Souvenirs (MO) Introduction



Don Bosco MO Souvenirs Autobiographiques


Don Bosco Souvenirs Autobiographiques

Le texte italien a été traduit par le Pàre Baruq, sdb

Présentation par le Père Desramaut, sdb

Mediaspaul, 8 rue Madame, 75006 Paris. 1987

ISBN 2-7122-0066-7



INTRODUCTION


La rédaction des " souvenirs autobiographiques " de Jean Bosco


Jean Bosco (1815-1888), prêtre piémontais, éducateur des enfants du peuple à Turin, fondateur de plusieurs sociétés religieuses: les salésiens en 1859, les salésiennes en 1872, les « coopérateurs salésiens » (laïcs et ecclésiastiques) en 1876, organisateur d'expéditions missionnaires en Amérique du Sud à partir de 1875, avait aussi des talents de narrateur, que ses disciples mirent volontiers à profit. Son premier livre (1844), esquissé dès le séminaire, fut la biographie d'un ami très cher, Luigi Comollo, mort prématurément en 1839. Divers ouvra­ges signés par lui et qui, depuis un siècle, ont été souvent relus, réédités et traduits, relatèrent la vie de garçons de son école: Dominique Savio, Michel Magon, François Besucco. On lui doit aussi une Histoire sainte, une Histoire de l'Église, une Histoire d'Italie et des Histoires des Papes des trois premiers siècles. Il racontait volontiers sa propre vie à ses enfants d'adoption. Et ceux-ci, quand ils en avaient l'idée et le courage, notaient scrupuleusement ses anecdotes sur son enfance, ses études laborieuses, les débuts de son « oratoire » (entendez par là l'oeuvre qu'il avait fondée à Turin), le chien gris qui le /5/ protégeait, les attentats dont il avait été l'objet lors du lance­ment de ses Lectures Catholiques (1853), etc. Ils pleuraient à l'histoire de la mort de son père ; ils s'irritaient de la méfiance butée de son demi-frère ; avec lui, ils tombaient des arbres en serrant des oeufs sous leurs chemises, ils allaient trouver des grands du jour pour implorer un espace de jeu à l'intention des pauvres apprentis de la ville et riaient de la déconvenue des deux chanoines qui voulaient un jour l'emmener dans un asile d'aliénés, mais qui s'y étaient eux-mêmes retrouvés par une astuce de leur victime.

Sur ce, en 1858, Don Bosco (le nom des prêtres italiens est précédé du titre: Don), était allé voir Pie IX à Rome. Il lui avait parlé. Peut-être lui avait-il confié le rêve prémonitoire de ses neuf ans. En tout cas, le pape, très intéressé par ses explications, l'avait invité à écrire pour ses religieux l'histoire des origines de son oeuvre. Elle ravirait certainement ses fils et ils y trouveraient de merveilleuses leçons. En particulier, ils vérifieraient le rôle de la Providence dans ses entreprises. Quelques années après, au cours d'une autre entrevue, le pape avait insisté: "Don Bosco avait-il écrit ses souvenirs?" Celui-ci dut répondre par la négative. Il ne les croyait peut-être pas assez intéressants pour composer un récit en forme ; mais surtout il ne disposait pas de beaucoup de loisirs. Ses journées étaient mangées par la recherche de fonds indispensables à la vie de son oeuvre et à la construction d'une église dédiée à Marie-Auxiliatrice, par les tracas de ses écoles, par la direction de sa revue et la rédaction des livres qu'il avait en chantier...

Mais les bonnes idées font parfois leur chemin. Quand il allait avoir soixante ans, après une grave maladie (1871-1872) et alors qu'il se voyait mettant le sceau à son oeuvre de fonda­teur en recevant l'approbation romaine de ses constitutions (chose faite en avril 1874), Don Bosco répondit enfin à l'invi­tation du pape, certainement reprise par ses disciples les salé­siens, dont plusieurs cherchaient à reconstituer l'histoire de leur jeune société. Et, de sa très mauvaise écriture, il entama le récit des origines de l'Oratoire Saint-François-de-Sales. Comme il enracinait celui-ci dans ses essais apostoliques des Becchi, hameau de la campagne d'Asti, à quelque trente-/6/ cinq kilomètres de Turin, il. commença: « Le jour consacré à l'assomption de Marie au ciel fut celui de ma naissance. en l'année 1815, à Murialdo, village de Castelnuovo d'Asti... » D'après l'analyse interne du document - qui a été conservé aux archives centrales salésiennes de Rome, bien qu'il s'agisse d'un brouillon - ses premières pages furent écrites en 1873. Quelques indices prouvent qu'en 1875, Don Bosco en poursui­vait la rédaction. Mais il ne termina jamais son récit. Achevé ou non, le responsable de la revue de sa société, le Bulletin Salésien fondé en 1877, s'y intéressait pour la confection d'une Histoire de l'Oratoire Saint-François-de-Sales, qu'il méditait d'y publier sous forme de feuilletons. Une mise au clair du premier manuscrit s'imposait. Le P. Gioachino Berto (1847-­1914), secrétaire particulier de Don Bosco, l'entreprit ; et Don Bosco revit et annota ce deuxième manuscrit. A partir de janvier 1879, le Bulletin put commencer le récit envisagé à partir du texte recopié.

Notre texte de base est évidemment ici le manuscrit de Don Berto relu, complété et corrigé par Don Bosco. Il com­porte 182 pages numérotées de 295 mm x 204 mm, réparties en trois cahiers. Le premier de ceux-ci a été intitulé par Don Bosco: Memorie dell'Oratorio dal 1815 al 1835. Comme le récit s'achève en fait à l'année 1855, le savant éditeur italien de 1946 Don Ceria a pu l'intituler: San GIOVANNI BOSCO. Memorie dell'Oratorio di S. Francesco di Sales dal 18I5 al 1855, titre qui pourrait être traduit: Mémoires pour sen ir à l'histoire de l'Oratoire Saint-François-de-Sales de 1815 à 1855. Il ne s'agit pas en effet de "mémoires" ou de "mémoires autobiographiques" au sens aujourd'hui habituellement donne au mot mémoires, mais de notes pour une histoire à rédiger. Quand, en 1959, un auteur français (J. Christophe, Saint Jean Bosco ou la paternité retrouvée, coll. Situation des saints. Pans. 1959) s'est étonné que, dans ces "mémoires", il soit peu ques­tion du héros lui-même et qu'il voulut en tirer des considéra­tions vaguement psychanalytiques, il s'est abusé sur le titre et le contenu de cet écrit. Le titre auquel nous nous sommes arrêtés : Souvenirs autobiographiques, n'est qu'une approxi­mation commode. /7/

Le plan général de ces "mémoires" et les divers titres de leurs paragraphes nous arrivent de Don Bosco lui-même. Il partageait l'histoire de son oeuvre en périodes de dix ans. Après une introduction sur son enfance (1815-1825), il distinguait: a) une première décennie, de ses premiers essais apostoliques à son entrée au grand séminaire (1825-1835), b) une deuxième, du grand séminaire à l'ceuvre du Valdocco, le fau­bourg de Turin où il s'implanta (1835-1845) ; c) une troisième, le Valdocco (1845-1855). On sait qu'il n'écrivit pas le récit de la naissance de l’oeuvre salésienne durant les années qui suivi­rent.


La portée pédagogique du récit


Sa jeunesse et ses premiers essais apostoliques furent racontés conformément au but initial de fauteur. Ses souve­nirs devaient expliquer à ses fils, selon le désir du pape et sa propre conviction, comment Dieu l'avait guidé à chaque pas dans la construction de son oeuvre. Présomption ? En tout cas, ce document confidentiel n'était pas destiné à la publication. Pour des esprits amis, les divers songes des années de lance­ment seraient, rapprochés des réalisations de 1875-1880, dont ils étaient les témoins émerveillés, assez éloquents.

Mais Don Bosco, toujours préoccupé de formation, ne pouvait en rester à cette apologie. Maître habitué à donner ses propres expériences en exemples à ses disciples, il écrivit aussi ses "mémoires" pour leur instruction. Ils les aideraient « à surmonter les difficultés à venir en prenant leçon du passé ». Ces souvenirs autobiographiques ont été l'oeuvre d'un bâtis­seur. A travers le récit des grandes et menues aventures qui avaient parsemé sa vie d'enfant de la campagne, de collégien besogneux, de séminariste parfois scrupuleux et de prêtre des jeunes ouvriers laissés à eux-mêmes, Don Bosco a donné dans ses notes des leçons pratiques aux éducateurs salésiens. Le prêtre Calosso, son premier professeur de latin, est le type du bon directeur de conscience, « guide stable, fidèle ami de l'âme », qui refuse à son jeune disciple une mortification indis-/8/ crète « non conforme à (son) âge et à (sa) condition », l'encou­rage à fréquenter les sacrements et lui « enseigne comment faire chaque jour une courte méditation, ou, mieux, un peu de lecture spirituelle ». Le garçon qu'éduque le salésien doit veiller au choix de ses camarades, à l'image de Giovanni Bosco qui les partageait en trois catégories : les pervers à éviter, les indifférents à saluer, les bons à fréquenter. Bienheureux sera­t-il s'il trouve un mentor en qui il ait pleine confiance et un confesseur fixe tel que le prêtre Maloria ! Celui-ci ne voulait malheureusement pas s'occuper de « vocation ». Et pourtant. « du choix de l'état de vie dépend ordinairement le salut ou la perdition éternelle ». Les obstacles que rencontre l'aspirant au sacerdoce, même en pays chrétien, se surmontent « par la retraite et les pratiques de piété », parmi lesquelles la sainte communion occupe une place de choix. Les conseils que l'ab­bé Bosco avait reçus du curé d'Alfiano, Don Giuseppe Pelato. sur la meilleure façon de prêcher et l'exposé des raisons qui l'avaient déterminé à abandonner certains jeux de hasard. étaient orientés vers les salésiens. Des leçons ont été placées dans la bouche d'un curé de campagne ou d'un ami du héros. d'autres nous arrivent dans une lettre, peut-être reconstituée. du prêtre Comollo (l’oncle du confident de Jean Bosco. Luigi Comollo), dans les conversations de son neveu et dans un sermon de Don Borèl (Borrelli dans le texte de ces « mémoi­res »), excellent collaborateur de Don Bosco durant les années qui suivirent son ordination sacerdotale (1841). L'éloge de la morale de saint Alphonse de Liguori avait, entre autres. pour but d'en finir avec certaines tendances jansénisantes en matière de spiritualité. Sans lourdeur, cette « autobiographie » est un petit traité de pédagogie en acte.

Sous une autre plume, un tel programme eût été austère et ennuyeux. Non pas sous celle de Don Bosco à l'âge mur. quand il était en pleine possession de ses moyens intellectuels. I1 avait souvent réjoui ses enfants et ses collaborateurs en leur contant sa jeunesse et les « débuts de l'Oratoire ». Les "mémoi­res" lui permettaient de recommencer avec le même public Toujours détendu. délicieux en conversation. aimant toutes les joies saines et non dépourvu d'humour, il n'excluait jamam la gaieté de ses histoires. même le plus évidemment moralisa-/9/ trices. Il faut toujours se souvenir que Don Bosco a été, selon la formule d'un observateur pertinent, qui avait été témoin de ses dernières années (Alberto Caviglia, 1868-1943), « un saint de bonne humeur ». Ses souvenirs autobiographiques devraient servir d'« agréable divertissement » à ses fils. De fait, certaines de ses descriptions, vivantes et rapides, sont cocasses à souhait. L'auteur s'y amuse de lui-même et des autres. Il n'était pas tenté par l'esprit de sérieux. Les "mémoi­res" ont été voulus instructifs, ils sont aussi amusants.


De quelques lacunes


Mais voilà, est-il sage de leur faire confiance ? Est-ce beau­coup plus qu'une récréation en bandes dessinées, avec de petits tableaux bien croqués et des dialogues pleins de fantaisie? Que penser de ces rêves trop précis, de ces tours de prestidigitation et de ces apparitions de molosses, qui ne consentent jamais à manger ni à boire quoi que ce soit ? Il est certain que l'étude scrupuleuse de ce texte réserve un certain nombre de déconve­nues.

Tout d'abord, il comporte des lacunes. Certes, il ne pou­vait tout dire ; nous ne ferons pas grief à Don Bosco de n'avoir pas, comme son excellent premier biographe, écrit quelque deux mille cinq cents pages en quatre tomes sur les quarante premières années de sa vie. Mais son récit est parfois insuffi­sant. Rien, dans le premier chapitre de la première décennie, ne répond au sous-titre: Les nids, du sommaire. En vérité, il manque une section à ce chapitre, comme des récits parallèles enregistrés en 1861 par Domenico Ruffino et Giovanni Bo­netti permettent de le vérifier. Ils prouvent que Don Bosco avait l'habitude de narrer ses équipées dans les bois après ses exploits sur la corde le saltimbanque »). A la fin du chapitre, nous devrions avoir, comme le titre les annonce, non pas trois mots mais cinquante ou soixante lignes sur Giovanni dénicheur. Don Bosco était bien décidé à les écrire, mais il a tout bonnement oublié de le faire. /10/

Depuis longtemps, une omission un peu plus grave, et qui, à la différence de la précédente, semble bien avoir été intentionnelle, a retenu l'attention de ses historiens. Pourquoi. dans le récit de son enfance, n'avoir pas soufflé mot de son service à la ferme des Moglia, à quelques kilomètres de son hameau natal, là où il avait vécu environ dix-huit mois en 1828-1829 ? Sa jeunesse, sinon toute sa vie, fut pourtant mar­quée par son humble expérience de valet et de berger appointé. Il est difficile de croire que ce « saut à pieds joints » (formule du P. Eugenio Ceria) ait été purement accidentel. Les mois passés au village de Moncucco méritaient d'être signalés au moins autant que le défi à l'acrobate de Chieri, qui, lui, fut longuement rapporté. Aucun indice ne permet de supposer une distraction à l'origine de cette absence. Au vrai, Don Bosco ne se plaisait pas à parler de son séjour à la Moglia. Nous le savons par son secrétaire et biographe, Giovanni Bat­tista Lemoyne (1839-1916), qui, longtemps mal renseigné sur cette partie de sa vie, n'obtint rien de lui malgré ses questions réitérées de l'année 1884 et dut, pour satisfaire sa légitime curiosité, recourir à la famille Moglia elle-même par l'intermé­diaire du salésien Secondo Marchisio (1857-1914). Ce silence de Don Bosco n'a donc pas été fortuit. Mais comment l'expli­quer ? Il est peu probable qu'il ait été arrêté par des hésitations sur la valeur exemplaire de cette partie de sa jeunesse. De toutes manières, cette raison ne pouvait être déterminante pour lui, puisqu'il a conté dans son histoire une partie de chasse et des dîners tumultueux auxquels il regrettait d'avoir participé. Ses réponses évasives à son secrétaire laissent sim­plement croire qu'il se mêlait à son équipée un souvenir désa­gréable sur la nature duquel nous ne pourrons probablement jamais que formuler des hypothèses. Si, un jour, l'une d'elles mettait en cause sa mère, Margherita Bosco, si souvent mèlée à sa propre histoire, ce ne devrait pas être pour avoir laisse interrompre les études de son fils, comme l'a cru le P. Euge­nio Ceria. Le jour où il était parti vers la Moglia. elles n'avaient en effet pas encore été commencées avec son maitre Don Calosso. Quant aux hésitations chronologiques de l'au­teur, qu'un autre bon historien (le P. Jan Klein) a fait intervc­nir à cet endroit. elles ne sutfisent pas à expliquer l'escamotage /10/ de l'épisode. De tels scrupules n'embarrassèrent jamais parti­culièrement notre saint, surtout pour sa propre biographie. En outre, si, par hasard, ils l'avaient gêné dans ses "mémoires", on ne voit pas pourquoi ils auraient continué de lui fermer la bouche quand son biographe l'interrogeait dix ans après leur rédaction. Nous demeurons dans l'incertitude.


Une chronologie à corriger


Le lecteur un peu pointilleux de ces souvenirs est aussi mal à l'aise devant leur chronologie. En effet, les dates, qui n'y manquent pas, au point d'engendrer, chez les gens qui aiment la précision, une impression favorable à leur histori­cité, n'y sont qu'exceptionnellement exactes. Giovanni Bat­tista Lemoyne, qui s'imposa de les vérifier toutes pour son histoire de Don Bosco (1898 et suivants), le savait bien. Depuis le jour de sa naissance, qu'il a fixée au 15, au lieu du 16, août 1815 (date fournie par son acte de baptême), jus­qu'à l'année 1839, qu'il croyait avoir été celle de sa première tonsure et de sa réception des ordres mineurs (29 mars 1840, selon la lettre d'ordination), Don Bosco a multiplié les confu­sions dans le récit de ses vingt-cinq premières années. Nous relevons dix-sept erreurs chronologiques pour la période 1815­-1841.

Ajoutons tout de suite que, quoi qu'il en paraisse, le rôle de la fantaisie fut restreint dans la distribution de ces dates fautives. Quand il les établit, Don Bosco s'est en effet imposé des rappro­chements assez attentifs. Pour expliquer ses erreurs, il suffit de retrouver le mécanisme qui les a engendrées. Mais il faut dater du début de novembre 1829, quand Giovanni Bosco avait qua­torze ans, la rencontre si souvent racontée du prêtre Calosso sur la route de Buttigliera, que notre document (suivi en bataillon serré par tous les biographes du saint pendant un siècle) a fixée au mois d'avril 1826, donc quand l'enfant avait dix ans et demi, il faut dater de Noël 1830 l'entrée à l'école de Castelnuovo d'Asti. que le document a fixée à Noël 1828 ; il faut dater du mois de novembre 1831 et du mois de novembre 1835 respectivement les entrées au collège et au séminaire /11/ de Chieri, fixées par le document en 1830 et 1834. Les divers états du texte de Don Bosco, avec ses reprises, ses ratures et ses additions, et quelques informations transmises par des registres ou des pièces officielles nous permettent aujourd'hui de rectifier la majorité des dates de notre mémorialiste.


La véracité du récit


A vrai dire, non seulement la chronologie absolue de ces souvenirs, mais leur chronologie relative elle-même a pu être prise en défaut. Selon Don Bosco, l'oratoire ambulant de Turin (1844-1846) s'est installé à Saint-Pierre-aux-Liens après être passé aux « Molassi » ; mais Don Ceria faisait remarquer que ce fut l'inverse. Ailleurs, c'est la toponymie que le même commentateur dut remettre au point: Moltedo Superiore n'est pas « près d'Oneglia », comme l'écrivait Don Bosco, mais a près de Portomaurizio ». Il n'était pas non plus tout à fait exact de dire que le théologien Guala avait été le fondateur du Collège Ecclésiastique (Convitto Ecclesiastico) de Turin. Créée par l'abbé Brunone Lanteri (1759-1830), cette oeuvre ne fut que financée et dirigée par le prêtre en question. Après les remarques antérieures sur les intentions pédagogiques du récit et les déficiences de sa chronologie, ces menues erreurs vérifia­bles finissent par mettre en doute le sérieux de 1"`autobiogra­phie" de Don Bosco. Quelle créance accorder, pensera un esprit chagrin (ou exigeant), à une collection mal agencée d'his­toriettes édifiantes ?

On ne supprimera pas le problème en le niant: il est difficile et les solutions globales sont aléatoires. Quant à nous, n'ayant pas le loisir de nous livrer à des études de détail dans le cadre de cette introduction, nous nous bornerons à formuler quelques principes de solution à appliquer à chacun des élé­ments de cette histoire. Le lecteur invité à "traiter" cette docu­mentation doit tenir compte de la mentalité de l'auteur, du genre qu'il a ici adopté et d'un certain nombre de constatations,que le texte même lui suggère. /12/

A priori, le caractère dé Don Bosco faisait de lui un témoin de choix. Visionnaire la nuit (ses « songes » sont célè­bres), ce n'était pourtant pas un exalté ou un mythomane. Quoi qu'en aient pu penser divers sages de son temps, la mesure fut la règle de sa vie. Giovanni Battista Lemoyne, qui le fréquenta pendant vingt-quatre ans (1864-1888), assurait justement qu'il n'y avait dans sa conversation rien d'étrange ni de contraire au bon sens. Le critique, qui le voit aligner ses documents dans ses biographies d'enfants ou ses oeuvres de vulgarisation historique, les agrémentant seulement de brefs commentaires, accuserait plutôt son imagination de pauvreté sèche que de fertilité créatrice. L'expérience de ses contempo­rains, confirmée par l'analyse de son oeuvre, nous persuade que le frein des facultés imaginatives de Don Bosco était singu­lièrement robuste. D'ailleurs son sens moral et son réalisme intellectuel, que personne ne s'est jamais avisé de contester sérieusement, l'aidaient à discerner sans grand-peine le vrai du faux. Le vrai apparaissait à la surface de son esprit sans effort particulier. Et sa mémoire était légendaire. Il revivait aisément ses souvenirs et mimait des scènes dont il avait été l'acteur ou le témoin. Ses larges possibilités en ce domaine étaient incontestables.

Encore lui fallait-il les exploiter. Nous savons que, dans ses "mémoires", il ne s'est pas contenté de raconter ses souve­nirs, mais qu'il en a profité pour donner des leçons aux lecteurs à travers les descriptions et les dialogues. Son goût pour le pittoresque et le trait piquant l'a aidé dans la reconstitution des scènes et des réflexions des protagonistes. Il suffit de com­parer les divers récits du premier dialogue avec Don Calosso (dont nous possédons trois versions à partir de notre auteur, trois fois source immédiate) pour s'assurer qu'il lui est arrivé de rebâtir des anecdotes en les racontant. Nous ne pouvons nullement garantir l'historicité des propos du dialogue qui a suivi le songe de neuf ans, de l'échange avec Bartolomeo Garelli le 8 décembre 1841 ou de l'entrevue de Don Bosco avec le marquis Michele Benso di Cavour, père de Camille et de Gustave Cavour... Il faut cependant arriver à comprendre que cette affabulation indéniable - à laquelle ses dévots bio­graphes n'ont pas assez prêté attention - n'a pas transformé /14/ les "souvenirs autobiographiques" de Don Bosco en une lon­gue parabole. Ils seraient aussi vrais que l'histoire de l’« enfant prodigue », mais pas plus...

Il y a redit ce qu'il avait maintes fois répété à ses enfants et à ses collaborateurs. Sa fidélité à ses formules bien que suffisamment souple, nous surprend aujourd'hui. Avant nous, le P. Lemoyne en fut joyeusement étonné, quand il prépara le récit de la jeunesse de son grand homme. A des mois et des années de distance, Don Bosco a répété des anecdotes en ter­mes identiques, comme s'il les lisait. Certains traits de sa jeu­nesse, racontés pour le moins à douze ans d'intervalle (1861-­1873), se répondent presque mot pour mot dans les relations auxquelles ils ont donné lieu. A sa manière, Don Bosco fut véridique. Les témoins des événements de sa jeunesse décrits par lui n'ont jamais, que nous sachions, contredit sur la sub­stance de ses témoignages. A son procès informatif de canoni­sation (Turin, 1892), la déposition très autorisée de son ancien camarade de séminaire, Giovanni Francesco Giacomelli, concorda avec le texte des "mémoires". Les sections où ceux-ci mettaient en scène Luigi Comollo ont été confirmées pour l'essentiel (amitié avec Giovanni Bosco, « apparition ») par des témoins directs ou indirects, dans des lettres conservées ou des témoignages oraux recueillis vers 1890. Un paragraphe sur les traités théologiques de cinquième année de séminaire s'accorde bien avec le témoignage indépendant de Don Fe­braro, qui, vicaire à Castelnuovo, avait été témoin du brillant examen venu conclure ses études sacerdotales. Ce prêtre tenait des renseignements complémentaires de l'examinateur en per­sonne, le curé de Castelnuovo.

Quand les témoignages de Don Bosco ne sont pas contrô­lables directement, leur facture intelligente et nuancée suffit à les défendre. En particulier, l'auteur de ces souvenirs n'y a guère fait « acception des personnes », ni de la sienne, ni de celle des autres, pour les embellir ou les charger. Jamais absolu, jamais brutal dans ses appréciations, il n'a pourtant pas omis de dire sa pensée sur son demi-frère Antonio et sa psychologie obtuse; sur Don Moglia, le maître sans autorité de l'école de Castelnuovo ; sur l'atmosphère édifiante du col­lège de Chien, qui contrastait curieusement avec le climat /15/ presque scandaleux du séminaire de l'endroit; non plus que sur les « directeurs » de ce dernier établissement que les sémi­naristes fuyaient comme des « bêtes noires ». On imagine les considérations lénifiantes, dont un moralisateur à tout prix du siècle dernier n'eût pas manqué de parsemer ces chapitres. On les cherchera en vain dans le récit de Don Bosco . Quand il s'est agi de brosser son propre portrait, il atteignit à une objec­tivité tout à fait rare dans une "autobiographie". Il ne s'est pas ménagé. Relisant ses phrases, Don Lemoyne trouvait même qu'il avait exagéré et qu'il s'était noirci par humilité! En quoi il n'avait pas toujours tort. Quand le futur saint nous assure qu'il était, dans sa jeunesse, absolument dénué des « vertus nécessaires à l'état » sacerdotal, nous hésitons à le prendre au sérieux. Cette réserve faite, on évitera de croire que Don Bosco s'est systématiquement calomnié. Il a confié ses difficultés à obéir quand il était enfant, avoué s'être trouvé en certaines occasions submergé par la « rage » et avoir été longtemps peu intéressé par les livres pieux. Parlant de ses premiers sermons, il a reconnu s'y être surtout préoccupé de littérature et de vaine gloire. S'il fut promu en classe d'humanités, ce fut, nous a-t-il confié, lui si prompt à reconnaître ailleurs ses succès scolaires, grâce à la protection efficace de son « vénéré professeur », le P. Giusiana. A l'opposé, il n'a pas fait mystère de l'enthou­siasme que ses talents innombrables déclenchaient, ces mêmes années, parmi ses camarades de collège. Il a parlé de sa force physique, de son agilité d'acrobate et de prestidigitateur, de sa mémoire et de ses dons de versificateur. Don Bosco ne s'est donc pas diminué à plaisir dans l'histoire de sa jeunesse et de ses quinze premières années de vie sacerdotale. Franc et sim­ple, il l'a toujours été, quitte d'ailleurs à forcer les chiffres de ses effectifs et à majorer l'importance de ses oeuvres. C'était de la diplomatie! Mais que sa réputation risquât ou non de souffrir de ses aveux, contrairement à l'immense majorité des mémorialistes (qui peuvent tirer gloire de leurs faiblesses soi­gneusement étalées...), cela lui parut toujours secondaire, sur­tout dans un document comme celui-ci qu'il destinait à ses fils spirituels.

Notre conclusion sur la véracité ou, si l'on veut, l'« histo­ricité » des souvenirs autobiographiques de saint Jean Bosco /16/ traduits dans ce volume, sera banale. Les récits des gens intelli­gents, clairs et droits, ne sont pas autrement appréciés. Vrais dans leur substance, ils n'ont pas la rigidité des plaques sensi­bles et des bandes sonores. L'attestation bien fondée y est colorée par l'affabulation. Don Bosco, qui a lui aussi dit le vrai, a enrichi les faits de sa jeunesse de sa pensée de l'âge mur, il leur a infusé un peu de ses préoccupations. Ses dialo­gues ont, par exemple, été rebâtis. La vie a traversé et person­nalisé son récit. Mais la vérité essentielle de celui-ci n'en a pas été « altérée » pour autant. Il faut, pour lire ces témoignages, tels que nous les a transmis un homme de soixante ans parlant de sa jeunesse, coïncider avec l'âme qui les a recréés pour nous. Qui prétend n'y chercher que des rapports étroitement « objectifs » sera toujours déçu. Ce sera tant pis pour lui ! Ces 'mémoires" ne sont pas des constats policiers, mais les confi­dences paternelles de Don Bosco à des fils qu'il voulait, par son "autobiographie", à la fois édifier, former et divertir (1).

Francis Desramaut
















(1) Les éléments de cette introduction dérivent en partie d'une analyse des Memo­rie dell'Oratorio de Don Bosco dans F. DESRAMAUT, Les Memorie I de Giovanni Battista Lemovne. Étude d'un ouvrage fondamental sur la jeunesse de saint Jean Bosco, Lyon, 1962, p. 115-134. La traduction qui suit a été établie sur le livre de S. GIOVANNI BOSCO, Memorie dell'Oratorio di S. Francesco di Sales dal 1815 al 1855, éd. E. Ceria. Turin. Società Editrice Internazionale, 1946, qui est une reproduc­tion scrupuleuse de la copie de Don Berto revue par Don Bosco.


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NOTE DU TRADUCTEUR





Cette traduction française des Memorie dell'Oratorio di .S. Francesco di Sales... rédigées par saint Jean Bosco et éditées par Don E. Ceria (cfr. Introduction p.9) n'est pas une « pre­mière ». Bien des amis du Saint ont lu, avec plaisir certaine­ment, les Quarante années d'épreuves du P. A. Auffray (Vitte. 1951). Le livre se donnait pour une traduction du manuscrit de Don Bosco. En fait, le souci et le talent littéraires de l'auteur aboutissaient à en faire une adaptation.

Ainsi, soit parce que l'ouvrage est devenu introuvable, soit parce qu'il a paru souhaitable d'avoir une traduction plus fidèle de l'original, nous avons essayé celle-ci. Elle n'est pas parfaite. Une traduction l'est-elle jamais ? Elle tient compte de celle du P. Auffray, mais toujours moyennant un contrôle strict du texte italien tel que l'a édité Don E. Ceria en 1946 (voir l'introduction de F. Desramaut).

Qui voudrait, ou pourrait encore, comparer cette dernière et la nôtre se poserait certaines questions. Son doigt pointerait des divergences. Elles ne nous ont pas échappé. Il a bien fallu corriger certaines erreurs. renoncer à quelques fioritures litte­raires précisément parce que Don Bosco s'y est délibérément refusé. Par contre, nous avons souvent reproduit les notes de /19/ la précédente édition. Elles proviennent d'ailleurs, en très grande partie, du commentaire adjoint par E. Ceria à son édi­tion critique. Une mise à jour s'imposait, elle a été faite.

Quelques remarques sur la « manière » de Don Bosco dans ces cahiers de souvenirs. Don Ceria encore la jugeait ainsi: « (Don Bosco) parle simplement (alla buona) et le coeur sur la main... Son écriture est celle de quelqu'un qui est pressé. très pressé. » Il "parle", il n'a pas le temps "d'écrire".

Dès la première page il apparaît aussi comme quelqu'un qui éprouve quelque pudeur à se mettre en cause. Très souvent il évite une narration à la première personne, préférant une tournure impersonnelle ou recourant à une circonlocution au passif. Ce n'est pas du style châtié. La narration y perd en vivacité. Mais c'est Don Bosco s'attelant à sa tâche par obéis­sance et, il faut le- dire après lui, non sans amour. Alors nous avons laissé parler l'homme comme il l'a délibérément voulu. Là même à travers un « style aimable, à sa ressemblance » (Ceria) nous rencontrons le prêtre « d'une bonté humble, cha­ritable, d'une sensibilité calme et sereine... »

Le manuscrit lui-même révèle quelqu'un qui n'a pas négligé son travail, qui se relit, rature, surcharge, note en marge un trait oublié. Cela il l'a fait avec plus de soin quand il écrivait pour l'édition. Dans ces notes confidentielles c'est davantage le coeur qui parle, son « prologue » ne trompe pas! Et puis il a de temps à autre une pointe d'humour, discrète, par rappro­chements de mots. La description de la mère du jeune Jonas (p. 7-6) en est pleine. Il ruse avec ses interlocuteurs désireux de le mettre dans leur sac.

D'autre part il arrive à Don Bosco de se répéter, de ne pas se souvenir d'avoir déjà présenté un personnage. I1 n'y a pas à éviter au lecteur l'étonnement de s'en apercevoir. Un homme dévoré d'activités, tel le dépeignait à lui-même la sus-ceptible marquise Barolo dès 1846..., mais qu'était-il donc en 1873-1876 ? Rares étaient pour lui les heures où il pouvait se mettre à sa table de travail l'esprit tranquille. Qu'on veuille bien le retrouver tel dans cet émouvant témoignage légué par un père vieillissant à ses fils. /20/

Il nous faut enfin signaler une lacune de cette traduction impossible à combler: elle ne reflète pas la vivacité ou la bonhomie des expressions populaires piémontaises que, sous le couvert de l'interdiction de toute publication dès l'abord édictée, Don Bosco n'a pas cherché à éviter. Qui est en mesure de recourir à l'édition du texte original italien de Don Ceria et à ses annotations pourra juger de quelle façon l'auteur a tenu compte des avis de certains de ses premiers mentors : être simple et populaire.

Que souhaiter de mieux, sinon que ce document rende saint Jean Bosco plus proche de ses amis et son oeuvre mieux comprise à sa source ?

A. B.











- Les parenthèses ( ) signifient que le mot ou la locution inclus ne sont pas dans le texte original, souvent très concis ou difficilement traduisible par un seul terme français. - Les crochets [ ] utilisés par le premier éditeur, Don Ceria, signifient qu'un mot a été ajouté pour combler une lacune du manuscrit. Lorsqu'ils circonscrivent une date, c'est nous qui les utilisons pour spécifier ce que Don Bosco a laissé en blanc et qui se trouve précisé par ailleurs.

- Pour les lecteurs peu familiarisés avec la langue italienne, nous signalons que, dans les noms propres de personnes ou de lieux, la lettre e doit toujours être pronon­cée é. Nous avons gardé l'orthographe originale. Ainsi, le nom de la ville bien connue de Chieri est à lire Chiéri (exactement : Kiéri).

- La numérotation des sections est de la main même de Don Bosco. On pourra remarquer qu'elle n'est pas constante. Elle fait défaut au début et à la fin, parfois même dans le cours de l'ouvrage.




/21/



















MÉMOIRES POUR SERVIR

À L'HISTOIRE

DE L'ORATOIRE

SAINT-FRANÇOIS-DE-SALES





Liminaire.




Plusieurs fois on m'a demandé d'écrire les souvenirs concernant l'Oratoire

(1)iSaint-François-de-Sales. Bien qu'il me fût difficile de me soustraire à l'autorité de qui me le demandait, pourtant je n'ai pu encore me résoudre à (entre­-/22/ prendre) ce travail de peur d'avoir à parler trop souvent de moi. Maintenant, (à l'invitation) s'ajouta un ordre émanant d'une personne de très haute autorité.ii Aucun ajournement n'était plus possible. Voici donc ces menus souvenirs confi­dentiels, capables d'apporter quelque lumière et d'être utiles à (ceux qui travaillent dans) cette institution que la divine Providence a confiée à la Société de Saint-François-de-Sales. Ces lignes, je les écris avant tout, je tiens à le dire, pour mes très chers fils, les Salésiens, avec défense de leur donner (quel­que) publicité (que ce soit) avant comme après ma mort.(2)iii

A quoi donc ce travail pourra-t-il servir? Il servira de norme pour surmonter les difficultés à venir en prenant leçon du passé. II servira à faire connaître comment Dieu lui-même conduit chaque chose en son temps. Enfin, il servira d'agréable délassement à mes fils quand ils pourront lire (le récit) des événements que leur père a vécus. Ils le feront encore plus volontiers quand, appelé à rendre compte à Dieu de mes actions, je ne serai plus au milieu d'eux. S'il m'arrivait de mettre trop de complaisance dans l'exposé de ces faits, ou d'avoir l'air d'en tirer quelque vaine gloire, veuillez m'en excu­ser. C'est un père qui se réjouit de parler de ce qui l'intéresse avec ses fils aimants, qui, eux aussi, prennent plaisir à connaî­tre les petites aventures de celui qui les a tant aimés, et qui, en tout, dans les petites comme dans les grandes choses, n'a eu qu'une pensée : travailler à leur avantage spirituel et tempo­rel.

Je répartis tous ces souvenirs en décennies, c'est-à-dire en périodes de dix ans, parce que les développements notables et /24/ sensibles de notre Institut, se sont opérés en de tels laps de temps.

Quand vous lirez ces pages, après ma mort, rappelez-vous, ô mes fils, que vous avez eu un père très attaché qui, avant de quitter ce monde, a tenu à vous laisser ces souvenirs comme gage de son affection paternelle. A cette pensée, faites monter (vers Dieu) une prière fervente pour le repos de mon âme.



Dix années d'enfance. - La mort de mon père.

- Famille en détresse. - Ma mère reste veuve.


Le jour de l'Assomption de Marie au ciel fut celui de ma naissance, en l'an 1815(1) iv , à Murialdo,(2) v bourg de Castel­nuovo d'Asti. Ma mère s'appelait Marguerite Occhiena, de Capriglio (3) vi. Mon père s'appelait François (4) vii. C'étaient des paysans, gagnant honnêtement leur pain à force de labeur et d'économie. Presque uniquement à la sueur de son front, mon père arrivait à faire vivre ma grand-mère, septuagénaire et accablée de toutes sortes d'infirmités, trois garçons : /25/

Antoine (5) viii l'aîné, fils d'un premier mariage, Joseph,(6) ix le second et moi, Jean, le cadet, plus deux valets de ferme.

Je n'avais pas encore deux ans que le bon Dieu nous frappa d'un terrible malheur. Notre bien-aimé père, encore robuste et à la fleur de l'âge, très soucieux de l'éducation chré­tienne de ses enfants, revint un jour du travail, trempé de sueur. Il descendit imprudemment au sous-sol, dans la cave glacée.(7) x La transpiration s'arrêta net et, le soir, une fièvre violente se déclara suivie d'une grave congestion. Tout soin fut inutile et, en peu de jours, il arriva au terme de sa vie. Muni de tous les secours de la religion et recommandant à ma mère la confiance en Dieu, il rendit le dernier soupir. Il avait seulement trente-quatre ans. C'était le 12 mai 1817.

Pour moi, je ne sais trop ce que je devins en cette triste circonstance. Un fait reste présent à ma mémoire, le premier souvenir de ma vie. Alors que tout le monde sortait de la chambre du défunt, moi, je voulais absolument y rester. « Viens, Jean, viens avec moi, me répétait ma mère éplorée. - Si papa ne vient pas, répondis-je, je ne veux pas m'en aller. - Pauvre enfant, reprit ma mère, viens avec moi, tu n'as plus de père ».(8) xi Ceci dit, elle éclata en sanglots, me prit par la main et m'entraîna ailleurs. Moi je pleurais parce qu'elle pleu­rait. A cet âge je ne pouvais pas encore réaliser quel affreux malheur c'était de perdre un père.

Cet événement plongea toute la famille dans la consterna­tion. Il y avait cinq personnes à nourrir. Cette année-là, en raison d'une extrême sécheresse, la récolte avait été désas­treuse. C'était pourtant notre unique ressource. Les aliments montaient à des prix fabuleux. Le blé se payait jusqu'à /26/ 25 francs (9) xii l'héminée,(10) xiii le maïs et la mélique, 16 francs. Plisieurs témoins de cette époque m'on assuré que les mendiants suppliaient instamment qu'on leur donnât un peu de son pour mêler à leurs pois chiches ou à leurs haricots et s'en faire une nourriture. On trouva dans les champs des personnes mortes de faim la bouche pleine de l'herbe dont elles avaient tenté d'apaiser leur faim lancinante.

Ma mère me raconta plus d'une fois qu'elle servit à man­ger à la famille autant qu'elle le put. Mais, un jour, elle dut porter une somme d'argent à un voisin nommé Bernard Cavallo pour qu'il allât nous chercher de quoi manger. Cet ami fit différents marchés, mais ne put rien trouver, même à des prix exorbitants. Il revint deux jours après, sur le soir. Nous étions tous à l'attendre anxieusement. Mais lorsqu'il nous apprit qu'il n'avait avec lui rien que l'argent, la panique s'empara de nous tous. Comme ce jour-là chacun n'avait reçu qu'une bien maigre ration, on craignait les funestes conséquen­ces de la faim pour la nuit. Ma mère ne se laissa pas aller au découragement. Elle frappa chez des voisins demandant qu'on lui prêtât quelque aliment.(11) xiv Elle ne trouva personne qui puisse lui venir en aide. « Mon mari, dit-elle alors, m'a dit en mourant d'avoir confiance en Dieu. Venez donc, agenouillons­nous et prions. » Après une courte prière elle se leva et dit: « Aux grands maux les grands remèdes! » Aidée de Cavallo déjà nommé elle se rendit à l'étable, tua un veau, en fit cuire une partie en toute hâte et put ainsi rassasier notre famille exténuée. Les jours suivants on put s'approvisionner en grains qu'on fit venir de villages éloignés à un prix très élevé. /27/

On peut s'imaginer quelles souffrances et quelles fatigues dut endurer ma mère en cette année de malheurs. Toujours courbée sur le travail, économisant sans cesse et prenant soin des plus petites choses, et grâce aux secours qui lui parvinrent, souvent de façon providentielle, on put traverser cette époque de disette. Tous ces faits me furent souvent racontés par ma mère ; et des voisins, parents et amis me les confirmèrent maintes fois.

Passé ce temps de misère, et comme notre situation domestique s'était améliorée, voici que l'on proposa à ma mère un mariage très avantageux.(12)xv Mais elle répondit cons­tamment : « Dieu m'a donné un mari et il me l'a enlevé. A sa mort, il m'a confié trois fils. Je serais une mère bien cruelle si je les abandonnais au moment où ils ont le plus besoin de moi. » On lui dit alors que ses fils seraient placés chez un bon tuteur, qui en prendrait grand soin. « Le tuteur, répondit la brave femme, est un ami ; moi je suis la mère de mes enfants ; je ne les abandonnerai jamais, même au prix de tout l'or du monde. »

Son plus grand souci fut d'instruire ses fils dans la reli­gion, de les inciter à l'obéissance et de leur fournir des occupa­tions en rapport avec leur âge. Tant que je fus petit, elle m'ap­prit elle-même les prières. Devenu capable de me joindre à mes frères, elle me faisait mettre à genoux avec eux, matin et soir, et tous ensemble nous récitions les prières en commun et le chapelet. Je me souviens qu'elle me prépara elle-même à ma première confession, m'accompagna à l'église et com­mença par se confesser elle-même. Elle me recommanda au confesseur, et, ensuite, m'aida à faire mon action de grâces. Elle me continua son assistance jusqu'au jour où elle me crut capable de faire convenablement ma confession tout seul. /28/

J'avais alors atteint mes neuf ans. Ma mère désirait m'en­voyer à l'école, mais la distance à parcourir la rendait per­plexe: jusqu'au bourg de Castelnuovo il y avait cinq kilomè­tres. Mon frère Antoine s'opposait à ce que je me rende au collège. On en vint à un arrangement. Pendant l'hiver, j'allais à l'école d'un petit village voisin, Capriglio, où je pus appren­dre les éléments de la lecture et de l'écriture. Mon maître était un prêtre d'une grande piété, nommé Joseph Delacqua, qui fut plein de bonté pour moi. Il mettait tout son coeur à m'ensei­gner et surtout à m'éduquer chrétiennement. Puis, pendant l'été, j'apaisais mon frère en travaillant à la campagne.


Un rêve.


A cet âge je fis un rêve (1) xvi qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. Pendant mon sommeil, il me sem­bla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d'enfants, rassemblés là, s'y amu­saient. Les uns riaient, d'autres jouaient, beaucoup blasphé­maient. Lorsque j'entendis ces blasphèmes, je m'élançai au milieu d'eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire. A ce moment apparut un homme d'aspect vénérable, /29/ dans la force de l'âge et magnifiquement vêtu. Un manteau blanc l'enveloppait tout entier. Son visage étincelait au point que je ne pouvais le regarder. Il m'appela par mon nom et m'ordonna de me mettre à la tête de ces enfants. Puis il ajouta: « Ce n'est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié. Commence donc immédiate­ment à leur faire une instruction sur la laideur du péché et l'excellence de la vertu. »

Confus et effrayé je lui fis remarquer que je n'étais qu'un pauvre gosse ignorant, incapable de parler de religion à ces garçons. Alors les gamins, cessant de se disputer, de crier et de blasphémer vinrent se grouper autour de l'homme qui par­lait.

Sans bien réaliser ce qu'il m'avait dit, j'ajoutai: « Qui êtes-vous donc pour m'ordonner une chose impossible ? »

- C'est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l'obéissance et l'acquisition de la science.

- Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ? - Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sot­tise.

- Mais, vous, qui êtes-vous pour me parler de la sorte ? - Je suis le fils de celle que ta mère t'a appris à saluer trois fois le jour.(2)xvii /30/

- Ma mère me dit de ne pas fréquenter sans sa permission des gens que je ne connais pas: dites-moi donc votre nom. - Mon nom, demande-le à ma mère.

A ce moment-là je vis près de lui une dame d'aspect majestueux, vêtue d'un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante. S'avi­sant que je m'embrouillais de plus en plus dans mes questions et mes réponses, elle me fit signe d'approcher et me prit avec bonté par la main. « Regarde », me dit-elle. Je regardai et m'aperçus que tous les enfants s'étaient enfuis. A leur place, je vis une multitude de chevreaux, de chiens, de chats, d'ours et de toutes sortes d'animaux. « Voilà ton champ d'action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »

Je tournai alors les yeux et voici qu'à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gam­badant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme.

A ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleu­rer et demandai qu'on voulût bien me parler de façon compré­hensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit: « Tu compren­dras tout en son temps.»

A ces mots un bruit me réveilla et tout disparut.

Je demeurai éberlué. Il me semblait que les mains me faisaient mal à cause des coups de poings donnés et que ma figure était endolorie des gifles reçues. Et puis, ce personnage, cette dame, ce que j'avais dit et entendu, tout cela m'obsédait à tel point que, cette nuit-là, je ne pus me rendormir.

Au matin je m'empressai de raconter ce rêve, d'abord à mes frères qui se mirent à rire, puis à ma mère et à ma grand­mère. Chacun donnait son interprétation.(3)xviii Mon frère /31/ Joseph disait: "tu debiendras gardien de chèvres, de moutons ou d'autres bêtes. » Ma mère: « Qui sait si tu ne dols pas devenir prêtre? » Antoine, d'un ton sec: « Peut-être seras-tu chef de brigands! » Mais ma grand-mère qui savait pas mal de théologie - elle était parfaitement illettrée -, énonça une sentence péremptoire: « Il ne faut pas faire attention aux rêves. »

Moi, j'étais de l'avis de grand-mère. Malgré tout il me fut désormais tout à fait impossible de m'enlever ce rêve de la tête. Ce que je raconterai par la suite lui donnera quelque signification. J'ai toujours gardé le silence sur tout cela et mes parents n'en firent jamais cas. Mais, quand je me rendis à Rome en 1858 pour traiter avec le pape de la congrégation salésienne, il se fit tout raconter minutieusement, même ce qui pouvait n'avoir que l'apparence de surnaturel. Je racontai alors pour la première fois le rêve que j'avais fait à l'âge de neuf ou dix ans. Le pape m'ordonna (4)xix de l'écrire dans son sens littéral (5),xx en détail, et de le laisser ainsi comme encoura­gement aux fils de la Congrégation qui était l'objet de ce voyage à Rome. /32/






Notes


i (1) Don Bosco a donné à l'aeuvre de jeunesse qu'il mettait sur pied, on verra dans quelles circonstances, le nom d'Oratoire (en italien : Oratorio). Avant lui, saint Phi­lippe Néri avait déjà utilisé ce mot pour désigner une oeuvre qu'il lança en 1564 en vue d'une formation chrétienne des jeunes. Que Don Bosco ait voulu se réclamer implicitement du saint florentin en donnant le nom d'Oratoire à ses toutes premières réunions d'enfants et d'adolescents, on peut le croire quand on sait l'estime qu'il porta toujours à sa spiritualité (cf. F. Desramaut, Don Bosco et la vie spirituelle, Beauchesne, 1967, p. 42 sq.). Dans notre traduction nous rendons le mot italien oratorio par "patro­nage" quand il correspond à ce qu'en français on a appelé ainsi. Voir p. ex. le diction­naire Larousse (1977) qui définit la forme de patronage ici en vue: "organisation qui vise à assurer la protection de la jeunesse en accueillant, les jours de congé, les enfants et adolescents...", ce que fit Don Bosco en ses "oratoires". Nous gardons ce terme quand il désigne l'Oratoire Saint-François-de-Sales du Valdocco, puisque, tradition­nellement, on lui a conservé ce nom. Que le terme ait pu paraître ambigu même en Italie, le fait rapporté p. 145 en est la preuve.

ii (1) L'autorité qui a « demandé », puis a « ordonné » semble bien être une seule et même personne: te pape Pie IX. Cf. plus loin p. 32 note 4.

iii (2) Don Ceria nous apprend que, du vivant de Don Bosco déjà, de larges extraits de ces « Souvenirs » avaient été utilisés par l'un ou l'autre. Dans une conférence aux directeurs de ses maisons (2 février 1876) Don Bosco déclarait qu'il lui importait peu qu'on parle ou non de lui « pourvu que l'oeuvre de Dieu soit manifestée ». Il allait donc de soi que ses successeurs n'hésitent pas à rendre publiques ces notes confiden­tielles. Que Don Bosco n'ait pas voulu les livrer lui-même aux presses explique en partie l'allure parfois un peu âpre de son récit. Ce qui ne veut pas dire que son style soit négligé. Le manuscrit atteste qu'il s'y reprit souvent à plusieurs fois pour rédiger un paragraphe.

iv (1) Saint Jean Bosco a toujours affirmé qu'il était né le 15 août ; au cours de sa vie on fêtait son anniversaire au jour de l'Assomption. Dans son cercueil le parchemin donnant ses dates de naissance et de mort portait: 15 août 1815, 31 janvier 1888. Ce ne fut qu'après sa mort qu'en consultant les registres paroissiaux, on découvrit que la « véritable » date de sa naissance pouvait bien être le 16. L'acte de baptême signé par le curé Sismondo et daté du 17 août 1815 dit en effet qu'il était né « hier, dans la soirée » (heri vespere natus). On peut en déduire que le père de Jean a dû préciser à son curé à peu près en ces termes le moment de la naissance. Mais n'était-il pas poussé à diminuer le plus possible l'écart entre la naissance et le baptême" Toujours est-il que depuis le dix-neuvième siècle on retient le 16 août comme jour officiel de la naissance de Jean Bosco.

v (2) Hameau de Castelnuovo d Asti, aujourd'hui Castelnuovo Don Bosco, gros bourg situé à 27 kilomètres de Turin. De Murialdo ou plutôt Morialdo à Castelnuovo, la route compte 4 kilomètres. Le pâté de maisons où naquit Don Bosco s'appelle Les Becchi, du nom d'une famille qui, jadis, s'était établie là.

vi (3) Tout petit village à 7 kilomètres de Morialdo. La mère de Don Bosco naquit le 1er avril 1788.

vii (4) Le pere du saint a\\ ait épousé. en secondes noces. Marguerite Occhiena le 6 juin 1812 Elle avait donc vingt-quatre ans.

viii (5) Né le 3 février 1808.

ix (6) Né le 8 avril 1813.

x (7) Cette cave existe encore, toute proche de la maison natale du saint.

xi (8) Sur la tombe du grand éducateur, on avait gravé: Orphanorum pater. Qui sait si le premier souvenir douloureux de cette enfance ne fut pas pour beaucoup dans cette vocation de Père des orphelins?

xii (9) Le Piémont avait été pendant dix ans sous la domination des armées de Napoléon et, au contact des occupants, l'habitude de compter en francs avait remplacé celle de compter en lires.

xiii (10) Vieille mesure piémontaise, employée surtout dans le commerce des légumes secs. Elle valait environ 23 litres. La mélique est une plante fourragère utilisée habi­tuellement pour la seule nourriture du bétail.

xiv (11) C'était d'un usage courant dans les bonnes populations piémontaises qu'en cas de besoin extrême on s'empruntât de porte à porte. On rendait à la première occa­sion.

xv (12) La curiosité des historiens s'est fortement exercée à essayer de découvrir quelle aurait été cette union, plutôt fortunée, mais exigeante probablement, puisque Don Bosco indique qu'elle aurait dû séparer les fils de la mère. On n'a jamais rien pu trouver.

xvi (1) Le mot italien sogno ici employé par Don Bosco peut se traduire indifférem­rnent par « songe » ou par « rêve ». On parle généralement des songes de Don Bosco. Il en a lui-même relaté plusieurs, soit dans ces souvenirs, soit de vive voix et ses biographes nous les ont transmis. Don J.-B Lemoyne, puis Don A. Amadéi et Don E. Ceria en ont relaté environ cent-vingt dans les Memorie biografiche..., les « Souve­nirs biographiques de saint Jean Bosco » édités à Turin de 1838 à 1939 (19 vol.). Qu'en penser ? Les récits de ces rêves posent d'abord des problèmes de critique historique. Le P. F. Desramaut a touché cette question dans son Don Bosco et la vie spirìtuelle, Beauchesne, 1967 à qui nous empruntons la substance de cette note. En ce qui concerne le « songe des neuf ans » il renvoie à son important ouvrage : Les Mernorie I de Giovanni Battista Lemoyne, Lyon, 1962 p. 250-256 (voir la note 1 de l'introduction). Quant à leur interprétation, on peut dire que Don Bosco lui-même sut garder une sage réserve. Dans ce chapitre même il se déclare de l'avis de sa grand-mère : « II ne faut pas faire attention aux rêves. » Voir aussi plus loin p. 88. Vers soixante ans, dans un sermon de retraite, il s'exprimait encore plus clairement : « On dit qu'il ne faut pas s'occuper des rêves: je vous dis que, dans la majeure partie des cas. je suis moi aussi de cet avis. Parfois cependant, bien qu'ils ne nous révèlent pas des choses à venir, ils servent à nous faire connaître comment dénouer des affaires très embrouillées et à procéder en diverses occasions avec une véritable prudence. Il est alors permis d'en tenir compte, pour ce qu'ils offrent de bon... » (cité en F. Desra­maut l.c. p. 48). Même attitude affirmée en 1885, trois ans avant sa mort. A cette époque Don Bosco parlait d'expérience. II a toujours affirmé d'ailleurs avoir été provi­dentiellement guidé par de tels rêves soit dans la fondation de son oeuvre, soit dans son orientation. Souvent il en racontait, soit qu'ils aient été réels, soit qu'il se servit d'un « genre littéraire » pour la formation spirituelle ou pédagogique de ses collabora­teurs ou de ses enfants. Il est certain que, aussi bien la théologie, qui a à se pencher sur bien d'autres cas semblables présentés dans l'histoire de la sainteté chrétienne, que la psychologie et l'investigation du subconscient ont leur mot à dire en la matière. Homme de Dieu Don Bosco savait, lui, que le Seigneur a mille façons de guider ses apôtres.

xvii (2) Allusion à la récitation de l'Angelus, de tradition dans les vieilles campagnes piémontaises. Trois fois parjour, au son de la cloche paroissiale, on suspendait tout travail pour saluer la Vierge de l'Incarnation. Qui n'a devant les yeux le célèbre tableau de Millet ? Don Bosco voulut que cette coutume se conservât dans ses maisons

xviii (3) Chacune de ces interprétations reflète la mentalité de chacun des membres de la famille. Chez Joseph, c'est le paysan en herbe qui apparaît ; chez Antoine, le type jaloux. envieux, médisant : chez la grand-mère, la femme que la vie a instruite et mise en garde contre les illusions : chez la mère la chrétienne portée à voir en tout :s voies du Seigneur.

xix (4) En réalité, en 1858, lors de son premier voyage à Rome, ce fut plutôt un conseil que Pie IX donna à Don Bosco. A son second voyage, en 1867, ce fut un ordre formel que reçut le saint qui, jusqu'à ce jour, n'avait pas trouvé le temps de raconter ses années de misère.

xx (5) Nous empruntons ici, presque à la lettre, la traduction de F. Desramaut dans Don Bosco et la vie spirituelle, ouvrage déjà cité, p. 281-283.







15

Introduction. Note. Liminaire