendre capables
- de faire l'analyse et l'évaluation critique d'une situation
pastorale déterminée;
- d'imaginer et de mettre au point avec réalisme une stratégie
d'intervention, et de bien en préciser les objectifs, les
moments, les acteurs et les rôles;
- d'utiliser les moyens de la communication sociale;
- de percevoir les problèmes du « monde du travail», ce méca-
nisme de production, pas nécessairement industrielle, qui
marque la vie d'un grand nombre de jeunes dans le besoin.
Le sens du concret les porte aussi à éviter un risque! Ils ne
peuvent pas se passer des spécialisations, car la « bonne volonté »
ne suffit pas pour évangéliser. Mais le grand intérêt qu'ils
trouvent à se spécialiser doit sinon les conduire à !'Esprit, du
moins ne pas détourner leur attention de Lui. Si les inspirations
de !'Esprit ne s'accordent pas avec l'organisation de notre tra-
vail, le projet de sainteté dévie, « la sagesse du cœur » se perd, des
fissures se forment dans l'unité visible de notre mission, ce qui
entraîne des raisons sérieuses pour des crises de toutes sortes.
C. Fonctions, ministères et champs d'action
La forme laïque de la vocation et sa spécificité se réalisent
dans les divers champs d'action et dans les rôles que le salésien
coadjuteur assume et pour lesquels il se prépare. En plus de cent
années d'histoire, les salésiens coadjuteurs se sont chargés d'une
très large gamme d'activités qui peuvent se répartir, en principe,
en trois catégories:
- Les tâches d'éducation, à portée sociale, de formation et de
pastorale: responsabilités de directions dans divers secteurs;
activités scolaires et culturelles, surtout dans des écoles tech-
niques et professionnelles; activités d'évangélisation dans les
193

20.2 Page 192

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rmss1ons; animation d'associations et de cercles apostoliques,
de groupes sportifs, musicaux et dramatiques; animation des
loisirs; production et utilisation des différents moyens de la
communication sociale; préparation au monde du travail, for-
mation sociale;
- Les activités du secteur tertiaire: économes, comptables,
commis, secrétaires, représentants de secteurs, infirmiers,
sacristains, chefs du personnel de service;
- Les services domestiques: collaborateurs dans la maison pour
tout travail pour lequel ils ont un peu de la compétence;
responsables de l'ordre et de la propreté, préposés aux tra-
vaux des champs, cuisiniers, boulangers, électriciens, chargés
de la conciergerie ou encore précieux hommes à tout faire.
Il s'agit de fonctions qui requièrent des aptitudes différentes
et des préparations distinctes. 36 Ce ne sont pas, faut-il le répéter,
de simples métiers ou professions. Elles sont à considérer et à
vivre dans un esprit apostolique: car elles ont un sens éducatif
et pastoral au sein de la communauté apostolique, elles
constituent un authentique témoignage communautaire, elles
sont profondément reliées entre elles et ont toutes pour but la
réalisation des biens du Royaume de Dieu. 37
Dans son exhortation apostolique consacrée à l'évangélisation,
Paul VI évalue positivement le fait que, dans un bon nombre
d'églises, des groupes de religieux et de laïcs soient ouverts aux
ministères non ordonnés, et qu'ils assurent ainsi des services
particuliers de nature à rajeunir et à renforcer le dynamisme de
l'évangélisation.
Il signale à titre d'exemples les ministères « de catéchètes,
d'animateurs de la prière et du chant, des chrétiens voués au
service de la Parole de Dieu ou à l'assistance des frères dans
le besoin, ceux enfin des chefs de petites communautés, des
responsables de mouvements apostoliques ».38
Il reconnaît encore que « les laïcs peuvent aussi se sentir
36 Cf. Formation SDB 58-66. 78.
37 Cf. Const 21.
38 PAUL VI, Evangelii nuntiandi 73.
194

20.3 Page 193

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appelés ou être appelés à collaborer avec leurs Pasteurs au
service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie
de celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce
et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux ».39
L'histoire de notre Congrégation a connu en fait un certain
nombre de coadjuteurs qui ont exercé l'une ou l'autre fonction
reprise aujourd'hui parmi les ministères non ordonnés. Dans la
période qui a suivi le Concile, plusieurs ont exercé les ministères
d'acolyte, de lecteur, de distributeur extraordinaire de !'Eucha-
ristie, aujourd'hui définitivement reconnus par le nouveau Code
et la récente exhortation apostolique « Christifideles laid», comme
accessibles aux fidèles laïcs. 40
Le CG21 a accueilli l'invitation de Paul VI et « souhaite que
les salésiens coadjuteurs aussi, convenablement préparés, aient la
possibilité d'exercer, comme religieux, des "ministères non
ordonnés ", au service de l'action évangélisatrice de la commu-
nauté salésienne ». 41 Il ne faut pas croire qu'il s'agisse là d'une
nouvelle forme de « cléricalisation ». Mais plutôt d'une récupéra-
tion légitime des ministères non ordonnés qui, dans l'histoire de
l'Eglise, surtout au cours du premier millénaire, étaient géné-
ralement exercés par des fidèles laïcs. Il est clair que celui qui
accède à ces ministères devra avoir les aptitudes requises et
s'assurer l'assistance de formateurs compétents: ceux-ci pourront
l'aider pour le discernement et une formation théorique et
pratique convenable durant un temps suffisant.42
La liste des nombreuses tâches traditionnelles du salésien
coadjuteur et celle des ministères non ordonnés sont données à
titre indicatif; elle reste donc ouverte et peut se compléter par
d'autres fonctions et d'autres ministères. La nécessité de
répondre par une nouvelle évangélisation et une pédagogie
inventive aux demandes et aux besoins des nouvelles cultures
peut amener à introduire des fonctions et des ministères
nouveaux ou rénovés.
39 lb.
°4 Cf. 23; CIC 230.
41 CG21 182.
42 Cf. CIC 231.
195

20.4 Page 194

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Selon la pensée de Don Bosco, reproduite par le CG21, «le
salésien coadjuteur peut participer à toutes les tâches éducatives
et pastorales salésiennes non liées au ministère spécifiquement
sacerdotal ». 43
Le texte des Constitutions reprend l'idée: il assume « dans
tous les domaines éducatifs et pastoraux» des tâches d'ordre
culturel, professionnel, social et économique, ainsi que d'ordre
catéchistique, liturgique et missionnaire. Il y porte « la valeur
propre de son caractère laïque qui le rend, d'une façon
spécifique, témoin du Royaume de Dieu dans le monde, proche
des jeunes et des réalités du travail». 44
D. Educateur de la foi dans le << monde du travail»
Le « monde du travail», entendu comme mécanisme de
production pas nécessairement industrielle, est un des champs
d'action préférentiels qui s'offrent à la responsabilité et à la
compétence du salésien coadjuteur, par tradition et en vertu des
besoins des temps qui courent.
Les caractéristiques du projet éducatif lui permettent de
déduire les contenus et les manières de faire qu'il lui faut
adopter comme éducateur pour être à la hauteur de sa tâche.
Le projet éducatif, en effet, doit naître d'une vision de
l'homme qui englobe tous les aspects de l'expérience humaine,
individuelle et collective, et faire face aux autres projets en se
référant sans cesse aux valeurs de l'expérience chrétienne.
C'est insuffisant. En contact avec les conditions des milieux
de travail et des jeunes qui se préparent à s'y engager et à y
participer, ce projet doit pouvoir se traduire dans une culture, la
« culture du travail». Il doit devenir un projet éducatif de la
culture du travail.
Il est donc important de se demander quels sont les contenus
et les résultats, négatifs et positifs, de cette « culture du travail».
43 CG21 182.
44 Const 45.
196

20.5 Page 195

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Du point de vue négatif, il faut noter:
- L'absence ou la dégradation d'une éthique du travail digne de
l'homme;
- La fuite du travail qui résulte d'une conception de la vie sous
l'angle de la consommation;
- La projection sur le travail d'attitudes fortement égoïstes qui
entraînent à des degrés divers une mentalité de revendication,
d'absentéisme et de désintérêt.
Du point de vue positif, ce sera:
- La redécouverte de la dignité humaine du travail;
- Le besoin de participation et de contrôle;
- L'effort de restructurer de façon significative les mécanismes
de production;
- la demande de formation.
Ces contenus sont à promouvoir selon une méthodologie
appropriée. Don Bosco et notre tradition supposent toujours que
nous connaissions les besoins réels du travailleur et que, dans
nos interventions, nous soyons attentifs au côté éducatif autant
qu'à celui de l'évangélisation.
Il y a donc deux aspects à harmoniser:
- Rester attentifs à la demande de formation qui émane de la
condition des jeunes et des classes populaires;
- Offrir une solution qui réponde à tous leurs problèmes: du
pain et la Parole, du travail et de la culture, des garanties
pour leurs droits et des motivations pour le devoir.
Cela permet aussi de préciser le but, le style et les objectifs
de notre projet.
- Son but:
• Promouvoir le travailleur à la fois comme homme et comme
chrétien;
• Situer le travail dans la sphère de l'éthique.45
45 Cf. JEAN-PAUL II, Laborem exercens 6.
197

20.6 Page 196

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- Son style éducatif: être préventif:
e Préparer par des temps et des rythmes de croissance ceux qui
se trouveront exposés sans défense à la logique et au climat
ambivalent des rapports de production;
e Créer en outre un climat éducatif fait d'esprit de famille, de
joie, d'optimisme, de créativité et de spontanéité, d'effort et
de sacrifice vécus avec naturel. Ce climat les aidera à
intérioriser avec sérénité l'éthique sévère du travail.
- Ses objectifs:
e Donner la primauté à la personne du jeune, travailleur de
demain, face au souci d'efficacité de la production;
e Proposer positivement au jeune et le convaincre de ne pas
réduire sa formation professionnelle à un endoctrinement ou
à un pragmatisme dangereux, mais de travailler plutôt à
devenir leader, capable de comprendre et de choisir son
engagement dans le travail comme une vocation et un
service.
La formation professionnelle devient alors un lieu d'éduca-
tion à la foi, l'expérience dans laquelle la foi s'exprime et se
vérifie. Les salésiens coadjuteurs, engagés dans « ce monde»,
deviennent « les hommes du travail » des communautés ecclé-
siales ainsi que de notre Famille (animateurs des Coopérateurs
et des Anciens élèves travailleurs).46 charisme que la tradition
salésienne et Don Bosco ne veulent pas perdre aujourd'hui. 47
Pour rester dans la ligne de sa qualité de laïc et lui permettre
d'avoir une action personnelle efficace dans ce projet, les
diverses formes de présence du salésien coadjuteur devront
respecter certaines conditions que le CG21 décrit en ces termes:
- « qu'il n'oublie jamais qu'il est toujours et partout un
éducateur salésien dont l'objectif doit être de porter les divers
éléments de cette réalité sociale au service des valeurs
personnelles et collectives de la personne, pour permettre à
46 CG21 185.
47 Cf. Const 42.
198

20.7 Page 197

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celle-ci, à travers cette promotion, de trouver dans la
proposition de la foi sa pleine et totale réalisation;
- «qu'il soit fidèle à son idéal "de religieux et de salésien laïc".
Et ceci implique plusieurs devoirs:
• «savoir saisir le bien présent dans le monde du travail (projet
de société dans lequel on respecte la personnalité de
l'homme, projet aussi communautaire et de solidarité) - mais
aussi, en même temps, signaler les maux qui les menacent
(vision matérialiste de la vie, fermeture aux réalités spiri-
tuelles, individualisme, sentiments de jalousie et d'hostilité,
tentation de violence)». Le critère de l'incarnation le pous-
sera à être attentif à tout ce qui est positif, à résister à ce qui
est négatif, à être critique envers ce qui peut se purifier
et se réorienter, et à annoncer le christianisme comme
une nouveauté absolue qui porte chaque culture et chaque
homme au salut;
• «défendre et promouvoir ces valeurs comme religieux tout
orienté vers le Christ, fondement et sommet de ces mêmes
valeurs humaines, pourra plus facilement faire repérer les
dangers qui les menacent et aider les autres à les dépasser;
• «témoigner, grâce à son désintéressement et à l'amour avec
lequel il se donne continuellement, d'une solidarité profonde
et universelle qui devrait battre en brèche toute forme
d'égoïsme, d'exploitation et de recherche exclusive de l'inté-
rêt propre;
• «révéler le Royaume de Dieu comme déjà présent en ce
monde et dans l'histoire, annonçant ainsi d'une manière
spécifique et prophétique le Royaume futur». 48
42.3 La communion dans la communauté
« L'alliance particulière que le Seigneur a scellée avec nous »49
n'est pas une mission, mais la source intarissable d'une grâce
48 CG21 184.
49 Const 195.
199

20.8 Page 198

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actuelle abondante, de communion pour la communauté, d'un
style de vie évangélique radical et de prière.
Don Bosco, un saint si actif, souligne l'efficacité de la charité.
La charité construit l'unité et la communion aux niveaux
profonds de la communauté.50 Elle comporte une densité théo-
logale particulière qui présente certes des côtés actifs, mais qui
préfère organiser d'abord l'« être » et le «vivre » ensemble plutôt
que simplement l'«agir».
Don Bosco a appelé la Congrégation «Société de saint
François de Sales » pour souligner que notre vie en communion
a une double profondeur: la communion d'«Eglise » et la
communion «humaine», faite de fraternité vécue et d'idéaux
partagés. Une «vie ensemble» authentique pour une «annonce
authentique ».51
42.4 Un style de vie dans la radicalité de l'Evangile
« Par la profession religieuse nous entendons vivre avec une
plénitude et une radicalité plus grandes la grâce de notre
baptême ». 52
Vécus dans l'esprit des béatitudes, les conseils évangéliques
deviennent le signe d'une existence orientée vers l'espérance:
«L'offrande de sa libeté dans l'obéissance, l'esprit de pauvreté
évangélique et l'amour devenu don dans la chasteté, font du
salésien un signe de la force de la résurrection. Les conseils
évangéliques, en façonnant totalement son cœur pour le
Royaume, l'aident à discerner et à accueillir l'action de Dieu
dans l'histoire. Dans la simplicité et le travail de la vie
quotidienne, ils le transforment en un éducateur qui annonce
aux jeunes " des cieux nouveaux et une terre nouvelle "; ils
stimulent en eux les engagements et la joie de l'espérance ». 53
°5 Cf. Const 49. 50.
51 CG21 37; Cf. Const 51. 57-59. 88. 90; Formation SDB 80; Mutuae rela-
tiones 30; PAUL VI, Communia et progressio 106. 177.
52 Const 60.
53 Const 63.
200

20.9 Page 199

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Aujourd'hui, contrairement à ce qu'on pourrait croire, la
vraie question n'est pas de savoir s'il est possible à des hommes
comme nous de vivre la radicalité de l'Evangile dans un monde
comme le nôtre. Mais si, en dépit de sa rupture apparente
d'avec la situation ordinaire des hommes et en particulier des
jeunes, et à cause de cette rupture, un tel projet n'est pas la
condition même qui sauve le monde.54
Etre obéissants dans la foi, à travers le supérieur, au projet
de Dieu, comme des créatures libres qui désirent et recherchent
sa volonté, qui lèvent les yeux vers le ciel, mais les abaissent
aussi vers les jeunes en quête du salut, c'est situer l'obéissance
dans le mystère de Dieu et en même temps dans le mystère du
monde, où il agit. Elle libère à coup sûr des réflexes illusoires
d'absolu dont se pare « l'idole du pouvoir» 55 et communique
aux jeunes la force de réaliser eux aussi cette liberation.
Etre pauvres dans l'esprit de l'Evangile n'est plus une simple
vertu personnelle. C'est contester un monde qui s'organise selon
l'idéal de la production et de la consommation et qui, dans ce
but, crée et répand en permanence la domination de l'homme
sur l'homme et la domination des choses sur tous les hommes,
dominants et dominés. Cette vertu est évangélique parce
qu'au-delà de la courte vue de notre technique, elle démontre
que c'est en suivant le Christ qu'il est possible d'exister d'une
façon différente de celle qu'impose le monde, un monde
encombré de sécurités trop terre à terre, un monde précisément
de pauvreté.
Elle libère à coup sûr les salésiens et les jeunes des réflexes
illusoires d'absolu dont se pare « l'idole de la possession »,56
puisqu'elle nous dispose à éduquer en nous-mêmes une âme
« évangéliquement pauvre ».
Etre chastes dans l'esprit de l'Evangile, c'est triompher d'un
certain fatalisme psychologique qui se moque du pouvoir de la
liberté comme s'il était voué à l'échec dans l'univers des besoins·
54 Cf. J. THOMAS, Travail, Amour, Politique, Paris 1972.
55 Const 62.
56 ib.
201

20.10 Page 200

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insurmontables, et nie la possibilité de s'épanouir et de donner
lorsqu'on se coupe des choses «soi-disant nécessaires».
Le salésien offre au Seigneur Jésus et au Père ses forces
physiques et affectives pour témoigner de son amour total de
communion avec eux et de sa disponibilité pour le Royaume. 57
La consécration dans la chasteté ouvre le cœur à la paternité
spirituelle,58 libère et renforce la capacité de se faire tout à tous,
favorise les vraies amitiés et contribue à faire de la communauté
une vraie famille.59 C'est un amour qui ne se ferme pas sur
lui-même, mais devient un signe transparent de l'amour de Dieu
pour les jeunes qui se savent aimés et répondent à cet amour
par le même amour. 60
Etre des hommes de prière! En plaçant la prière à la fin des
chapitres rv, v et VI, en guise de conclusion, le CG22 a voulu
«faire comprendre que la vie consacrée apostolique du salésien,
avec ses engagements multiples parmi les jeunes, avec la
fraternité vécue dans la communauté et avec les impératifs de
l'obéissance, de la chasteté et de la pauvreté, a un caractère
tellement surnaturel qu'il n'est pas possible de la vivre et de la
pratiquer sans la grâce de !'Esprit qui se communique sans cesse
à travers la prière et les sacrements ».61
Notre rencontre d'«alliance» s'exprime, se célèbre et trouve
sa force dans le dialogue de la prière avec le Seigneur. Ce
dialogue engage toute l'expérience de la vocation et reçoit d'elle,
par l'affinité qui se crée, son style spécifique et les critères qui
lui permettent d'inventer et de choisir les formes de prière les
mieux adaptées.
C'est le dialogue d'un apôtre qui, lorsqu'il prie, répond à
57 Cf. Const 80.
58 Cf. Const 81.
59 Cf. Const 83; L. RiccERI, Vivre, aujourd'hui, la chasteté consacrée, en
ACS 285, pp. 24-25.
°6 Cf. Const 81.
61 Cf. Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco, Introduction du cha-
pitre VII: 1. Place du chapitre.
202

21 Pages 201-210

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21.1 Page 201

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l'invitation du Seigneur, ravive la conscience de son union intime
et vitale avec lui et de sa mission de salut.62
Les modalités, laïques d'un côté, sacerdotales de l'autre,
selon lesquelles les SDB vivent ces valeurs sont spécifiques et
complémentaires. Si l'on ne s'en tenait qu'aux modalités pour
laisser tomber les valeurs communes, nous aurions comme une
forme vide, un emballage sans contenu; mais si l'on ne s'en
tenait qu'aux valeurs sans faire ressortir leurs modalités, nous
perdrions notre spécificité et trouverions une communauté sans
originalité.
Nous avons intentionnellement développé surtout la mission.
Mais nous avons également voulu rappeler les valeurs parce
qu'elle en a besoin: elles sont indispensables à son efficacité.
C'est aussi afin que les SDB s'attachent à intérioriser les
attitudes correspondantes et à employer les moyens,63 pour y
conformer leur vie et éduquer les jeunes à la sainteté qu'ils
attendent.
42.5 La «laïcité» du salésien coadjuteur: une façon d'être et
de travailler
Les instituts de vie active, en fait si différents entre eux,
assument selon des modalités originales une authentique
dimension séculière et sont ainsi en partie le reflet du réalisme
historique de toute l'Eglise dans sa mission de sacrement
universel de salut. Dans notre Société, ce sont les confrères
coadjuteurs qui assurent une présence laïque et c'est à eux qu'il
revient de manifester et de traduire dans la pratique cette
dimension. Elle fait partie de leur vocation et ne constitue pas
simplement un métier ou un service.
62 Cf. Formation SDB 64; Const 85.
63 Communauté: cf. Formation SDB 79-80;
Obéissance: cf. Formation SDB 82-84;
Pauvreté: cf. Formation SDB 85-90;
Chasteté: cf. Formation SDB 91-93;
Prière: cf. Formation SDB 95-111.
203

21.2 Page 202

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Notre Congrégation « entretient en elle-même une impulsion
profane de ferment apostolique dans l'histoire [...] qui la porte à
vivre religieusement sa participation aux vicissitudes concrètes de
la société humaine par lesquelles elle est concernée ». 64 Dans son
encyclique Laborem exercens citée plus haut, Jean-Paul II a
déclaré « opportun» et « nécessaire dans certaines "situations
particulièrement graves"» de s'engager dans l'immense mouve-
ment de la solidarité humaine (n° 8). Chez nous, c'est habituel
et ordinaire dans le domaine de l'éducation et du social.
La spiritualité de l'action elle-même, qui s'intéresse explici-
tement aux valeurs temporelles, transforme les richesses de la
dimension contemplative et des vœux de religion en énergies
pour l'éducation. Et d'une manière plus particulière, la mission
du salésien coadjuteur auprès de la jeunesse et du peuple
l'incite à être un éducateur social en ouvrant les horizons de la
croissance humaine au mystère indispensable du Christ.65
Le dynamisme de sa consécration le pousse nécessairement
d'une manière toute particulière à intervenir dans certains
problèmes de la promotion humaine. Il doit donc connaître,
estimer et intérioriser les valeurs et les comportements de la
laïcité consacrée.
En tant que religieux déjà, il annonce directement les
valeurs définitives du Royaume de Dieu, les béatitudes.
L'expérience qu'il en fait et le témoignage radical qu'il en porte
l'amènent à renoncer à certains avantages et à certaines
institutions du monde, au mariage par exemple. Mais il en crée
d'autres, comme la communauté fraternelle, qui rendent visible
le sens de sa vocation et trouvent leur justification dans la foi.
Mais comme salésien laïc, il profite de toutes les occasions
que lui offre une laïcité à sa mesure 66 pour trouver à son
charisme, qui a essentiellement des visées éducatives, des espaces
pour sa sécularité, mais les plus larges et les plus étendus
possible, parce que ce sont eux qui lui donnent la possibilité
d'éduquer les jeunes en vue de les évangéliser.
64 Cf. E. VIGANO, La Composante... , o. c., en ACS 298, p. 35.
65 Cf. ib. p. 37.
66 Cf. Gaudium et spes 36.
204

21.3 Page 203

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D'une manière plus précise, il «porte dans tous les domaines
éducatifs et pastoraux la valeur propre de son caractère laïque
qui le rend, d'une façon spécifique, témoin du Royaume de Dieu
dans le monde, proche des jeunes et des réalités du travail».67
S'il les assimile, ces valeurs motiveront un certain nombre de
ses attitudes fondamentales. Quelques unes expriment plutôt sa
référence au monde, d'autres la qualité de ses relations inter-
personnelles.
En voici quelques unes du premier groupe:
- Il entretient son désir et sa volonté d'être présent utilement
dans l'histoire, d'opter courageusement pour l'homme, en
particulier pour les jeunes dans la pauvreté et pour leur
avenir difficile.
- Il considère le monde comme le lieu où il vit sa foi person-
nelle et sa charité pastorale.
- Il refuse un engagement chrétien abstrait et superficiel, éloi-
gné des exigences de la situation où il vit. 68
- Il s'intéresse à la réalité objective des choses, il veut les
connaître même si elles sont complexes, même si elles
requièrent de l'étude, une expérimentation attentive et une
démarche professionnelle.
- Il est ferme sur les buts à poursuivre, mais souple dans le
choix des moyens et des stratégies.
- Il entretient sa connaissance du monde du travail et de sa
culture.
Et dans le second groupe:
- Il développe son sens du possible et du probable dans les
conjonctures socio-culturelles. Par conséquent, il ne prend pas
un ton dogmatique et ne sacralise pas ce qui est discutable. Il
respecte le pluralisme et entre en dialogue avec tous.
- Il développe son esprit d'initiative, son imagination pédago-
gique et son inventivité pastorale.
- Il collabore avec générosité et apprécie l'organisation.
67 Const 45.
68 Cf. E. VIGANô, La Composante... , o. c., en ACS 298, pp. 26-27.
205

21.4 Page 204

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- Enfin, il a conscience d'être partie prenante d'un projet de
vie, le projet salésien, capable d'éduquer à la foi dans le
profane les jeunes les plus pauvres.69
La richesse de tous ces traits, nous l'avons déjà dit, fait de la
laïcité du salésien coadjuteur une laïcité complémentaire. Ses
expériences et ses activités complètent celles du salésien prêtre
en vue de la vie et de la mission communes.
Mais il faut noter que « dans la communauté salésienne, en
dehors des ministères et des tâches strictement laïques ou
sacerdotales, il n'y a pas de zones ou de tâches absolument
propres au salésien coadjuteur ou au salésien prêtre ».70 Au
contraire, « il faut souhaiter que certains services intérieurs,
quotidiens et passagers, soient toujours davantage assumés
ensemble, dans la simplicité de la collaboration, par toutes les
composantes de la communauté».71
Dans tous ces cas, le CG21 rappelle que la contribution
spécifique des confrères coadjuteurs « consiste plutôt à réaliser
les diverses tâches ou les divers rôles du service salésien dans le
style, l'esprit ou la dimension du laïcat ou du sacerdoce ». 72
42.6 Une croissance constante en «humanité»
Les valeurs et les tendances à l'action propres à notre
consécration apostolique sont des dons de Dieu. Mais ces
dynamismes ne tombent pas dans le vide: ils se greffent sur
l'humanité du salésien coadjuteur et s'expriment à travers cette
même humanité par le témoignage et l'exercice de la charité
pastorale.
La sainteté de la vie consacrée ne dépend certes pas des
indications des sciences humaines ni des sciences de l'éducation.
69 Cf. CNOS, Per una pastorale giovanile nei CFP, Turin, p. 25; E. VIGANô,
La composante... , o. c., en ACS 298, p. 27.
7° CG21 182.
71 E. VIGANô, La composante... , o. c., en ACS 298, p. 11.
72 CG21 182.
206

21.5 Page 205

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Elle est le fruit de l'action gratuite de Dieu. Mais la présence ou
le défaut de qualités et d'attitudes humaines peuvent disposer à
accueillir plus ou moins favorablement l'action de Dieu et,
davantage encore, à fournir un travail éducatif plus ou moins
efficace.
Vu qu'elles se réfèrent à une vocation comme la nôtre, à la
fois éducatrice et évangélisatrice, toutes ces raisons expliquent
l'importance que les Constitutions accordent aux valeurs
humaines et à leur rapport avec les valeurs transcendantes:
« Nous cherchons à croître en maturité humaine» 73 et, en même
temps, « à nous conformer plus profondément au Christ et à
renouveler notre fidélité à Don Bosco, pour répondre aux
exigences toujours nouvelles de la condition des jeunes et des
milieux populaires ».14
La bonne santé et la résistance physique, la maturation
intellectuelle et le développement de la réflexion et du jugement,
l'équilibre et la capacité d'adaptation psychique sont les valeurs
et les attitudes les plus indispensables au développement de notre
formation. 75
Nous allons à présent en signaler quelques unes, pas toutes,76
et nous noterons que la situation sociale peut, dans certains cas,
avoir plus ou moins d'impact sur l'évolution normale.
A. Une bonne santé psychique: l'intégration
Unifier toujours davantage et mieux la personne autour de
son projet de vie est à la fois la cause et l'effet d'une bonne
santé psychique. Se construire une personnalité bien intégrée
pour vivre sa consécration apostolique dans la fidélité et la
liberté, pour pouvoir intervenir avec efficacité dans son travail
éducatif et vivre sereinement en communauté, c'est une
nécessité que Don Bosco a perçue personnellement. Il est pour
nous le meilleur modèle d'« un splendide accord de la nature et
73 Const 118.
74 ib.
75 Cf. Formation SDB 58-66.
76 Cf. Formation SDB 58-66. 78.
207

21.6 Page 206

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de la grâce [...] fondus dans un projet de vie d'une profonde
unité ». 77
Le salésien coadjuteur doit donc développer en lui:
- La capacité de connaître et d'accepter la réalité, de juger
objectivement les personnes, les choses et les situations;
- La stabilité intérieure dans ses convictions et garder son
indépendance vis-à-vis de la mode, de l'enthousiasme super-
ficiel ou des désillusions;
- Un comportement social bien adapté et la capacité d'être lui-
même, tout en s'intégrant dans le groupe auquel il appartient;
- Un comportement émotif et affectif qui manifeste une
certaine égalité de caractère, la maîtrise de sa peur et de sa
mélancolie, de ses attirances et de ses répulsions instinctives;
un comportement qui mortifie « tout mouvement désordonné,
en particulier la colère et les affections sensibles » 78, « la
propension à la paresse et à la gourmandise »; 79
- Une capacité suffisante de s'autogérer, d'assumer la responsa-
bilité de sa propre vie, de prendre des initiatives et des déci-
sions pondérées et libres, d'affronter les obstacles avec cou-
rage et d'assumer ses limites et ses échecs, de persévérer
dans les décisions prises..
La société n'encourage pas ces comportements. Elle leur
dresse même souvent de sérieux obstacles, à première vue
insurmontables. Ils figent l'individu dans un état d'indécision et
de doute qui ne lui permet ordinairement pas d'affronter ses
propres responsabilités. S'il cherche des points d'appui et de
référence, il ne trouve la plupart du temps que des lieux
communs superficiels.
La nécessité de sauvegarder leur persévérance personnelle et
de devenir pour les jeunes des modèles qui les aident à se libérer
et à se construire constitue une raison de plus pour nos jeunes
salésiens coadjuteurs d'acquérir une personnalité équilibrée et
mûre.
77 Const 21.
78 Anciens Règlements 260.
79 ib. 292.
208

21.7 Page 207

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B. Les vertus sociales
Pour développer ses qualités humaines et rendre un service
efficace, il faut encore se former à la communication et aux
vertus sociales. Le salésien coadjuteur est appelé à acquérir une
grande capacité de contact et un style de relations empreint de
simplicité, de délicatesse et de sérénité.
Ce qui est vrai en d'autres contextes vaut aussi pour lui: « Ils
apprendront à estimer ces vertus qui sont d'un grand prix auprès
des hommes et qui suscitent l'estime ».80 Il veillera à « acquérir
plus profondément la faculté d'entrer dans les relations qui
conviennent avec les hommes de diverses conditions. Qu'il
apprenne surtout l'art de s'adresser aux autres comme il faut, de
les écouter patiemment, de communiquer avec eux avec grand
respect, étant pénétré envers toute catégorie d'hommes d'un
esprit d'humble charité».81
En face des oprmons « libres » qui donnent le nom
d'authenticité et de liberté à des comportements peu soignés et
parfois même grossiers, le salésien coadjuteur, spécialement
dans les milieux de travail, sait « allier spontanéité et délica-
tesse ». 82
Sa communauté est en tout cas le lieu où, plus qu'ailleurs, il
se forme au style salésien des relations. Le salésien coadjuteur
connaît la valeur des relations quotidiennes de qualité et sait
combien il est important de contribuer, même au prix de
renoncements courageux, à former un climat de vraie fraternité
« qui harmonise l'obéissance avec la liberté, qui surmonte les
antipathies et les sympathies, qui reconnaisse et promeuve
la richesse et la valeur de chacun de ses membres, qui rende
possible l'amitié ».83
Puisque la société empêche facilement d'atteindre ces ob-
jectifs, nous renvoyons aux activités et aux moyens que notre
80 Optatam totius 11.
81 Normes fondamentales pour la formation des futurs prêtres, o. c., 51;
Cf. Formation SDB 113. 502. 535 A. 544.
82 CGS 669; Cf. Formation SDB 65.
83 CGS 669.
209

21.8 Page 208

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«Ratio» (Formation SDB) prévoit pour renforcer l'unification
de la vie personnelle et la formation aux vertus sociales.84
C. La maturité intellectuelle: intelligence, capacité de réflexion
et de jugement.
Le CGS souhaitait pour la Congrégation «un nouveau type
d'homme, capable de surmonter l'anxiété provoquée par les
changements et de se mettre en état de recherche, sans se
cantonner dans des solutions toutes faites; il doit être disposé à
apprendre, à affronter la nouveauté, à dialoguer sans se fermer,
à accepter l'interdépendance et à exercer la solidarité; il doit
savoir discerner les éléments permanents de ceux qui changent,
sans extrémisme». 85 Un type d'homme porté aussi à adopter ces
dispositions par la maturité de son intelligence, sa réflexion et
son jugement, bien plus importants que la simple acquisition de
notions.
L'intelligence doit se cultiver en adaptant sa façon d'ap-
prendre et les matières étudiées à ses goûts personnels, à ses
capacités, à la forme de sa vocation, au type de son engagement
dans la mission, et aux besoins de sa communauté provinciale.
Elucidée et approfondie par l'étude des disciplines salésiennes,
l'orientation à donner à la vocation personnelle motivera les
études à faire et les attitudes qu'elles suggèrent. La vocation
avec ses exigences oriente les choix, motive les personnes et
leurs efforts, unifie la diversité des études et confère de la
sagesse à la réflexion et au jugement.
Nous verrons plus clair sur le sujet lorsque nous traiterons un
peu plus plus loin de la formation intellectuelle au cours des
périodes qui suivent le noviciat (n° 44.1) et le stage pratique
(n° 44.2), les deux phases en quelque sorte plus nouvelles dans
la formation initiale du salésien coadjuteur.
84 Cf. CGS 673. 674. 679a; Formation SDB 115. 118. 147. 154. 160-162.
173. 306. 502; Optatam totius 11; Const 70; L. RiccERI, Vivre aujourd'hui la
chasteté consacrée, en ACS 285, p. 42.
85 CGS 665.
210

21.9 Page 209

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4.3 UNE METHODE: MOTIVER LES COMPORTEMENTS ET EN FAIRE
L'EXPERIENCE
Au fur et à mesure que défilaient sous nos yeux les dons de
la grâce et de la nature inhérents à la consécration apostolique
du salésien coadjuteur avec les valeurs et les manières de faire
correspondantes, nous avons pu éprouver deux impressions:
- Découvrir la richesse et la complexité du cyle de sa forma-
tion et par conséquent sa difficulté;
- Nous demander << comment faire» pour que ces valeurs ne
constituent pas simplement un bagage intellectuel de notions,
mais qu'elles se traduisent dans les attitudes et les compor-
tements.
Il faut surmonter à temps le découragement et le doute.
Nous avons pris connaissance de l'ensemble du déroulement de
la formation, mais nous aurons toujours à travailler l'une ou
l'autre dimension plus fragile, mais importante de notre person-
nalité. Le rapport avec le reste s'imposera peu à peu.
43.1 Un aspect préalable et décisif: les motivations pre-
mières
Le plus important est la décision d'assumer ces valeurs
comme mobiles de sa vie personnelle. C'est l'objectif de tout le
cycle de la formation parce que le salésien coadjuteur ne pourra
faire du bien et se réaliser qu'à cette condition. Cet objectif n'est
pas facile et ne va pas de soi. Il ne suffit pas d'avoir la con-
naissance intellectuelle de ces valeurs ni de les accepter senti-
mentalement. Elles doivent constituer la motivation première
de toute attitude et de tout comportement. Mais ce n'est en
fait pas souvent le cas.
- Il est possible d'être obéissant (c'est une attitude) afin de
reproduire dans l'Eglise, pour le bien des jeunes, la
disponibilité entière du Christ, apôtre du Père et serviteur du
Royaume (c'est la valeur qui la motive). Mais il est possible
211

21.10 Page 210

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aussi d'obéir servilement par peur des responsabilités
personnelles ou des conséquences :négatives, ou par besoin de
sécurité. Si c'est là son motif premier, l'obéissance perd toute
«consistance ».
- Il est possible d'être fidèle et persévérant pour répondre
d'une manière toujours renouvelée «à l'alliance particulière
que le Seigneur a scellée avec nous »,86 mais également par
peur d'affronter la vie de tout le monde.
- Il est possible de célébrer la liturgie comme un mystère qui
nous greffe sur la Pâque du Christ, 87 ou bien par besoin de
dépendre d'un groupe de référence.
- Il est possible de vivre le sacrement de la Réconciliation 88
pour passer de l'égoïsme à l'amour,89 mais aussi comme un
moyen de se tranquilliser et de se libérer de ses sentiments de
culpabilité.
- Il est possible d'entrer dans une communauté pour faire
l'expérience d'une ouverture réciproque et authentique aux
autres et au groupe,90 ou afin de trouver un lieu où tout est
indifférencié, acceptable et sécurisant.
- Il est possible de travailler pour les jeunes sous l'impulsion de
la charité et dans le but de mettre à profit ses capacités
pastorales,91 ou pour se faire admirer et accepter.
- Il est possible de travailler à réformer la vie de la commu-
nauté par amour du Christ et de l'Eglise; 92 mais aussi pour
décharger d'une manière socialement acceptable sa propre
agressivité ou par besoin plus ou moins conscient d'exhibi-
tionnisme et de domination.
Il est difficile un peu pour tous, même pour les personnes
«normales», de vivre les attitudes dont les motivations premières
soient les valeurs. Il est donc important de bien comprendre cet
86 Const 195.
87 Cf. Le Directeur salésien, n. 194.
88 Cf. Formation SDB 106.
89 Cf. Const 90.
°9 Cf. Formation SDB 79-80.
91 Cf. Formation SDB 74-78.
92 Cf. Formation SDB 72; Const 13.
212

22 Pages 211-220

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22.1 Page 211

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adjectif «premier». Il signifie que les valeurs doivent constituer
la motivation principale, profonde, de la vie, des pensées, des
affections, de l'action. Elles peuvent le faire «par elles-mêmes»,
ou bien en utilisant aussi l'énergie psychique d'un besoin qui
s'accorde aux valeurs de la vocation et en favorise l'expérience.
Mais cette énergie et sa référence au besoin ne devra jamais être
la «raison première» de ce qu'on fait.
Au fil de la croissance et de la maturation, les motivations de
l'affectivité et de la sensibilité perdent de leur poids et celles de
la vocation profonde prennent le pas; si bien que, sans abandon-
ner sa richesse affective, la personne en arrive à construire sa
vie sur la base constante de l' {<intention droite». 93
Mais il peut se faire que cela n'ait pas lieu et que, par
négligence ou ignorance, les motivations premières proviennent
des besoins et l'emportent sur les motivations fondées sur les
valeurs. Dans ce cas, il est normal que les besoins:
- empêchent la vocation de mûrir suffisamment: les valeurs
d'un côté, les besoins de l'autre plus ou moins accordés aux
valeurs de la vocation, sans arriver jamais à pouvoir s'inté-
grer dans l'unité de la personne; 94
- favorisent une interprétation arbitraire des valeurs objectives
au point de les gauchir pour justifier ses comportements
personnels;
- contribuent à former des attentes non réalistes, un monde
d'espoirs et d'idéaux utopiques, qu'on s'imagine pouvoir
réaliser ensuite dans des rôles et des fonctions qui se
recouvriront, avec de continuelles graves désillusions;
- rendent enfin incapable de lire {{ les signes des temps »: on ne
voit plus les vrais problèmes et l'on se réfugie dans les
structures, comme si elles suffisaient à elles seules pour
changer l'homme et en réaliser les projets.
93 Cf. R. CHAMPOUX, Nuove prospettive nella formazione religiosa: un'inte-
grazione della spiritualità e della psicologia del profondo, en « Civiltà Cattolica »
3026, 1976.
94 Cf. L. RuLI..A - F. lMODA - J. R!DICK, Elementos de predicci6n y criterios
de perseverancia vocacional, CONFER 74 (1981), pp. 316-318.
213

22.2 Page 212

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Avoir des motivations premières vraies et authentiques, c'est
une des conditions préalables et décisives de toute formation,
pour le salésien coadjuteur également. Il se sentira réalisé en
tant que consacré si les motifs premiers de sa vie sont les valeurs
évangéliques vécues dans la fidélité. Et il se sentira réalisé en
tant qu'homme s'il a pu donner une orientation ferme et équili-
brée aux énergies de ses besoins en vue de l'éducation et de
l'évangélisation des jeunes.
43 .2 « Faire l'expérience»
Pour reconnaître et éliminer ce qui rend la vocation «incon-
sistante », il faut en prendre conscience et s'en libérer ou, si ce
n'est pas entièrement possible, s'accepter, mais rester toujours
vigilant pour qu'elles ne pèsent pas d'une manière décisive sur
les options à prendre dans la vie. Lorsque ce travail est fait, il
devient possible de faire l'expérience des valeurs de la vocation.
C'est très important parce ce n'est que dans l'expérience qu'il
est possible, à certaines conditions,95 d'intérioriser ces valeurs.
Qu'est-ce que l' «expérience »?
C'est vivre les valeurs de la vocation dans la totalité de son
être: pensée, volonté, sentiment. Elle est le fruit à la fois des
conditions que le sujet crée activement et d'un don qu'il reçoit:
les valeurs de la vocation. C'est la rencontre, l'unité vivante des
unes et des autres, une «force, une énergie, une valeur qui vient
avant l'interprétation ».96
A. Un principe méthodologique
L'expérience est donc un fait de vie, mais aussi le critère qui
guide la formation dans tout son déroulement et unifie ses
nombreuses composantes. Les Constitutions de 1972 parlaient
déjà de «l'expérience de la vie et du travail». 97 Dans sa première
95 Nous n'en relèverons que quelques unes, et nous renvoyons au chap. 4
de la Formation SDB pour une information plus complète.
96 L. GIUSSANI, Decisione per l'esistenza, Ed. Jaca Book, Milan, pp. 20-23.
97 Const 1972 art. 102.
214

22.3 Page 213

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édition, la «Ratio» (Formation SDB) a donné la précision et le
commentaire suivant: «Cette transformation (la formation du
salésien) ne peut se faire qu'à travers une expérience intérieure
qui porte à comprendre et à assumer dans sa vie les idéaux
particuliers de l'option religieuse salésienne ».98 Enfin pour
conclure et entériner ces indications, l'article 98 des Consti-
tutions dit que se former, c'est faire «l'expérience des valeurs
de la vocation salésienne »; et l'article 99 ajoute: «en vivant et
en travaillant pour la mission commune».
B. La finalité
Telle est donc la voie pour devenir «éducateur pasteur des
jeunes» ou, selon une autre formule, «apôtres des jeunes» 99
dans la forme laïque particulière du salésien coadjuteur.100
L'apôtre est un témoin de la résurrection du Christ 101
(« signe de la force de la résurrection», disent nos Consti-
tutions).102
Et le «témoin», c'est celui qui vit l'expérience de la présence
et de la révélation du Seigneur, est capable de l'annoncer et de
la raconter, 163 «annonce aux jeunes "des cieux nouveaux et une
terre nouvelle " et stimule en eux les engagements et la joie de
l'espérance ». 104
C. Quelques conditions
Ce qui vient de se décrire, c'est la fin générale et la carac-
téristique fondamentale de la méthode: notre vocation «pousse
à une action de formation qui favorise une véritable expérience
de vie ». 105 Mais à quelles conditions tout cela pourra-t-il se
réaliser?
98 Formation SDB (1981), 155.
99 Cf. Const 98. 96.
100 Const 6. 95.
101 Ac 3, 1-10.
102 Const 63; cf. 34. 61.
103 Cf. Const 61. 62.
104 Const 63.
105 Formation SDB (1981), 3. Cf. Formation SDB (1985), 130-131.
215

22.4 Page 214

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Nos Constitutions fournissent quelques indications pratiques:
a) Dans les « activités »
On se forme dans les « activités»: « en vivant et en travaillant
pour la mission commune ». 106
Le terme « activités » peut présenter toutes sortes de
significations. Pour nous il s'agit d'événements, de faits ou de
rapports avec des faits et des personnes qui libèrent les énergies
de l'individu et le poussent à répondre. Je pense à nos rapports
avec Dieu, avec Marie et Don Bosco, à ceux qu'amène notre
travail apostolique (dans la Congrégation, l'Eglise locale, la
communauté, avec les confrères et les jeunes) et finalement à
tout ce qui se passe dans un milieu ou, plus largement, dans une
culture.
Ce sont des faits et des rapports qui provoquent une réaction
et exigent une décision.
L'activité, c'est tout cela.
b) Activités dont les ((motifs» sont vrais et authentiques
Les activités ne sont pas toutes formatrices, mais bien celles
qui s'appuient sur des motifs vrais et authentiques. 107
Les motifs ((vrais» sont ceux qui font partie du patrimoine
charismatique salésien 108 ou qui sont tirés de l'histoire parce
qu'on est attentif à la présence de !'Esprit: 109 (( Le salésien doit
avoir le sens du concret; il est attentif aux signes des temps,
convaincu que le Seigneur se manifeste aussi à travers les
urgences du moment et des lieux. [...] La réponse opportune
aux nécessités rencontrées l'amène à suivre le mouvement de
l'histoire et à l'assumer avec la créativité et l'équilibre du
Fondateur par la vérification périodique de son action ».11°
Il est possible d'avoir des choses une perception fonctionnelle
106 Const 99.
107 Cf. Const 101. 103. 104. 112; Règ 85. 88. 89. 94. 98. 100-103.
108 Cf. Const 96; Formation SDB 134-136.
109 Const 12; Formation SDB 132.
°11 Const 19; cf. ib. 62. 63. 85. 86. 94. 117.
216

22.5 Page 215

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et de les considérer pour ce qu'elles sont; mais il est possible
aussi d'approfondir et d'en avoir une perception sacramentelle,
de découvrir dans l'histoire l'action de Dieu et l'élargissement
continuel et progressif du sens · de la foi dans la signification
enchevêtrée de l'histoire. 111
Les motifs vrais deviennent «authentiques» lorsque la
personne les adopte et veut qu'ils constituent les mobiles
premiers de ses options et prennent le pas sur le poids des
besoins. « L'intention droite consiste à faire ce qui plaît davan-
tage à Dieu», aurait dit Don Bosco. 112
c) Expérience, conscience, communication
On se forme dans la mesure où l'on a conscience de son
expérience personnelle et où on la communique: « La formation
permanente exige de chaque confrère qu'il améliore sa capacité
de communiquer et de dialoguer, qu'il développe en lui-même
une mentalité ouverte et critique ». 113
Pour pouvoir exprimer verbalement son expenence person-
nelle, il est nécessaire de reparcourir avec attention ce qui s'est
vécu pour le traduire en symboles, le rendre plus clair et plus
perceptible, et lui donner une place dans un cadre cohérent de
valeurs. Les hommes se font dans le silence, mais aussi dans
la parole. L'expérience a besoin de se rendre consciente, mais
aussi de se communiquer. La conscience rend la communication
possible et la communication intensifie la conscience. Lorsque
quelqu'un a une conscience exacte de son expérience personnelle
et que la communication exprime cette conscience, alors
l'authenticité est réelle et les valeurs sont assimilées.
Celui qui parle éprouve facilement la sensation que ce qu'il
communique et que les autres perçoivent ne correspond pas
vraiment à ce qu'il veut dire. Il est alors tenté de se taire.
Pourtant, lorsque quelqu'un ne manifeste pas en temps et lieu
111 Cf. PAUL VI, Evangelii nuntiandi 21.
112 MB IX, 986.
113 Règ 99.
217

22.6 Page 216

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voulus les dimensions importantes de sa vie, son univers se
restreint, sa vitalité se dessèche, ses possibilités de développe-
ment s'étiolent et son langage devient impersonnel et technique,
voire banal. Mais lorsqu'il raconte ce qui lui est arrivé, il
libère pour lui et pour les autres une énergie particulière qui
forme. L'annonce devient récit et réalise autour d'elle les signes
de l'amour de Dieu et du salut qu'il apporte. L'expérience
de vie se fait message. Celui qui raconte sait qu'il peut parler,
parce qu'il a déjà été sauvé par l'histoire qu'il retrace. Ce
qu'il relate est plus qu'une simple information: c'est une évoca-
tion qui pousse à une décision de vie. C'est comme si son récit
libérait la force et la vérité qu'il renferme.
C'est ce qui arrivait souvent aussi à Don Bosco: « Même en
récréation, note son biographe, lorsqu'il parlait parfois de la
sainte Eucharistie, son visage s'enflammait d'une sainte ardeur
[...] et tous se sentaient pénétrés par ses paroles de la vérité de
la présence réelle de Jésus-Christ ». 114
La difficulté la plus commune, au niveau de la formation,
réside dans l'incapacité de trouver les mots et les gestes pour
bien traduire l'expérience qui a été faite et la conscience qu'on
en a, et pouvoir ainsi les communiquer.
L'incapacité de raconter est parfois à l'origine d'une sorte de
malaise personnel et d'une carence dans l'action apostolique:
«Chez les jeunes, la crise naît de ce qu'on leur impose un
monde de symboles étrangers à l'expérience qu'ils vivent, et
privés de signification au point de ne pouvoir servir à raconter la
vie». us
Il faut se le rappeler quand il s'agit d'éduquer les jeunes
travailleurs. On sait comment est le langage dans une usine:
vocabulaire pauvre, sans termes abstraits, avec des significations
immédiates qui rendent difficile l'expression de valeurs « loin-
taines». Ce qui compte, c'est la valeur immédiate des faits dont
on est l'auteur. Chaque pensée s'oriente vers ce qui a été fait
114 Cf. MB N, 457.
115 C. MoI.ARI, Per una comunicazione che faccia spazio alla narrazione,
en «Note di Pastorale Giovanile» 10 (1981), p. 35.
218

22.7 Page 217

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ou qu'il est intéressant de faire. Le lien entre la pensée, l'action
et l'intérêt ne se dénoue qu'avec une vie, celle de l'éducateur,
qui n'est que service et gratuité, et qui trouve les mots et les
gestes pour se faire comprendre.
C'est la raison de l'importance qu'il faut accorder à tout ce
qui améliore la capacité de communiquer:
- Le goût de la lecture et de l'étude des sciences nécessaires à
la mission; la disponibilité à la prière et à la méditation; 116
les recyclages périodiques; 117 des moments de durée suffi-
sante pour renouveler sa vie religieuse salésienne, pastorale
et professionnelle; 118
- La « rencontre » fréquente du supérieur dans un entretien
fraternel. C'est un moment privilégié où le salésien « lui parle
de sa vie » pour son bien propre et la bonne marche de sa
communauté; 119
- La direction spirituelle, personnelle et communautaire,
spécialement dans les phases initiales de la formation. 120
d) La communauté, lieu où se fait la communion
C'est encore une des conditions fondamentales. Lorsque
l'assemblée, la révision de vie, la rencontre, la direction
spirituelle, chacune selon sa nature, qu'elles aient lieu en vertu
des Constitutions ou d'une libre décision, sont des rencontres où
se disent et s 'accueillent les expériences, alors on a « une famille
de frères autour de leur père» 121 et « la vie même de la
communauté [...] est formatrice ». 122 La communauté devient un
milieu qui « favorise la maturation», 123 socialise les valeurs et fait
connaître des modèles et des manières d'agir.
116 Règ 99.
117 Règ 100.
118 Cf. Règ 102.
119 Const 70; Règ 49.
°12 Cf. Const 105. 109. 112. 113; Règ 78-79. 175.
121 MB VIII, 829.
122 Const 99.
123 Const 52.
219

22.8 Page 218

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Elle devient un milieu familial où chacun peut être soi-même
et accepte volontiers le risque de s'ouvrir; un milieu qui veut
écouter, plein d'«empathie», c'est-à-dire qui essaie de s'identifier
aux autres et de ressentir ce qu'ils ressentent. Elle devient un
milieu qui permet de communiquer en retour sa propre
compréhension. Lorsque celui qui raconte réentend ce qu'il a
raconté parce que quelqu'un qui l'a réellement écouté, y fait
allusion d'une manière ou d'une autre, alors il se sent vraiment
compris et écouté. Il s'accepte personnellement à son tour et se
sent peu à peu en communion sûre et vitale avec lui et avec tout
ce qu'il représente. 124
La communauté devient un milieu qui aide à discerner la
vocation à partir de l'expérience même. L'expérience racontée
doit être reconnue et vérifiée dans sa relation avec l'idéal de la
vocation: «La vie dans l'Esprit-Saint, la Grâce du Christ, est un
dynamisme vital toujours "orienté" par des personnes contem-
poraines et qualifiées qui remplissent une fonction sacramentelle
de médiation ». 125 La communauté de vie devient une commu-
nauté de foi qui se confronte, à travers ces médiations, avec
l'«alliance» qui lui donne son sens premier et ultime, et con-
fère à l'expérience vécue toute sa vérité. La communauté de vie
favorise la communauté de foi et la communauté de foi renforce
la communauté de vie. A condition qu'elle soit une communauté
riche en modèles.
e) Une communauté riche en « modèles»
Les premiers salésiens ont trouvé leur modèle en Don Bosco:
« Nous trouvons nous aussi en lui notre modèle ». 126 C'est un des
premiers articles du chapitre des Constitutions sur la formation.
Cet aspect reste mis en valeur dans la suite: dans les commu-
nautés de formation, les formateurs sont estimés «capables de
124 A. VAN KAAM, Existential foundations of psychology, New York 1969,
p. 336-337.
125 E. VIGANô, Commentaire de l'Etrenne 1983 p. 18 (n. 4.2).
126 Const 21. 97.
220

22.9 Page 219

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communiquer de façon vitale l'idéal salésien ». 127 « Médiateurs
de l'action du Seigneur», ils ont «une possession sereine de
leur propre identité salésienne et un profond enthousiasme
pour leur vocation. Ils en vivent les valeurs pour assurer aux
confrères en formation les conditions d'une solide expérience
personnelle ».128 Enfin, «chaque salésien contribue, par sa prière et
son témoignage, au soutien et au renouvellement de la vocation
de ses frères ». 129
Normalement, l'idéal de la vocation se perçoit et s'expé-
rimente parce que des modèles qui l'incarnent constituent une
invitation à les imiter, ce qui permet de s'identifier à eux d'une
manière originale.
Car le sentiment de «nous trouver bien » avec eux nous lance
sans cesse le «défi» d'être capables d'accueillir en toute liberté
d'une manière originale les valeurs qu'ils nous proposent par
leur façon de vivre. 130
4.4 QUELQUES PHASES DE lA FORMATION INITIALE
Sans jamais perdre de vue la vocation du salésien coadjuteur
dans son ensemble, ce sont des phases qui soulignent chacune
un objectif particulier et spécifique à atteindre. Elles accentuent
donc certains aspects qui portent sur les contenus autant que sur
la préparation intellectuelle correspondante.
Les interventions sont progressives et respectent un double
critère: l'égalité foncière des salésiens coadjuteurs et des salé-
siens prêtres, et leur spécificité.
44.1 Le postnoviciat
Pour le salésien coadjuteur comme pour les autres, il s'agit
de faire mûrir:
127 Const 104
128 Formation SDB 142; cf. CG21 245.
129 Const 101.
°13 Cf. Le Directeur salésien, n. 97.
221

22.10 Page 220

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- sa foi pour intégrer progressivement la foi et la vie, la foi et
la culture;
- sa vocation salésienne par une préparation catéchistique et
pédagogique adaptée;
- sa formation intellectuelle de manière à développer sa
<< mentalité pédagogique», en continuité avec sa culture
personnelle. 131
Quant au côté «spécifique» de sa formation, il s'agit de
veiller en particulier à:
- donner des bases plus solides à son sens de la laïcité
consacrée et de sa valeur;
- former avec plus de soin en lui l'éducateur par une
préparation pédagogique, humaniste et salésienne adaptée; et
l'éducateur à la foi par une initiation théologique et
catéchistique qui fera mieux comprendre la vocation du
salésien laïc et sa relation avec la présence de Dieu dans le
monde;
- promouvoir progressivement dès à présent sa compétence
professionnelle et son éducation sociale et politique de
manière qu'il puisse mettre en valeur l'enseignement social de
l'Eglise et devenir un éducateur évangélisateur patenté du
«monde du travail ». 132
Compte tenu de ces objectifs generaux, communs et spec1-
fiques, nous nous demandons plus spécialement à propos du
cycle de ses études:
- Comment l'accompagner dans la maturation progressive de sa
consécration apostolique pour éveiller aussi sa sensibilité
sociale et politique, et le préparer à travailler à l'éducation
dans «le monde du travail»?
- Comment éviter le «danger», plus réel pour le salésien
coadjuteur, d'attacher moins d'importance à la réflexion qu'à
131 Cf. Formation SDB 288. 289. 332.
132 Cf. Formation SDB 338. 408-410.
222

23 Pages 221-230

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23.1 Page 221

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l'engagement plus immédiat dans l'action? Quel équilibre
établir entre les activités intellectuelles et le travail manuel?
- Quels «critères » adopter dans le choix des matières à étudier
pour rejoindre ces objectifs?
- Faut-il préférer des communautés et des programmes
d'études distincts ou des expériences de vie commune et un
plan d'études unitaire, avec toutefois les diffèrences et les
intégrations qui s'imposent?
A. Les objectifs
La «Ratio» (Formation SDB) fait remarquer que «l'engage-
ment pris avec la profession temporaire doit se traduire en vivant
authentiquement les valeurs de la vocation, en y adhérant
quotidiennement et en cherchant à les mieux comprendre, à
en découvrir l'unité, le caractère organique et l'harmonie ». 133
a) Intégration de la foi, de la vie et de la culture
Dans cette optique, outre l'action correspondante qui forme à
des comportements motivés, les études comporteront, dans une
juste mesure, quelques matières relevant des disciplines théolo-
giques. Par exemple:
- Introduction à l'histoire du salut et au mystère du Christ;
- Introduction à l'Ancien et au Nouveau Testament;
- Questions d'histoire de l'Eglise;
- Questions de théologie systématique;
- Questions de morale;
- Enseignement social de l'Eglise;
- Hagiographie;
- Théologie de la vie religieuse;
- Liturgie;
- Catéchèse.
133 Formation SDB 333.
223

23.2 Page 222

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b) Maturation de la vocation salésienne
A côté des disciplines spécifiquement salésiennes (qui, dans
cette phase, mettent fortement en relief le Système préventif et
sa pratique) il faut, dans une perspective pédagogique et en vue
de la préparation immédiate au stage pratique, souligner la
nécessité de donner des notions unifiées de:
- Philosophie de l'éducation;
- Pédagogie générale;
- Psychologie de la période de croissance;
- Sociologie de la jeunesse;
- Système préventif;
- Pastorale des jeunes.
c) Formation intellectuelle plus directe et plus spécifique
Le plan d'étude prévoit une attention particulière aux
disciplines philosophiques, humaines et linguistiques, dans une
optique anthropologique unitaire. L'intention est de combler tout
fossé entre la vie réelle et la réflexion. L'étude doit être motivée
et encouragée par la vie réelle et la pratique éclairée et guidée
de la réflexion. 134
Toute mésestime de la réflexion et de l'étude par rapport à
l'expérience et à la vie compromet la reconnaissance convenable
des valeurs de la personne, de la dimension laïque de la vie et ne
favorise pas la formation d'une véritable «spiritualité du travail».
Pour qui a suivi un cycle régulier d'études [secondaires] et
possède les capacités suffisantes, il semble meilleur d'organiser
les études dans une structure communautaire commune.
L'expérience de la vie commune entre les candidats au sacerdoce
et les salésiens coadjuteurs met en valeur deux manières de vivre
l'unique vocation salésienne: C'est «souhaitable», dit la Ratio. 135
Mais le plus souvent, vu qu'«il y a de fait diverses possibilités
sous l'unique dénomination de salésien laïque», 136 la préparation
134 Cf. Formation SDB 230.
135 Formation SDB 397; CG21 303.
136 Formation SDB 410; cf. CG21 301.
224

23.3 Page 223

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philosophique, pédagogique et catéchistique devra s'adapter aux
différentes situations.
B. Orientations pour les études
a) Critère: un savoir unifié
Le savoir doit avoir une unité anthropologique. L'unité
apportée par le mystère du Christ est absolue, mais il est
essentiel, même dans ce cadre, de souligner aussi l'unité de
l'homme: il faut redécouvrir la primauté et la place centrale de
la personne ainsi que la nécessité de la maturation humaine, et
fonder la culture sur ces valeurs. C'est à cela que doit conduire
l'organisation des études qui relie les disciplines humaines et
philosophiques et les sciences de l'homme, et qui contribue à
développer le savoir-faire pédagogique. 137
b) Les sciences humaines
Les sciences humaines sont indispensables pour rester en
relation immédiate et phénoménologique avec la réalité. 138
Compte tenu de la liste abondante proposée à titre indicatif
par la Ratio, il est possible de faire le choix suivant:
- Pédagogie générale;
- Psychologie générale et dynamique;
- Psychologie de la période de croissance;
- Sociologie générale;
- Sociologie de la jeunesse;
- Introduction à l'économie;
- Eléments d'économie et d'administration;
- Histoire des religions;
- Introduction à la communication sociale.
La sociologie et la psychologie servent à éclairer les tranches
d'âge qui intéressent particulièrement notre mission: la préado-
lescence, l'adolescence et la jeunesse. Elles apprennent à être à
l'écoute de l'expérience et des problèmes qu'ellè suscite.
137 Cf. Formation SDB 340.
138 Cf. Formation SDB 224.
225

23.4 Page 224

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c) Les disciplines philosophiques
Les disciplines philosophiques ont une valeur « globale » et
« radicale » qui permet aux salésiens coadjuteurs d'acquérir une
vision personnelle du monde, de l'homme et de Dieu, et une
maturité de jugement plus certaine. Ceux qui, faute de bases
culturelles adéquates, trouvent des difficultés à suivre l'ensemble
des cours, peuvent se contenter de quelques uns parmi les plus
fondamentaux, comme:
- Introduction à la philosophie;
- Philosophie de l'homme;
- Philosophie sociale et politique;
- Philosophie de l'éducation;
- Séminaire sur l'athéisme;
- Méthodologie du travail scientifique.
d) L'harmonie avec la conjoncture historique
L'harmonie avec la conjoncture historique est nécessaire à
l'homme toute sa vie durant et par conséquent tout le long de sa
formation intellectuelle. 139
L'éducation socio-politique du salésien coadjuteur répond à
cette nécessité. L'enseignement social de l'Eglise sera largement
utilisé et approfondi particulièrement en vue d'un service éduca-
tif dans le « monde du travail». 140
Il faudra veiller à garder un sain équilibre entre le travail
manuel et l'activité intellectuelle. La présence et la signification
du travail manuel est à repenser en vue de l'harmoniser avec
l'activité intellectuelle pour développer la personnalité.
L'insistance sur le travail manuel en relation avec le savoir-
faire professionnel et l'activité intellectuelle se justifie encore par
la nécessité de ne pas alourdir les études pour les salésiens
coadjuteurs qui n'ont pas fait un cycle complet d'études secon-
daires et se trouvent sans titre et sans qualification profession-
nelle particulière.
139 Cf. Formation SDB 229.
°14 Cf. Formation SDB 338; CG21 302.
226

23.5 Page 225

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En conclusion, la Ratio estime que pour les études du post-
noviciat, il est « essentiel, original et prioritaire» d'organiser « le
noyau des disciplines humanistes et philosophiques en lien
avec les sciences de l'éducation», mais selon les finalités et les
manières indiquées. « Par conséquent, la formation technique,
scientifique ou professionnelle, en vue d'une qualification spé-
ciale peut commencer ou continuer dans le cas seulement où sont
assurés le développement et l'assimilation de ce noyau ». 141
44.2 Après le stage pratique
A partir de l'analyse de ce que les Chapitres et les Directoires
provinciaux avaient élaboré à propos de la formation du salésien
coadjuteur, les Actes du Conseil général ont tiré les conclusions
suivantes: la phase qui suit immédiatement le stage pratique n'a,
jusqu'à présent, quasiment pas été expérimentée. Sa durée, la
communauté de formation, les matières proposées varient selon
les pays et même selon les personnes. Mais elles doivent dans
tous les cas garantir avant tout l'acquisition et le développement
d'une capacité pastorale chez le jeune confrère. 142
A. Principes et critères
Etant donné la variété et la fluctuation des situations, pour
aider les expériences en cours et leur donner une certaine assise,
le déroulement de cette phase de formation et le choix des
caractéristiques de ses études reposent sur deux principes qui
servent de critères:
- La forme particulière de la vocation du salésien laïc,
- La grande souplesse du cycle qui s'adapte aux possibilités
réelles des candidats, à la diversité de leurs situations de
départ et à l'itinéraire spirituel qu'ils ont parcouru jusqu'ici.
141 Cf. Formation SDB 403.
142 Cf. P. NATAU, La Formation du Salésien coadjuteur, en ACG 323,
pp. 33-34.
227

23.6 Page 226

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« Tout en tenant compte de l'article 106 des Constitutions, il y
a de fait diverses possibilités sous l'unique dénomination du
salésien laïque. Cette diversité exige une considération particu-
lière. On pensera donc, au niveau provincial et interprovincial,
à un " curriculum de formation sérieux, mais souple et adap-
table tant à la nature propre des diverses tâches qu'aux possibi-
lités concrètes des candidats" ». 143
B. Les objectifs
Les objectifs requièrent plusieurs choses de la part des
responsables:
a) Dans le cadre de la formation intellectuelle, donner une
place solide à une théologie qui imprègne la vie et la culture du
salésien coadjuteur, tout en lui laissant la possibilité de pour-
suivre sa formation technique et professionnelle;
b) Dans le cadre de la perception du sens de la vie:
- Enrichir de motifs et de valeurs la complémentarité des deux
formes de vocation dans la vie fraternelle autant que dans
l'action apostolique;
- Donner plus de consistance et de finesse à la sensibilité
particulière du salésien laïc « envers les différents mondes du
travail, de la technique, de l'art, de l'économie, de la com-
munication sociale et des relations humaines »;
- L'aider à vivre la « liturgie de la vie » pour donner plus de
valeur à ses expériences pédagogiques et pastorales par la
richesse de sa laïcité; 144
c) Dans le cadre ecclésial, le disposer à mieux profiter des
ministères non ordonnés institués par l'Eglise pour les laïcs au
service de la communauté. Ces ministères se révèlent utiles dans
« le cadre des célébrations liturgiques, l'organisation des activités
143 Formation SDB 410; CG21 301.
144 Cf. Formation SDB 454.
228

23.7 Page 227

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d'évangélisation et de catéchèse et le domaine beaucoup plus
vaste de l'exercice de la charité». 145
C. Aspects du curriculum de la formation
« La formation spécifique pour les salésiens laïques, dont il
s'agit à l'article 116 des Constitutions et à l'article 98 des Rè-
glements, devra être concrètement programmée par le provincial
avec son conseil. Selon les cas, on pourra profiter de structures
déjà existantes au niveau interprovincial et mondial» 146 ou en
construire de nouvelles.
Il faudra exprimer avec clarté les modalités selon lesquelles
les provinces intéressées interviendront. Elles seront un signe de
leur compréhension et de leur participation aux responsabilités
de la formation.
Dans le cycle de la formation, il faut soigner deux points
fondamentaux:
- Les communautés de formation,
- La formation pastorale, technique et professionnelle.
a) La structure des communautés tient compte des directives
de la Ratio pour « la communauté formatrice locale ». 147 Mais le
personnel et les activités subiront les adaptations qui permettront
de donner une certaine priorité à la formation théologique et
catéchistique (( dans la ligne de la laïcité consacrée». 148
Par conséquent, la spécialisation et ses milieux qualifiés
devront faire penser à temps à << la préparation des salésiens
laïques capables d'assumer de façon convenable la charge de
formateurs. Le salésien laïque doit être présent, chaque fois que
cela est possible, dans les structures de formation comme témoin
particulier et comme formateur et, là où cela sera demandé,
comme enseignant pour un service culturel et technique ».149
145 Cf. Formation SDB 455; cf. CIC 230, § 1.
146 Formation SDB 475.
147 Formation SDB 160-163.
148 Const 116.
149 Formation SDB 181.
229

23.8 Page 228

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b) Les contenus de la formation intellectuelle et profes-
sionnelle tiendront compte des exigences du rôle pastoral et pro-
fessionnel de chacun, et des possibilités concrètes en fait d'instal-
lations, de personnel, de cours, d'expériences et de situations
locales.
Ils pourront ordinairement se répartir en quatre semestres
pour une durée totale de deux ans, calculés en nombre d'heures
ou de crédits suffisants. Ils pourront se prolonger plus ou moins
dans le temps selon que les conditions personnelles permettent
ou non de fréquenter des cours de niveau universitaire ou
moyen-supérieur. Dans ce cas, le dosage des disciplines, choisies
sous la responsabilité du provincial, ou du « curatorium » si la
structure est interprovinciale, 150 doit permettre de rejoindre les
objectifs indiqués.
Pour établir les projets dans le respect de ces critères, il sera
nécessaire de consulter les communautés de formation où les
candidats auront vécu jusqu'alors, afin d'harmoniser les pro-
grammes suivis au cours du postnoviciat avec ceux qui seront
proposés après le stage pratique pour éviter les répétitions et les
surcharges. Sur le modèle des cinq domaines présentés par la
Ratio, 151 il semble possible de proposer les contenus suivants:
1. Formation salésienne
- Connaissance approfondie de la vie de Don Bosco et des
premiers salésiens;
- Etude critique de certains de ses aspects;
- Histoire du salésien coadjuteur;
- Spiritualité salésienne dans la laïcité consacrée;
- Vie communautaire et relations humaines;
- Eléments de pédagogie et de didactique;
- Eléments de catéchèse, et de pastorale des jeunes et des
vocations.
iso Cf. Formation SDB 265.
151 Cf. Formation SDB 338.
230

23.9 Page 229

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I
2. Formation théologique et catéchistique
- Mise à jour et approfondissement de la théologie de la vie
religieuse;
- Approfondissements bibliques par thèmes;
- Introduction à la liturgie et à la « lectio divina »;
- Cours de catéchèse.
3. Formation socio-politique
- Enseignement social de l'Eglise;
- Economie, sociologie et politique du travail;
- Connaissance d'autres aspects du « monde du travail»:
anthropologie et théologie du travail;
- Histoire des doctrines politiques.
4. Perfectionnement de la formation professionnelle
- Informatique;
- Autres matières, selon les compétences personnelles.
5. Nouvelles exigences
- Communication sociale;
- Musique;
- Techniques d'animation.
231

23.10 Page 230

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5. CONCLUSION
Nous avons marché ensemble à la découverte du profil du sa-
lésien coadjuteur. Nous avons reparcouru une bonne partie de la
route que Don Bosco a suivie à son époque et nous l'avons pro-
longée jusqu'à nos jours.
Les historiens pensent que les premières intuitions de Don
Bosco se sont peu à peu précisées sous la pression des circons-
tances et la lumière de Dieu. Nous ne nous sommes pas conten-
tés d'entrevoir et de fixer les traits caractéristiques du visage du
coadjuteur salésien; ni simplement de le mettre à jour pour qu'il
s'acquite avec compétence de ce qu'on attend de lui, et réponde
aux besoins réels et presque toujours urgents qui proviennent de
la condition des jeunes et de la configuration originale des com-
munautés salésiennes et de la Congrégation. Mais nous avons
surtout voulu comprendre et accueillir dans son authenticité le
don de cette vocation qui se révélait peu à peu et se gagnait des
sympathies et des adhésions pour sa nouveauté et son utilité.
Le progrès de cette idée n'a pas été simple ni facile. Nous
l'avons vu.
Mais il est certain que dans tous ces remous d'intérêts, de
points de vue et de significations, le visage du salésien coadju-
teur a toujours été dans l'histoire, aux heures de prospérité
comme de crise, un visage aimé. Et en premier lieu, plus que
de tout autre, de Don Bosco.
C'est ce même amour, à notre avis, qui nous a poussés à ré-
diger ce petit livre. Nous avons cherché à retrouver l'histoire du
profil du salésien laïc pour le situer avec toute sa richesse dans
la vie de la Congrégation et de l'Eglise. Nous espérons ainsi que,
grâce aussi au témoignage et au soin des vocations qui nous sont
demandés, d'autres se sentiront appelés à le reproduire dans leur
vie, à le faire grandir en eux et à persévérer.
Même aux époques les plus tristes, le problème n'est jamais
232

24 Pages 231-240

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24.1 Page 231

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de parler trop, mais d'exister longtemps, de durer, dans une foi
convaincue et vécue avec cohérence, sans défiances ni lourdeurs:
une foi qui vainc le monde.
A propos de l'âne qui porte Marie d'un pas rapide, le poète
Jules Supervielle a dit que Marie ne pesait guère, puisqu'elle ne
s'occupait que de l'avenir qu'elle portait en elle.
Nous sortons d'un passé qui a eu ses lumières et ses ombres.
Libérons-nous de celles-ci et retrouvons celles-là, mais retrouvons
surtout la confiance.
Que Marie, invoquée dans nos Constitutions comme celle qui
«nous remplit de courage»,1 aide nos engagements présents et
nourrisse notre espérance en l'avenir.
Mais surtout qu'elle intercède pour que le désir de Don
Bosco se réalise: «J'ai un grand besoin d'en avoir beaucoup
pour m'aider de cette façon».2
1 Const. 92.
2 MB XVI, 313.
233

24.2 Page 232

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BIBLIOGRAPHIE
Dans cette bibliographie ne figurent que certains ouvrages salé-
siens, écrits ou traduits en français.
CG19:
- Document V: Le salésien coadjuteur (nn. 146-184).
- Les confrères coadjuteurs dans les structures (nn. 74-77).
- Voir encore: nn. 307-320. 323. 331-333. 335 c. 336.
- Intervention du Père L. RiccERI: n° 7 (p. 285-6).
CGS:
- Le salésien coadjuteur (nn. 145-149).
- Orientations pratiques: nn. 184. 711.
- Voir encore nn. 381. 498. 660. 679 b. 688. 692 d. 701. 711.
763 d.
- Présentation du rapport général sur l'état de la Congré-
gation par le R.M.: Chap. sur Les salésiens coadjuteurs
(annexe 3 p. 412-413).
CG21 :
- La fécondité en vocations de notre action pastorale
(nn. 106-119).
- Document 2: Le salésien coadjuteur (nn. 166-211).
- La formation du salésien coadjuteur (nn. 299-306).
- Voir encore nn. 217. 249. 263. 583.
- Interventions du Père E. VmANô sur la participation à la vie
et au gouvernement de la Congrégation (nn. 218-221.
223-232. 235).
CG22:
- Rapport du R.M. sur la société salésienne durant le
sexennat 1978-1983: ch. 20, n. 4: La configuration parti-
culière de notre communauté (nn. 320-323).
- Discours de clôture du R.M.: ch. 8. L'originalité de la
figure du «salésien» (nn. 79-88).
- Orientations pratiques et délibérations: ch. 3. La compo-
sante laïcale (nn. 8-9).
AA. W., La Formation des Salésiens de Don Bosco: Principes et
Normes [Ratio fundamentalis Institutionis et studiorum], 2e édition -
Maison générale SDB, Rome 1985 (352 p.).
Il est désigné par le terme «Ratio» ou le sigle Formation SDB.
Lorsqu'il s'agit de l'édition de 1981, c'est mentionné chaque fois.
234

24.3 Page 233

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AA. W., Le Directeur salésien: un ministère pour l'animation et le
gouvernement de la communauté locale - Maison générale SDB,
Rome 1992.
AA. W., Le Projet de vie des Salésiens de Don Bosco: guide de lecture
des Constitutions salésiennes, 3 tomes - Rome 1986 (Tr. fr.: Bru-
xelles 1990-91).
AA. W., Saint Jean Bosco, Recherches éditées et présentées par le Père
Desramaut F.; en particulier l'article de S. TRAMoNTIN, Don Bosco et
le monde du travail, pp. 97-106 - LAS, Rome 1990.
AIBERA P., Lettre sur les Vocations, Lettre circulaire du 15 mai 1921
(ACS 4). Elle fut traduite en français et publiée (pp. 1-34) en un seul
fascicule avec la lettre du 19 mars 1921: Don Bosco Modèle du
prêtre salésien, sans aucune indication de la maison d'édition.
Anonyme, Un religieux bien de son temps: Le Coadjuteur Salésien de
l'œuvre de Don Bosco - Tournai 1925 (20 p.).
AuBRY J., Avec Don Bosco vers l'an 2000: Vingt conférences salésiennes
- Maison généralice salésienne, Rome 1990 (512 p.).
AUBRY J. et ScHOENEBERGER P., Le Coadjuteur salésien - Imp. Don Bosco,
Nice 1952 (30 p.).
DESRAMAUT F., Don Bosco et la Vie spirituelle - Beauchesne, Paris 1967
(380 p.).
Dicastère de la pastorale des jeunes, Perspectives essentielles pour un
Plan provincial de Pastorale des Vocations - Province salésienne de
Belgique Sud, Ed. de la Formation permanente, Bruxelles 1989.
Traduction de Lineamenti essenziali per un Piano lspettoriale di
Pastorale Vocazionale - Rome 1981.
DoN Bosco, Souvenirs autobiographiques: traduction de Memorie
dell'Oratorio di S. Francesco di Sales, dal 1815 al 1855 de la main
de Don Bosco et publié par le Père E. CERIA en 1946. La traduction
a été établie par le Père A. BARuco et le commentaire par le Père F.
DESRAMAUT - Apostolat des Editions, Paris (256 p.). Le sigle « MO»
renvoie au texte italien suivi de la page, et la mention « éd. fr. » aux
Souvenirs autobiographiques suivis de la page.
NATALI P., La Formation du Salésien coadjuteur: une conscience et une
prise en charge croissantes, en ACG 323, pp. 26-36.
ID., Introduction à la lecture du livret: « Le Salésien coadjuteur», en
ACG 331, pp. 35-42.
R:iccER! L., Vivre aujourd'hui la chasteté consacrée, en ACS 285, pp.
5-44.
235

24.4 Page 234

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VrGANô E., Commentaire de !'Etrenne 1983 - Maison générale des FMA,
Rome 1983 (32 pp.).
Io., La Composante laïque de la Communauté Salésienne, en ACS 298
pp. 3-57.
WrRTH M., Don Bosco et les Salésiens, - L.D.C. Turin 1970. Le chap. rx
(pp. 115-125) s'intitule: Les coadjuteurs salésiens.
236

24.5 Page 235

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INDEX ANALYTIQUE
SC = Salésien coadjuteur
Accueil (et accompagnement)
*: nature de ce service, 155-156
Objectifs de l'* de la vocation du SC, 166-167
* et assistance individuelle, 168-169
* dans le groupe de jeunes, 169-171
Communautés d'*, 171-177:
juvénat, 172-175
communauté de référence, 175-176
insertion dans une communauté salésienne, 176-177
Albera (Père Paul)
Le se durant le rectorat du *, 64-65
Alliance
Le mystère de l'* dans la consécration du SC, 187-190
Animation
La responsabilité du SC dans les structures d'* et de gouvernement,
133-134
* de la vocation du SC, 177-179
* comme ministère et champ d'action du SC, 193-199
Apostolat
Les fondements de l'* du SC, 135-136
Toute la vie du SC comme *, 136-138
voir aussi Mission, Pastorale
Après le stage pratique
* pour le SC, 227-231:
principes et critères, 227-228
objectifs, 228-229
caractéristiques du cycle de formation, 229-231
Assistance
* individuelle du candidat SC, 168-169
237

24.6 Page 236

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Ateliers
Création des * dans l'Oratoire du Valdocco par Don Bosco, 26-27
Collaborateurs pour les * de Don Bosco, 29-30
Des * aux écoles professionnelles, 59
Bertello (Père Joseph)
* premier organisateur des écoles professionnelles salésiennes, 59
Bosco (Don)
* et les origines du SC, 232. 23-39:
sa première expérience du travail, 28-29
les ateliers, 25-27
les premiers SC, 33-39
La pensée de * sur le SC (de 1876 à 1886), 39-58
Raconter *, chemin pour présenter la vocation du SC, 157-160
Le service dans les structures salésiennes selon *, 90-93
Vivre l'esprit de *, 141-142
L'esprit de * lieu d'unité, 146
Candela (Père Antoine)
Relation du * sur le SC au Congrès général sur les états de perfection
(1950), 72-73
Catéchèse
* sur la vocation du SC, 154
Voir aussi Mission
Chapitres généraux (qui ont traité du SC)
CG3 (1883), 46-50
CG4 (1886), 54. 57-58
· CG12 (1922), 66-67
CG15 (1938), 71
CG16 (1947), 71
CG17 (1952), 73-74
CG19 (1965), 76
CGS20 (1971-72), 76
CG21 (1977-78), 77
CG22 (1984), 77
Directive pratique du CG22 à l'origine de ce livre, 13-14. 17-18
Chapitres provinciaux
Les * et les directives du CG22 sur le SC, 17-18
238

24.7 Page 237

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Coadjuteur (comme qualification, dénomination)
Qualification de * :
premières applications, 31-33
au CG3, 46-47
Les premiers « salésiens * », 33-39:
quelques dates, 34-37
provenance et occupations, 37-39
La dénomination * et l'identité du SC, 88-90
Communauté
Identité du SC dans la *, 80-81
La* SDB:
une * originale, 102-103
une * fraternelle, 103-105
une * apostolique ouverte à la sécularité, 105-108
Une * riche en modèles, 220-221
* d'accueil et accompagnement de la vocation pour le SC, 171-177:
le juvénat, 172-175
la * de référence, 175-176
insertion dans une * salésienne, 176-1 77
La communion dans la *, valeur de la formation du SC, 199-200.
216-221
Communication
* de son expérience personnelle dans la formation du SC, 217-220
Complémentarité
* entre SC et salésien prêtre, 80-81. 120-122. 127-130. 143
Influence de la * sur l'identité du SC, 130-132
Voir aussi Réciprocité
Concile (Vatican Il)
L'identité du SC après le *, 75-77. 85
Utilisation du langage du *:
dans les Constitutions, 102
pour décrire la dimension laïque du SC, 119-120
Congrès mondial SC, 68-69
Conseils (évangéliques)
* composantes de l'identité, 118-119
Les * comme valeurs directrices dans la formation du SC, 200-203
Création
Laïcité avec référence à la *, 109-111
239

24.8 Page 238

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Critères pour cette publication, 14-15
Culturels
* du SC, dans le CG3, 46-47
Influence de la * sur l'identité du SC, 95-101:
Eglise, Congrégation et *, 96-97
lieux de production et réseau de diffusion de la *, 97-98
système culturel salésien, 98-101
incidence de la * sur l'identité du SC, 101
* du travail: contenus et exigences pour l'éducation et la pastorale,
196-199
Cycle de la formation
* du SC, caractéristiques, 183-186:
contenus spécifiques, 184-185
organisation des contenus, 185-186
* unitaire et complexe, 186
Voir aussi Formation, Valeurs
Dénominations
* du SC, 88-90
Voir aussi Coadjuteur
Destinataires de cette publication, 14
Directeurs
Soin des vocmtions de SC de la part des * dans les circulaires de Don
Rua, 61-62
Direction spirituelle
* du candidat SC, 168-169
Directoires provinciaux
Analyse de ce qui concerne le SC, 18. 182. 227
Don Bosco
Voir Bosco
Ecoles
* d'arts et métiers:
av?Jlt Don Bosco, 25
érigées par. Don Bosco, 26-27
* professionnelles salésiennes: débuts, 59
240

24.9 Page 239

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Economie
Les valeurs de l'*: influence sur l'identité du SC, 93-95
Eglise
* et cultures, 96-97
* cadre de la pastorale des vocations, 149
Laïcité avec référence à la mission de l'*, 111-115
Participation à la mission de l'*, 135-136
Le SC vit une expérience d'*, 160-162
Esprit-Saint
L'* à la source du charisme du SC, 78
* et mystère de l'Alliance, 187-188
Voir aussi Vie spirituelle
Esprit salésien
Voir Vie spirituelle
Esthétique
Valeurs de l'* et son influence sur l'identité du SC, 93-95
Etudes
Lignes directrices pour les * :
après le noviciat, 223-227
après le stage pratique, 228-231
Evangile
Style de l'* dans la vie et l'action du SC, 118-119
Voir aussi Conseils
Expérience
* des valeurs de la vocation comme méthode de formation, 214-221:
principe méthodologique, 214-215
finalité, 215
conditions, 215-221
Présentation de l'* actuelle des SC pour l'acheminement des vocations,
160-162
Famille salésienne
La communauté SDB dans la * et la place du SC, 102. 103. 105-106
Fidélité
* dynamique dans l'identité salésienne, 84-85
241

24.10 Page 240

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Formation
La * du SC dans les chapitres provinciaux, 18
Directives pour la * du SC, 181-231:
un engagement extraordinaire, 181-182
les raisons profondes de la *, 182-183
les contenus généraux, 183-186
les valeurs directrices, 187-210
une méthode, 211-221
quelques phases de la * initiale (après le noviciat et après le stage
pratique), 221-231
Gouvernement
Participation du SC à la vie et au * de la Congrégation, 132-134
Le service du Supérieur salésien comme prêtre, 134
* et animation de la vocation· du SC, 177-180
Groupe
Rôle du groupe de jeunes dans la vocation, 169-171
Histoire
Bref aperçu de l'* du religieux laïc, 20-22
Données d'* du SC, 23-77
* de la vie religieuse (publications), 23
« * sainte salésienne», 98
Humanité
Croissance constante en *, valeur fondamentale dans la formation du
SC, 206-210:
une bonne santé psychique, 207-208
les vertus sociales, 209-210
la maturité intellectuelle, 210
Identité (du SC)
Approfondissement de l'* comme but de cette publication, 14
Approfondissements théologiques sur l'*, 78-147:
les nombreuses significations de l'*, 79-85
aspects généraux et critères, 86-101
axes fondamentaux, 102-125
réciprocité essentielle entre salésiens laïcs et salésiens prêtres, 125-134
l'action apostolique du SC, 134-140
traits de la vie spirituelle du SC, 140-147
Aspects quantitatif et qualitatif, 79-80
Aspects personnel et communautaire, 80-81
242

25 Pages 241-250

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25.1 Page 241

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Aspect relationel, 81
la réalité et l'idéal, 81-82
* institutionnelle, 82-83
* exprimée, 83-84
* historique, 84-85
* collective, 85
Aspects de l'* qui influencent ses traits essentiels:
consistance numérique et situation géographique, 86-88
dénominations, 88-90
structures, 90-93
valeurs économiques et esthétiques, 93-95
culture et cultures, 95-101
Traits fondamentaux de l'*
dans une communauté originale, 102-108
la laïcité, 108-116
une vocation caractéristique, 116-125
* dans la relation du Père Candela (1950), 72-73
Juvénats pour vocations de SC :
institution des premiers *, 69
caractéristiques actuelles, 1720175
Laïcité
Rôle de la * au x1x:e siècle, 23-24
La vocation du SC se caractérise par la *, 108-116:
* en référence avec la création, 109-111
* en référence avec la mission dans l'Eglise (caractère séculier;
laïcité consacrée), 111-115
* en référence avec la vie religieuse, 115-116
* consacrée à approfondir dans la pastorale des vocations du SC,
164-166
* du SC valeur directrice de la formation, 203-206
Magistère
Voir Perfectionnement
Marie
Le SC vit sa dévotion à * d'une manière caractéristique, 145-146
Médiations pour les vocations, 152-153
Méthode dans la formation du SC:
motiver les attitudes et en faire l'expérience, 211
les motivations premières, 211-214
« faire l'expérience»: principe, finalités et conditions, 214-221
243

25.2 Page 242

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Ministères
* non ordonnés, champ d'action du SC, 194-195
Mission
L'action apostolique du SC comme participation à la * de l'Eglise,
134-136
La vocation du SC au service de la * salésienne, 122-123
Coresponsabilité des SDB prêtres et laïcs dans la *, 122-124
La * apostolique comme valeur dans la formation du SC, 191-199:
valeurs et attitudes du « sens pastoral», 191-192
capacité pour l'action, 193
fonctions, ministères et champs d'action, 193-196
éducateur à la foi dans le monde du travail, 196-199
Voir aussi Apostolat
Modèles
Valeur des *, 19. 63. 65
Présentation de * de SC, 162-164
Une communauté riche en * dans la formation, 220-221
* héroïques de sainteté salésienne laïque, 147
Monachisme
* et vie religieuse laïque, 20-21
Motivations
* premières, objectif de la formation du SC, 211-214
* sérieuses et authentiques des activités, 216-217
Nature de cette publication, 13-15. 17
Nombre
Voir Statistiques
Noviciat
Délibérations du CG3 (1883) sur le * pour les SC, 47
* pour novices coadjuteurs à S. Benigno Canavese (1883), 50
discours de Don Bosco aux novices coadjuteurs, 50-54
Autres * au temps de Don Rua, 61-62
Circulaire du Père Ricaldone sur le *, 69-71
Objectifs de cette publication, 14
Occupations
* des premiers SC, 37-39
244

25.3 Page 243

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* des SC:
dans le document du CG4 (1886), 57-58
dans la lettre du Père Rinaldi (1927), 67-69
Changements profonds dans les * et difficultés de recyclage, 74-75
* du SC et vie apostolique, 136-138
* du se et « liturgie de la vie», 145
Catégories d'* des SC et leur signification pour l'éducation et la pasto-
rale, 193-196
Ordres
* mendiants et vie religieuse laïque, 21-22
* modernes et vie religieuse laïque, 22
Origines du SC au temps de Don Bosco, 23-58
Pastoral(e)
Formation du SC au sens *, 191-192
Formation du SC à l'action *, 193-199
* des vocations de SC, 148-180:
traits fondamentaux
de la *, 148
et de la * des vocations, 149-153
rôles de la * des vocations, 153-155
* des vocations du SC, 156-180:
raconter Don Bosco, 157-160
présenter l'expérience actuelle, 160-162
mettre en contact avec des modèles, 162-164
approfondir le caractère laïque, 164-166
accueil et accompagnement de la vocation du SC, 166-180
Perfectionnement
Maisons pour le * du SC après le noviciat: institution, 66. 69-71
Politique salésienne, 100
« Postirocinio »
Voir Après le stage pratique
Postnoviciat
Le * pour le SC, 221-223
Objectifs, 223-225
Lignes directrices pour les études, 225-227
245

25.4 Page 244

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Présentation
* aux jeunes de la vocation du SC, voies, 156-166:
raconter Don Bosco, 157-160
présenter l'expérience actuelle, 160-162
mettre en contact avec des modèles, 162-164
approfondir le caractère laïque, 164-166
Prière
* et vocation, 153
* et pastorale des vocations, 179
Formation du SC à la *, 202-203
Problèmes qui restent ouverts au sujet du SC, 86-88. 181. 184-185
Processus de la formation
Voir Cycle
Profession (religieuse)
Premières * (aussi de SC) dans la Société salésienne, 34-35
La * du SC, 118-120
Professionnel (Savoir-faire)
* du SC comme aspect de son apostolat, 109-111. 136-138. 193. 199
Projet éducatif et pastoral
La pastorale des vocations de SC dans le *, 178-179
Provenance des premiers SC, 37-38
Provincial
Le * avec son Conseil doit programmer la formation spécifique du SC :
aspect du cycle de sa formation, 229-231
Qualification
* du SC au cours de ces trente dernières années, 91-93. 109-110
Voir aussi Formation, Occupations, Perfectionnement
Rapports (Relations)
Formation aux vertus sociales, 209-210
Voir aussi Complémentarité, Réciprocité
Réciprocité
* essentielle entre SDB laïcs et SDB prêtres, 125-133:
* des la vocations, 126-127
246

25.5 Page 245

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Complémentarité fraternelle au niveau de la conscience person-
nelle et apostolique, 127-130
Influence de la * et de la complémentarité sur l'identité, 130-132
Participation à la vie et au gouvernement de la Congrégation,
132-133
Voir aussi Complémentarité
Ricaldone (Père Pierre)
Circulaires du * (Conseiller professionnel) sur les vocations de SC, 64
Le SC au cours du rectorat du *, 69-73
Ricceri (Père Louis)
Le SC au cours du rectorat du *, 75-77
Rinaldi (Père Philippe)
Le SC au cours du rectorat du *, 65-69
Rua (Don Michel)
Le SC au cours du rectorat de *, 59-63
Sainteté
La * des laïcs est à l'origine de la conception de la Congrégation chez
Don Bosco, 24-25
Témoins héroïques de * salésienne laïque, 147
* et croissance constante en humanité, 206-207
Voir aussi Modèles
Salésien coadjuteur (livre)
Nature de cette publication, 13-14. 17
Références, 17
Destinataires, 14
Contenu: Vue d'ensemble, 19
Salésien coadjuteur (revue)
Naissance et contenus de la revue *, 72
Salésiens (appellation de)
Application de l'appellation de * de la part de Don Bosco, 34-36
Santé
Bonne * psychique: intégration, 207-208
Savoir-faire professionnel
Voir Professionnel
247

25.6 Page 246

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Sécularité
La communauté salésienne ouverte à la *, 105-108
* et laïcité propres aux fidèles laïcs, 112-115
* consacrée, 115-116
Apport du SC à l'ouverture de la Congrégation à la sécularité, 139-140
Spiritualité
Voir Vie spirituelle
Statistiques
* sur le SC (de 1880 à 1920), 59-60
Courbe des vocations (dans les années 70), 75
Réflexions sur la consistance numérique et la situation géographique des
SC, 86-88
Structures
Influence des * sur l'identité du SC, 90-93
Théologie
Approfondissements de la * sur l'identité de la vocation du SC: 78 sq.
(ch. 2)
Travail
L'expérience du * de Jean Bosco, 28-29
Le monde du *, champ d'action privilégié du SC, 138-139. 143-144
Formation du SC comme éducateur à la foi dans le monde du *,
196-199
Valeurs
Formation aux * propres de la consécration apostolique du SC, 187-210:
dans une alliance spéciale, 187-190
la mission apostolique, 191-199
la communion dans la communauté, 199-200
un style de vie dans la radicalité évangélique, 200-203
la «laïcité», 203-206
une croissance constante en «humanité», 206-210
Voir aussi Economie, Esthétique, Motivations
Vespignani (Père Joseph)
Ecrits du * sur le SC, 31. 66-67
Vie spirituelle
Quelques traits de la * du SC, 140-147:
la *, c'est vivre l'esprit salésien, 141-142
248

25.7 Page 247

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vivre en religieux laïc les attitudes et les comportements particuliers
de l'esprit salésien, 142-146
l'esprit de notre Fondateur comme lieu d'unité, 146
les témoins héroïques de la sainteté salésienne laïque, 147
Viganô (Père Egidio)
Présentation de ce livre, 13-15
Lettre du * sur la composante laïque de la communauté salésienne, 17.
77
Le SC comme priorité, 77
Problèmes ouverts sur le SC, 86-88. 181. 184-185
Vocation
Caractéristiques de la * du SC, 116-125:
dans la * chrétienne, 117-118
* radicale, 118-119
* religieuse laïque, 119-120
au service de la mission salésienne, 120-123
concrète et complète, 123-124
originale, 124-125
porteuse de signification, 125
Voir aussi Pastorale des vocations
Ziggiotti (Père René)
Le SC au cours du rectorat du *, 73-75
249

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